Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, notre politique pénale pour les mineurs est un mixte – pour utiliser un terme peut-être vulgaire, mais moderne – qui combine la nécessité de sanctionner et celle de construire, ou de reconstruire, le jeune afin de pouvoir le réinsérer dans la vie normale. Ces deux aspects doivent en effet être liés pour éviter qu'il ne récidive. C'est la raison pour laquelle la dimension éducative de la peine est primordiale, lorsqu'il s'agit de mineurs. Ainsi que l'a rappelé le Président de la République dans son discours du 13 septembre dernier à Réau, en Seine-et-Marne, pour les mineurs délinquants, « la sanction ne doit pas être seulement rapide et ferme, elle doit aussi permettre de réapprendre les valeurs essentielles qui fondent la vie en société ». C'est pourquoi il a affirmé son soutien et celui du Gouvernement à la proposition de loi d'Éric Ciotti, dont l'Assemblée nationale débat ce soir.
L'objectif qui, j'en suis sûr, nous rassemblera tous est que ces jeunes trouvent leur voie et que le premier acte de délinquance qu'ils commettent reste un acte isolé dans leur parcours. Nul ne comprendrait que nous nous privions d'une mesure qui leur permette de s'en sortir : tel est l'esprit de la proposition de loi qui vous est soumise aujourd'hui. Je me félicite qu'en instaurant un service citoyen pour les mineurs délinquants, ce texte ouvre un nouveau mode de prise en charge des mineurs primo-délinquants, avec un contrat de service citoyen qui sera exécuté au sein des centres de l'Établissement public pour l'insertion de la défense, l'EPIDE.
Je tiens à saluer l'initiative et le travail d'Éric Ciotti, qui avait émis cette proposition dans le cadre d'une mission que lui avait confiée le Président de la République. Certains, on l'a vu, lui dénieront peut-être la paternité de cette idée. Pour ma part, je ne pourrai que me réjouir de cet état de fait si cela est de nature à favoriser, au sein de cette assemblée, un consensus sur le bien-fondé du texte.
En effet, monsieur le rapporteur, vous proposez une réponse innovante qui vient compléter la palette dont dispose le juge, en instaurant ce service citoyen pour les mineurs âgés de seize ans au moins, ayant commis des faits qui, sans être très graves, sont sérieux. Ces jeunes, pour lesquels ni le placement en centre éducatif fermé ni l'incarcération ne sont une réponse adaptée, ont néanmoins besoin d'être encadrés strictement.
La citoyenneté est au coeur de la proposition de loi.
Monsieur Ciotti, vous insistez clairement et à juste titre sur la notion de citoyenneté, de contrat citoyen, d'engagement citoyen. Il est certain que ces jeunes doivent apprendre à être des citoyens et à respecter les règles de la vie en commun. Les trois objectifs du contrat de service citoyen, tels que vous les avez définis en lien étroit avec le Gouvernement et en vous fondant sur l'expérience de l'EPIDE, sont les suivants : tout d'abord, une mise à niveau en français, orthographe et mathématiques, qui sont les fondamentaux scolaires, par un enseignement adapté aux besoins de chaque élève ; ensuite, une formation civique et comportementale conjuguant heures de cours et mise en application pratique quotidienne ; enfin, une pré-formation professionnelle en concertation avec les employeurs et les structures existant localement, devant favoriser l'embauche dans des secteurs d'emploi qui recrutent.
Grâce à ces enseignements et à ces nouvelles habitudes de vie, les mineurs pourront se construire un avenir serein. La discipline, la pratique quotidienne d'une activité physique, la participation à des tâches collectives sont autant d'activités qui contribueront à redonner à ces jeunes le cadre qui leur fait défaut, à modifier leur comportement et, surtout, à rompre avec le cercle de la délinquance.
Reste à préciser les contours du dispositif.
Le contrat de service en EPIDE, tel que le prévoit la proposition de loi, pourra être prononcé par le magistrat au titre de la composition pénale, dans le cadre d'un ajournement de peine ou comme obligation d'un sursis mise à l'épreuve. Cette mesure ne s'adressera qu'à des mineurs âgés de plus de seize ans et ayant exprimé leur consentement – cela me paraît important – à suivre une telle mesure. Le volontariat est au coeur du dispositif, car la réinsertion est d'autant plus efficace qu'elle s'inscrit dans une démarche d'adhésion de l'intéressé. La motivation, la volonté de s'en sortir sont évidemment déterminantes pour le succès de cette mesure.
J'entends les inquiétudes qui ont pu s'exprimer sur le recours à l'EPIDE pour ces mineurs délinquants, mais je suis convaincu que ces établissements répondent aux objectifs poursuivis par le texte. L'EPIDE a en effet, depuis sa création en 2005 – et il faut rendre hommage à ses concepteurs –, une double mission d'insertion sociale et professionnelle et de prévention de la délinquance. En outre, les personnels de ces centres ont à la fois l'expertise et l'expérience de l'encadrement et de l'accompagnement de jeunes en difficulté, marginalisés. Ces personnels, aux compétences reconnues, ont développé un savoir-faire et des méthodes pédagogiques qui, contrairement à ce qu'ont pu dire certains, sont parfaitement adaptés à ces mineurs. Pour bien connaître l'EPIDE qui est implanté dans mon département, je puis attester qu'il rend de grands services et témoigner de l'excellence du savoir-faire des encadrants qui y travaillent.
