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Intervention de Guy Geoffroy

Réunion du 29 juin 2010 à 9h30
Prévention et répression des violences faites aux femmes — Discussion en deuxième lecture d'une proposition de loi

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuy Geoffroy, rapporteur de la commission spéciale :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, madame la présidente de la commission spéciale, mes chers collègues, nous sommes le 29 juin et, pour nous qui sommes dans cet hémicycle, comme pour tous nos collègues probablement, c'est une belle date pour la République et pour le Parlement. Mais ce 29 juin 2010 restera, j'en suis persuadé, avant tout et surtout, une belle date pour les femmes. C'est une belle date pour le Parlement parce que, ce 29 juin, nous aurons tenu parole. C'est une belle date pour les femmes parce que, grâce à ce 29 juin, elles bénéficieront de davantage de protection lorsqu'elles seront victimes de toutes les formes de violences que nous connaissons désormais, et que les actes commis à leur encontre seront davantage punis.

Nous avons respecté notre parole, ce qui n'était pas simple. Rappelons-nous : le 25 novembre 2008, le Collectif national pour les droits des femmes est reçu par le président de l'Assemblée nationale. Suite à cette entrevue très riche, et très concentrée sur les objectifs et les ambitions, la Conférence des présidents, à la demande du président Accoyer, crée une mission d'évaluation. Cette mission se met en place sous la présidence, toujours extrêmement éclairée, de Danielle Bousquet ; la tâche exaltante, mais délicate, de rapporteur m'est confiée et nous nous mettons au travail. Il y a tout juste un an, nous rendions nos conclusions, unanimement saluées par le Parlement, par les observateurs et par les femmes.

Nous avons décidé de ne pas traîner en chemin et de faire en sorte qu'une fois ces conclusions rendues, nous puissions, ici même, adopter, à partir des conclusions de nature législative de la mission, cette proposition de loi, signée par ses trente membres et déposée le 25 novembre dernier. Et, concours de circonstances ne devant évidemment rien au hasard, le Premier ministre, au nom du Gouvernement, annonçait, ce même jour, que l'année 2010 serait celle d'une grande cause, celle de la lutte contre les violences faites aux femmes. Il précisait également que le Gouvernement prendrait ses responsabilités et qu'il s'appuierait, s'agissant du socle législatif, sur le travail issu de la volonté parlementaire. Je dois dire combien le Gouvernement – et vous en particulier, madame la secrétaire d'État – s'est attaché à respecter sans cesse la volonté du législateur, agissant au nom de tous nos concitoyens.

Nous avons mis en place cette commission spéciale qui a continué le travail et a conduit, avec une belle et solide unanimité, à la première lecture de cette proposition de loi, le 25 février dernier. Nous devons être infiniment reconnaissants au Gouvernement d'avoir bien compris qu'il était fondamental, après ce vote, que le Sénat soit saisi le plus rapidement possible du texte en dépit de l'intermède des élections régionales, et que nous en débattions à nouveau avant la fin de la session ordinaire afin que, comme le Premier ministre l'avait souhaité le 25 novembre dernier, la loi soit adoptée définitivement et donc publiée en cette fin du mois de juin. Mais nous devions également nous assurer, au passage, que notre volonté ne serait pas édulcorée et que notre ambition ne serait pas rabaissée, parce que, et personne n'en doute, profondément ancrée dans ce que nous pensons tous individuellement et dans ce que nous a fait comprendre notre travail collectif.

Sans faire, naturellement, preuve de suspicion à l'égard de nos collègues sénateurs, nous avons souhaité que, lors de l'examen de ce texte, ils ne s'éloignent pas de notre volonté, volonté que l'on retrouvait d'ailleurs dans la proposition de loi du sénateur Courteau dont vous avez parlé, madame la secrétaire d'État. Je dois dire que, grâce à la qualité du travail que j'ai pu effectuer avec mon collègue rapporteur du Sénat et avec le président de la commission des lois du Sénat, en relation permanente avec notre commission spéciale et en relation évidente avec le Gouvernement, aucun grave péril n'a menacé le texte qui nous est soumis aujourd'hui, ce qui aurait pu nous faire regretter la vitesse attendue et espérée avec laquelle nous avons travaillé.

L'essentiel est dans ce texte, et il est irréversible. Dorénavant, une femme victime de violences pourra le faire valoir et obtenir ainsi du juge aux affaires familiales une ordonnance de protection qui lui permettra, pendant les quelques mois pour lesquels elle sera délivrée, de trouver la sécurité et la sérénité et d'envisager son avenir de femme et éventuellement de conjoint. Il lui sera alors également possible, s'il y a lieu, d'engager une action judiciaire au civil, au pénal, ou les deux. Cette ordonnance de protection a été consolidée par le Sénat. Ainsi, le juge aux affaires familiales pourra également prendre des mesures, y compris pénales, ce à quoi nous étions très attachés.

