La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant la ratification du traité de Lisbonne modifiant le traité sur l'Union européenne, le traité instituant la Communauté européenne et certains actes connexes (nos 690,691).
La parole est à M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, monsieur le président de la délégation pour l'Union européenne, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, nous étions pressés, les Européens étaient pressés de tourner la page des doutes et des reculades, pressés de passer à une autre étape plus constructive, pressés d'agir pour une Europe plus active, plus protectrice et plus proche des citoyens.
Au nom de cet impératif supérieur, les chefs d'État de pays qui avaient dit oui et de ceux qui avaient dit non ont trouvé, sous l'impulsion de la France et de l'Allemagne, l'énergie d'écrire une nouvelle page de notre histoire commune. Par votre vote de demain, le nouveau traité viendra, je l'espère, conclure une des négociations les plus efficaces de l'histoire de l'Union européenne alors même que nous sortions de longues années de doutes et d'incertitudes. Le 1er janvier prochain, si tout se passe bien, l'Europe sera dotée de nouvelles institutions. Vous en connaissez les grandes lignes : elles vous ont été plusieurs fois présentées. Je ne reviendrai pas aujourd'hui sur le détail du traité de Lisbonne. Puisqu'il ouvre, je le répète, une nouvelle ère de l'Europe, c'est de cette nouvelle phase que je voudrais vous parler, des opportunités qu'elle nous offre, qu'elle offre à l'Europe et à la France dans l'Europe.
Ce traité, monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, est avant tout un traité de réconciliation, la réconciliation, tout d'abord, de la France avec l'Europe. Alors que le référendum de 2005 nous avait fait craindre un retrait durable de notre pays, le voici de nouveau au coeur de l'Europe. À la veille de notre présidence de l'Union européenne, j'y vois le signe heureux d'un engagement français retrouvé. J'y vois surtout la preuve d'une inventivité, d'une audace et d'une volonté collectives qui nous ont beaucoup manqué ces dernières années.
En effet, la crise de l'Europe n'était pas notre apanage. Le rejet de la Constitution en France et ailleurs révélait une fracture plus profonde entre l'Europe et les citoyens…
…et une interrogation fondamentale sur le projet européen dans un paysage écartelé entre l'accélération du monde et le besoin de sécurité des citoyens. Le traité de Lisbonne réconcilie les Européens et l'Europe.
Il consolide les processus démocratiques européens et améliore la transparence des travaux de l'Union, il offre une plus grande protection des droits fondamentaux, il modifie les traités existants de manière à renforcer le contrôle démocratique des processus décisionnels et à favoriser la participation des citoyens, il instaure un droit d'initiative citoyen et il fait enfin du Parlement européen, élu directement par nos concitoyens, un véritable co-législateur à égalité avec le Conseil tant en matière budgétaire que dans un nombre important de domaines passant à la procédure de co-décision.
L'amélioration des procédures démocratiques passe aussi, bien évidemment, par votre plus grande implication dans les décisions européennes. Le rôle des parlements nationaux sera donc renforcé par leur information directe et l'extension du délai d'examen dont ils bénéficient à huit semaines, par le mécanisme d'« alerte précoce » qui permettra à un tiers des parlements nationaux de demander à la Commission européenne de réexaminer une proposition qu'ils jugeraient contraire au principe de subsidiarité, enfin par le mécanisme renforcé de contrôle de cette subsidiarité, mécanisme selon lequel un avis motivé, présenté au législateur européen par une majorité des parlements nationaux et recueillant 55 % des membres du Conseil ou d'une majorité de membres du Parlement européen permet d'empêcher l'adoption d'un texte et d'achever une procédure.
Voilà, mesdames et messieurs les députés, des mesures salutaires qui permettront, je le disais à l'instant, de réconcilier l'Union européenne et ses citoyens.
C'est une réponse à la crise ouverte en 2005 ou peut-être ouverte bien avant mais qui a culminé en 2005. Ce n'est pas pour autant un déni des causes de cette crise.
Nous avons entendu le message des électeurs. Nous avons tenu compte de leurs exigences et de leurs critiques. (Exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
La démarche constitutionnelle et des symboles sont abandonnés. La concurrence libre et non faussée n'est plus en soi un objectif de l'Union.
Un protocole sur les services d'intérêt économique général a été ajouté et le développement durable figure parmi les tout premiers objectifs de l'Union. Le traité affirme enfin que, dans ses relations avec le reste du monde, l'Union doit « contribuer à la protection de ses citoyens ».
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je le disais à l'instant : la crise de 2005 fut une crise du projet européen. Globalisation foudroyante de l'économie, éclosion de nouvelles puissances sur d'autres continents, affaiblissement de l'Occident, effacement relatif des cadres nationaux, apparition de nouvelles menaces, diffuses et omniprésentes, retour de rapports de forces dans les relations entre États : les évolutions lourdes du monde paraissent à nos concitoyens comme autant de menaces.
Nous savons bien que leurs craintes, parfois exagérées, ne sont pas, hélas, infondées : le monde qui s'ouvre à nous est incertain et il nous obligera à des adaptations très profondes dont quelques-unes seront forcément douloureuses.
Toutefois, nous avons la chance, avec l'Europe, d'avoir commencé à construire un outil formidable et une organisation aujourd'hui enviée et copiée sur tous les continents. Sans doute l'Europe n'est-elle pas suffisamment visible au jour le jour. Bien sûr, nous avons encore beaucoup à faire. Évidemment, cette mécanique lourde nous agace parfois. Nous avons pourtant des décennies d'avance sur le reste du monde. Union africaine, Mercosur, ASEAN : l'Europe est bien le modèle d'une nouvelle organisation du monde, un modèle au sens d'exemplarité autant que de maquette, au sens de modélisation autant que de modélisme, préfiguration d'un ordre mondial réinventé, démocratisé, transparent, fondé sur la justice et les droits de l'Homme, combinant avec succès les souverainetés et les identités et faisant émerger un point d'équilibre fragile, toujours fragile, entre les intérêts de chacun et l'intérêt collectif – cet intérêt général européen que nous voyons émerger chaque jour davantage.
Les dirigeants africains ou asiatiques que nous rencontrons nous le disent : face aux impuissances de l'hyperpuissance, l'Europe doit rendre possible une autre organisation du monde. C'est pour nous une vraie responsabilité, mais c'est aussi une fierté. Ce doit être, surtout, une incomparable source de courage et de détermination.
C'est pourquoi le traité que je vous demande d'approuver aujourd'hui mérite d'être apprécié à sa juste valeur, comme un moment important dans la construction de l'idéal européen.
Vous le savez, il était d'usage d'opposer jusqu'ici, de manière un peu formelle, l'élargissement à l'approfondissement. C'était en quelque sorte faire porter aux nouveaux États membres la responsabilité de notre propre incapacité à décider ou à aller de l'avant. Je suis heureux que nous ayons pu dépasser ce moment de blocage.
En supprimant le cloisonnement de l'action européenne en trois piliers, en développant les objectifs de l'Union, en étendant le vote à la majorité qualifiée à de nouveaux domaines, notamment la justice et les affaires intérieures, et en élargissant le champ des missions de la politique européenne de sécurité et de défense pour anticiper un rôle de plus en plus multiforme de l'Union dans les crises, le traité de Lisbonne nous permet en effet d'avancer réellement sur la voie de l'approfondissement.
Dans le même temps, ce texte donne à l'Union européenne les moyens de fonctionner plus efficacement à vingt-sept et d'accueillir à terme ses voisins des Balkans, grâce à des modes de décision plus faciles, à l'adoption d'ici à 2014 de la règle de la double majorité, à la mise en place, à la tête du Conseil européen, d'un président stable désigné pour deux ans et demi,…
…au plafonnement du nombre de parlementaires européens et à la perspective d'une Commission plus resserrée.
À une Europe qui s'était beaucoup élargie ces dernières années sans forcément tirer toutes les conséquences de ce changement d'échelle, ce texte offre un fonctionnement à la fois plus simple et plus efficace. Il nous permet d'affronter sereinement les inévitables lourdeurs nées d'un fonctionnement à vingt-sept. Il nous permet ainsi de mieux apprécier l'apport considérable des nouveaux États membres.
Nous sommes plus efficaces à vingt-sept pour régler des problèmes qui nous concernent tous. C'est justement l'ambition de ce traité que de nous permettre de mieux répondre aux défis de ce monde mouvant, en donnant à l'Europe de vrais moyens, ceux, tout d'abord, de mettre en oeuvre les grandes politiques d'avenir qu'attendent nos concitoyens, politiques énergétiques, environnementales ou de migrations sur lesquelles l'Europe se doit d'être à la pointe d'une mondialisation plus responsable et plus juste. Elle doit aussi initier la régulation des marchés financiers, comme le sommet de Londres du mardi 29 janvier en a esquissé l'ébauche. Sur tous ces sujets, l'Europe pourra exister aux yeux des citoyens et fera mieux apparaître sa nécessité par des actions concertées que le nouveau traité rendra plus faciles.
Mais ce nouveau traité nous donne aussi des moyens pour renforcer le poids de l'Europe dans le monde. C'est la création d'un Haut représentant pour les affaires étrangères et de sécurité, qui disposera à la fois de l'autorité et de tous les instruments cumulés du Conseil et de la Commission.
C'est le service européen pour l'action extérieure, qui réunira des moyens de la Commission, du secrétariat général du Conseil et des États membres. C'est la possibilité nouvelle de coopérations renforcées dans le domaine de la défense pour ceux des États membres qui disposent d'une capacité militaire et souscrivent des engagements. C'est la clause d'assistance mutuelle entre États membres, qui donne plus de poids et de consistance encore à la solidarité entre Européens.
Avec ces instruments nouveaux, l'Europe ne pourra plus se défausser de ses responsabilités, comme elle l'a parfois fait dans le passé. Grâce à ces avancées, l'Europe pourra devenir un acteur à part entière de la scène internationale. Par ces progrès, l'Europe retrouvera bientôt un rôle à la hauteur de son histoire et de son idéal. C'est aujourd'hui une urgence si nous ne voulons pas que cette grande ambition se trouve finalement réduite à une simple zone de libre-échange. Pour exister aux yeux du monde, le modèle européen a d'abord besoin de prouver son efficacité et sa puissance.
Cela, bien sûr, nous ramène à la question de nos ambitions réelles. Par-delà les déclarations, avons-nous la volonté d'agir ensemble ?
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Oui !
Avons-nous un projet, une ambition diplomatiques autonomes ?
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Oui !
Serons-nous capables de tirer les leçons de l'opération prévue au Tchad et en République centrafricaine pour aller au secours des populations déplacées du Darfour ?
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Oui !
Malgré les graves incertitudes actuelles pesant sur la situation du Tchad, cette opération autonome de l'Union rassemblant quatorze États membres et forte de 3 800 hommes sous commandement irlandais finira par aboutir. Et les interrogations actuelles, conjoncturelles, ne doivent pas nous dispenser de réfléchir aux épreuves qu'il nous a fallu surmonter pour parvenir, en huit mois, à de premiers déploiements, alors qu'en 1999, les chefs d'État des Quinze s'étaient fixé pour ambition de pouvoir mobiliser 60 000 hommes en soixante jours avant 2003.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, cette question de la défense européenne est cruciale.
Nous devons nous doter des moyens militaires de nos ambitions diplomatiques.
Il n'est pas normal que quelques-uns seulement y consacrent des moyens importants, pas normal que nous ne soyons pas capables d'avancer plus vite dans les domaines clés de la défense et de l'industrie de défense européennes. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Comme d'autres, ce nécessaire travail sur la défense devra s'inscrire dans le cadre plus large de la réflexion souhaitée par le Président de la République sur l'avenir de l'Union.
Ce sera le travail du groupe de réflexion dont la création a été décidée en décembre dernier et que présidera Felipe Gonzalez. Son objectif n'est pas de relancer la question institutionnelle, déjà tranchée par le traité de Lisbonne. Il s'agit de répertorier les questions et les évolutions fondamentales auxquelles l'Union est susceptible d'être confrontée. Ce groupe de sages devra accorder une attention particulière aux moyens qui permettront de mieux s'adresser aux citoyens, de mieux répondre à leurs attentes et à leurs besoins.
L'Europe s'est construite sur un idéal de paix. Elle s'est élargie pour apporter la démocratie. Elle doit maintenant s'atteler à sa nouvelle mission : devenir un acteur de premier plan des affaires du monde, faire advenir une mondialisation plus juste, mieux régulée, tournée vers le développement humain et fondée sur des principes universels de solidarité, de démocratie et de justice.
Le traité de Lisbonne nous offre des moyens pour nous atteler à cette lourde tâche. Déjà les parlements hongrois, maltais, slovène et roumain l'ont approuvé.
La France, qui en est à l'origine, doit à son tour montrer l'exemple en l'approuvant de la manière la plus large possible. Nous ne devons pas avoir peur de nous retrouver, par-delà les clivages politiques, pour un engagement européen qui dépasse les calculs politiciens. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur les bancs du groupe Nouveau Centre.)
« Nos fiertés nationales n'ont pas à s'effacer, pas plus que nos préférences philosophiques ou politiques. Après tout, ne voulons-nous pas être les champions de la démocratie rénovée ? » (Exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
« Champions des droits de l'Homme, champions du pluralisme ? […] L'Europe sera pluraliste ou ne sera pas », disait Jacques Delors.
À vous tous, députés d'un parlement pluraliste, je demande donc aujourd'hui d'approuver ce texte essentiel. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur les bancs du groupe Nouveau Centre.)
Mon intervention se fonde sur l'article 58, alinéa 1, du règlement et concerne le déroulement de nos travaux et, d'une manière générale, le fonctionnement de notre assemblée. En effet, nous constatons souvent que l'ordre du jour est modifié d'une semaine sur l'autre, mais aussi que l'utilisation de la procédure d'urgence conduit parfois les commissions à examiner un texte au dernier moment. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Mais si, chers collègues de la majorité ! Voyez la date d'enregistrement du rapport de M. de Charrette : 6 février 2008 !
Aujourd'hui, bien qu'il s'agisse de l'examen d'un texte très important, la répartition des motions de procédure n'a été décidée qu'à dix-sept heures, alors que, pour les soutenir, trois orateurs doivent intervenir pendant une demi-heure chacun.
J'affirme donc que ces conditions de travail ne sont pas bonnes pour l'exercice de la démocratie, d'autant que le peuple a rejeté ce texte important par 55 % des voix il y a deux ans. Or l'Assemblée va expédier en cinq heures l'examen d'un texte qui engage l'avenir de la France aux plans institutionnel, économique et social, et qui engage aussi l'avenir de l'Europe.
Franchement, cette manière de procéder, selon laquelle on change la Constitution le lundi, on examine en conseil des ministres le texte autorisant la ratification d'un traité le mercredi matin (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire),…
…et on soumet ce même texte à la représentation nationale le mercredi soir, n'est pas à la hauteur de l'enjeu !
La méthode utilisée, d'ailleurs, en dit long sur l'objectif politique que vous poursuivez.
Objectif qui consiste à faire passer coûte que coûte un texte dont les Français n'ont pas voulu.
Eh bien, je le dis simplement,…
…nous demandons un peu plus de respect pour le Parlement et un peu plus de respect pour nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Monsieur Sandrier, je vous rappelle que le texte du traité est connu depuis le mois de décembre,…
…qu'il a donné lieu à de multiples travaux de la commission des affaires étrangères,…
…de la délégation aux affaires européennes et que son contenu comme sa portée ont été largement débattus à l'occasion de la modification de la Constitution votée lundi à Versailles.
Monsieur le président, êtes-vous sourd ? Je n'ai pas à me faire insulter par ce monsieur !
Arrêtez votre cinéma, monsieur Emmanuelli ! M. Roubaud ne vous a pas insulté ! Il vous a simplement demandé où était votre plan B !
La parole est à M. Hervé de Charrette, rapporteur de la commission des affaires étrangères.
Monsieur le président, monsieur le ministre des affaires étrangères, monsieur le secrétaire d'État chargé des affaires européennes, chers collègues, même s'il est loin d'être parfait, le traité de Lisbonne met un terme à la crise grave déclenchée en Europe par les référendums français et hollandais rejetant le projet de traité constitutionnel.
C'est pourquoi la ratification de ce traité revêt une très grande importance.
Une fois passé le débat portant sur le choix de la procédure autorisant la ratification du traité – procédure référendaire ou procédure parlementaire –, il faut souhaiter que le Parlement français manifeste, par l'ampleur de ses votes dans les deux chambres, le vrai retour de la France en Europe et, si cela est possible, l'unité retrouvée des Français autour du projet européen qui nous rassemble depuis cinquante ans par-delà les clivages politiques. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
La crise que nous venons de traverser vient de loin. Après la chute du mur de Berlin, les dirigeants européens ont vite compris que l'adhésion à l'Union européenne des États d'Europe centrale et orientale était inéluctable – et d'ailleurs hautement souhaitable –, mais qu'en même temps elle allait soulever des questions particulièrement difficiles concernant le fonctionnement des institutions européennes. C'était le moment où la France, monsieur le ministre, réclamait l'approfondissement avant l'élargissement. Vous savez ce qu'il en est advenu !
L'Europe – l'Europe des Quinze – s'est révélée incapable de résoudre ces problèmes. Le traité d'Amsterdam, puis le traité de Nice ont illustré cette impuissance à laquelle, il faut bien le reconnaître, la France a sa part de responsabilité.
C'est donc à vingt-cinq, c'est-à-dire après l'adhésion de dix nouveaux États, qu'il a fallu aboutir. Je veux redire ici les mérites remarquables de la convention présidée par M. Giscard d'Estaing — au sein de laquelle se trouvaient plusieurs membres de l'Assemblée – pour trouver les solutions appropriées, moderniser et démocratiser les institutions de l'Union européenne et construire un consensus en Europe sur un projet de constitution. Je le dis avec d'autant plus de conviction que, en effet, le traité de Lisbonne puise l'essentiel de son contenu dans le travail de la convention.
Vint alors le référendum du 29 mai 2005.
Personne ne pourra oublier les conséquences – à vrai dire désastreuses – du rejet du référendum par la France.
La période 2005-2007 restera la période la plus sombre de la France en Europe :…
…après la stupeur de nos partenaires, notre pays marginalisé dans les instances européennes et celles-ci paralysées dans l'attente de l'élection présidentielle française.
C'est pourquoi il faut se féliciter des initiatives prises par le Président de la République – et toutes annoncées pendant la campagne électorale – en vue de sortir le processus institutionnel européen de l'impasse où il se trouvait.
C'est aussi pourquoi il faut se réjouir de l'accord franco-allemand qui a permis que, sous la présidence de la chancelière allemande, le Conseil européen adopte, le 23 juin 2007, un mandat détaillé et très précis de négociation pour un nouveau traité, lequel fut négocié par les ministres des affaires étrangères sous la présidence du Portugal et signé à Lisbonne le 13 décembre dernier.
C'est un succès, un succès collectif, un succès majeur. Le mérite du traité soumis à votre appréciation, c'est de régler l'essentiel des questions institutionnelles de l'Union européenne sans s'éloigner, sur le fond, du projet de 2004.
On peut en résumer ainsi l'architecture :
Du côté de l'exécutif, les dispositions les plus fortes sont l'institution d'une présidence stable du Conseil européen, qui donnera une voix et un visage à l'Europe ; mais aussi l'institution d'un Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, lequel disposera d'un service diplomatique européen de plein exercice ; enfin, la confirmation de la pratique déjà en cours d'une présidence stable de l'Eurogroupe.
Du côté du Parlement européen, grand gagnant de la négociation, c'est l'élargissement des compétences législatives à trente-neuf domaines nouveaux, la consécration de sa compétence budgétaire, et, très important, l'élection du président de la Commission.
Du côté des mécanismes de décision de l'Union, il faut nommer à la fois l'extension du champ d'application de la majorité qualifiée à quarante-neuf domaines nouveaux, réduisant ainsi de façon drastique les matières où subsistera la règle de l'unanimité, mais aussi le nouveau mode de calcul de cette majorité qualifiée.
Du côté des parlements nationaux, ceux-ci se voient consacrés dans leur rôle de gardiens du principe de subsidiarité…
…et du principe de proportionnalité. Selon le traité, ils « contribuent au bon fonctionnement de l'Union ».
Enfin, du côté des citoyens, ceux-ci voient leur place reconnue, la valeur juridique de la Charte des droits fondamentaux confirmée, et reconnue également la possibilité, par une pétition d'un million de signatures, d'obliger la Commission à se saisir de tel ou tel sujet relevant des compétences de l'Union : c'est le droit d'initiative citoyenne.
Bref, le traité donne à l'Union Européenne davantage de visibilité et de leadership à son sommet ; il confère à l'Union un caractère plus démocratique ; il met de l'ordre dans la répartition des compétences et des responsabilités entre l'Union et les États membres ; il rend à l'Union, menacée de paralysie, sa capacité à décider et à agir.
Tout cela ne peut que réjouir les européens convaincus de cette assemblée.
J'ajoute que le traité comporte trois éléments qui ne se trouvaient pas dans celui de 2004 et qui sont positifs : la lutte contre le changement climatique est élevée au rang de priorité de l'action de l'Union ; la politique de l'énergie devient une compétence partagée entre l'Union et les États membres ; enfin, un protocole est consacré aux services publics à caractère économique dont l'utilité et la spécificité se voient juridiquement établies.
J'ai dit, mes chers collègues, tout le bien que je pensais de ce traité que je m'efforce d'analyser devant vous de la façon la plus claire et la plus honnête possible.
Oui, c'est possible.
Cependant, ce n'est pas faire injure à ses auteurs que d'en reconnaître les faiblesses. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) On a si souvent raconté à nos concitoyens que grâce à tel traité, demain, la vie serait différente, que je crois nécessaire de regarder les choses avec lucidité.
Ces faiblesses sont, pour la majorité d'entre elles, la rançon de l'échec du référendum français, le prix, évidemment regrettable, mais qu'il fallait payer pour tenir compte des critiques dirigées par les partisans du « non » contre le traité constitutionnel dès lors qu'ils avaient gagné le référendum.
Bref, il faut le reconnaître, mes chers collègues, c'est le prix de la démocratie.
Je recommande aux Européens convaincus, qui sont nombreux dans cette assemblée, à droite comme à gauche,…
…de ne pas se cacher derrière des formules alambiquées. Et ce pour une bonne raison : c'est que nous avons l'intention de continuer le combat pour le progrès de l'Europe sans nous laisser impressionner par les adversaires de toujours de ce grand projet.
Eh bien oui, donc, nous payons, avec le traité de Lisbonne, le prix de l'échec du référendum, et ce prix est élevé.
C'est d'abord l'abandon de la démarche constitutionnelle qui avait inspiré le texte de 2004.
L'intitulé initial a disparu, malheureusement. Le ministre des affaires étrangères de l'Union est redevenu un « Haut représentant ». Les lois et les lois-cadres européennes ont cédé la place aux anciens règlements et directives de l'Union.
C'est aussi l'abandon des symboles de l'Union : le drapeau, l'hymne, la devise, la journée de l'Europe. Ils ne figurent plus dans le traité de Lisbonne.
Bien sûr, ils continuent d'exister, au point que seize États membres ont signé une déclaration annexée au traité, par laquelle ils affirment que ces symboles continueront pour eux d'être le signe commun de l'appartenance des citoyens à l'UE.
Personnellement, je pense que ces symboles auraient dû être maintenus dans le traité. En tout cas, je souhaite, monsieur le ministre, que le Gouvernement français, à l'occasion de la ratification du traité, signe la déclaration des Seize que je viens d'évoquer.
Et, à vous, monsieur le président de l'Assemblée nationale, je saisis cette opportunité pour faire une proposition : qu'à coté du drapeau français qui a été placé derrière vous, soit joint, un jour prochain, le drapeau européen.
Autre concession, celle-ci à la demande de la France : le retrait des objectifs de l'Union de la « concurrence libre et non faussée », qui est de nature à satisfaire ceux qui souhaitent l'équilibre avec les principes de solidarité et de progrès social, ce à quoi nous souscrivons volontiers.
Mais il y a encore deux concessions, beaucoup plus lourdes de conséquences. Elles n'ont pas été demandées par la France, mais par des pays qui ont profité de la réouverture de la négociation pour tenter de revenir sur les concessions qu'ils avaient acceptées initialement. Il s'agit principalement du Royaume-Uni, de l'Irlande et de la Pologne.
La première est une concession de calendrier : pour l'application du nouveau mode de calcul de la majorité qualifiée, la date d'entrée en vigueur est repoussée de 2009 à 2014, voire à 2017. C'est évidemment une concession d'une grande importance.
La seconde ne l'est pas moins : c'est le système de l'opting out…
…qui permet au Royaume-Uni, à l'Irlande et à la Pologne d'échapper soit à la Charte des droits fondamentaux, soit à l'autorité de la Cour de justice européenne, soit enfin aux règles européennes concernant la coopération judiciaire et policière. Ce n'est pas rien !
Mes chers collègues, il faut bien reconnaître que notre débat est conduit, par la volonté du Gouvernement, avec une certaine précipitation. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Je me disais bien que cette phrase ferait plaisir à quelques-uns. (Sourires.)
Mais je préfère vous appeler à porter votre regard sur les enjeux qui nous attendent.
La question institutionnelle bouche l'horizon européen depuis plus de dix ans, en fait depuis l'ouverture en 1995 de la négociation du traité d'Amsterdam. Il est temps d'en finir.
Nos concitoyens n'ont pas de raison de se passionner interminablement pour les mécanismes de fonctionnement de l'Union. Ce qui les concerne, ce sont les actions concrètes, les réalisations de l'Union. Selon la formule d'Alain Lamassoure, quand on prend l'avion, ce n'est pas pour savoir comment il vole, quoiqu'on puisse s'en inquiéter légitimement, mais pour aller vers une destination qu'on a choisie. Voilà pourquoi je veux appeler votre attention sur les enjeux qui nous attendent.
Le premier enjeu, c'est l'exercice de la présidence tournante de l'Union pendant le deuxième semestre de l'année 2008. L'importance de cette période tient au fait qu'il faudra, dans un délai rapide, préparer toutes les décisions, nombreuses et complexes, de mise en oeuvre du traité de Lisbonne. La France y puisera l'occasion de retrouver son rôle traditionnel de nation pilote dans le système européen. À elle, et à vous, messieurs les ministres, de prouver qu'elle en a de nouveau la volonté.
Le deuxième enjeu est le suivant. L'année 2009 sera, pour l'Union européenne, une année décisive. Non seulement parce qu'elle sera marquée par le renouvellement du Parlement européen et l'élection, par la majorité politique qui l'aura emporté, du futur président de la Commission. Mais aussi parce que, dès le 1er janvier, il appartiendra au Conseil européen de choisir le Président de l'Union et le Haut représentant.
Tous ces choix ne pourront plus être réservés au secret des chancelleries, comme par le passé. Ils doivent être préparés, débattus et adoptés de façon publique, sous le regard des opinions publiques, et avec le concours des parlements. C'est une excellente opportunité pour rendre l'Europe accessible à tous, compréhensible par tous.
La France doit s'y préparer. Elle y trouvera à coup sûr un test de son autorité éventuellement retrouvée. Tel est bien le deuxième enjeu.
C'est un enjeu considérable, parce que le président du Conseil européen ne trouvera pas dans le texte du traité des prérogatives autres que la présidence du Conseil. C'est au premier qui prendra cette fonction qu'il appartiendra d'en créer la véritable dimension. L'Europe a besoin, sans nul doute, d'un Président ayant une stature politique forte, aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur.
Mais, troisième enjeu, c'est dans cette période qui va de l'année 2008 à la fin de l'année 2009 que seront abordés tous les grands sujets de la relance de la construction européenne.
Le Président de la République a, en plusieurs occasions, fait connaître ses intentions : un pacte européen pour l'immigration, une politique européenne de l'énergie, une politique de lutte contre le changement climatique, la renégociation de la politique agricole commune et la relance de la politique de défense, que le ministre évoquait à l'instant.
Mais la France ne peut pas délibérer toute seule. Il lui faudra des alliés et des partenaires. La réussite des chantiers européens demande que, au sortir de cette période incertaine qui s'achève, la France et l'Allemagne reconstituent cette solide entente qui a toujours été le préalable à tous les succès, à toutes les réussites européennes.
Contrairement à ce qu'on a pu croire un moment, cette solide entente est plus nécessaire que jamais : à vingt-sept, l'Europe ne peut pas s'inspirer seulement du modèle fondateur de l'après-guerre. C'est une Europe nouvelle qui recherche un modèle nouveau. La France et l'Allemagne ont, je le crois, la charge historique de le proposer aux peuples d'Europe.
Avec la ratification du traité de Lisbonne, monsieur le président, mes chers collègues, la France voit à nouveau s'ouvrir devant elle la possibilité d'une politique européenne forte. L'Europe voit la route se dégager. À partir de là, tout restera à faire. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur les bancs du groupe Nouveau Centre.)
La parole est à M. Michel Sordi, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, l'Union européenne joue depuis maintenant plusieurs années, aux côtés des autres acteurs internationaux, un rôle important pour la préservation de la paix et de la sécurité dans le monde. Face à la complexité croissante des enjeux stratégiques, des menaces et des crises, le renforcement de la politique européenne de sécurité et de défense apparaît néanmoins comme une nécessité, tant pour l'Union que pour ses vingt-sept États membres.
Le traité de Lisbonne introduit dans les traités de l'Union européenne un dispositif détaillé qui fait de la politique de sécurité et de défense commune, la PSDC, une démarche cohérente, volontariste, souple et progressive.
En offrant aux États membres une nouvelle base d'engagement politique et militaire, le traité européen simplifié constitue donc une véritable opportunité de relancer la politique européenne de sécurité et de défense.
C'est pour cette raison que la commission de la défense a souhaité se saisir pour avis du projet de loi autorisant la ratification du traité de Lisbonne.
Le traité européen simplifié permet tout d'abord de bien clarifier les objectifs de la PSDC. Ils sont au nombre de deux : assurer à l'Union une capacité opérationnelle pour ses interventions extérieures, et préparer la définition progressive d'une politique de défense commune.
L'objectif capacitaire s'appuie sur des moyens d'action civils et militaires fournis par les Etats membres, qui doivent constituer un « réservoir unique de forces ». La PSDC repose donc sur l'implication déterminée des États membres : elle est essentiellement volontariste.
Le deuxième objectif témoigne de l'ambition européenne d'atteindre dans le futur un niveau élevé d'intégration en matière de sécurité et de défense. La mise en place d'une défense commune n'est cependant pas pour demain puisqu'elle doit être décidée par le Conseil européen à l'unanimité des vingt-sept États membres.
Les nouvelles dispositions du traité de Lisbonne n'ont donc pas vocation à faire de la PSDC une alliance militaire alternative à l'Alliance atlantique, mais plutôt à organiser une complémentarité, dans le respect des spécificités et des engagements de chacun.
Elles ouvrent également des perspectives pour l'avenir de la défense européenne, en cohérence avec l'évolution du contexte stratégique depuis la fin de la guerre froide.
Dans cette même logique, le traité simplifié élargit le champ d'intervention de l'Union, en ajoutant aux missions de gestion de crises qu'elle a menées jusqu'à présent la possibilité de conduire des missions de conseil et d'assistance militaires, ainsi que de prévention des conflits et de stabilisation post-conflits. Toutes ces actions, et c'est également une nouveauté, peuvent concourir à la lutte contre le terrorisme.
Le traité insiste également sur la dimension collective de la sécurité et de la défense de l'Union, en prévoyant une clause de solidarité en cas de catastrophe naturelle ou d'attaque terroriste et une clause d'aide et d'assistance en cas d'agression armée d'un État membre. Sans aller jusqu'à un engagement de défense mutuelle, ces clauses ont une forte signification symbolique et politique : c'est en effet la première fois que les traités fondateurs de l'Union européenne contiennent des dispositions aussi engageantes en matière de solidarité militaire et de lutte contre le terrorisme.
Pour mieux assurer la relance et le succès de la PSDC, le traité de Lisbonne, de façon souple et pragmatique, tient compte de la diversité croissante entre les vingt-sept États membres de l'Union. Cette volonté de souplesse s'exprime dans la confirmation du rôle et du fonctionnement de l'Agence européenne de défense. Créée en 2004, cette structure est ouverte à tous les États membres, qui participent aux projets selon leurs besoins, leurs compétences et leurs choix militaires et industriels. Elle permet donc une coopération à la carte, adaptable aux capacités et aux besoins de chacun. Dans le même esprit, le Conseil aura la faculté de confier une mission de gestion de crise à un groupe réduit d'États membres et pourra établir une coopération structurée permanente entre des États remplissant des critères élevés de capacités militaires et ayant souscrit des engagements contraignants en vue de missions exigeantes. L'objectif de cette coopération est de permettre à ceux qui le souhaitent d'aller plus vite dans la résorption des lacunes capacitaires et plus loin dans le développement d'une action commune.
Le succès de la politique de sécurité et de défense commune dépendra avant tout de la volonté d'implication des États et de leur capacité à dépasser les égoïsmes nationaux.
Des défis restent à relever pour donner à la PSDC toute son amplitude, en particulier trois contraintes qui ne sont pas levées par le traité de Lisbonne. La première est d'ordre institutionnel : malgré une évolution vers la règle de la majorité dans de nombreux domaines, celle de l'unanimité demeure pour le deuxième pilier de l'Union, et donc pour la PSDC. L'intérêt de la coopération structurée permanente, qui sera, elle, constituée à la majorité qualifiée, n'en est que plus grand. La deuxième est la contrainte financière : malgré une petite avancée pour la préparation des missions de gestion de crise, l'essentiel des dépenses relatives aux opérations ayant des implications militaires ou intervenant dans le domaine de la défense continuera à ne pas relever du budget de l'Union et à dépendre des contributions – donc du bon vouloir – des États membres. La troisième, enfin, est politique : en toute objectivité, il faut reconnaître qu'il n'existe pas au sein de l'Union d'accord sur les objectifs, voire sur l'utilité de la PSDC. De nombreux États membres se satisfont du système de défense et de sécurité collectives garanti par l'OTAN et considèrent le développement d'une politique européenne de sécurité et de défense autonome, au mieux, comme une redondance inutile et coûteuse, au pire, comme une concurrence dangereuse pour l'Alliance atlantique.
Pour relancer la dynamique vertueuse de la PSDC, il faut donc avant tout clarifier les objectifs et les ambitions de l'Union dans ce domaine et lever toute ambiguïté sur son articulation avec l'Alliance atlantique. Cette dernière a beaucoup à gagner d'une Union européenne mieux dotée en capacités militaires et plus autonome dans la conduite d'interventions extérieures. L'intérêt est bien sûr capacitaire – l'OTAN, comme l'Union, traversant une véritable crise de la génération de forces –, mais il est également politique, diplomatique et stratégique, car l'existence même de la PSDC multiplie les options d'intervention pour les acteurs internationaux. Même aux États-Unis, la reconnaissance de l'Union comme un acteur international possible et utile a fait son chemin. Reste à en persuader nos partenaires les plus atlantistes !
Au-delà des textes et des évolutions institutionnelles, seule une volonté politique claire et partagée par plusieurs États membres pourra véritablement relancer la politique de sécurité et de défense commune.
Du côté français, le Gouvernement est déterminé à agir dans ce sens et à faire de l'Europe de la défense un des dossiers phares de sa présidence de l'Union, au deuxième semestre 2008.
D'ores et déjà, la France a adopté sur ce dossier une position constructive et dynamique, et a clarifié sa position au sein de l'OTAN en proposant de rénover la stratégie européenne de sécurité et en s'impliquant dans les programmes d'équipement conduits en coopération. La présidence française de l'Union sera ainsi l'occasion, après la ratification du traité simplifié par l'ensemble des États membres, d'engager la constitution de la coopération structurée permanente dans un esprit d'ouverture et avec l'objectif d'en faire un outil de renforcement capacitaire et de coopération industrielle ; de mener à bien la révision de la stratégie européenne de sécurité afin d'assurer son adéquation aux enjeux stratégiques actuels ainsi qu'au nouveau champ de mission de la PSDC ; enfin d'avancer sur le dossier du commandement européen intégré, gage d'une plus grande efficacité de l'Union dans ses missions de gestion de crise et d'une meilleure complémentarité avec l'OTAN et l'ONU.
La construction de l'Europe de la défense est indissociable de l'ambition d'une Europe responsable et crédible sur la scène internationale. Il n'y aura pas de vraie diplomatie européenne sans une Union disposant des moyens d'agir, y compris sur le plan militaire quand cela est nécessaire. Bien sûr, la France ne fera rien toute seule. Mais elle doit agir dans un esprit d'ouverture et de souplesse pour persuader ses principaux partenaires de se saisir des avancées du traité de Lisbonne.
Pour toutes ces raisons, la commission de la défense nationale et des forces armées a donné un avis favorable à l'adoption des dispositions relatives à la politique de sécurité et de défense commune du projet de loi de ratification du traité européen simplifié. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur les bancs du groupe Nouveau Centre.)
La parole est à M. Axel Poniatowski, président de la commission des affaires étrangères.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, ce soir, l'Europe entière est tournée vers la France. (Murmures ironiques sur plusieurs bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) En autorisant la ratification du traité de Lisbonne, nous allons affirmer que le retour de la France en Europe n'est pas qu'un slogan. Il y a encore quelques mois, peu auraient parié sur la signature d'un traité simplifié…
…dont Nicolas Sarkozy avait lancé l'idée pendant sa campagne. Je voudrais rendre hommage – car on ne le souligne pas assez – aux peuples des dix-huit pays ayant ratifié la Constitution européenne, qui ont accepté, par solidarité, de revenir sur leur vote. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur les bancs du groupe Nouveau Centre.)
Beaucoup a déjà été dit sur le contenu du traité de Lisbonne. Notre rapporteur en a parfaitement présenté les avancées. Je ne reviens donc pas sur les changements proposés, qui consistent, pour l'essentiel, à redéfinir les règles du jeu institutionnel de l'Union, au service d'une Europe plus démocratique, plus efficace et plus compétitive à l'heure de la mondialisation. J'observe avec intérêt que les débats – parfois même les polémiques – qui commencent à poindre sur la mise en oeuvre du traité, soulignent clairement que celui-ci ne préjuge pas de l'avenir de l'Europe et de ses orientations politiques. C'est une bonne nouvelle !
Un nombre important d'articles nécessite l'adoption de décisions préparatoires, qu'il appartiendra à notre présidence de l'Union européenne du second semestre 2008 de négocier. Parmi ces décisions, le choix de la personnalité qui occupera le poste de président du Conseil européen a fait couler beaucoup d'encre ces derniers jours. C'est l'une des réformes emblématiques du traité de Lisbonne, qui vise à donner un leadership à l'Union et à incarner l'Europe dans le monde. L'enjeu est donc considérable. Le traité ne fixe aucun critère de choix ni aucune procédure de sélection des candidats, si ce n'est que ce nouveau président ne pourra exercer de mandat national. Certains ont avancé des critères. Pour ma part, je pense qu'il pourrait y en avoir trois : la personnalité retenue devra être en phase avec la future majorité du Parlement européen, ce qui lui donnera une légitimité indirecte supplémentaire ; elle devra aussi appartenir à un État qui respecte les principaux engagements européens que sont la zone euro, l'espace Schengen et la Charte des droits fondamentaux. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Comment, en effet, venant d'un pays n'adhérant pas à ces engagements, pourrait-elle être le meilleur défenseur de ces coopérations ou de ces valeurs essentielles ? La parité est le troisième critère que je propose : au moins l'un des trois postes – président du Conseil européen, Haut représentant pour les affaires étrangères ou président de la Commission – devrait être attribué à une femme. (« Très bien ! » sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je ne vois aucune raison de cantonner l'application du principe de parité aux seules démocraties nationales. L'Union européenne a tout à gagner à s'appliquer à elle-même les principes qu'elle entend promouvoir. D'ailleurs, le traité de Lisbonne fait de l'égalité entre les femmes et les hommes l'une des valeurs de l'Union telles qu'elles sont définies par le nouvel article 2 du traité sur l'Union européenne.
Le traité de Lisbonne doit permettre de donner une nouvelle impulsion à la démocratie européenne. Il ne suffit pas de se féliciter du renforcement des pouvoirs du Parlement européen et des parlements nationaux. Encore faut-il convaincre les citoyens d'aller voter lors des élections européennes !
Il est frappant de constater que plus les compétences des députés européens sont étendues, moins les électeurs vont aux urnes.
Depuis la première élection au suffrage universel direct en 1979, le taux de participation n'a cessé de décroître, élection après élection.
C'est préoccupant et il est important que cela change, car le traité de Lisbonne apporte les transformations institutionnelles les plus importantes depuis le début de la construction européenne.
L'extension à une cinquantaine de nouveaux domaines de la règle de la majorité qualifiée nous obligera à négocier plus encore avec nos partenaires pour les convaincre du bien-fondé de nos positions, pour bâtir des alliances, pour relayer nos propositions. Notre capacité d'entraînement, comme celle de l'Union européenne tout entière, est à ce prix. Parce qu'il rebat les cartes du jeu institutionnel et qu'il redistribue les pouvoirs, le traité de Lisbonne nous oblige à repenser notre stratégie d'influence. Je ne citerai pour seul exemple que celui de notre présence au sein de la Commission européenne, où nous n'aurons plus automatiquement de représentant à partir de 2014. C'est inédit pour un pays comme le nôtre, qui y comptait deux commissaires il y a encore peu de temps.
Il faudra aussi veiller à l'équilibre des pouvoirs entre la Commission d'un côté, et le Conseil européen de l'autre. Le traité de Lisbonne confirme et consacre l'obligation de coopération loyale entre les institutions de l'Union. Cette exigence devra notamment nous conduire à trouver les termes appropriés d'un dialogue politique devenu indispensable entre l'Eurogroupe et la Banque centrale européenne.
Le traité offre de nouveaux instruments pour faire de la politique en Europe. Je pense en particulier au droit d'initiative citoyenne, qui permettra à au moins un million de citoyens de demander à la Commission de prendre une initiative législative sur un sujet d'intérêt commun. À l'heure des nouvelles technologies, cela devrait donner lieu à des mouvements d'opinion de vaste ampleur.
Mais il offre aussi la possibilité de progresser plus vite sur un nombre important de sujets. Il ne tient qu'à nous de donner une traduction politique aux compétences qu'il prévoit. Ainsi, il permet l'adoption d'un règlement européen transversal sur les services publics : battons-nous pour que celui-ci voit le jour au plus vite et corresponde à notre vision du service public. Il donne une nouvelle compétence à l'Union dans le domaine de l'énergie. C'était indispensable, mais ce n'est qu'une première étape : il nous faut désormais, sur la base du traité, définir les conditions d'un consensus à vingt-sept sur un bouquet énergétique européen. À nous également de donner un contenu opérationnel à la nouvelle clause de solidarité énergétique entre les États membres. Enfin, le traité rend possible une coopération structurée permanente dans le domaine de la défense. Nous célébrerons en décembre prochain le dixième anniversaire de la déclaration franco-britannique de Saint-Malo, qui a jeté les bases d'une politique de défense commune.
