La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
Mes chers collègues, je suis heureux de souhaiter, en votre nom, la bienvenue à une délégation de la Chambre des députés du Royaume hachémite de Jordanie, conduite par le président du groupe d'amitié Jordanie-France, M. Abdulla Aljazi. (Mmes et MM. les députés, ainsi que Mmes et MM. les membres du Gouvernement, se lèvent et applaudissent.)
La parole est à M. Pierre Morel-A-L'Huissier, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
Selon les statistiques publiées la semaine dernière, la croissance économique en France a atteint 2,2 % en 2007 et 0,6 % au premier trimestre 2008. Quelle bonne nouvelle pour la France, mais aussi pour le Gouvernement, et en particulier pour vous, madame la ministre, qui avez dû faire face aux leitmotivs défaitistes qui n'ont pas manqué depuis plusieurs mois !
L'embellie porte également sur les statistiques du marché du travail. Les chiffres de 2007 ont été une nouvelle fois revus à la hausse, avec 352 000 créations d'emplois au premier trimestre ; et, pour les salariés du secteur marchand, 39 400 postes de travail ont été créés. Ces chiffres apportent un démenti à tous ceux qui, depuis des mois, nous assuraient d'une apocalypse économique, sans cesse repoussée au lendemain.
Certains continuent aujourd'hui ces discours défaitistes, préférant l'idéologie à la réalité économique actuelle. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Madame la ministre, ma question porte sur votre appréciation des facteurs qui ont conduit à cette performance, dont nous devrions tous nous réjouir, par-delà les clivages partisans. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Par ailleurs, quels enseignements tirez-vous de ces excellentes nouvelles, qui sont à porter au crédit de la politique économique menée par le Gouvernement depuis un an, sur la scène française comme sur la scène internationale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
Je me réjouis pour notre pays, ainsi que pour les hommes et les femmes, entrepreneurs, salariés et fonctionnaires, qui créent cette valeur économique : un taux de croissance de 2,2 % en 2007 et de 0,64 % au premier trimestre 2008. Ce sont de bons chiffres.
Je me réjouis aussi que les experts révisent leurs prévisions à la hausse, car nous avons déjà atteint un taux de croissance de 1,4 % et, monsieur le député, nous serons dans les clous de nos prévisions pour l'année 2008.
Je me réjouis que les chiffres de la croissance – 0,6 % au premier trimestre –, ceux de l'emploi – plus de 40 000 emplois créés au premier trimestre – et ceux des heures supplémentaires – 59 % des entreprises y ont recours – nous confortent, sous l'autorité du Premier ministre, dans les réformes à poursuivre pour moderniser notre économie et notre marché de l'emploi.
Notre politique économique est fondée sur plusieurs éléments : l'effort, l'esprit d'entreprise, la concurrence, la participation.
Un député du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Et le chômage !
Vous avez critiqué mon optimisme pour ce qui est de la croissance, ma satisfaction pour la France (« Oui ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche), et vous critiquerez sans doute demain notre volontarisme économique.
Vous persistez, nous aussi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.) J'aime mieux la petite musique de l'emploi, de l'innovation, de la croissance, de la participation, que le défaitisme des Cassandre qui n'inventent rien, ne proposent rien et ne se réjouissent de rien ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
La parole est à M. Maxime Bono, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche. J'y associe, bien sûr, les députés socialistes de notre façade maritime, et plus particulièrement Bernard Cazeneuve, député-maire de Cherbourg.
Monsieur le ministre, depuis bientôt une semaine, les pêcheurs de notre pays sont en colère, car la hausse constante du prix du gazole ruine les armements, contraint les bateaux à rester à quai et prive les équipages de tout revenu. Ils sont en colère également car les promesses faites, les assurances données et les espoirs que certains propos avaient fait naître n 'ont pas été suivis d 'effets.
Le 6 novembre, au cours d'une visite mouvementée au Guilvinec, le Président de la République affirmait : « Je n'ai pas l'intention de laisser mourir la pêche. » En déplacement à Boulogne-sur-Mer, il poussait même la démagogie jusqu'à promettre qu'il profiterait de la présidence française de l'union européenne pour « sortir des quotas de pêche » !
Aujourd'hui, plus personne ne croit à ces promesses, et les pêcheurs ne croient plus, monsieur le ministre, en votre plan pluriannuel. Ils ignorent encore à ce jour si les mesures prévues pourront être mises en oeuvre, leur compatibilité avec les règles de Bruxelles n'étant toujours pas établie. Aujourd'hui, un bateau qui part en pêche s'endette, et l'ensemble de la filière ne peut admettre qu'à ce jour, la seule mesure réellement financée et mise en oeuvre du plan que vous aviez annoncé soit destinée à la destruction des bateaux sortis de la flotte.
Monsieur le ministre il est urgent que le dialogue reprenne. À ce jour, plus de quinze ports sont bloqués, et bien d'autres en grève. Le mouvement ne cesse de s'étendre, à la mesure du désespoir qui s'empare des équipages. Dans l'immédiat, et dans 1'attente de mesures structurelles, seules à même de garantir l'avenir des métiers de la mer, dans l'attente de la modernisation des bateaux pour une moindre consommation et une plus grande sécurité, des mesures sociales au profit des équipages sont indispensables. Celles-ci ne dépendent pas de la législation européenne. Monsieur le ministre, êtes-vous prêt, demain, à ouvrir le dialogue en ce sens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
La parole est à M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche.
Permettez-moi de commencer par une remarque, monsieur Bono : en vérité, la pêche française n'est ni de droite ni de gauche. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
Elle fait partie de notre identité nationale, elle est au coeur du défi alimentaire et territorial que doit relever notre pays. Comme vous l'avez dit, les pêcheurs connaissent aujourd'hui une situation très difficile, pour une raison précise : au-delà des dangers et des difficultés de leur métier, le gazole qu'ils utilisent – certains plus que d'autres – a augmenté de 20 centimes d'euro depuis six mois, soit autant que les deux dernières années. C'est pour cette raison que le Président de la République, après sa visite au Guilvinec – ses engagements seront respectés – m'a demandé de travailler, sous l'autorité du Premier ministre, à un plan de secours et de soutien à la pêche française. Celui-ci est sans précédent, tant par son ampleur, avec 310 millions d'euros déployés sur trois ans, que par son ambition : une pêche durable et responsable. J'ai travaillé sur ce plan avec tous ceux qui l'ont voulu, sans parti pris, et nombre d'entre vous peuvent en témoigner, comme M. Cuvilliez, M. d'Ettore et bien d'autres. Je me suis attaché à ce que les quinze mesures proposées soient compatibles avec les règles européennes. Vous comme moi avons à l'égard des pêcheurs français, un devoir de solidarité et de vérité. Vous me demandez si je suis prêt à dialoguer : je n'ai jamais cessé de le faire ! Je rencontrerai demain l'ensemble des représentants des professionnels, avec le souci de faire face à l'urgence et à la détresse des hommes et des femmes qui vivent de la pêche, grâce à des mesures sociales. Je veux également donner un nouvel horizon à la pêche française avec des mesures structurelles qui seront accentuées, intensifiées en faveur de la modernisation de la flottille, de la formation, des économies d'énergie et de la sécurité des marins-pêcheurs. Voilà dans quel esprit je poursuivrai, demain, le dialogue avec l'ensemble des marins professionnels. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
La parole est à M. François Asensi, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Madame la ministre de l'intérieur, quel bilan faites-vous de l'opération de police réalisée dans la cité des Beaudottes, à Sevran, le 23 avril dernier ? Au vu de ses résultats, on peut parler de fiasco total. Quel a été le rôle joué par les services de renseignement et comment vos services se sont-ils coordonnés avec la justice dans cette intervention ? La recherche du flagrant délit était un échec annoncé : 350 policiers étaient stationnés, avec leurs véhicules, avant le déclenchement de l'opération à dix-huit heures, sur un parking public, ce qui n'était guère discret.
Dans cette ville de ma circonscription, les habitants de plusieurs quartiers vivent en permanence dans l'angoisse, les humiliations, quand ce n'est pas la terreur, imposées par les trafiquants.
Sevran n'est pas un cas isolé en Île-de-France. L'affichage sécuritaire proclamé par le Président et le Gouvernement ne masque plus votre impuissance dans la lutte contre les réseaux mafieux. Quant à la réponse sociale et urbaine attendue par ces territoires défavorisés et abandonnés par un État qui n'assume plus ses missions régaliennes, elle est tout simplement ignorée.
Sevran, pauvre parmi les villes pauvres, ne peut obtenir le droit de restructurer sa gare des Beaudottes, seule gare souterraine en banlieue, alors que celle-ci est anxiogène et concentre 60 % des délits constatés sur la ligne B du RER.
Comble de cynisme, vos services réclament à cette commune l'argent d'un immeuble de police qu'elle avait elle-même cédé il y a vingt ans pour un franc symbolique. Ce serait, paraît-il, la condition exigée pour la construction du futur commissariat. Vous avez dit justice ? Nous sommes en pleine iniquité. Les citoyens sont las, madame, de constater que l'État n'assume plus ses missions régaliennes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
Il est pour le moins paradoxal, monsieur le député, de réclamer plus de sécurité et de blâmer cette opération, la plus mobilisatrice jamais menée dans le quartier des Beaudottes. (Exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Cette opération, je vous le rappelle, faisait suite à l'évolution inquiétante que connaissait la cité – à tel point, d'ailleurs, que le bailleur avait retiré ses gardiens. Il fallait absolument récupérer onze appartements, accessibles par huit entrées d'immeubles différentes, qui étaient squattés et servaient de plaque tournante pour le trafic de drogue.
Les 350 policiers effectivement mobilisés ont permis d'intervenir simultanément sur l'ensemble des lieux tout en préservant la sécurité du quartier. La libération de ces onze squats a permis de récupérer des armes à feu, des stupéfiants de différentes natures et de l'argent liquide. De plus, des renseignements complémentaires ont été collectés, aujourd'hui exploités par les services concernés – notamment par le GIR. Ils permettront d'agir le moment venu.
Les résultats de cette opération sont donc positifs, et je m'étonne qu'un élu, par nature attaché à la sécurité de ses concitoyens, y trouve à redire.
Les choses ne vont pas en rester là. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Aux Beaudottes, la sécurité est assurée dans la gare et en surface, et le nombre de faits élucidés montre les progrès réalisés : après avoir augmenté de 50 % en 2007, il a cru à nouveau de 15 % au cours des quatre premiers mois de 2008. La construction du nouveau commissariat, pour laquelle l'immeuble actuel doit être effectivement vendu, la mise en place d'une compagnie de sécurisation à Saint-Denis, la création, à Sevran, d'une unité territoriale de quartier – UTEQ – et le développement de la vidéoprotection permettront de poursuivre dans cette voie.
Permettez-moi de m'étonner, monsieur Asensi : alors que j'ai décidé de consacrer des crédits importants au fonds de protection, aucune proposition ne m'est venue des élus ; seul le bailleur s'est exprimé.
La parole est à M. Michel Hunault… (Protestations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Monsieur le député, la sécurité de nos concitoyens n'est pas un objet de polémique, c'est le fruit d'une action, celle que mène le Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Madame la garde des sceaux, hier, une importante conférence de presse vous a donné l'occasion de faire le bilan d'une année de réformes à la tête de la Chancellerie, pendant laquelle vous avez pu compter sur le soutien et l'aide des députés du Nouveau centre – je pense notamment aux lois sur la récidive ou sur le contrôle des prisons. Mais vous avez surtout évoqué la situation préoccupante des prisons françaises, régulièrement dénoncée par l'ensemble de la représentation nationale. Nous avons ainsi frôlé, au mois de mai, la surpopulation carcérale avec plus de 63 000 détenus pour une capacité de 50 000.
Vous vous êtes engagée hier à publier prochainement un décret sur la cellule individuelle, et surtout à inscrire à l'ordre du jour de la session en cours la discussion du projet de loi pénitentiaire, attendu depuis de longues années. Pouvez-vous nous dire quelles sont vos priorités pour améliorer la situation des prisons et concilier la nécessaire fermeté avec l'exigence d'humanité pour toutes les personnes privées de liberté ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre.)
La parole est à Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice.
Vous avez raison, monsieur le député : la loi pénitentiaire est très attendue. Elle est au coeur d'une réforme de la justice, qui, depuis un an, porte ses fruits : plus de fermeté à l'égard des récidivistes et des délinquants les plus dangereux, mais un traitement plus digne des personnes détenues, de façon à favoriser leur réinsertion. La loi pénitentiaire, qui a fait l'objet d'un long travail de réflexion, vous sera présentée avant la fin de la session parlementaire. Mais nous avons d'ores et déjà pris des décisions. Ainsi, le Gouvernement a un candidat à présenter aux commissions des lois pour le poste de contrôleur général indépendant des lieux de privation de liberté. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Par ailleurs, je travaille sur la question difficile de l'encellulement individuel, qui fera l'objet d'un décret. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
La parole est à M. Patrick Ollier, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.
À quelques heures du vote sur le projet de loi relatif aux OGM, je voudrais dire combien nous avons été consternés par la présentation systématiquement caricaturale que l'opposition a faite de l'attitude de la majorité dans l'hémicycle. C'est le comble de la démagogie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Non, mesdames et messieurs de l'opposition, il n'y a pas, d'un côté, les méchants députés de la majorité qui voudraient nuire à la santé des Français (« Si ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche) et, de l'autre, les bons de l'opposition qui voudraient la protéger.
Les Français ont besoin de vérité. La vérité, c'est que ce texte n'existerait pas si M. Jospin et Mme Voynet n'avaient, en 2001, accepté la directive européenne sur les OGM ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Mais après l'avoir acceptée, ils ne l'ont pas transcrite en droit français, nous laissant le soin de faire le travail ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La vérité, c'est que ce projet de loi n'est pas un projet pour ou contre les OGM, mais un texte qui organise la culture de ceux que le Haut comité aux biotechnologies aura autorisés. La vérité, elle n'est pas politique, mais scientifique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La vérité, c'est que ce texte protège ceux qui ne veulent pas des OGM. C'est une loi de vigilance, et une loi de transparence. La vérité – et je le dis aussi à mes collègues de la majorité (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine) –, c'est que, sans elle, il n'y aura pas de règles. Ce sera la jungle, le retour d'une violence dont nous ne voulons plus. Et c'est pourquoi elle doit être votée.
La vérité, enfin, c'est que, grâce au rapporteur, Antoine Herth, et à vous, monsieur le président, le débat a été riche et constructif. Nous avons voulu nous montrer ouverts sur un projet de loi issu en droite ligne du Grenelle de l'environnement. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Nous avons été attentifs à vos arguments, monsieur le ministre, et nous avons souhaité, à l'Assemblée comme au Sénat, que l'amendement Chassaigne soit préservé. Alors, que l'opposition cesse de tromper les Français avec de faux arguments ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je poserai ma question après avoir rappelé que l'Europe nous infligera une amende de 40 millions d'euros et une astreinte de 350 000 euros par jour si nous ne rectifions pas notre position : pouvez-vous, monsieur le ministre d'État, nous rappeler les principes fondateurs du projet de loi sur les OGM ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
La parole est à M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.
Vous vous souvenez, monsieur le président Ollier, de la situation qui prévalait l'été dernier : des OGM étaient cultivés un peu partout, sans aucune précaution à l'égard d'autres cultures ; il y avait des tensions, des violences – un drame humain est même survenu. Il n'y avait pas de règles, ni aucune instance pluridisciplinaire susceptible de décider au cas par cas. Il n'y avait pas de soutien à la recherche, et la recherche française était d'ailleurs proche de l'arrêt.
Depuis lors, le Président de la République, le Gouvernement et votre majorité n'ont fait que suivre scrupuleusement les trois demandes issues du Grenelle de l'environnement.
La première était l'interdiction du seul OGM cultivé en France, le maïs MON 810. La gauche l'a introduit ; nous l'avons, nous, interdit ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La deuxième demande, formulée par tous les collèges du Grenelle – ONG, syndicats, entreprises, agriculteurs, collectivités territoriales – était le vote d'une loi claire, afin qu'à l'avenir, et dans le respect du principe de précaution le plus élémentaire, on puisse décider au cas par cas, grâce à la somme de toutes les connaissances scientifiques – y compris dans le domaine des sciences environnementales –, ce qu'il convient de faire en matière de cultures OGM.
Enfin, le texte que vous allez adopter répond à une troisième demande unanime, celle de la transparence, qui est assurée à la parcelle près.
Principe de précaution, débat démocratique, faculté offerte au citoyen de saisir le Haut conseil par l'intermédiaire d'un parlementaire, principe de responsabilité… Aucun acteur, aucun parlementaire, aucun scientifique, aucun observateur, personne n'y trouvera à redire, car dans aucun pays au monde on n'a vu de texte aussi sérieux, aussi protecteur de l'environnement et de la santé de nos concitoyens. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Ce texte nous honore ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
La parole est à Mme Brigitte Barèges, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale.
Comme nous tous, j'éprouve, cela va de soi, un grand respect pour les enseignants et pour le droit de grève, liberté fondamentale garantie par la Constitution.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Mais ?
Mais j'ai tout autant de respect pour les parents qui élèvent leurs enfants et pour les personnes qui travaillent. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
C'est la raison pour laquelle, après mon élection à la tête de la mairie de Montauban, et dès les premières grèves en 2002, nous avons organisé l'accueil des 4 600 élèves scolarisés dans les quarante écoles élémentaires et maternelles de la ville. Soit l'école restait ouverte – du fait de la présence de deux ou trois enseignants –, et, dans ce cas, la ville n'organisait pas de garderie. Soit elle était fermée, tous les enseignants étant en grève, et les enfants étaient alors accueillis au centre de loisirs, moyennant une participation financière des parents de quatre euros par enfant, repas compris.
Depuis que vous avez mis en place, monsieur le ministre, le « service minimum d'accueil », nous avons signé avec l'éducation nationale une convention prévoyant une prise en charge par l'État de 90 euros par tranche de quinze élèves. Ainsi, nous avons pu offrir un accueil totalement gratuit aux enfants lors des grèves du 24 janvier et du 15 mai 2008. Et nous avons pu constater que le nombre d'enfants qui en bénéficiaient avait augmenté. C'est dire le caractère social de la mesure, et combien elle était attendue.
C'est notre façon de concevoir, me semble-t-il, le respect d'une liberté tout aussi fondamentale – celle de la continuité du service public.
J'estime en effet qu'en tant qu'élu, je me dois de faciliter la vie de mes administrés, et pas de la leur compliquer. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Ainsi que l'a rappelé le Président de la République, il s'agit d'un véritable droit opposable aux élus locaux.
Plusieurs députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Dans la rue !
En conséquence, monsieur le ministre, pourriez-vous nous apporter des précisions sur la loi relative au service minimum que le Président de la République vous a demandé de déposer avant l'été au Parlement ?
Madame la députée Brigitte Barèges, eh bien, oui, nous allons passer par la loi, parce qu'il n'y a aucune raison que les familles, pour qui l'école est un bien, pour qui l'école est un dû, la voient systématiquement s'interrompre lorsqu'il y a une grève. C'est aussi cela le droit à l'école, le droit à l'accueil ! C'est un acquis social ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Oui, nous allons passer par la loi parce qu'il n'y a pas de raison que des parents soient obligés de ne pas travailler : le droit au travail est équivalent au droit de grève ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Oui, nous allons passer par la loi pour que les maires socialistes n'aient plus à revendiquer leur idéologie ou les directives votées lors d'un congrès pour justifier leur décision de rendre ou non service aux familles. La loi leur montrera le chemin ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Le Président de la République a rappelé qu'il fallait passer par la loi parce qu'il en va tout simplement de l'intérêt général. Il n'y a aucune raison que des parents soient contraints de trouver des modes de garde ou de ne pas travailler les jours où les enseignants du premier degré sont en grève, d'autant que les familles les plus pénalisées, nous le savons, sont toujours celles qui se trouvent dans les situations les plus délicates.
La loi sera simple. Elle obligera les grévistes à se déclarer au préalable. Elle demandera aux communes d'organiser cet accueil et l'État remboursera les frais qu'elles supporteront à cette occasion.
Il n'y a aucune raison d'être contre ce dispositif voulu par le Président de la République et par le gouvernement de François Fillon, surtout lorsque 62 % des Français le réclament. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Nouveau Centre.)
La parole est à M. Jean Glavany, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le président, je souhaite interroger le Gouvernement sur ce que l'on doit appeler le dernier « couac » majoritaire. (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. – Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Le principal responsable du parti majoritaire veut, dit-il, « en finir définitivement avec les 35 heures ».
C'est d'ailleurs quelque peu paradoxal de la part d'une majorité et d'un gouvernement qui ont généralisé les 35 heures avec le dispositif d'exonération de charges des heures supplémentaires !
Un député du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Très bien !
Serait-ce pour des raisons économiques ? La réponse est évidemment non. Tout le monde connaît ici la durée effective moyenne du travail des actifs en France, qui s'élève à 37 heures par semaine, contre 36,2 en Allemagne et 33,7 aux États-Unis. Elle avoisine même les 32 heures dans plusieurs pays d'Europe du Nord. (Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Tous les économistes sérieux savent que la durée effective du travail est d'autant plus faible que les économies sont compétitives ! (Très vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
L'explication est donc forcément politique, pour ne pas dire idéologique ! (Très vives protestations sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire ; claquements de pupitre.)
Je vous en prie, mes chers collègues ! Monsieur Degauchy, arrêtez avec votre pupitre !
Je ne vois pas pourquoi cela les énerve tant, monsieur le président ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
C'est pourquoi je me permets de poser une question très simple – ce qui ne vous donnera donc pas l'occasion de m'interrompre, monsieur le président – : voulez-vous, oui ou non, monsieur le ministre, mettre un terme à la durée légale du travail dans notre pays ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et sur quelques bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. – Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité.
Monsieur Glavany, il y a dix ans, la gauche a voté les 35 heures imposées partout et pour tous de la même façon. (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Elle créait ainsi un carcan dont le monde du travail souhaite aujourd'hui pouvoir sortir.
Nous ne voulons pas, quant à nous, conserver ce carcan qui s'impose à tout le monde de la même façon !