À ceux qui relèvent que les militaires ne sont pas faits pour encadrer les mineurs délinquants, je veux rappeler que l'EPIDE n'est pas une structure militaire, mais bien une structure civile, qui s'inspire certes du modèle militaire, mais aussi des méthodes des travailleurs sociaux. C'est précisément la complémentarité entre les enseignants et les anciens militaires, qui composent ensemble le personnel des centres EPIDE, ainsi que les partenariats avec le monde de l'entreprise qui font la force du dispositif et toute sa pertinence pour les mineurs délinquants visés par la proposition de loi.
Le travail de grande qualité mené en amont de ce texte entre les services de l'EPIDE et le ministère de la justice le démontre : ces centres offrent un cadre particulièrement adéquat à l'insertion sociale et professionnelle de ces jeunes. L'EPIDE est d'ailleurs prêt à les accueillir et à les former, et il participe très activement à la définition du cahier des charges de ces nouvelles missions. Je tiens à l'en remercier vivement au nom du Gouvernement dans son ensemble, puisque plusieurs ministères – outre celui de la justice, ceux de la défense, de l'emploi et de la ville – y travaillent avec lui.
J'ajoute que l'EPIDE et la protection judiciaire de la jeunesse travaillent déjà ensemble à la réinsertion de jeunes qui, ayant purgé leur peine, souhaitent s'engager dans un projet de formation professionnelle. Une convention de partenariat a été conclue en ce sens entre l'EPIDE et la PJJ en janvier 2010 ; je n'étais pas ministre de la justice à cette date, mais j'approuve cette collaboration.
Nous devons comprendre qu'en élargissant le public de l'EPIDE, comme le prévoit la proposition de loi qui nous est présentée, nous ne dévoierons pas le dispositif existant ni ne fragiliserons les centres EPIDE, mais nous prolongerons leur mission, pour mener le plus en amont possible l'action de réinsertion.
Pourquoi ne pas nous appuyer sur ces établissements qui ont déjà fait la preuve de leur efficacité ? L'EPIDE, par la qualité de ses personnels et de ses programmes, est une chance pour ces jeunes : une chance d'acquérir des fondamentaux scolaires et de construire un projet pour une insertion professionnelle durable. Le manque de formation, les retards scolaires, voire la déscolarisation que connaissent très souvent ces jeunes sont d'importants freins à la réinsertion. Les jeunes seront intégrés au public actuel de ces centres EPIDE et représenteront environ 10 % de ce public. Il est en effet important que ces mineurs désorientés, qui, certes, ont franchi la ligne rouge en commettant une infraction, ne soient pas stigmatisés ni ostracisés. Je suis convaincu des vertus de leur intégration dans les centres EPIDE tels qu'ils existent, aux côtés des jeunes majeurs volontaires, car ces derniers auront un effet d'entraînement sur les plus jeunes. Les mineurs bénéficieront du même traitement que les jeunes majeurs accueillis dans les centres pour les activités collectives, mais ils effectueront également, dans le cadre d'un programme individualisé, un travail sur l'acte de délinquance qui a été commis.
Le service citoyen que propose cette proposition de loi suppose bien évidemment de renforcer le dispositif existant de l'EPIDE et d'abonder ses moyens afin de créer progressivement de nouvelles places dédiées. Ainsi, dès février 2012, les trois centres de Bourges, de Belfort et de Val-de-Reuil pourront accueillir les premiers mineurs concernés. Les personnels d'encadrement bénéficieront à cet effet d'une formation spécifique, pour permettre une prise en charge rapide et efficace de ces nouveaux publics. D'ici à juin 2012, quinze centres pourront accueillir des mineurs délinquants.
Bien sûr, pour être véritablement efficace, le placement en centre EPIDE doit s'inscrire dans la durée : l'apprentissage des règles, la construction d'un projet, la formation sont un cheminement qui nécessite du temps. C'est pourquoi, convaincu par les arguments du rapporteur et de MM. Jean-Paul Garraud et Jacques Alain Bénisti, le Gouvernement a déposé un amendement, adopté par la commission des lois, allongeant la durée du contrat de service pour la porter à une période comprise entre six et douze mois. En outre, la proposition de loi prévoit, il est important de le souligner, que si le mineur adhère au projet que lui aura proposé l'EPIDE, il aura toujours la possibilité, à l'issue de la mesure judiciaire, de prolonger, de son propre chef et en accord avec l'EPIDE, son contrat.
En créant le contrat de service citoyen, la proposition de loi qui vous est soumise élargit le champ des réponses à la délinquance des mineurs, nous donnant ainsi un nouveau moyen de prévenir la récidive.
Améliorer la justice des mineurs est un objectif central de notre politique pénale et toutes les adaptations doivent être réalisées afin de la faire évoluer dans le respect des règles essentielles, constitutionnelles et internationales, qui président au jugement des mineurs, telles qu'elles ont été rappelées par deux décisions récentes du Conseil constitutionnel. Ainsi le Gouvernement a présenté un amendement, adopté par la commission des lois, qui vise à tenir compte de ces décisions du 8 juillet et du 4 août derniers, s'agissant de la composition du tribunal et des modes de poursuite devant le tribunal correctionnel pour mineurs.
Il s'agit en particulier de garantir l'impartialité des juridictions de jugement au regard des exigences constitutionnelles dégagées dans ces deux décisions.
Mesdames et messieurs les députés, ce texte s'inscrit pleinement dans les principes qui fondent l'ordonnance de 1945 relative à l'enfance délinquante : des procédures pénales plus protectrices, des intervenants spécialisés et la primauté donnée à l'éducatif. La dimension éducative est au coeur de cette proposition de loi. Je suis persuadé que ce dispositif apportera une réponse appropriée à ces jeunes délinquants, leur permettant ainsi d'apprendre à respecter les règles de vie en société et de se construire un avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)