La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, de la proposition de loi de M. Éric Ciotti visant à instaurer un service citoyen pour les mineurs délinquants (nos 3707, 3777, 3763.)
La parole est à M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, notre politique pénale pour les mineurs est un mixte – pour utiliser un terme peut-être vulgaire, mais moderne – qui combine la nécessité de sanctionner et celle de construire, ou de reconstruire, le jeune afin de pouvoir le réinsérer dans la vie normale. Ces deux aspects doivent en effet être liés pour éviter qu'il ne récidive. C'est la raison pour laquelle la dimension éducative de la peine est primordiale, lorsqu'il s'agit de mineurs. Ainsi que l'a rappelé le Président de la République dans son discours du 13 septembre dernier à Réau, en Seine-et-Marne, pour les mineurs délinquants, « la sanction ne doit pas être seulement rapide et ferme, elle doit aussi permettre de réapprendre les valeurs essentielles qui fondent la vie en société ». C'est pourquoi il a affirmé son soutien et celui du Gouvernement à la proposition de loi d'Éric Ciotti, dont l'Assemblée nationale débat ce soir.
L'objectif qui, j'en suis sûr, nous rassemblera tous est que ces jeunes trouvent leur voie et que le premier acte de délinquance qu'ils commettent reste un acte isolé dans leur parcours. Nul ne comprendrait que nous nous privions d'une mesure qui leur permette de s'en sortir : tel est l'esprit de la proposition de loi qui vous est soumise aujourd'hui. Je me félicite qu'en instaurant un service citoyen pour les mineurs délinquants, ce texte ouvre un nouveau mode de prise en charge des mineurs primo-délinquants, avec un contrat de service citoyen qui sera exécuté au sein des centres de l'Établissement public pour l'insertion de la défense, l'EPIDE.
Je tiens à saluer l'initiative et le travail d'Éric Ciotti, qui avait émis cette proposition dans le cadre d'une mission que lui avait confiée le Président de la République. Certains, on l'a vu, lui dénieront peut-être la paternité de cette idée. Pour ma part, je ne pourrai que me réjouir de cet état de fait si cela est de nature à favoriser, au sein de cette assemblée, un consensus sur le bien-fondé du texte.
En effet, monsieur le rapporteur, vous proposez une réponse innovante qui vient compléter la palette dont dispose le juge, en instaurant ce service citoyen pour les mineurs âgés de seize ans au moins, ayant commis des faits qui, sans être très graves, sont sérieux. Ces jeunes, pour lesquels ni le placement en centre éducatif fermé ni l'incarcération ne sont une réponse adaptée, ont néanmoins besoin d'être encadrés strictement.
La citoyenneté est au coeur de la proposition de loi.
Monsieur Ciotti, vous insistez clairement et à juste titre sur la notion de citoyenneté, de contrat citoyen, d'engagement citoyen. Il est certain que ces jeunes doivent apprendre à être des citoyens et à respecter les règles de la vie en commun. Les trois objectifs du contrat de service citoyen, tels que vous les avez définis en lien étroit avec le Gouvernement et en vous fondant sur l'expérience de l'EPIDE, sont les suivants : tout d'abord, une mise à niveau en français, orthographe et mathématiques, qui sont les fondamentaux scolaires, par un enseignement adapté aux besoins de chaque élève ; ensuite, une formation civique et comportementale conjuguant heures de cours et mise en application pratique quotidienne ; enfin, une pré-formation professionnelle en concertation avec les employeurs et les structures existant localement, devant favoriser l'embauche dans des secteurs d'emploi qui recrutent.
Grâce à ces enseignements et à ces nouvelles habitudes de vie, les mineurs pourront se construire un avenir serein. La discipline, la pratique quotidienne d'une activité physique, la participation à des tâches collectives sont autant d'activités qui contribueront à redonner à ces jeunes le cadre qui leur fait défaut, à modifier leur comportement et, surtout, à rompre avec le cercle de la délinquance.
Reste à préciser les contours du dispositif.
Le contrat de service en EPIDE, tel que le prévoit la proposition de loi, pourra être prononcé par le magistrat au titre de la composition pénale, dans le cadre d'un ajournement de peine ou comme obligation d'un sursis mise à l'épreuve. Cette mesure ne s'adressera qu'à des mineurs âgés de plus de seize ans et ayant exprimé leur consentement – cela me paraît important – à suivre une telle mesure. Le volontariat est au coeur du dispositif, car la réinsertion est d'autant plus efficace qu'elle s'inscrit dans une démarche d'adhésion de l'intéressé. La motivation, la volonté de s'en sortir sont évidemment déterminantes pour le succès de cette mesure.
J'entends les inquiétudes qui ont pu s'exprimer sur le recours à l'EPIDE pour ces mineurs délinquants, mais je suis convaincu que ces établissements répondent aux objectifs poursuivis par le texte. L'EPIDE a en effet, depuis sa création en 2005 – et il faut rendre hommage à ses concepteurs –, une double mission d'insertion sociale et professionnelle et de prévention de la délinquance. En outre, les personnels de ces centres ont à la fois l'expertise et l'expérience de l'encadrement et de l'accompagnement de jeunes en difficulté, marginalisés. Ces personnels, aux compétences reconnues, ont développé un savoir-faire et des méthodes pédagogiques qui, contrairement à ce qu'ont pu dire certains, sont parfaitement adaptés à ces mineurs. Pour bien connaître l'EPIDE qui est implanté dans mon département, je puis attester qu'il rend de grands services et témoigner de l'excellence du savoir-faire des encadrants qui y travaillent.
À ceux qui relèvent que les militaires ne sont pas faits pour encadrer les mineurs délinquants, je veux rappeler que l'EPIDE n'est pas une structure militaire, mais bien une structure civile, qui s'inspire certes du modèle militaire, mais aussi des méthodes des travailleurs sociaux. C'est précisément la complémentarité entre les enseignants et les anciens militaires, qui composent ensemble le personnel des centres EPIDE, ainsi que les partenariats avec le monde de l'entreprise qui font la force du dispositif et toute sa pertinence pour les mineurs délinquants visés par la proposition de loi.
Le travail de grande qualité mené en amont de ce texte entre les services de l'EPIDE et le ministère de la justice le démontre : ces centres offrent un cadre particulièrement adéquat à l'insertion sociale et professionnelle de ces jeunes. L'EPIDE est d'ailleurs prêt à les accueillir et à les former, et il participe très activement à la définition du cahier des charges de ces nouvelles missions. Je tiens à l'en remercier vivement au nom du Gouvernement dans son ensemble, puisque plusieurs ministères – outre celui de la justice, ceux de la défense, de l'emploi et de la ville – y travaillent avec lui.
J'ajoute que l'EPIDE et la protection judiciaire de la jeunesse travaillent déjà ensemble à la réinsertion de jeunes qui, ayant purgé leur peine, souhaitent s'engager dans un projet de formation professionnelle. Une convention de partenariat a été conclue en ce sens entre l'EPIDE et la PJJ en janvier 2010 ; je n'étais pas ministre de la justice à cette date, mais j'approuve cette collaboration.
Nous devons comprendre qu'en élargissant le public de l'EPIDE, comme le prévoit la proposition de loi qui nous est présentée, nous ne dévoierons pas le dispositif existant ni ne fragiliserons les centres EPIDE, mais nous prolongerons leur mission, pour mener le plus en amont possible l'action de réinsertion.
Pourquoi ne pas nous appuyer sur ces établissements qui ont déjà fait la preuve de leur efficacité ? L'EPIDE, par la qualité de ses personnels et de ses programmes, est une chance pour ces jeunes : une chance d'acquérir des fondamentaux scolaires et de construire un projet pour une insertion professionnelle durable. Le manque de formation, les retards scolaires, voire la déscolarisation que connaissent très souvent ces jeunes sont d'importants freins à la réinsertion. Les jeunes seront intégrés au public actuel de ces centres EPIDE et représenteront environ 10 % de ce public. Il est en effet important que ces mineurs désorientés, qui, certes, ont franchi la ligne rouge en commettant une infraction, ne soient pas stigmatisés ni ostracisés. Je suis convaincu des vertus de leur intégration dans les centres EPIDE tels qu'ils existent, aux côtés des jeunes majeurs volontaires, car ces derniers auront un effet d'entraînement sur les plus jeunes. Les mineurs bénéficieront du même traitement que les jeunes majeurs accueillis dans les centres pour les activités collectives, mais ils effectueront également, dans le cadre d'un programme individualisé, un travail sur l'acte de délinquance qui a été commis.
Le service citoyen que propose cette proposition de loi suppose bien évidemment de renforcer le dispositif existant de l'EPIDE et d'abonder ses moyens afin de créer progressivement de nouvelles places dédiées. Ainsi, dès février 2012, les trois centres de Bourges, de Belfort et de Val-de-Reuil pourront accueillir les premiers mineurs concernés. Les personnels d'encadrement bénéficieront à cet effet d'une formation spécifique, pour permettre une prise en charge rapide et efficace de ces nouveaux publics. D'ici à juin 2012, quinze centres pourront accueillir des mineurs délinquants.
Bien sûr, pour être véritablement efficace, le placement en centre EPIDE doit s'inscrire dans la durée : l'apprentissage des règles, la construction d'un projet, la formation sont un cheminement qui nécessite du temps. C'est pourquoi, convaincu par les arguments du rapporteur et de MM. Jean-Paul Garraud et Jacques Alain Bénisti, le Gouvernement a déposé un amendement, adopté par la commission des lois, allongeant la durée du contrat de service pour la porter à une période comprise entre six et douze mois. En outre, la proposition de loi prévoit, il est important de le souligner, que si le mineur adhère au projet que lui aura proposé l'EPIDE, il aura toujours la possibilité, à l'issue de la mesure judiciaire, de prolonger, de son propre chef et en accord avec l'EPIDE, son contrat.
En créant le contrat de service citoyen, la proposition de loi qui vous est soumise élargit le champ des réponses à la délinquance des mineurs, nous donnant ainsi un nouveau moyen de prévenir la récidive.
Améliorer la justice des mineurs est un objectif central de notre politique pénale et toutes les adaptations doivent être réalisées afin de la faire évoluer dans le respect des règles essentielles, constitutionnelles et internationales, qui président au jugement des mineurs, telles qu'elles ont été rappelées par deux décisions récentes du Conseil constitutionnel. Ainsi le Gouvernement a présenté un amendement, adopté par la commission des lois, qui vise à tenir compte de ces décisions du 8 juillet et du 4 août derniers, s'agissant de la composition du tribunal et des modes de poursuite devant le tribunal correctionnel pour mineurs.
Il s'agit en particulier de garantir l'impartialité des juridictions de jugement au regard des exigences constitutionnelles dégagées dans ces deux décisions.
Mesdames et messieurs les députés, ce texte s'inscrit pleinement dans les principes qui fondent l'ordonnance de 1945 relative à l'enfance délinquante : des procédures pénales plus protectrices, des intervenants spécialisés et la primauté donnée à l'éducatif. La dimension éducative est au coeur de cette proposition de loi. Je suis persuadé que ce dispositif apportera une réponse appropriée à ces jeunes délinquants, leur permettant ainsi d'apprendre à respecter les règles de vie en société et de se construire un avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.
La parole est à M. Dominique Raimbourg.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la tâche incombant à M. le rapporteur est difficile. En effet, comme l'a rappelé M. le ministre, cette proposition de loi est extraite d'un rapport, rédigé par M. Ciotti, contenant cinquante propositions visant à améliorer l'exécution des décisions pénales. Que l'on soit d'accord ou non avec son contenu, ce rapport avait le mérite de proposer un ensemble cohérent de propositions. Pour des raisons qui me sont inconnues, il a été décidé d'extraire l'une des propositions composant ce rapport pour en faire une proposition de loi autonome, qui semble souffrir de se voir ainsi isolée et projetée dans la lumière.
C'est un peu, monsieur le rapporteur, comme si vous aviez décidé de vous lancer dans l'agriculture hors-sol et de mettre tous vos efforts à faire croître une plante après l'avoir arrachée du champ où elle se trouvait ! En dépit de toute l'intelligence, de tout le talent et l'habileté dont vous avez fait preuve lors de la présentation de ce texte, je crois que vous allez avoir beaucoup de mal à faire vivre ce texte, pour plusieurs raisons.
Premièrement, ce texte se fonde sur des analyses extrêmement faibles, ce qui peut se comprendre si l'on se souvient qu'il ne s'agissait, à l'origine, que d'une proposition parmi cinquante, mais qui constitue un défaut flagrant maintenant qu'il s'agit d'une proposition autonome, ayant vocation à conquérir le consentement de l'ensemble de notre assemblée.
L'analyse est faible, d'abord, dans les chiffres sur lesquels elle est établie. Sur la base de quelques chiffres relatifs à la délinquance, vous en arrivez immédiatement à la conclusion selon laquelle, la délinquance des mineurs augmentant, il est nécessaire de trouver une solution rapide, efficace et déterminée, devant nous permettre de retrouver l'esprit de l'ordonnance de 1945 et de sauver notre jeunesse. Or les chiffres policiers n'ont jamais donné une mesure fiable de la délinquance.
Chaque année, l'Office de la réponse pénale nous répète que tenter de mesurer la délinquance à partir d'un chiffre unique est une entreprise vaine et que, dans ce domaine, il est nécessaire d'avoir une approche délit par délit, avec d'autant plus de précautions que la justice des mineurs est particulièrement compliquée : les façons de répondre à la délinquance des mineurs évoluant sans cesse, la réponse pénale n'est qu'un élément parmi d'autres, susceptible d'évoluer dans le temps. Il faudrait ainsi tenir compte de la création de nombreux délits, de la judiciarisation, plutôt que de conclure, sans la mesurer précisément, à une augmentation de la délinquance des mineurs.
Par ailleurs, il n'y a aucune analyse sociale des phénomènes que sont l'évolution de l'adolescence, l'allongement de cette période où les mineurs sont dépendants, et l'échec scolaire. Pas d'analyse, non plus, de la modification de notre société et de la réponse qu'elle apporte à la délinquance des mineurs. On nous répète à l'envi que les mineurs de 1945 ne sont pas les mêmes que ceux de 2009. C'est un truisme, et les mineurs de 1945 ont d'ailleurs atteint, aujourd'hui, un âge respectable ! (Rires.)
Au-delà de cette évidence, il faut se rendre compte que l'on avait, dans les années quarante, une façon bien différente de celle d'aujourd'hui de contenir les débordements survenant lors du passage de l'enfance à l'âge adulte. À cette époque s'exerçait sur les mineurs une violence généralisée, celle de l'instituteur, des parents, des maîtres d'apprentissage, des gardiens de la paix et des sergents recruteurs. Cette contention – que je ne regrette pas, je le précise – a aujourd'hui disparu, ce qui explique sans doute, au moins en partie, les difficultés auxquelles nous devons faire face.
Je peux comprendre, monsieur le rapporteur, que, sur ce point comme sur ceux que j'ai évoqués précédemment, votre proposition manque à ce point de références et d'analyses : cette faiblesse s'explique par le fait qu'elle n'était à l'origine qu'une proposition parmi cinquante, qui ne pouvaient être toutes soutenues par une analyse approfondie.
Vous avez également omis de vous livrer à une analyse de la justice des mineurs. Cette justice n'est pas dépourvue de qualités ; ainsi, elle est efficace, nous disent les magistrats, les avocats et les éducateurs, à l'égard de 70 % à 80 % des mineurs, qui ne comparaissent pas plus d'une fois. Toutefois, elle est lente ; elle est opaque, car si elle garantit, à juste titre, l'anonymat des mineurs, elle est illisible pour les citoyens ; elle est discontinue, car les mesures, notamment de placement, auxquelles elle donne lieu restent souvent sans suite ; enfin, elle constitue une réponse inadaptée à la délinquance des mineurs les plus difficiles.
Deuxièmement, le texte n'est pas ce qu'il prétend être. M. le rapporteur pour avis de la défense nationale affirme que l'on a caricaturé le texte, qui ne consiste absolument pas dans l'encadrement militaire des jeunes délinquants. C'est pourtant ainsi que l'on a initialement présenté les choses, mais sans doute doit-on y voir les effets d'une arrière-pensée visant à semer la zizanie dans le camp adverse, ce qui, je l'avoue, est de bonne guerre !
Toutefois, même sur ce point, le texte souffre de son manque de consistance. Comme je l'ai dit, il n'est pas ce qu'il prétend : en réalité, il n'y a pas, ou peu, de militaires, l'encadrement étant assuré par des militaires en retraite et des éducateurs, et presque pas de délinquants. Les mineurs peuvent en effet entrer dans le dispositif de trois façons différentes, à la suite soit d'une composition pénale, soit d'un ajournement de peine prononcé par le tribunal pour enfants, soit d'une décision de sursis avec mise à l'épreuve. C'est dire si nous avons affaire à une délinquance relativement modérée – ce dont on ne peut que se réjouir –, d'autant que les mineurs concernés doivent avoir donné leur accord pour entrer dans un centre. Si la nécessité du consentement des mineurs est justifiée, elle est tout de même révélatrice du fait que le public visé par cette proposition est celui de mineurs de bonne composition, et certainement pas de mineurs particulièrement difficiles.
La deuxième faiblesse inhérente au texte est celle de la discontinuité de la réponse apportée à la délinquance des mineurs. Alors qu'on sait que les ruptures survenant entre les réponses apportées aux mineurs difficiles seraient l'une des causes d'échec de la réponse pénale en matière de justice des mineurs, le texte ne prévoit aucune suite aux EPIDE, tout au plus un prolongement du contrat. Vous dites dans l'exposé des motifs, monsieur le rapporteur, qu'« entre la prison et la rue, il n'y a pas suffisamment d'alternatives ». Pour joliment tournée qu'elle soit, cette phrase sonne à mes oreilles comme quelque peu indécente. Que faites-vous, en effet, du milieu ouvert, des foyers, des centres éducatifs renforcés, des centres de placement immédiat, des centres éducatifs fermés, toutes choses dont vous semblez avoir oublié l'existence ? Que faites-vous des fonctionnaires de la PJJ qui, selon la brochure publiée chaque année par le ministère de la justice, gèrent 306 établissements et services et 505 unités éducatives ? Avez-vous fait passer à la trappe les 614 associations agréées gérant 1 322 établissements ?
Je suis désolé de vous contredire, mais entre la prison et la rue, il y a tout de même des alternatives, qui aboutissent au placement annuel de plus de 10 000 mineurs : toujours selon la brochure du ministère, 5 188 mineurs sont placés en établissements publics, et 5 755 dans des établissements gérés par des associations agréées. Non, décidément, et aussi bienveillantes que puissent être vos intentions à l'égard des mineurs, vous ne pouvez affirmer qu'il n'y a rien entre la prison et la rue. Dès lors, il est regrettable que vous ne vous interrogiez pas un instant sur l'articulation pouvant exister entre les dispositifs existants et celui que vous proposez.
Vous ne vous interrogez pas non plus sur le fait que le budget pour 2011 prévoie la suppression de 117 postes d'éducateur PJJ…
Jamais !
Je parle du budget de l'année dernière, monsieur le ministre. Peut-être était-il nécessaire de supprimer ces postes, je n'en sais rien, mais au moins fallait-il tenir compte de ce fait, monsieur le rapporteur, afin que votre proposition puisse s'articuler avec un dispositif existant correctement évalué.
