Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de François Brottes

Réunion du 20 mai 2008 à 15h00
Organismes génétiquement modifiés — Motion référendaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Brottes :

Peut-on réduire la faim et la pauvreté dans le monde, améliorer les conditions de vie des zones rurales et promouvoir un développement durable et équitable grâce à l'accès, l'utilisation et la production de savoirs, de sciences et de technologies agricoles ? Telle est la question à laquelle a tenté de répondre la commission ad hoc mise en place par la Banque mondiale et les Nations unies après le sommet de Johannesburg, en 2002. Selon le rapport de cette commission, les OGM seraient une source potentielle de problèmes dans les pays en développement, car les entreprises concernées risquent de s'approprier les ressources agricoles. Ce rapport, fondé sur les travaux de 4 000 scientifiques et experts internationaux, souligne en outre qu'un grand nombre de conséquences sur l'environnement, la santé humaine et l'économie nous sont encore inconnues.

De même, selon la quatrième édition du rapport GEO-4 du programme des Nations unies pour l'environnement, rendu public en octobre dernier, les aspects économiques, sociaux et environnementaux sont étroitement imbriqués, et la privatisation des ressources et des services est le pire des scénarios pour l'avenir de la planète – en quelque sorte, mes chers collègues, l'avènement du Dependence Day !

C'est donc à juste titre que M. Le Grand, sénateur UMP et président de l'intergroupe du Grenelle de l'environnement sur les OGM, a souligné que la brevetabilité du vivant risque d'asservir les économies de ces pays. Il convient donc, ajoutait-il, d'être très prudent.

Le développement des OGM repose sur une vision industrielle de l'agriculture, héritée du modèle américain – derrière lequel nous devrions courir sans nous arrêter ! Ce modèle ne correspond pas à un développement planétaire équilibré de l'agriculture, susceptible de répondre au défi de l'alimentation de l'avenir.

Regardons la réalité en face : environ un milliard de paysans travaillent uniquement avec des outils manuels. Répondre au défi alimentaire de la planète exige un développement équilibré, partagé par tous et particulièrement les pays les plus pauvres. Apportons leur une aide technique, au lieu de leur imposer une nouvelle révolution génétique qui ne fera qu'accentuer leur dépendance, notamment à l'égard de l'industrie semencière, et leur asservissement.

Ce modèle agricole « technoscientiste » va en outre fragiliser notre souveraineté alimentaire, désormais dépendante de grands groupes multinationaux privés, en contradiction totale avec les objectifs de la politique agricole commune. Les plantes OGM actuellement mises en culture ne présentent pas d'avantages décisifs sur les plans économique, sanitaire et environnemental, pas plus qu'elles ne règlent le problème de la faim dans le monde. Au contraire, elles constituent un cheval de Troie de la conception américaine des brevets, qui pourrait nous conduire vers une appropriation du vivant par de grandes firmes privées multinationales.

En réalité, la réflexion, centrée sur les seules évolutions génétiques, participe d'une dérive de la conception mécaniste du monde.

Quant aux consommateurs, quels bénéfices tireront-ils du développement des OGM ? Consommeront-ils des produits moins chers ou de meilleure qualité ? Il est fallacieux d'expliquer, comme le fait Jean Bizet, rapporteur du Sénat, que les consommateurs sont pour les OGM parce qu'ils en mangent déjà. Quelle étrange conception de la transparence de l'information et du choix des consommateurs ! Les réticences de ces derniers ne peuvent pas être caricaturées en invoquant la néophobie. Elles sont dues au fait qu'ils ne perçoivent pas les avantages directs des OGM et que la technologie semble imposée à marche forcée par des entreprises guidées davantage par leurs profits que par le bien commun.

La commercialisation des céréales transgéniques pose inévitablement la question de l'indépendance et de l'uniformisation alimentaires, compte tenu des brevets détenus par les grandes firmes et de la concentration du droit sur l'alimentation de base. Loin de la diversité héritée de l'histoire, des géographies disparates du monde, le développement des OGM nous promet l'arasement des cultures agricoles et humaines au profit du dieu Profit !

En outre, partant de l'impossibilité d'interdire l'importation des OGM, beaucoup considèrent – le ministre de l'agriculture le premier – que ne pas introduire de telles cultures en France reviendrait à se priver de la possibilité de réduire notre dépendance en matière de protéines végétales – que l'Europe importe à 75 % – et de préserver le pouvoir d'achat. Or cet argument est largement biaisé. En effet, pour produire ces protéines, il faudrait développer des espaces de culture – et pas seulement en supprimant la jachère, devenue une niche écologique –, alors que la surface agricole utile diminue tendanciellement. Cela doit-il se faire au détriment de l'agriculture alternative ? Les disséminations possibles rendent difficile le principe de coexistence des cultures, même avec un seuil fixé à 0,9 %. Dès lors, c'est un vrai choix politique de modèle agricole et économique qu'il faut opérer, étant entendu que l'abaissement du seuil entraînerait inévitablement une hausse des coûts.

Les plantes génétiquement modifiées ne pourraient être acceptées par notre société que si elles présentaient des avantages certains et si leur éventuelle mise sur le marché était dénuée de toute arrière-pensée commerciale prédatrice, notamment en matière de brevetabilité du vivant. Or ces deux conditions ne sont absolument pas réunies pour le moment.

Je sais qu'il en est parmi nous qui se disent : « De toute façon, c'est comme ça ; on ne peut plus faire autrement ». Mes chers collègues, gardez votre capacité d'indignation et de révolte : la liberté de pensée vous donne encore le droit de dire non !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion