La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
Mes chers collègues, je m'apprêtais vous inviter à rendre hommage à nos onze collègues colombiens décédés il y a quelques jours, lorsque que j'ai appris ce matin avec une profonde tristesse et une grande émotion le décès de Paul-Henri Cugnenc, député de la sixième circonscription de l'Hérault.
Je prononcerai prochainement son éloge funèbre ; en hommage à sa mémoire, j'invite l'Assemblée à observer une minute de recueillement et de silence. (Mmes et MM. les députés, ainsi que MM. les membres du Gouvernement, se lèvent et observent une minute de silence.)
L'ordre du jour appelle la déclaration du Gouvernement sur les résultats du Conseil européen des 21 et 22 juin 2007 concernant la réforme des traités et le débat sur cette déclaration.
La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et européennes.
« Si l'Europe a été tirée dans plusieurs directions opposées par des hommes qui n'avaient pas la même idée de son destin, j'y vois beaucoup de temps et d'efforts perdus, mais rien qui contredise la nécessité de l'unir. » Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, cette phrase de Jean Monnet éclaire la nature même du processus de construction européenne. C'est un juste rappel de la nature toujours conflictuelle, toujours incertaine, toujours douloureuse, de cette construction. Ceux qui ont eu la chance de lire les Mémoires de Jean Monnet s'en souviennent d'ailleurs sûrement : chaque chapitre de promesses est balancé par la crise suivante, chaque temps d'espoir est suivi de moments de doute. Telle est bien la construction européenne, instable par nature, mais dont l'instabilité même est génératrice de progrès.
Avant de rentrer dans le coeur de mon propos, et pour apprécier la nature de ces progrès que je suis venu vous présenter aujourd'hui, vous me permettrez de citer un autre grand esprit européen : « La présidence allemande, qui a reçu pendant ces deux jours et nuits passés à Bruxelles le renfort efficace de plusieurs Chefs d'État et de Gouvernement dont M. Sarkozy, a fait gagner des années à la construction européenne. Que peut-on attendre du compromis ? Tout d'abord un meilleur fonctionnement des institutions, avec un président permanent du Conseil européen, des modalités de vote améliorées – mais seulement à partir de 2014 –, l'extension du vote à la majorité qualifiée dans certains domaines et des pouvoirs accrus de codécision du Parlement européen. »
Les quelques lignes que je viens de vous lire symbolisent parfaitement la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui. La construction européenne, comme l'écrit Jacques Delors, a gagné des années.
Je crois que nous sommes plusieurs ici, toutes sensibilités confondues, à nous accorder pour dire que ce simple énoncé, sous la plume d'un grand Européen comme Jacques Delors, est en lui-même inespéré.
Certes, le traité simplifié n'a pas l'ampleur symbolique du défunt traité constitutionnel. Certes, des aménagements destinés à satisfaire différentes exigences ont été nécessaires – j'y reviendrai. Mais souvenons-nous de la situation dans laquelle nous nous trouvions, Français et Européens, il y a quelques semaines.
Il y a quelques semaines encore, la France semblait déchirée pour longtemps par la coupure du 29 mai 2005.
Ça tombe bien, monsieur Paul, nous l'avons entendu !
La France se résignait à se voir peu à peu exclue de la construction européenne. (Exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) La réunion à Madrid, en janvier dernier, des dix-huit pays du « oui », avait eu valeur de cruel symbole : pour la première fois, un grand rendez-vous européen s'était tenu sans nous. Chaque jour, la France semblait s'éloigner de l'Europe. Chaque jour, nous étions plus isolés.
Il y a quelques semaines, l'Union européenne était dominée par la morosité et par le doute. À la veille du sommet de Bruxelles, encore bien rares étaient ceux qui se risquaient à pronostiquer un dénouement positif au blocage dans lequel le « non » français du 29 mai avait plongé notre Union. Comment l'auraient-ils pu ? Entre les dix-huit pays qui avaient voté le traité et y demeuraient légitimement attachés, les deux pays qui l'avaient rejeté, et les autres, pour lesquels une ratification semblait au moins peu probable, la voie paraissait impossible. Je vous l'avoue sans peine : moi-même, je ne croyais pas qu'une issue fût possible, et je n'étais pas persuadé que l'idée du traité simplifié parviendrait à rallier autour d'elle aussi bien ceux qui avaient ratifié la Constitution, ceux qui y voyaient des pertes de souveraineté inacceptables et d'autres, qui avaient au contraire regretté son manque d'ambition en matière politique ou sociale.
Et puis, au fil de ces semaines de navettes passées à écouter, à discuter, à échanger, nous avons vu les réticences tomber, l'une après l'autre. Oh, pas toutes de gaieté de coeur ! Nous avons suivi les évolutions de nos partenaires, convaincus pièce à pièce que notre seule chance de sursaut serait commune. Nous avons peu à peu reconstruit des alliances inespérées, socle commun d'un futur document en douze points, réunissant l'Espagne qui avait dit « oui » par référendum et la France qui avait dit « non » selon le même procédé. Sous l'influence décisive de la présidence allemande – je l'ai rappelé –, mais aussi grâce à la pression constante du Président de la République et au sens des responsabilités du président de la Commission, José Manuel Barroso, qu'il faut saluer ; grâce à la bonne volonté de José Socrates et au dialogue qui s'est noué avec le Premier ministre hollandais Jan Peter Balkenende et avec Tony Blair ; grâce aussi, en dépit de tout, à l'engagement des Polonais, nous avons vu à Bruxelles une solution acceptable pour tous devenir peu à peu possible.
C'est pourquoi je voudrais commencer par vous exprimer aujourd'hui, avant même d'entrer dans le détail du texte, mon profond soulagement. Pour l'Européen acharné que je suis, ce référendum du 29 mai gardait un goût amer (Exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical et citoyen)…
Nous aussi, nous sommes européens ! Vous n'en avez pas l'exclusivité, monsieur le ministre !
Pour l'Européen acharné que je suis, disais-je, ce référendum du 29 mai gardait un goût amer, même s'il avait révélé de vrais doutes, de vraies peurs et de vraies interrogations sur la nature de l'Union européenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Aujourd'hui, les choses ont changé. Le vote des Français a bien été pris en compte. Mais le blocage est dépassé. Le Président de la République, qui a proposé, imposé cette idée d'un traité simplifié, l'avait annoncé : la France est de retour en Europe !
Non pas une France égoïste, obnubilée par ses peurs au point de faire le lit des ultralibéraux qu'elle prétendait combattre, mais une France ouverte aux autres, fidèle à elle-même et à l'esprit européen : celui de l'écoute, du dialogue et du compromis – qui n'est pas loin.
Depuis le 23 juin au matin, nous disposons du mandat unanimement agréé d'une conférence intergouvernementale qui doit nous conduire à la signature d'un nouveau traité institutionnel d'ici la fin de l'année. Il sera composé d'un traité relatif à l'Union européenne et d'un autre sur son fonctionnement. Les formulations seront peut-être difficiles à saisir tout de suite, mais les avancées sont décisives et la réflexion éclairera ces formulations. Ce mandat est celui de la conférence intergouvernementale qui sera ouverte par la présidence portugaise de l'Union le 23 juillet prochain à Bruxelles. Ce mandat de quelques pages est précis, presque détaillé article par article : cette CIG décisive, pour laquelle je fais confiance à la présidence portugaise, me semble donc s'annoncer sous de bons auspices.
Nous pourrons ensuite, je l'espère, aboutir à une ratification rapide du nouveau traité par tous les États membres (« Par référendum ? » sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine), suffisamment rapide pour que le traité puisse entrer en vigueur avant les élections au Parlement européen de juin 2009.
Telles sont les principales étapes à venir.
J'en viens maintenant au contenu du texte adopté à Bruxelles le 23 juin : il s'agit d'un nouveau traité.
Vous le saurez, je vais vous le dire – mais vous le savez déjà, j'en suis sûr. (« Non ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical et citoyen.)
Dans le nécessaire débat qui s'ouvre, préalable à celui que nous aurons dans le cadre de la ratification, le Parlement doit disposer de tous les éléments qui lui permettront une lecture objective du projet. Je souhaite donc être précis.
Nous avons entendu les interrogations légitimes, mais parfois contradictoires, que le projet suscite : certains nous reprochent de resservir aux Français ce qu'ils ont rejeté en 2005 (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical et citoyen) ; d'autres au contraire ne voient dans ce texte rien de nouveau par rapport au traité de Nice. Ces deux arguments symétriques méritent des réponses.
L'accord de Bruxelles s'est fait autour de l'idée de traité simplifié avancée par le Président de la République lors de sa campagne. Son objectif était à la fois simple et ambitieux : réconcilier les Français qui avaient dit « non » et ceux de nos partenaires qui avaient dit « oui ».
À l'épaisse et d'ailleurs incertaine « Constitution » – appellation controversée – qui revisitait toutes les réalisations de l'Europe depuis 1957, nous avons désormais substitué un traité court, qui se contente d'ajouter à celui de Nice les innovations indispensables de la CIG de 2004 pour améliorer le fonctionnement de l'Europe à vingt-sept. Et ceux qui ont connu l'Europe à douze puis à quinze savent que la différence est importante avec l'Europe actuelle.
Les éléments symboliques – le drapeau, l'hymne ou la devise – et constitutionnels n'y figurent plus.
À tort ou à raison, ils incarnaient aux yeux de beaucoup un super État européen : ils ont donc été supprimés, puisque tel était le mandat reçu des Français.
Face aux craintes exprimées par les Français d'une Europe qui ne les protège pas suffisamment d'une certaine mondialisation, nous avons obtenu que la « protection des citoyens » devienne l'un des objectifs de l'Union dans ses relations avec le reste du monde. Cette précision fournira par exemple un levier pour mieux lutter contre les délocalisations.
Enfin, à la demande de la France, la « concurrence libre et non faussée » ne sera plus un objectif de l'Union, mais un outil au service d'une croissance économique équilibrée,…
…du plein emploi et du progrès social. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Cela ne vous aura pas échappé : il y a là beaucoup plus qu'une nuance juridique !
Non, c'est un changement politique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
Je comprends que mon propos puisse surprendre certains !
Toutes ces avancées, mesdames et messieurs les députés, sont importantes. Elles prouvent que le vote des Français et les principales craintes qu'il exprimait ont été pris en compte.
Il n'y a ni duperie ni duplicité mais des ambitions intactes.
Pour autant ce nouveau texte, loin de sonner le glas de nos ambitions, incarne le renouveau de l'esprit et de la méthode européens. Il apporte en effet des améliorations nécessaires qui, je le disais à l'instant, permettront à l'Europe d'être plus efficace, plus démocratique, plus protectrice.
Plus efficace d'abord grâce à une première avancée fondamentale : un Président dirigera le Conseil européen pour deux ans et demi, assurant la continuité du fonctionnement de l'Union et une meilleure visibilité de l'institution pour les citoyens.
Second progrès : un Haut Représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, désigné pour cinq ans, sera la voix unique de l'Europe dans les crises.
Quant au président de la Commission, son rôle sera renforcé : désormais élu par le Parlement européen sur proposition du Conseil et associé à un nombre réduit de commissaires – équivalant à deux tiers du nombre d'États membres – à partir de 2014, il pourra conduire plus efficacement et avec davantage de cohérence les politiques communes.
Dans beaucoup de matières touchant directement à la vie des citoyens, les décisions pourront être prises plus facilement. Cela concernera par exemple la santé, l'énergie, la coopération policière, la coordination judiciaire en matière pénale, l'espace ou encore la protection civile.
Toutes ces avancées rendront l'Europe incontestablement plus efficace et amélioreront considérablement son fonctionnement sans menacer nos intérêts fondamentaux – car n'oublions pas que le compromis de Luxembourg demeure.
Le texte prévoit aussi un certain nombre d'avancées qui permettront à l'Union d'être plus démocratique. Cela faisait également partie des attentes des Français, quel qu'ait été leur vote en 2005.
Ainsi, le Parlement européen verra son rôle accru…
…par l'extension de la procédure de codécision à de nouveaux domaines comme les fonds structurels, dont le budget programmé s'élève, pour la période de 2007 à 2013, à environ 300 milliards d'euros pour l'ensemble de l'Union européenne.
Autre avancée essentielle : le rôle de contrôle des parlements nationaux…
…sera renforcé par rapport à ce qu'avait instauré le traité de Nice. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Ainsi, si un projet d'acte législatif est contesté par une majorité dans un parlement national, la Commission sera tenue de le réexaminer pour décider ensuite de le maintenir, de le modifier ou de le retirer. Mais surtout et pour la première fois, mesdames et messieurs les députés, votre rôle direct sera reconnu dans la procédure législative européenne.
