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Intervention de Daniel Boisserie

Réunion du 5 octobre 2011 à 21h30
Service citoyen pour les mineurs délinquants — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDaniel Boisserie :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l'avis défavorable qui a été émis la semaine dernière par la commission de la défense montre à quel point ses membres, qu'ils soient de droite ou de gauche, sont opposés à un texte qu'ils jugent, dans leur majorité, non abouti et manquant de maturité.

Vous n'avez pas tiré les leçons du passé. Le dispositif des « Jeunes en équipes de travail », les JET, créé en 1986 et qui ressemble à celui que vous nous proposez aujourd'hui, était censé lui aussi accueillir des mineurs et des adultes bénéficiant d'une mesure de placement. Le constat dressé à l'époque par l'amiral Girard était sans appel : « Notre taux de réussite est faible », disait-il. Un rapport du Sénat était allé dans le même sens, soulignant les très grandes difficultés à réinsérer ces populations. Il faut rendre grâce, au passage, à Michèle Alliot-Marie d'avoir eu la bonne idée de supprimer les JET en 2003.

Qui plus est, vous nous soumettez une idée déjà lancée en 2007 par Ségolène Royal et qui lui avait valu, à l'époque, les sarcasmes du ministre de l'intérieur, un certain Nicolas Sarkozy. Celui-ci n'avait pu s'empêcher de fustiger sa proposition en ces termes : « Si l'avenir des jeunes, c'est d'être pris en main par des militaires, pourquoi pas ? Mais je ne le pense pas. » Le dispositif est un peu différent, direz-vous.

Sur le fond, j'ai été frappé par les lacunes flagrantes de cette proposition de loi qui mélange allègrement les genres, pèche par l'incertitude de son financement et qui, finalement, souligne cette fâcheuse habitude prise par le gouvernement Fillon de réagir au coup par coup, en fonction de l'actualité et non d'un jugement posé, d'une vue à long terme du traitement de la délinquance des mineurs.

L'institution d'un service citoyen pour les mineurs délinquants constitue un douteux mélange des genres. Tout d'abord, l'expression « service citoyen » est particulièrement ambiguë en raison du rapprochement qu'elle établit avec le service militaire, alors qu'aucun militaire n'est employé dans les EPIDE.

La Défense n'a d'ailleurs rien à voir avec la réinsertion des mineurs délinquants. Si les militaires ont l'habitude de former des jeunes, c'est une autre mission que de prendre en charge des mineurs délinquants, et on peut d'ailleurs se demander si c'est leur rôle. Je me permets de vous rappeler au passage que les fameux « bat d'Af » ont été supprimés depuis bien des lustres.

En fait, vous tentez de faire converger vers un même type d'établissement deux catégories bien différentes de publics : les uns sont volontaires et s'inscrivent dans un parcours de réinsertion ; les autres sont encouragés à y adhérer par une décision de justice. Cela pose une nouvelle fois la question des capacités professionnelles des formateurs et doit nous rappeler le vieux principe « à chacun son métier ».

On peut également s'inquiéter des conséquences d'un tel projet sur le fonctionnement actuel des EPIDE car, comme le soulignait le président Guy Tessier lors de la réunion de la commission de la défense du 27 septembre, c'est bien français que de vouloir faire assumer d'autres missions à quelque chose qui marche et finit immanquablement par devenir médiocre. La réaction de Michèle Alliot-Marie est tout aussi révélatrice, et c'est pourtant elle qui a créé les EPIDE.

Outre le mélange des genres, on constate que des incertitudes planent sur le financement de cette mesure. Alors que votre gouvernement ferme les robinets du budget, il serait prêt, ici, à investir des sommes très importantes. La pirouette de l'article 5, qui renvoie à la taxe sur le tabac pour le financement, ne doit pas masquer le manque de préparation de ce texte qui ne dit pas réellement combien de mineurs seront pris en charge, donc combien cela va coûter et comment vous allez le financer.

Ce dispositif est donc finalement une fausse bonne idée, même s'il part d'un principe a priori louable, celui de donner une seconde chance à des mineurs délinquants. Il souffre en définitive d'un mélange des genres entre des publics par trop différents, mais aussi d'une absence de moyens financiers clairement définis.

Tout compte fait, la meilleure solution, la plus sage, me semble être celle d'une remise à plat totale de ce texte, afin de conduire une étude d'impact sérieuse et digne de ce nom, qui dresserait un bilan des besoins humains et financiers que requiert un tel projet.

Pour conclure, monsieur le garde des sceaux, je vous reposerai la question de Patricia Adam : pourquoi le contrat du directeur de l'EPIDE n'est-il pas renouvelé malgré ce que vous avez qualifié d'excellents résultats ? Enfin, est-il exact qu'un CDD de deux mois lui serait aujourd'hui proposé ? Je vous remercie de me répondre.

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