Je souhaite que cette occasion soit saisie pour préparer le lancement d'une véritable coopération structurée, permanente avec nos principaux partenaires, en particulier l'Allemagne, la Grande- Bretagne, l'Espagne, l'Italie et la Pologne.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, ces perspectives me conduisent, vous l'aurez compris, à approuver sans réserve la ratification du traité de Lisbonne. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je n'exprime, monsieur le ministre, qu'un seul regret : celui de la disparition, dans le traité, des symboles de l'Union.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Eh oui !
Seize pays ont signé une déclaration commune par laquelle ils réaffirment leur attachement à ces symboles. Nous sommes nombreux parmi les parlementaires à souhaiter que la France signe, à son tour, cette déclaration.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Tout à fait !
Refuser de la signer est d'autant plus absurde que les symboles européens existent, qu'ils soient mentionnés ou non dans les traités. Ils ont, au fil du temps, rejoint le patrimoine de la République. Le drapeau européen figure, à côté du drapeau tricolore, sur la photo officielle du Président de la République. Il est hissé au fronton de nos institutions et de nos écoles. Quant à l'euro, il a une existence quotidienne pour tous les Français depuis maintenant six ans !
Comme l'a indiqué notre rapporteur, les symboles européens ont, en réalité, autant leur place dans les traités européens que dans les constitutions nationales. C'est pourquoi nous sommes nombreux à avoir annoncé que, lorsque l'Assemblée nationale sera saisie du projet de loi constitutionnel réformant nos institutions, nous proposerons d'amender l'article 88-1 de la Constitution pour y inscrire que la France reconnaît les symboles de l'Union européenne. Je vous invite, mes chers collègues, à vous y associer le moment venu. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur les bancs du groupe Nouveau Centre.)
La parole est à M. Pierre Lequiller, président de la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le chemin fut long et difficile ! Et je veux ici vous dire, en tant qu'ancien conventionnel, mon bonheur que nous soyons, enfin, arrivés à bon port.
La Constitution française a été révisée grâce aux 560 parlementaires qui ont voté « oui », avant-hier. Il nous revient maintenant d'autoriser la ratification du traité de Lisbonne, et, ainsi, de montrer l'exemple à nos partenaires européens. Nous serons les cinquièmes à accepter le traité simplifié, le premier des « grands » États de l'Union, le premier des pays fondateurs.
Le candidat Nicolas Sarkozy avait proposé aux Français de relever un défi courageux : remettre l'Europe sur les rails, et le faire vite. Six mois auront suffi pour nous donner la chance de réussir ! En six mois, l'Europe a trouvé une issue à l'interminable crise institutionnelle.
Je vais peut-être vous surprendre, mais je suis d'accord avec ceux qui nous invitent à retenir la leçon du référendum, comme l'a excellemment expliqué le rapporteur, M. de Charrette, parce qu'elle nous ramène à nos vraies responsabilités.
Les citoyens exigent plus de l'Europe que d'interminables querelles sur telle ou telle institution, sur tel ou tel poids à accorder à tel ou tel État. Ils exigent d'elle du concret, des résultats, des preuves. Ils exigent qu'elle apporte des réponses audacieuses aux défis du monde ; qu'elle protège ses citoyens dans la marche parfois brutale de la mondialisation ; qu'elle sache saisir ses opportunités en dégageant pour ses nations un chemin vers une croissance équilibrée, tournée vers les peuples, résolument engagée dans l'innovation et l'excellence ; qu'elle porte dans le monde la voie puissante, cohérente et pacifique d'un continent à qui l'Histoire a fait mesurer le prix de l'arrogance, de l'illusion et de l'imprudence.
Je crois qu'aujourd'hui est venu le moment de parler de ce que l'Europe peut faire.
Nous en aurons bientôt fini avec notre tâche d'horloger. La belle mécanique d'institutions efficaces et démocratiques est réglée par le nouveau traité. C'est un progrès considérable, car, comme le disait Jean Monnet : « si rien n'est possible sans les hommes, rien n'est durable sans les institutions ».
, président de la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne. Grâce à ce traité, la voix des peuples portera à Bruxelles. L'Europe aura, comme toutes les démocraties, un vrai régime parlementaire. Le Parlement européen et le Conseil feront ensemble la loi. Le Parlement élira l'inspirateur de l'Union, le président de la Commission. Pour que les citoyens aient un véritable choix, il faut que les partis politiques désignent clairement leur candidat à la présidence de la Commission avant les élections de 2009.
Ainsi, le choix des citoyens portera non seulement sur le programme, à l'échelle européenne, des partis européens, mais aussi sur des candidats à la présidence de la Commission.
, président de la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne. L'Europe aura un visage aux yeux de ses citoyens : celui du Président de l'Union.
La voix des nations, elle aussi, sera mieux entendue.
Les parlements nationaux pourront dénoncer tous les projets qui méconnaissent le principe décisif selon lequel on ne fait à Bruxelles que ce que l'on ne peut pas réussir seuls à Paris, à Berlin ou à Rome.
Cet argument est peu avancé, mais la France elle-même sortira plus forte de ce traité. Je rappelle que, dans le calcul de la majorité qualifiée – qui prend en compte la population et favorise les grands pays –, la France sortira renforcée au sein du Conseil. Je vous rappelle que le nombre de députés qui était de soixante-douze dans le traité de Nice, est aujourd'hui de soixante-quatorze. La France sort donc renforcée au sein du Parlement européen
Et nous n'aurons plus le prétexte du nombre et l'excuse de la mésentente pour rester immobiles. L'Europe décidera à une majorité claire et équitable sur l'essentiel des sujets qui importent. Il est vrai que nous aurons pris dix ans de retard par rapport au traité constitutionnel, puisqu'il faudra attendre 2017 – je le regrette profondément et cela constitue, à mon avis, le recul le plus grave par rapport au traité constitutionnel.
Certes, l'unanimité garde ses bastions : l'Europe sociale, l'harmonisation fiscale, la défense commune. Mais, là aussi, l'impulsion est décisive, grâce au nouvel élan donné aux groupes pionniers, aux coopérations renforcées et structurées, comme l'a dit le président de la commission des affaires étrangères.
En clair, le traité de Lisbonne donne à l'Europe les moyens d'agir : les moyens nécessaires, mais rien que les moyens nécessaires.
En 2005, lors du référendum, les peuples nous ont demandé : « Montrez nous d'abord ce que l'Europe peut faire pour nous ! »
Notre responsabilité était de forger des instruments adaptés. Pour la France, ce sera fait demain ici, à l'Assemblée, après-demain au Sénat.
Ensuite, il faudra apprendre à les manier.
Quel président pour l'Europe ? Un leader ? Un chairman ? Comment faire primer l'exigence de cohérence sur la tentation de la concurrence entre les trois nouvelles têtes que le traité de Lisbonne donne à l'Union : la présidence de l'Union, la présidence de la Commission et le Haut représentant ?
Il est temps d'en débattre dès aujourd'hui. Je suis convaincu que le choix des personnes est notre chance historique d'incarner l'Europe, donc d'impliquer ses citoyens.
Ces questions doivent désormais appartenir à l'opinion publique tout entière, dans la transparence et dans la clarté. Et c'est à la France que reviendra l'honneur d'être le maître d'oeuvre de ces chantiers.
Pour ma part, je crois que le futur Président de l'Union devra posséder deux qualités : une solide culture du compromis, bien entendu, parce que ce ne sera pas un Président de la République à la française, et une vraie force de conviction, une capacité d'entraînement pour porter haut et loin l'étendard de l'Europe unie, parce que ce ne sera pas non plus un président de style République italienne.
Il faudra qu'il incarne l'Europe, qu'il rassemble les peuples. Là encore, le débat sur les candidatures ne doit pas se faire dans le secret du Conseil européen et il doit s'ouvrir dès à présent. Il faut que nous discutions dès maintenant des personnalités qui sont candidates à la présidence de l'Union.
Mais l'essentiel est ailleurs : c'est l'Europe des résultats. Voila notre devoir. Les projets sont déjà sur la table.
Regardez Galileo, preuve éloquente de la force presque sans égale d'une Europe industrielle unie et ambitieuse.
, président de la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne. Demain, la sécurité énergétique sera l'enjeu majeur. Surtout pour nos partenaires de l'Est, trop dépendants de voisins parfois menaçants – je pense évidemment à la Russie. Mais n'est-ce pas ça, l'Europe : une entraide généreuse pour le profit de tous ?
Regardez ce que la Commission nous propose pour faire de l'Europe le phare du développement durable, nous qui avons engagé le Grenelle de l'environnement. L'Union est la seule solution pour contrer une menace qui se joue des frontières.
Observez les progrès de la politique d'immigration. On ne trouvera jamais une solution humaine, responsable et durable aux flux migratoires sans un pacte commun d'immigration.
L'Europe des résultats, c'est aussi prendre la mesure de l'urgence d'une véritable défense européenne – ce sujet a été évoqué tout à l'heure –, sans laquelle il ne peut pas y avoir de politique étrangère commune.
Je pense aussi à la culture et à l'éducation, la vraie forge d'une identité commune, surtout pour les jeunes, pour lesquels nous construisons l'Europe.
Dans tous ces domaines, qui sont précisément les priorités de la présidence française, le traité de Lisbonne aplanit les obstacles et nous donne la force d'agir.
L'important, ce sera l'ampleur des avancées, la valeur ajoutée quotidienne des lois européennes. C'est sur ce terrain que l'Europe sera jugée.
Je suis fier que, représentants du peuple, nous prenions nos responsabilités. Toute l'Europe, tous nos partenaires attendent le signal positif de la France, et plus notre « oui » sera fort, plus notre pays sera fort au moment de sa présidence. L'Europe vaut mieux que les querelles de clochers…
, président de la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne. …internes aux partis, si dérisoires (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur les bancs du groupe Nouveau Centre) par rapport à l'ambition européenne qu'il nous faut porter haut.
Je le dis sans malice, avec sincérité,…
, président de la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne. .…au parti socialiste (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche)…
, président de la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne. …l'Europe a besoin que nous nous tendions la main au-dessus des considérations partisanes pour la faire réussir.
Soyons-en conscients : les attentes sont immenses, l'échec n'est pas acceptable.
, président de la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne. C'est pour relever ces défis que je voterai avec enthousiasme et conviction le projet de loi autorisant la ratification du traité de Lisbonne, qui relancera l'Europe. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
J'ai reçu de M. Jean-Claude Sandrier et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une exception d'irrecevabilité déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.
La parole est à M. François de Rugy.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, lundi dernier, le Parlement, réuni en Congrès, a voté la révision constitutionnelle permettant la ratification du traité de Lisbonne, dont nous débattons ce soir.
La presse s'est fait l'écho de ce vote, déplorant souvent une Europe sans gloire, un débat absent, sans passion. Ce constat est bien triste, et, malheureusement, nous sommes nombreux à le partager.
La réunion du Congrès était en fait le premier épisode d'un passage en force pour l'adoption de ce nouveau traité européen, qualifié, souvent à tort d'ailleurs, de traité simplifié.
Le deuxième épisode de ce passage en force a donc lieu ce soir. Il n'est pas anodin que le Gouvernement ait choisi une séance de nuit pour débattre de la ratification de ce traité, alors que celle-ci aurait pu – aurait dû – être examinée au grand jour. Manifestement, le Président de la République et le Gouvernement font tout pour escamoter le débat sur ce texte : sans doute tentent-ils ainsi de faire oublier aux Français qu'ils refusent de les consulter par référendum.
Vous me direz qu'il est un peu paradoxal de défendre une exception d'irrecevabilité quelques jours seulement après l'adoption d'une modification de la Constitution permettant précisément la ratification de ce traité. Je reconnais bien volontiers que les députés de l'opposition sont obligés d'utiliser toutes les ressources de la procédure parlementaire pour faire exister un minimum de débat,…
…mais, à votre tour, reconnaissez avec moi que c'est un modeste paradoxe en comparaison de celui qui vous voit voter à la va-vite un texte ressemblant quand même beaucoup au traité constitutionnel rejeté par une large majorité de Français en 2005.
Les socialistes quittent l'hémicycle ! Ils ne veulent pas vous écouter !
Du point de vue des principes démocratiques, il n'est pas correct de procéder de la sorte. Je le dis d'autant plus tranquillement que, pour ma part, j'ai voté oui en 2005, que j'ai fait campagne pour le « oui » avec les Verts qui avaient pris position en faveur du traité. (« Eh bien alors ? » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Mais cela ne doit nous rendre ni aveugles ni surtout amnésiques par rapport au résultat du référendum de 2005, d'autant moins qu'il a été acquis à une majorité suffisamment large pour qu'il soit considéré comme incontestable.
J'ai bien entendu M. Copé, lundi dernier, dans son intervention au congrès de Versailles, dire que le résultat du référendum de 2005 n'avait pas grand-chose à voir avec la question posée.
Je cite vos propos, monsieur Copé : il faut prendre « enfin acte du fait que le « non » de 2005 » était, pour partie, « motivé par des raisons qui n'avaient rien à voir avec la question posée. » (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
« Celles, strictement politiciennes, qu'avançait une partie de la gauche, voulant faire du référendum de 2005 une sanction du gouvernement de l'époque ».
Au passage, je constate que ce n'est pas très aimable pour le gouvernement Raffarin, auquel il me semble que vous apparteniez, monsieur Copé. Ce n'est pas très aimable non plus pour le Président de la République de l'époque, Jacques Chirac, qui avait pourtant eu l'amabilité de vous nommer à ce gouvernement.
Monsieur Copé, je vous demande de ne pas interrompre l'orateur.
Monsieur de Rugy, poursuivez. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je vois que le débat s'instaure : c'était un peu le but de nos interventions. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Après tout, monsieur Copé, peut-être était-ce une forme d'autocritique, un genre auquel vous ne nous avez guère habitués.
Au moins, vous m'avez compris, alors que je ne suis pas sûr que vous ayez compris M. Moscovici !
Certes, le mécontentement des Français à l'égard de la politique menée par le gouvernement de l'époque était important.
Les élections régionales de 2004 en avaient montré l'ampleur. Vous devez vous en souvenir, monsieur Copé, puisque vous étiez vous-même candidat. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Pour alimenter ce mécontentement, on avait même eu droit, juste avant le référendum, à la mise en place de cette lamentable affaire du lundi de Pentecôte ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) C'est à croire que vous l'aviez fait exprès !
Par ailleurs, le Président Chirac – puisque vous faisiez indirectement allusion, dans vos propos, à sa prestation de l'époque – n'avait sans doute pas le talent du Président Mitterrand pour expliquer l'enjeu aux Français et les convaincre de voter oui. On se souvient en effet du débat télévisé de 1992…
…où François Mitterrand avait successivement débattu avec des Français et avec Philippe Séguin qui, à l'époque, était l'un des principaux partisans du non. Ce débat avait été à la fois un grand moment de démocratie et un des moments de basculement de la campagne du référendum de 1992.
S'il est un point commun entre le référendum de 2005 et celui de 1992, c'est bien l'intensité démocratique, que tout le monde a pu constater. De ce point de vue, je trouve votre argument un peu choquant, monsieur Copé, en cela qu'il insinue que les Français se seraient laissé manipuler ou qu'ils n'auraient pas été assez intelligents pour voir l'importance que revêtait le traité pour l'avenir de l'Europe. Je pense au contraire que les Français ont bel et bien répondu à la question qui leur était posée. Encore une fois, je le dis d'autant plus tranquillement et franchement que j'ai voté oui et que je continue de penser qu'il aurait été préférable pour l'Europe que ce traité soit adopté.
Si vous êtes pour le « oui », le problème est réglé ! Descendez de la tribune !
Mais un démocrate doit savoir reconnaître un résultat électoral quel qu'il soit et pour ce qu'il est, et d'autant plus lorsque le scrutin a été marqué par une forte participation et que certains électeurs qui, d'habitude, s'abstiennent, se sont déplacés pour voter. Personne ne peut nier non plus qu'il y ait eu un intense débat préalable au vote, que de nombreux arguments aient été exposés. Certes, ils n'étaient peut-être pas tous recevables – et certains, comme ceux concernant le plan B, étaient même parfois faux. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Mais personne ne peut dire que, à l'époque, les Français n'ont pas voté en connaissance de cause, après avoir été clairement informés et éclairés par les nombreux débats qui avaient été organisés.
Pour ma part, je n'interprète pas le résultat de 2005 comme un rejet définitif de tout progrès dans la construction européenne. Sans doute, certains électeurs sont opposés à toute construction politique supranationale, de même que, en 1992, certains Français étaient sincèrement opposés à l'abandon du franc et à la création d'une monnaie unique. Il y a toujours eu, en France, des gens pour considérer que l'horizon indépassable de la politique, c'est la nation. Je crois que M. Myard fait partie de ceux-là. Même si je suis à l'opposé de cette conception, je la respecte.
Mais ma conviction est que le « non » de 2005 a été une façon de donner un coup d'arrêt à diverses politiques européennes qui ne correspondaient plus au projet de départ.
Certes, la question de la paix, qui est souvent évoquée et dont d'autres collègues ont parlé avant moi, n'est pas insignifiante. Issu d'une famille qui a été très éprouvée par la Seconde Guerre mondiale, je mesure l'importance de l'acquis que représente la paix sur le continent européen, notamment grâce à la réconciliation franco-allemande. Mais si cet acquis est bien réel, les nouvelles menaces ne le sont pas moins dans le monde d'aujourd'hui, y compris sur le sol européen, notamment du fait du terrorisme. Malheureusement, sur de nombreux conflits dans le monde, y compris aux portes de l'Europe –je pense notamment à l'ex-Yougoslavie et M. Kouchner sera sensible à cet argument –, les pays européens se sont divisés et se sont condamnés à la paralysie. Du coup, l'Europe en tant que telle est apparue impuissante. De fait, elle l'est toujours.
Mais le projet européen ne s'est jamais limité à la paix et à la recherche de la sécurité. Pour ceux que l'on appelle parfois les « pères fondateurs »…
…et par exemple ceux du congrès fédéraliste de La Haye en 1948, auquel participait notamment François Mitterrand, il a toujours été question d'un projet politique visant à construire, bien sûr, un espace de paix et de fraternité par la libre circulation, mais aussi et surtout un espace de prospérité, de progrès, en un mot de solidarité.
Or les Français n'ont-ils pas sanctionné en 2005 le fait que l'Union européenne est clairement en train de devenir, élargissement après élargissement, une vaste zone de libre-échange, dépourvue de toute ambition politique, démocratique, écologique et sociale ? N'est-ce pas la vision britannique qui est en train de triompher ? Cette vision d'une Europe inexistante politiquement, et donc de fait alignée sur les États-Unis d'Amérique, ne va-t-elle pas triompher, y compris – c'est un comble ! – avec la complicité de la France, sous la conduite du Président Sarkozy ?
Commission européenne après Commission européenne, l'ultralibéralisme n'est-il pas en train de devenir un but en soi ? Et je ne parle pas de l'économie de marché, qui a de fait été acceptée par la quasi-totalité des courants politiques et que les Français ne souhaitent pas particulièrement remplacer par un autre système. Mais le peuple de France est un peuple plein de sagesse et il voit bien que, d'une approche pragmatique de l'économie, on a basculé dans une approche purement idéologique.
La concurrence interne à l'Union européenne peut certes être positive. Mais, quand elle est érigée en dogme et quand on met en concurrence des entreprises qui ne travaillent pas dans les mêmes conditions en matière de droit du travail et de fiscalité, tout est tiré vers le bas. On le voit tous les jours. C'est la logique du low cost et du hard discount qui se généralise.
Qui peut reprocher aux Français d'avoir voulu donner un coup d'arrêt à cette logique destructrice ? Il y a certes des gens, comme M. Attali dans un récent rapport, qui voudraient aller encore plus loin dans cette logique.
Il est vrai qu'on peut se demander si quelque chose repousserait après son passage.
Franchement, je n'ai pas l'impression que cela suscite un enthousiasme débordant parmi les Français.
Est-ce à dire que la France voudrait se figer dans une forme de conservatisme ou qu'elle voudrait ériger de nouvelles lignes Maginot ? Pour certains, très minoritaires, peut-être. Mais, dans leur grande majorité, les Français demandent simplement à maîtriser les évolutions, ils demandent des protections. Qui peut le leur reprocher ? L'élargissement de l'Europe, par exemple, est tout à fait légitime. Personne ne conteste cette perspective historique, mais il aurait fallu renforcer nos institutions avant, plutôt que de constater la paralysie après. Il serait juste, normal, légitime de négocier des transitions et des ouvertures maîtrisées, qui correspondent à une concurrence loyale. Au lieu de cela, il faut bien dire que, aujourd'hui, on met les États, leurs systèmes de protection sociale ou leurs fiscalités en concurrence, en refusant toute idée d'harmonisation.
De même, on peut se demander si les dirigeants de la Commission européenne, M. Barroso en tête – qui, rappelons-le, a été le Premier ministre conservateur du Portugal pendant de nombreuses années –, n'organisent pas sciemment la désindustrialisation de l'Europe en ouvrant le marché européen à la concurrence mondiale comme aucun autre marché au monde. Le marché européen va devenir le plus ouvert du monde. Comment accepter de voir les délocalisations se multiplier – tous les jours on en apprend, et il ne suffit pas d'aller dans une usine à Gandrange pour régler le problème –, alors qu'elles sont d'abord le fait d'une concurrence déloyale de pays comme la Chine, qui ne respectent aucune des règles démocratiques, écologiques et sociales qui sont le fondement du pacte d'origine de l'Union européenne ? Et je ne parle pas de la politique monétaire qui obéit à une sorte d'obsession idéologique vis-à-vis de la lutte contre l'inflation, alors que la récession guette du fait d'un accès de plus en plus difficile au crédit. Quand on voit comment la Réserve fédérale américaine réagit dans les mêmes circonstances, on se dit que, décidément, d'autres choix seraient possibles, ne serait-ce qu'en nommant des gouverneurs de la Banque centrale européenne un peu plus pragmatiques.