En effet, la Commission pourra justifier le maintien de sa proposition par un avis motivé. Mais dans ce cas, le législateur européen – Conseil et Parlement européen – devra examiner cet avis ainsi que ceux des parlements nationaux. Si 55 % des membres du Conseil et une majorité des membres du Parlement européen estiment qu'une proposition n'est pas compatible avec le principe de subsidiarité, alors l'examen du texte ne sera pas poursuivi. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Plus efficace, plus démocratique, le nouveau traité assurera également une meilleure protection des citoyens.
La Charte des droits fondamentaux, qui, dans le traité de Nice, n'avait qu'une portée déclaratoire, deviendra juridiquement contraignante et sera applicable à tous les États membres, sauf le Royaume-Uni.
Vous n'êtes pas, que je sache, des parlementaires britanniques !
Un protocole de même valeur juridique que les traités reconnaîtra par ailleurs le rôle des services d'intérêt économique général, ce qui est l'un des objectifs poursuivis par la France depuis plusieurs années.
« Service d'intérêt général », monsieur le ministre, ce n'est pas la même chose que « service public » !
Ce protocole consacrera la grande marge de manoeuvre des autorités nationales, régionales et locales dans la fourniture, monsieur Myard, de ces services publics.
Le champ d'intervention de l'Union sera par ailleurs étendu et le principe de solidarité énergétique confirmé.
Voilà pour les avancées essentielles du texte adopté à Bruxelles. J'ai conscience d'avoir été un peu long et peut-être technique.
Il me paraissait pourtant impératif d'informer la représentation nationale du contenu exact d'un texte particulièrement important.
Enfin, la technicité des différents éléments que j'évoquais permet d'ores et déjà à certains de pointer la complexité du texte : le traité simplifié ne serait pas si simple. Je les renvoie à l'ancien ! Il est vrai que nous avons fait le choix d'un texte technique qui s'en tient au strict nécessaire et que nous l'avons voulu détaillé, afin que l'accord soit le plus clair possible. Le mandat de la CIG sera donc aussi simple qu'il peut l'être pour un traité qui ajuste, améliore et précise en quelques pages les règles de fonctionnement d'un espace de liberté, de sécurité, de justice, de prospérité et de solidarité partagées pour près de 500 millions de citoyens européens. Il reviendra à la CIG de proposer un texte clair : nous y veillerons tous. Et même s'il est vrai que ces pages sont compliquées, moi qui ne suis guère malin, je les ai comprises ! (Sourires.) Vous les comprendrez donc aussi !
Voici donc, avec le texte que je vous présente aujourd'hui, mesdames et messieurs les députés, la renaissance d'un esprit européen. Il s'agit en effet d'un texte concret, qui permettra de faire progresser l'Europe.
En cela, il ne peut que redonner espoir à ceux qui, comme moi, croient à la méthode de Jean Monnet, celle d'une Europe dont le rêve se nourrit d'avancées tangibles et progressives.
À Bruxelles, nous avons rassemblé différents cercles de solidarité autour d'une même ambition. Entre anciens et nouveaux membres, je n'ai ressenti qu'une volonté commune, je n'ai observé qu'une même détermination politique. Comme l'a souligné le Président de la République, c'était le retour de la politique en Europe. Si j'avais le temps, je vous raconterais ces deux nuits (Sourires et exclamations sur divers bancs)…
Monsieur le ministre, ne vous laissez pas distraire par certains propos…
Ces deux nuits, disais-je, où le Président de la République, avec Angela Merkel (« Ah ! » sur de nombreux bancs), Tony Blair (Mêmes mouvements), José Luis Zapatero (Mêmes mouvements) et José Socrates, a sorti de l'enlisement la construction européenne, comme l'ont dit certains d'entre vous qui se trouvent actuellement devant moi. Ce n'est pas le moindre succès de ces dirigeants.
Les efforts allemands et français ont ainsi pu amener les Européens vers une position commune, ce qui était inenvisageable quelques jours auparavant. Avec ce noyau dur des militants de l'Europe, il a fallu, c'est vrai, faire quelques concessions, notamment au Royaume-Uni. Mais je veux préciser que les Britanniques ont, eux aussi, fait des concessions : dans de très nombreux domaines qui passent à la majorité qualifiée, l'Union sera dotée de la personnalité juridique, les piliers disparaissent, la perspective de créer un service diplomatique commun est conservée.
Ce n'est un secret pour personne : le partenaire le plus difficile à ramener dans la collectivité européenne fut la Pologne. Qu'aurions-nous dû faire ? Poursuivre sans son accord – et, sans doute, sans celui d'autres nouveaux États membres – une construction européenne conçue d'abord pour réconcilier et unifier le continent européen ? Laisser de côté le plus peuplé des pays qui souffrirent à l'Est ? La question s'est posée à un moment. Mais comment les États qui auraient refusé ce compromis auraient-ils pu le justifier ? Quel est-il, d'ailleurs, ce compromis ? La Pologne a obtenu que la fameuse règle de la double majorité ne s'applique qu'à partir du 1er novembre 2014. Pendant une période transitoire, jusqu'au 31 mars 2017, tout État membre pourra demander qu'une décision continue d'être prise selon la règle de la majorité qualifiée définie par le traité de Nice. Cela valait-il la peine de tout faire capoter ? Sans cet accord, nous serions de toute façon restés au traité de Nice.
Les Européens ont donc fait le choix d'avancer ensemble dans la définition d'une nouvelle architecture pour l'Union. Cet accord ne signifie pas que, dans une Europe à vingt-sept membres, nous devions ou pouvions toujours tout faire ensemble. Les conditions de déclenchement de coopérations renforcées seront assouplies dans le nouveau texte ; elles seront encore raccourcies dans le domaine de la justice et des affaires intérieures, et elles seront rendues possibles en matière de défense commune. Nous ne serons donc pas tenus par les plus lents et les moins volontaires. Nous l'avons collectivement accepté.
Ces accords et ces négociations, ces clarifications et ces avancées, mesdames et messieurs les députés, permettent aujourd'hui aux Européens de tourner leur regard vers l'avenir, de ne plus se focaliser sur des angoisses et des désaccords ressassés, mais de se diriger, avec des moyens et des outils rénovés, vers la construction d'une ambition européenne renouvelée. « C'est une bonne base de travail » ont dit certains. « Il y a de quoi faire » ont affirmé d'autres.
Il y a en effet beaucoup à faire pour réconcilier les citoyens avec le projet européen, pour mieux les informer, pour ne rien leur dissimuler – comme on l'a trop fait par le passé. Par des débats, par des rencontres, par le dialogue, il nous appartient désormais à tous de les impliquer avant la ratification parlementaire : …
…c'est ainsi que nous éviterons que ne se reproduise la triste coupure entre l'Europe et les Européens, qui nous a fait tant de mal.
C'est également avec ce même souci du débat politique que nous aborderons la présidence française de l'Union, qui démarre dans un an. Nous le ferons avec la perspective de nouveaux instruments et avec un crédit politique retrouvé auprès de nos partenaires. Il nous appartiendra de le faire fructifier à partir de quelques priorités, dont nous aurons l'occasion de débattre ensemble au cours des prochains mois.
Mesdames et messieurs les députés, forts de ce nouveau traité, nous devons désormais écrire la page des chantiers de l'avenir : celle de politiques nouvelles et audacieuses pour la croissance et l'emploi, pour la sécurité et l'indépendance énergétiques, pour la protection de l'environnement, pour une politique d'immigration commune équilibrée, pour une politique étrangère de l'Europe plus affirmée, qui réunisse avec nous les pays riverains de la Méditerranée ou qui montre sa solidarité avec le continent africain. Telle est notre feuille de route.
C'est par de telles ambitions que nous pourrons redonner du souffle et du coeur à l'Europe, avec les Européens. C'est ainsi que nous construirons à près de cinq cents millions de femmes et d'hommes une Europe fidèle à son héritage humaniste, fière de son modèle social, sûre d'un projet économique rénové et dépouillée de ses oripeaux étatistes ou ultralibéraux.
Nous, les Français, sommes de retour en Europe. Saisissons cette chance pour agir et porter haut nos couleurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
La parole est maintenant, au nom du groupe socialiste, radical et citoyen, à Mme Élisabeth Guigou, pour dix minutes.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, permettez-moi d'abord une remarque préliminaire. Nous parlons aujourd'hui non pas d'un nouveau traité mais d'un accord politique, d'ailleurs obtenu à grand-peine au Conseil européen du 23 juin dernier. Cet accord porte sur le mandat donné à la prochaine conférence intergouvernementale pour négocier un nouveau traité institutionnel destiné à remplacer le traité de Nice. Notre appréciation définitive et notre position ne pourront donc être arrêtées qu'à la fin de cette conférence intergouvernementale.
Je vous donnerai donc mon sentiment à ce stade, tout d'abord globalement, puis de façon plus détaillée.
Cet accord politique, s'il est confirmé, permettra à l'Union européenne de sortir du blocage institutionnel. Ce sera une bonne nouvelle pour elle, car cela conjurera pour un temps le risque de régression et de renationalisation des politiques communes que la crise faisait peser sur elle. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Le Président de la République, c'est vrai, a été très actif et a aidé Mme Merkel, avec d'autres, à trouver un compromis, notamment avec la Pologne. C'est un contraste bienvenu avec les pratiques précédentes, qui étaient, hélas, marquées par l'inertie et la dégradation sans précédent des relations de notre pays avec la Pologne, avec laquelle nous avons pourtant des liens séculaires que le Président Mitterrand avait encore renforcés en défendant à ses côtés la frontière Oder-Neisse.
Mais je veux dire aussi qu'en cherchant un accord a minima, le Président de la République a obtenu un minimum. S'il est respecté, cet accord permettra de sortir du blocage. Mais il témoigne aussi d'un déficit de vision et d'ambition pour l'Union européenne.
Notre appréciation sur le mandat donné par le Conseil européen à la Conférence intergouvernementale est la suivante. Sur la forme, tout d'abord, aurons-nous vraiment un traité simplifié ?
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Oui !
Je ne crois pas, car, même si le futur traité est plus court que le projet de traité constitutionnel, il sera plus compliqué à lire puisque n'y figureront que les modifications apportées aux précédents traités.
Sur le fond, le mandat améliore le traité de Nice sur les points suivants : un président stable et permanent pour le Conseil européen ; la fusion des postes de Haut Représentant pour la PESC et de vice-président de la Commission européenne, cette personnalité disposant désormais de services et présidant le Conseil « affaires générales » ; le passage à la double majorité pour les votes, mais en 2014 au plus tôt et plus probablement en 2017, c'est-à-dire dans dix ans ; l'élargissement du champ d'application du vote à la majorité qualifiée au Conseil à de nouveaux domaines, notamment la coopération judiciaire et policière ; de nouvelles bases juridiques pour l'espace, l'énergie, la protection civile, l'aide humanitaire, la santé publique : par ailleurs – et c'est un point important – le renforcement du rôle du Parlement européen par l'extension de la procédure de codécision à de nouveaux domaines, comme la justice et les affaires intérieures ; enfin, un meilleur contrôle de la subsidiarité par les parlements nationaux.
Mais d'autres éléments sont beaucoup plus discutables. Le premier d'entre eux est l'abandon des symboles de l'Union européenne. Aurions-nous honte de ce que nous avons réussi depuis cinquante ans ?
La Charte des droits fondamentaux ne figurera plus in extenso dans les traités. Sa portée contraignante sera affirmée dans un article de renvoi, mais elle ne s'appliquera pas au Royaume-Uni. Ce pays obtient d'ailleurs d'autres dérogations sans contreparties sur les votes à la majorité qualifiée, sur la politique étrangère ou encore sur la coopération policière et judiciaire.
Mais le plus inquiétant à nos yeux, ce sont les lacunes de ce nouveau traité.
La première est d'ordre social : les partis socialistes européens avaient proposé un protocole social. Nous souhaitions que soit défendu le principe d'un salaire minimum dans chaque pays de l'Union. C'est possible, dès lors que le salaire minimum ne serait pas uniforme mais tiendrait compte du degré de développement et du niveau de vie de chacun des pays. Je constate que vous n'avez pas, dans vos propositions, retenu cette idée.
Nous serons donc vigilants sur deux points, à nos yeux très importants et qui devront figurer précisément dans le nouveau traité : la clause sociale horizontale, qui est une protection contre le nivellement vers le bas des politiques communes, et la base juridique, qui permettra l'élaboration d'une directive cadre sur les services publics, dès lors que les Européens en ont la volonté.
Sur ces deux points, le mandat donné à la Conférence intergouvernementale nous semble trop flou. Nous en tiendrons compte lorsque nous aurons à juger la Conférence intergouvernementale.