Vous savez bien qu'il faut une durée légale du travail – 35 heures, en l'occurrence – parce que c'est ce qui déclenche le paiement et la majoration des heures supplémentaires ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Vous rallieriez-vous, monsieur Glavany, au dispositif des heures supplémentaires voté par cette majorité (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre), qui, vous le savez, marche de mieux en mieux ? En effet, près de 60 % des entreprises y ont eu recours !
Reconnaissons que les 35 heures imposées ont nui à l'économie et aux salaires des Français. Cela aussi, vous devriez le dire, monsieur Glavany ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Nous vous laissons, je vous le garantis, l'idéologie. Pour nous, en effet, la meilleure solution réside dans la négociation au sein des entreprises, monsieur Glavany. C'est ce que nous privilégions.
Nous vous soumettrons donc un projet de loi fondé sur la position commune des partenaires sociaux qui prévoira la possibilité pour les entreprises de « faire du sur mesure » et de s'éloigner ainsi de « l'uniforme » des 35 heures que vous avez à l'époque mis en place.
Vous avez donné aujourd'hui votre position et c'est révélateur. Mais est-ce celle du parti socialiste ? Dix ans après, on a du mal à s'y retrouver entre les déclarations de M. Le Roux, hier, et celles de Mme Royal, dont je ne sais si elle réglait ses comptes avec Mme Aubry, et qui a dit : « On sait très bien que la seconde loi sur les 35 heures a été souvent brutale […] elle a entraîné des problèmes importants dans les hôpitaux et dans certaines entreprises, où notamment les travailleurs pauvres ont vu leurs conditions de travail se dégrader…» Je le répète : nous peinons à nous y retrouver ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Nouveau Centre.) Mais une chose est certaine : dix ans, après vous êtes toujours coupés des réalités du monde du travail ! Dix ans après, vous êtes toujours idéologues ! Dix ans après, vous êtes dans l'opposition. Ne vous étonnez pas que les Français préfèrent que vous y restiez ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Nouveau Centre.)
La parole est à M. Camille de Rocca Serra, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le président, ma question s'adresse à M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services.
Monsieur le secrétaire d'État, vous étiez, à la fin de semaine dernière, en Corse pour la réunion de dix ministres du bassin méditerranéen dans le cadre du dialogue dit des « 5 + 5 » sur le tourisme.
De l'avis général des participants et de nos concitoyens corses, cette réunion s'est parfaitement déroulée. Elle a notamment fait apparaître que nos voisins du sud de la Méditerranée souhaitaient voir progresser le projet d'une « Union pour la Méditerranée ». Une telle manifestation internationale est la première en Corse depuis 1969. Au nom de tous les Corses, je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, de l'avoir organisée en y associant tous les élus, y compris ceux, nombreux, de la région PACA.
Je vous poserai deux questions. Au terme d'un jour et demi de discussions, avez-vous des projets concrets et consensuels à proposer dans le domaine du tourisme lors de la future grande réunion sur l'Union pour la Méditerranée qui se déroulera le 13 juillet prochain ?
Fernand Braudel s'est fait l'écho de l'histoire de la Corse et de la Méditerranée, des Phéniciens à nos jours. Quelle place la Corse, qui a des ambitions en la matière, tiendra-t-elle dans cette Union pour la Méditerranée ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services.
chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services. Monsieur de Rocca Serra, les 15 et 16 mai derniers s'est tenue à Ajaccio une très importante réunion des dix ministres du tourisme des deux rives de la Méditerranée – cinq ministres du tourisme du Sud de la Méditerranée, cinq du Nord. Cette réunion a été l'occasion de passer en revue l'apport du tourisme à l'ensemble du pourtour méditerranéen. Nous sommes parvenus à des conclusions concrètes, qui seront transmises aux chefs d'État et de gouvernement le 13 juillet prochain, lors de la réunion décidée par le Président de la République et destinée à porter sur les fonts baptismaux cette Union pour la Méditerranée.
Trois conclusions essentielles ont été tirées de ces travaux. Tout d'abord, il est nécessaire de créer des produits touristiques communs à différents pays de la Méditerranée, pour proposer aux tourismes venus de très loin des produits innovants. Ensuite, des fonds d'investissement doivent permettre de favoriser le développement des infrastructures touristique. Enfin, un portail général sur l'ensemble de la Méditerranée doit être mis au point pour faire connaître plusieurs circuits touristiques.
Au-delà, les ministres du tourisme ont souhaité se faire l'écho auprès de moi de l'accueil chaleureux qui leur a été réservé à Ajaccio et dans l'ensemble de la Corse, dont ils ont pu découvrir les atouts. Cette île est, bien sûr, au coeur de la Méditerranée. Elle pourra, grâce à ce projet d'Union pour la Méditerranée, jouer un rôle majeur dans la réalisation de cette belle idée qui a été portée et proposée par notre Président de la République aux élus, dont vous êtes. Je suis persuadé que vous saisirez cette chance et que nous bâtirons ensemble cette belle Union pour la Méditerranée ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Jean-François Chossy, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le président, ma question s'adresse à Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité et porte sur l'autisme.
Au-delà de l'invective habituellement utilisée en politique pour définir un adversaire, l'autisme est un handicap douloureux, pénible à supporter pour celui qui en est atteint et qui plonge dans un total désarroi les familles et les accompagnants. Madame la secrétaire d'État, vous avez récemment présenté avec Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative, un plan sur l'autisme qui contient l'essentiel des réponses. Ce plan pose la question de l'accueil des personnes autistes, que ce soient des enfants, des adolescents ou des adultes. Pour éviter la fuite et l'exil en Belgique, il faut créer en France, des places en quantité et en qualité permettant de les accueillir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Nouveau Centre.) Alors que le plan proposé par Philippe Douste-Blazy en 2005 prévoyait la création de 2 600 places, je sais que vous voulez atteindre l'objectif de 4 000 places, ce dont je vous félicite et vous remercie. Qu'en sera-t-il des moyens et de la répartition de ces places ? Est-il envisagé d'en créer en accueil temporaire, en SESSAD, en foyers d'accueil médicalisé ?
L'autisme est accompagné, sans que cela soit officiel, grâce à des méthodes et des pratiques non validées en France mais très connues à l'étranger, qu'il s'agisse de la méthode TEACCH, de la méthode MAKATON, de la méthode ABA ou de bien d'autres encore. Ces méthodes doivent être reconnues en France. Que comptez-vous faire, madame la secrétaire d'État, pour qu'elles soient validées, évitant ainsi aux parents en plein désarroi d'aller chercher le « docteur Internet » pour trouver la solution ? Ces parents, qui, la plupart du temps, abandonnent leur emploi pour se consacrer à l'accompagnement de l'enfant, de l'adolescent, voire de l'adulte autiste, doivent être aidés. Que ferez-vous, madame la secrétaire d'État, pour que ces questions et bien d'autres encore trouvent des réponses ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
La parole est à Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité.
Monsieur Chossy, vous avez bien sûr raison : de trop nombreuses familles restent encore aujourd'hui sans solution. Comme vous l'avez rappelé, c'est pour elles un véritable parcours du combattant : diagnostic tardif, manque de places d'accueil, absence de formation et de soutien des familles.
Dans un pays comme la France, il nous faut réagir, et c'est bien là l'objet de ce plan que nous avons annoncé avec Roselyne Bachelot, lequel présente une dimension interministérielle, car y sont également associés Valérie Pecresse, Xavier Darcos et Xavier Bertrand, s'agissant de la scolarisation et de l'effort de recherche.
Ainsi, 4 100 places supplémentaires s'ajouteront aux 2 800. S'agissant de la qualité de l'accueil, 80 000 euros par place sont prévus pour les enfants et adultes les plus lourdement handicapés. On sort donc des grilles administratives habituelles pour améliorer la prise en charge de qualité, dont vous parliez, grâce à des petites structures adaptées et à un personnel d'encadrement en mesure de répondre à chaque situation. Il conviendra aussi de former tous les professionnels, que ce soient ceux de l'éducation nationale ou les professionnels médicaux et médico-sociaux. Ce plan est extrêmement ambitieux. Dans chaque département, six formateurs seront mis à la disposition de toutes les structures, afin de mettre en oeuvre des modules de formation spécifiques à la prise en charge de l'autisme.
Ce plan permettra également d'assurer un diagnostic précoce, avec un accompagnement des familles, qui sont perdues lorsqu'on le leur annonce. Une prise en charge individuelle est indispensable, pour proposer un accueil adapté des enfants, des adolescents, des adultes, pour les accompagner vers un emploi ou les aider à trouver un logement adapté.
Quant aux méthodes, nous ne devons plus les opposer, ce qui était parfois le cas en France, c'est vrai. Elles doivent être complémentaires. Nous avons choisi la voie de l'expérimentation. Dans un cadre strict garantissant le respect des droits fondamentaux de la personne, avec une évaluation et un cahier des charges, les DASS pourront autoriser des expérimentations des méthodes TEACCH et ABA, qui s'articuleront avec la prise en charge par des pédopsychiatres.
Ce plan, c'est celui des associations, des parents et des professionnels membres du comité autisme, qui nous ont livré un rapport dont les conclusions ont été plus que précieuses. Il répond aux attentes de tous ceux qui sont concernés par cette situation douloureuse. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
La parole est à M. Philippe Martin, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le Premier ministre, il y a une semaine, jour pour jour, la majorité des députés présents dans l'hémicycle a rejeté votre projet de loi sur les OGM (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. – Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine), et je voudrais dire à M. Copé que, si, pour qu'il soit applaudi à tout rompre, il faut que les projets qu'il soutient soient mis en minorité, nous sommes prêts à recommencer tous les jours. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
À la suite de ce vote, 67 % des Français se sont déclarés satisfaits que le texte soit rejeté. (« Non ! » sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Malgré tout, vous avez voulu faire comme si de rien n'était et, dans une CMP cadenassée par M. Ollier,…
C'est vous qui êtes partis ! Dites la vérité ! C'est dans le procès-verbal !
…vous avez permis que huit parlementaires en représentent 900 et annulent une décision démocratique. D'une certaine façon, vous avez inventé le seuil de détectabilité démocratique, qui se situe, comme pour les OGM, à 0,9 %. (Huées sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. – Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Ce texte crée pourtant du trouble, dans le pays mais aussi dans vos rangs. M. Ollier parlait de vérité. Moi, je vais lui parler de double langage.
Récemment, le conseil général des Hauts-de-Seine, département de M. Ollier, de M. Lefebvre et de M. Santini, présidé par M. Devedjian, a pris une sage décision. Le 18 février, Mme Isabelle Balkany, vice-présidente, chargée des affaires scolaires, a présenté un rapport sur le lancement d'un appel d'offres sur la restauration des cantines des collèges.
Voici ce qu'on lit dans le cahier des charges : « Le département des Hauts-de-Seine exige du prestataire l'exclusion systématique des denrées alimentaires avec une présence d'OGM. Le prestataire devra apporter la garantie d'absence d'OGM dans les produits livrés. » (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Lorsque nous interrogeons le conseil général des Hauts-de-Seine, on nous répond que la décision d'interdire les OGM n'a pas été prise par le président Devedjian et qu'on ne fait que continuer ce qui se faisait avant lui. (Vives exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Votre question, monsieur Martin ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Et voici la justification qui est donnée : « Nous ne sommes pas contre les OGM, mais nous les interdisons par principe de précaution, car on ne connaît pas exactement les effets des OGM à long terme. »
Monsieur le Premier ministre, quand allez-vous appliquer la jurisprudence des Hauts-de-Seine à l'ensemble du pays ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
La parole est à M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.
Monsieur le député, il semble vous avoir totalement échappé que le Gouvernement français a fait jouer la clause de sauvegarde, et que nous sommes l'un des trois pays au monde à l'avoir fait. C'était il y a huit semaines. Vous aviez introduit les maïs OGM cultivés, nous les avons interdits. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Revenons au fond des choses, nous sommes à l'Assemblée nationale.
C'est un sujet qui concerne particulièrement votre département. Vous avez vous-même participé au Grenelle de l'environnement, vous avez fait partie de l'intergroupe OGM et vous avez été membre de la Haute autorité provisoire sur les OGM. Vous savez très bien que, dans ce dossier difficile, le compromis qui a été arrêté est strictement celui qui est proposé à la représentation nationale. (« Non ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Le principe de responsabilité, qui est dans le document que vous avez approuvé, est dans le texte de loi, le principe de précaution également. Le Haut conseil sur les biotechnologies est dans le texte de loi et le moratoire OGM sur le maïs MON 810 a été mis en application.
C'est un dossier évidemment difficile. Vous essayez de faire croire que vous êtes contre les OGM. Les OGM pour lutter contre la mucoviscidose, vous êtes contre ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Les peupliers OGM, vous êtes contre ? Alors ? Vous savez, on sort toujours de l'ambiguïté à son détriment !
Monsieur Martin, vous avez signé une proposition de loi il y a six mois avec le groupe socialiste. Vous y souligniez que le droit français était en retard, notamment sur les questions de coexistence des cultures et de responsabilité en cas de contamination (Vives exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) et que ce retard posait de véritables problèmes.
Vous n'aviez proposé en tout et pour tout qu'une modification de trois alinéas du code rural sur le label rouge. Avouez en votre âme et conscience que le texte qui vous est soumis va beaucoup plus loin, beaucoup plus en profondeur, et qu'il est beaucoup plus précautionneux. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
La parole est à M. Bernard Reynès, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services.
Monsieur le secrétaire d'État, vous avez accompagné la semaine dernière en Isère le Président de la République, qui est allé à la rencontre de salariés et de commerçants défendre le projet de loi sur la modernisation de l'économie. À cette occasion, vous avez annoncé un plan d'action en faveur du développement du commerce de proximité.
Je prends acte du fait que le titre II du projet contient des dispositions tendant à renforcer les aides en faveur du commerce de proximité. Nous souhaitons en effet renforcer le pouvoir d'achat en favorisant la concurrence, et le commerce de proximité en est clairement l'un des acteurs.
Cela dit, après le vote de la loi, nous ne devrons pas cesser de prendre en compte les nombreuses préoccupations qui nous remontent tant de la part des professionnels que des consommateurs et des élus locaux, ce qui prouve, s'il en était besoin, que le commerce de proximité répond à de très larges préoccupations sociales, économiques, environnementales et d'aménagement du territoire.
Votre proposition de créer un plan d'action en faveur du commerce de proximité permettra de poursuivre le travail engagé et de tenir compte de l'ensemble des propositions et suggestions qui nous remontent des nombreux secteurs de la société.
Je souhaite donc un partenariat étroit avec le Gouvernement pour aller dans le sens des attentes, qui sont fortes en ce domaine. Il faut en effet nous donner le temps nécessaire pour les concrétiser en poursuivant le dialogue, en élargissant le champ de la réflexion pour avoir l'approche la plus globale sur ce qui est véritablement un sujet de société.
Aussi, monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous nous donner les grandes lignes de ce plan afin de rassurer commerçants, consommateurs et élus locaux ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services.
chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services. Monsieur le député, vous présidez un groupe parlementaire sur le commerce de proximité. Vous êtes donc plus particulièrement impliqué dans ce dossier.
Le projet de loi de modernisation de l'économie qui sera présenté dans quelques jours à l'Assemblée nationale par Christine Lagarde, Luc Chatel et moi-même traduit la nécessité d'introduire plus de concurrence dans la grande distribution, tout en considérant que le commerce de proximité est une forme de commerce indispensable. Il y en a du reste dans les pays les plus libéraux en matière de grande distribution.
Dans ce texte, mais aussi dans le plan d'action que je propose pour développer le commerce de proximité, il y a un certain nombre d'actions que je vais vous détailler rapidement, mais j'aurai besoin de vous pour améliorer le nécessaire équilibre entre grande distribution et commerce de proximité.
Nous allons augmenter fortement les moyens financiers du FISAC, le Fonds d'intervention pour la sauvegarde de l'artisanat et du commerce, et y rendre éligibles des formes commerciales qui ne l'étaient pas, comme le commerce non sédentaire ou les cafés-restaurants, mais il faut faire beaucoup plus. Il faut réhabiliter les petits centres commerciaux dans nos communes, responsabiliser encore plus les unions commerciales, leur donner les moyens de proposer des formes innovantes, et il en existe sur notre territoire.
Nous agissons déjà dans ce projet, mais il faudra aller plus loin en faveur de cette forme indispensable qu'est le commerce de proximité. Je compte sur vous pour y contribuer. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Marcel Rogemont, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Vous avez, monsieur le Premier ministre, un problème avec les enseignants, et ce problème menace d'être durable. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Idéologiquement, vous annoncez le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite (« Très bien ! » sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), ce qui a pour conséquence, dans l'éducation nationale, la suppression de 11 200 postes cette année, de 15 000 à 20 000 l'an prochain, et ainsi de suite au cours des années suivantes. Les propos de M. Darcos selon lesquels la quantité de professeurs ne fait la qualité de l'enseignement sont un peu courts pour expliquer un tel projet.
Face à ce rapport de force, vous détournez l'attention des Français en lançant l'idée d'un service minimum dans les écoles afin que le mécontentement des parents d'élèves se tourne vers les communes.
Ce n'est pas correct (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), d'autant que votre ministre de l'éducation nationale annonce que le service minimum marcherait mais que les vilains socialistes n'en veulent pas et préfèrent que les enfants restent dans la rue. Le problème, c'est qu'il n'y a guère que 2 000 communes à avoir organisé un tel service. Le reste des communes seraient-elles toutes de gauche ? Non, et ce ne sont que des mensonges. En réalité, l'immense majorité des communes de droite, comme l'immense majorité des communes de gauche, ne veulent pas organiser un tel service – le président de l'Association des maires de France vient de vous le rappeler –, et il y a de multiples raisons.
En premier lieu, les communes ne sont pas les soutiers du Gouvernement. Il n'y a pas, d'un côté, ceux qui font des annonces en paradant devant les caméras et, de l'autre, les collectivités locales, qui doivent les organiser et les financer, surtout si, ensuite, vous les accusez de creuser le déficit public de la France.
Par ailleurs, la libre administration des collectivités territoriales doit être respectée. À l'État, ses responsabilités, l'éducation nationale et les conséquences en cas de grève. Aux communes, les leurs. Elles ont suffisamment à faire avec leur personnel pour ne pas s'occuper de celui des autres.
Ma question est la suivante : quand allez-vous arrêter de faire des annonces devant les caméras et d'en imposer ensuite l'organisation et le financement total ou partiel aux collectivités locales comme vous le faites aujourd'hui avec le service minimum ?
Vous aurez compris que les communes, très largement, vous disent leur désaccord : si vous voulez un service minimum, prenez vos responsabilités et organisez-le vous-même ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Monsieur le député, puis-je poser une question simple ? Que pense vraiment le parti socialiste du droit d'accueil lors des jours de grève dans les écoles primaires ?
Faut-il interpréter les propos sibyllins et contradictoires du maire de Paris par exemple, qui, au titre de la liberté des familles, décide de fermer toutes les écoles primaires de Paris ? Comment faut-il analyser les propos de Mme Royal, qui ne désapprouve pas totalement le programme d'accueil mais considère que ce n'est pas aux communes de l'organiser, à moins de voir comment l'État va les rembourser ? Faudra-t-il présenter une motion au congrès de Reims pour qu'une bonne fois pour toutes, vous nous disiez si, oui ou non, vous considérez que le droit de grève ne doit pas s'opposer au droit de travailler des parents dont les enfants vont à l'école ? (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Je voudrais vous poser une dernière question : en quoi serait-il anticonstitutionnel de confier une nouvelle compétence aux communes, ce que la loi permet, conformément aux lois de décentralisation que vos majorités ont votées naguère ?
Une bonne fois pour toutes, sans chercher des arguties ici ou là, dites-nous si oui ou non, vous voulez rendre un service aux familles, conformément au souhait du Président de la République et, parce que c'est l'intérêt général tout simplement, approuver une loi juste et équitable ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
Service minimum dans les écoles
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt.)
L'ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés n° 891.
La parole est à M. Antoine Herth, rapporteur de la commission mixte paritaire.
Monsieur le président, madame et messieurs les ministres, mes chers collègues, la présentation des conclusions de la commission mixte paritaire qui s'est réunie le 14 mai dernier à l'Assemblée nationale est aisée. Ces conclusions reprennent en effet la position arrêtée par la commission des affaires économiques lors de sa réunion du 30 avril dernier, à l'occasion de l'examen du projet de loi en deuxième lecture. L'adoption conforme du texte voté par le Sénat en deuxième lecture, qui permettra de préserver l'équilibre trouvé entre la liberté des uns de consommer et de produire avec OGM et celle des autres de consommer et de produire sans OGM, constitue en effet une solution de sagesse.
J'ai certes entendu à maintes reprises nos collègues de l'opposition demander un autre texte, qui, pour résumer, se contenterait d'interdire les organismes génétiquement modifiés. Or, en la matière, comme il était de coutume de le dire voici quarante ans sur les barricades du boulevard Saint-Michel, « il est interdit d'interdire », car l'Union européenne se réserve l'exclusivité de l'autorisation ou de l'interdiction des organismes génétiquement modifiés. Dès lors, la seule solution possible est celle que nous avons adoptée : exploiter les possibilités de l'article 26 bis de la directive.
Contrairement aux craintes de l'opposition, les amendements adoptés à l'article 1er lors de l'examen du projet de loi en première lecture à l'Assemblée nationale – qu'il s'agisse de celui de notre collègue André Chassaigne ou de celui de M. François Grosdidier – n'ont pas été remis en cause par la majorité et l'adoption d'un amendement au Sénat lors de l'examen du texte en deuxième lecture ne peut être honnêtement interprétée comme un obstacle à leur mise en oeuvre.
Le débat sur le projet de loi en deuxième lecture à l'Assemblée nationale aurait d'ailleurs permis, s'il avait pu se poursuivre, d'éclaircir ce point. Au lieu de cela, le texte a été rejeté et le débat s'est arrêté. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Je regrette qu'en dépit de la qualité de nos travaux en première lecture et des améliorations notables apportées au texte tant par la majorité que par l'opposition, la procédure l'ait emporté sur le fond. J'estime néanmoins que toutes les explications nécessaires ont pu être apportées lors de la réunion de la commission mixte paritaire, y compris par l'auteur de l'amendement en question, le rapporteur Jean Bizet.