Enfin – et c'est, semble-t-il, ce dernier point qui a suscité l'opposition des commissaires de la défense nationale –, votre texte ne s'appuie sur aucune étude d'impact sur les EPIDE du dispositif que vous proposez. Ces établissements, qui constituent une école de la deuxième chance pour les majeurs volontaires qu'ils accueillent, ont réussi à s'imposer et donnent satisfaction.
Dès lors, ils doivent être préservés. Or vous ne vous êtes pas interrogés, sur la capacité de ces établissements à recevoir du jour au lendemain des mineurs délinquants arrivant dans un lieu qu'ils n'auront pas choisi.
Mais si, ils l'auront choisi !
Ils ne l'auront pas vraiment choisi : en réalité, le juge les aura placés devant l'alternative entre cette solution et une autre, plus répressive, ce qui explique qu'ils voient ce placement comme une sanction plutôt que comme une deuxième chance. Ces mineurs vont se trouver mêlés à des majeurs, avec toutes les difficultés de cohabitation que cela implique, d'autant qu'il s'agit de centres mixtes, ce qui nécessitera de prendre des précautions particulières.
Vous ne vous êtes posé aucune des questions que je viens d'évoquer, monsieur le rapporteur, et c'est donc à juste titre que les commissaires de la défense nationale s'inquiètent du sort d'un dispositif destiné aux majeurs qui, jusqu'à présent, fonctionnait bien.
J'ajoute que, même si ce n'est pas le plus important, il nous revient tout de même de contrôler l'utilisation des deniers de la nation. Il ressort des auditions auxquelles il a été procédé que le coût moyen d'un stagiaire EPIDE est de l'ordre de 50 000 euros. Si l'estimation de ce coût a été récemment ramenée à 35 000 euros, cela reste une somme relativement importante, qu'il faut comparer à celle correspondant, par exemple, à une prise en charge en milieu ouvert.
Certes, la période se prête aux textes d'affichage, mais point trop n'en faut ! Je rappelle que tout cela n'est censé aboutir qu'au placement de 200 mineurs par an, puisque, si j'ai bien compris, la norme retenue est de 10 % des stagiaires reçus chaque année en EPIDE. Outre qu'il ne dit pas son nom, qu'il a été extrait artificiellement d'un ensemble de propositions, qu'il n'a été précédé ni d'une étude d'impact, ni d'analyses suffisantes, le texte qui nous est proposé est mineur si l'on se réfère à l'importance du public concerné.
Je terminerai par la question de l'image. La symbolique, l'imaginaire font partie du réel, et la façon dont les établissements sont perçus par les mineurs ou les majeurs qu'ils reçoivent est très importante. La volonté d'apprendre, l'appétit pour l'école jouent un rôle décisif dans la réussite scolaire. L'attirance pour l'EPIDE est une condition essentielle pour la réussite de ces établissements. Aucune étude d'impact n'a été réalisée sur l'image des EPIDE mais, alors que c'étaient des écoles de la deuxième chance, ils vont d'un seul coup être plus ou moins apparentés à une sanction.
En outre, comme l'intitulé de la proposition de loi a varié – on a parlé de « service civil », de « service citoyen » –, nous ne savons pas si ce texte n'aura pas un impact sur le service civil. Pourtant, cette institution n'est pas une punition, c'est un engagement au service de la collectivité. Si on la transforme en punition, on risque, même avec de belles explications, de porter atteinte à son image.
Comme le rappelait à juste titre le rapporteur pour avis de la commission de la défense, l'armée ayant besoin de recruter 20 000 volontaires par an, quelle image donnera-t-elle si elle est présentée désormais comme une punition ?
Lorsque nous avons reçu le général qui « chapeaute » tout cela, il nous a demandé de faire attention à l'image de l'armée. Nous avons mis des années, nous a-t-il dit, à nous débarrasser de l'image de la caserne, de la sanction, de ce souvenir très ancien mais tout de même vivace des bagnes coloniaux, qui n'ont pas été à l'honneur de l'armée, de Biribi, du reportage d'Albert Londres, des « joyeux », etc.
C'est exagéré !
Je n'invente pas, M. le rapporteur était avec moi. Le général nous a dit de faire attention à ne pas abîmer l'image de l'armée car elle a besoin de recruter des volontaires.
Pour l'ensemble de ces raisons, quand bien même l'idée d'utiliser ces établissements aurait pu faire l'objet d'une expérimentation, je demande à l'Assemblée de rejeter ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à M. Éric Ciotti, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Je voudrais répondre en quelques mots au propos de M. Raimbourg, qui a été énoncé avec le talent qu'on lui reconnaît bien volontiers.
D'abord, je voudrais le remercier pour l'hommage qu'il a rendu au travail que j'ai effectué à la demande du Président de la République sur l'exécution des peines, soulignant sa cohérence et sa pertinence. Un tel discours est nouveau, parce que je n'avais pas entendu le même propos lorsque ce rapport a été remis.
Peut-être, mais M. Raimbourg est une voix qui compte, en tout cas qui s'exprime toujours avec beaucoup de mesure et de pertinence.
Nous aurons à examiner dans quelques semaines un projet de loi de programmation sur l'exécution des peines reprenant une grande partie de ces propositions. Elles font d'ores et déjà l'objet d'un suivi particulier pour celles qui ne relèvent pas du domaine législatif, puisque le garde des sceaux n'avait pas attendu mon rapport pour mettre en place une politique extrêmement efficace qui, en quelques mois, a permis de résorber un « stock » extrêmement important de peines non exécutées. La cohérence est donc bien présente, comme vous l'avez vous-même souligné, monsieur Raimbourg.
Nous avons souhaité extraire cette mesure du dispositif global parce qu'il fallait aller vite et que nous pouvions nous appuyer sur un outil dont vous avez précisé, comme le ministre et moi-même, les contours, celui des centres EPIDE. Aujourd'hui, ils existent, ils obtiennent des résultats très encourageants en matière d'insertion de jeunes majeurs désocialisés qui ne sont pas entrés par la porte judiciaire, bien que beaucoup d'entre eux aient été confrontés à la justice dans leur parcours précédent. Nous avions ce potentiel, ce savoir-faire, qui, c'est vrai, s'inspire de l'esprit militaire puisque les valeurs militaires sont les piliers de l'organisation pédagogique de ces centres.
Or nous devons résoudre le problème de la délinquance des mineurs. Quelle que soit l'origine des chiffres, ceux de l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales, ou bien ceux de la justice, sur une période assez longue, tous les indicateurs, malheureusement, ont évolué de façon négative, je le dis avec objectivité. Cette situation exige de nous une action rapide. C'est ce que nous nous apprêtons à faire grâce à cette structure qui existe.
Vous avez un peu caricaturé le dispositif à la fin de votre propos, monsieur Raimbourg, tout en reconnaissant que ce que vous disiez n'était pas vraiment ce que nous voulions faire.
Il ne s'agit pas d'un dispositif militaire, qui serait mis en place par l'armée. La presse a parlé de cela, Mme Royal l'a affirmé, mais nous, nous ne l'avons jamais dit. Les EPIDE sont des établissements de droit public, ce sont des établissements civils et les personnes qui y sont salariées ont des contrats de droit public, même si, c'est vrai, la moitié d'entre eux sont d'anciens militaires. Ne caricaturez pas, comme vous l'avez fait tout à l'heure en citant les propos du général directeur du service national, que nous avons auditionné. Il a dit, c'est vrai, qu'il ne souhaitait pas que l'armée ait une image rappelant ce qui a été fait il y a quelques décennies avec les bataillons coloniaux ou disciplinaires.
Il a poursuivi en disant qu'il savait parfaitement que ce dispositif était totalement étranger à ces exemples, tout en insistant sur l'importance de veiller à l'image. Je crois que c'est ce que nous faisons.
Ne nous laissons donc pas entraîner sur ce terrain. Ce n'est pas l'armée qui va mettre en place ce dispositif. En revanche, nous nous appuyons sur le savoir-faire militaire, sur ses valeurs, sur cet état d'esprit qui nous paraissent opportuns pour donner aux jeunes qui vont entrer dans les centres une seconde, voire une dernière chance. Nous devons tenter cette expérience.
Vous avez critiqué la formule un peu imagée que j'avais employée selon laquelle il n'existerait rien entre la rue et la prison. La réalité est la suivante : sur les 44 000 mineurs pris en charge par la PJJ, 40 000 vivent dans leur famille avec un suivi en milieu ouvert. Sur les 4 000 restants, 650 sont en prison, 900 sont placés en centre éducatif fermé, et les autres résident dans des foyers. Ce sont ces 4 000 mineurs qui sont concernés.
Vous affirmez que très peu le seront effectivement.
En tout cas, c'est à ce public de délinquants mineurs qu'il s'adresse, à ces 4 000 jeunes qui connaissent une délinquance répétitive, réitérante.
Pour toutes ces raisons, la rapidité, l'efficacité, l'état des lieux de la délinquance des mineurs, la volonté d'apporter une réponse nouvelle, je souhaite que cette motion de rejet préalable ne soit pas adoptée. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
Sans revenir sur l'essentiel du projet, qui a déjà fait l'objet de commentaires de notre part, je voudrais apporter quelques éléments de réponse à M. Raimbourg.
Sur les quelque 80 000 mineurs qui relèvent peu ou prou de la PJJ, 95 % sont en milieu ouvert, 4 000 mineurs environ vivent en milieu fermé, toutes structures confondues, du foyer jusqu'au quartier pour mineurs d'une prison. Nous n'avons pas du tout l'intention de mettre tous les mineurs dans les EPIDE.
Ce que nous voulons, c'est offrir aux magistrats des tribunaux pour enfants une palette de réponses diversifiées, correspondant le plus possible à chacun des mineurs.
Si, ils le demandent.
Vous n'êtes pas leurs porte-parole, que je sache.
Ils arrivent fort bien à s'exprimer eux-mêmes.
Je les respecte suffisamment pour ne pas me faire non plus leur porte-parole, mais plutôt pour essayer de répondre à leurs demandes. C'est ce que nous faisons ce soir en offrant une nouvelle forme de réponse grâce à l'EPIDE.
Le dispositif n'est pas entièrement nouveau d'ailleurs puisque, depuis janvier 2010, une convention existe entre le ministère de la justice, à savoir la PJJ, et l'EPIDE.
Aujourd'hui, 200 jeunes qui ont terminé leur sanction ont choisi d'aller dans des EPIDE, et cela se passe très bien.
Nous allons renforcer le rôle de l'EPIDE, qui va pouvoir accueillir des délinquants sur décision du magistrat. C'est simplement cela mais c'est très important parce que nous aurons une formule EPIDE, une formule foyer, une formule centre renforcé, toutes les formules que M. Raimbourg a indiquées tout à l'heure. Nous avons besoin de toutes ces solutions. Il faut simplement laisser au magistrat le choix entre ces diverses formules compte tenu de la situation du mineur.
Cette proposition de loi de M. Ciotti est extrêmement utile parce qu'elle complète notre palette de réponses pénales judiciaires, et c'est pour cela que le Gouvernement lui apporte tout son soutien et demande à l'Assemblée nationale de rejeter la motion de rejet préalable de M. Raimbourg.
Dans les explications de vote, la parole est à M. Marc Dolez, pour le groupe de la gauche démocrate et républicaine.
Notre collègue Dominique Raimbourg vient de rappeler les conditions d'impréparation et de précipitation dans lesquelles le texte qui nous est présenté ce soir a été élaboré.
Vous avez dit à l'instant, monsieur le rapporteur, et nous vous rejoindrions facilement, qu'il fallait faire vite. Eh oui, au regard du calendrier électoral, il fallait faire vite pour présenter au Parlement ce qui n'est qu'un texte d'affichage, une loi de circonstance, à quelques mois de la présidentielle.
Le dispositif qui nous est présenté est très imprécis, il est extrêmement limité et suscite bien des interrogations, d'ailleurs relayées de manière très claire par nos collègues de la commission de la défense, notamment en ce qui concerne la conciliation des missions assurées aujourd'hui par les vingt centres EPIDE.
Pour toutes ces raisons, parce que nous contestons l'opportunité de ce texte, mais également son contenu, le groupe SRC votera la motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Jacques Alain Bénisti, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Le groupe UMP votera bien évidemment contre la motion de rejet, comme le groupe socialiste, sans doute, à moins que celui-ci n'ait pas trouvé le bon interlocuteur pour défendre cette motion, car M. Raimbourg avait l'air d'accord avec nous. Il a vanté les qualités de M. Ciotti, loué les résultats des EPIDE, repris l'argument de la formule mixte entre travailleurs sociaux et militaires. Il est vrai que le fait d'associer des travailleurs sociaux à d'anciens militaires peut avoir des résultats extrêmement positifs. Et les EPIDE fonctionnent bien.
Pour une fois qu'on a une institution qui obtient des résultats probants, avec, comme l'a dit Éric Ciotti tout à l'heure, entre 80 et 100 % de réussite ! En Seine-et-Marne par exemple, l'EPIDE a 100 % de réussite. Non seulement les jeunes qui lui sont confiés arrivent à se reconstruire, à avoir une formation, mais ils sortent avec un métier et un emploi en CDI.
C'est donc un dispositif gagnant-gagnant ; gagnant pour les jeunes, gagnant pour la société et gagnant pour la justice, puisqu'il offre aux magistrats la possibilité de proposer à ces jeunes – avec leur accord et celui de leur famille – un séjour en EPIDE.
J'ai eu beau chercher dans vos explications, je ne vois pas l'objet de votre motion. Vous avez évoqué la violence des parents, des instituteurs et de la police dans les années d'après-guerre, mais il n'est heureusement pas question de ce retour en arrière ! Quant à l'argument selon lequel il s'agit d'une proposition extraite d'un ensemble plus vaste, il me semble au contraire que, si nous l'avons choisie, c'est qu'elle peut être effective immédiatement, ce qui n'est pas le cas de toutes les propositions faites par Éric Ciotti dans son rapport ni des soixante propositions que j'ai moi-même faites au Premier ministre pour la prévention de la délinquance. Ici, nous pouvons faire en sorte que les EPIDE n'accueillent pas uniquement des jeunes majeurs mais aussi des mineurs. Après vous avoir écouté, nous serons donc nombreux, y compris dans votre camp, à rejeter cette motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Sur le vote de la motion de rejet préalable, je suis saisi par le groupe SRC d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme George Pau-Langevin.
Le groupe SRC votera évidemment cette motion de rejet préalable, car, si l'on peut reconnaître à notre collègue Éric Ciotti le mérite de la constance dans la recherche de solutions contre la délinquance des mineurs, nous pouvons, de notre côté, persister dans la condamnation de la manière dont il entend s'y prendre.
En premier lieu, force est de constater que cette nouvelle proposition est un aveu d'échec. Nous avons légiféré sur la délinquance des mineurs en juin dernier et une loi a été voté au cours de l'été, mais voici que l'on nous explique que, cette fois-ci, on a trouvé la bonne solution… Cela montre bien que la majorité n'a pas une idée claire de ce qu'il faut faire pour lutter efficacement contre la délinquance des mineurs, et ce d'autant moins que, depuis qu'elle est aux affaires, celle-ci – et c'est Éric Ciotti lui-même qui l'affirme – a explosé. L'insistance avec laquelle vous remettez la question sur le tapis pour proposer de nouvelles solutions ne serait-elle pas une manière de masquer vos échecs en multipliant les rideaux de fumée, à quelques mois d'une échéance importante ?
Nous considérons également que cette proposition n'apporte qu'une réponse marginale au problème de la délinquance juvénile ; elle ne concerne que deux cents mineurs sur soixante ou quatre-vingt mille délinquants.
Nous estimons surtout qu'elle opère une confusion des genres. Le contrat de volontariat pour l'EPIDE ne peut être qualifié de sanction. C'est une démarche volontaire et c'est ce qui fait sa force. Le taux de réponse négative aux EPIDE, si l'on inclut les abandons, est actuellement de 42 %. Que deviendront ces jeunes le jour où ils seront contraints de séjourner en EPIDE sous peine de subir une sanction plus grave ? Le risque est de perturber un système qui fonctionne, avec des équipes motivées et des jeunes qui acceptent le régime des EPIDE car ils ont le sentiment que cela va améliorer leur vie.
La Cour des comptes a émis de sévères critiques sur la gestion financière des EPIDE ; les hésitations du Gouvernement quant au rôle à donner aux EPIDE ont également été très critiquées, et vous voudriez réformer le système, au risque de le chambouler, alors même qu'un contrat pour 2008-2011 a été signé entre le Gouvernement et les EPIDE, à qui vous voulez assigner de nouvelles missions. C'est une erreur fondamentale. Lorsqu'un système commence à fonctionner, il ne faut pas le déséquilibrer en modifiant son organisation.
Les réticences suscitées par votre proposition sont fortes, y compris au sein de la droite. Plusieurs membres de la commission de la défense, dont Mme Alliot-Marie, ont fait part de leurs réserves quant à cette innovation.
Il s'agit d'une fausse bonne idée qui n'apportera aucune solution supplémentaire. C'est la raison pour laquelle cette proposition mérite d'être réexaminée. Un rejet préalable me semble s'imposer pour remettre sur le métier cet ouvrage qui n'est pas abouti.
Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur la motion de rejet préalable.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 56
Nombre de suffrages exprimés 54
Majorité absolue 28
Pour l'adoption 12
Contre 42
(La motion de rejet préalable n'est pas adoptée.)
J'ai reçu de M. Yves Cochet et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du règlement.
La parole est à M. Noël Mamère.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, une fois de plus, nous modifions l'ordonnance de 1945 sans aucune concertation avec les professionnels du secteur. Une fois de plus, vous nous proposez une loi d'affichage pour faire croire à une partie de l'électorat que les besoins de sécurité sont pris en compte par le Gouvernement. Mais vous ne faites qu'escamoter la cruelle réalité des faits, parce qu'en matière de sécurité vous avez échoué lamentablement.
La meilleure preuve de cet échec est l'exposé des motifs catastrophiste de la présente proposition de loi. Vous dressez un tableau apocalyptique de la situation, pour mieux faire passer la pilule de l'encadrement militaire de la jeunesse. Si nous prenions au pied de la lettre votre exposé, nous serions en état de guerre. Nos enfants nous auraient déclaré une guerre que nous aurions déjà perdue ; c'est un véritable réquisitoire, établissant clairement que la situation s'est considérablement aggravée.
Je déplore toutefois que l'exposé des motifs de la proposition persiste à présenter la délinquance des mineurs comme un phénomène en augmentation débridée, alors que sa part dans la délinquance générale reste stable à 18 %. La préoccupation des professionnels tient plus à la difficulté de trouver des réponses diversifiées et individualisées pour quelques jeunes aux parcours particulièrement déstructurés qu'à celle de faire face à une hausse exponentielle du nombre des mineurs délinquants.
