Et c'est dans le respect le plus solennel des valeurs démocratiques que ce traité va être ratifié par le Parlement, comme l'ont été les précédents traités, comme le veut l'article 53 de la Constitution française et comme l'avait promis le candidat que les Français ont choisi lors de l'élection présidentielle.
L'élément le plus contesté de l'ex-partie III, à savoir la création des lois européennes, a été supprimé. La concurrence n'est plus un objectif en soi, qui peut fonder les politiques de l'Union, mais un outil au service des consommateurs, à utiliser parmi les autres, sans plus. En revanche, pour la première fois, l'Union se donne pour objectif de protéger ses citoyens dans la mondialisation. Les services publics sont protégés par un protocole qui a même valeur que les traités, et une clause sociale générale impose de prendre en compte les « exigences liées à la promotion d'un niveau d'emploi élevé, à la garantie d'une protection sociale adéquate, à la lutte contre l'exclusion sociale, ainsi qu'à un niveau d'éducation, de formation et de protection de la santé humaine » dans la définition et dans la mise en oeuvre de l'ensemble des politiques de l'Union.
Les Français ont été entendus, et leurs doutes ont ainsi éclairé ce texte qui plus que jamais dessine une Europe à leur image. Ce traité est résolument plus proche des préoccupations de nos concitoyens – et il me semble que cela était indispensable –, mais il n'oublie pas pour autant ses responsabilités, au premier rang desquelles figure celle de redonner un sens à l'Europe.
Je vais vous dire le fond de mon coeur. Cette Union, que nous portons avec tant d'efforts, ne se réalisera réellement que le jour où elle aura un sens pour tous ceux qui lui ont confié tant d'espoirs. Le traité modificatif n'est pas en ce sens un accord de plus : c'est le moyen de réconcilier l'Europe avec son destin, avec ses valeurs, avec ses objectifs ! Et c'est cet esprit qui habite le traité de Lisbonne, celui d'une Europe proche de ses citoyens, plus stable, plus lisible, le contraire d'une Europe technicienne, d'une machine technocratique obscurcie par les procédures et les contraintes.
L'Europe du traité de Lisbonne, c'est enfin une Europe à visage humain, grâce au Président du Conseil européen, au Président de la Commission et au Haut représentant pour la politique étrangère de l'Union ; c'est une Europe accessible, grâce à un vote plus simple, grâce à une meilleure représentation des États dans les prises de décisions et à un renforcement du rôle des Parlements nationaux ; c'est une Europe démocratique, grâce à l'extension des pouvoirs du Parlement européen et à la création du droit d'initiative populaire.
L'Europe du traité de Lisbonne, c'est une Europe stable dans un monde incertain. La France n'a jamais eu autant besoin de l'Europe qu'en ce début de siècle, bousculé par les nouveaux défis de la mondialisation. Ne l'oublions pas : l'Europe est une force. C'est un formidable facteur de stabilité économique qui, comme nulle autre chose, peut aussi bien nous protéger des aléas de la concurrence et des marchés que nous offrir des relations amicales et prospères avec les grandes puissances de ce monde.
C'est une grande ambition technologique, des projets concrets. Qui d'autre que l'Europe aurait pu nous porter vers des projets aussi prometteurs que Galileo, ITER ou les réseaux transeuropéens ?
L'Europe du traité de Lisbonne, c'est une Europe qui se donne les moyens de retrouver un idéal. Il y a cinquante ans, les Européens étaient unis et ils savaient ce qui les unissait : un grand idéal, celui de la paix. Aujourd'hui, la guerre n'est plus qu'un vieux et mauvais souvenir pour nos aînés ; quant à nos enfants, bien souvent ce mot n'a pour eux plus aucun sens.
Il est une évidence qui s'impose à nous : beaucoup de concitoyens ne perçoivent plus quel est notre idéal, quel est le projet de civilisation que nous poursuivons. Pourtant ce projet ne manque ni d'envergure ni d'attractivité, et la ratification de ce traité nous met face au devoir que nous avons vis-à-vis de tous ceux que nous représentons, en leur rappelant que l'identité de l'homme européen, c'est notre identité.
Être européen, c'est être un citoyen de l'Union européenne. Depuis Maastricht, il est possible à chacun de voter et de se faire élire aux élections municipales et européennes, et avec le traité de Lisbonne, c'est le droit de l'initiative populaire qui s'ouvre à tous. L'Europe est ainsi une volonté politique, un destin auquel chacun peut apporter sa contribution.
Être européen, c'est être un étudiant, un travailleur qui n'a pas de frontières, ni celle de la distance ni celle de la langue. Circuler, travailler ou résider dans toute l'Union n'est plus un privilège, c'est un droit. L'Union européenne n'a pas seulement aboli les frontières qui nous divisaient, elle a ouvert des portes qui nous ont fait nous rencontrer.
Cette année, nous célébrons les vingt ans d'Erasmus, et à cette occasion ce n'est pas un simple programme universitaire d'échanges que nous félicitons, c'est la rencontre de près d'un million et demi de jeunes Européens qui ont, avec simplicité et naturel, transcendé des barrières qui nous semblait insurmontables et inventé le vivre-ensemble et la connaissance de l'autre. L'Europe doit être à l'image de ces jeunes : curieuse et tolérante, consciente de la force que donne à ses membres la capacité de regarder dans le même sens malgré leurs différences.
Être européen, c'est être un homme fidèle à sa liberté et fier de ses valeurs. Notre Union, c'est celle de l'égalité : des sexes, des âges, des ethnies et des religions. La Charte des droits fondamentaux, qui devient opposable avec le traité de Lisbonne, ne manque pas de nous rappeler ce que nous sommes et ce que nous n'aurons jamais le droit ni de renier ni d'abandonner : le fait que chaque citoyen européen porte en lui et au nom de tous la dignité, la liberté, l'égalité, la solidarité et la justice.