Le « non » de 2005 a été autant à l'origine d'une crise que le résultat d'une crise de la construction européenne, crise qui remonte déjà à plusieurs années, crise qui prend ses racines dans ces dérives de la construction.
Les partisans sincères et même parfois passionnés de la construction de l'Europe – dont je suis (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) –…
…devraient avoir le courage et la lucidité de reconnaître que cette crise est aujourd'hui profonde. Si on ne le reconnaît pas, si l'on essaie de masquer les choses, on ment aux Français.
Si nous défendons aujourd'hui le référendum comme mode de ratification, ce n'est pas pour rejouer le match de 2005, mais parce que le désamour, le divorce entre les Français et les instances européennes risque de s'aggraver encore avec une procédure strictement parlementaire.
Avec les Verts de toute l'Europe, nous plaidons pour une procédure de référendum européen, qui aurait lieu le même jour dans les vingt-sept pays de l'Union. Ce serait sans aucun doute la meilleure garantie pour que les débats ne se passent pas uniquement au niveau national, mais pour que l'enjeu européen soit clairement posé.
Certes, on me dit que le référendum n'est pas la tradition de certains pays d'Europe. Mais, après tout, cette pratique française – mais aussi néerlandaise ou irlandaise – ne pourrait-elle pas s'exporter ? Pourquoi est-il inenvisageable que la France enrichisse l'Europe de certaines de ses traditions, comme elle peut s'enrichir de certaines habitudes d'autres pays européens ? N'est-il pas temps d'innover en Europe, si nous voulons renouer le lien de confiance qui s'est rompu entre les peuples et le type de construction qui s'est imposée souvent sans débat démocratique ?
À défaut d'un référendum européen, avec mes collègues Verts, j'ai soutenu à toutes les occasions qui nous ont été offertes le recours au référendum national pour la ratification du traité, au nom du parallélisme des formes et parce que nous ne voulons pas que les parlementaires usurpent l'expression des Français. Je le dis d'autant plus tranquillement que j'ai voté oui en 2005 (« Encore ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)…
…et que je suis l'élu d'une circonscription qui a majoritairement voté oui. Je ne trahirai pas le vote des habitants de ma circonscription, mais j'aimerais savoir comment chacun justifie son attitude par rapport à ceux qui ont voté au mois de mai 2005.
Il est probable que la majorité UMP nous imposera une ratification sans référendum : demain, au moment du vote final, nous devrons donc peser le pour et le contre sur le contenu même du traité de Lisbonne. Nous le ferons, nous ne nous défausserons pas. Comme tous les traités européens, celui-ci est un compromis entre différentes visions, entre des intérêts différents. Ce texte présente malheureusement – et c'est un comble – quelques reculs par rapport au traité constitutionnel de 2005.
Ainsi, nous ne pouvons que regretter l'abandon des références au drapeau européen, à la devise ou encore à l'hymne européen, alors que le sentiment d'appartenance à une communauté de destin se nourrit aussi de symboles.
Mais, plus grave est le sort réservé, d'autres y ont fait allusion avant moi, à la Charte des droits fondamentaux, qui est dorénavant un texte à part et que le Royaume-Uni n'appliquera pas. C'est malheureusement la conséquence prévisible de la rupture du compromis de 2005, mais il n'est jamais bon signe de voir l'Europe à géométrie variable s'institutionnaliser.
Alors, c'est vrai, ce texte conserve certaines des avancées du traité constitutionnel européen pour le fonctionnement des institutions.
Pour tenter de sortir de la paralysie, et donc de l'impuissance, la majorité qualifiée en lieu et place de l'unanimité est étendue, et c'est une bonne chose.
Pour aller vers une Europe plus démocratique, cela a été dit avant moi, le rôle du Parlement européen – qui est tout de même la seule instance européenne élue au suffrage universel direct – a été renforcé, tout comme celui des Parlements nationaux. C'est aussi une bonne chose.
Pour assurer une plus grande visibilité et une stabilité politique, les présidences seront dorénavant assurées pendant deux ans et demi et non plus pendant six mois seulement. C'est aussi quelque chose qui va dans le bon sens. Mais tout dépendra tout de même des personnalités que l'on nommera à ces postes, car les institutions ne font pas tout, et quand on entend que quelqu'un comme Tony Blair pourrait être le candidat de compromis au sein de l'Union européenne, il y a de quoi être inquiet sur le positionnement de l'Union européenne sur la scène internationale.
En définitive, le traité de Lisbonne constitue sans doute un petit pas dans le sens de l'amélioration de la capacité de décision et d'action de l'Union par rapport au traité de Nice qui le précédait, contre lequel d'ailleurs nous avions voté. Il devrait permettre, avec la création du Haut représentant à la politique extérieure, que l'Union européenne parle d'une seule et même voix.
Pour ne pas laisser passer l'occasion de faire faire à l'Europe ce petit pas vers la sortie de crise, nous serons un certain nombre à voter oui, sans enthousiasme.
Mais, puisque l'occasion nous est encore donnée ce soir de choisir la voie du référendum pour la ratification de ce traité, je voulais saisir cette dernière chance en appelant nos collègues, au-delà des clivages politiques, au-delà aussi de l'appréciation positive ou négative que l'on peut porter sur le traité lui-même, à voter la motion référendaire qui va être déposée par le groupe socialiste et à laquelle, au nom des Verts, je me suis associé. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Nous allons passer aux explications de vote.
La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Mesdames, messieurs de l'opposition, on ne vous entend donc que dans ces circonstances ! Je me demande d'ailleurs pourquoi vous êtes si nombreux puisque vous dites toujours la même chose.
Vous ne seriez qu'un seul que le résultat serait le même !
M. le Président Valéry Giscard d'Estaing a expliqué, et après tout il est le plus compétent pour le faire puisqu'il présidait la convention qui a précédé le traité constitutionnel européen,...
..qu'il n'y avait pas de différence entre le nouveau texte et l'ancien, qu'on avait simplement utilisé une paire de ciseaux et changé l'ordonnancement du texte.
Je ne vois pas pourquoi on ne serait pas d'accord avec M. Giscard d'Estaing, qui a été l'auteur de la première version.
Le problème qui est posé, c'est celui de la démocratie. Mais, évidemment, la démocratie vous fait peur. (« Carictaure ! » et protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Ne dit-on pas pourtant vox populi, vox dei ? Mais pour vous, c'est la voix du capital qui compte, celle qui s'exprime par les cordes vocales de Mme Parisot ou de M. Bouton (Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) et dont M. Sarkozy n'est que le lansquenet. (Même mouvement.)
Rappelez-vous : pour le premier traité, 93 % – et je vois que M. Bur m'approuve –…
Mais ne voyez pas les autres à votre image, monsieur Bur. Ce serait désagréable pour vous.
Je rappelle donc que les parlementaires ont voté oui à 93 % et que les Français, eux, ont voté non à 55 %. Qu'y a-t-il de plus fort que la démocratie représentative, si ce n'est la démocratie directe ? Nous n'avons pas été élus pour dessaisir le peuple français du droit de s'exprimer. Mais vous avez peur (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) parce que vous savez où en est l'opinion de notre pays. Et vous savez aussi, par expérience, que le peuple français, lors d'un référendum, répond non seulement à la question qui est posée, mais également à celui qui pose la question.
Il est vrai que les frasques de votre mentor vous ont déstabilisés parce que les Français n'ont que faire des amourettes du Président de la République. (Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Ce qui compte pour eux, ce sont les fins de mois, ne vous en déplaise. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Que vous brailliez, mes chers collègues, quand vous n'avez rien à dire m'encouragerait plutôt à vous contredire.
La « pipolisation » ne peut pas remplacer la fidélité aux engagements pris par le Président de la République, et qui ont d'ores et déjà été trahis. Pas tous, certes. Ainsi, vous avez veillé au pouvoir d'achat des riches. Nous avons entendu cet après-midi Mme Lagarde, madame la ministre des riches (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), justifier cette démarche.
Il faut donner la parole à notre peuple. Notre peuple porte des valeurs qui sont enracinées dans notre histoire. Vos valeurs à vous sont sonnantes et trébuchantes, elles sont cotées à la bourse, quand les nôtres sont au Panthéon.
Votre politique, c'est à la corbeille qu'elle se fait. Nous, c'est dans les entreprises, dans nos campagnes, là où les gens triment, ont des fins de mois difficiles, sont inquiets pour l'avenir de leurs enfants parce que vous les pressurez chaque jour davantage pour enrichir le syndicat des nantis. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur Brard, maintenant, il vous faut expliquer quel sera le vote de votre groupe. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le président, je sens dans votre voix que vous me soutenez, et en cela, vous êtes fidèle à la pratique de Jean-Louis Debré quand il était au perchoir. Eh bien, nous voterons l'exception d'irrecevabilité.
Les députés du Nouveau Centre rejetteront l'exception d'irrecevabilité présentée par François de Rugy.
Notre collègue a parlé de tout, sauf de l'Europe. Il nous a parlé du lundi de Pentecôte, du rapport Attali...
..et très peu du traité de Lisbonne.
Alors que vous avez situé, monsieur le ministre des affaires étrangères, les enjeux du traité de Lisbonne, je voudrais citer ce qu'en disait Jacques Delors sur l'antenne de RTL : « C'est un traité qui permet à l'Europe de sortir de son coma léger, période dans laquelle rien n'était possible. Donc,il faut voter ce traité ». (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
En ce qui concerne la méthode choisie par le Président de la République de faire ratifier le traité par la voie parlementaire, Jacques Delors a répondu : « Le futur Président de la République, dans sa campagne électorale, a toujours dit qu'il le ferait par la voie parlementaire, ». Et il a ajouté : « À quoi donc sert le Parlement, les députés élus, si on ne leur délègue, sur des questions complexes, la possibilité de décider pour nous, quitte à les sanctionner ensuite. »
On ne peut pas faire le reproche au Président de la République de s'être engagé pendant sa campagne électorale de tout faire pour relancer l'Europe, d'avoir été l'artisan, dans un laps de temps si court, avec votre aide, monsieur le ministre et monsieur le secrétaire d'État chargé des affaires européennes, de ce traité de Lisbonne, et, dans le même temps, nous faire le reproche de faire adopter ce traité par le Parlement.
Comme vous l'avez dit, monsieur le ministre, ce traité est une étape indispensable pour sortir l'Europe de l'impasse. On connaît les enjeux, le Premier ministre les a explicités hier, tout en détaillant les priorités de la présidence de l'Union européenne pour les prochains mois. Les députés du Nouveau Centre, qui sont particulièrement européens, sont vigilants quant au respect de l'engagement du Président de la République de relancer l'Europe. Ce traité répond aux défis. C'est pourquoi je vous invite, mes chers collègues, à rejeter cette exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Marc Laffineur, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Bien entendu, le groupe de l'UMP rejettera cette question d'irrecevabilité. (« Oh ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Pour notre part, nous sommes fiers du traité de Lisbonne, dû à la détermination du Président de la République, qui a été affirmée clairement pendant toute la campagne électorale. Dès le premier jour de son investiture, il a été voir Mme Angela Merkel pour essayer de sortir la France et l'Europe de l'impasse dans laquelle elle se trouvait depuis déjà deux ans.
Ce traité représente une avancée fantastique pour l'Europe, il permet de sortir de la crise, de la léthargie dans laquelle l'Europe était plongée à cause du vote négatif des Français et des Hollandais. Notre collègue de Rugy était d'ailleurs si peu convaincu du bien-fondé de son exception d'irrecevabilité qu'il ne nous a même pas demandé de la voter. Au reste, il nous a dit qu'il était pour la construction européenne, tout en nous expliquant que tout était négatif !
Pour faire avancer l'Europe, pour faire en sorte que la France retrouve sa place dans l'Europe, nous rejetterons cette question d'irrecevabilité. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Ça vaut mieux !
Comme vous le savez, monsieur le président, nous venons de déposer sur le bureau de la présidence – et vous l'avez entre vos mains –le texte d'une motion référendaire que nous allons défendre dans quelques instants.
C'est pourquoi, malgré tout l'intérêt que nous avons porté à l'intervention de notre collègue François de Rugy, le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche ne participera pas au vote, se réservant pour la motion suivante, c'est-à-dire la motion référendaire que nous proposerons à l'Assemblée nationale.
Je mets aux voix l'exception d'irrecevabilité.
(L'exception d'irrecevabilité n'est pas adoptée.)
En application de l'article 122 du règlement, j'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et de quatre-vingt-sept de ses collègues, une motion tendant à proposer de soumettre au référendum le projet en discussion. La liste des signataires sera publiée au Journal officiel à la suite du compte rendu intégral de la présente séance.
(Il est procédé à l'appel nominal des signataires de la motion.)
Acte est donné de la présence effective en séance des signataires de la motion.
Hollande n'a pas signé ! (« Hollande ! Hollande ! Hollande ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Jean-Marc Ayrault. (« Où est Hollande ? » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Cette motion référendaire est une exigence démocratique, parce que l'Europe le vaut bien, parce que c'est le droit des Français,…
…parce qu'il n'y a pas d'autre voie pour exprimer le double engagement des socialistes : pour le traité, pour le référendum.
Les Français ont rejeté le traité constitutionnel européen qui leur était soumis le 29 mai 2005.
Près de trois années plus tard, un nouveau traité a été négocié. Il doit être ratifié par les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Cette exigence devrait nous rassembler toutes et tous. À quelque banc que nous appartenions, que nous souhaitions approuver ou au contraire désapprouver le traité de Lisbonne, nous devrions partager cette volonté de rendre la parole à notre peuple.
Entendons-nous bien : il n'y a pas chez moi de mythification de la voie référendaire. La démocratie représentative est une voie tout aussi noble, tout aussi démocratique. (« Bravo ! » et applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), mais aujourd'hui elle n'est pas la plus logique, ni même la plus solide pour l'avenir de l'Europe. Un traité rejeté par le peuple doit être représenté au peuple, même s'il a changé de contenu. C'est une question de confiance vis-à-vis du peuple français.
Non content de l'oublier, vous imposez au Parlement, mesdames, messieurs les ministres, un examen du texte dans les pires conditions.
A la sauvette, en pleine nuit (« Oh ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), loin de l'attention des citoyens. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Vous privez leurs représentants de la possibilité de les éclairer sur le contenu et le sens de ce traité.
Quel triste symbole que de voir la représentation nationale obligée de délibérer en une poignée d'heures à propos de 294 articles qui engagent l'avenir de l'Europe ! Comment faire comprendre à nos concitoyens que ce long débat passionné et passionnant de 2005 sera soldé entre vingt-et-une heures trente et une heure du matin ? « Le rêve de civilisation » que vous prétendez porter pour l'Europe, commence à l'Assemblée nationale par « Bonne nuit les petits ! » (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. – Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Bonne nuit, Ayrault !
Eh bien moi, avec les députés du groupe socialiste, radical et citoyen, je ne veux plus de cette Europe obscure, de cette Europe honteuse. Je veux une Europe au grand jour. Une Europe sincère et populaire. Une Europe dont on soit fier. C'est à force de dissimuler l'Europe, de la rendre incompréhensible qu'on a fini par en détourner notre peuple. C'est en masquant la réalité de ses acquis et de ses insuffisances qu'on a construit la défiance envers elle.
Voici le sens de la motion que je défends : reconnecter les Français à l'Europe ; leur permettre, selon la formule consacrée, de refaire ce qu'ils ont défait. Les partisans du oui à ce traité, dont je suis, devraient être les premiers défenseurs du référendum (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche), d'abord par respect pour les Français tout simplement.
C'est la première fois dans l'histoire de la République que le Parlement est invité à remplacer le peuple après un échec référendaire. En 1946, ce sont les Français qui ont adopté la Constitution après un premier rejet. En 1969, la démission du général de Gaulle avait enterré le projet de régionalisation auquel les Français avaient dit non par référendum. Peut-on revenir sur cette « jurisprudence » ? A la lettre, c'est vrai, la Constitution le permet, mais les représentants du peuple n'ont pas vocation à être les censeurs du peuple. Ils n'ont pas à se substituer à lui quand il s'est prononcé. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Vous arguez que, entre-temps, il y a eu l'élection de Nicolas Sarkozy à la présidence de la République (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) et que les Français ont de facto ratifié sa décision maintes fois réaffirmée de passer par la voie parlementaire.
Amusante résurrection du mandat impératif qui va obliger le Président à retirer nos troupes d'Afghanistan ou à augmenter le pouvoir d'achat des Français comme il l'a promis durant sa campagne. Voilà le mandat impératif ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Alors, soyons sérieux !
Un autre argument a été invoqué : « le traité n'est pas le même ». C'est vrai, il a perdu sa dimension constitutionnelle. Il comprend des changements substantiels et des améliorations indispensables.
Mes chers collègues, soyez sincères avec les Français, et soyons-le ensemble !
Ce traité a bien le même objet. Il reprend les mêmes principes. Il définit la même organisation des pouvoirs. Dès lors, comment admettre que l'on prive les Français d'en juger ?
Comme l'a écrit le constitutionnaliste Didier Maus – ce n'est pas un militant du parti socialiste ! –, ce dessaisissement aura « un double inconvénient : amoindrir la confiance des Français dans leur système politique et institutionnel ; enfermer l'Europe dans le cénacle des spécialistes et lui refuser une véritable légitimité démocratique. » Mesdames, messieurs les membres du Gouvernement, et de la majorité si j'ai bien compris – enfin, on verra au moment du vote ! –, voilà votre erreur ! Vous n'avez pas compris cette aspiration participative des citoyens au débat européen. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Vous en êtes restés à la conception des années soixante (Mêmes mouvements) où l'Europe était considérée comme un sujet trop complexe pour intéresser les citoyens.
C'est un archaïsme. La démocratie, l'État de droit, la protection sociale forment notre patrimoine, de Brest à Bucarest.
La moitié des législations nationales sont d'origine européenne. Une opinion publique européenne émerge qui se passionne pour les référendums sur Maastricht ou la Constitution européenne, qui s'exprime dans le refus de la guerre en Irak ou dans la solidarité vis-à-vis de pays partenaires frappés par des attentats terroristes. Et c'est au moment où l'Europe devient un mode de vie, un modèle, un espace de civilisation que vous frustrez les citoyens de leur vote. C'est un complet non-sens !
C'est en refusant d'associer directement les peuples aux grandes décisions européennes que les dirigeants de l'Union n'ont pas vu monter la déception des catégories populaires vis-à-vis de l'Europe.
C'est en croyant que l'élection nationale vaut brevet de politique européenne qu'ils ont sous-estimé son manque de réponses aux problèmes structurels du chômage, des inégalités, des délocalisations, de la vie chère. Soyons francs, je le reconnais, moi qui ai fait campagne pour le oui en 2005 : le non au référendum sur le traité constitutionnel a été la réponse populaire, en particulier celle des ouvriers et des employés, à cette impéritie politique et démocratique. Ayons l'honnêteté de le reconnaître ! Mais vous ne le faites pas ! Pourtant, c'est la vérité politique.
J'entends certains reprocher au parti socialiste d'appeler à un nouveau référendum, de prendre le risque de mettre l'Europe en danger. Oui, la consultation populaire est toujours un risque, mais en tant que militant de l'Europe, je continue d'assumer ce choix collectif. Avec François Mitterrand, avec Jacques Delors, avec Lionel Jospin nous n'avons cessé de vouloir rendre l'Europe accessible aux citoyens. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Nous avons pesé pour qu'elle devienne populaire dans tous les sens du terme, dans ses politiques comme dans ses procédures. C'est quand on permet aux citoyens de se prononcer qu'ils s'approprient l'Europe ; c'est en la cachant qu'on la rend impopulaire.
Voilà pourquoi nous sommes pour le traité et pour le référendum. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Voilà pourquoi je ne peux accepter la manière scandaleuse dont le Premier ministre, qui n'est pas avec nous ce soir, a travesti ce double engagement lors d'un récent Conseil national de l'UMP. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Moi, je n'ai pas la mémoire courte. Il était tout de même le plus mal placé pour nous faire la leçon ! Durant sa carrière politique, il a été un intermittent de l'Europe. Il a dénoncé son caractère supranational. Les anciens membres du RPR devraient s'en souvenir. Il a dit non à l'entrée de l'Espagne et du Portugal dans l'Union. L'avez-vous oublié ?
Il a voté contre la monnaie unique et contre le traité de Maastricht. Et cet éternel abonné absent de la construction européenne viendrait nous donner des leçons ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Je ne vois, dans sa trajectoire, aucun apport réel à la construction européenne qui lui permette, à lui et à ses amis du défunt RPR, de s'ériger en juges des choix européens de ma famille politique socialiste.
Permettez-moi, malgré l'heure tardive, de tenter un bilan historique. Les socialistes n'ont jamais, je dis bien jamais, manqué un rendez-vous avec l'Europe. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Fabius ! Fabius ! Fabius !
Je parle des socialistes ! Nous avons été de tous ses combats. Nous avons participé à toutes ses étapes. Oui, c'est vrai, nous avons été les architectes du marché unique, de l'euro, de l'élargissement, et des droits politiques et sociaux. (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Nos convictions européennes n'ont pas changé et je comprends que cela vous gêne !
Aujourd'hui, malgré votre politique économique et sociale désastreuse, malgré votre dérobade devant le peuple, nous nous sommes prononcés majoritairement et publiquement en faveur de la ratification du traité. Nous avons fait abstraction de toute arrière-pensée tactique ou politicienne. (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Oui, mes chers collègues ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Peu importe que ce soit Merkel, Sarkozy, Zapatero ou Socrates qui ait conçu ce traité. Nous avons décidé en fonction de nos convictions socialistes et européennes, avec pour seuls critères le contenu du traité et les intérêts supérieurs de l'Europe et de la France. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Justement ! Pensez à l'Europe et pas seulement aux intérêts du parti socialiste !
J'en viens au dernier terme de mon propos. Ceux qui m'ont interrogé auront leur réponse. Au reste, ils ont compris ma position et j'aimerais qu'ils fassent preuve d'un peu plus de bonne foi. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
C'est « Au théâtre ce soir » ! Les décors sont de Roger Hart et les costumes de Donald Cardwell !…
La principale vertu du traité de Lisbonne est de sortir l'Union de sa paralysie politique, mais aussi de dépasser le oui ou le non, d'organiser une répartition des pouvoirs plus simple et une capacité de décision plus efficace. J'avais d'ailleurs dit à l'Assemblée nationale, juste après l'échec du référendum, que c'était là une voie possible et nécessaire.
Certes, nous aurions sans nul doute négocié un texte plus ambitieux et moins dilué. La différence aurait été plus marquée sur la dimension sociale. Nous aurions poussé à l'instauration d'un salaire minimum calculé sur la base des PIB nationaux…
Nous aurions mieux défendu les protections du monde du travail. Nous aurions affirmé les principes d'une harmonisation fiscale.
Nous n'aurions pas abandonné – on l'a rappelé à cette tribune il y a quelques instants – les symboles par lesquels l'Europe reconnaissait la personnalité politique de son Union.
Nous n'aurions pas tout obtenu, mais nous aurions posé des fondations nouvelles. (Sourires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Par excès de précipitation, le Président de la République a manqué l'occasion d'une rupture plus audacieuse.
Je regrette – et je ne suis pas le seul – la lourdeur du traité, le défaut de clarté de ses principes, son manque de lisibilité. Je déplore que l'on n'ait pas avancé sur l'harmonisation sociale et fiscale, sur la politique industrielle, sur la gouvernance économique et sur le tarif extérieur commun.
Et je trouve qu'on a témoigné beaucoup d'égards aux État qui freinent le projet européen en permettant notamment à la Grande-Bretagne et à la Pologne de s'exonérer de certaines nouvelles règles du jeu. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Pour imparfait que soit ce traité, et c'est le cas de la plupart des compromis politiques – or toute la construction européenne résulte de compromis –, je juge que ses améliorations l'emportent sur ses insuffisances. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Le traité me paraît un compromis honorable entre l'ancien traité constitutionnel, à l'évidence caduc, et l'impossible statu quo actuel. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Il donne à l'Union une meilleure capacité de décision politique.
La création d'une présidence stable, la nouvelle pondération des voix au Conseil européen, la réduction du droit de veto, le développement des coopérations entre État construisent l'armature de l'Europe politique que la France n'a cessé de défendre à chaque élargissement.
Désormais, madame et messieurs les membres du Gouvernement, nous ne pourrons plus invoquer la lourdeur du processus de décision pour ne pas avancer dans la coordination économique ou dans le développement de politiques concrètes en matière d'énergie, d'immigration, de développement durable ou de relations extérieures. Nous n'aurons plus la menace permanente du veto pour justifier l'inaction en matière de politique industrielle ou de défense. Et c'est à mes yeux la clé pour redonner confiance aux Français. C'est là que l'on jugera concrètement de vos engagements européens : à la volonté d'impulser des politiques nouvelles, qui répondent aux aspirations populaires, et non pas simplement à des effets d'annonces.
C'est hallucinant !
Le deuxième apport du traité est d'effacer la fiction constitutionnelle et sa traduction dans le domaine économique.
C'est important, et les débats constitutionnels l'avaient montré en 2005. On n'institutionnalise pas le libéralisme. On ne grave pas dans le marbre la concurrence libre et non faussée. Elle revient à ce qu'elle a toujours été depuis la naissance de l'Europe : la règle centrale de nos relations commerciales, à laquelle il est cependant possible de déroger dans certains cas. La reconnaissance juridique tant attendue des services publics d'intérêt général est l'une de ces bornes indispensables que nous demandions et que nous avons enfin obtenue dans ce texte. Mais il reste à la concrétiser en adoptant la proposition de directive cadre élaborée par le groupe socialiste au Parlement européen. C'est alors qu'on pourra mesurer la réalité des intentions de votre gouvernement. Nous le jugerons sur vos actes et non pas seulement sur vos paroles.
Il en va de même pour l'institutionnalisation de la charte des droits fondamentaux, qui était l'un des combats de la gauche et de la Confédération européenne des syndicats. Elle reconnaît aux travailleurs de toute l'Europe des droits désormais inaliénables. Elle leur servira de référence pour défendre leurs acquis devant la justice européenne. C'est une conquête essentielle qui ouvre enfin la chance d'une harmonisation sociale. Cette disposition emporte à mes yeux toutes les préventions vis-à-vis des insuffisances du traité.
Et c'est la principale raison pour laquelle tous les partis socialistes et sociaux-démocrates de l'Union européenne ont décidé d'appeler à voter le traité. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Le monde du travail fait enfin son entrée dans un traité européen.
Et c'est par quoi je veux conclure. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Ce traité n'est pas une fin en soi. Il est, vous l'avez compris, l'instrument d'une sortie de crise et offre l'opportunité d'une réforme des politiques de l'Europe. Nous n'avons plus le droit de continuer comme avant. Nous avons l'obligation morale et politique que l'Union apporte enfin un plus à la vie des citoyens. C'est par la preuve que l'Europe retrouvera sa pleine légitimité dans le regard de nos concitoyens.
Les membres du Gouvernement et de la majorité devraient méditer sur le fait que la crise économique et financière qui menace la planète peut être paradoxalement une opportunité. Isolés, madame la ministre, nous subirons de plein fouet la décroissance américaine. Unis, nous aurons la possibilité de trouver des réponses et de construire de nouvelles régulations qui permettent de dompter la frénésie spéculative des marchés.
Là est le véritable enjeu européen. Réorienter de fond en comble la gouvernance économique, investir dans une économie de la connaissance porteuse de croissance et d'emplois,…
…développer de nouvelles synergies industrielles, négocier, à l'intérieur comme à l'extérieur de l'Union, des protections communes contre le dumping écologique et social,…
…instituer un salaire minimum à l'échelle de toute l'Union : voilà la chance sur nous offre le traité si nous savons nous en servir.
Et c'est là que nous retrouvons le clivage fondamental avec votre majorité.
Hier avec Jacques Chirac, vous proclamiez des intentions, mais ne les réalisiez jamais. Aujourd'hui, avec Nicolas Sarkozy, vous réalisez le traité, mais vous n'en traduisez pas les intentions dans votre politique nationale et européenne. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
J'entends le Président défendre l'idée d'une forme de préférence communautaire, mais je n'en trouve nulle part la trace dans son action européenne. J'entends beaucoup de critiques sur le manque de coordination économique, notamment de la part de la Banque centrale, mais je vois dans le même temps votre gouvernement violer tous ses engagements en matière d'équilibre budgétaire et financier. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Par ces contradictions, soyez-en conscients, alors même que la France présidera dans quelques mois l'Union européenne, vous ternissez la réputation de notre pays et vous affaiblissez la future présidence de l'Union. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. – Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Pour entraîner, il faut commencer par montrer l'exemple.
Je me réjouis en revanche que des figures éminentes de votre majorité – je pense à Valéry Giscard d'Estaing, à Édouard Balladur, mais aussi au ministre des affaires européennes, ici présent – se soient associées aux députés socialistes…
Il a fumé la moquette ! (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
…pour refuser l'idée politicienne du chef de l'État de désigner Tony Blair comme futur président de l'Union.
Promouvoir un candidat qui a, dans ses fonctions nationales, soutenu la guerre en Irak, et y a participé, serait le symbole le plus contradictoire avec la volonté d'une Europe émancipée. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Son engagement en Irak ne dérangeait pas beaucoup Mme Royal pendant la campagne électorale !
Certaines affirmations vous dérangent ? Je comprends pourquoi : le Président de la République n'arrête pas de faire des erreurs politiques, vous en payez le prix et cela vous angoisse. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Dans cinq semaines, en effet, vous allez vous retrouver devant les électeurs ! Alors, un peu de respect, s'il vous plaît ! Je le répète, le président de l'Union doit être le visage de l'indépendance et du non-alignement.
Pour qu'il y ait un président, il faudrait déjà qu'il y ait un traité !
Mes chers collègues, je veux maintenant conclure en m'adressant à chacun d'entre vous. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Durant cette procédure longue et compliquée, nous avons été totalement sincères. (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Nous avons exprimé un même attachement au traité et à la consultation par référendum.
Que vous soyez pour ou contre ce traité, ne privez pas les Français d'un débat auquel ils ont droit. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Exigez du Président de la République qu'il soumette le traité de Lisbonne à un référendum ! (« Non ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Cette démarche ne relèverait pas de la volonté de marquer des points contre le Président et le Gouvernement (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), mais plutôt, du respect envers les Français à ce moment de notre histoire nationale et européenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
J'ai la conviction que l'adhésion directe des Français à ce traité est nécessaire. Elle marquerait une réconciliation solennelle avec l'Europe. Elle lui offrirait une validation populaire qui lui fait défaut aujourd'hui et l'empêche d'aller à nouveau de l'avant.
Nous sommes pour le traité de Lisbonne,…
…nous sommes pour le référendum. C'est dans cet esprit que je demande à la représentation nationale de voter cette motion référendaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je ne reprendrai pas ici les excellents arguments employés par le président Jean-Marc Ayrault pour saluer ce traité (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) : oui, ils étaient bons ! Toutefois, la motion référendaire qui vous est soumise appelle de ma part des observations d'ordre juridique – au regard des articles 3 et 11 de notre Constitution – et politique.
Traitez toujours du juridique, Claude Guéant s'occupe du reste ! (« Guéant ! Guéant ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
L'article 11 de la Constitution est extrêmement clair : le choix de recourir au référendum appartient au Président de la République et à lui seul. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Or, pendant la campagne des élections présidentielles, ce dernier a exprimé très clairement son choix devant les Français : s'il était élu, il proposerait à ses partenaires européens de s'engager à négocier un nouveau traité. Si ce traité était signé par les vingt-sept États membres, il serait ratifié en France par la voie parlementaire. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Ce choix, clairement formulé, a été par quatre fois validé par les Français. C'est également celui de vingt-cinq de nos partenaires européens – dont ceux qui avaient précédemment approuvé le traité constitutionnel par référendum – mais aussi celui de tous les États membres aujourd'hui dirigés par des partis socialistes… (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Allez donc exercer chez les autres vos talents de ministre des affaires étrangères, monsieur Kouchner !
Et s'ils ont fait une erreur, alors, c'est une erreur unanime !
Par ailleurs, l'article 3 de la Constitution ne crée aucune hiérarchie entre les lois votées par la représentation nationale et les lois référendaires.
Mesdames et messieurs de la majorité, nous vous faisons cadeau de Bernard Kouchner !
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Et gardez-le !
La démocratie parlementaire est un élément fondamental du pacte républicain et de la République, souvenons-nous en ! Nos grandes lois fondatrices en sont l'illustration. La démocratie et la souveraineté nationale s'expriment parfaitement dans cet hémicycle,…
…la légitimité du Parlement…
…ne varie pas en fonction des sujets ou des sondages – d'autant que les dernières élections législatives sont récentes.
En tout état de cause, et contrairement à ce que vous prétendez, le traité établissant une Constitution pour l'Europe et le traité de Lisbonne sont bien deux textes différents et distincts. Trois autorités indépendantes se sont prononcées, en France, au Danemark et au Pays-Bas, trois pays qui avaient organisé un référendum sur le traité constitutionnel. De plus, il n'y a dans le traité de Lisbonne aucun transferts de souveraineté aussi substantiels que ceux consentis à l'époque du référendum concernant le traité de Maastricht.
La France ne peut rester spectatrice dans l'Union européenne. Après le référendum de 2005 et la réunion de Madrid durant laquelle vingt États se sont réunis sans la France, nous étions tous d'accord sur la nécessité que la France retrouve le chemin de l'Europe. Pour relancer les moteurs de l'Union européenne, il fallait répondre aux inquiétudes qui s'étaient exprimées. J'ai eu l'occasion, à de nombreuses reprises, tout comme vous, monsieur Jean-Marc Ayrault, d'indiquer que le traité de Lisbonne y a effectivement répondu. Nous avons bien entendu le « non » exprimé en 2005 : nous en avons tiré tous les enseignements.
Le traité de Lisbonne abandonne la démarche constitutionnelle et répond aux préoccupations des Français, quelle que soit leur sensibilité politique. Voulons-nous, oui ou non, que l'Europe se donne les moyens d'être un acteur dans le monde de demain ? (« Oui ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Voulons-nous en rester à une Europe économique qui ne s'organiserait pas sur le plan politique ? (« Non ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Voilà les questions qui nous sont posées à l'occasion de la ratification du traité de Lisbonne. Ce sont des questions de fond, elles ne relèvent pas de la simple procédure.
Nous avons entendu les propos tenus par Jacques Delors – ils ont été rappelés ici – selon lesquels le traité de Lisbonne est un progrès, tout comme la procédure de ratification que nous avons choisie. Voilà pourquoi le Gouvernement estime que cette motion référendaire n'est fondée ni en droit, ni en opportunité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les ministres, mes chers collègues, finalement, je suis un peu triste que nos débats de ce soir se réduisent à la question de la procédure de ratification et à l'alternative entre voie parlementaire et référendum. Je vois bien le calcul politique (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche) : il y a, d'une part, ceux qui veulent un référendum, parce qu'ils y voient la dernière possibilité que le « non » puisse l'emporter et que le traité ne soit pas ratifié ; et il y a, d'autre part, ceux qui demandent un référendum parce qu'ils croient jouer ainsi leur rôle d'opposants politiques. Je sais que beaucoup, parmi ces derniers, ne seront pas très fiers de ce qu'ils voteront, demain après-midi, lors du scrutin solennel sur ce texte. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et applaudissements sur lesbancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Cela est d'autant plus vrai que dans la plupart des pays européens, le traité de Lisbonne sera adopté par voie parlementaire et, quasiment partout, à l'unanimité des partis politiques.
Pour tenter de vous convaincre, je pourrais vous dire que le traité de Lisbonne n'est qu'un traité modificatif et non une Constitution : la voie parlementaire est donc suffisante pour sa ratification. Je pourrais vous dire que bon nombre des arguments de ceux qui prônaient le « non » ont été pris en compte : la libre concurrence non faussée n'est plus un objectif du nouveau traité, des pouvoirs supplémentaires sont donnés aux parlements nationaux et au Parlement européen, et un protocole des services publics a été intégré au traité de Lisbonne. Je pourrais aussi vous dire que la voie référendaire n'est pas supérieure à la voie parlementaire et qu'il n'y a pas de hiérarchie entre l'une et l'autre. Je trouve d'ailleurs assez cocasse qu'une partie d'entre nous veuille à toute force se dessaisir de ce pouvoir qui est le nôtre d'approuver la ratification du traité de Lisbonne. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Je pourrais vous dire enfin que vingt-six des vingt-sept pays membres de l'Union européenne vont approuver ce traité par la voie référendaire,…
…et le seul qui ne le fera pas en est empêché par sa Constitution. On peut d'ailleurs se demander ce que vous auriez fait si vous étiez aux affaires, si vous aviez remporté les élections présidentielles et législatives ; quel aurait été votre choix, alors que vingt-cinq de nos partenaires adoptent le traité de Lisbonne par la voie référendaire ? Je ne suis pas sûr du tout que vous auriez opté pour une ratification par le référendum ; en réalité, je suis même persuadé du contraire ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La procédure de ratification relève du choix du Président de la République et il a opté pour la voie parlementaire.
Candidat aux élections présidentielles, Nicolas Sarkozy avait anticipé sa victoire, et tout au long de la campagne, il avait dit exactement ce qu'il ferait,…
…décrit le contenu du futur traité et annoncé qu'il choisirait une ratification par la voie parlementaire. Il a été élu sur ce programme, et tout au long de la campagne n'a cessé de répéter quels étaient ses choix. Le choix qu'il a fait était un choix légitime ; par conséquent, la voie référendaire est parfaitement légitime… (Rires et applaudissements ironiques sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Axel, avec nous ! Axel, avec nous !
Mes chers collègues, les explications de vote n'en seront que plus utiles pour clarifier nos échanges. (Mêmes mouvements.) Bien entendu, le compte rendu aura rectifié… (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Dans les explications de vote, la parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Nous discutons ce soir de la ratification du traité de Lisbonne, sujet essentiel puisqu'il concerne les peuples de notre pays et des vingt-six autres États membres de l'Union Européenne, soit 500 millions de personnes.
En fait, nous débattons de deux préoccupations du reste étroitement liées : le contenu du traité et les modalités de sa ratification. La motion référendaire, déposée par plus de cinquante-huit députés du groupe socialiste, traite du second point, autrement dit, de l'exercice de la démocratie.
Pour justifier le refus du référendum, M. Fillon nous disait lundi, en parlant du Président de la République : « Personne ne peut lui reprocher d'avoir précisément fait ce qu'il avait précisément dit. » L'argument pourrait être recevable ; mais, dans ce cas précis, il est peu convaincant car l'une des spécialités de M. Sarkozy est précisément de dire tout et son contraire.
Si en 2007, lors de la campagne présidentielle, il déclarait vouloir choisir la procédure parlementaire pour la ratification du traité de Lisbonne, en 2004, lors du Congrès de l'UMP, il déclarait l'inverse. Je ne résiste pas à l'envie de vous citer, une fois encore, ses envolées lyriques : « l'Europe ne peut se construire sans les peuples parce que l'Europe, c'est le partage consenti d'une souveraineté et la souveraineté, c'est le peuple ! À chaque grande étape de l'intégration européenne, il faut donc solliciter l'avis du peuple . » Formidable !
Le Premier ministre a donc raison : nous ne pouvons pas reprocher au Président d'avoir fait ce qu'il a promis, puisqu'il a tout promis ! Il faut dire, qu'entre 2004 et aujourd'hui, le « non » l'a emporté en mai 2005. Voilà qui nous confirme que le Président de la République, son Gouvernement et sa majorité ont bien une conception de la démocratie à géométrie variable, selon les résultats attendus… Et cette fois-ci, manifestement, ils sont si peu sûrs de faire avaliser par une majorité de nos concitoyens le nouveau texte dit « traité modificatif » – en fait, le frère jumeau du précédent – qu'ils ont décidé de contourner le verdict populaire.
Comme vous le dites si bien, monsieur Kouchner, vous avez tiré les enseignements du précédent référendum : ce n'est évidemment ni courageux ni très brillant, chacun en a bien conscience…
C'est sans doute aussi la raison du dépôt de cette motion référendaire. On peut en effet s'étonner que nos collègues socialistes – certes nombreux à avoir voté contre la révision constitutionnelle lundi à Versailles, mais dont la majorité se sont abstenus ou se sont prononcés pour – déposent cette motion référendaire, qui n'a pratiquement aucune chance d'être adoptée (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre) face à la majorité UMP à l'Assemblée nationale, par définition acquise, alors que, lundi dernier, à Versailles, deux cinquièmes des voix auraient suffi pour mettre le Gouvernement en échec. Nous avions alors une occasion de l'emporter mais vous ne l'avez pas saisie. (« C'est vrai ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Il n'échappe à personne qu'il s'agit d'une manoeuvre, et c'est pourquoi nous avons refusé de cosigner cette motion comme on nous l'avait proposé. Par contre, nous qui, avec tant d'autres, agissons depuis des mois dans nos circonscriptions et au Parlement pour obtenir un référendum – je rappelle que c'était l'objet de la proposition de loi que nous avons déposée le 15 janvier dernier, dans le cadre de la « niche » parlementaire du groupe GDR – nous avons toutes les raisons de voter cette motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
La parole est à M. François Loncle, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, la Constitution européenne et le traité simplifié ou corrigé ont-ils le même objet ? Oui : l'avenir de l'Europe. La problématique est-elle la même ? Oui : la réforme des institutions européennes, c'est-à-dire du fonctionnement de l'Europe.
Cet après-midi, lors de l'examen – quelque peu précipité – du projet de loi par la commission des affaires étrangères, le rapporteur, Hervé de Charrette, a reconnu, avec une honnêteté intellectuelle que j'ai saluée, le bien-fondé, au regard tant du droit que du cadre parlementaire, de la motion référendaire défendue à l'instant par le président de notre groupe.
En effet, monsieur Kouchner, si la décision de recourir au référendum appartient au Président de la République, l'initiative en est partagée entre le Gouvernement et le Parlement. D'où la légitimité de notre motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Les Français se sont prononcés le 29 mai 2005 de façon incontestable. Après le rejet de ce référendum, il fallait, c'est évident, bâtir un nouveau traité. Quoi que nous pensions sur le fond, quel que soit notre attachement à la démocratie représentative, on ne peut – c'est tout aussi évident – se substituer au peuple, qui s'est prononcé sur le même sujet, pour le même objectif, au cours d'une consultation nationale organisée il y a moins de trois ans. Ou alors, Descartes ne serait plus français ! C'est la raison pour laquelle le groupe socialiste, radical et citoyen votera unanimement cette motion référendaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Sur le vote de la motion référendaire, je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Marc Laffineur, pour le groupe UMP.