Mais revenons-en à votre hypothèse puisque, selon vous, la délinquance juvénile a explosé. Pourtant, vous avez tout essayé : vous avez démantelé, pierre après pierre, la protection judiciaire de la jeunesse ; vous avez rayé d'un trait de plume la police de proximité ; vous avez pratiqué des coupes claires dans les budgets des travailleurs sociaux, des éducateurs ; vous avez déployé la BAC dans les quartiers… Selon vous, ces mesures devaient permettre de redresser la barre, de casser le noyau dur de la délinquance juvénile. La prévention ne servait à rien. Ceux qui la défendaient étaient taxés d'angélisme. Vous avez même été plus loin : le secrétaire national de l'UMP en charge de la sécurité que vous êtes a osé proposer de jeter en prison les parents de mineurs délinquants qui ne respecteraient pas les obligations imposées par la justice !
Face à une salve de critiques très nourries, y compris dans votre camp, vous avez mangé votre chapeau et mis de l'eau dans votre vin. Malgré cela, vous avez continué sur la même orientation de fond, sans mise en perspective, sans comprendre que les réponses à la délinquance des mineurs doivent être recherchées dans le souci plus global des adolescents à la dérive, dans la double dimension de la justice des mineurs, qui concerne à la fois les enfants en danger et les mineurs délinquants. L'obsession avec laquelle vous focalisez le discours politique et médiatique sur la stigmatisation des mineurs délinquants vous empêche de voir la détresse et la misère sociale de notre jeunesse. Vous délaissez progressivement la question, encore plus préoccupante, des adolescentes et adolescents se mettant en danger et en proie à de graves troubles psychiques. Le nombre de suicides est en constante augmentation, et l'on attend toujours des réponses appropriées à ce phénomène de société.
Mais revenons au texte. Vous nous dites implicitement que toutes les recettes répressives ont piteusement échoué. Vous trouvez comme seule solution une fuite en avant, censée remédier à votre échec patent. Une fois de plus, vous nous proposez un simple texte d'affichage, un document ajoutant – pour paraphraser un de vos collègues de la majorité – « de la confusion à la confusion ».
Rarement demande de renvoi en commission aura été aussi justifiée. Cette proposition de loi « made in Droite Populaire » et appuyée par le Président de la République, fera date. En effet, ce n'est pas souvent qu'un texte de la majorité est rejeté parce que « non abouti » par la commission de la défense de l'Assemblée nationale. M. Guy Teissier, président de ladite commission, s'est lui-même abstenu en déclarant : « C'est la première fois qu'un texte est rejeté en dix ans que je suis président de la commission de la défense ». La proposition d'un service encadré avait pourtant reçu le soutien officiel de Nicolas Sarkozy lors de sa visite, le 13 septembre dernier, à la nouvelle prison de Réau, en Seine-et-Marne. Une fois n'est pas coutume, j'approuve donc la position sage de la commission de la défense et je récuse ce texte pour trois bonnes raisons.
La première est de principe et elle ne vous étonnera pas. Prôner l'encadrement militaire, cela revient à accepter l'échec du système éducatif, de la justice, du système carcéral, pour s'en remettre aux militaires. Pas à tous les militaires, mais à des retraités. Je ne pense pas que cela soit le rôle de l'institution militaire d'encadrer des délinquants. Ce n'est ni dans ses objectifs, définis par la loi de finances chaque année, ni dans sa mission, qui consiste à défendre la nation contre des atteintes à sa sécurité extérieure. À moins d'estimer que la jeunesse de ce pays ferait partie d'une cinquième colonne infiltrée par un ennemi hypothétique !
Ce n'est pas à l'armée qu'il revient d'assurer l'éducation de nos enfants. Il est d'ailleurs assez curieux que la droite – de l'encadrement des mineurs délinquants à l'allégeance aux armes – dégaine les militaires chaque fois qu'elle traite des questions de jeunesse ! Vous me rétorquerez que Mme Royal a lancé cette drôle de mode il y a cinq ans, pour faire vivre son thème de l'ordre juste. Cinq ans après, vous reprenez cette proposition pratiquement dans les mêmes termes. Je vous réponds que ce ne serait pas la première fois que des dirigeants socialistes prônent des propositions de droite, mais que cela n'en fait pas pour autant des propositions de gauche ! Car je conteste au fond le contenu même de cette proposition. Le fait que des officiers, ou des sous-officiers, aient fait carrière dans l'armée ne leur donne pas nécessairement des notions d'encadrement et d'accompagnement de mineurs en difficulté. L'expérience du service national n'a rien à voir avec l'accompagnement de mineurs délinquants, à moins de vouloir transformer le service militaire en chantiers de travail forcé pour la jeunesse. D'ailleurs, cher collègue, lorsque vous êtes interrogé dans la presse sur cette mesure, vous considérez que le contenu de cet encadrement sera fait de travaux d'intérêt général, de marche, de randonnée de footing, l'idée étant de donner à ces jeunes délinquants le sens de l'effort. Vous ajoutez par ailleurs des « cours, enseignements et formations », mais votre proposition ne crée pas de postes d'enseignants. Par qui seront dispensés ces cours ? Où seront trouvés les éducateurs accompagnant les formations ? Rien n'est précisé dans le texte hormis – mais nous y reviendrons – la disparition des EPIDE.
Mme Royal et M. Ciotti n'ont d'ailleurs rien inventé puisque l'exemple de l'association JET, « Jeunes en équipe de travail », créée en 1986 par l'amiral Christian Brac de La Perrière, et à l'initiative de MM. Albin Chalandon, garde des sceaux, et André Giraud, ministre de la défense, avait déjà pour mission d'organiser des stages de rupture de quatre mois, à l'intention des jeunes délinquants de nationalité française ou étrangère en situation régulière. Ces stages, proposés aux jeunes par le juge d'application des peines, devaient les préparer à leur réinsertion sociale et professionnelle.
L'association dispose de quatre centres. L'encadrement des jeunes y est assuré par des militaires d'active, volontaires, mis à disposition par les armées ou la gendarmerie, en permanence, sept jours sur sept, et vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Ces militaires sont donc à la charge du budget des armées et non du ministère de la justice.
Les jeunes hommes pris en stage sont des volontaires et appartiennent à deux catégories : des détenus majeurs de moins de trente ans, bénéficiant d'une mesure de placement extérieur accordée par un juge d'application des peines pour deux centres et des mineurs ou jeunes majeurs, entre seize et dix-neuf ans, sous protection judiciaire de la jeunesse, placés auprès de Jeunes en équipe de travailpar ordonnance du juge des enfants, pour deux centres.
Depuis sa création, 5 800 jeunes délinquants sont passés par Jeunes en équipe de travail. L'association estime qu'un tiers des détenus majeurs ne terminent pas le stage en raison soit de leur expulsion pour non-respect de la discipline, soit de leur évasion, soit d'une mesure de libération anticipée. Parmi ceux qui l'ont achevé, 20 % sont à nouveau incarcérés, 45 à 55 % semblent réinsérés et 35 à 45 % n'ont pu être joints. Parmi les mineurs, il semble que 40 % mènent à bien leur projet et ne retombent pas dans la délinquance.
L'association Jeunes en équipe de travail fait l'objet, selon un rapport sénatorial de 2003, de plusieurs critiques. D'une part, les armées sont de plus en plus réticentes à mettre à la disposition de l'association des cadres d'active en raison du resserrement de leurs effectifs depuis la professionnalisation. Les juges des enfants ont d'ailleurs utilisé dans le passé des dispositifs Jeunes en équipe de travail, organisés par l'armée, dans le cadre de placements extérieurs, mais cette coopération a cessé à l'initiative du ministère de la défense qui souhaitait se recentrer sur ses tâches essentielles.
Ce ministère renvoyait à un autre acteur la patate chaude du financement, en préconisant la prise en charge totale par le ministère de la justice, à travers, notamment, le paiement des soldes des cadres d'active. D'autre part, les armées mettent en avant la faiblesse des résultats obtenus, qui s'explique par le caractère particulièrement difficile des jeunes pris en charge et par la brièveté des stages, qui ne permettent pas une véritable réinsertion sociale et l'apprentissage d'un métier, seuls garants d'une sortie durable de la délinquance. L'efficacité de telles expériences est donc sujette à caution mais l'idéologie qui s'en dégage, celle du contrôle militaire de nos jeunes comme seule réponse à l'avenir de la jeunesse en dit long sur l'absence de confiance dans l'école et la justice de notre pays.
La seconde raison pour laquelle je demande le renvoi en commission tient à l'inefficacité de ce texte, qui introduit à tous les niveaux beaucoup de confusion.
Je ferai trois remarques.
Tout d'abord, le dispositif n'entrera pas en vigueur avant la fin de la législature : c'est une mesure électoraliste qui ne réglera rien.
Par ailleurs, le nombre de mineurs concernés est infinitésimal, même si vous envisagez de le porter à 500 pour répondre aux critiques. Le rapporteur l'a dit, les centres auxquels les mineurs pourraient être confiés par la justice n'accueillent qu'environ 2 200 stagiaires par an. L'accueil des mineurs ne représentera qu'une partie des places disponibles : il a été question d'un taux de 10 %, soit 220 jeunes. Même si leur nombre était réévalué, ce serait une goutte d'eau à côté des 60 000 mineurs traduits devant la justice chaque année.
L'essentiel est cependant ailleurs. La mesure s'adresse à des mineurs âgés de seize ans, alors que la principale difficulté est la prise en charge des jeunes de quatorze ou quinze ans. Les moins de seize ans représentent 45 % des mineurs condamnés. Pourquoi, dès lors, le dispositif ne concerne-t-il que les plus de seize ans ? Est-ce lié à l'âge de la scolarité obligatoire ou à la majorité pénale ? On doit pourtant autant se préoccuper des uns que des autres, sachant que certains ne sont passibles que de contraventions de cinquième classe. Vous faites l'impasse sur les tranches d'âge qui sont aujourd'hui les plus préoccupantes, et c'est un maire qui vous le dit, en termes d'expansion de la délinquance et d'avenir de la jeunesse. Il est prioritaire de réinsérer ces jeunes de quatorze à seize ans et même, parce que nous en sommes là, les mineurs de douze à quatorze ans, et le plus vite possible. Une véritable loi contre la délinquance juvénile devrait proposer des pistes. C'est ce que nous ferons dès juin 2012.
La troisième raison est le démantèlement de fait des EPIDE, au sein desquels le texte prévoit que le service citoyen pour les mineurs délinquants se déroule.
Ces établissements accueillent des volontaires majeurs en situation d'échec scolaire. Vous voulez les mêler à des délinquants mineurs parfois récidivistes. Comme il est compliqué de mêler les deux statuts, celui du volontaire et celui du délinquant, vous avez élaboré un statut hybride en jouant sur la confusion des genres et des mots. Vous avez donc institué pour les mineurs un « contrat de service en établissement d'insertion » comme modalité de la composition pénale ou de l'ajournement du prononcé de la peine et comme obligation particulière d'un sursis avec mise à l'épreuve. Ce « contrat de service » consistera en fait à suivre une formation dispensée par un centre de formation d'un établissement public d'insertion de la défense, établissement crée par l'ordonnance du 2 août 2005 et placé sous la triple tutelle des ministères chargés de la défense, de l'emploi et de la ville.
Ce contrat, auquel le mineur sera « astreint », sera prescrit pour une durée comprise entre quatre et six mois et devra cependant être conclu avec l'accord du mineur et des titulaires de l'autorité parentale. Le mineur pourra éventuellement le prolonger, à sa demande et avec l'avis favorable de l'établissement d'accueil. Le contrat de volontariat devra être validé par le magistrat ou la juridiction, au regard de son caractère formateur.
Je note d'ailleurs l'incohérence de la mesure : vous nous expliquez qu'il convient d'instaurer une solution intermédiaire entre les foyers habituels pour mineurs et l'enfermement, mais le dispositif est limité à trois cas : la composition pénale, l'ajournement de peine et le sursis avec mise à l'épreuve. Seuls des mineurs ayant commis des actes assez peu graves seront donc concernés : nous sommes loin des mineurs récidivistes, passibles de peines graves et qui composent les noyaux durs des cités et des quartiers populaires, empoisonnant la vie des habitants et pour lesquels il faudrait effectivement trouver une solution. Vous ne répondez donc pas à la situation décrite dans l'exposé des motifs.
Outre le climat potentiel de violence que vous instituez en mêlant des publics différents à tous égards, vous transformez la nature même de ces établissements, qui a fait la réussite des EPIDE. Je crains comme beaucoup de mes collègues, majorité et opposition confondues, que les EPIDE, qui fonctionnent bien, ne soient déstabilisés et que l'on crée des centres semi-carcéraux, cassant net l'élan des jeunes volontaires se ressourçant dans ces établissements.
Enfin, l'objectif pour l'EPIDE était de 20 000 places fin 2008. Or nous enregistrons aujourd'hui 2 500 jeunes. Ce dispositif est fragile et nous avons du mal à le développer, à la fois parce qu'il porte sur des publics difficiles et parce que nous sommes confrontés à un manque de moyens. Qui va payer ? Le ministère de la justice, celui de la ville, celui de la défense ? Dans ces trois cas, les budgets sont en régression. De fait, vous ajoutez une dépense inutile et vous renoncez à stabiliser des établissements qui ont besoin de se renforcer. Les EPIDE ne sont pas la panacée mais pourquoi vouloir à tout prix casser ce qui marche ? Je sais que c'est ce que vous faites dans tous les domaines mais, pour une fois, suivez les conseils de bon sens de la commission de la défense et remettez sur le métier votre réflexion sur la réinsertion des délinquants en concertation avec ceux qui connaissent ce secteur.
Pour un même objectif de réinsertion, peut-on faire converger deux publics, l'un qui est volontaire et s'inscrit dans un parcours à cet effet, l'autre qui ne l'est pas et se place plutôt dans une situation de récidive ?
Il ne s'agit pas de mettre en cause les centres EPIDE, bien au contraire, mais je crains que cette confusion ne remette en question leurs résultats.
Encore une fois, je vous pose la question : d'où viendraient les moyens dégagés pour faire fonctionner ce double dispositif ? Je ne le vois pas. On comprend que l'état-major ne soit pas très chaud pour une mesure ambiguë qui fait penser à un service militaire pour les jeunes de seize ans et ne s'en cache pas – l'exposé des motifs de la proposition évoque les effets attendus d'« une discipline stricte mais valorisante inspirée de la rigueur militaire ». À l'heure où la défense nationale, outre ses interventions à l'extérieur, doit rénover son matériel, maintenir le niveau de sa force de frappe inutile et coûteuse et subir les effets de la réorganisation de son dispositif dans le pays, due aux fermetures de casernes un peu partout en France, je peux comprendre que les militaires s'inquiètent du financement de ces places.
Je peux également comprendre l'état-Major, qui redoute une nouvelle dégradation de son image auprès de jeunes dont les parents et les grands-parents ont subi des guerres coloniales. L'armée, devenue une armée de métier, composée de professionnels compétents, n'est pas une institution où l'on exécute une punition : elle doit rester au service de la nation et non devenir un lieu de punition. La défense avait été sceptique, et elle avait raison, lorsque l'on avait voulu rendre le service civil obligatoire. Finalement la raison l'avait emporté. En passant par la petite porte, vous voulez maintenant changer la nature volontaire de ce service civil, entaché par le caractère de sanction qui l'accompagne. Une raison de plus pour le refuser.
Je ne nie pas que certains mineurs soient attirés par le cadre militaire ni qu'une prise en charge d'insertion professionnelle pourrait sans doute leur convenir. Mais au lieu d'une loi modifiant inutilement l'ordonnance de 1945 il aurait mieux valu proposer une expérimentation limitée ne nécessitant pas une refonte des textes de loi et s'interroger sur les budgets qui pourraient être mobilisés à cet effet. Le fond du problème réside dans le fait que nous ne disposons d'aucune structure éducative renforcée : il n'existe pas d'internat éducatif renforcé pour les très jeunes délinquants. Il serait bon pourtant qu'un personnel pédagogique de qualité puisse suivre ces enfants dès l'âge de douze ou treize ans, qu'il les sorte de leur famille et de leur cité, qu'il leur permette de retrouver un certain nombre de valeurs, de se réinsérer dans la société et de ne plus subir la fascination des plus grands qui, eux, ont sombré dans la délinquance. C'est sur une telle orientation que le consensus aurait pu se faire.
Entièrement focalisés sur des mesures à court terme, médiatiques et rentables électoralement, vous empêchez la construction d'une majorité d'idées sur une question qui concerne tous les citoyens, qu'ils soient de droite ou de gauche. Pour moi, l'ordonnance de 1945 doit rester le cadre dans lequel s'exerce le traitement de la délinquance des mineurs, avec une primauté de l'éducatif, ce qui ne veut pas dire laxisme. Cette ordonnance a déjà été réformée plus de trente-sept fois. Depuis les années quatre-vingt dix, elle l'a toujours été dans un sens plus répressif, sans donner pour autant des résultats plus efficaces. Il faut maintenant inverser la tendance et changer de logiciel sur la question de la justice des mineurs. Victor Hugo disait : « Là où on construit une école on supprime une prison ». Depuis plus de quinze ans le pli a été pris de supprimer des écoles pour créer des prisons. Imaginons d'autres pistes de réflexion.
Vous n'avez pas saisi ce qui est pourtant l'essentiel : pouvoir répondre de façon individualisée et rapide aux difficultés des mineurs. Il est à craindre que, dans le contexte de rigueur budgétaire annoncé, des fonds soient engloutis dans un nouveau dispositif « vitrine » alors que, sur le terrain, la principale difficulté réside dans l'absence d'éducateurs en milieu ouvert prêts à intervenir dès le début de la déscolarisation ou des difficultés d'exercice de l'autorité parentale. La meilleure prévention de la délinquance des mineurs reste l'intervention des services et des magistrats en assistance éducative, toujours plus sacrifiée.
Votre texte est le condensé d'un quinquennat finissant, marqué par la confusion, le mélange des genres, les solutions répressives sans effet à tous les étages, les opération de communication sans lendemain, le refus de la concertation avec les professionnels, l'incompréhension des véritables enjeux.
En conséquence je demande instamment que soit renvoyé en commission ce texte de mauvaise facture, parce qu'à courte vue et électoraliste. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur Mamère, je voudrais presque rendre hommage, ce soir, à votre modération tout à fait inhabituelle. Les propos que vous venez de tenir équivalent presque à une approbation, puisque vous avez suggéré que l'on expérimente ce dispositif.
Après l'avoir critiqué, à l'aide d'arguments dont on pourrait contester point par point la pertinence, vous admettez ainsi qu'il puisse avoir quelque mérite. Je veux saluer cette avancée inhabituelle de votre part.
À ce stade du débat, nous devons clarifier les choses.
Au-delà de la position adoptée par la commission de la défense, je note d'abord que son président, M. Teissier, a cosigné ma proposition de loi. Cela mérite d'être rappelé.
Vous dites ensuite que l'armée est réticente à cette initiative, voire qu'elle s'y oppose. Mais l'armée n'est pas en cause dans cette affaire. Si l'EPIDE a été créé par Mme Alliot-Marie en 2004, la défense n'est pas concernée par ce dispositif aujourd'hui. S'il y a bien un argument qui le démontre, c'est qu'elle ne le finance pas. Le financement des centres EPIDE provient en effet pour environ deux tiers du ministère de l'emploi et pour à peu près un tiers du ministère de la ville, le reste provenant du Fonds social européen. Arrêtez donc de parler d'opposition de la défense ! Non seulement le ministre a très clairement approuvé le dispositif, mais celui-ci ne concerne pas les militaires d'active. Je salue à cet égard, monsieur Mamère, le discours pro-militaires que vous avez tenu ce soir et qui est là aussi un peu inédit ! Je rends véritablement hommage à ce discours...