Une autre lacune préoccupante concerne la gouvernance économique de l'Union. Rien n'est dit sur l'harmonisation fiscale, ni sur la nécessité de renforcer la gouvernance économique pour ne pas laisser la Banque centrale européenne occuper tout le champ de l'Union économique et monétaire et continuer à mener seule une politique qui ne favorise pas la croissance et l'emploi.
J'observe qu'il n'y a aucune réaction du Président et du Gouvernement lorsque, récemment, la Banque centrale européenne a de nouveau augmenté son taux directeur.
En matière de développement durable – autre lacune préoccupante –, nous aurions aimé que ce texte affiche plus d'ambitions, notamment en matière de lutte contre le réchauffement climatique.
Nous voulons surtout faire observer que ce nouveau traité ne répond pas à des questions pour nous essentielles : quelle vision avons-nous de l'Europe ? Quelles initiatives faut-il prendre pour relancer l'Union ?
Quelle Europe voulons-nous, messieurs les ministres ? Allons-nous nous résigner, par manque d'ambition, à ce que l'Union à vingt-sept ne soit qu'une zone de libre-échange adossée à l'Alliance atlantique ? C'est la vision britannique, elle a le mérite de la constance. Mais la France, du général de Gaulle à François Mitterrand, s'est battue pour une autre vision de l'Europe,…
…une Union étroite, appuyée sur des politiques communes, dont la politique agricole commune et l'euro sont les exemples les plus éclatants, une Europe qui défende ses valeurs et son modèle économique et social, et qui fasse entendre sa voix dans le monde. Nous voulons, nous, continuer sur cette voie-là.
J'observe que l'on n'en parle plus aujourd'hui. On consent des dérogations au Royaume-Uni. Ce n'est pas nouveau, cela a été le cas à Maastricht pour l'euro et pour le protocole social. Mais il y avait alors des contreparties, et de taille : l'Union avançait, se renforçait, au travers de politiques sociales et de la monnaie unique.
Rien de tel ici, et c'est une différence fondamentale. Non seulement l'accord est minimal, mais il n'est pas accepté par tous.
Quelles initiatives allez-vous prendre, messieurs les ministres, pour progresser vers une union politique forte ?
Ce texte montre les limites de l'Europe à vingt-sept. Ayons le courage de dire que l'Europe n'avancera que si des initiatives sont prises par quelques États membres décidés à former une avant-garde, à construire des coopérations renforcées ouvertes à tous ceux qui veulent et qui peuvent y participer. C'est ainsi que nous avons réussi Schengen et l'euro, auxquels adhèrent aujourd'hui une majorité de pays de l'Union. Allez-vous prendre des initiatives en ce sens et sur quels terrains ?
Nous pouvons vous faire quelques suggestions, que, d'ailleurs, nous avions avancées pendant la campagne des élections présidentielles. Pourquoi pas un nouvel Erasmus pour obtenir un diplôme de master – il est vrai que cela exige des moyens supplémentaires, en réalité un triplement du budget, ou encore des programmes européens de recherche ambitieux, sur le cancer ou sur le moteur propre ?
Nous avions également fait des propositions pour une communauté euro-méditerranéenne – je dis bien une communauté – distincte de l'Union européenne, qui s'appuierait sur le processus de Barcelone et la politique de voisinage. Elle aurait pour ambition de bâtir un avenir commun aux deux rives de la Méditerranée et montrerait, à travers des projets concrets de coopération – l'eau, la pollution, l'agriculture, les échanges financiers –, l'ambition européenne de faire prévaloir le dialogue des cultures sur le choc des civilisations.
Monsieur le ministre, il vous revient, dans les mois qui viennent, de démontrer que les futurs traités modificatifs seront conformes au mandat politique du 23 juin, et de proposer des initiatives. Nous vous avons fait quelques propositions. Ce sont elles que nous aurions défendues, ainsi que l'idée d'un référendum, si nous avions été aux responsabilités. Maintenant, à vous de jouer et de convaincre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen.)
Au nom du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, la parole est à M. Jean-Paul Lecoq, pour dix minutes.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l'Europe est toujours une belle idée, mais la façon dont elle s'est construite jusqu'à présent ne l'est pas : elle s'est faite uniquement contre les intérêts des peuples, pour favoriser le capitalisme mondialisé. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
En 2005, par référendum, les peuples français et néerlandais ont rejeté le projet de Constitution européenne. Et pourtant, on nous impose un « traité simplifié ».
Dans ce futur traité, quelles réponses sont apportées aux questions sociales, qui furent au coeur des débats sur la Constitution et qui taraudent les confrontations politiques dans tous les pays de l'Union ? Aucune !
La méthode consiste à faire semblant de modifier les règles du jeu en surface sans rien changer en profondeur, à maquiller les apparences pour mieux faire passer l'essentiel.
Ce futur traité va-t-il permettre de changer la vie des peuples ? Non, puisque le droit à la concurrence reste le socle juridique de référence des traités, et les références à la Charte des droits fondamentaux ou aux services publics ne modifient en rien les orientations et les objectifs affichés d'aller vers une libéralisation de plus en plus poussée des marchés financiers.
Je le dis solennellement devant notre assemblée : la voix du peuple français est bafouée, mais aussi celle des autres peuples européens. C'est la démocratie même qui est menacée. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Je suis de ceux qui considèrent que, puisqu'il y a nouveau traité, il doit y avoir nouveau référendum. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) C'est une exigence que partagent les citoyens de nombreux pays de l'Union. Il ne s'agit pas de faire un référendum pour le principe du référendum, mais nous avons un devoir envers le peuple français : celui de le respecter, de faire vivre la démocratie, fondement même de notre République.
Vous avez tous entendu hier le Premier ministre : ne nous a-t-il pas dit que chaque Français devait être respecté dans ses votes ?
Pour faire accepter le futur traité, les Chefs de Gouvernement en ont modifié l'habillage. Cette mise en scène atteste que le traité que le peuple français a rejeté était mauvais pour les gens, et votre attitude est un aveu. Sinon, pourquoi un nouveau traité ?
Nous avons obtenu que soit supprimée des objectifs de l'Union la fameuse « concurrence libre et non faussée ». Cette insistance montre combien les partisans du « non » avaient touché juste, au coeur de la logique du traité.
