Madame la secrétaire d'État, madame la présidente de la commission spéciale, monsieur le rapporteur, notre Assemblée avait adopté en première lecture un texte qui faisait l'objet d'un consensus général. Nous étions toutes et tous contents du résultat, contents pour les femmes.
Le texte qui nous revient du Sénat nous laisse, en revanche, un goût quelque peu amer. S'il comporte des améliorations par rapport à la version issue de nos travaux, il comporte plusieurs régressions qui sont loin d'être bénignes.
De fait, nous sommes pris en tenaille entre la situation concrète de femmes qui continuent de mourir toutes les semaines sous les coups de leur conjoint ou ex-conjoint, et notre souhait de voter la loi la plus complète possible.
Nous souhaiterions en effet revenir, dans plusieurs cas, à la rédaction que notre assemblée avait adoptée en première lecture – à cet égard, je tiens aussi à remercier notre présidente et notre rapporteur pour le travail accompli –, mais nous n'avons pas la garantie que texte serait alors réinscrit rapidement en deuxième lecture à l'ordre du jour du Sénat puis en lecture définitive à celui de l'Assemblée nationale.
C'est donc le Sénat qui, dans les faits, aura le dernier mot, ce qui n'est pas conforme à l'esprit de la Constitution. Cela étant, nous préférons engranger des avancées maintenant, même si nous les aurions aimées plus importantes.
Plusieurs des reculs opérés par le Sénat traduisent un désaccord de fond quant à l'objectif visé.
Depuis la loi-cadre portée par le Collectif national des droits des femmes – qui joue un rôle important dans ce combat – jusqu'au texte voté à l'unanimité par notre assemblée, il s'agissait en principe d'une loi contre les violences de genre, c'est-à-dire les violences faites aux femmes parce qu'elles sont femmes.
C'est pourquoi elle ne concernait pas les seules violences au sein du couple, mais, plus largement, les violences au sein de la famille et même au travail. À notre grand regret, le Sénat a réduit son champ aux violences au sein du couple.
Ce refus d'appréhender les violences envers les femmes comme des violences liées au genre se double du maintien de l'obligation de la preuve comme préalable à l'ordonnance de protection. L'instauration de celle-ci repose pourtant sur l'idée qu'il faut agir vite, aider les femmes victimes à oser briser la spirale de la violence sans attendre qu'elles soient à l'hôpital. Le Sénat a préféré une rédaction de l'article 555-11 plus soupçonneuse à leur égard. C'est regrettable.
De même, d'autres suppressions opérées par le Sénat correspondent à des débats qui avaient déjà eu lieu à propos de la loi de 2006, notamment sur trois points.
Premier point : la possibilité de refuser le droit de visite et d'hébergement à un parent violent. Nombre de drames se concluant par la mort de la femme, voire par celle des enfants, ont lieu lors de l'exercice de ce droit de visite ou d'hébergement, notamment après une séparation. Nous souhaitions donc poser clairement le principe de l'interdiction dans les cas les plus graves, car, comme d'autres l'ont déjà dit, un conjoint violent ne peut pas être un bon père.
Nos collègues sénateurs ne nous ont pas suivis. Ce sont pourtant, hélas, des situations trop fréquentes. Il faudra donc s'en remettre à la bonne appréciation des juges. Espérons que l'idéologie du maintien à tout prix des liens familiaux reculera, car elle signifie, dans certains cas, danger de mort pour la femme et les enfants.
Deuxième point : la prise en compte des violences psychologiques et leur définition. Ne sont plus concernés que les agissements, non les paroles. Pourtant, des mots blessants, humiliants et répétés peuvent détruire une femme sans que le moindre geste déplacé soit commis.