L'armée de la nation n'a pas forcément à défiler le 14 juillet avec des chars ! Relisez Jaurès !
Nous sommes en tout cas tous d'accord : le rôle de l'armée n'est pas d'encadrer des mineurs délinquants. Personne n'a prétendu le contraire. Je le répète, en réponse à des interrogations qui avaient pu être soulevées par la commission de la défense : l'armée n'est en rien impliquée dans ce dispositif, les établissements d'insertion étant placés sous la tutelle des ministères de l'emploi et de la ville. Cette clarification importante étant faite, je salue encore une fois, monsieur Mamère, l'hommage légitime que vous avez rendu à nos armées.
La réponse individualisée que vous souhaitez est apportée justement par l'EPIDE. Ceux de nos collègues qui ont visité avec moi le centre de Val-de-Reuil ont pu le mesurer : il s'agit véritablement d'une réponse au cas par cas, d'un sur-mesure individualisé, et c'est bien ce qu'il faut faire en la matière.
Enfin, s'agissant d'un refus de concertation, faut-il rappeler que le dispositif a été mis en place avec les services de l'EPIDE – c'est-à-dire les spécialistes du dossier, ceux qui au sein des établissements publics sont chargés du programme pédagogique –, qui ont déjà un projet pédagogique prêt pour les mineurs délinquants, ainsi que leurs représentants nous l'ont dit en commission ?
Le voter aujourd'hui est essentiel puisqu'il faut modifier la législation, notamment sur le point précis du consentement du mineur que le dispositif nécessite. Ce consentement sera recueilli par un magistrat en présence d'un avocat, ce qui ne peut être explicité que par la loi. Voilà d'ailleurs pourquoi, monsieur Mamère, l'expérimentation que vous appeliez de vos voeux, et que je rejoins sur le fond, n'était pas possible sur la forme. Il fallait légiférer, et cela le plus rapidement possible.
Je m'inscris également en faux contre ce que vous avez dit concernant les délais. Le dispositif, ainsi que le garde de sceaux l'a indiqué, sera opérationnel dès le début de l'année. Et plus vite nous le voterons, plus vite il sera opérationnel. Il le sera donc avant la fin de la législature.
Sans vouloir, enfin, en faire un fait personnel, vous avez dit que je souhaitais jeter les parents des mineurs délinquants en prison. Là aussi, c'est une caricature que je qualifierai d'un peu grossière.
Vous êtes maire et vous procédez chaque semaine à des mariages – de toute nature – dans votre mairie de Bègles. Vous êtes donc appelé comme tous les maires de France à lire l'article 371-1 du code civil, qui rappelle les devoirs d'autorité parentale, le manquement à ces devoirs étant sanctionné par l'article 227-17 du code pénal, lequel prévoit une peine de prison de deux ans et 30 000 euros d'amende.
Vous induisez nos concitoyens en erreur avec ce type de caricature et, bien entendu, votre motion de renvoi en commission n'a pas lieu d'être. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Après ce que vient de dire excellemment M. le rapporteur, je n'ajouterai que quelques mots qui concluront également au rejet de la motion de renvoi en commission présentée par M. Mamère.
Il faut d'abord cesser de rabâcher que l'EPIDE et la PJJ ne se connaissent pas et ne travaillent pas ensemble. Depuis janvier 2010, des mineurs relevant de la PJJ sont déjà placés dans les EPIDE.
Ils y vont après avoir accompli leur peine, et à leur demande. Et les résultats sont très bons.
Le comité de pilotage mis en place entre l'EPIDE et la PJJ, qui siège régulièrement, note ainsi le remarquable travail réalisé en commun. Ainsi, sur les vingt jeunes issus de la direction territoriale de la PJJ d'Ille-et-VilaineCôtes-d'Armor qui ont intégré le centre EPIDE de Lanrodec, sept sont toujours en formation, tandis qu'un jeune est déjà inséré. Des habitudes de travail en commun existent donc déjà entre l'EPIDE et la PJJ.
Voilà le régime que M. Dray veut instaurer : parler et faire taire les autres ! Ce régime, nous ferons tout pour qu'il n'arrive jamais !
Qu'apporte la proposition de loi ? Elle tend à donner au magistrat un moyen supplémentaire pour répondre à la délinquance des mineurs. C'est un moyen simple, connu, qui s'ajoutera aux autres moyens de réponse pénale. C'est cette palette de moyens qui est intéressante, car les mineurs sont différents les uns des autres.
M. Mamère nous a accusés à au moins trois reprises de modifier encore l'ordonnance de 1945. Or la principale modification de cette ordonnance est due à deux décisions du Conseil constitutionnel qui, si elles ont rappelé les principes constitutionnels de la juridiction pour mineurs tirés des lois et principes généraux contenus dans notre droit d'avant 1946, nous conduisent, certes à modifier l'ordonnance de 1945, mais dans le cadre constitutionnel de la justice des mineurs tel que défini par le Conseil, afin de concilier ces principes et les impératifs de sécurité. Peut-être que cela ne vous convient pas, monsieur Mamère, et je peux le comprendre, mais c'est une décision qui s'impose à tous. Nous demanderons donc à l'Assemblée nationale, grâce au texte de M. Ciotti, de participer à rendre constitutionnelle l'ordonnance de 1945, nécessité qui s'impose à tous les représentants de la nation.
Oui, nous avons besoin de cette proposition de loi et de la réponse supplémentaire qu'elle apporte afin d'offrir au juge des mineurs la possibilité de placement en centre EPIDE, si le mineur l'accepte. C'est un plus.
Il ne s'agit pas de résoudre tous les problèmes posés par la délinquance des mineurs en une seule loi. Personne ne l'a prétendu. Il s'agit simplement de disposer d'un outil plus performant, lequel commence déjà à faire ses preuves.
Pourquoi n'en voulez-vous pas ? C'est là un mystère que nous ne pouvons pas comprendre. C'est la raison pour laquelle il faut poursuivre le débat afin d'essayer de comprendre pourquoi vous vous opposez à une mesure de bon sens. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, après avoir écouté avec attention les propos de notre collègue Noël Mamère, on ne peut que souligner leur caractère particulièrement apaisé, au point même que nous avons pu nous retrouver dans certains d'entre eux.
Toute la question étant finalement de savoir si nous devons poursuivre les débats ce soir ou les renvoyer en commission, le groupe centriste considère, en raison du travail déjà effectué, et plus particulièrement au sein de la commission de la défense, qui a émis un avis, qu'il n'est pas question de revenir sur ce qui a été fait. La lecture des comptes rendus de nos réunions montre en effet que des arguments constructifs ont été échangés entre les uns et les autres, même si des réserves ont pu être émises. J'exprimerai moi-même certaines réserves, inquiétudes ou incompréhensions dans le cadre de la discussion générale, tous éléments que je ne développerai donc pas maintenant.
En tout cas, il nous semble essentiel de pouvoir procéder à l'examen du texte, et le groupe Nouveau Centre et apparentés votera contre la motion de renvoi en commission.
Notre collègue Noël Mamère demande donc un renvoi en commission. J'espère qu'il ne le prendra pas mal, mais, s'il avait été présent en commission des lois,...
..où nous avons eu un débat qui a permis de répondre pratiquement en totalité aux questions qu'il a soulevées, il nous aurait évité les confusions et contrevérités que nous avons pu entendre de sa part ! Nous avons débattu de l'ensemble des points qu'il a énoncés, et nous demander maintenant de revenir en commission c'est-à-dire de reposer les mêmes questions et d'avoir les mêmes réponses, nous semble dérisoire.
Quand ferez-vous donc enfin confiance, monsieur Mamère, aux professionnels,...
..c'est-à-dire aux éducateurs spécialisés et aux magistrats qui participeront à la prise de décision avec le mineur pour essayer de l'impliquer dans un volontariat au sein des EPIDE ? Et si j'étais militaire et que j'avais entendu ne serait-ce que le dixième de ce que vous avez dit sur ce corps, je vous en aurais beaucoup voulu ! Les militaires, qui ont une expérience suffisante du contact humain pour pouvoir diriger des jeunes appelés, vont en effet participer, comme ils le font déjà avec les jeunes majeurs, à sauver – je reprends vos termes – des jeunes en perdition.
Vous avez parlé de faire sortir ces jeunes de leur cité. Mais c'est exactement le projet que nous vous proposons ! À ces jeunes désoeuvrés, en perdition, nous offrons un cadre leur permettant de se remettre à niveau sur le plan scolaire, d'avoir des activités sportives, de décrocher un diplôme et de trouver un CDI en entreprise.
Si les centres EPIDE n'avaient pas réussi, nous aurions pu comprendre vos critiques. Malheureusement pour vous, oserai-je dire, ils fonctionnent parfaitement bien : entre 80 et 100 % de jeunes du centre de Seine-et-Marne sont aujourd'hui sauvés.
Vous avez bien fait, en conclusion, de citer une phrase de Victor Hugo : ouvrir des écoles et fermer des prisons, c'est exactement ce que nous voulons faire pour permettre à ces jeunes de s'en sortir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Je veux rappeler à nos nombreux collègues qui viennent de nous rejoindre et qui nous quitteront immédiatement après avoir voté – pour reprendre la formule de M. Bénisti : j'espère qu'ils ne le prendront pas mal – les raisons pour lesquelles nous voterons la motion de renvoi en commission. J'en profiterai aussi pour répéter au ministre les raisons qui nous font nous opposer à ce texte, puisqu'il prétend avoir besoin du débat pour les comprendre.
Relevons un paradoxe : vous nous proposez d'instaurer un service citoyen pour des mineurs. C'est original. En effet, ces derniers n'ont pas la capacité juridique d'exercer leur citoyenneté. Vous reconnaissez pourtant celle-ci pour des mineurs de seize ans : j'imagine que la majorité franchira ce pas pour ce qui est de la majorité civique très prochainement. (Sourires.)
C'est une ineptie : depuis quand la citoyenneté commence-t-elle à la majorité ?
En votant en faveur de la motion soutenue par Noël Mamère, nous voulons sanctionner les approximations de votre constat, l'inutilité des mesures proposées et l'impuissance du projet.
Tout d'abord, monsieur le rapporteur, votre constat est artificiellement alarmiste. Si l'on vous écoute, les mineurs commettant des actes de délinquance sont toujours plus nombreux, les faits commis par eux toujours plus fréquents et leur gravité toujours plus grande. En lisant votre rapport, je pensais à ces propos de Winston Churchill : « Je ne crois aux statistiques que lorsque je les ai moi-même falsifiées. »
Il est certes indéniable que le nombre de mineurs mis en cause a augmenté – je vous en donne acte –, mais vous savez parfaitement qu'il faut nécessairement faire intervenir deux paramètres lorsque l'on cite cette évolution. D'une part l'accroissement démographique global, et en particulier l'accroissement des personnes de moins de vingt ans dans cette population et, d'autre part, l'évolution du nombre total de personnes mises en cause. Si nous examinons l'ensemble de ces chiffres, nous constatons que la proportion de mineurs parmi les personnes mises en cause est passée de 21,3 % en 1999 à 18,3 % en 2009. Autrement dit, en dix ans, la proportion de mineurs mis en cause a baissé ! En 2009, les mineurs représentent au total 8,7 % de l'ensemble des personnes condamnées par les tribunaux, et les fameux mineurs de moins de treize ans dont vous parlez ne sont que 0,3 %. Vous pouvez dire que leur nombre augmente et je ne nie pas qu'il est trop important, mais ne dites pas de contrevérités. Ces chiffres ont été publiés par le ministère de la justice : j'imagine qu'ils sont au moins aussi fiables que ceux du ministère de l'intérieur. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Ensuite, cette proposition de loi nous semble parfaitement superfétatoire. La majorité sortante a tellement l'habitude de légiférer qu'elle ne sait plus faire autrement. En l'espèce, l'article 15 de l'ordonnance de 1945 lui aurait permis de mettre en place cette nouvelle mesure dans le cadre d'une mise à l'épreuve ou même d'un placement de jour.
Enfin, ce texte constitue un aveu terrible d'impuissance. Il y a une certaine légèreté à soutenir et à mener une politique sociale qui détruit méthodiquement tous les processus de protection de l'enfance pour s'étonner ensuite de la violente indiscipline d'une jeunesse laissée à l'abandon. Monsieur le ministre, dans le budget que vous nous présenterez dans quelques jours, la protection judiciaire de la jeunesse, à laquelle vous ne cessez de demander plus – plus de présence dans les établissements de réinsertion scolaire, plus de participation dans tous les établissements –, voit ses crédits diminuer.
Vous supprimez cent à cent trente postes dans cette administration : voilà le véritable problème ! Il ne s'agit pas de créer des structures nouvelles mais de pallier le manque de moyens des structures existantes. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.)
Dans la discussion générale, la parole est à M. Marc Dolez.
Je rappelle que le temps programmé ne s'applique pas. Je demande en conséquence à chacun de respecter le temps de parole qui lui est imparti.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, loin de dessiner un projet ambitieux pour l'enfance en difficulté, la proposition de loi que nous examinons est un texte d'affichage qui n'apporte pas de réponses satisfaisantes au problème réel de la délinquance des mineurs.
Nous ne sommes pas les seuls à le penser puisque, de manière tout à fait exceptionnelle – quoi que notre rapporteur ait pu en dire il y a quelques instants –, ce texte a été rejeté à une large majorité la semaine dernière par la commission de la défense saisie pour avis.
D'emblée, la proposition de loi invoque dans son exposé des motifs le postulat erroné d'une augmentation continue de la délinquance des mineurs, alors qu'en réalité la part de la délinquance des mineurs dans la délinquance générale reste stable à 18 %.
À vrai dire, la préoccupation des professionnels tient plus à la difficulté de trouver des réponses diversifiées et individualisées pour répondre aux cas de jeunes aux parcours particulièrement déstructurés qu'à une prétendue hausse exponentielle du nombre de mineurs délinquants.
Comme le souligne très clairement le sociologue Laurent Mucchielli, l'affirmation de l'existence d'une augmentation continue de la délinquance des mineurs constitue « une sorte de vraie-fausse information et, à tout le moins, une vérité totalement tronquée ». Il en détaille les raisons dans une tribune publiée par le journal Le Monde en avril dernier intitulée : « Les mineurs délinquants menacent-ils la société française ? » Il y indique notamment qu'élargir la définition de la délinquance et donner des consignes pour poursuivre toutes les infractions, même les plus bénignes, ne peut avoir pour conséquence logique qu'une augmentation des procédures enregistrées. Au-delà des chiffres, il analyse aussi de manière très pertinente la nature de cette délinquance grâce au volume annuel des condamnations publié par le ministère de la justice, qui donne à voir une image très éloignée de celle renvoyée par des faits divers dont il faut répéter qu'ils ne sont pas représentatifs de la vie quotidienne de l'ensemble de la société française.
Pour notre part, nous réfutons à la fois l'opportunité et le contenu de ce texte.
Pour ce qui est de l'opportunité d'une énième réforme de l'ordonnance de 1945 alors qu'un code de la justice pénale des mineurs est selon la chancellerie « quasiment achevé », il paraît pour le moins illogique d'opérer de nouvelles modifications qui ne peuvent que nuire à la cohérence et à la lisibilité de l'ordonnance.
Sur le fond, l'idée d'un encadrement militaire pour les mineurs délinquants constitue selon nous une réponse inopérante. L'esprit de la proposition de loi repose sur la conviction de l'efficacité éducative de la discipline militaire et propose donc de mettre en oeuvre un « contrat de service en établissement d'insertion » dans le cadre d'« une discipline stricte mais valorisante inspirée de la rigueur militaire ».
Il s'agit en réalité de proposer aux mineurs condamnés d'effectuer leur peine au sein d'un établissement cherchant à faciliter l'insertion professionnelle, plutôt qu'en prison. Comme le souligne notre rapporteur, le dispositif prévu sera plus ou moins basé sur le volontariat. Selon lui, il s'inscrira dans le cadre de l'exécution d'une sanction pénale qui, à ce titre, s'imposera au jeune condamné. S'il la refuse, il devra exécuter une peine d'emprisonnement. Pour le rapporteur, le choix est donc clair et exigeant : c'est soit le service citoyen, soit la prison. Ce volontariat contraint nécessitera toutefois l'accord du mineur et des titulaires de l'autorité parentale : on perçoit la faible marge de manoeuvre qui leur sera accordée.
La proposition de loi prévoit que ce service citoyen sera mis en place dans des structures déjà existantes, les établissements publics d'insertion de la défense, dans lesquels d'anciens militaires sont déjà employés – ils représentent environ la moitié des effectifs. Peut-on réellement considérer que d'anciens militaires sans connaissance particulière en matière d'encadrement des mineurs délinquants seraient plus à même que les éducateurs spécialisés d'encadrer ces jeunes ? Cela revient à négliger l'expérience des professionnels de terrain.
En permettant à la justice d'astreindre un mineur auteur d'une infraction à exécuter un contrat de service dans un de ces centres, le texte élargit considérablement les missions attribuées à l'EPIDE et le détourne ainsi de sa fonction originelle consistant à assurer l'insertion sociale et professionnelle de jeunes en difficulté scolaire, sans qualification professionnelle ni emploi, en risque de marginalisation et volontaires au terme d'un projet éducatif global.
Ce programme lancé en 2005 avait pour objectif affiché d'intégrer rapidement 10 000 jeunes, puis, à terme, 50 000. En 2010, loin de l'objectif initial, vingt centres accueillent en internat 2 250 jeunes encadrés par 969 personnes. Avec un taux de démission en cours de route de 38 %, et à l'arrivée un emploi stable pour un jeune sur deux, le dispositif a malgré tout trouvé une certaine logique, en particulier parce qu'il s'adresse exclusivement à des jeunes volontaires pour participer à la démarche.
La proposition de loi de notre collègue Éric Ciotti vient rompre cet équilibre en mêlant à ces jeunes volontaire, des mineurs délinquants qui devront choisir entre la prison et l'EPIDE. En réunissant des jeunes volontaires en grande difficulté sociale et des mineurs délinquants, ayant rejoint l'EPIDE dans le seul but d'échapper à la prison, vous transformez une structure d'insertion en structure alternative à l'enfermement, ni plus ni moins.
L'inquiétude est partagée par l'ensemble des spécialistes de la justice des mineurs. Le risque de détruire le dispositif « Défense deuxième chance », actuellement fondé sur une démarche volontaire, est bien réel car le fonctionnement de l'EPIDE ne permettra pas d'assurer les missions supplémentaires prévues par le texte. Le public étant différent, l'approche pédagogique ne peut pas être la même. À cet égard, il est regrettable qu'une étude sur le fonctionnement de l'EPIDE lui-même n'ait pas été préalablement réalisée car il y a lieu de s'interroger sur la capacité de ces établissements à accueillir des mineurs délinquants qui pourront représenter jusqu'à 10 % des effectifs.