Mais le retrait de cette allusion ne change rien aux réalités : la Banque centrale européenne va donc pouvoir continuer librement, en lien avec les politiques d'austérité du pacte de stabilité, à imposer ses critères – comme celui de l'euro fort –, qui se paient très cher en délocalisations, en pressions sur les salaires et en mise en cause des protections sociales. La récente augmentation de ses taux d'intérêt passée sous silence par l'État français vaut d'ailleurs consentement.
Ce « traité simplifié » a donc toujours les mêmes objectifs : effacer le « non » au référendum et surtout éviter que le peuple ne se prononce, poursuivre la casse des acquis sociaux, du code du travail, des services publics.
M. le Président de la République n'a-t-il pas déclaré avant-hier à Strasbourg que c'est la crise de l'esprit européen qui a provoqué les « non » français et néerlandais ?
Faudrait-il alors convoquer ici, au sein de notre Parlement, l'esprit de Maastricht, qui a « donné le la » de ces politiques, celui d'Amsterdam et de son pacte d'austérité budgétaire qui, sous la houlette de la Banque centrale, contraint les politiques publiques et sociales, ou encore l'esprit de Lisbonne qui a mis en oeuvre les directives de libéralisation des services publics ?
Ceux qui ne veulent pas entendre que le « non » français et néerlandais au traité constitutionnel n'est pas la cause de la crise mais son expression prennent la responsabilité d'aggraver le fossé entre les peuples et le projet européen. N'est-ce pas plutôt l'orientation ultralibérale des politiques européennes qui a abouti à une crise de confiance et de légitimité ? Et ce n'est pas avec un traité au rabais que l'on comblera le déficit démocratique et de confiance.
L'élargissement de l'Union européenne, absolument légitime et nécessaire pour les pays d'Europe centrale et orientale, conjugué aux transformations dans le monde et à la mondialisation, appelle des réformes structurelles pour permettre l'élaboration de politiques communes plus démocratiques et plus efficaces.
Oui, il y a un besoin évident de réformes, y compris institutionnelles. Aujourd'hui, nous avons une conviction : celle d'être sur une voie de garage. C'est grave !
L'Europe ne protège pas de la puissance dévastatrice du capitalisme financier et mondialisé. Elle est au contraire un cheval de Troie du néolibéralisme qui pousse à la déréglementation, au sacrifice des services publics, à la mise en concurrence sur la base du moins-disant social ou fiscal. L'Europe ne protège pas. Elle déstabilise et génère anxiété et insécurité. Elle prépare la généralisation de la précarité.
Je me souviens des techniciens et des ingénieurs que j'ai rencontrés, avant et pendant la campagne électorale, dans ma circonscription, certainement la plus industrielle de France. Je les ai vus inquiets pour l'avenir de leurs entreprises. Ils ont peur des délocalisations, du chômage partiel, des licenciements, même au sein d'entreprises qui font d'énormes profits. Et ce n'est pas le contrat de travail unique, ce projet gouvernemental qu'attend avec impatience le MEDEF, qui va les rassurer.
Cette crainte existe dans tous les secteurs : dans celui de l'automobile, on vient de créer un fond d'indemnisation pour accompagner les délocalisations. La logique ne voudrait-elle pas que l'on crée plutôt un fonds d'indemnisation contre les délocalisations ? Quant à l'aéronautique, fleuron de l'industrie française, elle a beaucoup fait parler d'elle, avec l'affaire EADS. Enfin, la chimie et la pétrochimie réalisent chaque année des profits toujours plus colossaux. Dans le même temps, combien de sous-traitants se trouvent dans l'incertitude, dépendant du bon vouloir des grosses industries, des « donneurs d'ordre », comme on dit ?
Face à cette logique qui creuse les inégalités sociales, les communistes ont une autre ambition : l'Europe pour les peuples et avec les peuples. Nous demandons dès maintenant de mettre en débat public, dans tous les pays de l'Union, les conditions de la refondation sociale, démocratique et écologique du projet européen. Ce débat est vital pour l'avenir de la construction d'une Europe unie, qui réponde effectivement aux enjeux de notre époque.
Dans la période qui s'ouvre, jusqu'à l'automne où se tiendra le Conseil européen et où sera signé ce traité avant de revenir devant nous, au Parlement, les communistes, avec tous ceux qui portent l'Europe sociale dans leur coeur, feront tout ce qui est en leur pouvoir pour peser sur les choix et approfondir le débat. L'Europe mérite un plus grand intérêt. Avec les Français, nous voulons savoir et décider. Contrairement aux défenseurs de l'Europe telle qu'elle est aujourd'hui, nous voulons donner une nouvelle assise à la construction de l'Europe, qui doit être fondée sur la solidarité et qui doit jouer son rôle en faveur de la paix. Car il y a urgence : au Proche-Orient, chaque jour qui passe hypothèque dramatiquement la perspective de construire un État palestinien viable, et donc de trouver une solution juste, assurant une paix durable. C'est aussi notre affaire, à nous, Européens.
Avec celles et ceux qui veulent que l'Europe s'engage dans cette voie, nous ferons également pression pour inverser la spirale de la précarisation généralisée et pour redonner une place dynamique aux services publics. Je réaffirme qu'il faut un débat populaire et que l'avenir passe par une construction européenne s'appuyant sur la vie réelle de nos concitoyens, sur leurs attentes, leurs inquiétudes, leurs espoirs, mais aussi sur les luttes sociales, syndicales et citoyennes.
Chacune et chacun d'entre nous, mais aussi toutes les forces politiques qui défendent des valeurs de progrès humains ont une responsabilité : celle de s'investir pour une vie meilleure pour tous, et de faire respecter le choix du peuple. Car, qui d'autre, dans une démocratie moderne, que vous pourriez, monsieur le ministre, qualifier de « décomplexée », peut s'arroger le droit de remettre en cause le choix du peuple, si ce n'est le peuple lui-même ? (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Au nom du groupe Nouveau Centre, la parole est à M. François Sauvadet, pour vingt minutes.
Vous êtes bien le seul à l'ignorer, monsieur Gremetz !
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je tiens à dire, au nom du Nouveau Centre, que ce traité simplifié, qui a fait l'objet d'un accord, est une bonne nouvelle pour la France et pour l'Europe.
Je salue l'initiative de ce débat, que nous souhaitions à la suite de cet accord. Je salue également l'action du Président de la République, qui a tenu à rencontrer tous les responsables politiques de notre pays avant la tenue du sommet européen des 21 et 22 juin derniers, puis à leur faire part du fruit des négociations – longues et difficiles – qui ont été conduites, mais qui ont été couronnées de succès et marquent une étape importante.