Je tiens néanmoins à rappeler à cette tribune, que cet amendement est un amendement de précision qui n'amoindrit nullement la portée des dispositions introduites par les deux amendements précités. L'amendement de M. Chassaigne fait en effet référence aux « filières de production et commerciales qualifiées “sans organismes génétiquement modifiés” » ; or, sans renvoi à une définition précise ni au décret, qui définira ce que sont ces filières et ce que signifie : « sans OGM » ?
Je sais que l'opposition se contenterait volontiers de la définition utilisée aujourd'hui par la DGCCRF, mais l'administration a justement forgé cette définition en raison d'un vide juridique. La majorité considère donc que l'on ne peut se contenter du statu quo actuel.
D'une part, il convient de porter le débat au niveau communautaire, car c'est là un sujet sur lequel l'Union européenne est fondée à intervenir de manière à ne pas laisser subsister de définitions contradictoires des termes « sans OGM ». D'autre part, et dans l'attente d'une définition harmonisée, il appartient au pouvoir réglementaire de trancher cette question en bénéficiant de l'expertise du Haut conseil des biotechnologies et après avoir recueilli l'avis des consommateurs. Il s'agit à mes yeux d'une démarche de bon sens, qui donne le temps de la réflexion et de la concertation.
À de nombreuses reprises en effet, le cas de l'Allemagne nous a été cité en exemple. Or, chers collègues, la loi allemande qui vient d'être adoptée et qui réglemente notamment l'étiquetage des produits d'origine animale est la quatrième loi que ce pays examine ! Ce qu'il faut retenir de l'exemple allemand, c'est sa méthode : procéder par étapes, prendre le temps de l'écoute et dépassionner le débat.
Pour l'heure, je me félicite du résultat auquel nous sommes parvenus aujourd'hui avec ce texte qui, en dépit de circonstances parfois difficiles, a su se maintenir dans un équilibre respectueux des convictions des uns et des autres et rester fidèle, même si beaucoup ne sont pas prêts à l'admettre, aux conclusions du Grenelle de l'environnement telles qu'énoncées par le Président de la République, qui, dans son discours du 25 octobre dernier, a souhaité que nous garantissions la liberté de consommer ou de produire avec ou sans OGM – phrase centrale, au coeur de notre démarche législative. L'opposition nous a fait un procès sur l'expression : « avec ou sans », mais le mot le plus important de la phrase du Président de la République est celui de « liberté ». Nous souhaitons garantir la liberté, et non pas instituer par la loi une sorte de pensée unique sur les organismes génétiquement modifiés.
L'examen du projet de loi sur les OGM par le Parlement constitue en lui-même une étape importante dans l'élaboration d'une approche rationnelle et constructive de ce sujet en France, alors que le débat s'était jusqu'alors limité à l'opposition frontale entre ceux qui se déclaraient « pour » et « contre » les OGM. Quelque majeur que soit l'apport du Grenelle de l'environnement sur la question des OGM, quelque révélateurs que soient les résultats des sondages d'opinion sur les craintes des Français, il ne s'agit pas pour la représentation nationale de trancher la question : « pour ou contre les OGM ? », mais de proposer un cadre juridique sûr, permettant une évaluation au cas par cas des organismes génétiquement modifiés par une instance d'évaluation indépendante, évaluation qui rendra notamment possible leur utilisation à des fins de recherche. Les parlementaires que nous sommes doivent aujourd'hui assumer la responsabilité qui leur a été confiée de se prononcer sur cette question complexe et adopter définitivement ce projet de loi qui permet à la France de respecter ses engagements communautaires et internationaux, de garantir à nos concitoyens la liberté et la sécurité, la transparence et le respect du droit, d'assurer aux agriculteurs le respect de leurs modes de production et la pérennité de leur activité et d'assurer à nos chercheurs la sécurité dans leur travail.
La mise en oeuvre de ce texte sera à cet égard un enjeu crucial pour les mois et années à venir. Aussi, monsieur le ministre, serez-vous encore en première ligne, avec quelques-uns de vos collègues du Gouvernement, à l'issue du vote et de la promulgation de la loi, pour veiller à sa bonne application. L'Assemblée nationale, en vertu notamment de l'article 86, alinéa 8, de son règlement, sera elle aussi très vigilante sur la mise en oeuvre de ses dispositions, qu'il s'agisse de l'installation du Haut conseil des biotechnologies, de la traduction concrète des conditions techniques de coexistence ou des engagements pris en faveur de la recherche.
Mesdames et messieurs, mes chers collègues, cette liberté de choix que nous souhaitons garantir à nos concitoyens ne peut exister sans courage. Je vous invite donc à adopter le texte qui a été retenu par la commission mixte paritaire afin que la France puisse enfin être dotée d'un dispositif législatif complet et opérationnel en matière d'organismes génétiquement modifiés. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le rapporteur Antoine Herth, nous voici au terme du débat (« Ce n'est pas sûr ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine) qui a eu lieu par deux fois dans les deux assemblées et au cours duquel 190 amendements ont été adoptés par le Parlement, provenant de tous les bancs.
Permettez-moi de dire deux mots. Je souhaiterais tout d'abord vous faire part des propos que le Président de la République a tenus tout à l'heure à Orléans : « Permettez-moi de revenir un instant sur la question des OGM, qui a pris ces dernières semaines un tour tout à fait irrationnel. Le Grenelle de l'environnement avait abouti, et j'en étais particulièrement fier, non pas à un compromis bancal, mais à une position forte d'équilibre. D'un côté, je m'étais engagé à stopper la culture commerciale du seul OGM autorisé jusqu'alors en France, le Monsanto 810, en raison des risques éventuels qu'il présentait pour l'environnement ; d'un autre côté, il nous fallait transposer une directive adoptée de longue date, en 2001, sous le gouvernement de Lionel Jospin. Nous avions décidé d'en profiter pour inscrire dans notre droit plusieurs principes fondamentaux en matière d'OGM : le principe de précaution, qui suppose le développement de très grandes capacités d'expertise, le principe de transparence, le respect de la propriété d'autrui, la participation de la société civile aux décisions, et surtout le droit pour chaque agriculteur de produire avec ou sans OGM. Enfin, nous avions résolu de renforcer la recherche en biotechnologie, car, si certains OGM existants présentent des risques, il apparaissait inepte de s'interdire de trouver par la recherche des plantes transgéniques dignes d'intérêt et sans risques ni pour la santé humaine ni pour l'environnement. »
Il concluait ainsi : « Je mets quiconque au défi de démontrer que nous avons fait autre chose que tenir rigoureusement ces engagements-là au cours du dernier semestre. Avec l'activation de la clause de sauvegarde, le Monsanto 810 a cessé d'être cultivé sur notre territoire. Que personne ne se méprenne : cela n'a pas été facile. Mais cela a été fait, comme je l'avais dit, en accord avec le droit communautaire. J'ajoute que la dotation de l'État sera effectivement renforcée de 45 millions d'euros en trois ans en faveur de la recherche sur les biotechnologies. Enfin, le texte issu des débats parlementaires, enrichi de nombreux amendements, non seulement respecte intégralement les principes d'équilibre adoptés lors du Grenelle, mais il encadrera les OGM de la manière la plus rigoureuse et la plus protectrice possible. Dès l'adoption de ce texte, je souhaite, en outre, que le Haut conseil des biotechnologies soit rapidement mis en place et qu'il puisse commencer à rendre ses avis, notamment celui très attendu sur la définition du « sans OGM ». Le Gouvernement prendra alors, je m'y engage, toutes ses responsabilités pour en déduire les dispositions nécessaires. Là encore, cet engagement du Grenelle sera tenu. Pour être tout à fait sincère, j'ai peur que ceux qui le contestent n'aient en fait jamais accepté les engagements soumis à l'occasion du Grenelle de l'environnement. »
Mesdames, messieurs les députés, avant ce texte de loi, c'était le non-droit : tout le monde pouvait faire ce qu'il voulait et où il le voulait, quels que soient les préjudices éventuels pour les tiers. Maintenant que nous disposons d'un texte équilibré et que, de plus, il n'y a plus d'OGM commercialisé en France, nous avons un cadre clair. Je suis convaincu que le Haut conseil, extrêmement pluriel, saura éclairer les décisions politiques dont nous avons besoin dans un État de droit. Rien ne serait pire que de revenir à la situation antérieure, source de conflits, de tensions, d'opacité, avec le sentiment que les choses ne sont pas traitées sérieusement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Nouveau Centre.)
La parole est à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet,secrétaire d'État chargée de l'écologie. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Monsieur le président, monsieur le rapporteur de la commission mixte paritaire, mesdames, messieurs les députés, tout comme Jean-Louis Borloo, je serai brève puisque nous avons déjà débattu pendant des dizaines d'heures, soixante au total. Les parlementaires ont enrichi le texte de quelque 180 amendements – 110 amendements présentés par les députés et 70 par les sénateurs –, si bien qu'il peut être aujourd'hui considéré comme largement coproduit par le Parlement et le Gouvernement.
Je serai brève aussi parce que, alors que le calendrier parlementaire est extrêmement chargé, le Gouvernement avait décidé de lever l'urgence afin que députés et sénateurs puissent débattre en profondeur ; et ce grand débat, le Parlement se l'ait véritablement fait sien, dans un bel exercice de vie démocratique, qui a permis à chacun de faire valoir ses arguments. C'est pourquoi l'on peut regretter que, lors du dernier passage du texte devant l'Assemblée, certains aient choisi l'accessoire au détriment de l'essentiel, c'est-à-dire la victoire politique momentanée, le petit « coup politique », au lieu du débat démocratique sur un sujet difficile.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Eh oui !
Cette majorité se veut d'une fidélité entière à l'esprit et à la lettre du Grenelle. Le Président de la République l'a rappelé encore ce matin, dans son discours à Orléans.
Le Grenelle de l'environnement, s'agissant des OGM, repose sur trois points.
C'est d'abord la clause de sauvegarde sur le maïs Monsanto 810, le seul OGM commercial cultivé en France. Ce n'était pas une décision facile à prendre. Cela faisait d'ailleurs plusieurs années qu'on en parlait. Elle a été prise par le Président de la République : il n'y a actuellement plus d'OGM commercial cultivé en France.
Le deuxième pilier du Grenelle en matière d'OGM, c'est la relance de la recherche sur les biotechnologies. Nous avons des doutes sur le maïs Monsanto 810 : tel est le sens de la clause de sauvegarde qui a été prise. Mais ces doutes ne doivent pas entacher une technologie tout entière qui peut être porteuse d'espérances. C'est la raison pour laquelle nous avons décidé la relance de la recherche sur les biotechnologies, dotée de 45 millions d'euros sur trois ans.
Le troisième pilier, c'est l'obligation légale de transposer une directive que nous n'avons pas choisie. En effet, cette directive est un héritage : elle a été adoptée du temps du gouvernement Jospin. Si nous ne la transposions pas, la France devrait payer, à titre de sanction, 38 millions d'euros, plus 360 000 euros d'astreinte par jour. C'est pourquoi, mesdames, messieurs les députés, le Gouvernement prend ses responsabilités en transposant la directive, et en usant à cette fin de tous les espaces de liberté qu'elle lui laisse. Les amendements parlementaires qui ont été adoptés, notamment en première lecture à l'Assemblée nationale, utilisent, eux aussi, tous ces espaces de liberté – je pense en particulier aux amendements sur les parcs naturels régionaux et sur les appellations d'origine contrôlée.
Le Gouvernement prend également ses responsabilités quand il engage la procédure visant à définir le « sans OGM ». Le Président de la République l'a rappelé encore ce matin à Orléans : dès que la loi aura été adoptée, le Haut conseil sur les biotechnologies sera saisi afin de donner une définition du « sans OGM ». Il s'agit d'une demande légitime.
Non, madame la députée, on ne pouvait pas le faire avant puisqu'il fallait d'abord créer par la loi le Haut conseil, à qui cela incombe.
Enfin, le Gouvernement prend ses responsabilités en pesant de tout son poids, au niveau de l'Union européenne pour modifier les procédures communautaires. Je l'ai dit : nous considérons que cette directive ne représente pas le bon cadre. Aussi le ministre d'État, lors du Conseil environnement du mois de mars, a-t-il fait part des réserves de la France à cet égard. Il a été suivi sur ce point par quatorze États membres. La Commission doit nous répondre à l'occasion du Conseil européen du mois de juin. En outre, nous travaillons à l'organisation du calendrier de la présidence française de l'Union européenne et à la définition des ordres du jour des conseils européens pendant cette période. Il s'agit d'avancer, de proposer des modifications du cadre européen de la culture OGM, afin d'être en cohérence complète avec le Grenelle de l'environnement.
Voilà, mesdames, messieurs les députés, pourquoi il faut voter cette loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
J'ai reçu de M. Jean-Claude Sandrier et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une exception d'irrecevabilité déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.
La parole est à M. Yves Cochet, pour quinze minutes.
Monsieur le président, madame et messieurs les ministres, mes chers collègues, ce texte de loi n'est pas satisfaisant.
L'amendement no 252 de notre collègue André Chassaigne a recueilli, comme vous le savez, des dizaines de milliers de signatures de soutien sur Internet (« Et alors ? » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) et a donné lieu à des réactions contradictoires au sein même du Gouvernement.
Le débat autour de ce projet de loi a été un bon débat, sauf à fin, puisque, depuis une semaine, il n'y a plus de débat ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Mais il y a eu débat dans la société civile et dans les associations. Et, cet après-midi, notre combat contre ce projet de loi continue.
Si les OGM ont déclenché tant de passions, c'est bien sûr parce qu'ils portent sur des enjeux fondamentaux, enjeux sur lesquels nous sommes amenés à nous prononcer ; mais c'est aussi parce que les OGM contreviennent à un principe constitutionnel, à savoir le principe de précaution, que Mme la secrétaire d'État ici présente connaît bien. Il est inscrit à l'article 5 de la Charte de l'environnement, qui est incluse dans la Constitution. Le texte proposé est donc contraire à la Constitution.
Monsieur Roubaud, monsieur Roy, je vous prie de laisser l'orateur s'exprimer.
Ce texte propose de disséminer en plein champs des semences OGM dont l'innocuité ne fait pas du tout consensus dans la communauté scientifique. (Protestations sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Relisons ensemble plusieurs dispositions de l'article 5 de la Charte de l'environnement, et voyons point par point en quoi ce projet de loi est inconstitutionnel.
Premièrement, l'article 5 de la Charte de l'environnement mentionne la « réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en raison de l'état des connaissances scientifiques ». En l'espèce, les connaissances ne sont pas assurées. On sait bien que, à l'échelle de l'histoire des savoirs, la biologie moléculaire est encore assez récente. En 2002, par exemple, aucune des plantes génétiquement modifiées n'est complètement connue dans sa structure. La biogénétique est la plus jeune des sciences de la vie, et nous manquons de recul pour certifier la nature des risques induits par la dissémination d'OGM. Je tiens à vous faire remarquer que les Verts ainsi que les autres députés de l'opposition ont toujours bien spécifié qu'ils n'étaient pas contre la recherche en laboratoire. Lors de la séance des questions au Gouvernement, vous avez pris comme argument, monsieur le ministre d'État, les OGM médicamenteux ; or ce n'est pas de cela qu'il s'agit, mais de cultures alimentaires. Nous sommes bien sûr pour la recherche de médicaments, même transgéniques. Pas d'amalgame politique, s'il vous plaît !
Ce que nous contestons, c'est la dissémination des OGM en plein champ. À l'heure actuelle, après seulement vingt ans d'exploration scientifique et une dizaine d'années de commercialisation, deux caractères transgéniques des OGM sont connus : pour 75 % d'entre eux, il s'agit de la résistance à l'herbicide et, pour 25 %, de la production d'un insecticide. Seuls 8 % des OGM ont les deux caractères à la fois. L'état des connaissances reste donc très mince au regard des risques encourus. Les découvertes scientifiques se fondent pour le moment sur de rares études, conduites principalement par les firmes biotechnologiques elles-mêmes et selon des protocoles d'analyse controversés. Ces études sont en général classées « secret industriel », et menées sur de courtes périodes qui n'excèdent pas trois mois, ce qui est huit fois moins long que pour les études préalables à l'autorisation des pesticides, alors même que ces plantes OGM en contiennent. Le Président de la République lui-même, le 25 octobre 2007, dans son discours de clôture du Grenelle, faisait référence aux « OGM pesticides ».
Deuxième citation de l'article 5 qui constitutionnalise le principe de précaution : « [Lorsque la réalisation d'un dommage] pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement ».
Alors, vous conviendrez avec moi, qu'une pollution transgénique est évidemment incontrôlable, irréversible et diffuse. Et définitive ! Les OGM sont des organismes vivants dont on ne peut pas précisément anticiper les effets du déploiement dans l'environnement et dans la chaîne alimentaire.
D'ailleurs, M. le ministre d'État, ici présent, le reconnaissait lui-même dans le journal Le Monde du 21 septembre 2007 : « Sur les OGM, tout le monde est d'accord : on ne peut pas contrôler la dissémination. Donc on ne va pas prendre de risques. » Par conséquent, j'en déduis qu'il est essentiel de s'en tenir à l'espace confiné du laboratoire.
L'introduction d'OGM dans la nature serait un élément déclencheur de contamination en chaîne, car il n'existe pas de distance optimale garantissant une non-contamination. D'ailleurs, dans le département des Deux-Sèvres, nous avons un exemple cité par Mme Batho ou Mme Gaillard…
…où un maïs bio a été contaminé par un maïs OGM cultivé à trente-cinq kilomètres de distance. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Donc, les histoires de barrière de distance pour éviter la contamination, cela ne marche pas !
C'est une question de bon sens et tout le monde le reconnaît : une loi peut-elle encadrer l'itinéraire du pollen, du vent, des oiseaux ou des abeilles ? Personne ne peut le faire ! Ces distances minimales ne vont pas résoudre quoi que ce soit.
La dissémination d'OGM constitue donc un acte complètement délibéré et volontaire de contamination, qui entraîne éventuellement des conséquences lourdes et bouleversantes pour la santé et pour l'environnement.
Or les effets de telles lois – il s'agit d'un point important, chers collègues ! – ne sont pas réversibles comme peuvent l'être ceux de lois plus ordinaires qui tendent à organiser des débats entre humains. Par exemple, vous essayez de tuer les 35 heures votées il y a dix ans. Je suis contre votre démarche, mais elle sera réversible. (Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. – Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
De la même manière, vous avez fait voter la loi scélérate TEPA, en juillet 2007, prévoyant un bouclier fiscal. (Mêmes mouvements.) Mais cette loi scélérate est réversible, et lorsque nous reviendrons au Gouvernement, nous l'annulerons ! C'est réversible !
Il n'en va pas de même pour la loi OGM : une fois que des OGM sont disséminés dans l'environnement, c'est irréversible ! Au-delà des disciplines de groupe, chers collègues de l'UMP, je fais appel à votre conscience individuelle. Soyez-en sûrs : vous devrez assumer votre responsabilité devant l'histoire et devant vos propres enfants ! (Mêmes mouvements.)
Je rappelle qu'aucune compagnie d'assurances – qui ne sont pourtant pas peuplées d'écologistes patentées, mais plutôt de gens qui comptent les sous ! – ne peut garantir contre les risques induits par les OGM. Aucune ! Parce que le risque est évidemment indescriptible !
Ils ne le feront pas. Le refus des assureurs de chiffrer les effets des OGM prouve de façon flagrante qu'un recours au principe de précaution est nécessaire. Les risques dépassent la connaissance actuelle et donc la capacité à anticiper et endiguer les conséquences éventuelles des disséminations en plein champ.
J'en viens au troisième et dernier aspect anticonstitutionnel de ce projet de loi. Le principe de précaution inscrit dans la Constitution indique que « les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution [...], à la mise en oeuvre de procédures d'évaluation des risques… » Madame et messieurs du Gouvernement, vous faites partie de ces « autorités publiques ».
Le projet de loi prévoit que le Haut conseil des biotechnologies serait amené à mettre en oeuvre des méthodes d'évaluation des risques conformes au droit communautaire. Mais le pouvoir de cette instance sera seulement consultatif. En définitive, ce sera au Gouvernement – au pouvoir politique – de décider d'autoriser ou non tel ou tel OGM. De plus, le projet de loi établit une subtile différence rhétorique et même juridique entre une partie du Haut conseil – le comité scientifique –, qui présentera des avis, et le Comité économique, éthique et social, qui n'aura droit qu'à des recommandations. Cette sorte de hiérarchie des normes est inacceptable.
Jusqu'à présent, les règles d'évaluation n'offrent pas encore des résultats satisfaisants sur les tests de toxicologie, alors que les risques potentiels sont connus : perte de biodiversité, apparition de résistance chez les insectes et les mauvaises herbes, augmentation de pesticides dans l'environnement, développement des allergies, désordre métabolique par insertion aléatoire de transgènes, etc. Il reste donc à travailler sur l'organisation d'expertises indépendantes et contradictoires.
Enfin, la Constitution prévoit « l'adoption de mesures provisoires et proportionnées, afin de parer à la réalisation du dommage ». Madame et messieurs du Gouvernement, je crois que vous nous mentez lorsque vous répétez dans cet hémicycle et dans les médias que ce projet de loi mettrait en place la transposition la plus restrictive du monde – paraît-il, monsieur le ministre ! – de la directive 200118.
Il suffit de faire une comparaison du droit international, et même européen, pour constater que ce n'est pas le cas. Nos voisins européens ont des lois beaucoup plus contraignantes que le projet de loi français : l'Autriche, la Hongrie, l'Italie, la Suisse, la Grèce et la Pologne ont même mis en place des moratoires – le nôtre n'est que provisoire jusqu'à aujourd'hui si, hélas, la loi passe ! « Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Depuis quand la Suisse fait-elle partie de l'Union européenne ? Nous sommes dans le cadre de textes européens !