L'inquiétude sur le devenir de l'EPIDE est également partagé par la commission de la défense et par son président, qui a lui-même déclaré en commission craindre que les EPIDE qui fonctionnent bien ne soient déstabilisés.
En fait, le dispositif proposé n'est pas vraiment nouveau. Des expériences similaires, consistant à encadrer militairement des jeunes délinquants, ont été menées par le passé : elles n'ont pas été concluantes. Cela a été le cas notamment de l'association Jeunes en équipe de travail, créée en 1986, qui avait pour mission d'organiser des stages de rupture de quatre mois pour de jeunes délinquants de nationalité française ou étrangère en situation régulière. Cette expérience a été interrompue en 2003.
La proposition de loi que nous examinons ne constitue finalement qu'un nouvel effet d'annonce, un texte de circonstance à quelques mois de l'élection présidentielle.
Ce n'est pas cette nouvelle modification de l'ordonnance de 1945 qui palliera l'absence d'éducateurs en milieu ouvert prêts à intervenir dès le début de la déscolarisation ou des difficultés d'exercice de l'autorité parentale.
La meilleure prévention de la délinquance des mineurs reste l'intervention des services et des magistrats en assistance éducative, ce qui suppose de disposer des moyens nécessaires en personnels, en temps et en places disponibles dans des structures adaptées.
Pour toutes ces raisons, les députés communistes, républicains, citoyens et du parti de gauche voteront contre cette proposition de loi. Ils rejettent ce texte dans sa globalité, raison pour laquelle ils ont décidé de ne pas déposer d'amendements. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre de la justice, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi qui nous est soumise suscite, vous le savez, beaucoup d'intérêt, l'intérêt des parlementaires que nous sommes, l'intérêt des médias, mais, avant toute chose, l'intérêt de nos concitoyens.
En effet, nos concitoyens s'interrogent et s'inquiètent de l'augmentation de la délinquance, en particulier chez les mineurs. Ils s'inquiètent également d'une vague d'impunité qui semble régner à l'égard des mineurs délinquants.
Car si le taux de réponse pénale est important dans ce domaine, il faut aussi regarder le niveau et les délais d'application des peines prononcées par les juridictions compétentes. Cette question était d'ailleurs le sujet traité par le rapport de M. Ciotti qui a précédé le dépôt de cette proposition de loi.
Les parlementaires du groupe Nouveau Centre et apparentés regardent en tout premier lieu ces faits. Ils les étudient et constatent les problèmes qui se posent à notre justice en matière de gestion des mineurs délinquants. Ils refusent clairement les postures idéologiques que nous retrouvons trop souvent dans ces débats.
Notre collègue Yvan Lachaud a rendu il y a quelques mois un excellent rapport dans lequel il exprimait le constat largement répandu chez les professionnels que la justice des mineurs n'est pas suffisamment rapide, effective et lisible.
La création d'un service citoyen en établissement public d'insertion de la défense, EPIDE, que préconise la présente proposition de loi vise à permettre aux magistrats de disposer d'un outil supplémentaire pour combattre la délinquance des mineurs.
Il apparaît en effet que les magistrats en charge des mineurs appellent de leurs voeux la diversification des solutions de façon à répondre le plus fidèlement possible au profil et aux besoins des jeunes, afin que l'éducatif soit privilégié par rapport au répressif, comme l'impose l'ordonnance du 2 février 1945.
En ce sens, nous entendons la volonté de l'auteur de la proposition de loi de mettre en place ce service citoyen au sein des EPIDE, ainsi que les autres dispositions procédurales contenues dans cette proposition de loi, et ce d'autant plus que les formations de l'association Jeunes en équipe de travail de l'amiral Brac de la Perrière ont toujours bien fonctionné, même si l'on peut regretter qu'elles aient été abandonnées pour des raisons juridiques et du fait de leur coût élevé qui les a rendues difficiles à généraliser, sans parler des réserves exprimées à l'époque par les armées.
Depuis la suppression du service national, nous nous rendons compte qu'il manque quelque chose dans le lien entre l'armée et la nation…
…mais que, pour autant, les armées ne sont jamais restées insensibles à tout ce qui avait trait à l'accueil de jeunes en difficulté.
Il y a tout d'abord le SMA, le service militaire adapté, qui est une réussite exceptionnelle. J'ai eu l'occasion de visiter il y a quelques mois le régiment du service militaire adapté à Koumac, en Nouvelle-Calédonie, et j'ai pu me rendre compte de l'intérêt du travail mené, de la qualité des personnels et aussi de la satisfaction des jeunes en situation difficile qui en faisaient partie.
La défense joue aussi, à travers les collèges et les lycées militaires, un rôle de promotion en aidant des jeunes en situation sociale difficile qu'elle accueille dans des internats d'excellence un peu particuliers.
Je n'insiste pas sur le rôle de la légion, qui a toujours su accueillir et intégrer des jeunes, Français ou étrangers, ayant eu parfois un parcours chaotique.
Enfin, n'oublions pas que c'est au sein de la défense que l'on trouve certainement la plus grande promotion sociale. Ayons ainsi en mémoire le parcours exceptionnel du général Irastorza, qui était encore il y a quelques semaines chef d'état-major des armées. Rentré à la base comme simple militaire du rang, il a terminé chef d'état-major de l'armée de terre.
Nous avons cependant quelques interrogations qu'il nous semble utile de lever, et d'abord sur l'adhésion des personnels concernés par le dispositif.
En tant que centristes, nous attachons une importance particulière à l'implication des acteurs de terrain dans la définition et la mise en oeuvre des décisions politiques. Or les personnels des EPIDE semblent en majorité dubitatifs et inquiets face à cette proposition.
Il nous semble dangereux de susciter dans l'opinion publique des confusions sur le rôle des militaires dans notre société : leur rôle n'est pas de prendre en charge la délinquance des mineurs. Certes, les EPIDE ne sont pas gérés directement par les militaires, mais Défense deuxième chance, cela veut dire ce que cela veut dire. Les militaires ne sont pas préparés à encadrer de jeunes délinquants. Des formateurs aux capacités plus adaptées pourraient prendre en charge les mineurs délinquants.
La proposition de loi prévoit que ces centres devront désormais accueillir des mineurs délinquants contraints par une décision de justice. Cela risque de perturber les jeunes déjà présents au sein des EPIDE qui, eux, intègrent ces établissements sur la base du volontariat. Permettez-moi de faire une comparaison. Si, dans une classe d'une vingtaine d'élèves avec une minorité de bons élèves et une grosse majorité d'élèves en difficulté, vous mettez des élèves particulièrement perturbateurs, l'ensemble de la classe sera en situation d'échec. C'est la critique majeure que l'on peut faire à ce texte : le fait de mélanger des publics très différents, certains qui sont volontaires pour pouvoir s'en sortir et d'autres à qui l'on imposera une décision de justice. La proposition de loi risque de dénaturer la vocation initiale des EPIDE, qui repose sur le volontariat de jeunes en difficulté.
Actuellement, les EPIDE fonctionnent bien, notamment en matière de réinsertion par la formation professionnelle : 73 % des jeunes qui vont au bout du parcours sont insérés. La part des jeunes qui ont trouvé un travail six mois après leur sortie du dispositif, quelle que soit la nature de cette sortie, progresse de 7,20 % et, parallèlement, les entrées dans des cursus de formation augmentent de plus de trois points. Il existe des partenariats avec les entreprises pour l'insertion des jeunes. Or la proposition de loi ne prévoit pas d'insertion professionnelle pour les mineurs délinquants.
De plus, ces établissements sont confrontés à un manque de moyens : initialement créés pour accueillir jusqu'à 20 000 jeunes, ils n'en accueillent en réalité que 2000, soit dix fois moins que les chiffres annoncés. Il existe donc une inadéquation entre les objectifs énoncés et les moyens alloués, et cet effet d'annonce est particulièrement préjudiciable en ce domaine comme dans bien d'autres.
Dans son rapport fait au nom de la commission des lois, Éric Ciotti reconnaît qu'une clarification des méthodes de gestion des EPIDE doit être poursuivie. En 2010, le prix de la journée d'accueil en EPIDE était de 111,50 euros, soit un coût annuel de 40 750 euros. Le budget des EPIDE s'est élevé en 2010 à 85 millions d'euros. Enfin, 45 % des mineurs condamnés ont moins de seize ans. Or les dispositions de la proposition de loi ne concernent que les mineurs de plus de seize ans.
Par conséquent, nous profitons de ce débat pour formuler d'autres propositions en matière de traitement de la délinquance des mineurs.
L'État expérimente actuellement les propositions formulées par Yvan Lachaud dans son rapport.
Ainsi, afin de lutter contre le sentiment d'impunité que peuvent avoir certains jeunes délinquants, un nouveau type d'établissement sera créé prochainement dans le ressort de trois cours d'appel : les établissements de placement provisoire d'observation et d'orientation.
Des brigades de police spécialisées dans la prise en charge de mineurs délinquants seront mises en place, en coordination avec la protection judiciaire de la jeunesse et l'éducation nationale.
Le rapport d'Yvan Lachaud recommande également de créer une base de données personnalisées pour les mineurs.
L'on peut aussi parler des centres éducatifs fermés, qui sont une réponse adaptée à la situation des mineurs délinquants. Bref, plutôt que de privilégier un nouvel outil, il nous paraît essentiel de veiller à ce que nous puissions jouer sur l'ensemble des outils existants.
Le groupe Nouveau Centre souhaite également attirer l'attention sur la prise en compte de la récidive chez les mineurs : nombre de mineurs sont sanctionnés trop longtemps après avoir commis les faits qui leur sont reprochés, ce qui accroît les risques de récidive. Il conviendrait donc de se concentrer en priorité sur ce problème et sur les moyens à mettre en place pour assurer la rapidité de la justice des mineurs.
Enfin, nous appelons le Gouvernement à accroître les crédits dévolus à la justice des mineurs, car il faut savoir donner à la justice les moyens de faire appliquer ses décisions. Nous suggérons aussi le développement de politiques de prévention, qui permettraient de générer de grandes économies pour l'État.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si la délinquance dans sa globalité est en repli, celle qui concerne les agressions sur la voie publique commises par des mineurs est en forte progression.
Ces jeunes, en manque de repères, désocialisés, en échec scolaire, qui ont déjà commencé à avoir des démêlés avec la justice, quelquefois pour de simples petits larcins, doivent être repris en main, encadrés et restructurés. Le but, c'est bien sûr qu'ils ne récidivent pas et qu'ils évitent l'engrenage que nous connaissons trop bien et qui aboutit inéluctablement à la prison ou au centre éducatif fermé. Tout outil pouvant permettre d'éviter cette spirale infernale doit être privilégié et encouragé.
Le rapport que j'ai remis au Premier ministre en février dernier avait déjà fait un tel constat et, parmi une soixantaine de propositions que j'avais envisagées, il y avait celle d'ouvrir les EPIDE aux jeunes de seize à dix-huit ans. J'avais d'ailleurs obtenu l'accord des dirigeants.
Nous, maires de banlieue, côtoyons au quotidien cette réalité et c'est sur le terrain que nous puisons nos constats et nos propositions. Je salue donc, avec mes collègues UMP, cette proposition d'Éric Ciotti, qui connaît bien les problèmes de délinquance car il y est confronté comme nous dans son département, mais ce n'est qu'une pierre ajoutée à l'édifice bâti depuis 2007 par la première loi sur la prévention de la délinquance, déjà fondée sur un rapport de 2005 que j'avais remis à Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'intérieur.
La création du service citoyen pour les mineurs délinquants ne sera pas la solution miracle car une telle solution n'existe pas. C'est une option supplémentaire, un nouvel outil qui peut créer un électrochoc, dans un sens positif, pour que ces mineurs prennent conscience de l'avenir qu'ils ont à construire, de leurs capacités, et trouvent une issue sociale et professionnelle grâce à un accompagnement encadré et assorti d'une formation, qui leur inculquera des valeurs souvent ignorées telles que le respect de l'autre, les règles de vie en communauté, l'effort, la citoyenneté et déjà, ne serait-ce que cela, l'estime de soi.
Nous avons entendu les critiques de l'opposition, toujours aussi dogmatique, malheureusement, sur ces questions (Protestations sur les bancs du groupe SRC), et je regrette sincèrement qu'un sujet aussi crucial pour nos jeunes ne nous réunisse pas. Plusieurs centaines de mineurs seront concernés par ce dispositif, et je suis le premier à souhaiter qu'il puisse montrer son efficacité, calqué sur celui des majeurs, et surtout monter en puissance au fil des mois, après peut-être une phase d'expérimentation nécessaire pour l'affiner.
Pensez, mes chers collègues, à la valeur d'exemplarité de ces réussites dans nos quartiers sensibles. Il faut mettre fin à cette spirale qui fait qu'un jeune sortant de prison est perçu comme un caïd par les plus jeunes. Je veux croire que la réussite de certains de ceux qui seront passés par les EPIDE leur permettra de montrer aux plus jeunes que la seule voie possible est celle de la réussite sociale, professionnelle et familiale, et que celle de la délinquance a toujours été sans issue.
Les EPIDE, créés par Michèle Alliot-Marie alors ministre de la défense, dont le taux de réussite est de plus de 80 %, voire 100 % pour certains, est une chance inouïe dont nous ne devons pas priver ces jeunes, et il est logique de faire appel à ces structures qui ont fait la preuve de leur efficacité plutôt que d'essayer de mettre au point d'autres solutions illusoires.
Je crois aussi beaucoup à une notion essentielle de ce dispositif, qui est le volontariat. Sans volonté, sans acquiescement du jeune au projet pédagogique et professionnel, rien ne peut se faire. Les peines contraignantes, même si elles sont incontournables dans certains cas, n'ont pas la même portée que ces dispositifs qui, il faut le rappeler, sont fondés sur la durée et dont le fondement essentiel est l'adhésion du mineur et de sa famille.
D'ailleurs, si les EPIDE connaissent un tel taux de réussite, ce n'est pas un hasard. C'est certes le résultat d'un encadrement porteur de valeurs et structurant, mais c'est aussi le fruit de l'engagement du jeune, de son adhésion au projet et de sa volonté de s'en sortir. Car, contrairement à ce que l'on entend, les jeunes ne vivent pas cette mesure comme une sanction mais, au contraire, comme une main tendue pour les aider à s'extirper de cette spirale dévastatrice qu'est la délinquance. Je ne vois pas pourquoi les seize-dix-huit ans seraient privés de cette chance qui peut leur être donnée. Certains d'entre eux, d'ailleurs, n'ont jamais quitté leur cité et ont toujours subi la domination de petits caïds dans des bandes où ils ont été enrôlés et dont ils n'ont jamais pu sortir.
Certains prétendent que ce n'est pas la même population qui est accueillie aujourd'hui par les EPIDE. Qu'ils m'expliquent la différence qu'ils font entre un jeune majeur déstructuré, en manque de repères, et un mineur de dix-sept ans en recherche d'identité et primo-délinquant. La réalité, mes chers collègues, c'est que quel que soit leur âge, seize, dix-huit, vingt, vingt-deux, vingt-cinq ans, ces jeunes ont les mêmes problématiques et sont tous à la recherche d'une restructuration et d'un cadre pour se réinsérer.
Les équipes qui composent les EPIDE et qui sont, je le rappelle, composées d'anciens militaires et d'éducateurs spécialisés, ont tout autant l'expérience nécessaire pour encadrer et reconstruire un adolescent que pour encadrer un jeune qui vient d'avoir sa majorité. En fait, la différence est extrêmement mince. Alors, quand j'entends dire que des militaires ne seraient pas capables d'encadrer des jeunes de seize ans car ce n'est pas leur métier, laissez-moi vous dire qu'on se moque vraiment du monde !
J'ai visité plusieurs EPIDE, comme d'autres collègues, de toutes tendances, et pour avoir discuté avec ces jeunes et constaté par moi-même le mode de fonctionnement de ces établissements ainsi que l'ambiance qui y règne, je suis convaincu que les résultats nous étonneront.
Je salue également le Gouvernement, qui a entendu ceux d'entre nous qui avaient déposé des amendements relatifs à la durée du service citoyen, déclarés irrecevables au titre de l'article 40 de la Constitution. Tout le monde s'accorde à dire qu'une période de quatre mois est nettement insuffisante. Il est important de laisser le temps à ces jeunes de se reconstruire : une période de six mois à un an me semble beaucoup plus adaptée, avec également la possibilité de poursuivre la formation si elle n'est pas terminée. L'amendement du Gouvernement adopté en commission va dans ce sens, et nous nous en réjouissons.
Au groupe UMP, nous pensons que, sur ces questions éminemment sensibles qui touchent à l'avenir de notre pays puisque nous parlons d'une certaine frange de notre jeunesse, il faut sortir des postures dogmatiques, se montrer au contraire très pragmatique, coller à la réalité du terrain et à l'évolution de cette délinquance, et surtout proposer des solutions concrètes qui permettent à ces jeunes de se réinsérer. Aujourd'hui, le taux de réinsertion des délinquants est très faible. C'est la raison pour laquelle tout dispositif permettant de l'augmenter doit être pris en considération.
Dans tous les cas, mes chers collègues, je peux vous assurer qu'au groupe UMP nous n'hésiterons pas et soutiendrons fermement cette proposition de loi…
…qui va dans le sens du renforcement de la lutte contre la délinquance des mineurs mais aussi de la lutte contre le chômage des jeunes et pour leur insertion dans la vie active, si chères au Gouvernement et aux parlementaires que nous sommes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, chers collègues, avant d'en venir au fond, je tiens à dire que je n'ai toujours pas compris pourquoi nous étions là ce soir. À mon avis, il n'y a pas besoin de légiférer. Plusieurs solutions existaient ; vous l'avez d'ailleurs laissé entendre, monsieur le garde des sceaux. Il aurait été possible d'habiliter l'EPIDE et de passer une convention avec les centres.
Bien sûr que si !
Nous sommes nombreux ce soir et nous allons passer du temps, à mon avis inutilement, pour légiférer sur un texte qui ne le mérite pas.
J'insiste d'ailleurs sur la décision de la commission de la défense de voter contre ce texte, en rappelant que Mme Alliot-Marie, souvent citée à propos des EPIDE, était présente et s'est exprimée contre la proposition.
Tout d'abord, il n'y a pas d'élément sérieux qui vienne étayer ce que vous proposez. Aucune étude d'impact n'a été réalisée. Avant de proposer un nouveau texte, il aurait fallu vérifier les résultats de l'EPIDE – qui sont plutôt bons, cela a été dit, mais également ceux de l'ensemble des nombreux dispositifs à la disposition de la protection judiciaire de la jeunesse. Sur ce point, aucune évaluation !
La proposition était de ce fait désarticulée dès le début. Votre argumentation est que d'anciens militaires – non des militaires en fonction – peuvent apporter des réponses que ne peuvent fournir les actuels travailleurs sociaux ou acteurs du monde de la délinquance.
Puisque vous mobilisez à l'appui de votre raisonnement les vertus de la discipline militaire, permettez-moi de préciser une chose. La discipline militaire répond à des nécessités inhérentes au métier des armes, à l'usage du feu et aux exigences du commandement. Hors du régiment – les militaires le savent bien –, elle est inopérante. Mais vous préférez les caricatures : l'armée qui dresse les hommes à l'ombre du drapeau, au son du clairon. L'histoire a certes démontré que l'institution militaire pouvait venir au secours de jeunes en difficulté,…
…mais, en l'espèce, il s'agit d'un public très différent, et ce n'est pas l'armée, ce sont des militaires à la retraite qui prendront la responsabilité de favoriser leur réinsertion.
