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Intervention de Michel Sordi

Réunion du 6 février 2008 à 21h30
Ratification du traité de lisbonne — Reprise de la discussion

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Sordi, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées :

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, l'Union européenne joue depuis maintenant plusieurs années, aux côtés des autres acteurs internationaux, un rôle important pour la préservation de la paix et de la sécurité dans le monde. Face à la complexité croissante des enjeux stratégiques, des menaces et des crises, le renforcement de la politique européenne de sécurité et de défense apparaît néanmoins comme une nécessité, tant pour l'Union que pour ses vingt-sept États membres.

Le traité de Lisbonne introduit dans les traités de l'Union européenne un dispositif détaillé qui fait de la politique de sécurité et de défense commune, la PSDC, une démarche cohérente, volontariste, souple et progressive.

En offrant aux États membres une nouvelle base d'engagement politique et militaire, le traité européen simplifié constitue donc une véritable opportunité de relancer la politique européenne de sécurité et de défense.

C'est pour cette raison que la commission de la défense a souhaité se saisir pour avis du projet de loi autorisant la ratification du traité de Lisbonne.

Le traité européen simplifié permet tout d'abord de bien clarifier les objectifs de la PSDC. Ils sont au nombre de deux : assurer à l'Union une capacité opérationnelle pour ses interventions extérieures, et préparer la définition progressive d'une politique de défense commune.

L'objectif capacitaire s'appuie sur des moyens d'action civils et militaires fournis par les Etats membres, qui doivent constituer un « réservoir unique de forces ». La PSDC repose donc sur l'implication déterminée des États membres : elle est essentiellement volontariste.

Le deuxième objectif témoigne de l'ambition européenne d'atteindre dans le futur un niveau élevé d'intégration en matière de sécurité et de défense. La mise en place d'une défense commune n'est cependant pas pour demain puisqu'elle doit être décidée par le Conseil européen à l'unanimité des vingt-sept États membres.

Les nouvelles dispositions du traité de Lisbonne n'ont donc pas vocation à faire de la PSDC une alliance militaire alternative à l'Alliance atlantique, mais plutôt à organiser une complémentarité, dans le respect des spécificités et des engagements de chacun.

Elles ouvrent également des perspectives pour l'avenir de la défense européenne, en cohérence avec l'évolution du contexte stratégique depuis la fin de la guerre froide.

Dans cette même logique, le traité simplifié élargit le champ d'intervention de l'Union, en ajoutant aux missions de gestion de crises qu'elle a menées jusqu'à présent la possibilité de conduire des missions de conseil et d'assistance militaires, ainsi que de prévention des conflits et de stabilisation post-conflits. Toutes ces actions, et c'est également une nouveauté, peuvent concourir à la lutte contre le terrorisme.

Le traité insiste également sur la dimension collective de la sécurité et de la défense de l'Union, en prévoyant une clause de solidarité en cas de catastrophe naturelle ou d'attaque terroriste et une clause d'aide et d'assistance en cas d'agression armée d'un État membre. Sans aller jusqu'à un engagement de défense mutuelle, ces clauses ont une forte signification symbolique et politique : c'est en effet la première fois que les traités fondateurs de l'Union européenne contiennent des dispositions aussi engageantes en matière de solidarité militaire et de lutte contre le terrorisme.

Pour mieux assurer la relance et le succès de la PSDC, le traité de Lisbonne, de façon souple et pragmatique, tient compte de la diversité croissante entre les vingt-sept États membres de l'Union. Cette volonté de souplesse s'exprime dans la confirmation du rôle et du fonctionnement de l'Agence européenne de défense. Créée en 2004, cette structure est ouverte à tous les États membres, qui participent aux projets selon leurs besoins, leurs compétences et leurs choix militaires et industriels. Elle permet donc une coopération à la carte, adaptable aux capacités et aux besoins de chacun. Dans le même esprit, le Conseil aura la faculté de confier une mission de gestion de crise à un groupe réduit d'États membres et pourra établir une coopération structurée permanente entre des États remplissant des critères élevés de capacités militaires et ayant souscrit des engagements contraignants en vue de missions exigeantes. L'objectif de cette coopération est de permettre à ceux qui le souhaitent d'aller plus vite dans la résorption des lacunes capacitaires et plus loin dans le développement d'une action commune.

Le succès de la politique de sécurité et de défense commune dépendra avant tout de la volonté d'implication des États et de leur capacité à dépasser les égoïsmes nationaux.

Des défis restent à relever pour donner à la PSDC toute son amplitude, en particulier trois contraintes qui ne sont pas levées par le traité de Lisbonne. La première est d'ordre institutionnel : malgré une évolution vers la règle de la majorité dans de nombreux domaines, celle de l'unanimité demeure pour le deuxième pilier de l'Union, et donc pour la PSDC. L'intérêt de la coopération structurée permanente, qui sera, elle, constituée à la majorité qualifiée, n'en est que plus grand. La deuxième est la contrainte financière : malgré une petite avancée pour la préparation des missions de gestion de crise, l'essentiel des dépenses relatives aux opérations ayant des implications militaires ou intervenant dans le domaine de la défense continuera à ne pas relever du budget de l'Union et à dépendre des contributions – donc du bon vouloir – des États membres. La troisième, enfin, est politique : en toute objectivité, il faut reconnaître qu'il n'existe pas au sein de l'Union d'accord sur les objectifs, voire sur l'utilité de la PSDC. De nombreux États membres se satisfont du système de défense et de sécurité collectives garanti par l'OTAN et considèrent le développement d'une politique européenne de sécurité et de défense autonome, au mieux, comme une redondance inutile et coûteuse, au pire, comme une concurrence dangereuse pour l'Alliance atlantique.

Pour relancer la dynamique vertueuse de la PSDC, il faut donc avant tout clarifier les objectifs et les ambitions de l'Union dans ce domaine et lever toute ambiguïté sur son articulation avec l'Alliance atlantique. Cette dernière a beaucoup à gagner d'une Union européenne mieux dotée en capacités militaires et plus autonome dans la conduite d'interventions extérieures. L'intérêt est bien sûr capacitaire – l'OTAN, comme l'Union, traversant une véritable crise de la génération de forces –, mais il est également politique, diplomatique et stratégique, car l'existence même de la PSDC multiplie les options d'intervention pour les acteurs internationaux. Même aux États-Unis, la reconnaissance de l'Union comme un acteur international possible et utile a fait son chemin. Reste à en persuader nos partenaires les plus atlantistes !

Au-delà des textes et des évolutions institutionnelles, seule une volonté politique claire et partagée par plusieurs États membres pourra véritablement relancer la politique de sécurité et de défense commune.

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