Je ne parle pas que de l'Union européenne mais de l'Europe. La Suisse se situe dans l'espace économique européen. L'Allemagne, l'Autriche ou des pays qui ne sont pas dans l'Union comme la Norvège ont mis en place un régime de responsabilité de plein droit, engagée indépendamment de la démonstration d'une faute en cas de contamination. Enfin, le droit hongrois exige de recueillir l'accord écrit préalable des agriculteurs voisins au moins vingt jours avant la date prévue des semis OGM. Votre projet de loi ne comporte pas ce genre de mesure ; il est moins restrictif que le droit hongrois.
Nous sommes donc bien en deçà des « mesures provisoires et proportionnées » indiquées dans l'article 5 de la Charte de l'environnement. Nous pourrions aller beaucoup plus loin ? C'est pourquoi il ne faut pas voter ce texte.
Les polémiques de fond que ce projet de loi a déclenchées ne sont pas de simples joutes partisanes. Certains votes, y compris dans la majorité, ont été trans-courants, trans-partis. Le vote de la motion de procédure présentée par M. Chassaigne la semaine dernière n'était pas une surprise tout à fait complète. En dépit du déséquilibre numérique entre la majorité et l'opposition, nous avons assisté à un désaveu, et non pas un banal accident comme vous l'avez prétendu dans les médias.
Les chiffres ont parlé d'eux-mêmes : sur 316 députés UMP, seulement 135 ont soutenu le projet en rejetant la motion de notre collègue Chassaigne. Où étaient passés les 181 députés de la majorité manquant à l'appel ?
Je pense que, en toute bonne foi, en leur âme et conscience, ils ont voulu marquer leur désaccord avec ce mauvais texte. Je tiens d'ailleurs à saluer ces députés qui, avec détermination et courage, ont tenu bon face à la contrainte du groupe. Ils ont résisté à la tentation du vote caporalisé (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) parce qu'ils ont conscience des bouleversements sanitaires et environnementaux sans précédents que pourrait occasionner le vote de cette loi.
Ils ont activé leur clause de conscience, et je les incite évidemment à faire de même aujourd'hui ! Certains d'entre vous s'insurgent contre le principe de précaution. En fait, c'est ce principe que vous refusez ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
J'ai été interrompu, monsieur le président ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Ce principe de précaution n'est pas un principe d'inaction, ni d'obscurantisme. Pas du tout ! Selon le sociologue Bruno Latour, nouveau directeur scientifique de Sciences-Po, l'une des grandes universités françaises : le principe de précaution est « la marque d'un changement complet dans l'esprit de modernisation ».
Je vous appelle, mes chers collègues, à voter cette exception d'irrecevabilité au nom du principe de précaution élevé au premier rang de la hiérarchie des normes dans notre Constitution. Nous ne voulons pas de cette loi sur les OGM, qui inoculerait des chimères industrielles dans la France laboratoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Dans les explications de vote sur l'exception d'irrecevabilité, la parole est à Mme Frédérique Massat, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Madame et messieurs les ministres, au-delà des questions sanitaires et environnementales parfaitement explicitées par Yves Cochet, ce texte de loi pose la question de la liberté. La liberté de chacun s'arrête là où commence celle d'autrui. (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Vous avez choisi la liberté des uns contre la liberté des autres. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) La coexistence est impossible, et vous le savez. Il n'est pas question d'un affrontement droite-gauche (« Ah si ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Il faut savoir dépasser les clivages politiques, comme l'a dit Yves Cochet. D'ailleurs, quelques députés UMP ont dépassé ces clivages – certains votes l'ont montré.
Dans cet hémicycle, il n'est pas question d'un affrontement entre les obscurantistes et les progressistes, mais de proposer une loi. Car une loi est nécessaire pour permettre de produire et de consommer des produits sans OGM.
Lorsqu'on lui a posé la question « Madame, répondez-moi franchement, donneriez-vous des aliments à base d'OGM à votre enfant ? », Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de l'écologie, a donné une réponse sans équivoque : « Non. Mon enfant ne mange que des produits bio. » (« C'est une bonne maman ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Madame la secrétaire d'État, demain, les produits bio que vous donnez à votre fils n'existeront plus en France.
La France aurait pu donner l'exemple du courage politique, revendiquer avec fierté un territoire à forte valeur ajoutée, avec ses terroirs, ses produits de qualité, ses labels, ses AOC, son authenticité. L'amendement d'André Chassaigne, tel qu'il avait été adopté en première lecture à l'Assemblée nationale, permettait ce choix. D'ailleurs, il a recueilli plus de 42 000 signatures de soutien.
Au lieu de cela, mes chers collègues, si vous votez aujourd'hui cette loi, vous allez faire un autre choix : celui de l'uniformisation, de la standardisation ; celui de l'irréversibilité pour nos terroirs, pour notre environnement, pour notre santé. Le texte qui nous est proposé n'est pas la voix de la sagesse : il organise la contamination généralisée, sans aucune garantie pour l'homme et l'humanité, et cela de façon irréversible. Il s'exonère du respect de l'environnement et du principe constitutionnel de précaution.
Au moment où l'on vient d'inscrire ce principe de précaution dans la Constitution, il serait particulièrement inadmissible de donner à certains les moyens légaux de faire du profit au risque de provoquer une pollution génétique irréversible, et surtout de mettre en péril tout ce qui fait la richesse et la variété de notre agriculture, de nos terroirs et de notre environnement.
C'est pourquoi le groupe socialiste votera la motion d'irrecevabilité présentée par notre collègue Yves Cochet. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
La parole est à M. Noël Mamère, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le président, madame et messieurs les ministres, mes chers collègues, nous voterons bien évidemment l'exception d'irrecevabilité présentée par Yves Cochet, en accord avec les arguments qu'il a exposés.
Mais nous voudrions profiter de cette occasion pour dire à Mme la secrétaire d'État et à M. le ministre d'État, provisoirement absent, que l'assertion selon laquelle la loi qu'ils veulent faire passer en force serait la meilleure d'Europe est une contre-vérité. Lorsque le ministre d'État nous assure que cette loi est parfaitement conforme aux prescriptions du Grenelle de l'environnement,…
…c'est encore une contre-vérité. Car votre projet de loi comporte un vice fondamental : selon ce texte, on peut produire et consommer « avec ou sans OGM », alors que le Grenelle de l'environnement avait demandé la possibilité de produire et de consommer « sans OGM ».
Vous avez beau jeu de nous dire que vous renverrez la question de savoir ce qui est sans OGM à votre Haut conseil, auquel vous avez d'ailleurs tordu le cou si l'on se reporte aux prescriptions du Grenelle de l'environnement : comme l'a souligné Yves Cochet, il s'agit en effet de séparer les scientifiques de la société civile et d'imposer une hiérarchie des normes entre les avis et les recommandations. Nous sommes donc bien loin de la transparence démocratique et de l'instance de débat que vous annonciez.
Même si quelques négationnistes soutiennent le contraire, tous les scientifiques sont d'accord pour dire qu'il n'est pas possible de faire coexister les cultures OGM et les cultures non OGM. Comment, monsieur le ministre d'État, vous-même et le Président de la République pouvez-vous, avec le Grenelle de l'environnement, inciter les cantines de nos municipalités à augmenter la part de produits « bio » dans leurs menus, et faire voter le présent texte, qui légalise la contamination ? Comment pouvez-vous, après le Grenelle, écrire la chronique de la mort annoncée de l'agriculture biologique, de l'agriculture de qualité, des AOC et des labels ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. – « Démagogie ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Vous prétendez, avec ce projet de loi, pacifier nos campagnes, comme nous l'attendions, mais, bien au contraire, vous jouez aux apprentis sorciers et allez y remettre le feu. Ce ne sont en effet pas seulement les écologistes et les Français qui vous disent : « Nous ne voulons pas que vous transformiez nos champs en paillasses de laboratoire. » (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Ce ne sont pas seulement les Français qui vous disent : « Nous ne voulons pas d'OGM dans nos assiettes. » Ce sont des agriculteurs, qui diront un jour à nos collègues : « Vous nous avez condamnés à mort car vous avez légalisé la contamination et la dissémination irréversibles. » (« Démago ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
C'est pourquoi vous prenez une responsabilité très importante. Dans cette discussion lamentable qui humilie la représentation nationale (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) et donne un bien mauvais signe juste avant l'examen, dans cet hémicycle, d'un projet de réforme des institutions qui prétend renforcer les pouvoirs du Parlement, la seule satisfaction pour nous, rares écologistes qui siégeons sur ces bancs (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), est que, pour la première fois dans l'histoire de la Ve République, une question écologique a provoqué un accident politique ! (Mêmes mouvements.) Un pas décisif a ainsi été franchi : la société est entrée dans cet hémicycle et a permis à quelques-uns de nos collègues d'activer leur « clause de conscience ». J'espère qu'ils seront encore nombreux pour le faire.
Le Gouvernement prend une responsabilité très importante à l'égard des agriculteurs, de la biodiversité et de la santé de nos enfants. C'est pourquoi je vous invite tous à voter, et le plus largement possible, l'exception d'irrecevabilité présentée, au nom du principe constitutionnel de précaution, par Yves Cochet. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Sur le vote de l'exception d'irrecevabilité, je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine, ainsi que par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Dans la suite des explications de vote sur l'exception d'irrecevabilité, la parole est à M. Marc Laffineur, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Décidément, M. Cochet et M. Mamère ne sont pas à une contradiction près : ils nous reprochent de n'avoir pas débattu de ce texte alors que nous lui avons consacré trente-six heures dans cet hémicycle et que, la semaine dernière, ils ont voté la question préalable, empêchant ainsi toute discussion sur les quelque huit cents amendements déposés par l'opposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Ils ne sont pas à une contradiction près, puisqu'ils oublient de dire que c'est une écologiste, Mme Voynet, qui, avec Lionel Jospin, a défendu la directive européenne en 2001 ! (« Eh oui ! C'est vous ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) C'est cette directive que nous sommes obligés de transcrire dans le droit français aujourd'hui ! Si nous ne le faisions pas, notre pays serait pénalisé, d'abord à hauteur de 38 millions d'euros, puis de 360 000 euros par jour, soit 100 millions d'euros par an ! Nous avons, nous, le courage de transcrire cette directive et d'élaborer un texte équilibré, qui permettra de sauvegarder notre agriculture et notre recherche.
Puisque ce texte ne comporte aucune disposition inconstitutionnelle,…
…le groupe de l'Union pour un mouvement populaire ne votera évidemment pas l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
Mes chers collègues, je profite des cinq minutes réglementaires entre l'annonce du scrutin et le vote pour inviter chacun à regagner sa place.
Je vous rappelle solennellement que chaque député ne peut voter que pour lui-même ou pour son délégant. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Cochet ! Cochet !
Plusieurs députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Provocateurs !
…………………………………………………………….
Nous allons maintenant procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur l'exception d'irrecevabilité.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 524
Nombre de suffrages exprimés 523
Majorité absolue 262
Pour l'adoption 208
Contre 315
L'Assemblée nationale n'a pas adopté. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Nouveau Centre.)
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Montebourg, debout !
En application de l'article 122 du règlement, j'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et de soixante-dix de ses collègues, une motion tendant à proposer de soumettre au référendum le projet en discussion. La liste des signataires sera publiée au Journal officiel à la suite du compte rendu intégral de la présente séance.
Je vais procéder, selon le règlement, à l'appel nominal des signataires de la liste présentée à l'appui de la motion.
(Il est procédé à l'appel nominal des signataires de la motion.)
Acte est donné de la présence effective en séance des signataires de la motion.
La parole est à M. François Brottes, pour une durée ne pouvant excéder trente minutes.
Monsieur le président, madame et messieurs les ministres, notre débat aujourd'hui évoque ces journées commémoratives où, au cours d'une cérémonie aux rituels quelque peu convenus, nous nous remémorons des événements tragiques et douloureux au nom du devoir de mémoire, afin que l'Histoire serve de leçon et que l'abominable ne se reproduise jamais.
Bien sûr, à ce jour, ce texte n'a pas encore d'histoire, sauf peut-être celle d'une multinationale qui s'empare du monde et rend les paysans pauvres encore plus pauvres et plus dépendants.
Bien sûr, s'agissant de l'impact des organismes génétiquement modifiés sur l'environnement et la santé publique, le pire n'est pas encore certain. Mais il est certain qu'en votant ce texte, nous donnerions le feu vert à l'irréversible contamination, par dissémination non maîtrisée des OGM.
Bien sûr, on retrouve là la querelle de l'obscurantisme et du progrès, qui oppose, comme à la veille de toutes les guerres, ceux qui disent non à ceux qui prétendent que l'on ne peut pas faire autrement.
Aujourd'hui, pas de cérémonie du souvenir, car la guerre n'est pas encore déclarée et chacun peut encore, en conscience, estimer que ce sujet, plus que beaucoup d'autres, mérite une consultation directe du peuple par voie de référendum.
Je ne suis pas de ceux qui considèrent que la démocratie représentative pourrait ne pas jouer pleinement son rôle et ne pas assumer ses responsabilités. Mais ne s'agit-il pas ici d'un vote forcé, masqué ? Car nous allons voter une loi sur laquelle aucune majorité ne pourra jamais revenir…
Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Heureusement !
…parce que le mal sera irrémédiable ! Le peuple a donc le droit de trancher, dès lors qu'il s'agit d'autoriser notre génération à prendre des mesures dont les conséquences pour les générations futures seront définitives ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Je le répète : la planète n'est ni de gauche ni de droite. Cette motion référendaire nous donne seulement une chance de nous ressaisir en reconnaissant qu'il appartient aux Français d'en décider.
Tout avait pourtant bien commencé, avec l'annonce, il y a presque un an, du Grenelle de l'environnement. À partir de juin 2007, monsieur le ministre d'État, vous aviez entamé avec tous les acteurs de l'environnement un travail de concertation et de négociation, et je veux croire que votre engagement était sincère. Puis, le 25 octobre, Nicolas Sarkozy leur a distribué le menu. Comme s'il suffisait d'évoquer les OGM, le nucléaire ou les pesticides – plats souvent inscrits au menu mais rarement servis – pour que les problèmes qu'ils posent soient réglés !
Ainsi notre cher Président déclarait-il, dans un discours grandiloquent – et ce n'était pas à Orléans, où l'on a parfois entendu des voix : « La vérité, c'est que nous avons des doutes sur l'intérêt actuel des OGM pesticides… Écoutez bien, chers collègues de l'UMP : « La vérité, c'est que nous avons des doutes sur le contrôle de la dissémination des OGM et sur leurs bénéfices sanitaires et environnementaux. » Sa sincérité était d'autant plus marquante qu'il s'était alors engagé à inverser la charge de la preuve : « Ce ne sera plus, disait-il, aux solutions écologiques de prouver leur intérêt. Ce sera aux projets non écologiques de prouver qu'il n'était pas possible de faire autrement. »
La première traduction concrète de ces grands principes fut la suspension de l'autorisation du maïs MON 810, à l'initiative du comité de préfiguration d'une haute autorité sur les OGM, dont faisait partie notre collègue Philippe Martin. Mais tous ceux qui ont participé aux travaux du Grenelle de l'environnement se sentent aujourd'hui trahis par le projet de loi.
Tout d'abord, M. Jean-François Le Grand, sénateur UMP et président du comité de préfiguration de la haute autorité, déposa des amendements visant à mettre le projet de loi en conformité avec les enseignements des travaux du Grenelle de l'environnement,…
…ce qui laisse à penser que nous en sommes loin ! Mais, constatant l'opposition du rapporteur du projet au Sénat, M. Le Grand décida de se retirer de la discussion.
En outre, si la question des OGM est de nature scientifique, leur implication économique, sociale et environnementale suppose d'associer la société civile à toute décision d'autorisation. Michel Barnier, ministre de l'agriculture, avait rappelé au Sénat le caractère provisoire du comité de préfiguration, confiant à la loi le soin de « refonder de manière démocratique le système indépendant et légitime qu'exige une saine application du principe de précaution ». Or le débat parlementaire a gravement déséquilibré la haute autorité, transformée en Haut conseil des biotechnologies, présidé par un scientifique et où les avis du comité scientifique l'emportent sur les recommandations du comité de la société civile. On a ainsi fait payer aux politiques l'avis du comité de préfiguration sur le maïs MON 810.
Ensuite, et c'est peut-être le plus important, la loi issue du Sénat n'a rien d'un « projet non écologique prouvant qu'il n'était pas possible de faire autrement », pour reprendre les termes du Président de la République : l'affirmation de la liberté de consommer et de produire avec ou sans OGM et les prescriptions relatives à la dissémination font courir un risque réel à l'avenir de l'agriculture alternative sur notre territoire. Elles s'opposent en particulier à la volonté, exprimée lors du Grenelle de l'environnement, de développer les repas issus de l'agriculture biologique en inscrivant dans les cahiers des charges de la restauration collective – par exemple, au conseil général des Hauts-de-Seine – des produits labellisés ou issus d'exploitations certifiées. Comment désormais garantir que ceux-ci sont sans OGM ?
Le refus répété de définir les modalités d'analyse du « sans OGM », qui selon nous, madame la ministre de l'écologie, repose sur le principe du seuil de détectabilité, a montré combien la transparence effrayait une partie de votre majorité. Il ne suffit pas de dire que c'est au Haut conseil d'en décider ; il fallait inscrire clairement dans la loi que le seuil de détectabilité définit l'absence d'OGM. Mais vous ne l'avez pas accepté !
On peut également s'interroger sur la compatibilité du droit à produire avec ou sans OGM avec les préconisations du Grenelle de l'environnement en matière de préservation de la biodiversité, notamment avec la création de la « trame verte » annoncée par le Président de la République comme un outil d'aménagement du territoire et constituée de grands ensembles naturels reliés entre eux par des corridors.
Enfin, la charge de la preuve n'est nullement inversée puisqu'il incombera, une nouvelle fois, aux contaminés de prouver la contamination, et cela dans des conditions restrictives qui n'apporteront aucune garantie et n'engageront nullement la responsabilité des grands semenciers.
Je pense, mes chers collègues, qu'il faudra créer un « GIGM » pour venir en aide aux victimes de votre loi, car le texte légalise la prise d'otages multiples. Les premiers seront les agriculteurs qui vont cultiver des OGM sur leurs territoires sans savoir que votre texte leur tend un piège et fera d'eux des coupables ! Leurs voisins seront également pris en otages, car ils seront contaminés sans avoir pu se défendre, même si ce texte les avertit qu'ils seront peut-être victimes ! Enfin, les consommateurs croieront consommer sans OGM et se fieront à l'étiquetage, qui ne les alertera pas en deçà d'un seuil de 0,9 %, alors que la présence d'OGM peut être détectée à partir de 0,1 %, voire moins encore !
Qu'est-il donc advenu entre l'annonce présidentielle et le présent projet de loi ? En d'autres termes, à qui profitent les OGM ?
Un OGM est un organisme vivant dans lequel a été introduit de manière artificielle un gène étranger, dit « gène d'intérêt », qui apporte une caractéristique nouvelle – par exemple la résistance à un herbicide que l'on peut épandre sans danger pour la plante, même cultivée de manière irraisonnée. En réalité, le principal gène d'intérêt actuellement inoculé dans l'agriculture est celui de la rentabilité financière pour les grandes firmes semencières internationales,…
…qui fabriquent à la fois les herbicides et les plantes génétiquement modifiées qui leur résistent. La boucle est bouclée ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Cela vous dérange, car c'est la vérité ! Ce « gène d'intérêt » entrave la faculté fondamentale du vivant, celle de se reproduire et de se multiplier…
…par la mise en marché de semences dites semences Terminator. C'est grave ! C'est une nouvelle étape de la conquête par l'industrie agro-biochimique de l'agriculture, donc de la nourriture des hommes.
Le développement des OGM et des PGM, légitimé par la volonté de modifier les pratiques agricoles, a ainsi pour objet véritable de faire progresser la brevetabilité du vivant, source inépuisable de profit pour les industriels, sans aucun avantage alimentaire avéré à ce jour ! C'est comme si nous fermions portes et fenêtres pour permettre aux marchands de chandelles de lutter contre la concurrence déloyale du soleil. Il est vrai que le but des marchands de sommeil est de nous empêcher de dormir…
Pour justifier vos choix, vous ne cessez d'invoquer la lutte contre la faim dans le monde. Si cette instrumentalisation de la misère humaine est inacceptable pour les socialistes internationalistes que nous sommes, nous ne devons pas pour autant éluder cette question. La situation est en effet dramatique. Le Programme alimentaire mondial sera à court de moyens dès juin prochain et ne pourra donc nourrir les soixante-treize millions de personnes auquel il est destiné. Il lui faut trouver de toute urgence plusieurs centaines de millions d'euros pour faire face à l'augmentation exponentielle des prix de la nourriture. Certains voient dans la culture d'OGM un moyen de produire suffisamment pour tous, sur toute la planète, comme si cela allait modifier la répartition des richesses entre le Nord et le Sud !
Il est regrettable que la réflexion sur l'avenir de la production agricole mondiale repose sur le seul modèle des pays les plus riches. Chaque pays – nous en sommes convaincus – peut parvenir à l'autosuffisance alimentaire en opérant une révolution verte agronomique, et non génomique !
On peut en outre regretter que la recherche ait conduit à commercialiser des PGM destinées au bétail avant de s'intéresser aux mécanismes d'adaptation des plantes aux conditions climatiques extrêmes comme les sécheresses répétées, le gel ou la salinité des sols.
Peut-on réduire la faim et la pauvreté dans le monde, améliorer les conditions de vie des zones rurales et promouvoir un développement durable et équitable grâce à l'accès, l'utilisation et la production de savoirs, de sciences et de technologies agricoles ? Telle est la question à laquelle a tenté de répondre la commission ad hoc mise en place par la Banque mondiale et les Nations unies après le sommet de Johannesburg, en 2002. Selon le rapport de cette commission, les OGM seraient une source potentielle de problèmes dans les pays en développement, car les entreprises concernées risquent de s'approprier les ressources agricoles. Ce rapport, fondé sur les travaux de 4 000 scientifiques et experts internationaux, souligne en outre qu'un grand nombre de conséquences sur l'environnement, la santé humaine et l'économie nous sont encore inconnues.
De même, selon la quatrième édition du rapport GEO-4 du programme des Nations unies pour l'environnement, rendu public en octobre dernier, les aspects économiques, sociaux et environnementaux sont étroitement imbriqués, et la privatisation des ressources et des services est le pire des scénarios pour l'avenir de la planète – en quelque sorte, mes chers collègues, l'avènement du Dependence Day !
C'est donc à juste titre que M. Le Grand, sénateur UMP et président de l'intergroupe du Grenelle de l'environnement sur les OGM, a souligné que la brevetabilité du vivant risque d'asservir les économies de ces pays. Il convient donc, ajoutait-il, d'être très prudent.
Le développement des OGM repose sur une vision industrielle de l'agriculture, héritée du modèle américain – derrière lequel nous devrions courir sans nous arrêter ! Ce modèle ne correspond pas à un développement planétaire équilibré de l'agriculture, susceptible de répondre au défi de l'alimentation de l'avenir.
Regardons la réalité en face : environ un milliard de paysans travaillent uniquement avec des outils manuels. Répondre au défi alimentaire de la planète exige un développement équilibré, partagé par tous et particulièrement les pays les plus pauvres. Apportons leur une aide technique, au lieu de leur imposer une nouvelle révolution génétique qui ne fera qu'accentuer leur dépendance, notamment à l'égard de l'industrie semencière, et leur asservissement.
Ce modèle agricole « technoscientiste » va en outre fragiliser notre souveraineté alimentaire, désormais dépendante de grands groupes multinationaux privés, en contradiction totale avec les objectifs de la politique agricole commune. Les plantes OGM actuellement mises en culture ne présentent pas d'avantages décisifs sur les plans économique, sanitaire et environnemental, pas plus qu'elles ne règlent le problème de la faim dans le monde. Au contraire, elles constituent un cheval de Troie de la conception américaine des brevets, qui pourrait nous conduire vers une appropriation du vivant par de grandes firmes privées multinationales.
En réalité, la réflexion, centrée sur les seules évolutions génétiques, participe d'une dérive de la conception mécaniste du monde.
Quant aux consommateurs, quels bénéfices tireront-ils du développement des OGM ? Consommeront-ils des produits moins chers ou de meilleure qualité ? Il est fallacieux d'expliquer, comme le fait Jean Bizet, rapporteur du Sénat, que les consommateurs sont pour les OGM parce qu'ils en mangent déjà. Quelle étrange conception de la transparence de l'information et du choix des consommateurs ! Les réticences de ces derniers ne peuvent pas être caricaturées en invoquant la néophobie. Elles sont dues au fait qu'ils ne perçoivent pas les avantages directs des OGM et que la technologie semble imposée à marche forcée par des entreprises guidées davantage par leurs profits que par le bien commun.
La commercialisation des céréales transgéniques pose inévitablement la question de l'indépendance et de l'uniformisation alimentaires, compte tenu des brevets détenus par les grandes firmes et de la concentration du droit sur l'alimentation de base. Loin de la diversité héritée de l'histoire, des géographies disparates du monde, le développement des OGM nous promet l'arasement des cultures agricoles et humaines au profit du dieu Profit !
En outre, partant de l'impossibilité d'interdire l'importation des OGM, beaucoup considèrent – le ministre de l'agriculture le premier – que ne pas introduire de telles cultures en France reviendrait à se priver de la possibilité de réduire notre dépendance en matière de protéines végétales – que l'Europe importe à 75 % – et de préserver le pouvoir d'achat. Or cet argument est largement biaisé. En effet, pour produire ces protéines, il faudrait développer des espaces de culture – et pas seulement en supprimant la jachère, devenue une niche écologique –, alors que la surface agricole utile diminue tendanciellement. Cela doit-il se faire au détriment de l'agriculture alternative ? Les disséminations possibles rendent difficile le principe de coexistence des cultures, même avec un seuil fixé à 0,9 %. Dès lors, c'est un vrai choix politique de modèle agricole et économique qu'il faut opérer, étant entendu que l'abaissement du seuil entraînerait inévitablement une hausse des coûts.
Les plantes génétiquement modifiées ne pourraient être acceptées par notre société que si elles présentaient des avantages certains et si leur éventuelle mise sur le marché était dénuée de toute arrière-pensée commerciale prédatrice, notamment en matière de brevetabilité du vivant. Or ces deux conditions ne sont absolument pas réunies pour le moment.
Je sais qu'il en est parmi nous qui se disent : « De toute façon, c'est comme ça ; on ne peut plus faire autrement ». Mes chers collègues, gardez votre capacité d'indignation et de révolte : la liberté de pensée vous donne encore le droit de dire non !
Nous, socialistes, avons une responsabilité particulière dans la lutte contre ces dérives. Face au défi du développement durable notamment, nous proposons des solutions innovantes qui rejettent cette infernale mécanique. Car le combat socialiste consiste à ne pas sacrifier le progrès social et notre environnement à la croissance économique, à ne pas sacrifier l'homme à la seule logique du marché et du profit !
Le choix délibéré d'ouvrir des champs aux vents des OGM pose d'abord la question de la place de la recherche et de l'expérimentation, que les Français sont prêts à définir. Les biotechnologies doivent avoir toute leur place dans la stratégie de Lisbonne, qui vise à consacrer 3 % du PIB à la recherche. Les socialistes ont toujours été attachés à la modernité, à l'innovation, à la créativité, à la science, gage de progrès lorsqu'elle est au service de l'humanité. Nous posons toutefois une condition : l'innovation scientifique doit être maîtrisée et contrôlée par l'homme et le secteur public, garant de l'intérêt général.
La polémique sur les OGM ne doit surtout pas aboutir à renoncer à l'effort de recherche. Il faut, au contraire, développer la recherche pour comprendre les mécanismes génétiques à l'oeuvre et garantir leur innocuité pour les hommes et l'environnement – laquelle reste à évaluer, comme l'a reconnu la commission Attali. Les recherches en matière d'OGM sont d'autant plus urgentes que ceux-ci sont utilisés à des fins principalement mercantiles, alors que peu de recherches sont menées de façon objective et désintéressée sur leurs effets sur la santé et l'environnement.
Cette absence d'évaluation, outre qu'elle ignore le principe de précaution, jette le soupçon sur l'ensemble des travaux de génie génétique et leur possible application ultérieure dans les domaines de la santé et de l'environnement. C'est seulement au prix de la recherche sur les conséquences sanitaires et environnementales des OGM que des expérimentations en milieu non-confiné pourront se faire de manière encadrée.
Le développement de la recherche pose inévitablement la question de la brevetabilité du vivant : du triptyque plant-gène-fonction, seule la fonction est brevetable. Mais cela suppose de savoir par qui, pour quoi, comment et pour répondre à quelle demande de la société. Nous rejetons le brevetage du vivant et le pillage par les multinationales des ressources génétiques, qui constituent le patrimoine commun de l'humanité.
Le gène est la propriété de l'humanité et doit le rester, faute de quoi nous ouvririons la boîte de Pandore de l'appropriation du vivant.
Néanmoins, nous réaffirmons notre soutien à un important effort de recherche dans ce domaine. En effet, le maintien d'une recherche de haut niveau est essentiel pour préserver notre capacité d'innovation et d'expertise et notre autonomie de décision, dans un domaine où nous risquons de nous faire imposer durablement des choix de société. Il faut notamment développer l'indispensable recherche médicale à long terme sur les effets des OGM, en particulier en toxicologie. Cette recherche doit être évidemment strictement encadrée et reposer largement sur l'action publique. Nous pensons qu'il est nécessaire de distinguer clairement ce qui est du domaine de la recherche proprement dite et ce qui, devenant un processus économique, relève de l'innovation industrielle. C'est en respectant cette distinction première que nous pourrons éviter le climat passionnel qui a malheureusement conduit nombre de chercheurs à interrompre leurs travaux dans ces domaines essentiels.
La science doit nous permettre de trouver le chemin de la raison entre l'irrationnel et l'irréversible. Un autre choix, un autre avenir que celui que cette loi nous promet sont possibles ! Sur toutes ces questions fondamentales, les Français doivent pouvoir s'exprimer, d'autant plus que, au cours du débat parlementaire, vous n'avez eu de cesse de vouloir réduire l'expression de l'opposition…
…ou de ceux qui, sans appartenir à l'opposition, se sont opposés à votre texte, jusque dans vos rangs !
Ne vous en déplaise, monsieur Laffineur, vous avez appliqué le principe du bâton et du bâillon, en déclarant l'urgence dès la première lecture au Sénat ; en refusant le vote solennel en deuxième lecture à l'Assemblée ; en réduisant le temps des motions de procédure ; en passant en force en commission mixte paritaire, malgré le refus de l'Assemblée nationale de délibérer sur ce texte, exprimé la veille par le vote d'une question préalable ; en bafouant notre droit d'amendement en commission mixte paritaire – ce qui est une grande première ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) ; en violant délibérément l'article 42 de notre règlement – qui rend obligatoire la présence des députés aux réunions de commission –, puisque la CMP a été convoquée en même temps que la commission des affaires économiques – et le président Ollier n'y est pas pour rien –, empêchant ainsi certains de nos collègues de siéger en commission ; en refusant, enfin, le vote solennel – pour que les noms n'apparaissent pas – lors de cette ultime lecture.
Ce vade-mecum de l'obstruction, dirigée contre l'expression de l'opposition parlementaire ou d'une simple opinion contraire, en dit long sur votre sincérité lorsque vous prétendez renforcer les droits de l'opposition dans le cadre de la réforme annoncée des institutions.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Très juste !
Cette motion met en exergue votre constante volonté de lutter contre toute transparence démocratique dans l'expression parlementaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Vous refusez d'admettre qu'en première lecture 57 % des députés ont refusé de manifester leur acceptation de votre projet de loi, que près de 43 000 personnes ont signé la pétition destinée à défendre l'amendement dit Chassaigne, que le Premier ministre voulait vider de son sens – ce qu'il a partiellement réussi, avec l'amendement du Sénat –, et qu'enfin l'Assemblée nationale a rejeté votre texte il y a huit jours, à l'occasion de la question préalable défendue en deuxième lecture.
Selon un sondage CSA paru aujourd'hui, un Français sur deux ne fait pas confiance au Gouvernement pour faire voter une loi qui protégerait les citoyens des éventuels risques environnementaux et sanitaires liés aux cultures OGM. Le message est clair : ce n'est pas d'une loi que les Français ne veulent pas, mais de votre projet de loi, celui qui est issu du Sénat et sur lequel nous sommes amenés à nous prononcer à nouveau, malgré son rejet par notre assemblée la semaine dernière. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Ce projet de loi, qui ne respecte pas vraiment le principe de précaution – comme le Conseil constitutionnel le démontrera certainement –, devait consacrer la liberté de produire et de consommer sans OGM, conformément au consensus dégagé par le Grenelle de l'environnement et au souhait d'une large majorité de Français qui, selon une enquête CSA de février 2008, estimaient à 72 % qu'il est important de ne pas consommer de produits contenant des OGM – et ce n'est pas vous, madame la secrétaire d'État, qui me contredirez.
La liberté de chacun commence là où s'arrête celle des autres. Or la dissémination des OGM permise par votre texte se produira impunément et de façon anarchique, sans respecter la liberté de ceux qui veulent produire sans OGM. Tous ceux qui ne veulent pas subir l'irréversible que votre loi veut imposer doivent avoir le droit de choisir. À l'heure actuelle, seul un référendum leur offre cet ultime choix ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
M. le Premier ministre vient d'annoncer qu'il reprendrait à son compte le référendum d'initiative populaire dans la réforme de nos institutions. Dont acte, et nous lui disons : chiche ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Pour donner la parole aux Français avant un choix irréversible et pour faire écho, chers collègues de l'UMP, aux propos de M. le Premier ministre, nous proposons l'organisation d'un référendum. N'ayez pas peur de nos concitoyens, laissez les Français maîtres de leur avenir : acceptez le référendum sur la question majeure des OGM en votant avec nous cette motion référendaire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Monsieur Brottes, j'ai écouté attentivement votre exposé. Or il y manque un élément majeur : quelle serait la question posée lors du référendum que vous appelez de vos voeux ?
Nous avons longuement discuté des points que vous avez évoqués. Le projet de loi n'a pas pour vocation de trancher la question de savoir si les Français sont pour ou contre les OGM – nous avons connaissance des sondages que vous avez cités –, mais de respecter la liberté de choix de chacun. Car c'est l'honneur du Parlement et la substance même de notre travail que de respecter les convictions de chacun.
Peut-être rejetez-vous la compétence exclusive de l'Union européenne, qui a, seule, la possibilité d'autoriser ou de rejeter un organisme génétiquement modifié ? Je n'ose croire que vous souhaitiez organiser un référendum sur l'Europe.
En tout cas, votre argumentation ne suffit pas à remettre en cause le travail accompli à l'Assemblée nationale et auquel j'ai contribué, en tenant compte des propositions de l'opposition. Le projet de loi est équilibré et va dans le bon sens. Je ne voterai donc par la motion référendaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Dans les explications de vote sur la motion référendaire, la parole est à M. Philippe Vigier, pour le groupe Nouveau Centre.
Monsieur le président, mesdames et messieurs, je tiens tout d'abord à préciser à M. Brottes que je m'exprime avec une liberté totale, en toute indépendance, sans être prisonnier de quelque lobby que ce soit.
Ne comptez pas sur nous pour tomber dans des travers politiciens. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Nous entendons faire prévaloir la vision scientifique et la liberté de choix, car l'essentiel est que chacun puisse se déterminer en conscience.
Je suis un peu surpris par vos effets de manche, monsieur Brottes. Pourquoi Mme Voynet n'a-t-elle pas consulté le peuple par référendum lorsqu'elle a pris sa décision ?
Il faut vraiment être de mauvaise foi, monsieur Cochet, pour demander cette consultation dix ans plus tard.
Vous ne pouvez pas nier que ce texte apporte de la transparence pour les consommateurs, qui pourront consommer ou non des OGM.
…notamment la thérapie génique, qui, si elle ne peut être menée ici, se fera ailleurs et vous en porteriez la responsabilité. Par ailleurs, les cultures OGM seront encadrées : vous n'avez pas su le faire, nous le faisons ! Enfin, le texte crée une autorité scientifique, le Haut conseil des biotechnologies.
Pour ces quatre raisons, nous ne nous associerons pas à votre motion. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Nouveau Centre.)
La parole est à M. Yanick Paternotte, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Je veux commencer par rappeler à notre collègue Brottes que le référendum sur le Grenelle de l'environnement a eu lieu en mai et juin 2007, et que la réponse des Français a été assez claire (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Le débat que nous avons actuellement ne porte pas sur le thème « pour ou contre les OGM », mais sur un texte qui vise à transposer la directive européenne fixant les règles du jeu de la mise en culture des PGM, les plantes génétiquement modifiées. Ce texte est fondé sur le respect de plusieurs principes fondamentaux : le principe de liberté – de chercher, d'expérimenter, de cultiver et de produire avec ou sans OGM –,…
..mais aussi le principe de transparence, en rendant publics les avis du Haut conseil des biotechnologies et en publiant sur Internet les registres recensant les parcelles OGM cultivées, ce qui n'a jamais été fait jusqu'à présent ; enfin, le principe essentiel du respect du droit communautaire.
Mes chers collègues, ce débat est, hélas, plus passionnel que rationnel, plus sociétal que scientifique. C'est le débat du courage et de la raison contre l'obscurantisme et les marchands de peur (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Mes chers collègues, il en est des OGM comme des députés, des ONG, des agriculteurs et des journalistes : il y en a des bons et des mauvais ! Gardons-nous, par conséquent, de tomber dans l'intégrisme !
En tant que docteur en pharmacie (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche), je voudrais vous faire part d'une réflexion. Tout au long de l'histoire de l'humanité, les hommes ont cherché des médicaments et des aliments. Ils ont d'abord vu que certaines plantes tuaient, tandis que d'autres avaient le pouvoir de guérir ; que certaines nourrissaient, alors que d'autres ne présentaient aucun intérêt nutritionnel. Au fil du temps, l'homme a sélectionné de manière empirique les bonnes plantes, celles qui pouvaient lui apporter des remèdes et le nourrir, avant d'extraire les principes des plantes capables de guérir, et de cultiver les plantes destinées à le nourrir. Il a ensuite isolé chimiquement les principes actifs, et commencé à croiser les espèces végétales. Enfin, la synthèse chimique des principes actifs a donné lieu à la première controverse – ce fut un véritable scandale ! Pourtant, c'est bien grâce à la synthèse chimique des principes actifs que beaucoup de maladies ont été éradiquées et que de nombreux hommes ont survécu à des pandémies. De la même manière, on a hybridé les végétaux pour trouver de meilleurs aliments pour l'humanité.
Aujourd'hui, en recherche médicale et pharmaceutique, la chimie a permis la mise au point de molécules innovantes, qui ne sont pas spontanément présentes dans la nature. De même, ce sont des recherches scientifiques qui ont permis de trouver tous les antibiotiques que nous utilisons aujourd'hui. Car la pénicilline, c'est fini depuis que les bactéries y sont devenues résistantes : on ne recourt plus désormais qu'à des antibiotiques créés ex nihilo en laboratoire. Cela s'est faitdans le respect de plusieurs principes : accepter la recherche, expérimenter les molécules, autoriser la mise sur le marché à certaines conditions de précaution et, enfin, se doter d'un observatoire de biovigilance ayant pour mission de retirer du marché toutes les molécules potentiellement dangereuses.
Le débat que nous avons aujourd'hui au sujet des plantes génétiquement modifiées est le même. Nous considérons qu'il convient de renforcer la recherche (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine), de créer un Haut conseil des biotechnologies, de prévoir un comité de surveillance biologique afin d'exercer un meilleur suivi des espèces et de pouvoir réagir en cas de difficultés, d'appliquer les principes de transparence et de liberté de culture et de coexistence. (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Mes chers collègues, nous voterons donc sans états d'âme contre cette motion référendaire, et pour cet excellent projet ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Sur le vote de la motion référendaire, je suis saisi par le groupe de l'Union pour un mouvement populaire et par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Dans la suite des explications de vote sur la motion référendaire, la parole est à Mme Catherine Quéré, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Il y a plus de quinze ans que les OGM font parler d'eux, inquiétant les agriculteurs et les consommateurs, et divisant les chercheurs. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Ces dernières semaines, c'est au tour des politiques de se positionner. Les Français se sont largement investis dans ce débat passionnel. La France est riche de nombreux produits bénéficiant d'une AOC ou de labels de qualité de renommée mondiale, auxquels les Français sont très attachés et dont l'intérêt économique n'est plus à démontrer. L'agriculture biologique, qui tend à se développer, représente également un atout primordial pour notre économie rurale, pour notre environnement et pour notre santé. Ces productions font partie d'un patrimoine national auquel les Français sont attachés, et que nous ne pouvons accepter de mettre en danger à cause des disséminations et contaminations dues aux OGM. Cela, tous les Français l'ont compris, même dans les Hauts-de-Seine ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. – Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Nous ne pouvons accepter qu'au nom de la liberté de produire de quelques-uns, nous permettions de contaminer et de détruire ce que d'autres ont mis des années à mettre au point en respectant des cahiers des charges très stricts. Il n'est plus à démontrer que la coexistence entre cultures OGM et non-OGM n'est pas possible. Autoriser la dissémination transgénique serait fatal à tous les signes de qualité de notre agriculture. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Par ailleurs, nous ne pouvons prendre le risque de placer nos agriculteurs sous le joug de puissantes compagnies internationales, dont les intérêts sont purement financiers. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Nous devons donc refuser la culture d'OGM dans notre pays, tout en favorisant la recherche afin de parvenir à des certitudes et de clore toute polémique.
Ce que les Français nous ont demandé (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), c'est de préserver la liberté et le droit de produire et consommer sans OGM, de défendre nos différents systèmes agraires, d'établir un vrai seuil de contamination basé sur un niveau de détection strictement défini, de prévoir une réelle indemnisation pour tout dommage dû à une contamination, et d'organiser, enfin, la recherche des responsables pollueurs. Or je constate qu'aucune de ces dispositions n'est présente dans le projet de loi.
N'oublions pas, mes chers collègues, que de grandes certitudes scientifiques nous ont conduits à de grandes catastrophes sanitaires. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Le texte issu de la CMP est un coup de force politique de la majorité pour faire adopter un texte rejeté par les élus de la nation. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Il en résulte une absence de débat et de pédagogie à destination de l'opinion publique et le Gouvernement, en refusant de revoir sa copie, bafoue délibérément le Grenelle de l'environnement et se livre à un déni de démocratie ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. – Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
L'adoption, la semaine dernière, de la question préalable par notre assemblée a, certes, constitué une victoire pour la gauche, mais elle a surtout suscité un immense espoir pour tous les citoyens qui ne veulent pas des cultures OGM – et ils sont nombreux, comme vous ne pouvez l'ignorer. Les Français ont besoin d'avoir confiance dans leur agriculture, mais aussi dans leur démocratie. C'est pourquoi le groupe socialiste, radical, et citoyen votera de façon unanime cette motion référendaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
La parole est à Mme Martine Billard, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Notre collègue de l'UMP nous a expliqué que l'humanité avait été capable de grandes choses. Il a oublié d'ajouter qu'elle est aussi capable, malheureusement, de déclencher de grands désastres ! C'est un fait, cette loi joue avec l'avenir de notre agriculture, de notre santé et de notre planète. Il faudrait arrêter de faire preuve de mauvaise foi, mesdames et messieurs de l'UMP ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Sur tous les bancs de cette assemblée, l'accord s'est fait pour poursuivre les recherches en laboratoire. Ce que nous refusons, ce sont les plantations d'OGM en plein champ, car la dissémination est irréversible pour plusieurs décennies, comme on le voit en ce moment aux États-Unis.
Nous ne refusons pas la transcription de la directive européenne, monsieur le ministre des relations avec le Parlement ! Personne n'a jamais dit cela ! La question de fond est de savoir comment transcrire cette directive : nous ne refusons pas qu'il y ait une loi, nous rejetons seulement la loi qui nous est proposée.