Vous méconnaissez donc le métier militaire et ce qui fait la spécificité des règles qui lui sont attachées, mais je crois pouvoir dire que vous méconnaissez aussi le milieu et le travail des éducateurs sociaux. Aucun ne croit au succès du dispositif que vous proposez, mais y croyez-vous vous-mêmes ? Les conditions d'exécution d'un contrat de service en EPIDE, celles que vous mentionnez dans votre rapport, monsieur le rapporteur, relèvent presque du miracle : le volontaire, muni d'un mandat de placement, dissimulera aux autres jeunes de sa promotion son statut de délinquant. Qui peut croire à cela ? De plus, quel juge décidera de placer en EPIDE un jeune pour lequel un ajournement de peine a été prononcé, sachant que la durée d'une césure ne peut dépasser six mois ? Ces incertitudes s'ajoutent à la confusion qui saisit aujourd'hui les travailleurs sociaux.
Enfin, l'inflation des structures ne saurait compenser la baisse continue des moyens budgétaires de la PJJ. Ce sont 400 postes qui ont été supprimés ces trois dernières années. ,Je n'oublie pas non plus que, dans le budget 2013, les montants consacrés aux EPIDE passeront de 85 à 80 millions d'euros.
Cette politique a des conséquences graves, la première d'entre elles étant le démantèlement du secteur associatif chargé de sa mise en oeuvre. Certes, la profession souhaite que la palette des interventions judiciaires soit la plus large possible – nous n'en disconvenons pas –, mais elle s'inquiète aussi du manque de recul qui caractérise votre attitude en matière de politique pénale depuis quelques années.
Du temps est nécessaire pour évaluer, juger et améliorer les mesures judiciaires. Avant de nous lancer dans de nouvelles expérimentations, ou plutôt dans de nouvelles aventures, penchons-nous sur le fonctionnement des établissements existants destinés aux mineurs, les centres éducatifs fermés, par exemple. C'est ce que nous devrions faire, c'est la responsabilité de l'État.
Ce texte va semer une fois de plus le trouble parmi les travailleurs sociaux, qui ne comprennent plus ce qu'on leur demande.
Nous avons appris récemment que le directeur de l'EPIDE a été remercié, du jour au lendemain, alors qu'il ne s'y attendait visiblement pas.
Pourquoi une telle mesure, qui ressemble beaucoup à une sanction ? Il ne paraît pas avoir démérité ; cela a été dit sur tous les bancs de cet hémicycle. J'aimerais, monsieur le garde des sceaux, une réponse sur ce point. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, l'examen de cette proposition de loi de notre excellent collègue Éric Ciotti confirme la cohérence de la politique pénale et de la politique de sécurité mises en oeuvre par notre majorité et le Gouvernement depuis 2002 et amplifiée depuis 2007 : pragmatisme et adaptation concrète de notre arsenal juridique aux évolutions toujours renouvelées d'une délinquance multiforme.
Ce texte complète utilement l'édifice patiemment construit depuis la création des centres éducatifs fermés en 2002, car si la délinquance générale n'a cessé de baisser, et considérablement, depuis cette date, la délinquance des mineurs a quant à elle continué de croître, même si c'est de manière moins accusée que par le passé : les mineurs représentent 18 % des mises en cause, part constante depuis 2004. Un délinquant de voie publique sur deux est un mineur.
Chacun sait que la précocité des premiers faits de délinquance est un facteur d'aggravation : 74 % des jeunes ayant commis un délit avant douze ans seront impliqués dans un acte grave par la suite.
En participant aux côtés d'Éric Ciotti à un groupe de travail sur l'épineuse question de l'exécution des peines – 82 000 peines de prison inexécutées, même si les choses se sont récemment améliorées –, j'ai pu vérifier, avec nos collègues, qu'une sanction efficace est une sanction prononcée dans un court délai après la commission de l'infraction et dont l'exécution est certaine. Cette conclusion s'applique au premier chef aux mineurs délinquants, afin de prévenir la récidive.
C'est dans cet esprit que la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance permet déjà d'apporter une réponse individualisée et rapide à chaque acte répréhensible. La loi élargit surtout la palette des mesures alternatives aux poursuites pénales, telles que les travaux d'intérêt général, l'orientation vers une structure scolaire adaptée, l'obligation faite aux parents de faire examiner leur enfant par un psychologue ou psychiatre, ou encore l'obligation faite au mineur d'exécuter une mesure d'activité de jour auprès d'un organisme habilité.
Mais il fallait aller plus loin en complétant la palette des structures existantes. L'instauration d'un service citoyen pour les mineurs délinquants de seize ans répond à la nécessité, rappelée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 10 mars 2011, de rechercher le relèvement éducatif et moral des enfants délinquants. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle la dénomination proposée par Éric Ciotti me semble tout à fait pertinente et adaptée, reflétant l'engagement attendu de ces jeunes.
Pour mettre en oeuvre ce service, il n'est pas besoin de créer les centres de discipline et de réinsertion préconisés par notre collègue Jean-Jacques Urvoas. Il suffit de tirer tout le parti de l'EPIDE, qui a justement pour mission d'assurer l'insertion sociale et professionnelle des jeunes en voie de marginalisation. Ces établissements n'accueillent-ils pas déjà des pensionnaires en voie de marginalisation ? Quelque 8 % d'entre eux ont été SDF, 39 % ont connu une garde à vue.
Si je peux comprendre les doutes ou les interrogations de nos collègues de la commission de la défense, l'idée est néanmoins d'exploiter un dispositif parvenu à maturité et qui fonctionne bien, en y incluant seulement entre un cinquième et un septième de mineurs délinquants. Même si l'idéal, exprimé par certains, serait que ce dispositif – qui est d'ailleurs, même avec une tonalité militaire, de nature civile – prenne place dans des structures spécifiques, il nous revient aussi de tenir compte du contexte budgétaire particulièrement contraint. C'est là une démarche éminemment responsable.
L'essentiel est bien que soient inculqués ou réinculqués à ces jeunes les principes élémentaires de la vie en société, en même temps que leur sera dispensée une remise à niveau scolaire. Qui plus est, la durée du contrat a été judicieusement portée à douze mois, un délai qui confère à cette mesure une consistance certaine et qui était souhaité par beaucoup.
La proposition de loi, mes chers collègues, met en oeuvre un dispositif particulièrement judicieux et innovant au service du mineur délinquant, avec le souci premier de le sortir de l'ornière dans laquelle une délinquance d'habitude ne pourrait que l'enfermer. Ce texte mérite donc d'être pleinement approuvé. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition dont nous discutons ce soir a pour objet unique d'instituer pour les mineurs un contrat de service en établissement d'insertion, et ce comme une modalité de la composition pénale ou de l'ajournement du prononcé de la peine, ou encore à titre d'obligation particulière dans le cadre d'un sursis avec mise à l'épreuve. Pratiquement, cela revient à proposer à un jeune délinquant de suivre une formation dispensée par un établissement public d'insertion de la défense.
À la lecture de l'examen des motifs, il apparaît dès la première page que la délinquance des mineurs est considérée comme un phénomène en expansion illimitée, dont le noyau dur serait lié à la structure ou plutôt à la déstructuration familiale, ce qui serait prouvé par un grand nombre d'études, ainsi qu'à la personnalité des jeunes et à la proximité d'une délinquance de quartier qui aboutirait à cette inflation. Je ne compte pas ici engager une discussion sur les raisons de la délinquance. Je me contenterai de deux observations à ce sujet.
D'une part, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, dans un récent rapport de février 2011fondé sur des statistiques européennes, note que la pauvreté vécue dans l'enfance est un facteur prédictif de difficultés scolaires, d'intégration sociale et d'acceptation des normes sociales. Ainsi que le disait un ministre de l'intérieur britannique, dont la phrase a été reprise par son premier ministre : « Il faut être dur avec la délinquance et avec les causes de la délinquance. »
D'autre part, plusieurs études au plan international montrent que plus les relations dans un pays sont inégales, plus les comportements violents, y compris ceux d'un individu vis-à-vis de ses proches, augmentent.
Sur le fond du dispositif, la proposition paraît peu utile.
En effet, l'article 10 de l'ordonnance de 1945 relative à l'enfance délinquante permet déjà le placement de mineurs dans des établissements ou dans des institutions d'éducation, de formation professionnelle ou de soins, de l'État ou d'une administration publique, habilités. De plus, la composition pénale prévoit d'ores et déjà comme modalité « le suivi de façon régulière d'une scolarité ou d'une formation professionnelle », et l'ajournement de peine permet « le placement dans un établissement public ou habilité à cet effet ». En outre, le sursis avec mise à l'épreuve comprend, parmi les obligations fixées à l'article 132-45 du code pénal, celle de suivre « une activité professionnelle ou un enseignement ou une formation professionnelle ». Enfin, je rappellerai que les juges des enfants ont utilisé dans le passé des dispositifs qu'on appelait « Jeunes en équipes de travail », organisés par l'armée dans le cadre de placements extérieurs, mais que cette coopération a cessé rapidement à l'initiative du ministère de la défense, qui souhaitait se recentrer sur ses missions essentielles.
Pour l'ensemble de ces raisons, il n'y avait donc pas lieu de créer un nouveau dispositif législatif, sinon pour tomber dans le travers de vouloir une loi pour avoir une loi de plus !
Concrètement le rôle de l'EPIDE aurait pu être confirmé par le biais de conventions signées entre le ministère de la justice et les autres ministères, et prévoyant les moyens nécessaires. Mais nous abordons là un point sensible, à savoir les moyens alloués à la justice. Car la question de fond est en fait celle de l'adéquation des moyens alloués au fonctionnement des centres EPIDE pour que ceux-ci disposent de l'encadrement adapté à leurs missions. Il y aurait donc eu lieu de s'interroger sur les moyens budgétaires qui pourraient être mobilisés. Lors d'une audition, le responsable d'un des ministères de tutelle de l'EPIDE a indiqué ne pas disposer des moyens nécessaires aux missions et aux activités actuelles de l'établissement. Il a même dit que celui-ci manquait de moyens financiers pour boucler son budget. J'aurais aimé que notre assemblée s'inquiète de la situation de l'EPIDE et demande qu'il fasse l'objet d'une évaluation par la Cour des comptes, juridiction indépendante…
…pouvant émettre un avis sur le niveau des financements au regard des besoins existants et à venir. Il est vrai que la proposition de loi prend le soin de faire financer le recours à ce nouveau dispositif, pourtant existant dans la loi pénale actuelle, mais par une taxe additionnelle, c'est-à-dire par un impôt nouveau, ce qui ne me paraît pas de bonne gestion.
Force est donc de constater que nous sommes amenés à discuter d'une proposition qui se veut un acte spectaculaire, mais qui n'est pas exemplaire.
Je vais vous dire ce que j'entends dans les quartiers populaires confrontés à une délinquance de proximité, larvée ou de plein jour : les gens en ont assez des promesses de tranquillité ; ce qu'ils veulent, c'est une action résolue, quotidienne et dissuasive, et non des mots sans moyens derrière et surtout sans effets concrets.
C'est pourquoi je m'oppose à ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le garde des sceaux, lors de la discussion générale du projet de loi relatif à la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale des mineurs, le 22 juin dernier, je concluais en disant : « Nous avons tous des exemples de jeunes qui ont basculé dans la délinquance, dans les trafics en tous genres par désoeuvrement, par manque de perspective d'avenir, par facilité aussi ! Des structures pour leur venir en aide existent, telles que les écoles de la deuxième chance, les EPIDE, les engagements en service civique ou les engagements volontaires dans les structures militaires adaptées. Elles permettent d'ouvrir à ces jeunes de nouveaux horizons avec d'excellents taux de réussite. Mais ces structures ne doivent être utilisées qu'à titre préventif, et surtout pas comme une sanction au risque de dénaturer complètement le sens de ces dispositifs. »
Eh bien, malheureusement, nous y sommes ! Oui, la délinquance des mineurs progresse, à la fois en nombre mais aussi en pourcentage par rapport à l'ensemble des délits qui, eux, sont orientés à la baisse. Les raisons en sont multiples, vous le savez, et ont souvent pour origine la démission des parents dans l'acte éducatif, le décrochage scolaire, la fréquentation de bandes, l'impression d'impunité des jeunes par rapport à la justice. J'avais cité le cas d'un policier qui m'avait dit avoir arrêté quatorze fois le même jeune ! Eh bien, quatorze fois, c'est treize fois de trop !
Ce qu'il faut, c'est avant tout faire de la prévention,…
…c'est accompagner les parents qui ont des difficultés avec leurs enfants, surtout à l'adolescence ; il faut arrêter de se tromper dans l'orientation des jeunes et leur donner une perspective d'avenir ; il faut intervenir avant que le jeune ne commette un acte délictueux.
Et là, les EPIDE, les écoles de la deuxième chance, les écoles des parents trouvent toute leur place. J'étais ces jours-ci à Strasbourg, où une convention de partenariat a été signée dans la région Alsace entre les collectivités territoriales et l'État pour apporter des solutions à 5 535 jeunes décrocheurs. Voilà la bonne méthode ! Il faut travailler en amont de la délinquance mais, quand il y a passage à l'acte, puis jugement devant un tribunal et condamnation, il faut alors qu'il y ait sanction. Et si, comme le propose ce texte, vous mettez des jeunes délinquants condamnés à des peines de prison, souvent des multirécidivistes, dans les mêmes structures, avec le même statut, que d'autres jeunes qui, eux, viennent dans ces établissements de manière volontaire pour s'en sortir après un parcours personnel difficile et au prix d'efforts importants, vous allez perdre sur les deux tableaux.
En effet, les jeunes en situation de remise à niveau vont voir leur image brouillée par la présence de jeunes délinquants condamnés à des peines de prison.
Les jeunes délinquants accueillis dans ces centres seront tous bien entendu volontaires puisque, en plus, ils toucheront un pécule ! En outre, l'idée qu'ils pourront rester dans le même établissement avec deux statuts différents est étrange. Ils pourront être prisonniers en sursis, puis volontaires en réinsertion. Quelle différence ? Quand auront-ils conscience qu'ils ont à payer une dette à la société pour avoir commis un méfait ?
Monsieur le rapporteur, dans l'exposé des motifs, vous écrivez : « Entre la prison et la rue, il n'y a pas suffisamment d'alternatives. » Alors, justement, créons les structures qui manquent, mais ne détériorons pas celles qui existent et qui fonctionnent bien.
De plus, la confusion des mots qu'entraîne la dénomination « service citoyen » est dramatique pour les services qui existent déjà, tel le service civique.
C'est l'objet de mes amendements de repli – j'allais dire de mes amendements désespérés –…
Ne soyez pas excessive ! Votre désespoir ne se voit guère !
…que vous accepterez, j'espère.
Par ailleurs, comment allez-vous résoudre le problème particulier que posera le fait d'accueillir dans les mêmes établissements des jeunes délinquants de seize à dix-huit ans et des jeunes volontaires de seize à vingt-cinq ans tels que ceux actuellement reçus en EPIDE ?
Membre de la commission de la défense, ce qui ne vous aura pas échappé, je veux vous mettre en garde sur l'idée d'utiliser l'armée ou l'image militaire pour « mater les fortes têtes ». S'il faut plus qu'ailleurs de la discipline dans l'action militaire, il en faut également partout, à commencer par l'école, le sport, et tout simplement dans la vie courante. Les militaires sont des hommes et des femmes engagés pour notre sécurité au service de la paix. Ce sont des professionnels des armes, pas des éducateurs à gros bras. Pour l'encadrement des jeunes délinquants, quelle que soit l'issue qui sera réservée à cette proposition de loi, je propose de recruter et de former de véritables éducateurs, comme ceux des centres éducatifs fermés ou des EPIDE et non pas, comme on le voit parfois, des Gentils Organisateurs nostalgiques de mai 68.
En conclusion, je souhaite que les décrets d'application de cette loi, que je trouve très maladroite dans sa rédaction, tiennent compte de mes préconisations, et qu'une évaluation soit faite au bout d'un an afin de réajuster éventuellement le dispositif. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je me félicite grandement de l'hommage qui a été rendu plusieurs fois à Victor Hugo, dont les mânes ont dû d'ailleurs vibrer en écoutant M. Bénisti dire que le Gouvernement va ouvrir des écoles pour fermer des prisons, et cela alors que vous vous apprêtez, messieurs de la majorité, à voter un budget de l'éducation nationale qui supprimera 14 000 postes supplémentaires. Il y a là une première supercherie.
Votre dispositif, monsieur le rapporteur, beaucoup avant moi l'ont démontré, sera totalement inefficace : d'abord parce qu'il ne concerne au mieux que 500 mineurs délinquants alors que l'on en compte 60 000 ; ensuite, parce qu'il ne touche pas les jeunes de moins de seize ans alors que nous savons très bien qu'il faut s'occuper de cette délinquance-là si l'on veut avoir une véritable politique de prévention.
Si ce n'était un sujet grave, on pourrait sourire à cette nouvelle supercherie, car qu'avez-vous fait depuis cinq ans, messieurs de la majorité, pour lutter contre la délinquance des mineurs ? Nous sommes en fin de mandat, faisons un bilan : suppression massive de postes de la PJJ, suppression également de tous les mécanismes qui permettaient à la fois la prévention et la nécessaire sanction immédiate quand celle-ci était prononcée.
Je vais vous donner un exemple, que Mme Hostalier connaît certainement : celui de Lille. Nous avions mis en place, avec le procureur de l'époque, des délégués du procureur qui avaient les moyens de faire leur travail, c'est-à-dire de faire appliquer immédiatement des sanctions équilibrées et mesurées par rapport aux délits commis, et donc de faire prendre conscience aux intéressés de la nécessité d'une sanction justifiée par la faute commise. Voilà une mesure certainement beaucoup plus efficace qu'un pseudo-encadrement par des militaires à la retraite. Le nombre de ces délégués est tel aujourd'hui qu'ils ne peuvent plus accomplir leur travail. Qu'en avez-vous fait ? Il y en a de moins en moins. Quant à ceux qui exercent encore, ils ont tant de cas à traiter qu'ils n'arrivent pas à en venir à bout et à suivre personnellement des garçons et des filles qui pourtant le méritent.
Qu'avez-vous fait des associations qui créent le lien social dans les quartiers et qui permettent de mener une véritable politique de prévention de la délinquance ?
Enfin, vous avez dit, les uns et les autres, que la délinquance des mineurs venait d'abord de l'échec scolaire, de la déscolarisation, du décrochage scolaire, Or, monsieur Ciotti, nous avons ici même, il y a quelques mois, discuté assez longuement et sérieusement d'une proposition de loi sur le décrochage scolaire, défendue par le groupe socialiste. Il y était justement question des moyens, en particulier du tutorat et de l'accompagnement personnalisé, non pas de celui – inexistant en réalité – dont parle M. le ministre de l'éducation nationale, mais d'une véritable politique d'accompagnement personnalisé, apportant une réponse au moment même où se déclenche le décrochage scolaire et donnant ainsi la possibilité de fermer dès le départ aux mineurs la voie de la délinquance.
Quelle a été votre réaction à cette proposition de loi ? Le refus. Votre seule réponse a consisté à punir les parents qui n'arrivent plus à venir à bout de l'absentéisme de leurs enfants et à les traîner éventuellement devant les tribunaux, ce que tout le monde s'accorde à trouver inefficace et stupide,…
…à commencer par les associations de parents d'élèves et les magistrats.
Monsieur le rapporteur, beaucoup a été dit sur votre proposition de loi floue et bâclée, d'ailleurs rejetée par la commission de la défense. Votre objectif est clair : il s'agit de faire un texte de circonstance et électoraliste –vous êtes hélas un spécialiste du genre – pour essayer de mobiliser la partie la plus droitière de votre électorat.
Nous voterons contre cette nouvelle supercherie. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'aimerais qu'un jour les membres du groupe socialiste m'expliquent ce que peut être un texte qui ne soit pas de circonstance, qui ne soit pas lié à certains constats.
Nous en débattrons à un autre moment, mais la formule me semble un peu bizarre.
Cette proposition de loi visant à instaurer un service citoyen pour les mineurs délinquants ne crée nullement un encadrement militaire, contrairement à ce qui a pu être dit. Il est primordial de le souligner et d'insister sur les objectifs premiers de ce texte : redonner le sens du civisme, de la citoyenneté, renforcer les liens entre notre jeunesse et notre armée.
Ce texte tend à diversifier la réponse pénale pour les mineurs primo-délinquants ou ayant commis des actes de faible gravité, en leur proposant de soumettre à une discipline stricte mais valorisante, inspirée il est vrai de la rigueur militaire, afin de rompre avec le cycle de la délinquance. Il ne crée donc pas un nouvel encadrement militaire, mais il s'appuie sur ce qui existe déjà : les EPIDE. C'est sur ce point que je voudrais d'abord apporter quelques précisions.
Il me paraît primordial de préciser la spécificité du dispositif proposé car il existe d'autres mesures proches, telles que le travail d'intérêt général ou les centres de placement immédiat. La gestion des CPI est effectuée soit directement par la protection judiciaire de la jeunesse, service du ministère de la justice, soit déléguée à des associations qui n'ont aucun outil de rétorsion vis-à-vis de jeunes particulièrement difficiles. Cela engendre inévitablement des désordres et des dysfonctionnements. Les juges, les éducateurs et les diverses institutions risquent de s'y perdre.
Aussi, est-il important de se préoccuper de questions autres qu'organisationnelles ou administratives, mais tout aussi importantes, à savoir les questions financières. S'il est effectivement souhaitable, chers collègues socialistes, de s'interroger sur le coût des places en EPIDE qui vont être créées, il faut comparer ce coût avec celui, pour la société, d'un jeune qui ne se réinsérer pas. Il y a là un vrai calcul à faire, et sur la durée.
Au-delà de ces quelques précisions qui doivent absolument être apportées, je souhaiterais, en ma qualité de secrétaire national de l'UMP à la citoyenneté, insister sur le bien fondé de ce texte.
Le dispositif proposé par Éric Ciotti vise, j'y insiste, à transmette à ces jeunes en rupture des notions quelque peu oubliées : la citoyenneté, le respect des règles collectives et de l'autorité, le sens de l'effort et la récompense du mérite. Cette formation civique sera utilement complétée par une mise à niveau scolaire ou par des actions au profit de la collectivité.
Dans ce dispositif, c'est l'aspect curatif qui est mis en exergue. Or il est aussi primordial, en parallèle et en complément, d'insister sur l'aspect préventif.
Sachant que le premier cercle de construction d'un jeune en devenir est la cellule familiale, c'est au sein même de sa famille qu'un enfant acquiert les bases de son éducation et de sa socialisation. Aussi faut-il absolument travailler sur cet aspect en redonnant un sens à la cellule familiale et en responsabilisant les parents.
Certaines évolutions de la société ont un impact certain sur les structures et fondements tant familiaux qu'éducatifs. On compte ainsi beaucoup de familles monoparentales où les femmes se retrouvent seules et sont souvent débordées par leurs enfants. Ceux-ci n'ont plus de points de repère ni de valeurs républicaines et morales – qui ne leur ont d'ailleurs pas toujours été inculquées. Il est fondamental de prendre cet aspect en considération et de traiter le problème à la base, si l'on peut dire, en axant les moyens sur les familles.
Il nous faut retrouver les valeurs et les bases fortes d'une société républicaine structurée autour de réels concepts, de théories non pas seulement historiques mais bien concrètes et adaptées aux évolutions de notre société.
À cet égard, en notre qualité de députés, nous devrions un jour prochain nous pencher sur la révision globale de l'ordonnance de février 1945, car il est paradoxal que, soixante-six ans après, la justice de notre jeunesse soit régie par une ordonnance trente-sept fois modifiée et non par une loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l'avis défavorable qui a été émis la semaine dernière par la commission de la défense montre à quel point ses membres, qu'ils soient de droite ou de gauche, sont opposés à un texte qu'ils jugent, dans leur majorité, non abouti et manquant de maturité.
Vous n'avez pas tiré les leçons du passé. Le dispositif des « Jeunes en équipes de travail », les JET, créé en 1986 et qui ressemble à celui que vous nous proposez aujourd'hui, était censé lui aussi accueillir des mineurs et des adultes bénéficiant d'une mesure de placement. Le constat dressé à l'époque par l'amiral Girard était sans appel : « Notre taux de réussite est faible », disait-il. Un rapport du Sénat était allé dans le même sens, soulignant les très grandes difficultés à réinsérer ces populations. Il faut rendre grâce, au passage, à Michèle Alliot-Marie d'avoir eu la bonne idée de supprimer les JET en 2003.
Qui plus est, vous nous soumettez une idée déjà lancée en 2007 par Ségolène Royal et qui lui avait valu, à l'époque, les sarcasmes du ministre de l'intérieur, un certain Nicolas Sarkozy. Celui-ci n'avait pu s'empêcher de fustiger sa proposition en ces termes : « Si l'avenir des jeunes, c'est d'être pris en main par des militaires, pourquoi pas ? Mais je ne le pense pas. » Le dispositif est un peu différent, direz-vous.
Sur le fond, j'ai été frappé par les lacunes flagrantes de cette proposition de loi qui mélange allègrement les genres, pèche par l'incertitude de son financement et qui, finalement, souligne cette fâcheuse habitude prise par le gouvernement Fillon de réagir au coup par coup, en fonction de l'actualité et non d'un jugement posé, d'une vue à long terme du traitement de la délinquance des mineurs.
L'institution d'un service citoyen pour les mineurs délinquants constitue un douteux mélange des genres. Tout d'abord, l'expression « service citoyen » est particulièrement ambiguë en raison du rapprochement qu'elle établit avec le service militaire, alors qu'aucun militaire n'est employé dans les EPIDE.
La Défense n'a d'ailleurs rien à voir avec la réinsertion des mineurs délinquants. Si les militaires ont l'habitude de former des jeunes, c'est une autre mission que de prendre en charge des mineurs délinquants, et on peut d'ailleurs se demander si c'est leur rôle. Je me permets de vous rappeler au passage que les fameux « bat d'Af » ont été supprimés depuis bien des lustres.
En fait, vous tentez de faire converger vers un même type d'établissement deux catégories bien différentes de publics : les uns sont volontaires et s'inscrivent dans un parcours de réinsertion ; les autres sont encouragés à y adhérer par une décision de justice. Cela pose une nouvelle fois la question des capacités professionnelles des formateurs et doit nous rappeler le vieux principe « à chacun son métier ».
On peut également s'inquiéter des conséquences d'un tel projet sur le fonctionnement actuel des EPIDE car, comme le soulignait le président Guy Tessier lors de la réunion de la commission de la défense du 27 septembre, c'est bien français que de vouloir faire assumer d'autres missions à quelque chose qui marche et finit immanquablement par devenir médiocre. La réaction de Michèle Alliot-Marie est tout aussi révélatrice, et c'est pourtant elle qui a créé les EPIDE.
Outre le mélange des genres, on constate que des incertitudes planent sur le financement de cette mesure. Alors que votre gouvernement ferme les robinets du budget, il serait prêt, ici, à investir des sommes très importantes. La pirouette de l'article 5, qui renvoie à la taxe sur le tabac pour le financement, ne doit pas masquer le manque de préparation de ce texte qui ne dit pas réellement combien de mineurs seront pris en charge, donc combien cela va coûter et comment vous allez le financer.
Ce dispositif est donc finalement une fausse bonne idée, même s'il part d'un principe a priori louable, celui de donner une seconde chance à des mineurs délinquants. Il souffre en définitive d'un mélange des genres entre des publics par trop différents, mais aussi d'une absence de moyens financiers clairement définis.
Tout compte fait, la meilleure solution, la plus sage, me semble être celle d'une remise à plat totale de ce texte, afin de conduire une étude d'impact sérieuse et digne de ce nom, qui dresserait un bilan des besoins humains et financiers que requiert un tel projet.
Pour conclure, monsieur le garde des sceaux, je vous reposerai la question de Patricia Adam : pourquoi le contrat du directeur de l'EPIDE n'est-il pas renouvelé malgré ce que vous avez qualifié d'excellents résultats ? Enfin, est-il exact qu'un CDD de deux mois lui serait aujourd'hui proposé ? Je vous remercie de me répondre.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le choix de l'établissement public d'insertion de la défense pour l'accueil de mineurs délinquants pose problème, comme l'ont souligné nombre d'entre nous, toutes sensibilités confondues, lors de l'examen de ce texte par la commission de la défense nationale et des forces armées.
En effet, l'EPIDE propose à des jeunes, identifiés comme en voie de marginalisation sociale, de rejoindre, sur la base du volontariat, l'un de ses centres afin d'y suivre un cursus conjuguant apprentissage de la vie en collectivité, maîtrise des fondamentaux scolaires et formation professionnelle, et débouchant le cas échéant sur un apprentissage ou un premier emploi. Mais ces centres reçoivent uniquement de jeunes volontaires pour l'insertion qui ne sont pas ou plus sous le coup d'une décision de justice, tout simplement parce que la démarche de réinsertion d'un délinquant est de nature très différente et fait appel à des compétences que n'ont pas les personnels de l'EPIDE, notamment les anciens militaires, les armées n'accueillant pas ces publics. Devoir réinsérer des mineurs délinquants ajouterait encore à la difficulté, dès lors qu'ils devraient être intégrés à des structures initialement conçues pour le seul accueil de jeunes majeurs en mal d'insertion sociale et professionnelle. Ce serait de nature à déstabiliser le fonctionnement déjà fragile des centres.
Si l'EPIDE a effectivement, comme vous l'indiquez monsieur le rapporteur, la possibilité, depuis la loi du 24 novembre 2009, d'accueillir des mineurs de plus de seize ans, il ne l'a pas fait jusqu'à ce jour, faute de personnels formés, faute de l'ingénierie indispensable au lien avec les familles pour l'exercice de l'autorité parentale, mais également faute de locaux adaptés.
Une autre démarche aurait été de s'inspirer de « défense deuxième chance » pour bâtir un dispositif réservé aux mineurs délinquants, mobilisant, en sus des acteurs déjà présents dans l'EPIDE, des professionnels de la protection judiciaire de la jeunesse possédant les compétences requises.
Cette démarche aurait pu s'enrichir aussi de l'expérience de l'association « jeunes en équipe de travail » qui accueillait, jusqu'en 2002, de jeunes délinquants encadrés par des militaires d'active.
Bien entendu, resterait à traiter la question des moyens tant financiers qu'humains, qu'il s'agisse de la protection judiciaire de la jeunesse, parent pauvre d'un ministère de la justice sous-doté, comme de l'EPIDE, qui doit lui-même composer, depuis sa création, avec des crédits destinés aux contrats aidés, des crédits de l'aide au logement et des crédits du FSE. Au-delà de la question immobilière, cette difficulté explique que l'EPIDE, qui devait accueillir 20 000 jeunes à plein régime, en 2008, n'en accueille aujourd'hui guère plus de 2 000 dans ses vingt centres ouverts et peine à monter en puissance.
Voilà pourquoi nous sommes convenus en commission de la défense, encore une fois toutes sensibilités confondues, que ce texte n'était pas recevable en l'état et devait à tout le moins être retravaillé au fond, tant sur l'analyse des publics que sur les solutions coordonnées à mettre en oeuvre pour leur prise en charge.
Vous ne pouvez, monsieur le rapporteur, disqualifier cette position en affirmant, comme vous venez de le faire dans l'édition de ce jour de la revue L'Hémicycle, qu'elle aurait été prise par une commission mal informée. Et ce ne sont pas les dernières informations, qui évoquent une réduction des moyens de l'EPIDE et le non-renouvellement du contrat de son directeur, qui sont susceptibles d'infléchir notre premier jugement. Elles ne peuvent que renforcer nos interrogations au moment où vous vous apprêtez à charger un peu plus la barque. Car, s'agissant de l'avenir de notre jeunesse, notamment de jeunes en rupture, on ne saurait se satisfaire de textes de circonstance et de bricolages en tous genres, dans un positionnement partisan qui n'échappe à personne, alors que nous sommes tous attendus sur le traitement de la difficulté, pour être en capacité de faire durablement société. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Franchement, il fallait le faire ! Vous avez mis dix ans à découvrir qu'il y avait quelque chose qui marchait bien, les EPIDE, et vous venez, monsieur le ministre, nous présenter ce texte en fin de législature avec ce bon air patelin qui est le vôtre, en nous disant que c'est un petit dispositif complémentaire, une idée que vous avez eue comme ça : insérer 200 mineurs dans les EPIDE, pourquoi s'énerver ? Évidemment, vous essayez de nous dire que tout cela va dans le bon sens, et même que c'est se rapprocher du bon sens populaire. Franchement, pour qui nous prenez-vous ? Vous arrivez en fin de législature avec ce texte-là, et vous allez nous faire croire que c'est simplement un complément ? Soyons sérieux !
Tout cela a été concocté ailleurs. Tout cela n'est tout simplement qu'une manoeuvre électorale. Il faut le dire tel quel ! Pourquoi ? La vérité, c'est que les socialistes sont dans le temps des primaires et que M. Ciotti, dont on sait la proximité avec le Président de la République, s'est dit qu'en proposant ce petit texte au moment des primaires socialistes, sur cette question-là, en évoquant ce qui avait fait débat en 2007, le fameux encadrement militaire des mineurs, il serait peut-être possible de jouer sur les contradictions au sein du parti socialiste. Finalement, ce n'est qu'une petite manoeuvre politicienne, et c'est cela qui est insupportable.
Franchement, si vous vouliez concevoir un dispositif pour les mineurs délinquants, si vous vouliez renforcer un encadrement nouveau, vous pouviez le faire en 2007, en 2008, en 2009, en 2010. Vous êtes les champions, depuis 2002, de la lutte contre l'insécurité, de la lutte contre la montée de la violence ! Vous avez multiplié les dispositifs juridiques. Personne ne peut donc croire, malgré cet air patelin que vous arborez, qu'il ne s'agit que d'un petit complément à un dispositif existant. Voilà la vérité !
Plus grave encore, vous êtes en train d'installer une termite à l'intérieur de ce dispositif dont vous découvrez, au bout de dix ans, qu'il marche.
Pourquoi donc ? Les EPIDE, monsieur Ciotti, que vous êtes allé visiter en dernière minute, c'est un dispositif particulier pour des jeunes en situation d'échec scolaire. La pédagogie des encadrants est donc adaptée à ces jeunes en situation d'échec scolaire, qui sont volontaires pour s'en sortir.
Là, les jeunes que vous allez y mettre ne seront pas volontaires, et on sait ce qui va se passer. Le juge va indiquer au jeune délinquant quels sont les dispositifs en place, et celui-ci préfèrera évidemment l'EPIDE à une autre peine ! Il ira donc en EPIDE, mais non pas avec l'idée de s'en sortir, mais avec l'idée d'échapper à autre chose, à un autre établissement où l'encadrement des jeunes n'est pas de même nature. C'est en cela que vous allez mettre une termite dans les EPIDE. L'encadrant aura face à lui des jeunes totalement volontaires et qui veulent s'en sortir, et un autre jeune, déjà en état de délinquance, alors que la pédagogie n'est pas la même pour tous. C'est en ce sens que vous allez fragiliser un dispositif qui marchait bien jusqu'à maintenant.
Et puis, franchement, la manière dont la question de la délinquance des mineurs a été traitée par votre majorité tout au long de ces années est totalement à côté de la plaque ! Vous avez pu brocarder Noël Mamère, mais lui a évoqué le véritable dispositif qui reste à construire, ce que vous vous êtes refusé à faire, car cela demandait une véritable volonté politique, des moyens, du sérieux : les internats éducatifs renforcés, pour des mineurs de douze à seize ans. Faute de cette volonté, vous n'avez rien fait !
Dans ma circonscription, j'aimerais bien avoir des internats éducatifs renforcés. Dans les communes, nous savons qu'un certain nombre de jeunes sont en situation d'échec scolaire dès la sortie de l'école primaire, et qu'il ne faudrait pas les laisser poursuivre dans les collèges d'enseignement secondaire : ils y sont relégués, avant de devenir de futurs délinquants. Hélas, nous n'avons pas ces internats éducatifs renforcés, nous ne prenons pas ces jeunes en charge !
Au dernier moment, vous vous êtes donc dit qu'une petite manoeuvre politicienne était toujours bonne à prendre. Et par ailleurs, qu'est-ce que cela permettra ? Cela permettra au candidat que vous appelez de vos voeux de prétendre sur les plateaux de télévision avoir fait quelque chose pour les mineurs délinquants. La réalité, qui sera bientôt sanctionnée, c'est que, sur cette question, vous avez fait fausse route ! Dès le départ, vous vous êtes trompés de diagnostic ! Dès le départ, vous êtes partis sur une logique de tout-carcéral et de tout-répressif, et vous avez tourné le dos à ce que doit être une politique intelligente : une politique intelligente marche sur ses deux pieds, mieux prévenir et mieux punir. Vous n'avez vu que la punition, et, au dernier moment, vous dites qu'il faut faire quand même un peu de prévention.
Eh bien, nous allons voter contre votre texte, avec l'espoir qu'il ne sera même pas appliqué, car vous n'aurez pas le temps de le mettre en oeuvre, et une autre majorité construira de vraies solutions pour notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
La discussion générale est close.
La parole est à M. le garde des sceaux.
Je ne suis pas sûr de devoir répondre, puisque ceux qui sont hostiles au texte le sont, on l'a bien vu, pour des raisons étrangères à son contenu. M. Dray vient de le montrer excellemment ; il s'est exprimé avec le talent qui est le sien, mais il nous a parlé d'autre chose.
Il faut parfois vous allonger sur un divan pour faire parler votre inconscient !
Sur un divan avec vous ? J'y renonce tout de suite ! (Sourires.)
S'agissant de la justice pénale des mineurs, il faut – je l'ai déjà dit – être très attentif. Un mineur, chacun le sait, est un être en formation, et l'investissement que doit faire la société pour celui qui a manqué aux règles consiste en une réparation, en une reconstruction. La sanction doit toujours être seconde par rapport à l'éducation et à la formation. Nous pouvons tous nous accorder sur ce point.
