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Intervention de Patrick Braouezec

Réunion du 6 février 2008 à 21h30
Ratification du traité de lisbonne — Question préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Braouezec :

J'en veux pour preuve ses propos tenus à huis clos lors de sa récente visite au Parlement européen : « Il n'y aura pas de traité si un référendum a lieu en France, qui serait suivi par un référendum au Royaume-Uni. » Au moins, les choses sont claires : la peur du résultat engage à passer outre la voix du peuple. Pourtant, en 2004, lors d'un conseil national de l'UMP, le même, alors ministre de l'Intérieur, affirmait : « si l'Europe reste la seule affaire des responsables politiques et économiques, sans devenir la grande affaire des peuples, reconnaissons que l'Europe sera vouée à l'échec. » Et d'ajouter : « Je le dis comme je le pense, simplement. Je ne vois pas comment il serait possible de dire aux Français que la Constitution européenne est un acte majeur et d'en tirer la conséquence qu'elle doit être adoptée entre parlementaires, sans que l'on prenne la peine de solliciter directement l'avis des Français. » Volte-face singulière, vous en conviendrez, et grave de conséquences !

Mais ce soir, tout est dit. Ce gouvernement n'a pas entendu ce que réclame une majorité de Français – qu'ils soient pour l'Europe qu'il appelle de ses voeux, ou pour une autre Europe : sociale, égalitaire, démocratique, plurielle et dynamique. Souhaitant exercer leur droit à la démocratie, les citoyens français voulaient que cette décision soit prise par référendum, mais vous n'avez pas tenu compte des 120 000 pétitions qui vous ont été remises à Versailles. Vous prenez la responsabilité de nous voler ce droit en vous prémunissant contre tout accident de ratification. Ce traité ne sera pas soumis au jugement du peuple, auquel vous n'aurez jamais aussi ouvertement signifié sa condition d'intrus et d'indésirable dans la construction européenne. Pourtant, et j'aimerais que nous soyons très nombreux à en être convaincus, l'intervention directe du peuple à l'occasion de débats engageant son avenir est toujours légitime. Dans certains cas, elle peut même sembler impérative.

Dans un régime parlementaire, le peuple délègue sa souveraineté à ses représentants pour le vote des lois. Pour autant, ceux-ci ne sauraient s'appuyer sur cette légitimité pour prendre des décisions qui vont à l'encontre des positions clairement exprimées par le corps électoral. Le recours au référendum devrait être obligatoire pour l'adoption de lois qui contiennent des dispositions précédemment rejetées par le peuple par référendum. Le parallélisme des formes et le respect de « l'expression directe de la souveraineté nationale » exigent donc d'encadrer le pouvoir législatif du Parlement sur les sujets ayant fait l'objet d'une consultation populaire. Les électeurs qui ont voté non en 2005 peuvent-ils se satisfaire des quelques différences entre le traité constitutionnel et le traité de Lisbonne ? Ils se sont mobilisés depuis plusieurs mois et après avoir analysé sérieusement les deux traités, il n'est plus permis de douter. Les électeurs, consultés sur le nouveau traité, veulent donner leur avis.

Dès lors, pourquoi s'y opposer ? Je ne peux m'empêcher de citer les propos de Valéry Giscard d'Estaing : « Quel est l'intérêt de cette subtile manoeuvre ? D'abord et avant tout d'échapper à la contrainte du recours au référendum, grâce à la dispersion des articles et au renoncement au vocabulaire constitutionnel. »

Avec ce traité modifié, vous avez préféré conforter la nature néolibérale de l'Europe, tout en aménageant les superstructures institutionnelles de l'Union. Pour éviter le délitement de l'Union européenne et parce que nous pensons qu'une autre Europe est non seulement possible, mais surtout nécessaire, le groupe GDR a soumis une proposition de loi constitutionnelle afin de mettre en place un mécanisme de protection de l'expression du suffrage universel en cas de rejet d'un projet de loi soumis au référendum. La solution envisagée ne visait pas à sacraliser définitivement le résultat d'un référendum, mais à laisser au peuple la responsabilité d'un éventuel changement de position. L'article 11 de la Constitution aurait été ainsi complété d'un quatrième alinéa précisant les conséquences du rejet d'un projet de loi par référendum. Dans cette hypothèse, aucune disposition législative figurant dans le projet de loi rejeté n'aurait pu valablement être adoptée par la voie parlementaire. Ainsi, afin de respecter le parallélisme des formes et l'expression directe de la souveraineté nationale, seul un référendum aurait dû permettre donc l'adoption de dispositions précédemment rejetées.

Il m'a été reproché de n'avoir produit « qu'un texte de circonstance. » Mais je voudrais rappeler qu'il est de notre devoir d'agir afin d'éviter un déni de démocratie. Nous ne sommes ici que parce que des électeurs nous ont élus pour les représenter, et non pour voter des lois qui arrangent le Gouvernement et le groupe de la majorité – quels que soient, d'ailleurs, ce gouvernement et cette majorité. Il serait urgent, mes chers collègues, de veiller à ne pas opposer démocratie directe et démocratie parlementaire. Il faut éviter que la parole et la volonté du peuple ne soient détournées par un biais parlementaire, au risque d'accroître la méfiance à l'égard de la démocratie parlementaire.

Par ailleurs, nous ne méconnaissons pas l'article 3 de la Constitution, qui met sur un pied d'égalité l'exercice de la souveraineté par le peuple – au moyen du référendum – et par ses représentants. Mais cet article n'en dit pas moins que la souveraineté nationale appartient au peuple et que la volonté générale ne peut s'aliéner – héritage de Rousseau dont se revendiquent tous les démocrates. Or, le peuple ayant exprimé sa volonté sur une question en 2005, ses représentants ne peuvent le désavouer sur le même sujet en 2008.

J'ajouterai que notre proposition de loi constitutionnelle tenait compte du cas spécifique des traités internationaux. En effet, lorsque le peuple est appelé à se prononcer sur un traité, il ne se prononce pas directement sur les stipulations du traité, mais sur un projet de loi qui en autorise la ratification par le Président de la République.

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