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Intervention de Marietta Karamanli

Réunion du 5 octobre 2011 à 21h30
Service citoyen pour les mineurs délinquants — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarietta Karamanli :

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition dont nous discutons ce soir a pour objet unique d'instituer pour les mineurs un contrat de service en établissement d'insertion, et ce comme une modalité de la composition pénale ou de l'ajournement du prononcé de la peine, ou encore à titre d'obligation particulière dans le cadre d'un sursis avec mise à l'épreuve. Pratiquement, cela revient à proposer à un jeune délinquant de suivre une formation dispensée par un établissement public d'insertion de la défense.

À la lecture de l'examen des motifs, il apparaît dès la première page que la délinquance des mineurs est considérée comme un phénomène en expansion illimitée, dont le noyau dur serait lié à la structure ou plutôt à la déstructuration familiale, ce qui serait prouvé par un grand nombre d'études, ainsi qu'à la personnalité des jeunes et à la proximité d'une délinquance de quartier qui aboutirait à cette inflation. Je ne compte pas ici engager une discussion sur les raisons de la délinquance. Je me contenterai de deux observations à ce sujet.

D'une part, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, dans un récent rapport de février 2011fondé sur des statistiques européennes, note que la pauvreté vécue dans l'enfance est un facteur prédictif de difficultés scolaires, d'intégration sociale et d'acceptation des normes sociales. Ainsi que le disait un ministre de l'intérieur britannique, dont la phrase a été reprise par son premier ministre : « Il faut être dur avec la délinquance et avec les causes de la délinquance. »

D'autre part, plusieurs études au plan international montrent que plus les relations dans un pays sont inégales, plus les comportements violents, y compris ceux d'un individu vis-à-vis de ses proches, augmentent.

Sur le fond du dispositif, la proposition paraît peu utile.

En effet, l'article 10 de l'ordonnance de 1945 relative à l'enfance délinquante permet déjà le placement de mineurs dans des établissements ou dans des institutions d'éducation, de formation professionnelle ou de soins, de l'État ou d'une administration publique, habilités. De plus, la composition pénale prévoit d'ores et déjà comme modalité « le suivi de façon régulière d'une scolarité ou d'une formation professionnelle », et l'ajournement de peine permet « le placement dans un établissement public ou habilité à cet effet ». En outre, le sursis avec mise à l'épreuve comprend, parmi les obligations fixées à l'article 132-45 du code pénal, celle de suivre « une activité professionnelle ou un enseignement ou une formation professionnelle ». Enfin, je rappellerai que les juges des enfants ont utilisé dans le passé des dispositifs qu'on appelait « Jeunes en équipes de travail », organisés par l'armée dans le cadre de placements extérieurs, mais que cette coopération a cessé rapidement à l'initiative du ministère de la défense, qui souhaitait se recentrer sur ses missions essentielles.

Pour l'ensemble de ces raisons, il n'y avait donc pas lieu de créer un nouveau dispositif législatif, sinon pour tomber dans le travers de vouloir une loi pour avoir une loi de plus !

Concrètement le rôle de l'EPIDE aurait pu être confirmé par le biais de conventions signées entre le ministère de la justice et les autres ministères, et prévoyant les moyens nécessaires. Mais nous abordons là un point sensible, à savoir les moyens alloués à la justice. Car la question de fond est en fait celle de l'adéquation des moyens alloués au fonctionnement des centres EPIDE pour que ceux-ci disposent de l'encadrement adapté à leurs missions. Il y aurait donc eu lieu de s'interroger sur les moyens budgétaires qui pourraient être mobilisés. Lors d'une audition, le responsable d'un des ministères de tutelle de l'EPIDE a indiqué ne pas disposer des moyens nécessaires aux missions et aux activités actuelles de l'établissement. Il a même dit que celui-ci manquait de moyens financiers pour boucler son budget. J'aurais aimé que notre assemblée s'inquiète de la situation de l'EPIDE et demande qu'il fasse l'objet d'une évaluation par la Cour des comptes, juridiction indépendante…

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