Il faut donc que le juge dispose d'une multiplicité de réponses possibles. Nous parlons de faits relevant du droit pénal, il ne s'agit pas forcément de gentillesses. Une infraction pénale a été commise, elle est l'objet d'une sanction pénale, adaptée à l'âge et à la personnalité du jeune. C'est cela même, dans notre République, qui fonde la justice pénale des mineurs.
Le juge pourra, dans le cadre d'une composition pénale ou d'une condamnation avec sursis, décider, si le jeune l'accepte, d'un placement en EPIDE. Pourquoi faut-il une loi ? C'est qu'il s'agit d'une peine, et le principe de l'incrimination légale est un principe général de notre droit. C'est pour cela qu'il faut recourir à un processus législatif.
L'EPIDE est-il ou non un bon instrument ? À l'évidence oui, puisqu'on l'a déjà choisi pour accueillir de jeunes mineurs qui ont commis des infractions pénales et ont purgé leur peine. Deux cents jeunes sont déjà concernés. Une convention a été signée entre le ministère de la justice – en janvier 2010, ce n'est donc pas moi qui l'ai signée – et l'EPIDE. Par conséquent, le dispositif existe déjà à un stade post-pénal.
La proposition de M. Ciotti est de permettre au juge d'utiliser l'EPIDE comme réponse pénale directe, et je crois que c'est une très bonne initiative.
Combien de jeunes seront concernés ? Deux cents ou plus ? Deux cents dès 2012, et le dispositif pourra monter en puissance après l'année 2012.
En effet, monsieur Urvoas, nous n'avons pas fixé un chiffre ne varietur. Nous avons simplement ouvert la possibilité d'accueillir deux cents jeunes en EPIDE.
Doit-on renoncer à mettre ce nouvel outil à la disposition des magistrats spécialisés de la justice des mineurs ? Je n'ai rien entendu, dans l'ensemble des interventions, qui me pousserait à dire qu'on ne peut pas recourir à l'EPIDE. Tout montre au contraire que l'on peut et doit utiliser l'EPIDE, qui offre de bonnes réponses. Il n'y a pas que d'anciens militaires dans l'EPIDE, il y a aussi des éducateurs, des enseignants et des formateurs professionnels. C'est cet ensemble qui doit être mis à contribution, à la fois pour accueillir le jeune dans le cadre de la sanction, et pour le reconstruire et l'aider à se former, à s'insérer. Cela marche déjà. Pourquoi y renoncer ?
Les intervenants qui ont soutenu la proposition de M. Ciotti, comme M. Bénisti et M. Goujon, ont bien su montrer le caractère complémentaire qu'elle revêt. Ce qu'il nous faut, en matière de justice pénale des mineurs, c'est offrir au magistrat le plus grand nombre de possibilités et le laisser choisir. C'est pour cela que la proposition de M. Ciotti est une bonne proposition. Nous allons commencer avec deux cents jeunes, et le dispositif montera en puissance.
Des expériences ont été conduites dans le passé et les EPIDE sont riches d'un savoir-faire. Doit-on s'en priver ? Non. Cela mettra-t-il en péril les EPIDE ? Bien sûr que non, monsieur Folliot ! Je crois que vous vous trompez complètement.
Mon département loue un immeuble à l'EPIDE. Je connais donc assez bien le fonctionnement des centres. Ce sont de beaux établissements, ils marchent plutôt bien, ils obtiennent de bons résultats et, honnêtement, les jeunes qui s'y trouvent, très souvent, ont déjà un passé de délinquants.
Il y a un vrai savoir-faire, une vraie prise en charge. Ce n'est donc pas de l'amateurisme,…
…et la proposition de M. Ciotti est une proposition sérieuse qui, sans traiter toute la délinquance des mineurs, offre une réponse efficace, claire, qui permettra au mineur de se reconstruire.
Bien sûr que si, monsieur Folliot ! Allez donc voir comment ces centres fonctionnent.
Ce qui est triste dans votre démarche, c'est que vous opposez deux types de mesures, alors que l'on a besoin des deux. Sinon, nous ne le ferions pas. L'expérience et la vie vous montreront que vous vous êtes trompé. Alors, vous viendrez soutenir M. Ciotti.
J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.
Aujourd'hui, de nombreux éléments indispensables à la vie en société, comme le respect de l'autorité ou le respect d'autrui, manquent à une partie de notre jeunesse. Il lui manque également des qualités indispensables à l'insertion professionnelle et sociale, comme l'esprit citoyen et le goût de l'effort.
Chez les mineurs, nous observons une augmentation considérable de la délinquance, en particulier des voies de fait. Cette situation n'est pas acceptable. Nous devons adopter des mesures fermes pour y répondre.
La délinquance juvénile évolue. Nous devons, nous aussi, innover et nous adapter. C'est la raison pour laquelle je soutiens cette proposition de loi. Le mineur délinquant de 2011 n'a rien à voir avec celui de 1945.
Les centres éducatifs fermés créés par la loi du 9 septembre 2002 ont permis d'apporter une réponse pour certains jeunes récidivistes. Ces centres très critiqués par l'opposition obtiennent aujourd'hui une juste reconnaissance.
Il s'agit maintenant de créer un dispositif complémentaire pour aider les jeunes primo-délinquants à revenir sur le droit chemin. Ainsi, face à une population de mineurs délinquants, en manque de repères, auxquels les éléments fondamentaux de la vie en société n'ont pas été inculqués avec succès, les valeurs civiques, morales, militaires pour certaines, peuvent constituer un apport décisif pour les remettre sur la voie de l'insertion.
C'est pour tirer le parti de cet apport de valeurs fondamentales que la proposition de loi crée une nouvelle mesure que les juridictions pénales pourront proposer à un mineur primo-délinquant : l'exécution, sur décision judiciaire, d'un contrat de service en établissement public d'insertion de la défense. Je précise que ce contrat est basé sur le volontariat.
L'article 1er complète la liste des mesures pouvant être proposées à un mineur de plus de seize ans auteur d'une infraction pénale, dans le cadre de la procédure de composition pénale.
Pour ceux qui s'inquiètent du mélange des genres entre les primo-délinquants mineurs et les jeunes volontaires réunis dans les mêmes centres, je signale que la mixité a du bon et que nous devrons seulement être vigilants sur le dosage et les conditions intangibles de cette cohabitation.
Je suis de ceux qui croient aux valeurs éducatives fortes permettant une prise de conscience nécessaire si l'on veut assurer un avenir à ces jeunes mineurs primo-délinquants. Les centres EPIDE seront pour eux une planche de salut, une nouvelle chance.
Mesdames et messieurs de la gauche, vous parlez de texte de circonstance. Les jeunes, les victimes, la société d'une manière générale, n'ont certainement pas le même avis que vous. Si les socialistes, comme vous l'avez dit, monsieur Dray, sont dans les primaires, nous sommes, nous, dans la réalité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Je suis saisi d'un amendement n° 6 .
La parole est à M. Dominique Raimbourg.
J'ai écouté avec attention l'orateur qui m'a précédé et je n'arrive pas à comprendre comment on peut articuler ce dispositif avec un discours sur la fermeté générale, sur la montée de la délinquance et de l'incivisme.
Ce dispositif est mineur : il est fait pour des délinquants relevant de la composition pénale, c'est-à-dire, précisément, des délinquants de bonne composition, qui accepteront une peine. L'habillage et le produit sont en décalage complet. Le produit que vous voulez nous vendre ou nous faire voter est extrêmement léger. Je dirais même – et c'est beaucoup vous concéder – qu'il peut être éventuellement intéressant. Mais il est sans aucun rapport avec le discours général qui le justifie.
Nous ne sommes pas tombés de la dernière pluie ! Ce texte bien léger exploite l'ambiguïté qui se cache derrière le sujet. On nous dit qu'il n'a jamais été question d'encadrement militaire des jeunes délinquants ; en réalité, il n'a été question que de cela. Aujourd'hui, on nous propose un petit dispositif qui a des défauts. Il n'a pas été expérimenté, on ne sait pas s'il fonctionnera bien, s'il ne mettra pas à mal les EPIDE en eux-mêmes.
Il y a un tel hiatus entre le discours et le dispositif – cela vaut pour la composition pénale mais aussi, aux articles suivants, pour l'ajournement et le sursis – que nous vous demandons de voter cet amendement de suppression de l'article 1er.
J'émettrai un avis défavorable sur cet amendement.
Nous recommençons le débat que nous avons eu à l'occasion des motions et de la discussion générale. Il est inutile d'en rajouter. Quelque mots cependant.
Monsieur Raimbourg, en présentant cet amendement et ceux qui concernent l'ajournement de la peine et le sursis avec mise à l'épreuve, vous voulez détricoter le texte et le rendre totalement inopérant. Vous en supprimez l'objet même, qui en fait la nécessité. Comment vous suivre ?
Contrairement à ce que vous avez déclaré, madame Adam, il est utile de légiférer pour donner aux magistrats cette nouvelle palette d'outils. Il est nécessaire de légiférer pour introduire dans la loi le cadre du consentement. Malgré ce que vous avez dit, l'obligation législative est réelle.
Comme dans votre motion, monsieur Raimbourg, vos critiques sont plutôt « de circonstance » : je vous renvoie la formule. Vous vous opposez parce que vous voulez toujours, systématiquement, être en opposition avec la majorité. Néanmoins, vous relevez les qualités potentielles de ce dispositif.
Faut-il aller plus loin ? Nous le souhaitons tous, mais il faut bien commencer et, aujourd'hui, nous pouvons le faire avec ce dispositif concret.
J'ajoute une précision. Vous avez évoqué la composition pénale, qui est l'objet de l'article 1er. Mais le sursis avec mise à l'épreuve peut sanctionner des délits beaucoup plus graves. Il n'y a pas un quantum de peine mais il s'applique à des peines de prison. Il n'est donc pas prononcé pour des faits mineurs, contrairement à ce qui a été dit, mais peut concerner des faits graves et toucher le noyau dur de la délinquance des mineurs que nous voulons éradiquer.
(L'amendement n° 6 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 1 .
La parole est à Mme Françoise Hostalier.
La défense de cet amendement vaudra pour l'ensemble de ceux que j'ai présentés, car ils ont le même objet à chacun des articles.
Je propose de rebaptiser le « contrat de service » en le nommant « contrat d'éducation citoyenne ».
La dénomination actuelle peut être source de confusion avec le service civique en raison de la proximité des mots. Or le service civique est un engagement généreux de jeunes de moins de vingt-cinq ans qui consacrent six mois ou plus de leur vie au service de la société.
Pourquoi l'appellation « contrat d'éducation citoyenne ».
« Contrat », parce qu'il s'agit d'un engagement du jeune et d'un engagement de la société à l'égard du jeune.
« Éducation », parce que le but est d'apporter une éducation au jeune. C'est bien souvent cette lacune qui l'a amené sur une mauvaise voie.
« Citoyenne », pour affirmer les valeurs citoyennes et républicaines indispensables à la réinsertion du jeune dans la société.
La commission des lois a émis un avis défavorable sur cet amendement et sur ceux, de même nature, que Mme Hostalier a indiqué défendre en même temps.
Nous proposons un « contrat de service d'insertion en établissement de la défense ». Ce nom nous paraît pertinent. Il contient la notion contractuelle que vous souhaitez faire apparaître, ainsi que celle de service. Dans le Petit Robert, la définition du mot « service » renvoie à une obligation. Celui qui est entré dans ce dispositif – certes avec son consentement recueilli par le magistrat –, aura une obligation de servir.
Je tiens à conserver le terme « service ». Il est porteur de valeurs, d'engagement et de symboles. Il n'y a pas de confusion, madame Hostalier, avec le service civique. Lorsque j'ai rédigé mon rapport sur l'exécution des peines, j'ai eu une conversation sur cette question avec Martin Hirsch. J'en ai conclu qu'il fallait nuancer mes propositions pour ne pas mélanger le service civique avec le service citoyen. Ce sont deux notions assez différentes.
Vous parlez de citoyenneté et de contrat. Ces termes sont inscrits dans l'appellation proposée par le texte. Il me semble préférable de conserver ce nom. Pour moi, comme pour beaucoup de Français, le sens du service est important. C'est un message fort que l'on adresse à la société et à la jeunesse.
Le Gouvernement soutient le rapporteur, qui est aussi l'auteur de la proposition de loi, et souhaite que l'amendement ne soit pas adopté.
Cet amendement semble assez bien fondé. Valeur pour valeur, service ou éducation citoyenne, les mots sont porteurs l'un et l'autre de valeurs…
Par ailleurs, ne pas se référer à un service permet d'éviter toute ambiguïté et donne à cette mesure plus de sens, d'autant qu'il s'agit d'une mesure à laquelle le mineur a consenti. Cela permet de distinguer plus nettement la nature de ce dispositif.
(L'amendement n° 1 n'est pas adopté.)
(L'article 1er est adopté.)
Je me suis inscrit sur l'article 2 afin de pouvoir m'exprimer une fois que le débat a été bien engagé et que nous connaissons la position de l'opposition, qui s'est montrée relativement acharnée contre cette proposition de loi.
Elle s'appuie principalement sur deux arguments que je considère comme spécieux, voire pleins d'a priori.
Le premier consiste à dire que nous détricotons l'ordonnance de 1945 et que nous actionnons une fois de plus le bâton, puisque nous ne savons faire que cela.
Or, M. le garde des sceaux l'a répété à l'envi, ce texte nous donne au contraire l'occasion d'élargir l'éventail des mesures de substitution mis à la disposition des magistrats et surtout d'éviter que ces jeunes ne soient des enfants, au sens étymologique du terme, et qu'ils ne soient jetés en prison.
Par ailleurs, ce dispositif permet de proposer à ces jeunes un encadrement structuré assez particulier, où des règles collectives sont enseignées et où un complément d'instruction est donné. Cet élément est très important pour notre réflexion.
Le deuxième argument de l'opposition consiste à dire qu'en mettant de jeunes délinquants dans un EPIDE, on risque d'en corrompre le fonctionnement. Autrement dit, si, dans un panier de fruits, il y a un fruit corrompu, il contaminera ceux qui le touchent. Mais ce qui est vrai pour les fruits ne l'est pas forcément pour les enfants ! Je dirai même : « Et si c'était l'inverse », comme l'a suggéré Jean-Claude Bouchet.
Le poison est dans la dose. Tout est dans la proportion, en l'occurrence un pour dix –soit 200 mineurs délinquants pour 2 000 jeunes dans la situation actuelle.
Un jeune qui doit rejoindre un centre de ce type, mélangé à une dizaine de volontaires qui ont choisi d'y aller, a toutes les chances de s'amender. Je le répète, tout dépend du dosage.
J'ai été extrêmement surpris par les propos de M. Dray. Selon lui, le juge n'opte pour le placement en EPIDE qu'après négociation avec le jeune ; autrement dit, c'est le jeune qui décide. Or, jusqu'à preuve du contraire, c'est au juge de décider en fonction du sujet qui est face à lui. Ce n'est pas une négociation qui conduit à cette décision. Cela me semble évident.
Enfin, l'outil proposé doit soigner mais surtout guérir. Il faut faire confiance à la chaîne de décision entre les magistrats, la protection judiciaire de la jeunesse et les cadres de l'EPIDE, pour diriger les jeunes dans la bonne direction.
Pour ces raisons, chers collègues, votre opposition très dure à ce texte me semble hors de propos. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme George Pau-Langevin, pour soutenir l'amendement n° 7 .
Nous proposons de supprimer l'article 2 car vous n'y tenez pas compte de ce qui constitue la mission de l'EPIDE.
Les membres de la commission qui se sont rendus en visite dans un tel établissement sont bien conscients qu'on peut y trouver un certain nombre de jeunes qui ont flirté avec la délinquance, qui ont parfois dealé et qui ne sont donc pas des enfants de choeur. Mais, jusqu'à ce jour, on n'a pas voulu mettre cet aspect en évidence et on les admet dans les EPIDE sans tenir compte du fait qu'ils ont parfois été en coquetterie avec la règle.
Or, vous voulez précisément mettre en évidence le fait que certains jeunes iront dans ces établissements parce qu'ils ont été délinquants. Il me semble que ce ne sera pas efficace puisque, d'ores et déjà, les magistrats peuvent parfaitement placer en EPIDE des jeunes en coquetterie avec la loi. De surcroît, vous risquez de la sorte de changer le regard que l'on porte sur ces établissements : alors qu'ils sont pour l'instant principalement utilisés pour des jeunes en difficulté scolaire, vous allez en donner l'image d'établissements destinés à redresser les délinquants. Ainsi, même si l'on parvient à un dosage – d'ailleurs difficile – entre délinquants et jeunes simplement en difficulté scolaire, tous ceux qui se trouveront dans ces établissements seront perçus par tout un chacun comme des délinquants.
Cette mesure n'est pas utile et elle rendra même un mauvais service aux jeunes qui sont aujourd'hui dans les EPIDE à titre volontaire, qui n'ont pas toujours été absolument blanc-bleu mais qui ont, je le crois, le droit que l'on ne fasse pas mention d'éventuels écarts de conduite. Je ne vois absolument pas ce qu'elle apporte pour satisfaire notre ambition commune qui est de donner des solutions à des jeunes en difficulté puisqu'il est parfaitement possible, sans l'inscrire expressément dans la loi, de placer en EPIDE des jeunes qui ont flirté avec la délinquance.
(L'amendement n° 7 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
La parole est à Mme Françoise Hostalier pour présenter l'amendement n° 2 .
Je l'ai déjà défendu.
(L'amendement n° 2 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
(L'article 2 est adopté.)
La parole est à M. Dominique Raimbourg, pour soutenir l'amendement n° 8 .
Je ferai les mêmes observations que précédemment. En matière de sursis avec mise à l'épreuve, le juge a déjà la possibilité d'imposer directement à l'intéressé de fréquenter un EPIDE, et cela sans qu'il soit nécessaire de légiférer puisqu'il lui est toujours possible de mettre en place une obligation.
(L'amendement n° 8 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
La parole est à M. Dominique Raimbourg, pour défendre l'amendement n° 9 .
Il est défendu.
(L'amendement n° 9 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
L'amendement n° de Mme Hostalier a également été défendu.
(L'amendement n° 4 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
(L'article 4 est adopté.)
Nous avons achevé l'examen des articles de la proposition de loi.
Je rappelle que la Conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble de la proposition de loi auraint lieu le mercredi 12 octobre, après le débat préalable au Conseil européen.
Prochaine séance, jeudi 6 octobre 2011 à neuf heures trente :
Proposition de loi visant à interdire l'exploration et l'exploitation des hydrocarbures non conventionnels et à abroger les permis exclusifs de recherche ;
Proposition de loi pour une urbanité réussie ;
Proposition de loi tendant à prohiber la différence de taux de sucre dans les produits vendus dans les régions d'outre-mer ;
Proposition de loi visant à prohiber le bisphénol A dans les conditionnements alimentaires ;
Proposition de loi instaurant une épreuve de « formation aux premiers secours » pour les candidats au brevet des collèges.
La séance est levée.
(La séance est levée, le jeudi 6 octobre, à zéro heure cinquante.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Nicolas Véron