Il y a eu, de 2000 à 2003, un moratoire au niveau européen sur les OGM, organisé à l'initiative de Mme Voynet (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.), sur la base d'un accord politique entre les gouvernements. Et c'est votre majorité qui, avec Mme Bachelot, a levé le moratoire en 2002 et permis l'expansion des OGM dans le pays. Vous ne pouvez pas vous laver les mains de ce qui a été fait ces dernières années dans notre pays ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. – Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Quand il s'agit de faire passer vos mauvais coups, notamment vos mauvais coups sociaux, vous êtes toujours disposés à faire appel à l'opinion publique – par exemple lorsqu'il s'agit de casser le droit de grève des enseignants ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.– Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Il en va tout autrement lorsqu'il s'agit des OGM, les Français ayant fait savoir massivement depuis des mois qu'ils n'en voulaient pas, ni dans leurs champs ni dans leurs assiettes. Auriez-vous peur du peuple ? Certains sont allés jusqu'à dire que faire appel au peuple serait politicien : voilà la conception de la démocratie que l'on a à l'UMP ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Oui, il faut un référendum sur les OGM, afin que les Français puissent dire s'ils veulent des OGM en France, ou s'ils veulent une agriculture de qualité, une agriculture qui s'exporte.
Croyez-vous que nous pourrons encore exporter quand notre agriculture tout entière sera contaminée par les OGM ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) En cassant les AOC et l'agriculture biologique, vous allez signer l'arrêt de mort de l'agriculture tout entière !
C'est ce que nous refusons, et c'est pourquoi le groupe de la Gauche démocrate et républicaine votera la motion référendaire : il faut que ce soit le peuple qui tranche, sur cette question qui met en jeu l'avenir de notre planète ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Nous allons maintenant procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur la motion tendant à proposer de soumettre au référendum le projet en discussion.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 530
Nombre de suffrages exprimés 530
Majorité absolue 266
Pour l'adoption 213
Contre 317
L'Assemblée nationale n'a pas adopté. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une question préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.
La parole est à M. Germinal Peiro.
Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous abordons donc, cet après-midi, la dernière lecture du projet de loi sur les organismes génétiquement modifiés.
Sur la forme, l'attitude du Président de la République et du Gouvernement a été marquée au cours des derniers mois par une série d'atermoiements, de revirements et de prises de positions contradictoires. Soufflant un jour le chaud et un jour le froid, rassurant un jour les associations de protection de l'environnement, et le lendemain le lobby des semenciers, le Président de la République et le Gouvernement ont semblé naviguer à vue sur un sujet manifestement embarrassant à l'approche des élections municipales et cantonales.
Une fois les élections passées, les masques sont tombés et chacun a pu comprendre quelles étaient les intentions réelles du Président de la République et du Gouvernement.
Les parlementaires, les quelques responsables de la majorité qui ont osé manifester leur propre opinion ont été vertement rappelés à l'ordre. Mme Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de l'écologie, qui avait timidement laissé entendre une autre musique, a ainsi dû rentrer dans le rang sous peine d'exclusion. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Malgré quelques ratés, votre machine est en route. C'est la machine du passage en force.
Une deuxième lecture écourtée au Sénat, un temps de parole restreint pour les motions de procédure, le refus du vote solennel, la réunion de la commission mixte paritaire, où le débat est interdit par le président de la commission des affaires économiques : tout est mis en oeuvre pour que le texte Gouvernement soit adopté en l'état le plus rapidement possible en réduisant au maximum le pouvoir du Parlement.
Sur un sujet aussi grave et qui engage l'avenir, cette attitude n'est pas acceptable. Elle montre d'ailleurs le peu de cas que vous faites du rôle et de l'action du Parlement. Nous refusons quant à nous que le Parlement soit réduit à une simple chambre d'enregistrement.
Nous avons aussi souhaité que le débat sur les OGM devienne un véritable débat public. Nous avons donc demandé que nos concitoyens dans leur ensemble puissent se prononcer. Face à un véritable choix de société, et pas simplement de technique agronomique, nous avons demandé que le peuple puisse s'exprimer. C'est pourquoi le groupe socialiste a déposé une motion référendaire, que M. François Brottes vient de défendre dans cet hémicycle.
Mais vous l'avez en effet rejetée.
Ce matin, le Premier ministre a annoncé qu'il accepterait le référendum d'initiative populaire dans le cadre de la réforme de la Constitution. Pourquoi avez-vous refusé cette procédure pour les OGM ? Où est la preuve de votre véritable volonté d'agir ? Où est la preuve du respect que vous portez à l'avis de nos concitoyens ?
Sur le fond, monsieur le ministre d'État, et quoi que vous puissiez en dire, vous avez fait un choix clair : celui d'orienter la France sur la voie des grandes cultures OGM. Vous avez fait le choix d'une agriculture monolithique qui défend les puissants contre les plus faibles. Vous avez fait le choix de tourner le dos à notre Constitution en passant outre au principe de précaution. En garantissant dès l'article 1er la liberté de produire avec ou sans OGM, vous avez choisi la liberté des uns contre la liberté des autres. Désormais, nul ne pourra plus cultiver sans OGM.
Mais nous entendons déjà votre défense : « Ce n'est pas moi qui ai autorisé le maïs OGM Monsanto 810 en 1998, c'est le Gouvernement Jospin. »
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Eh oui !
Oui, c'est vrai. Mais il faut tout dire. Or un mensonge par omission reste un mensonge. Il faut donc ajouter que c'est aussi le gouvernement Jospin, qui, au vu des doutes, a mis en place un moratoire sur les OGM. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Il faut encore ajouter que c'est votre majorité qui a levé le moratoire et que c'est sous votre majorité, et pas sous le gouvernement Jospin, que les cultures OGM se sont développées dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
La grande différence, monsieur le ministre d'État, avec la situation de 1998 – et elle est de taille ! – c'est qu'aujourd'hui, nous savons : nous savons qu'il existe des doutes sérieux sur la santé animale et humaine. Ces connaissances nouvelles ont d'ailleurs justifié l'activation de la clause de sauvegarde il y a quelques semaines, à la demande du comité de préfiguration de la Haute autorité sur les OGM. Nous avons dix ans de recul.
Nous savons qu'on n'a pas appliqué aux OGM, qui sont des plantes pesticides, et qualifiées comme telles par le Président de la République, les protocoles appliqués aux pesticides qui permettraient d'avancer sur le terrain de la connaissance.
Nous savons aujourd'hui que les cultures d'OGM créent des situations irréversibles. Ainsi, il n'y a plus de colza conventionnel ou biologique au Canada parce que les zones de cultures ont toutes été contaminées par le colza OGM.
Nous savons aujourd'hui qu'aux États-Unis, en Amérique centrale, et, plus près de nous, en Aragon et en Catalogne, les filières conventionnelles et biologiques de maïs sont en train de disparaître devant le maïs transgénique.
C'est ce choix qu'a fait le Président de la République et que vous imposez aux Français par un vote provoqué dans l'urgence pour en finir avec la crise interne de l'UMP. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Vous avez choisi de sacrifier l'agriculture biologique, l'agriculture de qualité, l'agriculture de terroir ou encore tous les labels et les AOC, qui rejettent les OGM et demandent simplement le droit d'exister.
Il est clair que vous avez fait le choix de favoriser l'agriculture mondialisée, l'agriculture banalisée, qui vise à imposer le même modèle à l'ensemble de la planète, la même nourriture, la même culture au profit de quelques-uns. Vous vous glorifiez de défendre la recherche. Il faudra nous expliquer en quoi la recherche d'une monoculture mondiale fondée sur des espèces identiques est favorable au développement de la connaissance et des hommes.
Mes chers collègues, ce choix est mauvais pour la France parce qu'il est un mauvais choix pour le monde. La plus-value que tire l'agriculture française qui nous permet d'exporter nos vins, nos fromages et l'ensemble de notre production agro-alimentaire de qualité ne vient pas de la culture des fast food d'outre-Atlantique, de la culture low cost que vous érigez désormais en alpha et oméga de toute votre politique.
Notre force agricole vient de l'intelligence de la culture paysanne, qui a su s'adapter aux conditions de vies, à des sols différents, à des climats diversifiés. C'est cette intelligence, fondée aussi sur le respect de la vie, qui nous a permis d'offrir des produits figurant parmi les meilleurs du monde. Erik Orsenna, au début de son Voyage au pays du coton explique bien cette tradition : « Chaque matière première est un univers, avec sa mythologie, sa langue, ses guerres, ses villes, ses habitants : les bons, les méchants et les hauts en couleurs. »
Monsieur le ministre d'État, votre choix est mauvais pour l'Europe. Contrairement à ce que nous entendons, l'Europe n'est pas en retard sur les OGM. Elle est au contraire en avance sur les filières non-OGM. Avec les OGM, l'Europe a un formidable levier entre les mains pour peser sur les négociations internationales.
Oui, il faut reposer la question des accords de Blair House qui ont signé l'abandon des cultures de protéagineux. Dans leur grande majorité, les 450 millions d'Européens ne veulent pas d'OGM ni dans leurs champs ni dans leurs assiettes. De la même façon, l'Europe doit être capable de dire qu'elle ne veut pas de maïs ou de soja OGM pour nourrir ses animaux. D'ailleurs, à l'inverse, pensez-vous un seul instant que nous pourrions imposer des produits OGM aux Américains s'ils n'en voulaient pas ?
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Très juste !
Bien sûr que non !
Votre choix est mauvais pour les pays en voie de développement. Au lieu de leur apporter des techniques et des matériels éprouvés – plus d'un milliard de paysans n'ont que la force de leurs bras pour travailler la terre – de façon à développer les cultures vivrières, les multinationales de la semence ne leur apporte avec les OGM qu'un asservissement supplémentaire. Elles ne font que les enfoncer un peu plus dans la pauvreté et la misère.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Exactement !
Monsieur le ministre d'État, votre texte est en outre mauvais pour les agriculteurs français. Il sera source de nombreux conflits entre agriculteurs. En créant un système d'indemnisation obligatoire, vous reconnaissez vous-même qu'il y aura dissémination entre champs voisins.
Et, là encore, vous avez fait le choix de protéger les semenciers. C'est en effet sur les seuls agriculteurs que va porter la responsabilité des contaminations des champs d'autrui.
Une nouvelle fois, les agriculteurs de notre pays vont se trouver en position d'accusés alors qu'ils ne feront qu'assurer les productions que vous vous apprêtez à autoriser dans la loi. Ce sont eux qui seront traduits devant les tribunaux.
Mais il y a une autre imposture vis-à-vis des agriculteurs. En autorisant les cultures d'OGM, vous savez parfaitement que vous allez léser les intérêts moraux et économiques de toutes les filières de qualité et des filières biologiques.
Il est de ce point de vue totalement injuste de poser une indemnisation qui ne portera que sur la différence de prix entre les produits OGM et les produits conventionnels et biologiques parce qu'elle ne tiendra pas compte des autres préjudices.
Votre choix en faveur des semenciers, le Gouvernement l'a exprimé également dans le texte d'une manière éclatante en créant un délit spécifique de fauchage. Ce délit est un véritable délit d'exception. Car il sera plus grave selon la future loi de porter atteinte à un champ d'OGM qu'à un champ de culture biologique. Pour vous, monsieur le ministre d'État, les choses sont claires : un champ d'OGM a plus de valeur qu'un champ de culture biologique.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Ce n'est pas normal !
Avec ce texte, l'avenir est malheureusement connu. Je fais le pari que la clause de sauvegarde sur le Monsanto 810 sera prochainement levée et que les portes des cultures OGM seront largement ouvertes, au détriment, comme partout dans le monde, des cultures conventionnelles et biologiques. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Prenons date aujourd'hui ! Vous ne pourrez pas dire : nous ne savions pas !
Chers collègues de la majorité, c'est à vous que je veux m'adresser, pour conclure.
Le choix que nous allons faire n'est pas anodin. Il engage l'ensemble de notre pays et non seulement notre génération, mais également celles à venir. Refuser les cultures OGM en plein champ aujourd'hui, ce n'est pas, comme on essaie de le faire croire, se prononcer contre la science ou le progrès.
Nous le disons et le répétons : nous ne voulons pas condamner a priori les biotechnologies. Et la confusion sciemment entretenue entre les OGM utilisés à des fins médicales et les plantes génétiquement modifiées vouées aux grandes cultures a porté atteinte à la sérénité de nos débats et à la compréhension du problème.
Cette confusion vous a été utile, monsieur le ministre d'État : elle a servi à masquer votre position.
Aujourd'hui, mes chers collègues, il ne s'agit pas de dire non aux biotechnologies. Et nous demandons que les efforts de recherche, en particulier de la recherche publique soient mis en oeuvre. Il s'agit de dire non aux grandes cultures de plantes génétiquement modifiées. À l'heure du choix, que nous devons faire en conscience, et qui dépasse nos clivages politiques habituels, nous devons chacun penser à nos enfants, à nos petits-enfants, et à ceux qui nous succéderont.
Chacun doit se demander s'il y a une telle urgence. La paix dans le monde repose-t-elle véritablement sur les OGM ? Ne peut-on encore chercher, ne peut-on encore développer notre connaissance avant de mettre en application des techniques que nous savons tous irréversibles ? Pourquoi faudrait-il céder aux puissances financières qui nous demandent de libérer un marché – nous le savons tous aussi – à leur seul profit ?
Notre honneur, mes chers collègues, est de défendre l'intérêt général ; notre honneur est de défendre l'idée d'un progrès partagé ; notre honneur est de faire en sorte que nous laissions la planète à nos successeurs dans un meilleur état que celui où nous l'avons trouvée.
Tous ceux qui mettent le respect des autres au premier rang de leurs préoccupations, tous ceux qui considèrent que le progrès humain ne doit pas céder le pas aux intérêts mercantiles immédiats, tous ceux-là, monsieur le ministre d'État, rejetteront votre texte. C'est pourquoi, mes chers collègues, j'en suis convaincu, vous voterez la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Monsieur Peiro, j'ai attentivement écouté votre exposé et j'y ai retrouvé la plupart des arguments avancés lors de nos débats en commission.
Vous dites notamment que les avis divergents n'ont pas eu droit de cité dans la discussion. Il me semble cependant – et si vous l'avez oublié, je vous le rappelle – que le troisième amendement que nous avons examiné en première lecture était un amendement déposé par vos soins, proposant la création dans les six mois un rapport sur l'équilibre et l'indépendance en matière de protéines végétales pour la France, et qu'il a été adopté par cette assemblée. C'est bien la preuve que votre mémoire vous trahit et que, quoi qu'il en soit, les avis divergents étaient les bienvenus. C'est en tout cas dans cet esprit là que j'ai, pour ma part, mené les travaux en tant que rapporteur.
Cependant, souffrez que le fait majoritaire soit également important dans un débat parlementaire. J'ai admis dans ma première intervention l'importance de l'oeil critique et constructif de l'opposition. Pour ce qui est de la critique, nous avons été servis ; pour ce qui est de l'aspect constructif, je regrette malheureusement que votre groupe politique fasse preuve, en ce moment, d'un peu de relâchement. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Quant au rôle du Parlement,…
…quel est-il, monsieur Peiro, s'il ne consiste pas à ériger des règles sur les OGM ? Quel est-il s'il n'empêche pas des citoyens de s'affronter dans nos campagnes ? En quoi consiste alors le rôle du Parlement s'il ne s'agit que de déplorer, à l'occasion des questions d'actualité, la situation de non-droit qui a malheureusement prévalu pendant des années dans notre pays ?
Ce texte de loi nous permet au contraire de rendre sa vraie place au Parlement qui, au-delà des polémiques, a pour mission d'ériger une règle commune à l'ensemble des citoyens de ce pays, sans insulter l'avenir et en donnant à la recherche le rôle qui lui appartient. Enfin, et c'est ce qui vous gêne probablement le plus, les pouvoirs publics vont retrouver leur rôle d'arbitre sur un sujet trop longtemps voué à des polémiques stériles.
Vous avez à juste titre dit que la paix dans le monde ne reposait pas sur les OGM. Je suis convaincu en revanche que la paix en France sur cette question repose sur l'adoption de ce texte. C'est pour cela que je proposerai à toutes les bonnes volontés de cet hémicycle de rejeter la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
Dans les explications de vote sur la question préalable, la parole est à M. Marc Laffineur, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
M. Germinal Peiro n'en est pas à une contradiction près, puisqu'il prétend dans sa question préalable que nous empêchons le débat, alors précisément qu'il veut, comme la semaine dernière, nous faire voter une motion de procédure d'où il découle qu'il n'y a pas lieu de débattre. Il y a là une contradiction que j'ai du mal à comprendre après trente-six heures de débats au cours desquelles près de six cents amendements ont été discutés, dont cent vingt adoptés, et alors que le Gouvernement a montré son ouverture en acceptant des amendements de l'opposition.
La belle unanimité des socialistes sur ce sujet est à la mesure de leurs divisions en dehors de cet hémicycle ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) C'est pour eux la seule façon de s'entendre quand ils ne savent par ailleurs discuter d'autre chose que de leur futur congrès et des chances respectives de Ségolène Royal, de Bertrand Delanoë ou de Pierre Moscovici.
Nous aimerions pourtant savoir quelle politique ils défendent en matière d'environnement, en matière de solidarité – bref, quelle est leur politique tout court ! Car, au-delà des critiques permanentes, on attend encore les propositions constructives du parti socialiste…
Le groupe UMP rejettera bien sûr la question préalable, car nous devons adopter ce texte courageux, qui transpose une directive européenne acceptée par Dominique Voynet et Lionel Jospin en 2001. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) La majorité sera heureuse et fière d'avoir soutenu ce texte pour notre recherche, pour la médecine et pour l'avenir des productions agricoles dans le monde.
Pour toutes ces raisons nous rejetterons la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
La parole est à M. Jean Gaubert, pour le groupe socialiste, radical et citoyen.
Je voudrais d'abord remercier M. Laffineur pour l'intérêt qu'il porte au fonctionnement interne du parti socialiste. Nous pourrions, quant à nous, nous livrer à certaines considérations sur le fonctionnement du groupe UMP à l'intérieur même de l'Assemblée, mais j'ai mieux à dire pour l'heure. (Rires sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. – Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Le projet de loi est, certes, la transposition d'une directive, mais le débat qu'il a suscité – et Germinal Peiro a bien posé le problème – est passé à côté des vraies questions.
Vous nous accusez d'être contre la recherche. À quel moment avez-vous entendu un député de gauche dire qu'il était contre la recherche ? À quel moment nous avez-vous entendu dire que nous remettions en cause la recherche médicale ? Vous faites un amalgame et vous savez fort bien que ces recherches, et la recherche médicale en particulier, dont nous soutenons, comme vous, l'utilité pour aujourd'hui et pour demain, n'ont pas besoin de cultures en plein champ pour continuer de se développer. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
On nous fait croire que l'avenir est déjà là en nous parlant de plantes prétendument moins gourmandes en eau. Mais, malgré ce qu'on tente de nous faire croire, nous n'avons aujourd'hui aucune preuve qu'il existe des plantes de ce type. Même chose pour les rendements. Rien ne nous prouve aujourd'hui que les rendements sont meilleurs avec les cultures OGM, sinon les statistiques en provenance des États-Unis, pays roi des OGM.
En revanche, une question est laissée en suspens, celle de la liberté, car la liberté de produire avec ou sans OGM se résume en vérité à la liberté de produire avec, en condamnant la possibilité de produire sans, puisqu'il y a incompatibilité entre les deux cultures.
Quoi qu'il en soit, le débat le plus important porte sur le contrôle futur des semences. Vous savez tous que ce qui importe aujourd'hui aux groupes semenciers, ce n'est pas la plantation d'OGM, mais le contrôle, demain, de l'approvisionnement en semences de la planète.
Dans trente ou quarante ans, le petit-fils de M. Bush – car on fonctionne par dynastie aux États-Unis – n'aura plus besoin d'entretenir d'armées : il lui suffira de bloquer les bateaux de céréales dans les ports américains pour affamer telle ou telle partie de la planète ! Ce n'est pas de la science-fiction, mais ce qui risque d'arriver avec ce que vous nous proposez.
Non, rassurez-vous ! Nous ne voulons pas condamner nos enfants à être dépendants des groupes semenciers. Nous voulons leur léguer la biodiversité dont nous avons hérité. Avons-nous tort ? Non, c'est le chemin de la raison qui vous est proposé et, une dernière fois, nous vous exhortons à la lucidité. Il y en a encore parmi vous qui sont capables d'entendre cela.
La question n'est pas de savoir si l'on est pour ou contre les OGM. Elle est de savoir si nous acceptons de prendre des risque inconsidérés qui, demain, se révéleront irréparables. C'est pourquoi nous vous demandons de vous joindre à nous pour voter cette question préalable, défendue avec beaucoup de brio par Germinal Peiro. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Sur le vote de la question préalable, je suis saisi par le groupe de l'Union pour un mouvement populaire d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Dans la suite des explications de vote sur la question préalable, la parole est à M. Daniel Paul, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Madame la ministre, messieurs les ministres, nous voterons bien évidemment la question préalable défendue par Germinal Peiro.
Certains disent que nous vivons une époque formidable grâce au progrès scientifique et technique qui s'insinue dans tous les domaines de la vie individuelle et collective. Il est vrai que, pour la première fois dans l'histoire de l'humanité, les hommes – certains d'entre eux, du moins – disposent du pouvoir de modifier fondamentalement le cours du monde, avec la capacité de toucher à l'évolution même des espèces. C'est le cas avec l'irruption des OGM dans nos économies, mais aussi dans le débat scientifique, puisqu'ils ont la capacité de provoquer des mutations génétiques durables et transmissibles.
Un tel risque justifierait des recherches plus poussées, contrôlées par le service public, soumises à autorisation. Il justifierait que l'initiative, dans ce domaine, ne soit pas laissée aux groupes privés, dont le moteur est le profit et non les avancées éventuelles permises par les OGM. Il justifierait que soient édictées des règles strictes avant toute utilisation des OGM en plein champ, tant les risques sont lourds. Il justifierait enfin que l'on ne prenne pas pour argent comptant l'idée qu'à 0,9 % il n'y aurait aucun risque pour les espèces, quelles qu'elles soient.