Bien entendu, le groupe UMP votera contre cette motion référendaire. Heureusement que le ridicule ne tue pas, monsieur Ayrault, car vous vous êtes livré à un véritable numéro d'équilibriste, dont vous seul étiez sans doute capable dans cette enceinte. En vous entendant défendre le traité de Lisbonne, il fallait voir la tête de ceux de vos collègues socialistes qui ont voté non au référendum et qui buvaient le calice jusqu'à la lie... Il n'y avait pas de quoi être fier ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Soyez donc sincères !
En fait, tout cela n'est qu'une manoeuvre destinée à cacher les profondes divisions du parti socialiste (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) apparues au moment du référendum, de M. Fabius, qui n'a pas eu le courage d'être présent ce soir et qui nous avait expliqué qu'il existait un plan B, à M. Hollande, absent lui aussi, et qui a indiqué qu'il ne fallait pas se rendre au Congrès, aussitôt contredit par M. Emmanuelli, qui a déclaré que lui y irait ! Et l'on a assisté à la débandade du parti socialiste à Versailles...
Mais les Français s'en rendent compte, monsieur Ayrault. Ainsi que l'a dit Mme Fraysse, vous êtes content qu'il n'y ait pas de référendum et que l'on passe par la voie parlementaire, car cela vous permet de passer rapidement sur les divisions du parti socialiste. Quoi qu'il en soit, le groupe UMP votera contre cette motion référendaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. François Rochebloine, pour le groupe Nouveau Centre.
Monsieur le président, madame, messieurs mes ministres, mes chers collègues, confronté à la motion référendaire du groupe socialiste, on est conduit à se poser trois questions : celle du moment, celle des auteurs et celle des perspectives.
Le moment d'abord. Le Congrès vient d'adopter la révision constitutionnelle. Le débat a naturellement porté sur ce qu'elle était appelée à permettre, à savoir la ratification du traité de Lisbonne, et sur le contenu politique nouveau de l'Union européenne. Les échanges ont été substantiels ; chacun a pu exprimer librement sa position. Nul n'ignore que, politiquement, les jeux sont faits. L'emploi d'une motion de procédure doit, dès lors, être considéré pour ce qu'il est : une manoeuvre dilatoire, qui plus est à usage interne.
J'en viens ainsi à ma deuxième interrogation : qui porte cette motion ? Un groupe parlementaire profondément divisé entre partisans et adversaires de l'Europe (Protestations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche), entre partisans d'une certaine Europe et partisans d'une autre Europe, entre adversaires résolus et adversaires résignés de la procédure parlementaire. Cette division est apparue clairement lundi dernier à Versailles, où 32 d'entre eux ont voté pour, 121 contre et 143 se sont abstenus.
Aujourd'hui, faute de se mettre d'accord sur une attitude positive, nos collègues du groupe socialiste, contrairement aux socialistes des autres pays européens, n'ont trouvé d'autre ciment que le refus. Nous ne souhaitons pas être les otages de leurs affrontements.
Au demeurant, et c'est ma troisième interrogation, quelle perspective politique cette attitude offre-t-elle à l'Europe ? Le parti socialiste se présente devant le pays sans avoir progressé dans sa réflexion sur l'Europe depuis trois ans. Il ne lui propose rien de plus aujourd'hui que le spectacle renouvelé de ses divisions. On ne s'engage pas sur la voie référendaire sans projet.
Pour leur part, les députés du groupe Nouveau Centre appartiennent à un courant politique qui a toujours soutenu la construction européenne devant l'opinion publique et les électeurs. Leur engagement, clair et sans ambiguïté, porte sur le long terme. Aussi ne peuvent-ils que rejeter cette motion de circonstance. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Nous allons maintenant procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur la motion tendant à proposer de soumettre au référendum le projet en discussion.
J'attire votre attention sur le fait que le vote est impérativement personnel.
(Il est procédé au scrutin.)
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Monsieur le président, il y en a qui votent deux fois ! Tricheurs !
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 404
Nombre de suffrages exprimés 402
Majorité absolue 202
Pour l'adoption 175
Contre 227
La motion référendaire est rejetée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
J'ai reçu de M. Jean-Claude Sandrier et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une question préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.
La parole est à M. Patrick Braouezec.
Madame, messieurs les ministres, vous l'avez décidé : en optant pour la ratification parlementaire d'un traité pratiquement identique à celui qui avait été rejeté par référendum en 2005, ce gouvernement et sa majorité vont élargir la fracture entre les citoyens et l'appareil institutionnel de l'Union européenne, un appareil qui produit à flux tendu des politiques néolibérales que les gouvernements sont trop heureux d'imputer à une Europe dont ils minent ainsi la légitimité.
Force est de constater, une fois encore, que l'Europe et la participation populaire n'auront jamais fait bon ménage. Pour nous convaincre, le Président de la République, pendant et après sa campagne, affirmait avec une désarmante mauvaise foi que le traité constitutionnel de 2005 était une Constitution, pour laquelle un référendum s'imposait, alors que le traité pour l'Union européenne n'en était pas une, et donc qu'une simple ratification parlementaire suffisait.
Or le traité constitutionnel européen n'était nullement une « Constitution » européenne au sens juridique du terme ; il s'agissait en fait un traité comme les autres, ainsi que l'avait publiquement affirmé M. Dehaene, ancien Premier ministre belge et vice-président de la convention pour l'avenir de l'Europe, qui en avait rédigé la première mouture.
Autre argument développé par le Président de la République : les modifications introduites font consensus. Si tel est bien le cas, il se présente une occasion privilégiée de le vérifier – pendant encore quelques instants, qui vont malheureusement bientôt prendre fin – en consultant les électeurs par référendum. En réalité, vous voyez bien que le Président ne croit pas un seul mot de ces sornettes !
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Un peu de respect, tout de même !
J'en veux pour preuve ses propos tenus à huis clos lors de sa récente visite au Parlement européen : « Il n'y aura pas de traité si un référendum a lieu en France, qui serait suivi par un référendum au Royaume-Uni. » Au moins, les choses sont claires : la peur du résultat engage à passer outre la voix du peuple. Pourtant, en 2004, lors d'un conseil national de l'UMP, le même, alors ministre de l'Intérieur, affirmait : « si l'Europe reste la seule affaire des responsables politiques et économiques, sans devenir la grande affaire des peuples, reconnaissons que l'Europe sera vouée à l'échec. » Et d'ajouter : « Je le dis comme je le pense, simplement. Je ne vois pas comment il serait possible de dire aux Français que la Constitution européenne est un acte majeur et d'en tirer la conséquence qu'elle doit être adoptée entre parlementaires, sans que l'on prenne la peine de solliciter directement l'avis des Français. » Volte-face singulière, vous en conviendrez, et grave de conséquences !
Mais ce soir, tout est dit. Ce gouvernement n'a pas entendu ce que réclame une majorité de Français – qu'ils soient pour l'Europe qu'il appelle de ses voeux, ou pour une autre Europe : sociale, égalitaire, démocratique, plurielle et dynamique. Souhaitant exercer leur droit à la démocratie, les citoyens français voulaient que cette décision soit prise par référendum, mais vous n'avez pas tenu compte des 120 000 pétitions qui vous ont été remises à Versailles. Vous prenez la responsabilité de nous voler ce droit en vous prémunissant contre tout accident de ratification. Ce traité ne sera pas soumis au jugement du peuple, auquel vous n'aurez jamais aussi ouvertement signifié sa condition d'intrus et d'indésirable dans la construction européenne. Pourtant, et j'aimerais que nous soyons très nombreux à en être convaincus, l'intervention directe du peuple à l'occasion de débats engageant son avenir est toujours légitime. Dans certains cas, elle peut même sembler impérative.
Dans un régime parlementaire, le peuple délègue sa souveraineté à ses représentants pour le vote des lois. Pour autant, ceux-ci ne sauraient s'appuyer sur cette légitimité pour prendre des décisions qui vont à l'encontre des positions clairement exprimées par le corps électoral. Le recours au référendum devrait être obligatoire pour l'adoption de lois qui contiennent des dispositions précédemment rejetées par le peuple par référendum. Le parallélisme des formes et le respect de « l'expression directe de la souveraineté nationale » exigent donc d'encadrer le pouvoir législatif du Parlement sur les sujets ayant fait l'objet d'une consultation populaire. Les électeurs qui ont voté non en 2005 peuvent-ils se satisfaire des quelques différences entre le traité constitutionnel et le traité de Lisbonne ? Ils se sont mobilisés depuis plusieurs mois et après avoir analysé sérieusement les deux traités, il n'est plus permis de douter. Les électeurs, consultés sur le nouveau traité, veulent donner leur avis.
Dès lors, pourquoi s'y opposer ? Je ne peux m'empêcher de citer les propos de Valéry Giscard d'Estaing : « Quel est l'intérêt de cette subtile manoeuvre ? D'abord et avant tout d'échapper à la contrainte du recours au référendum, grâce à la dispersion des articles et au renoncement au vocabulaire constitutionnel. »
Avec ce traité modifié, vous avez préféré conforter la nature néolibérale de l'Europe, tout en aménageant les superstructures institutionnelles de l'Union. Pour éviter le délitement de l'Union européenne et parce que nous pensons qu'une autre Europe est non seulement possible, mais surtout nécessaire, le groupe GDR a soumis une proposition de loi constitutionnelle afin de mettre en place un mécanisme de protection de l'expression du suffrage universel en cas de rejet d'un projet de loi soumis au référendum. La solution envisagée ne visait pas à sacraliser définitivement le résultat d'un référendum, mais à laisser au peuple la responsabilité d'un éventuel changement de position. L'article 11 de la Constitution aurait été ainsi complété d'un quatrième alinéa précisant les conséquences du rejet d'un projet de loi par référendum. Dans cette hypothèse, aucune disposition législative figurant dans le projet de loi rejeté n'aurait pu valablement être adoptée par la voie parlementaire. Ainsi, afin de respecter le parallélisme des formes et l'expression directe de la souveraineté nationale, seul un référendum aurait dû permettre donc l'adoption de dispositions précédemment rejetées.
Il m'a été reproché de n'avoir produit « qu'un texte de circonstance. » Mais je voudrais rappeler qu'il est de notre devoir d'agir afin d'éviter un déni de démocratie. Nous ne sommes ici que parce que des électeurs nous ont élus pour les représenter, et non pour voter des lois qui arrangent le Gouvernement et le groupe de la majorité – quels que soient, d'ailleurs, ce gouvernement et cette majorité. Il serait urgent, mes chers collègues, de veiller à ne pas opposer démocratie directe et démocratie parlementaire. Il faut éviter que la parole et la volonté du peuple ne soient détournées par un biais parlementaire, au risque d'accroître la méfiance à l'égard de la démocratie parlementaire.
Par ailleurs, nous ne méconnaissons pas l'article 3 de la Constitution, qui met sur un pied d'égalité l'exercice de la souveraineté par le peuple – au moyen du référendum – et par ses représentants. Mais cet article n'en dit pas moins que la souveraineté nationale appartient au peuple et que la volonté générale ne peut s'aliéner – héritage de Rousseau dont se revendiquent tous les démocrates. Or, le peuple ayant exprimé sa volonté sur une question en 2005, ses représentants ne peuvent le désavouer sur le même sujet en 2008.
J'ajouterai que notre proposition de loi constitutionnelle tenait compte du cas spécifique des traités internationaux. En effet, lorsque le peuple est appelé à se prononcer sur un traité, il ne se prononce pas directement sur les stipulations du traité, mais sur un projet de loi qui en autorise la ratification par le Président de la République.
Si ce dernier projet de loi est rejeté par référendum, il est indispensable que le même traité ne puisse pas être ensuite ratifié par une autorisation donnée par le Parlement – ce que permettent pourtant nos institutions actuelles. Tel était le sens de notre proposition.
Celle-ci allait toutefois plus loin. Le traité de Lisbonne, formellement différent du traité établissant une Constitution pour l'Europe, reprend en fait l'essentiel des stipulations critiquables de ce dernier. La quasi-totalité des dispositions du traité constitutionnel se retrouvent, dans un ordre différent, dans le traité de Lisbonne, qu'il s'agisse de l'ensemble des changements institutionnels – la présidence stable de l'Union européenne, l'élargissement des pouvoirs de la Commission européenne, de la composition de la Commission, du rôle du Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité – ou de la personnalité morale conférée à l'Union européenne et de la suppression des « piliers » du renforcement de la coopération judiciaire et des dispositions sur la politique étrangère et de défense commune.
À cet égard, le nouveau traité ne tient aucunement compte des critiques formulées en 2005 sur le positionnement de la politique européenne de défense par rapport à l'OTAN, ce qui n'est pas sans poser de problème sur le rôle de la France au sein de l'Alliance atlantique. Depuis 1991, après la chute du mur de Berlin, on a vu se mettre en place une nouvelle légitimation du rôle de l'OTAN. Depuis, au-delà de ce fait et de son élargissement à l'Europe centrale et orientale, le but principal des partisans d'une défense atlantiste est de définir un « nouveau concept stratégique » pour l'OTAN. Ce concept, adopté en 1999 lors du sommet du cinquantenaire, précise que : « la sécurité de l'Alliance doit s'envisager dans un contexte global » et que « les forces de l'Alliance peuvent être appelées à opérer au-delà des frontières de la zone de l'OTAN. » Je remarque qu'il s'opère ici un changement de cadre : l'OTAN, jusqu'ici organisme de défense régionale, devient le bras armé de la mondialisation. Si l'on entend bien les propos du Président de la République, il affirme que « la France doit prendre toute sa place au sein de l'Alliance atlantique » : l'objectif est bien la pleine intégration de la France à une Alliance atlantique globalisée et son plein engagement. Or, l'OTAN est devenue un élément essentiel du réseau d'organisations mis en place par les grandes puissances qui décident de la guerre et de la paix, des choix politiques et économiques, du respect ou non des droits humains ou syndicaux, de la survie de la planète. L'Alliance atlantique, qualifiée de « symbole d'une identité occidentale », constitue dans le domaine politico-militaire, comme le sont le Conseil de sécurité, le G8 ou le groupe de la Banque mondiale, dans les domaines politique, économique et financier, un directoire où les puissances imposent leurs visées hégémoniques et le maintien du nouvel ordre social mondial. Présentée comme une « arme de démocratisation massive », l'OTAN est l'organisation la moins démocratique qui soit. Plus que tout autre directoire, l'Alliance atlantique fonctionne hors de tout contrôle parlementaire et citoyen. Lieu de pouvoir souverain, elle agit à l'encontre de l'idée de démocratie. Il y a de quoi s'inquiéter et se mobiliser pour une Europe qui construit une paix juste et durable pour l'ensemble des peuples.
Il est un autre point préoccupant pour les députés que nous sommes : le traité modifié contient un subterfuge du fait de la pseudo-disparition de la référence au « marché intérieur où la concurrence est libre et non faussée. » Sur le fond, il n'y a aucune modification quant aux dispositions qui ont motivé le rejet du Traité, à savoir celles qui empêchent l'Europe de prendre une autre direction que celle du marché, de la libre concurrence, d'une politique monétaire contrainte et de la méfiance vis-à-vis des services publics. La place donnée aux services publics dans le traité de Lisbonne mérite d'être analysée précisément dans la mesure où il a souvent été affirmé qu'il était davantage soucieux de la garantie des services publics que le traité constitutionnel. Pourtant, le principe d'un service public auquel tous les citoyens ont accès et dont les coûts sont mutualisés, n'est admis ni comme valeur ni comme objectif de l'Union. Il n'y a donc sur ce point fondamental, aucun progrès par rapport au traité constitutionnel.
La notion de service public n'existe pas dans le vocabulaire européen : l'expression est totalement absente des traités, à l'exception d'une seule et unique fois où il en est fait mention en tant que « servitude » concernant les transports – c'est l'article 93 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, qui reprend les termes de l'article III-238 du traité constitutionnel. Les services d'intérêt général non marchands, ou services non économiques d'intérêt général, c'est-à-dire qui ne sont pas directement payés par l'usager, comme l'éducation nationale, les services sociaux, les services de santé, les services culturels, figurent dans le protocole 9-2. C'est, certes, la première fois qu'un texte de portée équivalente aux traités porte sur ces services publics non marchands.
Ce protocole semble protéger les services d'intérêt général non économiques des règles de la concurrence. Le problème vient de la définition des « services non économiques » qui n'est pas précisée par les traités. D'après une jurisprudence constante de la Cour de justice, « constitue une activité économique toute activité consistant à offrir des biens et des services sur un marché donné. » Tout peut donc être considéré comme une activité économique s'il y a marché. Et de fait, dans un rapport sur les services d'intérêt général, fait à l'occasion du Conseil européen de Laeken à la fin de l'année 2001, la Commission indique qu'il n'est « pas possible d'établir a priori une liste définitive de tous les services d'intérêt général devant être considérés comme non économiques. » Elle indique d'autre part que « la gamme de services pouvant être proposés sur un marché dépend des mutations technologiques, économiques et sociétales. » C'est toujours aux services publics qu'il revient en permanence d'apporter la preuve qu'ils ne sont pas un obstacle aux échanges dans l'Union, et c'est la Cour de justice européenne qui trace au cas par cas la ligne de partage entre activités économiques et services non économiques.
Elle admet qu'un service est non économique quand il correspond à une mission de l'État et est financé majoritairement par des fonds publics. Mais, si le service est majoritairement financé par l'usager, il pourrait suffire que des entreprises investissent ce service, créant ainsi un marché, pour que l'activité devienne économique et soit soumise aux règles de la concurrence. L'article 2 du protocole 9 risque fort, dans ce cadre, de rester sans aucune portée pratique. Ces services sont en outre sous la coupe de l'Accord général sur le commerce des services de l'Organisation mondiale du commerce, aux objectifs de laquelle les projets de traité adhèrent et dont les décisions s'imposent à l'Union. Son rôle est d'ouvrir à la concurrence du marché mondial toutes les activités, les unes après les autres.
Il ne faut pas non plus se laisser tromper par la référence aux « services d'intérêt économique général », qui ne sont définis nulle part dans les projets de traité. Il faut consulter le livre blanc de la Commission pour apprendre que ce sont des services publics marchands – que l'usager paie directement comme l'eau, les transports publics, l'énergie –et que les États membres soumettent à des obligations de service public en vertu d'un critère d'intérêt général.
La Charte des droits fondamentaux reconnaît l'accès à ces « services d'intérêt économique général tel qu'il est prévu par les législations et pratiques nationales ». Le nouveau traité reconnaît aussi la place qu'ils occupent « parmi les valeurs communes de l'Union » – article 14 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne qui reprend l'article III–122 du TCE –, mais ce dernier article reprend l'article 16 du traité de Nice. La seule modification par rapport aux traités actuels consiste à renvoyer explicitement à un acte législatif européen pour leur mise en oeuvre concrète. Pour autant, un tel acte législatif ne serait ni plus ni moins obligatoire qu'avec les traités en vigueur : le progrès est donc inexistant pour la place des services publics dans la construction européenne.
Enfin, une autre Europe implique une vision rénovée des rapports mondiaux. Les liens historiques, les enjeux politiques et les flux migratoires nécessiteraient que l'Union européenne définisse un rapport politique d'égal à égal à l'égard des pays du Sud qui lui soit propre, fondé sur la solidarité et affranchi des règles inégalitaires de la mondialisation libérale. Les liens ainsi tissés avec de nombreux États largement négligés permettraient une ouverture réciproque du côté des deux rives de la Méditerranée.
Je ne continuerai pas plus avant, il me semble suffisant d'avoir pointé quelques éléments qui montrent bien comment, dans la continuité d'une politique et d'une aspiration libérale, il n'y a aucun changement, mais plutôt une dangereuse régression démocratique et sociale entre le TCE et ce traité de Lisbonne. Je n'aurai donc qu'une question à poser au Gouvernement : pourquoi ne pas faire confiance au peuple et ne pas organiser un nouveau référendum sur le traité de Lisbonne ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Dans les explications de vote, la parole est à M. Marc Laffineur, pour le groupe UMP.
Nous en avons amplement débattu : le groupe UMP votera contre cette question préalable qui n'a aucun lieu d'être. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. François Rochebloine, pour le groupe Nouveau Centre.
Chacun le sait ici, l'objet d'une question préalable est de constater qu'il n'y a pas lieu de délibérer. Je ne ferai pas à nos collègues communistes l'injure de penser que c'est leur véritable avis.
Ou alors cette motion serait-elle pour eux un moyen économique de s'épargner leurs propres débats internes, dont la presse nous restitue la véhémence ?
Vous êtes tous ensemble dans l'opposition !
Il est urgent de délibérer et d'autoriser la ratification du traité pour permettre à notre pays de jouer pleinement son rôle. C'est pourquoi le groupe Nouveau Centre votera contre la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Notre collègue Rochebloine se trompe de groupe, mais je vais lui réexpliquer pourquoi il n'y a effectivement pas lieu de délibérer : ou bien le traité de Lisbonne ne change rien de fondamental par rapport au traité constitutionnel et personne n'est autorisé à revenir sur le choix exprimé par 55% de nos concitoyens en 2005, même en essayant de se couvrir par des considérations juridiques plus ou moins laborieuses ; ou bien des modifications importantes ont été apportées et il y a toutes les raisons de consulter le peuple. Pourquoi, sur le même enjeu – et quel enjeu, pour l'Europe, pour la France ! – aurait-on dû consulter nos concitoyens en 2005 et ne le devrait-on plus en 2008 ? Il n'y a qu'une seule explication à cela : la peur, la peur que le peuple réponde à nouveau « non ». Mais la peur n'est pas un principe constitutif de la démocratie.