Je tiens à remercier le Gouvernement d'avoir accepté de ne pas rouvrir les sujets sur lesquels il est encore possible de dialoguer, car il était pour nous impensable de le faire lors de l'examen en deuxième lecture de cet important texte.

Oui, demain, les femmes seront protégées, qu'il s'agisse de leur logement, de leur situation financière ou de leur statut sur le territoire national. Ainsi, lorsqu'elles sont étrangères et en situation irrégulière, elles pourront bénéficier de l'aide juridictionnelle. Bref, nous retrouvons intact ce socle important qui fonde l'ordonnance de protection.

Je citerai également les dispositions de nature pénale. Nous étions très désireux que soit inscrit dans notre droit, en dépit de la difficulté de bien le définir, le délit de violence psychologique. Il figurera dans notre droit pénal lorsque nous aurons adopté ce texte et il n'en sortira pas.

Nous tenions également à consolider le dispositif en veillant à ce que les femmes qui sortiraient du silence et porteraient plainte ne soient pas, en retour, l'objet de poursuites pour dénonciation calomnieuse. La loi encadrera cette précaution.

Nous avons, enfin, souhaité que la médiation pénale, dont nous avons toujours estimé qu'elle n'était pas appropriée aux situations de violence vécues par les femmes, puisse être écartée en cas de violence avérée. Nous en avons débattu ici, tout comme le Sénat, et nous en avons à nouveau, hier, discuté en commission. Je pense très sincèrement que les dispositions adoptées, très solides juridiquement, garantiront à ces femmes de ne pas être entraînées contre leur gré dans une médiation qui n'est pas de mise en la matière.

Toutes les dispositions, y compris celles que nous avons ajoutées concernant la prévention, l'éducation et les médias, même si certaines d'entre elles ont été modifiées, quelquefois enrichies et parfois quelque peu affaiblies, il faut le dire, par nos collègues sénateurs, se retrouvent dans le texte tel qu'il résulte de nos travaux.

Ce texte aurait certes pu être amélioré, mais nous nous serions alors perdus dans les méandres d'une procédure parlementaire où nous n'aurions plus trouvé place. C'est donc en toute responsabilité que chacun des membres de la commission spéciale a choisi, hier, de proposer à notre Assemblée de voter sans modification ce texte issu des travaux du Sénat. Cette annonce solennelle des uns et des autres devait être connue de nos concitoyens.

Des modifications auraient naturellement pu être apportées, et le seront probablement dans le futur. Il en va ainsi des dispositions concernant le bracelet électronique. Je suis, je le reconnais, quelque peu ennuyé que le Sénat n'ait pas bien compris notre esprit, porté par Mme la secrétaire d'État, mais l'essentiel est probablement que le recours au bracelet électronique soit inscrit dans le texte. Madame la secrétaire d'État, vous pouvez compter sur nous pour reprendre, à la première occasion, le flambeau !

Hier, avec Marie-George Buffet, nous nous sommes amusés à utiliser, à contre-courant pour ce qui me concerne, un slogan, qui, sans être tout à fait d'un autre temps, redevient en tout cas d'actualité sur cette question fondamentale, et ce tant que nous n'aurons pas changé les choses : « Ce n'est qu'un début, continuons le combat ! » (Applaudissements et rires sur de nombreux bancs.)

Dans ce combat, c'est aujourd'hui une étape essentielle, attendue, responsable, qui est franchie, et nous interpellons le Gouvernement pour qu'il mette en place le dispositif-cadre que nous appelons de nos voeux. Par cette étape, nous disons aux femmes que nous ne les avons pas trahies et que nous ne les trahirons pas.

Mes chers collègues, la commission spéciale a fait du bon travail, et je veux saluer sa présidente et tous ses membres, issus de tous les groupes de notre assemblée. Ce fut riche et exaltant, et ce fut un honneur d'être le rapporteur de ses travaux. Cet honneur, je voudrais le partager, et le meilleur moyen pour cela, c'est que nous votions sans modifications le texte adopté par le Sénat, afin que la proposition de loi issue de ce beau et courageux travail devienne dans les jours prochains loi de la République. Je suis persuadé que mon propos sera suivi et, d'avance, pour les femmes, je vous en remercie. (Applaudissements sur tous les bancs.)

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