Oui, nous sommes pour que les progrès scientifiques soient au service de la planète et de la lutte contre les fléaux – la faim et les maladies – ; oui, nous sommes pour que cela contribue, si c'est possible, à la lutte contre la mucoviscidose. Mais nous ne voulons pas pour autant qu'on lâche la proie pour l'ombre, qu'on menace nos territoires, leurs richesses et leurs spécificités. Plagiant une phrase célèbre, je dirai que nous devons nous garder, en croyant nous battre pour l'amélioration de notre agriculture, de faire le jeu des industriels semenciers.
Le droit de produire et de consommer sans OGM est valable partout, et pas seulement dans les Hauts-de-Seine. C'est lui en particulier qui porte les AOC et l'agriculture biologique dans nos territoires.
Que direz-vous demain, chers collègues, à nos producteurs de vin, de fromage et de viande, internationalement réputés, contraints d'inscrire sur leurs produits « 0,9 % d'OGM » et voués pour cela à perdre leurs marchés, ce qu'aucune de vos indemnisations ne pourra compenser ?
Les OGM relèvent de la responsabilité politique, mais aussi de la responsabilité personnelle de chacune et de chacun. Croyez-vous vraiment que ceux qui ont voté pour le Président de la République l'an passé aient voté pour ce texte de loi ? Toutes les enquêtes d'opinions montrent la colère des citoyens face à la politique économique et sociale du Gouvernement,…
…mais aussi l'inquiétude face à votre politique sur les OGM.
C'est cette politique que nous vous appelons à rejeter aujourd'hui. C'est cette responsabilité que nous vous demandons de prendre, individuellement, aujourd'hui. Voilà ce que nous vous demandons d'assumer en votant la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Je voudrais dire à mes chers collègues de la majorité que ce texte sur les OGM nous fait vivre des moments totalement irrationnels et incompréhensibles.
L'adoption, la semaine dernière, de la question préalable a fait tomber les huit cents amendements. C'est la preuve, mesdames et messieurs les députés de l'opposition, que vous privilégiez la procédure par rapport au fond des dossiers, que vous préférez les effets de manche à la confrontation d'idées, que vous choisissez la diabolisation et non les faits objectifs. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Qui, ici, peut dire en conscience que l'absorption des OGM depuis quinze ans a provoqué une augmentation du nombre de cancers ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Vous ne trouverez pas une publication scientifique pour l'affirmer !
J'aurais aimé qu'en 1986, alors que l'existence des kits de détection du sida était connue, vous soyez un peu plus rapides pour les légaliser dans ce pays ! Vous avez attendu une année pour le faire ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. – Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
C'est la vérité ! (Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche se lèvent et se dirigent vers l'orateur en l'invectivant. – Les huissiers montent dans les travées pour s'interposer.)
Vous qui n'avez pas de mots assez durs pour rappeler la nécessité d'informer nos concitoyens,vous voulez empêcher la représentation nationale de s'exprimer ! C'est une forme de censure ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. – Les députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine continuent de protester vivement.)
Qui a interdit les kits ? C'est vous !
Je le répète : vous voulez empêcher la représentation nationale de s'exprimer ! C'est la vérité et c'est une forme de censure ! (Protestations redoublées sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Vous voulez donc inventer un « auto-49-3 »… (Les protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine se prolongent.)
Monsieur le président, je ne peux pas m'exprimer…
Monsieur Vigier, arrêtez-vous de parler un instant !
Mes chers collègues, calmez-vous et retournez à vos places ! (Les députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre se lèvent et applaudissent vivement. – Les députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine continuent de protester.)
Mes chers collègues, je vous demande de bien vouloir retourner à vos places ! (Brouhaha.)
Je voudrais terminer, monsieur le président !
En 1985… (Les protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine s'amplifient jusqu'à couvrir la voix de l'orateur.)
On en reparlera, messieurs !
Question préalable
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures trente, est reprise à dix-huit heures trente-cinq.)
La séance est reprise.
Mes chers collègues, j'appelle de votre part quelques secondes d'attention. Je vous demande maintenant de quitter l'hémicycle. Nous reprendrons le débat dans un quart d'heure et dans le calme. (Les députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine scandent : « Des excuses ! des excuses ! »)
Je vais suspendre la séance pour une quinzaine de minutes. Veuillez quitter l'hémicycle. (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Chers collègues, merci de bien vouloir évacuer l'hémicycle (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine), afin que je puisse réunir les présidents de groupe et ,créer les conditions d'un retour au calme. Ensuite, nous pourrons poursuivre notre débat dans la sérénité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre. – Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Question préalable
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue, est reprise à dix-neuf heures cinq.)
La séance est reprise.
Mes chers collègues, nous traitons d'un sujet complexe, difficile, et il est bien naturel que nos débats se déroulent dans un climat…
…où la passion affleure à chaque instant. Je sais bien qu'elle trahit l'intérêt que nous portons tous à nos travaux, l'attachement de chacun pour ses convictions – et toutes sont respectables. Je veux cependant appeler à la mesure, dans les propos comme dans les attitudes. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
La parole est à M. François Sauvadet, président du groupe Nouveau Centre.
Monsieur le président, madame et messieurs les ministres, mes chers collègues, c'est avec passion que nous vivons ce débat important, mais nous devons tâcher de conserver notre sérénité, car le sujet mérite mieux que des invectives ou que la diabolisation. Des mots très durs ont été prononcés ici ou là. J'ai, moi-même, entendu celui d'« empoisonneur », qui n'est pas plus acceptable.
Je voudrais dire, très clairement, que personne n'a à gagner à ce que le débat dérape, à ce que soient tenus des propos qui ne respecteraient pas la diversité des opinions. Je vous le dis, mes chers collègues, comme je le dis au président Ayrault : si des mots ont pu blesser, je les regrette, au côté de mon collègue Philippe Vigier. J'en appelle à l'esprit de responsabilité de chacun et à la qualité d'un débat qui doit se terminer dans la sérénité.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Des excuses ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Mes chers collègues, je crois – et je l'ai dit au président Ayrault – que les propos que je tiens sont suffisamment clairs à l'égard de tous ceux qui ont pu se sentir blessés. (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. – « Mais si ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Pour ma part, au nom du groupe Nouveau Centre, je souhaite que le débat se termine dans la sérénité : nous le devons à tous ceux qui nous regardent. En tant que président de mon groupe, j'y veillerai. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Mes chers collègues, je vous rappelle que nous allons procéder au scrutin public sur la question préalable demandé par le groupe de l'UMP.
Afin de permettre à chacun de regagner sa place, le scrutin sera ouvert dans deux minutes.
Vous parlerez après le scrutin, mon cher collègue. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
C'est maintenant que j'ai quelque chose à dire, monsieur le président !
Dans ce cas, vous avez la parole, monsieur Ayrault, mais pour une minute seulement.
Monsieur le président, je prends acte de ce qu'a dit le président Sauvadet, mais, après une brève concertation avec mes collègues et compte tenu de la gravité des propos qui ont été tenus (Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire),nous aurions souhaité que soit prononcé le mot « excuses ». Il ne l'a pas été. En signe de protestation, nous allons quitter la séance. Nous reviendrons pour le vote final. (Mmes et MM. les députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche quittent l'hémicycle. – De nombreux députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire entonnent « Ce n'est qu'un au revoir… »)
Je vous en prie, mes chers collègues ! Ayez un minimum de dignité !
Nous allons maintenant procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur la question préalable.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 322
Nombre de suffrages exprimés 322
Majorité absolue 162
Pour l'adoption 10
Contre 312
L'Assemblée nationale n'a pas adopté. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Afin d'organiser la suite du débat, je demande aux groupes de bien vouloir me faire savoir si leurs orateurs entendent conserver leur temps de parole dans la discussion générale.
La parole est à M. Jean-François Copé.
Monsieur le président, je serai très bref. Je voudrais simplement dire combien je regrette ce que nous venons de vivre. Ces incidents à répétition ne donnent vraiment pas l'image digne que nous souhaitons donner de notre assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
Pour ce qui nous concerne, nous n'avons pas été dupes des manoeuvres d'obstruction menées par l'opposition depuis le début de l'après-midi, mais nous avons joué le jeu. Nous sommes, depuis le début de cet après-midi, au grand complet, déterminés à conduire les réformes pour lesquelles les Français nous ont choisis, et on en a eu une illustration cet après-midi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre. – Protestations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Monsieur le président, je suis attaché à la dignité de la représentation nationale.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Nous aussi !
Le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche a quitté l'hémicycle de façon solennelle et symbolique, pour protester. Mais, comme je l'ai dit tout à l'heure, nous serons présents à la fin de la discussion générale et pour le vote. Nous prenons ce texte au sérieux, et nous ne boycottons pas, je tiens à le rappeler, les institutions de la République, notamment l'Assemblée nationale.
Je pense quand même que ce qui vient de se passer devrait donner à tous matière à réfléchir. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Voilà ce qui arrive quand un projet de loi est mal parti, malheureusement. Chacun devra prendre ses responsabilités. Nous, nous les prendrons au moment du vote, et les orateurs de notre groupe participeront à la discussion générale. (Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche reviennent dans l'hémicycle.)
Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, j'avais prévu de débuter mon intervention par une phrase qui pourrait prêter à confusion, mais vous vous doutez bien que je n'ai pas pu la changer en quelques secondes. La voici : c'est à un véritable coup de force que nous assistons aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. – Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Il est vrai qu'un de vos collègues, sachant que j'allais intervenir, m'a fait passer un mot tout à l'heure dans lequel il me citait une phrase d'Alexandre Vialatte : « Il ne faut pas piler le mil avec une banane trop verte. » (Sourires.)
Pour la première fois dans les annales de cette assemblée, un texte rejeté par le Parlement est maintenu par le Gouvernement à l'ordre du jour, le Gouvernement passant outre la décision souveraine des parlementaires.
Pour faire passer en force ce projet de loi, le Gouvernement détourne le sens même de notre Constitution, en l'interprétant de façon tendancieuse.
L'article 91 du règlement de l'Assemblée nationale prévoit très précisément qu'à la suite de l'adoption de la question préalable, il n'y a plus lieu de délibérer et que le texte à l'encontre duquel la question préalable a été opposée est rejeté – je dis bien : « rejeté », et non pas « ajourné » !
Comme en 1998 avec le PACS, le projet de loi aurait donc dû être retiré et un nouveau texte, plus équilibré et abouti, aurait dû être préparé.
Pour agir comme il le fait, le Gouvernement s'appuie de manière fallacieuse sur l'article 45 de la Constitution, qui dispose qu'après une seule lecture – je dis bien : une seule lecture –, par chacune des assemblées, le Premier ministre a la faculté de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire.
Mais sur quoi pouvait délibérer la commission mixte paritaire puisqu'il n'y avait plus de texte en discussion ? D'autant que vous avez refusé toute discussion de fond durant cette CMP.
Le déni de démocratie ne vous a pas suffi, il vous a fallu baisser le rideau de fer. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Nostalgie, nostalgie !
Vous me faites penser au docteur Knock, inventé par Jules Romains, et j'ai envie de vous demander : est-ce que cela vous chatouille ou est-ce que cela vous gratouille ?
Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Les deux !
Vous avez fait avaliser par 0,9 % des parlementaires un texte sans modification. Une fois de plus, 0,9 % vous a suffi !
En définitive, mes chers collègues, à quoi sert une motion de procédure telle que la question préalable si le Gouvernement peut ne pas en tenir compte et mépriser ainsi le vote des députés ?
Allez-vous profiter de la révision constitutionnelle que nous nous apprêtons à discuter pour supprimer l'ensemble des motions de procédure dès lors qu'elles s'avèrent inutiles ?
Plus que jamais, vos réactions le montrent, les députés sont considérés comme de vulgaires godillots, alors que le Gouvernement prétend vouloir rehausser les pouvoirs du Parlement. Au fond, par ce passage en force, le Gouvernement méprise les doutes légitimes que les députés ont exprimés par leur vote la semaine dernière, doutes légitimes sur l'utilité réelle des OGM, dont les vannes de la mise en culture seront largement ouvertes par ce projet de loi.
Par le vote de la question préalable, vous avez récolté ce que vous avez semé, tout simplement, tout naturellement.
Car ce texte souffre d'un déséquilibre flagrant : plutôt que d'encadrer la culture des OGM comme il le prétend, il la libéralise au contraire, contribuant à laisser l'industrie agro-alimentaire faire main basse sur le monde paysan.
L'ensemble de ce texte porte en effet la marque de l'agrobusiness !
Ainsi, pour prendre l'exemple le plus frappant, la totalité de la responsabilité pour une éventuelle contamination de cultures conventionnelles par des OGM reposera sur le seul producteur, tandis que les semenciers et les distributeurs mettant sur le marché des organismes génétiquement modifiés se voient totalement dédouanés. Vous ne réagissez pas sur ce point, monsieur Jacob ?
La configuration même d'un Haut conseil des biotechnologies, censé réguler la mise en culture, montre de manière très précise la façon dont l'ensemble du système mis en place est d'emblée placé dans la dépendance de ces firmes.
Nos assemblées ont ainsi refusé que le Haut conseil dispose des moyens humains et financiers propres à garantir son indépendance dans sa mission d'expertise. De même a-t-il été refusé que le Haut conseil ait prioritairement recours aux organismes de recherche publique pour opérer les évaluations. Bref, tout ou partie de l'évaluation pourra être délégué aux firmes privées.
Par ailleurs, la désignation des membres du Haut conseil témoigne d'une grande opacité. Ainsi, a été repoussé un de nos amendements qui prévoyait que les membres du Haut conseil attestent sur l'honneur n'avoir eu, durant les cinq années précédant leur nomination, aucun lien professionnel ni financier avec un organisme privé producteur, commercialisateur ou utilisateur d'OGM. Ce rejet est déjà un aveu !
La question des essais en plein champ témoigne de la même manière de la mainmise programmée de l'agro-industrie sur la recherche agricole. J'ai proposé que ne puissent être autorisées de manière exceptionnelle que les seules disséminations volontaires émanant d'instituts de recherche publics et visant à évaluer la réalité du risque sur l'environnement. Le rejet de cet amendement montre que le Gouvernement entend généraliser les essais en plein champ des firmes internationales dans un objectif unique de rentabilité pour leurs actionnaires.
Mais cette domination organisée des grands groupes s'accompagne aussi de l'absence de véritables contre-pouvoirs démocratiques issus de la population et des producteurs.
Le projet de loi adopté en première lecture par notre assemblée puis par le Sénat donne en premier lieu au sein du Haut conseil la primauté aux conclusions d'un comité scientifique dont l'indépendance, nous venons de le voir, est loin d'être garantie. Le comité économique, éthique et social est en effet réduit à formuler de simples recommandations.
Bref, la question de l'utilité même d'un OGM portée par ce comité ne sera prise en compte que de manière secondaire. Mais pourquoi s'embarrasser d'un tel avis quand l'agrobusiness fixe les objectifs ?
Cet amoindrissement du rôle de la société civile est renforcé par les lacunes dans la composition même du Comité économique, éthique et social. De cette manière, la participation des syndicats agricoles représentatifs, pas plus que celle de l'ensemble des secteurs ayant des modes de production spécifiques sous signe officiel de qualité, ou celle des apiculteurs, ne sont garanties.
Enfin, la question de la saisine du Haut conseil souffre du même déséquilibre démocratique. Il aurait dû être rendu possible pour toute personne, quel que soit son statut juridique, de saisir directement le Haut conseil de toute question intéressant son domaine de compétence. Cette proposition avait été émise à l'unanimité par l'intergroupe OGM du « Grenelle de l'environnement ». Ce refus d'élargissement est en réalité une régression par rapport à la Commission du génie biomoléculaire.
Je voudrais maintenant revenir brièvement sur l'ajout des deux phrases du Sénat à l'amendement que j'avais fait adopté ici en première lecture et qui permettait de protéger du développement des OGM les filières de production et de commercialisation qualifiées sans OGM.
La première phrase ajoutée par le Sénat dispose que « La définition du “sans organismes génétiquement modifiés” se comprend nécessairement par référence à la définition communautaire ».
En effet, cette définition communautaire n'existe pas. Quelle utilité dans ce cas de se référer à la réglementation européenne ? Cette phrase est une coquille vide, un leurre. Rien n'empêche en effet les États de définir le « sans OGM » sans pour autant annoncer que l'Europe aurait compétence à l'établir !
Comment interpréter ensuite la seconde phrase introduite par le Sénat, qui dispose que « dans l'attente d'une définition au niveau européen, le seuil correspondant sera fixé par voie réglementaire, sur avis du Haut conseil des biotechnologies, espèce par espèce » ? Pour la première fois, la France prévoirait-elle par cette disposition de fixer un seuil du « sans OGM » ? Cela permettrait-il de circonscrire le champ d'application de la procédure d'autorisation visée à l'article 2 ?
Le projet de loi fait l'impasse complète sur le seuil à retenir. Si cette disposition était adoptée s'ouvrirait alors un débat sur le seuil à retenir. Soit le seuil de détectabilité est adopté, ce qui serait scientifiquement cohérent et ne ferait que décrire la réalité, confirmant la définition donnée par la DGCCRF, soit un autre seuil serait retenu, comme le fameux 0,9 %...
Je vous en prie, monsieur Chassaigne, n'en rajoutez surtout pas : concluez !
Monsieur Jacob, il faudrait vous donner un porte-voix, mais je ne sais pas de qui vous vous faites le porte-parole.
Soit, disais-je, un autre seuil serait retenu, comme le fameux 0,9 %, sous peine de connaître une situation absurde où des produits dits « sans OGM » comprendraient dans les faits des OGM ! Dans l'état actuel des choses, c'est en réalité le résultat que l'on a avec ce projet de loi.
La précipitation avec laquelle le Président de la République a imposé cette formule, les deux phrases rajoutées par le Sénat, sous la pression de l'opinion et contre l'avis, semble-t-il, du Premier ministre, incite à la prudence. Quelles sont les intentions réelles de la majorité ?
Voilà des remarques très pertinentes, qui sont le reflet d'une très bonne compréhension du texte.
La volonté est-elle de répéter dans d'autres termes les attributions déjà énoncées ailleurs dans le projet de loi ou la formule est-elle réellement novatrice ?
Si je pose ces questions, monsieur le ministre d'État, monsieur le rapporteur, c'est parce que je souhaite obtenir des réponses précises à la fin de la discussion générale, car, indiscutablement, nous avons tous besoin, majorité comme opposition, de savoir exactement ce que signifient les deux phrases ajoutées par le Sénat à mon amendement.
En effet, il serait impensable que les députés de la majorité, qui s'intéressent tant aux OGM, votent un texte sans en comprendre le sens, ce qui serait d'ailleurs inédit ! (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Autant dire qu'il s'agit d'une simple disposition de façade, qui ne sera jamais appliquée, comme tant d'autres, ou qui le sera avec un laxisme permettant tous les abus.
Vous l'avez sans doute compris : l'ensemble de mon propos m'amène à la conclusion (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) que ce texte est nuisible (« Oh ! » sur les mêmes bancs) pour sa plus grande part (« Ah ! » sur les mêmes bancs) et inabouti pour le reste. (« Oh ! » sur les mêmes bancs.) Il doit donc, comme le voulait l'adoption, la semaine dernière, de mon excellente question préalable (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche), être retravaillé et réexaminé sous une autre forme.
C'est pourquoi je vous invite, mes chers collègues, que vous soyez députés de la majorité ou députés de l'opposition, à vous mettre à l'écoute de nos concitoyens qui rejettent massivement le projet de loi et à les suivre dans cette voie. En votant contre lui, je pense même que vous voterez tout simplement en accord avec votre conscience. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Monsieur le président, madame et messieurs les ministres, chers collègues, la majorité a juré, mais un peu tard, qu'on ne l'y prendrait plus. C'en est fini, du moins en apparence, des doutes, des interrogations, des abstentions volontaires. On s'est employé à convaincre nos collègues qu'ils ne votaient plus aujourd'hui sur le projet de loi relatif aux OGM, mais pour prouver que la majorité est capable d'être majoritaire.
Les rappels à la discipline sont passés par là. Mais permettez-moi de vous le dire, chers collègues de la majorité, si vous en êtes réduits à la discipline (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), au lieu de suivre vos convictions, c'est que vous avez déjà perdu une bataille. (Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
J'ajouterai, si vous êtes prêts à m'écouter, que l'on sait désormais quel est le prix de cette discipline. (Huées sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Les socialistes sont mal placés pour nous donner des leçons ! Vous devriez nous faire des excuses !
Alors, bien sûr, vous pourrez sortir de cet hémicycle soulagés. Vous proclamerez que tout cela n'était qu'une péripétie et que l'ordre est revenu. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Mais je préfère vous enlever vos illusions : vous ne serez pas débarrassés des OGM. Vous en ferez l'amère expérience en constatant la pagaille que sèmera le projet de loi dans nos campagnes. Beaucoup d'entre nous y seront confrontés dans leur circonscription. L'exemple de la contamination qui s'est produite dans une exploitation biologique des Deux-Sèvres (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) est emblématique de ce qui va se produire.
Les victimes de contamination ne seront pas indemnisées. Les agriculteurs, sur lesquels vous faites reposer la responsabilité sans faute, se demanderont comment il est possible qu'ils soient, en cas de contamination, les lampistes, contraints d'assumer une responsabilité que l'État et les semenciers ont prise, l'un en autorisant un OGM et les autres en le vendant.
Quant aux collectivités locales, pour protester de ne pas être informées des parcelles mises en culture, elles prendront de nouveau des arrêtés anti-OGM et ce sont même vos amis, comme M. de Villiers en Vendée, que les préfets devront poursuivre devant les tribunaux. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Et ne parlons pas des parcs naturels régionaux, où il sera impossible de recueillir l'avis unanime des exploitants, ni des AOC, qui tenteront d'obtenir des mesures de protection.
On se tournera alors vers l'amendement n° 252, adopté dans un de ces moments solennels, rares, où, au Parlement, sur une question de fond, le vote dépasse les clivages partisans.
L'oratrice a déjà parlé cinq minutes, monsieur le président : il faut l'interrompre !