Le texte est en fait le même qu'en 2005, tous les chefs d'État européens le reconnaissent. Il n'y a donc que le peuple français qui puisse revenir sur sa décision. Tout le reste n'est que basse manoeuvre politicienne qui ne grandit pas ceux qui en sont à l'origine. Nous voterons cette question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Je mets aux voix la question préalable.
(La question préalable n'est pas adoptée.)
Mes chers collègues, je vous informe que nous entendrons ce soir les six premiers orateurs inscrits dans la discussion générale.
La parole est à M. François Rochebloine.
Dans une vie politique, rares sont les moments où il est donné à un député la possibilité d'émettre un vote où les priorités de l'action immédiate rejoignent de la manière la plus évidente les engagements les plus fondamentaux. Pour les députés du groupe Nouveau Centre, le vote qu'ils vont émettre en faveur de la ratification du traité de Lisbonne est l'un de ces moments privilégiés.
J'ai parlé des priorités de l'action présente. Certains arguments avancés contre la ratification me poussent à insister sur ce point aujourd'hui. La première des priorités consistait à sortir de l'impasse dans laquelle l'échec du référendum de 2005 avait jeté notre projet commun. Nos partenaires européens attendaient cet événement.
Nous devons le redire encore aujourd'hui : la victoire du « non » au référendum n'a pas eu de lendemain politique. Pour qu'il en fût autrement, il aurait fallu que les partisans du refus du traité constitutionnel aient une solution de rechange concrète et crédible. Il aurait fallu que le souverainisme ne se limite pas à une attitude, certes profondément respectable en soi, mais qu'il porte aussi un projet.
Or, et tout le monde a pu le constater, aucune alternative crédible n'a été présentée, ou même seulement pressentie, par ceux que le non est seul à fédérer. Tout s'est passé comme si la victoire d'un jour avait épuisé le dynamisme et la créativité des vainqueurs.
Je n'ai pas l'intention de condamner le travail de la Convention pour l'avenir de l'Europe. Il serait trop facile de faire grief à ses membres de s'être engagés dans une entreprise irréaliste alors qu'ils ont été véritablement enthousiastes et entièrement consacrés à leur tâche. Il nous faut simplement constater que leur oeuvre reposait sur une hypothèse aventureuse : la présentation aux citoyens des États membres de l'ensemble de l'acquis juridique communautaire, ancien et récent, était une erreur. Certes, l'erreur était généreuse : elle procédait de la volonté de rendre accessible aux Européens, aux anciens comme aux nouveaux, toute l'oeuvre de la construction européenne acquise depuis un demi-siècle. Malheureusement, on ne distinguait pas l'essentiel de l'accessoire, l'indispensable du souhaitable, le vieux du neuf. Aussi l'opinion a-t-elle mal ressenti le contraste entre un texte touffu, incompréhensible pour le plus grand nombre, et ses interrogations simples et vitales du moment. La crainte d'une carte forcée a contribué à dissimuler l'urgence politique à laquelle le traité constitutionnel s'efforçait de répondre, à savoir l'amélioration des procédures de décisions européennes dans la perspective d'une Europe élargie.
Aujourd'hui, les illusions post-référendaires ont vécu. Mais le problème de l'efficacité des institutions européennes demeure et il appelle une clarification. Ce problème se posait déjà à l'Europe des quinze ; il faut le reconnaître, on hésitait à l'affronter. L'élargissement à vingt-sept États membres supprimait tout échappatoire. Mais les données du blocage institutionnel lui sont antérieures et il aurait fallu, même à quinze, trouver une solution.
En effet, ses origines ne sont pas nouvelles. Elles remontent, à coup sûr, au pas en avant accompli en 1992 avec la création de l'Union européenne par le traité de Maastricht. A Maastricht, les États membres ont décidé une extension considérable des compétences de l'Europe intégrée, et ils l'ont organisée. A Maastricht, l'Europe a dépassé la pure logique du marché unique, qui caractérisait la phase antérieure de la construction européenne. D'une certaine manière, la dynamique engagée il y a quinze ans n'a pas encore produit tous ses fruits. Parmi les opposants à la Constitution européenne, certains ne la remettent d'ailleurs pas en cause. Ils souhaitent soit un infléchissement des politiques européennes, soit leur extension à de nouveaux domaines. Ils n'ont pas vu, alors, la contradiction de la démarche qui les poussait à rejeter les aménagements institutionnels pourtant propres à favoriser de telles réformes.
Le président Nicolas Sarkozy a eu le mérite de prendre la mesure du blocage politique de l'Europe. Au cours de la campagne pour l'élection présidentielle, il a annoncé son intention de relancer le processus européen, et il l'a fait. Il a dit vouloir proposer aux partenaires européens de la France un traité simplifié, et il l'a fait. Il a indiqué qu'il soumettrait ce traité à la ratification du Parlement, et il l'a fait : nous sommes réunis pour en débattre. Avec ce traité dit simplifié, nous sommes ainsi passés du symbolique au pragmatique, de la recherche d'une certaine rupture formelle à l'aménagement raisonné d'un projet dynamique. Nous sommes dans la ligne de Maastricht. Il n'y a pas, dans ce traité, d'inflexion fondamentale, mais la reprise vitale d'un projet un temps suspendu. C'est une démarche d'ajustement, qui est, par nature, de la compétence du Parlement. Elle était absolument nécessaire, à court comme à moyen ou à long terme.
Ceux qui, comme moi, sont nés aux lendemains immédiats du second conflit mondial ont conservé le souvenir confus mais vivace des séquelles traumatisantes de la guerre. Ils ne veulent plus, ni pour eux, ni pour leurs enfants, revivre une telle situation. Avec eux, une majorité d'Européens est reconnaissante à l'Europe d'avoir ancré la paix. Or, qu'est-ce que l'Europe, sinon l'intuition généreuse, ouverte, d'hommes comme Robert Schuman, Jean Monnet, Konrad Adenauer, Alcide de Gasperi, qui ont compris la nécessité d'offrir aux peuples de notre continent la perspective positive d'un projet commun, et qui ont réfléchi aux moyens politiques de donner consistance à ce projet sous la bannière de la liberté.
L'entreprise a eu ses heures de gloire et aussi ses difficultés. Cependant, elle est irréversible. On s'est fait aujourd'hui à l'idée que tous les domaines politiques de l'action commune européenne n'avancent pas de la même manière ni à la même vitesse. L'essentiel est qu'ils avancent. Oui, le traité simplifié permet ces progrès. Oui, il renforce la stabilité des instances de décision européennes. Oui, il clarifie les procédures et précise les domaines de compétences.
Il est un domaine dans lequel, sagement, les négociateurs du traité se sont abstenus d'entrer : je veux parler de la perspective de nouveaux élargissements, notamment de la candidature turque.
Je me dois d'évoquer ce sujet, car il en va de la cohérence du projet européen. Nous ne devons pas nous dissimuler que l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne poserait des problèmes bien plus importants qu'une simple difficulté institutionnelle. Elle conduirait, au-delà des textes eux-mêmes, à une véritable réinterprétation de toutes les politiques européennes, à une modification d'équilibre d'une autre nature. Elle serait contraire à la clarification réussie par le traité de Lisbonne. Nous ne serions plus dans la perspective dessinée par les pères fondateurs de l'Europe. C'est pourquoi le groupe Nouveau Centre est particulièrement attaché à la consolidation d'une ligne opposée à l'adhésion de la Turquie. Il souhaite, par voie de conséquence, le maintien de l'article 88-5 de la Constitution, qui subordonne tout nouvel élargissement à la consultation du peuple.
Pour autant, le groupe Nouveau Centre est conscient de la nécessité de poursuivre avec la Turquie une politique de coopération prenant en compte les ambitions légitimes de ce pays et ses traditions de politique extérieure. Le projet d'Union de la Méditerranée, qui doit être lancé en juillet 2008 à l'invitation de la France, de l'Espagne et de l'Italie, correspond, me semble-t-il, à un tel objectif. Je n'ignore pas que l'appel de Rome, à l'origine de ce projet, affirme qu'il n'interférera pas dans le processus de négociation de la candidature de la Turquie à l'Union européenne. Cependant, je suis persuadé que l'organisation de coopérations multiples, impliquant, avec d'autres pays de la région, la Turquie, dans le cadre de l'Union de la Méditerranée, pourrait fournir une solution alternative, sage et crédible, à un processus d'adhésion largement critiqué par l'opinion. Puisse l'appel de Rome susciter, dans le cadre spécifique de la Méditerranée, la même volonté du vivre ensemble en paix que la construction de l'Union européenne.
L'Europe, depuis un demi-siècle, a connu alternativement des temps de dynamisme et des temps de stagnation. Pendant longtemps, elle a été une réponse collective pour la promotion d'un monde libre face au bloc soviétique. Elle est restée le vecteur d'une conception commune de la vie collective fondée sur des valeurs partagées. À chaque étape de son développement, elle a été la source de grands espoirs collectifs pour une jeunesse abreuvée de paix. Le traité de Lisbonne renoue avec ce grand élan mobilisateur. Il donne une vigueur nouvelle à l'idée européenne et, par là même, fait à nouveau de l'Europe, aux yeux du monde, le symbole d'une espérance. Il sera, j'en suis convaincu, à la source de nouveaux engagements.
Pour sa part, le groupe Nouveau Centre, fidèle à ses convictions européennes, le soutient et votera tout naturellement pour sa ratification. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Marc Laffineur, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, chers collègues, qu'il me soit permis en cet instant décisif pour notre engagement européen de vous rappeler la responsabilité qui incombe à chacun de nous dans cet hémicycle, aux sensibilités de droite comme de gauche, après la crise que nous venons de traverser.
C'était en 2005, la France et les Pays-Bas refusaient le traité établissant une Constitution pour l'Europe, et les espoirs de relancer l'Union européenne comme un projet à la fois d'envergure et attractif se mettaient en berne. Dois-je vous rappeler la crispation qui s'est saisie de l'Europe tout entière, le doute qui a semblé ébranler un projet commun, nourri par cinquante années d'écoute, de compréhension, de tolérance, abreuvé par un demi-siècle d'efforts pour dépasser les frontières du passé et tendre la main à ceux qui étaient des ennemis ou des étrangers, et qui aujourd'hui sont nos amis les plus dévoués et sans lesquels on ne saurait envisager l'avenir ?
Le « non » français, contrairement à ce que certains ont laissé entendre, ne marquait pas plus un effritement du lien qui nous unit aux autres États membres qu'un refus de s'engager plus loin dans l'aventure européenne : il a, à juste titre, rappelé que c'étaient les peuples qui faisaient la force de l'Europe, et qu'il nous fallait être attentif à leurs inquiétudes.
Et c'est ce que le Président de la République a fait. Il n'a pas nié qu'il y avait une profonde crise de défiance ; il n'est pas non plus resté sourd aux cris d'angoisse de millions de femmes et d'hommes qui ne se sentaient plus assez protégés par l'Europe ; mais il n'a pas pour autant tiré un trait sur l'Europe, car cela n'a jamais été le souhait des Français. Ce souhait, Valéry Giscard d'Estaing l'avait bien compris, et à ce titre j'aimerais le remercier pour son engagement européen sans faille, et notamment pour sa présidence exemplaire de la Convention, sans laquelle nous ne débattrions de ce texte aujourd'hui.
Dès son élection, le Président de la République Nicolas Sarkozy a affirmé sa volonté de relancer l'Union européenne. Le jour même de son investiture, son premier geste politique a d'ailleurs été en faveur de l'Europe, en se rendant à Berlin pour consacrer l'amitié franco-allemande avec Angela Merkel ; un geste qui porte le symbole de son dévouement pour une Europe qu'il se devait de ranimer. Quarante-huit heures après, il était à Bruxelles. Il se le devait, car le peuple français est profondément européen, et c'est justement parce qu'il l'est, et qu'il en est fier, qu'il désire le meilleur pour l'avenir de l'Europe.
Nicolas Sarkozy avait annoncé, conformément aux voeux des Français, qu'il ouvrirait le dialogue avec nos amis européens afin d'apporter une solution à cette crise humaine et institutionnelle. Les vingt-sept chefs d'États des pays membres ont honoré la proposition française ; c'est donc aujourd'hui à nous de ratifier ce traité, dans lequel réside tant d'espoir pour le peuple français et pour l'Europe.
Le nouveau traité sur l'Union européenne qui a été signé à Lisbonne le 13 décembre dernier mérite l'admiration de tous. Ce n'est pas qu'un accord de plus, c'est l'affirmation de la force et de l'engagement de chacun des États membres dans l'aventure européenne, et c'est une réponse à l'échec des référendums de 2005, une réponse qui ouvre la voie de l'humanisme social européen.
Ce nouveau traité s'érige dans le respect des inquiétudes formulées par les Français. Ce texte n'est donc plus une Constitution, c'est un traité européen classique – donc purement institutionnel –, mais qui permettra la modernisation nécessaire des institutions de l'Union européenne en leur garantissant une plus grande efficacité, une plus grande lisibilité et plus de démocratie.
Et c'est dans le respect le plus solennel des valeurs démocratiques que ce traité va être ratifié par le Parlement, comme l'ont été les précédents traités, comme le veut l'article 53 de la Constitution française et comme l'avait promis le candidat que les Français ont choisi lors de l'élection présidentielle.
L'élément le plus contesté de l'ex-partie III, à savoir la création des lois européennes, a été supprimé. La concurrence n'est plus un objectif en soi, qui peut fonder les politiques de l'Union, mais un outil au service des consommateurs, à utiliser parmi les autres, sans plus. En revanche, pour la première fois, l'Union se donne pour objectif de protéger ses citoyens dans la mondialisation. Les services publics sont protégés par un protocole qui a même valeur que les traités, et une clause sociale générale impose de prendre en compte les « exigences liées à la promotion d'un niveau d'emploi élevé, à la garantie d'une protection sociale adéquate, à la lutte contre l'exclusion sociale, ainsi qu'à un niveau d'éducation, de formation et de protection de la santé humaine » dans la définition et dans la mise en oeuvre de l'ensemble des politiques de l'Union.
Les Français ont été entendus, et leurs doutes ont ainsi éclairé ce texte qui plus que jamais dessine une Europe à leur image. Ce traité est résolument plus proche des préoccupations de nos concitoyens – et il me semble que cela était indispensable –, mais il n'oublie pas pour autant ses responsabilités, au premier rang desquelles figure celle de redonner un sens à l'Europe.
Je vais vous dire le fond de mon coeur. Cette Union, que nous portons avec tant d'efforts, ne se réalisera réellement que le jour où elle aura un sens pour tous ceux qui lui ont confié tant d'espoirs. Le traité modificatif n'est pas en ce sens un accord de plus : c'est le moyen de réconcilier l'Europe avec son destin, avec ses valeurs, avec ses objectifs ! Et c'est cet esprit qui habite le traité de Lisbonne, celui d'une Europe proche de ses citoyens, plus stable, plus lisible, le contraire d'une Europe technicienne, d'une machine technocratique obscurcie par les procédures et les contraintes.
L'Europe du traité de Lisbonne, c'est enfin une Europe à visage humain, grâce au Président du Conseil européen, au Président de la Commission et au Haut représentant pour la politique étrangère de l'Union ; c'est une Europe accessible, grâce à un vote plus simple, grâce à une meilleure représentation des États dans les prises de décisions et à un renforcement du rôle des Parlements nationaux ; c'est une Europe démocratique, grâce à l'extension des pouvoirs du Parlement européen et à la création du droit d'initiative populaire.
L'Europe du traité de Lisbonne, c'est une Europe stable dans un monde incertain. La France n'a jamais eu autant besoin de l'Europe qu'en ce début de siècle, bousculé par les nouveaux défis de la mondialisation. Ne l'oublions pas : l'Europe est une force. C'est un formidable facteur de stabilité économique qui, comme nulle autre chose, peut aussi bien nous protéger des aléas de la concurrence et des marchés que nous offrir des relations amicales et prospères avec les grandes puissances de ce monde.
C'est une grande ambition technologique, des projets concrets. Qui d'autre que l'Europe aurait pu nous porter vers des projets aussi prometteurs que Galileo, ITER ou les réseaux transeuropéens ?
L'Europe du traité de Lisbonne, c'est une Europe qui se donne les moyens de retrouver un idéal. Il y a cinquante ans, les Européens étaient unis et ils savaient ce qui les unissait : un grand idéal, celui de la paix. Aujourd'hui, la guerre n'est plus qu'un vieux et mauvais souvenir pour nos aînés ; quant à nos enfants, bien souvent ce mot n'a pour eux plus aucun sens.
Il est une évidence qui s'impose à nous : beaucoup de concitoyens ne perçoivent plus quel est notre idéal, quel est le projet de civilisation que nous poursuivons. Pourtant ce projet ne manque ni d'envergure ni d'attractivité, et la ratification de ce traité nous met face au devoir que nous avons vis-à-vis de tous ceux que nous représentons, en leur rappelant que l'identité de l'homme européen, c'est notre identité.
Être européen, c'est être un citoyen de l'Union européenne. Depuis Maastricht, il est possible à chacun de voter et de se faire élire aux élections municipales et européennes, et avec le traité de Lisbonne, c'est le droit de l'initiative populaire qui s'ouvre à tous. L'Europe est ainsi une volonté politique, un destin auquel chacun peut apporter sa contribution.
Être européen, c'est être un étudiant, un travailleur qui n'a pas de frontières, ni celle de la distance ni celle de la langue. Circuler, travailler ou résider dans toute l'Union n'est plus un privilège, c'est un droit. L'Union européenne n'a pas seulement aboli les frontières qui nous divisaient, elle a ouvert des portes qui nous ont fait nous rencontrer.
Cette année, nous célébrons les vingt ans d'Erasmus, et à cette occasion ce n'est pas un simple programme universitaire d'échanges que nous félicitons, c'est la rencontre de près d'un million et demi de jeunes Européens qui ont, avec simplicité et naturel, transcendé des barrières qui nous semblait insurmontables et inventé le vivre-ensemble et la connaissance de l'autre. L'Europe doit être à l'image de ces jeunes : curieuse et tolérante, consciente de la force que donne à ses membres la capacité de regarder dans le même sens malgré leurs différences.
Être européen, c'est être un homme fidèle à sa liberté et fier de ses valeurs. Notre Union, c'est celle de l'égalité : des sexes, des âges, des ethnies et des religions. La Charte des droits fondamentaux, qui devient opposable avec le traité de Lisbonne, ne manque pas de nous rappeler ce que nous sommes et ce que nous n'aurons jamais le droit ni de renier ni d'abandonner : le fait que chaque citoyen européen porte en lui et au nom de tous la dignité, la liberté, l'égalité, la solidarité et la justice.
Jean Monnet disait : « L'Union ne peut pas se fonder seulement sur les bonnes volontés. Des règles sont nécessaires. Les événements tragiques que nous avons vécus, ceux auxquels nous assistons, nous ont peut-être rendus plus sages. Mais les hommes passent, d'autres viendront qui nous remplaceront. Ce que nous pourrons leur laisser, ce ne sera pas notre expérience personnelle qui disparaîtra avec nous ; ce que nous pouvons leur laisser, ce sont les institutions. La vie des institutions est plus longue que celle des hommes, et les institutions peuvent ainsi, si elles sont bien construites, accumuler et transmettre la sagesse des générations successives. »
Mes chers collègues, quelles que soient nos différences de sensibilité, soyons dignes de cette sagesse, de cet héritage pour lequel tant de grands hommes ont oeuvré avec la seule et même volonté, celle de construire un avenir meilleur ; tâchons à notre tour, par notre contribution, de léguer autant de sagesse aux générations à venir en votant pour la ratification du traité de Lisbonne.
Notre vote est essentiel pour relever les défis de l'avenir, pour mener à bien la présidence française de l'Union européenne, qui doit redonner aux Français et aux Européens l'envie de croire en l'idéal européen. Notre vote porte l'espoir de cinq cents millions d'Européens, l'espoir de vingt-sept États, l'espoir d'un grand destin. C'est la raison pour laquelle le groupe UMP votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
La parole est à M. Pierre Moscovici, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, même si je ne pense pas qu'à cette heure tardive – dommage pour le débat et pour la démocratie – les Français suivent avec une grande attention nos travaux, le moment est important : nous allons ratifier le traité de Lisbonne.
J'aimerais d'abord replacer ce moment dans un contexte plus large, dans sa continuité historique, comme le rapporteur l'a fait tout à l'heure. Notre séance d'aujourd'hui trouve en fait son origine... à Amsterdam, en 1997, il y a dix ans déjà. Peut-être même avant, au moment où nous avons décidé d'élargir l'Union européenne, d'accueillir les pays qui avaient été séparés de nous par quarante ans de totalitarisme. Eh oui, dix ans, c'est le temps qu'il a fallu aux Européens pour aboutir, enfin, à ce qui sera une révision pérenne des institutions communautaires. Ce long chemin a été ponctué de demi-échecs, ou de demi-réussites selon le point de vue où l'on se place : le traité de Nice, bien sûr, le traité constitutionnel européen surtout, qui, pour moi, restera une aventure ambitieuse et novatrice, mais qui a buté sur les ratifications en France et aux Pays-Bas.
Alors je ne m'interdis pas de dire que je suis soulagé que nous nous rapprochions maintenant de la conclusion de ce long parcours.
Mais personne ici ne doit oublier que rien n'est encore joué, car un traité n'entre en vigueur que s'il est ratifié par tous les pays membres de l'Union européenne. Les ratifications seront peut-être complexes ici ou là ; je me suis rendu en Irlande il y a peu de temps et je crois que nous devons regarder d'assez près ce qui se passe dans ce pays. Mais nous atteignons un point charnière, une phase pivot. Voilà, en peu de mots, où nous sommes aujourd'hui, où nous serons demain : sortis du marécage, plus tout à fait au milieu du gué, pas encore de l'autre côté de la rive, sur la terre ferme.
Vers où allons-nous ? Les principales dispositions du texte sont connues à présent. Je les rappelle à mon tour très rapidement, plusieurs orateurs l'ayant fait avant moi.
Les textes européens seront désormais consolidés dans deux traités. Cela a le mérite de la clarté.
L'Union, c'est important, est dotée de la personnalité juridique. Elle remplace la Communauté européenne, il n'y a plus qu'une seule Europe, et la structure en piliers, illisible et source de confusion, héritée d'un autre temps, est enfin supprimée.
La Charte des droits fondamentaux, sans être intégrée aux Traité, ce que je regrette, se voit tout de même conférer une valeur juridique contraignante.
Le contrôle des parlements nationaux et du principe de subsidiarité est renforcé, la portée des avis des chambres nationales est significativement accrue, tout particulièrement concernant l'espace de liberté, de sécurité et de justice et la procédure de révision des traités. Cela est essentiel et répond, je crois, à une aspiration des peuples nationaux.
Surtout, les institutions sont rénovées. Le Conseil européen se voit doté d'un président, pour une période de deux ans et demie, ce qui permet enfin de donner un visage à l'Europe, de la personnaliser. Cette présidence stable permettra surtout d'assurer la continuité de l'action du Conseil européen et du travail des chefs d'États et de gouvernement.
La création d'un poste de Haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, avec une double casquette Conseil-Commission, qui sera doté d'un service européen pour l'action extérieure, est sans doute l'un des éléments les plus marquants, même si je regrette que le titre de « ministre des affaires étrangères », sans doute trop fédéraliste, ait dû être abandonné.
Le système de vote à la majorité qualifiée est réformé et étendu, même si son application est retardée, ce qui est dommage.
Comme vous l'avez dit justement, monsieur le rapporteur, le Parlement européen voit son rôle de colégislateur largement consolidé. Il est sans doute le grand gagnant dans cette affaire.
Le Parlement européen élira le Président de la Commission, sur proposition du Conseil qui devra « tenir compte des élections au Parlement européen ». On s'achemine donc, doucement, vers une politisation de l'Europe au bon sens du terme.
Le nombre de commissaires européens sera réduit – mais trop tard, malheureusement, car pas avant 2014.
Enfin, et c'est particulièrement important, cela a été souligné ici, les Européens seront dotés d'un droit d'initiative permettant à un million de citoyens de l'Union, ressortissants d'un nombre minimal déterminé d'États membres, d'inviter la Commission à soumettre une proposition d'acte juridique européen nécessaire aux fins de l'application des traités. Cette nouvelle procédure de démocratie semi-directe doit permettre aux citoyens de l'Union de s'emparer un peu plus du débat européen, de le faire vivre, de faire remonter leurs attentes aussi.
Quelle interprétation faire de ce texte, quelle est sa portée, son ambition ? Je l'ai dit, redit, ce traité a un mérite incontestable : il permet à l'Europe à vingt-sept de mieux décider, il constitue la boîte à outils, le règlement intérieur qui permettra, je l'espère, la relance, dans un second temps, de l'Union. Pour autant, et je l'ai entendu ici sur à peu près tous les bancs, le triomphalisme n'est pas de mise. Le traité de Lisbonne marque un progrès, mais ce progrès est limité du fait de ses manques.
À mon tour, je regrette que l'on ait sacrifié les symboles. Le traité de Lisbonne est limité du fait de ses opting out. Il est tout de même déplorable qu'un texte comme la Charte des droits fondamentaux ne soit pas applicable par deux grands pays, la Grande-Bretagne et la Pologne.
Il est également limité par ses retards, puisque certaines dispositions essentielles ne seront appliquées qu'en 2014, comme la réduction du nombre de commissaires ou le vote à la double majorité, ce qui est déplorable.
Par ailleurs, le traité souffre d'un cruel manque d'ambition dans des domaines où l'Europe est pourtant très attendue. On cherche ainsi en vain un rééquilibrage de la gouvernance économique de l'Union ou des avancées sociales significatives et marquantes.
Surtout, le traité ébauche des potentialités, mais, par définition, il ne les réalise pas. Il ne condamne pas l'Europe, mais il ne la sauve pas non plus, comme aime à le prétendre le Président de la République. Ce rôle de sauver l'Europe reviendra aux autorités politiques des États membres, avec tout ce que cela implique d'effort de coordination, de compromis, de négociation, de compréhension et d'écoute, surtout, de nos partenaires européens. Il appartiendra aux autorités politiques de se saisir, rapidement, des avancées contenues dans le Traité. En voici quelques exemples.
La disposition sur les services publics : il est bon qu'elle soit là, mais comptez-vous, monsieur le secrétaire d'État, la faire avancer, et notamment vous saisir de l'opportunité de la présidence française pour faire des propositions en la matière ?
La Charte des droits fondamentaux est dans le Traité comme référence ; elle est donc contraignante, mais allons-nous faire vivre son esprit ?
La mention de la concurrence libre et non faussée n'est plus un objectif de l'Union ; elle demeure un instrument. Mais existe-t-il une volonté d'infléchir la pratique en la matière, de faire des propositions à la Commission pour qu'elle modifie sa doctrine, sa philosophie ?
Enfin, le maintien de l'unanimité pour les questions de fiscalité, qui laisse aux États membres les mains libres pour une politique fiscale excessivement accommodante – « la flat tax » par exemple – n'est pas forcément de bon augure.
En clair, il y a beaucoup de travail en perspective, et c'est uniquement en exploitant les possibilités dégagées par le traité de Lisbonne que les leaders politiques d'aujourd'hui et de demain pourront engranger des progrès.
Ne croyons pas que cela sera facile. L'Union européenne à 27 part déjà avec un handicap lié aux retards que j'ai évoqués. Et ce sera d'autant moins facile pour la France qu'elle multiplie les occasions d'irriter nos partenaires, par exemple sur le projet d'Union méditerranéenne – et je veux approuver les propos que vous avez tenus contre d'autres conseillers qui parlent trop et souvent mal. Les autres occasions d'irriter nos partenaires portent sur le programme – ou plutôt sur l'absence, le retard du programme – de stabilité des finances publiques, sur la politique monétaire et de change.
Ce ne sera pas facile non plus pour le Haut représentant de la politique étrangère, dont le rôle est défini de manière encore trop vague.
Je veux dire une chose sur le président du Conseil européen de demain. Je reprends ce qu'a dit le président de la commission des affaires étrangères, qui a eu un lapsus intéressant tout à l'heure, mais également un exposé très structuré, expliquant que le président du Conseil européen ne pouvait être quelqu'un qui appartient à un pays qui ne reconnaît pas l'ensemble des disciplines de l'Union européenne et aussi des futures unions européennes. Le Royaume-Uni n'appartient ni à la zone Schengen, ni à la zone euro, ce qui veut dire que, malgré toutes ses qualités, et il en a, M. Blair ne peut pas être le candidat soutenu pour la France ; je le dis ici après d'autres qui se sont exprimés avec un certain courage sur ce point.
C'est pour cette raison aussi que nous serons tout particulièrement vigilants lors de la présidence française de l'Union. Nous jugerons cette présidence aux actes, sur la base des propositions qu'elle formulera pour une Europe politique, sociale, environnementale plus forte. Vous connaissez particulièrement bien, monsieur le secrétaire d'État, les conditions de réussite d'une présidence de l'Union.
D'abord la modestie. Une présidence est un moment dans une chaîne, elle peut donner des impulsions, être une force de proposition, elle peut faire aboutir des politiques lancées par d'autres, mais elle ne peut pas prétendre, à elle seule, révolutionner le triangle communautaire.
Deuxième condition : le respect des institutions et des partenaires européens, qui implique de faire avancer l'Europe sans prendre le risque d'accumuler les malentendus avec les autres États membres, avec la Commission, avec la Banque centrale européenne.
Autre condition qui n'échappera à personne : l'exemplarité. La France ne peut pas prétendre présider avec crédibilité l'Union européenne si elle continue de braver les disciplines communes de l'Europe, si elle paraît arrogante et impérieuse.
Sur tous ces points, soyez certains que nous contrôlerons le déroulement de la présidence française de l'Union avec, je l'espère, efficacité, en tout cas exigence.
Notre vote de demain marque la fin d'une longue, très longue, dispute institutionnelle – les dix ans que j'ai mentionnés au début de mon intervention. La relation entre les Français et l'Europe est devenue compliquée, mitigée même, nous le savons tous. Parce que L'Europe est, en France, trop perçue comme lointaine, technocratique, libérale.
Tous les dirigeants français, même les actuels !
En tout cas, le traité de Lisbonne n'aggrave pas ces traits. Il ne résout pas non plus toutes les difficultés. Il permet simplement aux institutions de mieux fonctionner. Mais un traité ne peut servir de substitut à un projet. C'est à cela, maintenant, que nous devons nous atteler, notamment dans la perspective fondamentale des élections européennes de 2009. C'est cela, dès demain, après la ratification du Traité, qui doit nous importer : rendre à nouveau l'Europe populaire, en refaire un idéal pour nos concitoyens. Nous voterons, notre groupe votera la ratification du Traité.
Ce que j'exprime, monsieur de Charrette, est la position du groupe socialiste !
Notre groupe votera la ratification du Traité, sans réserve, mais aussi sans illusion sur l'Europe telle qu'elle est.
Nous sommes conscients que l'essentiel reste à faire. Demain, le traité de Lisbonne sera ratifié : ne croyons pas que nous pourrons nous endormir sur nos lauriers. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
La parole est à M. Pierre Gosnat, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le secrétaire d'État, chers collègues, M. Moscovici a parlé de symboles ; il peut être utile d'en prendre quelques-uns.
L'histoire de France a des dates symboliques : ainsi, celle du 4 août, la fameuse nuit du 4 août, symbolise la fin des inégalités.
Qu'en sera-t-il de ces journées, notamment de celle que nous vivons aujourd'hui ? Qu'en sera-t-il du 7 février 2008 qui sera certainement une honte, une tache dans l'histoire de notre pays ? Journées durant lesquelles je crains qu'une majorité de parlementaires français réponde et cède aux chants effrayés des sirènes libérales.
Moi, je suis un peu étonné parce que tout le monde dit et répète : « l'Europe c'est bien ». Et pourtant, vous ne voulez pas de référendum ! Vous n'avez pas voulu, la droite comme le parti socialiste, de référendum, alors que c'était encore possible il y a deux jours ! Mes chers collègues, la peur est mauvaise conseillère. Craindre le vote populaire, le choix du peuple, c'est faire preuve d'un renoncement que n'acceptent pas celles et ceux qui nous font confiance.
Monsieur le secrétaire d'État, vous avez dit que l'Europe était en panne. Serait-ce en raison des votes prononcés par les peuples néerlandais et français ? Ou serait-elle en panne d'une maladie plus grave, celle que vous avez insufflée depuis des décennies ? Vos remèdes n'apportent rien de nouveau et, naturellement, l'addition sera encore plus salée, surtout pour les citoyens européens les plus fragilisés.
Ce soir, dans cet hémicycle, un souffle lourd de renoncement obscurcit l'horizon d'une Europe unie et solidaire, celle que nous, les communistes, appelons de nos voeux.
Une fois n'est pas coutume, je me permets de citer ici Jean Monet, cité tout à l'heure, qui écrivait dans ses Mémoires : « Nous ne coalisons pas des États, nous unissons des hommes ». Pas sûr, mes chers collègues, que nous suivions ce chemin en privant nos concitoyens d'un référendum pourtant légitime. Car la question du vote est fondamentale en démocratie.
Or vous le savez, l'Europe politique est malade ; j'en veux pour preuve les faibles taux de participation aux élections dans l'ensemble des pays de l'Union européenne.
Est-ce cela pour vous, l'Europe démocratique ? Est-ce donc en privant les Français d'un débat sur la question européenne, en faisant fi de leur décision, que vous leur redonnerez l'envie de croire et d'espérer en l'Europe ? Croyez-vous vraiment que l'on peut ainsi se passer de la souveraineté populaire ? Vous nous rétorquez, monsieur le secrétaire d'État, que le Parlement est garant de la souveraineté nationale – pour notre part, nous souhaiterions qu'il le soit davantage et que M. Sarkozy n'intervienne pas dans les débats qui sont de notre ressort – et qu'il a autant de légitimité à se prononcer sur la place et l'évolution de la France dans la communauté européenne. Mais, les enjeux sont d'une autre nature. D'ailleurs, avant le référendum de 2005, le Parlement s'est prononcé à 90 % en faveur du traité constitutionnel au Congrès de Versailles ; or il fut déjugé quelques mois après par plus de 55 % par les Français. Faudrait-il donc changer notre peuple, puisqu'il vote mal ?
En effet, cher collègue ! (Sourires.)
Les députés et sénateurs communistes ont rappelé au congrès du Parlement que, seul, le peuple peut revenir sur les décisions qu'il a prises, en l'occurrence par voie référendaire.
Je regrette pour ma part, comme l'ensemble de mes collègues communistes et républicains, qu'une partie de nos collègues socialistes – mais je n'ai pas d'illusion sur la droite – soient la cause de la situation où nous nous trouvons, puisqu'ils n'ont pas permis, lors du Congrès, d'imposer le référendum. Or cela aurait été possible !
Décidément, vous ne dites pas que des bêtises ! (Sourires.)
Dès lors, le dépôt, par le groupe socialiste, d'une motion référendaire est peu sincère…
Pour autant, nous la voterons – non pour cautionner cette démarche – mais parce qu'il ne faut laisser passer aucune occasion de défendre la nécessité d'une consultation populaire sur le traité de Lisbonne.
Vous nous demandez de nous prononcer sur un traité prétendument simplifié. Or il compte plus de 250 pages et empile les amendements aux traités en vigueur ! Vous le savez comme moi, il a été conçu de telle sorte qu'il soit inaccessible à tout débat citoyen. Du reste, y a-t-il eu le moindre débat citoyen ?
En effet. Le traité de Lisbonne ne modifie en rien son prédécesseur, comme le souligne M. Valéry Giscard d'Estaing ou comme cela se dit dans différents pays, notamment en Espagne. Le Conseil constitutionnel admettait même, le 20 décembre 2007, que le traité de Lisbonne n'ajoute ni ne retire aucune des compétences prévues par le traité constitutionnel. Puis-je vous dire, en tant qu'athée – grâce à Dieu :…
…la messe est dite ! Le traité de Lisbonne n'est qu'un copié-collé du traité que les Français ont rejeté en 2005 !
Le Premier ministre déclarait avant-hier que ce texte est un compromis, un acte de réconciliation entre partisans et opposants du traité constitutionnel. L'affirmation est osée au regard du petit nombre d'Européens qui a été consulté et a pu voter. Par ailleurs, arguant que la concurrence libre et non faussée n'était plus un objectif de l'Union, mais un simple moyen, vous prétendez que le vote des Français a été entendu. Vous reconnaissez ainsi, monsieur le secrétaire d'État, que nos concitoyens refusent l'Europe libérale que vous voulez leur imposer.
Pourtant, vous omettez de mentionner que l'article 3 de ce texte consacre l'économie de marché « où la concurrence est libre » et que le protocole 6 rappelle que le marché intérieur obéit à « un système garantissant une concurrence non faussée ».
En définitive, et vous le savez parfaitement, le traité de Lisbonne ne fera qu'accentuer les contours actuels d'une Europe libérale que symbolise la présence de M. Bolkestein, M. Mandelson et d'autres commissaires européens. De plus, la désignation d'un président et d'un ministre, haut représentant aux affaires étrangères, n'offre aucune garantie démocratique – c'est du reste ce que nous vivons dans notre pays avec notre Président de la République !
Où en est l'Europe des peuples ? Sur le plan institutionnel, l'on ne peut que constater les graves blocages engendrés par l'élargissement de l'Union européenne, et le problème de la Turquie n'est pas réglé. Le traité de Lisbonne n'y changera rien. Pire encore : il ne fera qu'aggraver le dysfonctionnement des institutions européennes et ne changera pas non plus le statut de la Banque centrale européenne, alors qu'il faut plus que jamais contrôler la circulation des capitaux. À cet égard, les jours que nous venons de vivre devraient nous inciter à aller dans ce sens !
Monsieur le secrétaire d'État, l'Europe que vous nous proposez est celle de la concurrence entre les peuples, celle de la marchandisation des individus et du savoir, celle de la négation des cultures et du moins-disant social. À ce propos, cessez votre double langage ! Vous ne pouvez pas dire que vous allez réduire le nombre de fonctionnaires en France tout en prétendant défendre le service public en Europe ! Votre discours est contradictoire !
Pour notre part, nous proposons une Europe du rapprochement entre les peuples dont la devise serait : « Unis dans la diversité ».
Je conclurai par cette phrase de Roger Vaillant, extraite de son Éloge de la politique, en 1964 : « Je ne veux pas croire qu'il ne se passera rien, que les citoyens n'exercent plus leur pouvoir qu'en mettant un bulletin dans l'urne pour désigner comme souverain et à leur place un monsieur qui a une bonne tête à la télévision. » Quelle prémonition ! Quelle dérangeante actualité dans ces propos !
C'est pour défendre la souveraineté populaire, pour nous opposer à ce projet libéral et pour donner un nouvel élan à la construction européenne que les députés communistes et républicains voteront contre la ratification du traité de Lisbonne. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la discussion parlementaire de ce soir suit de quelques jours le vote du Parlement, réuni en Congrès à Versailles, en faveur de la révision de la Constitution visant à autoriser la ratification du traité de Lisbonne, cet accord international signé le 13 décembre dernier par les vingt-sept chefs d'État et de gouvernement.
Le traité de Lisbonne tire indiscutablement les leçons du référendum du 29 mai 2005, par lequel une large majorité de Français a rejeté le traité constitutionnel européen. Ce nouveau traité ayant déjà été adopté par certains États, il est bon que la France, à son tour, le ratifie rapidement.
Le train de l'Europe est indiscutablement relancé. Avec une présidence stable du Conseil européen, l'Europe sera représentée par un nom et un visage. Elle disposera d'un Haut représentant aux affaires étrangères et à la sécurité, et les compétences de l'Union et des États membres seront plus précises. Au sein du conseil, le vote à la majorité qualifiée sera généralisé, tandis que le vote à l'unanimité restera l'exception. Par ailleurs, un protocole sur les services publics renforce le caractère social du traité.
Il était temps de relancer l'Europe au regard des défis d'aujourd'hui. De nouvelles compétences seront dévolues aux institutions européennes en matière de sécurité et de justice. Jacques Delors a considéré que le traité permettait à l'Europe de sortir de son « coma allégé », période pendant laquelle rien n'était possible, et qu'il ouvrait des portes pour permettre à l'Union européenne de faire des progrès notamment dans le domaine de la sécurité et de la justice.
Je tiens, du haut de cette tribune à saluer l'action du Président de la République, à l'origine du traité simplifié, et à redire, ce qui aujourd'hui semble aller de soi, combien l'Europe a contribué à la paix.
Il n'y a pas dans l'histoire des peuples de plus belle oeuvre de réconciliation et d'entente entre des pays qui, hier encore, se déchiraient.
L'Europe a été un facteur de prospérité et de développement économique. Que de chemin parcouru, du marché unique à la monnaie commune !
Mais de nombreux défis sont devant nous : l'environnement et le développement durable ; la sécurité et la lutte contre le terrorisme ; le recyclage de l'argent sale provenant des trafics en tous genres ; la nécessaire coordination des politiques économiques et sociales ; l'harmonisation vers le haut des protections sociales. Au-delà, il nous faudra réaliser l'ambitieux projet d'Union Euro-Méditerranée, voulu par le Président de la République, à savoir la coopération entre les deux rives de la Méditerranée.
Élu de la Nation, je suis aussi élu d'une région cruellement marquée par le poids de l'histoire. Membre de l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, j'ai pu mesurer ce que représentaient cet idéal de démocratie et les valeurs des droits de l'homme pour des peuples si longtemps privés de liberté.
Dans un monde de six milliards d'hommes, que serait la France sans de l'Europe ?
Ce traité n'est peut-être pas parfait, mais il est une étape, une étape nouvelle et nécessaire sur la voie de la construction européenne.
Je terminerai mon propos sur les priorités de la future présidence française de l'Union européenne. Hier, le Premier ministre, François Fillon, a lancé quelques pistes, comme l'environnement, le développement durable, la sécurité, et les questions économiques et financières. Permettez-moi d'en ajouter une : la jeunesse qui, grâce à l'Europe, n'a connu que la paix. Marc Laffineur a rappelé les moyens accordés à l'éducation, aux échanges par le biais du programme Erasmus. Nous savons combien ce dispositif a permis à de nombreux étudiants de s'ouvrir au monde. Permettez-moi de vous suggérer, monsieur le secrétaire d'État, puisque vous travaillez aux priorités de la future présidence française, de poursuivre cet élan en faveur des jeunes en accordant des financements nouveaux au programme Erasmus, et, pourquoi pas, en l'étendant à l'autre rive de la Méditerranée, tant le partage de la connaissance des civilisations et des religions est un facteur essentiel à la paix entre les peuples.
Aujourd'hui, nous vivons un moment historique : nous contribuons à faire évoluer l'Europe, à partir de ce qui a été tracé par ses fondateurs. Je ne doute pas que nous serons nombreux à voter demain en faveur de ce traité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Prochaine séance, jeudi 7 février 2008, à neuf heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi autorisant la ratification du traité de Lisbonne modifiant le traité sur l'Union européenne, le traité instituant la Communauté européenne et certains actes connexes.
La séance est levée.
(La séance est levée, le jeudi 7 février 2008, à une heure trente.)
Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,
Jean-Pierre Carton