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Intervention de Danielle Bousquet

Réunion du 29 juin 2010 à 9h30
Prévention et répression des violences faites aux femmes — Discussion en deuxième lecture d'une proposition de loi

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanielle Bousquet, présidente de la commission spéciale :

Pour autant, ces différences d'appréciation sont à mettre en balance avec les avancées considérables et novatrices sur lesquelles nos amis sénateurs nous ont rejoints. Pour les femmes victimes de violences, dont les drames sont exposés chaque jour dans la presse, ce texte doit être voté très rapidement afin d'être mis en application.

Au nombre de ces avancées, figure d'abord la création de l'ordonnance de protection, dispositif juridique qui permettra désormais au juge aux affaires familiales d'assurer dans l'urgence la protection des femmes victimes de violences, en prononçant des mesures temporaires d'ordre civil et pénal.

Parce que les violences faites aux femmes sont inacceptables quelle que soit leur forme, le législateur ne pouvait se contenter des dispositions législatives éparses qui existaient jusqu'à présent, et nous devions donc renforcer de manière décisive la pertinence et l'efficacité de la réponse pénale apportée aux victimes. Sur ce point, je considère, comme notre rapporteur, que nous avons fait progresser cette ambition dans le texte qui nous est aujourd'hui proposé.

Les avancées en matière pénale adoptées par notre assemblée en première lecture ont en effet été approuvées par le Sénat, qui a confirmé la création d'un délit de violence psychologique au sein du couple, conforté la reconnaissance de l'accès à l'aide juridictionnelle pour les femmes étrangères en situation irrégulière et pris soin d'éviter qu'une victime puisse être poursuivie pour dénonciation calomnieuse.

Avancées en matière civile, avancées en matière pénale, l'Assemblée nationale comme le Sénat auraient pu en rester là, mais le dispositif que nous appelons tous de nos voeux n'aurait pas été complet sans une meilleure prise en compte des droits des femmes étrangères victimes de violences. Je ne peux, à ce titre, que me féliciter que le Sénat ait préservé l'équilibre issu de nos travaux en matière de droit au séjour pour les femmes étrangères victimes de violences, qu'elles soient en situation régulière ou irrégulière.

Enfin, le texte que nous nous apprêtons à examiner comporte des avancées notables, qui touchent à la prévention des violences, volet indispensable du dispositif-cadre que nous avons voulu mettre en place. En ce domaine, si l'article 40 de la Constitution ne nous a pas permis de créer un observatoire national des violences faites aux femmes, il n'en demeure pas moins que la prévention est au coeur de notre proposition de loi, qu'il s'agisse de la formation des acteurs, de l'éducation des jeunes ou des exigences vis-à-vis des médias.

La difficulté tient au calendrier et à la procédure parlementaire : il existe un risque réel que l'adoption de ce texte soit repoussée à une date que nous ne pourrions pas maîtriser si nous décidions de modifier le texte issu du Sénat.

Nous savons tous que la politique est, par essence, une question de choix et de priorités. C'est parfois douloureux, c'est toujours complexe. Aujourd'hui, mon choix et ma priorité sont d'acter, dans l'intérêt des femmes, les avancées considérables et novatrices inscrites dans notre proposition de loi.

C'est pourquoi, en dépit des diversités d'approche qui ont pu apparaître avec le Sénat, et moins d'un an après les conclusions de la mission d'évaluation qui a présidé à son élaboration, je vous invite, mes chers collègues, à voter la présente proposition de loi dans les mêmes termes que le Sénat. Parce que la litanie morbide, sans cesse égrenée, des femmes victimes de violences du seul fait qu'elles sont femmes, est insupportable, ma détermination à agir est totale, et je ne peux donc me résoudre à retarder l'application de ce texte.

L'achèvement de la phase parlementaire d'examen et d'adoption du texte ne signifie pas, dans mon esprit, la fin de l'investissement du Parlement sur ces sujets. Si cette proposition de loi constitue incontestablement une étape importante, dont nous pouvons tous être fiers, elle n'est pas pour autant un aboutissement définitif. À l'Assemblée nationale comme au Sénat, nous devrons faire preuve d'une vigilance constante et absolue pour vérifier que les mesures que nous allons adopter sont mises en oeuvre rapidement et efficacement par le Gouvernement, qui en a pris l'engagement.

Soyez assurée, madame la secrétaire d'État, que notre volonté de suivre et d'évaluer l'application de cette loi ne faiblira pas.

Je me montrerai, à titre personnel, particulièrement vigilante quant aux mesures réglementaires que vous serez amenée à prendre afin que l'ordonnance de protection soit, quand c'est nécessaire, opposable aux tiers, dans l'intérêt de la victime, car nous savons que c'est parfois difficile.

Notre détermination sera entière aussi pour obtenir les moyens humains et financiers dont ont aujourd'hui besoin, pour mener à bien leurs missions, les associations qui accueillent les victimes, assurent le suivi des conjoints violents et sont chargées de la prévention de ces violences, ainsi que pour obtenir les moyens humains dont aura besoin la justice pour appliquer la loi.

Enfin, nous continuerons à nous mobiliser pour que soient mises en oeuvre les propositions de la mission d'évaluation qui ne relèvent pas du domaine de la loi. Elles sont nombreuses et concernent des domaines variés de l'action du Gouvernement, et elles sont tout aussi nécessaires que la loi, car seul un cadre global, cohérent et coordonné permettra de lutter efficacement contre ces violences.

Pour conclure, je tiens à rendre un hommage appuyé à notre rapporteur, avec qui ce fut un réel plaisir de travailler en bonne intelligence et en totale confiance, comme ce fut le cas avec chacun d'entre vous, mes chers collègues, et je vous en remercie. Soyons collectivement fiers de faire ensemble, ce matin, un véritable acte de civilisation. (Applaudissements sur tous les bancs.)

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