On se heurtera à un conflit d'interprétation. Ce conflit, M. Bizet l'a d'ores et déjà ouvert au Sénat, afin de dénaturer les amendements Chassaigne et Grosdidier. Il accuse dans son rapport « la très incertaine, donc la très faible portée normative de certains mots introduits par les députés à l'article 1er : “intégrité” de l'environnement, “cultures traditionnelles”, “structures agricoles”, “écosystèmes locaux”, filières qualifiées “sans OGM” »...
Chers collègues de la majorité, vous ne manquerez pas d'expliquer à la population, dans vos circonscriptions, que l'intégrité de l'environnement est une notion incertaine, que les écosystèmes locaux n'existent pas, que les structures agricoles et autres cultures traditionnelles sont des concepts abstraits (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) et qu'évoquer les filières de production et les filières commerciales qualifiées « sans OGM » est une vue de l'esprit.
La véritable intention de M. Bizet n'est pas de préserver les amendements Chassaigne et Grosdidier, mais de les vider de leur substance et de les faire sortir discrètement par la fenêtre, alors que les députés les avaient fait entrer dans le texte par la grande porte.
Enfin, je n'ose évoquer, entre autres aberrations du projet de loi, la fameuse définition du sans-OGM, qui n'est pas la même à l'article 1er et à l'article 5. Sur ce sujet, moi aussi, monsieur le ministre d'État, j'aimerais bien vous entendre, car le projet de loi en donne bien deux définitions différentes. L'article 1er dispose qu'un décret fixera un seuil qui, théoriquement, n'est pas le seuil d'étiquetage de 0,9 %, tandis que l'article 5 prévoit que le seuil de 0,9 % sera pris en compte pour indemniser le préjudice subi par les agriculteurs victimes de contamination.
On nous demande donc de voter une loi qui se contredit. D'ailleurs, si elle ne se contredit pas, c'est une tartufferie, et le sous-amendement introduit par le Sénat révèle la seule intention qu'il ait jamais eue en la matière : que nous entérinions – à l'insu de notre plein gré, si je puis dire – le seuil de 0,9 %.
Voilà ce qui reste de la liberté de produire et de consommer sans OGM ! Voilà ce qui reste du Grenelle de l'environnement : une peau de chagrin à la Balzac !
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Interrompez-la, monsieur le président ! Ses cinq minutes sont écoulées !
Mon temps de parole est de dix minutes ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
De tout cela, nous ne discuterons pas. Vous nous assurez que ce texte est le plus protecteur d'Europe, du monde, de l'univers, on ne sait plus. Mais c'est faux. Une des législations la plus protectrices est celle de l'Allemagne, et nous sommes abasourdis de voir la même majorité, qui traite si facilement de rodomontades, pour mieux les ignorer, les critiques de la Commission européenne sur les déficits abyssaux engendrés par le « paquet fiscal », brandir l'Europe dans ce débat comme argument d'autorité.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Interrompez-la, monsieur le président !
C'est la présidence qui régit les temps de parole. Mme Batho dispose du temps du premier orateur socialiste, qui a renoncé à intervenir.
Nous vous écoutons, madame.
Nous ne discuterons pas de tous ces points. Dès la deuxième lecture, au Sénat, vous avez pris la décision de bâcler la discussion, pressés que vous étiez d'en finir avec le cauchemar des OGM ! Ce qui vous intéressait, ce n'était plus le texte lui-même, ni la façon dont il va concrètement s'appliquer dans les territoires où il posera des problèmes qui ne seront pas résolus. La seule chose qui vous intéressait, c'était le compromis entre l'UMP… et l'UMP. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Nous pensons, nous, que nous n'avons pas le droit de voter, en fonction de considérations politiciennes, un texte aux conséquences aussi importantes. Nous en prenons l'Assemblée nationale à témoin, sur tous les bancs de l'hémicycle. L'approbation de cette loi promet bien des tracas dans les mois et les années à venir. Demain, les faits diront qui avait raison et qui avait tort. (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Mais, hélas, ce sera trop tard, car Monsanto aura déjà eu largement le temps de polluer nos campagnes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Monsieur le président, madame et messieurs les ministres, chers collègues, nous réclamions une loi fondatrice sur les biotechnologies et nous la réclamions ensemble, puisque j'ai eu l'honneur de présider la mission d'information du Parlement sur ce sujet. Et nous nous retrouvons aujourd'hui, il faut l'avouer, dans une mauvaise situation, avec une atmosphère tendue.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. La faute à qui ?
Fait exceptionnel, un texte rejeté à l'issue de l'examen de la question préalable n'aura été discuté qu'une seule fois à l'Assemblée nationale !
Ce n'est pas la bonne question : peut-être la faute en revient-elle à un certain nombre d'entre vous qui n'ont pas voté ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Loin de moi l'idée de polémiquer, mais j'affirme que, sur certains points, il y a sept ans que l'on aurait dû voter ce texte. (Quelques députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire se lèvent et applaudissent longuement en s'écriant « Bravo ! ».– Rires.) Attendez la suite !
À présent que vous avez applaudi, M. Le Déaut va pouvoir continuer son discours.
Vous applaudissez pour 16 % du temps, car il s'en est écoulé 84 % sous des gouvernements que vous souteniez !
Je disais qu'il y a sept ans que nous aurions dû voter ce texte. (Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire se lèvent et applaudissent. – Nouveaux rires.)
Si nous ne l'avons pas voté, c'est qu'il s'agit d'une patate chaude, que chacun a repassée à son voisin. (De nombreux députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire se lèvent et applaudissent. – Rires et exclamations sur divers bancs.) Attendez ! Je vais vous indiquer quels sont les points que nous aurions dû examiner, alors qu'aucune discussion n'a eu lieu à l'Assemblée nationale.
Il aurait fallu mieux définir les OGM, monsieur Copé. Il fallait faire la distinction entre les OGM bactériens, animaux et végétaux, alors que nous n'en avons pas parlé une seule fois. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Il fallait aborder la question de la responsabilité en cas de dissémination fortuite !
Il fallait traiter du problème de la différence entre le seuil d'étiquetage et le « zéro OGM ». Des collègues l'ont fait remarquer. Au lieu de cela, que dit le texte ?
Écoutez-moi, monsieur Copé, et ne vous énervez pas ! Vous avez été responsable de couacs multiples, mais ce n'est pas une raison pour vous énerver ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Ce n'est pas possible !
J'ai justement présidé, dans le calme, une mission d'information sur les OGM, composée de trente et un de nos collègues.
Pour maquiller l'amendement Chassaigne, le texte du Sénat prévoit de s'en remettre aux décisions de la jurisprudence européenne. En réalité, le courage a manqué à la majorité pour définir au Parlement le « sans OGM ». En attendant la sortie d'une réglementation européenne, elle compte sur le Haut conseil des biotechnologies. Les députés de la majorité se sont donc réunis dans cet hémicycle – ils étaient 130 la semaine dernière, et on en compte 315 aujourd'hui – pour ne rien décider ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Nous sommes pourtant le Parlement. Nous aurions dû débattre des sujets que j'ai évoqués tout à l'heure : je l'avais dit en défendant, en première lecture, la motion de renvoi en commission. Pourquoi ne l'avons-nous pas fait ?
Précisément, parce que la patate était chaude : la majorité voulait se débarrasser de ces questions et ne pas les aborder. Résultat : les controverses vont perdurer et les procédures se multiplier. Les agriculteurs biologiques, ou d'autres, vont intenter des procès parce que leur production sera contaminée. Vous constaterez à l'usage que cette loi est imparfaite et qu'il aurait été important de revenir sur des points qui n'ont pas été abordés par le texte. Nous aurions pu traiter ensemble de ces questions, mais vous ne l'avez pas souhaité. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Nous voulons que le citoyen ait le droit de savoir et de choisir. Il faut donc fixer des règles d'information claires pour le consommateur. Ce n'est pas en occultant ces questions que vous améliorerez les capacités de discernement du citoyen sur un sujet aussi complexe !
Nous sommes favorables aux biotechnologies,…
…comme je l'ai dit plusieurs fois, et en particulier lors de la motion de procédure que j'ai défendue en première lecture,…
…mais à condition que des règles juridiques précises encadrent leur développement. Or ce n'est pas ce que fait ce texte de loi.
Nous réclamions une véritable loi fondatrice sur les OGM. Au lieu de cela, vous nous présentez une cote mal taillée, dans laquelle personne ne se retrouve, et qui ne rassure ni les écologistes ni les consommateurs d'un côté, pas plus que les chercheurs ou les agriculteurs de l'autre. Là où il aurait fallu faire preuve d'audace, vous avez choisi le trompe-l'oeil, le compromis et la duplicité. (Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
C'est pourquoi le groupe socialiste, qui a rappelé sa volonté de soutenir la recherche sur les biotechnologies, y compris dans des conditions rigoureuses en plein champ, vous a demandé, tout à l'heure, par la voix de François Brottes, d'organiser un référendum – comme l'a fait la Suisse il y a dix ans. Vous n'avez pas voulu voter la motion référendaire ; le groupe socialiste ne votera donc pas en faveur de ce projet de loi dont la discussion constitue selon nous une occasion manquée d'engager, sur un sujet, certes, difficile, un véritable débat avec les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Dans les explications de vote sur l'ensemble du projet de loi, la parole est à M. Marc Laffineur, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Nous arrivons au terme d'un très long débat.
L'Assemblée nationale aurait dû légiférer sur ce sujet il y a sept ans. Mais comme l'a dit M. Le Déaut, les gouvernements successifs se sont passé la « patate chaude ». Il est donc tout à l'honneur de cette majorité de voter un texte qui permettra d'aller plus loin dans la recherche sur les OGM et leur culture.
Bien entendu, le groupe de l'Union pour un mouvement populaire votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Sur le vote de l'ensemble du projet de loi, je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Dans la suite des explications de vote sur l'ensemble du projet de loi, la parole est à M. Germinal Peiro, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le président, madame et messieurs les ministres, mes chers collègues, la fin de la discussion de ce projet de loi nous laisse à nous, parlementaires, un goût amer. En effet, si nous avons pu nous féliciter, les uns et les autres, d'avoir fait un travail convenable en première lecture, au Sénat et à l'Assemblée, manifestement les choses ont dérapé à partir de la deuxième lecture, et nous avons véritablement le sentiment que le travail du Parlement a été bafoué. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Débat réduit au Sénat, refus de vote solennel, temps de parole abrégé lors des motions de procédures (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), commission mixte paritaire verrouillée – le débat y a été interdit sur le fond –,…
…refus du référendum cet après-midi, et voilà que, ce soir, pour clore cette liste, le Gouvernement ne répond même pas aux orateurs après la discussion générale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. – Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Ce débat nous laisse un goût amer parce que tous ceux qui ont participé sérieusement et honnêtement aux travaux parlementaires ont le sentiment d'être devenus les otages de règlements de comptes internes à l'UMP ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. – Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Votre colère, monsieur Jacob, ne fait que conforter mes propos.
Ce texte nous laisse un goût amer, et il laissera un goût amer à l'ensemble de nos concitoyens. Les Françaises et les Français, mes chers collègues, sont majoritairement opposés aux OGM et, sondage après sondage, ils vous l'ont rappelé au cours des dernières années et des derniers mois. Que vont-ils penser ce soir si le projet de loi est adopté ?
Ils se souviendront des propos de Mme Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de l'écologie, qui déclare : « Je ne donnerai pas de produits OGM à mes enfants, je préfère leur donner des produits biologiques. » (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Cela veut-il dire qu'on réservera des produits biologiques, des produits sûrs, aux plus aisés, à ceux qui auront les moyens, aux plus riches de notre société, tandis que les autres auront droit aux produits OGM ? (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Est-ce cela que vous proposez ? C'est tout à fait inacceptable. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. – Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je vous vois protester, monsieur Balkany, mais votre épouse a été citée. Allez voir ce qui se passe à Neuilly et dans les Hauts-de-Seine ! Pour les plus riches, ce sera « bio », et pour les autres des OGM : voilà la vérité !
Ce texte laisse aussi un goût amer à tous les agriculteurs (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire),…
…et d'abord à ceux qui vont s'engager dans des productions OGM. En raison de la lâcheté de ce texte, toute la responsabilité va reposer sur leurs épaules. Une nouvelle fois, nos agriculteurs seront montrés du droit, désignés comme des boucs émissaires et traduits devant les tribunaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Est-ce ainsi que vous défendez l'agriculture de votre pays ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Le goût amer sera encore plus prononcé pour les agriculteurs qui produisent sans OGM…
…et qui proposent des productions de qualité, sous AOC, des produits sous label, des productions de terroir, des productions biologiques, mais aussi de la viande bovine sans anabolisants. Ils seront lésés moralement et économiquement. (Huées sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Goût amer pour nous tous, chers collègues, pour ceux qui se font une certaine idée de la France et pensent que notre pays n'avait pas à se coucher devant les intérêts financiers des multinationales. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. – Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Notre pays devait défendre bec et ongles ce qui fait sa fierté et sa richesse : la diversité et la qualité des productions de terroir. Nous devons défendre un modèle de production exemplaire, que ce soit sur le plan sanitaire ou sur le plan environnemental, et nous n'avions pas à faire du suivisme, derrière les États-Unis, comme nous le faisons dans ce domaine comme dans d'autres. (Applaudissement sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. – Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je termine, monsieur le président.
Vous portez un mauvais coup à notre agriculture et à notre économie, vous portez un mauvais coup à la protection de notre environnement. Le Grenelle est mort. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Vous vous apprêtez à voter une loi qui sera la loi de la généralisation et de la dissémination des OGM, la loi de la contamination des cultures conventionnelles et biologiques ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Cette affaire est grave, mes chers collègues, et elle engage les générations futures. C'est pourquoi, si vous pouvez reprendre votre calme, et s'il vous reste un instant pour faire appel à votre conscience, je vous engage à vous ressaisir et à voter contre ce texte ! (Les députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche se lèvent et applaudissent vivement. – Les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine applaudissent également.)
Monsieur le président, madame et messieurs les ministres, mes chers collègues, nous arrivons au terme d'un vrai débat, utile à la France, qui aurait mérité mieux que cet excès de passion que les uns et les autres y ont mis et que le caractère irrationnel de certains de nos échanges.
Il s'agit simplement de fixer un cadre pour les OGM. Le sujet est pourtant si difficile qu'aucun gouvernement ni aucune majorité n'avaient jusque-là pris le risque de s'aventurer sur ce terrain, alors que le débat existait déjà dans le pays.
Je voudrais donc saluer le Gouvernement, qui a fait preuve de courage et de responsabilité en osant proposer ce débat au Parlement français, devant le pays. La question ne pouvait être réglée en restant entre les mains des faucheurs ou de ceux qui voulaient s'engager sans précautions dans la culture d'OGM.
Il était d'autant plus impérieux de traiter ce sujet, il faut que nos compatriotes le sachent, que nous devions transposer une directive européenne depuis plusieurs années. Ceux qui siègent ici ne peuvent pas ignorer que, si nous voulons progresser dans l'Europe et peser dans l'ordre du monde, il nous faut avancer dans l'harmonisation de nos règles, avec une vision partagée.
Du reste, nous sommes allés bien au-delà de la directive. Certains s'en sont d'ailleurs émus. On parle beaucoup du débat entre les « pro-OGM » et les « anti-OGM », mais on oublie ceux qui s'interrogent sur les contraintes que nous créons, alors que partout dans le monde la recherche évolue. Ils considèrent que nous prenons un risque à ne pas en tenir compte et à nous placer en retrait.
Tous ces éléments ont rendu ce débat très complexe et, sur la base d'attitudes contraires, on a parfois abouti à un vote partagé.
Aujourd'hui, chaque parlementaire français est placé devant une responsabilité et doit se demander quelle serait la conséquence d'un rejet de ce texte. Ce serait le retour à la case départ !
On reviendrait à une situation d'incertitude profonde, à la fois pour les défenseurs des OGM et de la recherche, mais aussi pour ceux qui veulent que des précautions soient prises. À quoi servirait l'Assemblée nationale si, au terme d'un débat, nous ne nous prononcions pas pour fixer un cadre juridique nous permettant d'y voir clair ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Mes chers collègues, j'ai participé au débat sur la sécurité alimentaire. À l'époque, j'ai été président d'une commission d'enquête sur la vache folle…
J'ai constaté que l'expertise devait être partagée et qu'il fallait recourir aux scientifiques. Les précautions que nous avons prises, et que certains qualifient d'excessives, ont le mérite de fixer un cadre.
Certains membres de notre groupe ne voteront pas ce texte, et je respecte leur choix. Nous avons eu un débat au sein du Nouveau Centre, et le groupe, dans sa majorité, a considéré qu'il valait mieux s'engager dans la voie de la responsabilité en votant ce texte, qui a le mérite de fixer un cadre. C'est le choix que nous avons fait, sans pour autant éluder notre responsabilité collective. On peut toujours faire de la démagogie et chercher à satisfaire l'opinion (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine), mais, face aux enjeux mondiaux de l'alimentation – et notamment aux crises alimentaires – auxquels nous serons confrontés à l'avenir, nous devons encourager la recherche, tout en respectant le principe de précaution, auquel nous sommes tous très attachés.
Telle est la position du Nouveau Centre. Il fallait du courage, et nous avons participé, grâce à nos amendements, à l'obtention d'un texte équilibré, que nous voterons. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Vous n'êtes pas inscrit pour une explication de vote, monsieur Chassaigne. Je vous donne cependant la parole, pour cinq minutes. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je vous remercie de votre générosité, monsieur le président. Je suis le dernier orateur, et nul ne sait ce que mon intervention pourra déclencher, alors que nous allons voter dans quelques minutes ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. – Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je voudrais en premier lieu saluer la présence, redevenue massive, des députés de la majorité pour ce vote décisif sur la grande question des OGM. Et comme je sais que les députés de l'opposition sont convaincus, comme moi, que ce texte est mauvais et qu'il faut le rejeter, je m'adresserai plutôt aux députés d'en face qui ne seront aujourd'hui, je n'en doute pas, ni de petits soldats marchant aux ordres (Vives exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)…
…ni des adeptes d'un centralisme dit « démocratique », que d'autres ont depuis longtemps abandonné. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. – Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Quant à ceux d'entre vous, chers collègues, qui s'égareraient dans quelques minutes à voter malgré tout ce texte, leurs concitoyens leur seront reconnaissants d'apprendre qu'ils pourront, grâce à eux, continuer à consommer des produits sans OGM, qui sont en fait des OGM, à avaler des denrées génétiquement modifiées sans le savoir, à l'image de M. Jourdain faisant de la prose. Je les engage à préparer, pour ceux qui auront à couper des rubans tricolores à la fin de cette semaine, des discours lénifiants sur leur indépendance d'esprit, qu'ils pourront étayer de citations tirées, par exemple, des Fourberies de Scapin. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Ceux qui voteront ce texte pourront aussi, cet été, se rendre avec beaucoup de fierté dans les comices agricoles de leur circonscription ou de leur lieu de vacances, sous les banderoles des semenciers et devant les trophées offerts par les distributeurs et les compagnies d'assurance.
Ils appelleront, avec des trémolos dans la voix, les agriculteurs de France à « produire dans la modernité », sans oublier, bien sûr, de leur expliquer que ce seront eux, les agriculteurs, qui seront les seuls responsables des inévitables contaminations grâce à cette superbe loi républicaine qui épargne les firmes semencières et les distributeurs de toute responsabilité dans la dissémination d'OGM. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Ceux qui voteront ce texte, tout en étant mobilisés au sein des parcs naturels régionaux, diront quelle victoire ils ont remportée avec l'amendement du rapporteur permettant à ces parcs de devenir désormais des territoires sans OGM, sous la condition, si facile à remplir, que tous les agriculteurs du territoire concerné – ils diront bien, dans leur discours, « tous les agriculteurs » – soient d'accord avec cette interdiction !
Ceux qui voteront ce texte, et qui serrent tant de mains sur les marchés du samedi matin, pourront êtres fiers de dire aux producteurs fermiers, aux apiculteurs et aux consommateurs adeptes du « bio » qu'ils ont au final adopté avec bravoure l'amendement n° 252, malgré les injonctions du Premier ministre. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Ils en expliqueront la portée. Ils se livreront, bien sûr, à une explication précise du galimatias des deux phrases rajoutées par le Sénat et retenues par la commission mixte paritaire. Ils concluront, je n'en doute pas, que les produits labellisés, AOC et « bio », pourront sans aucune difficulté être produits sans OGM.
Ceux qui voteront ce texte et fréquentent les bonnes tables feront appeler le chef à la fin du repas : en le félicitant, ils lui diront combien ils sont attachés à la gastronomie française et quelle estleur action pour qu'elle soit inscrite au patrimoine de l'UNESCO. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Ils articuleront bien « UNESCO » – U-N-E-S-C-O – et non pas « Organisation Mondiale de Commerce » – O-M-C – ou Monsanto – M-O-N-S-A-N-T-O. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
À moins que le maître de maison ne les ait salués avant les agapes en citant ces paroles de Victor Hugo dans la bouche de Ruy Blas : « Bon appétit, Messieurs ! Ô ministres intègres ! Conseillers vertueux ! Voilà votre façon de servir… » Je vous épargnerai la fin de la citation…
Je n'ai pas terminé, monsieur le président. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire ; claquements de pupitres.)
Fort heureusement, ceux qui voteront ce projet de loi affirmeront haut et fort leur soutien à la « politique de civilisation » qui, selon le Président de la République est « cette âme de la nouvelle Renaissance dont le monde a besoin ». (Nouveaux claquements de pupitres.) Mais ils oublieront, bien sûr, de se référer à Edgar Morin, qui rappelait récemment qu'un des axes essentiels de cette politique de civilisation était « la revitalisation des campagnes, et donc la régression de l'agriculture industrialisée ».
Je termine (Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)…
Monsieur Chassaigne, vous avez dépassé votre temps de parole de deux minutes. (Mmes et MM. les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche se lèvent et applaudissent longuement M. Chassaigne.)
Mes chers collègues, nous en arrivons au vote sur l'ensemble.
Nous allons maintenant procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur l'ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 533
Nombre de suffrages exprimés 510
Majorité absolue 256
Pour l'adoption 289
Contre 221
L'ensemble du projet de loi est adopté. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente ;
Projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République.
Le projet de loi sera présenté par M. le Premier ministre.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures dix.)
Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma