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Intervention de Colette Le Moal

Réunion du 29 juin 2010 à 9h30
Prévention et répression des violences faites aux femmes — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaColette Le Moal :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, madame la présidente de la commission spéciale, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la discussion en première lecture, le 25 février dernier, de la présente proposition de loi renforçant la protection des victimes, la prévention et la répression des violences faites aux femmes, a démontré que notre assemblée peut débattre d'un sujet de cette importance en dépassant les habituelles controverses droite-gauche.

Lorsque nous avons examiné cette proposition de loi, un chiffre nous a constamment interpellés : 156 femmes mortes en 2008 sous les coups de leurs compagnons, soit une femme tuée tous les deux jours et demi.

Dans le cadre du programme européen Daphné de prévention de la violence contre les enfants, les adolescents et les femmes, une étude réalisée par l'association Psytel et la Fédération nationale solidarité femmes, et présentée le 22 juin dernier, démontre même que le nombre de décès liés aux violences conjugales est sous-estimé en France. Au chiffre officiel de 156 femmes mortes en 2008 sous les coups de leurs conjoints ou ex-conjoints, cette étude oppose une estimation de l'ordre de 460 décès liés aux violences conjugales.

Par ailleurs, cette étude montre que les actes de violence conjugale ont coûté 2,5 milliards d'euros à la société française en 2006, ce coût recouvrant les hospitalisations, les périodes de chômage ou d'arrêt de maladie des victimes de violences, ainsi que les heures que la police, la justice et le personnel médico-social passent à traiter cette violence.

La régularité statistique morbide de ces chiffres démontre qu'il s'agit bien d'une tendance structurelle lourde de notre société. Dès lors, le législateur et la puissance publique doivent les traiter comme tels ; les tabous doivent être levés pour que nous regardions en face cette terrible réalité, afin d'y mettre un terme.

Le Gouvernement a donc eu raison de déclarer « grande cause nationale 2010 » la lutte contre les violences faites aux femmes. Dans cette démarche, la représentation parlementaire a accouché d'une proposition de loi aux avancées considérables, dont le groupe Nouveau Centre est particulièrement satisfait.

Tout d'abord, nous félicitons les auteurs de ce texte de proposer l'instauration d'une ordonnance de protection des victimes, permettant de secourir d'urgence les femmes en danger, ainsi que celles menacées de mariage forcé ou de mutilations sexuelles. Cette ordonnance interviendra en amont du dépôt de plainte.

Nous saluons aussi les dispositions de la proposition de loi qui visent à renforcer la sécurité juridique des personnes étrangères victimes de violences conjugales. Aujourd'hui, le fait de quitter un mari violent équivaut le plus souvent, pour elles, à perdre leur titre de séjour, leur logement ou la garde de leurs enfants.

L'introduction du délit de violence psychologique constitue une autre avancée, qui mérite d'être soulignée. Cette violence peut avoir, en effet, des répercussions gravissimes et irréversibles sur la santé des victimes. Selon le procureur de la République à Douai, Luc Frémiot, « il est important de créer une infraction de harcèlement psychologique, compte tenu de son caractère symbolique, puisque la violence psychologique est souvent le prélude à la violence physique. Elle contribue à l'isolement de la victime, qu'elle place sous l'emprise de l'autre ».

Enfin, la référence à la définition de l'intérêt de l'enfant est capitale, et nous regrettons vivement qu'elle ait été supprimée lors de l'examen du texte par le Sénat.

En effet, au coeur de ce que j'appelle un séisme familial, c'est l'avenir des enfants qui se joue. Lorsqu'une séparation intervient dans le couple, ou lorsque la mère est contrainte de se cacher dans un foyer accueillant les femmes victimes de violences conjugales, leur sort est souvent en question. Suite à une séparation, comment le juge règle-t-il alors leurs conditions de vie quotidiennes ? Bien souvent, la raison pour laquelle les femmes n'osent pas quitter un conjoint violent, c'est la peur que les enfants leur soient retirés et placés dans des foyers éloignés.

Est-il dorénavant acquis que la mère victime de violences conserve le droit de garde de ses enfants ? Lorsque ce ne sera pas le cas, pouvez-vous nous assurer, madame la secrétaire d'État, que la famille proche sera choisie en priorité pour les accueillir ? Pour le groupe Nouveau Centre, il est primordial que le législateur veille à ce que les enfants conservent leurs repères familiaux autres que les parents, c'est-à-dire les grands-parents et la famille proche. Nous apprécions à cet égard l'évolution du titre de la proposition de loi, désormais élargie aux « violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants ».

Par ailleurs, nous nous félicitons de la réintroduction dans le texte de l'ouverture de l'accès à l'aide juridictionnelle et de la formation systématique des professionnels. L'information, la formation et la mise en réseau de tous les professionnels en contact avec les victimes permettront d'améliorer l'efficacité de la lutte contre les violences faites aux femmes. C'est pourquoi nous avions demandé au Gouvernement de réintroduire ces éléments par voie d'amendements ; nous avons été entendus !

Sur le plan pratique, nous saluons en outre la mise en place progressive, dans les services de police les plus importants, de cellules d'enquête adaptées à une meilleure prise en charge des violences familiales, tout en souhaitant qu'elle soit accélérée et étendue à un plus grand nombre de commissariats sur l'ensemble du territoire.

Nous déplorons toutefois que la réflexion n'ait pas été suffisamment étendue à la période qui suit la séparation de la femme d'avec son conjoint violent. En effet, outre les mesures de relogement, il importe de prendre des mesures d'accompagnement des victimes. À cet égard, il est très regrettable que le Sénat ait choisi de supprimer la disposition initiale du texte qui ouvrait la possibilité de refuser pour des motifs graves l'exercice du droit de visite et d'hébergement par l'autre parent. Nous craignons que, dans certains cas, de telles visites soient propices à la manifestation de nouvelles scènes de violences.

Enfin, j'appelle le législateur à ne pas se contenter d'aborder la question des violences sous le seul angle de l'action a posteriori, qu'il s'agisse de la punition des coupables ou de l'accompagnement des victimes.

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