Une telle pratique doit être systématisée, permettant l'obtention et l'échange des informations nécessaires, ainsi qu'une réappropriation par chaque représentant du peuple de l'idée européenne, qui conditionne l'avenir même de notre pays. Il faut le répéter à nos compatriotes : l'Europe est une chance pour la France.
Depuis un an et demi, depuis le 29 mai 2005, jour où les Français ont rejeté, par référendum, la Constitution, aucun vrai signal de relance n'avait été donné. La détermination du Président de la République, Nicolas Sarkozy, qui s'est engagé personnellement depuis un an et demi sur cette question aux côtés de la présidence allemande, a fait sortir l'Europe de l'ornière. Ceci impliquait un geste fort de la part de notre pays : le Président l'a fait, et nous nous en réjouissons.
Ce traité est une bonne nouvelle pour la France, pour l'Europe et pour tous ceux qui attendent que celle-ci puisse jouer son rôle dans les négociations internationales. Nous avons des rendez-vous extrêmement importants, notamment pour l'avenir de l'agriculture française et européenne…
…et les enjeux sont lourds au niveau de l'Organisation mondiale du commerce. Et je me réjouis du retour du politique au sein des institutions européennes.
Mais la construction européenne n'est pas qu'une affaire de Chefs d'État : c'est aussi l'affaire de la nation. Comme vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, nos parlements ont un rôle primordial à jouer dans la réappropriation de l'espace européen par les peuples. Le nouveau traité a renforcé leur rôle à cet égard (Exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine) puisqu'ils disposeront désormais d'un mécanisme d'alerte précoce renforcé qui leur permettra de contester, s'il le faut, des projets de législation européenne. Avec ce mécanisme, la Commission devra réexaminer tout projet contesté par un tiers des voix attribuées aux parlements nationaux. La voix des peuples aura désormais droit de cité à Bruxelles ! (Mêmes mouvements.)
Pour associer davantage les peuples au projet européen, une meilleure association des parlements nationaux au contrôle du principe de subsidiarité était nécessaire : le traité simplifié avance sur ce point. (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Il faut le dire : ce traité est un succès, car il réconcilie deux mondes qui s'étaient éloignés, l'Europe du « oui » et la France du « non ».
Nous sommes même parvenus, dans certains domaines, à aller plus loin que dans le traité constitutionnel, et c'est une bonne chose. (Vives exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Chers collègues, veuillez écouter l'orateur ! Vous vous êtes déjà exprimés et vous pourrez le faire à nouveau tout à l'heure. Je vous demande un peu de calme.
Monsieur Gremetz, j'aimerais connaître votre conception des droits de l'opposition ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Pourriez-vous nous permettre de nous exprimer, afin que le débat ait lieu dans cet hémicycle ? Les gesticulations et les interruptions ne sont pas des formes d'expression politique et ne règlent en rien les problèmes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Monsieur Sauvadet, vous connaissez M. Gremetz : il n'attend que vos interpellations pour en rajouter ! Veuillez donc poursuivre votre intervention, pendant que je m'occupe de M. Gremetz !
La protection du climat et la solidarité énergétique ont été intégrées au traité. Les parlements nationaux seront encore mieux associés à la définition de la politique européenne, les compétences entre l'Union européenne et les États membres sont plus clairement délimitées et les conditions préalables à une coopération renforcée, en particulier en matière de justice et d'affaires intérieures, ont été clarifiées et simplifiées.
Avec ce traité, trois exigences pour l'avenir de la construction européenne ont été satisfaites, et d'abord une plus grande stabilité de la présidence du Conseil – c'était une attente très forte et une nécessité absolue. Ensuite, une meilleure cohérence et une plus grande lisibilité de l'action extérieure de l'Union – vous l'avez rappelé, monsieur le ministre –, grâce à l'institution d'un Haut Représentant chargé de porter notre politique étrangère, devrait rendre audibles les propositions de l'Union en tant qu'organisation face aux pays tiers et les discussions, parfois lourdes, que nous aurons à conduire pour garantir la paix dans le monde. Enfin, la dimension sociale de la construction européenne progresse. Il y aura ainsi des dispositions plus claires dans le domaine des services d'intérêt général. Nous sommes également parvenus à trouver une solution pour la Charte des droits fondamentaux. Cette charte, qui renforce les droits des citoyens face aux institutions, acquiert le caractère juridique contraignant qui, selon moi, sied à une Europe sûre de ses valeurs. En outre, et j'insiste sur ce point qui n'a pas été suffisamment développé, la concurrence cessera d'être une fin en soi pour devenir un moyen de parvenir à une économie compétitive dans le marché intérieur.
Le Parlement européen devient un véritable co-législateur, à égalité de droits avec la Commission et le Conseil. Il était important pour de nombreux États membres d'insister davantage sur le rôle des parlements nationaux. C'est ce qui est fait dans un nouvel article, et nous nous engageons, au sein du Parlement français, pour que vive et progresse cette idée européenne.
L'Europe est désormais sortie de son enlisement politique, mais nous devons construire l'Europe de demain, celle qu'attendent nos compatriotes : une Europe qui protège nos intérêts vitaux, qui redéfinisse des objectifs et qui ne soit pas perçue seulement comme une Europe du libre marché.
Afin de redonner du sens à l'avenir, il faudra centrer l'action sur des projets concrets en s'inspirant de la méthode adoptée par les pères de l'Europe, notamment Robert Schuman. Il s'agissait de proposer un grand dessein – je rappelle qu'en 1950, c'était la paix – tout en s'appuyant sur des réalisations visibles, concrètes et palpables : c'est à cette époque que fut décidée la mise en commun du charbon et de l'acier et la création de la politique agricole commune. Aujourd'hui, monsieur le ministre, nous devons saisir l'opportunité de cet accord institutionnel pour poser les jalons d'une Europe puissante qui protège nos intérêts vitaux en imposant la règle de la réciprocité dans les négociations de l'Organisation mondiale du commerce.
Le Nouveau Centre veillera à ce que ce beau projet d'une Europe politique ne soit pas abandonné et à ce qu'une Constitution européenne, qui consacre nos valeurs partagées, puisse être un jour adoptée. Ce traité est une étape essentielle, mais nous devrons à terme nous doter d'une Constitution pour parachever la construction européenne. En effet, il n'est aucun sujet concernant notre avenir national qui puisse trouver de réponse sans la dimension européenne. Dans le contexte de la globalisation, nos sociétés européennes font face aux mêmes risques et aux mêmes défis. C'est vrai, notamment dans le domaine de l'énergie. Il nous faut assurer la sécurité de l'approvisionnement énergétique de nos pays,…
…et le traité en pose les bases juridiques, puisqu'il garantit la solidarité énergétique entre les États membres. Il nous faut également promouvoir ensemble le développement durable. Mais c'est vrai aussi en matière de flux migratoires, de droit d'asile et d'immigration, au sens large, où la nécessité d'une politique commune et d'une harmonisation juridique n'est plus à démontrer, mais à encourager. Le passage à la majorité qualifiée dans certains domaines aboutira enfin à des positions communes.
Les Français attendent de l'Europe qu'elle pèse dans le monde. Seule une « Europe des résultats » réconciliera les peuples avec l'ambition européenne. Il nous faut développer de nouvelles politiques communes, indispensables pour mieux préparer l'avenir, notamment en matière de recherche, où nous nous laissons parfois distancer par les États-Unis ou le Japon, et demain par la Chine ou l'Inde. Si nous voulons créer de la croissance, et donc, de l'emploi, il nous faut, à l'évidence, renforcer notre coordination économique, budgétaire et industrielle dans la zone euro. Il y a urgence.
Nicolas Sarkozy l'a rappelé, il faut également une gouvernance de l'euro qui ne soit pas seulement sous le joug d'une politique monétariste. Nous partageons sur ce point les ambitions du Président de la République : l'euro doit être au service de la croissance, de l'emploi et de la compétitivité ; il doit cesser d'être seulement l'affaire d'experts et de banquiers.
On a beaucoup parlé hier de l'identité française. Or celle-ci a aussi une dimension européenne. Il est primordial de tourner la page d'une Europe qui souffre de n'avoir ni identité ni frontières. Il faut certes ouvrir la porte à des partenariats privilégiés, notamment avec la zone Euro-méditerranée – il s'agit là d'un partenariat économique, politique et culturel, lancé par le processus de Barcelone –, tout en donnant des frontières à l'Europe et en arrêtant tout élargissement qui provoquerait un affaiblissement de l'Europe politique.
D'où l'importance d'une politique européenne de « voisinage ». L'intégration européenne a permis à l'Union de connaître une période de paix, de liberté et de prospérité sans précédent. Il faut étendre cette zone de stabilité aux pays voisins de l'Union européenne. Mais, monsieur le ministre, je tiens à le redire au nom du groupe Nouveau Centre, l'Europe ne pourra agir durablement et avec force à l'extérieur de ses frontières que si elle est unie. Elle doit porter en elle une foi en l'avenir, le désir d'infléchir un destin commun et de peser sur celui du monde.
Nous oeuvrerons à rendre effective cette nouvelle Europe politique, à faire émerger de véritables politiques communes et à défendre notre spécificité européenne au sein de l'Organisation mondiale du commerce. Nous souhaitons une Europe ouverte à la mondialisation et au libre-échange, mais dans la réciprocité. Notre formation politique veillera également à ce que les initiatives de certains États membres pour avancer dans l'intégration ne soient pas contrecarrées par la frilosité de certains.
Construire l'Europe des projets et des résultats, c'est aussi répondre aux interrogations croissantes des opinions publiques à l'égard du projet européen. Nous ne pourrons pas convaincre les citoyens si nous ne démontrons pas l'intérêt de la construction européenne dans leur vie quotidienne.
La formule du traité simplifié…
…permet de sauver la substance du traité constitutionnel adopté par tant de pays tout en montrant aux citoyens inquiets ou réticents qu'ils ont été entendus. Avec ce traité, nous avons les outils d'une nouvelle mécanique européenne, et les éléments moteurs qui permettent à ceux qui le souhaitent d'aller plus loin. À ce titre, la référence expresse aux coopérations renforcées est bienvenue. Il ne s'agit pas d'installer une Europe à plusieurs vitesses, mais d'expérimenter des solutions nouvelles avec ceux des membres qui s'y sentent prêts.
Nous avions besoin de ce traité plus court, recentré sur les grands principes qui fondent l'Union européenne. Désormais en voie d'adoption, …
…ce texte va permettre à l'Europe de sortir d'une crise institutionnelle régressive et néfaste. Il va nous permettre de relancer la construction européenne, …
Et le référendum ? La parole doit être donnée au peuple ! Lui seul est souverain !
…de replacer la France au centre de cette grande aventure et d'agir dans un certain nombre de domaines avec les membres qui le souhaitent.
Certains se posent la question de savoir comment nous allons adopter les modifications constitutionnelles.
La ratification d'une constitution aurait imposé un référendum – nous l'avions d'ailleurs souligné – car seul le peuple souverain peut décider sur de tels enjeux.
Mais, s'agissant d'un traité simplifié, le Parlement, dont nous revendiquons la place éminente, sera tout à fait à même de décider. (« Bien sûr ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
On ne peut pas, mes chers collègues, demander sans cesse la revalorisation du Parlement et lui dénier la possibilité d'adopter un texte qui, sans toucher à l'essentiel, rendra possible la ratification du traité simplifié. Nous voulons un parlement qui assume ses responsabilités.
La revalorisation du rôle des députés passe aussi par là. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Nous veillerons à ce que l'Europe représente pour les Français, non une source de doutes, mais une nouvelle espérance. Ce texte est un pas important qui va nous permettre de relancer notre projet commun, de rebâtir et de rendre aux Européens le goût de l'Europe. Le Nouveau centre ne renoncera jamais au grand dessein de faire de l'Europe notre avenir commun. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
J'indique à M. Gremetz et à M. Roy, qui ne cessent d'interrompre, que, s'ils ont quelque chose d'important à dire, ils peuvent réclamer un temps de parole à leurs groupes respectifs et s'exprimer à la tribune. Ils seraient ainsi bien plus efficaces, et l'image du Parlement s'en trouverait améliorée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Au nom du groupe de l'Union pour un mouvement populaire, la parole est à M. Pierre Lequiller, pour dix minutes.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, cela fait des années que l'Union s'est donné comme objectif de rénover ses institutions, et tout le monde sait que nous aurions dû le faire bien avant l'élargissement. En même temps, l'accélération de l'histoire, la chute du mur de Berlin, l'écroulement de l'Union soviétique et l'accession heureuse des pays d'Europe centrale et de l'Est à la liberté rendaient impérative l'entrée de ces derniers dans l'Union. La réunification du continent était, à l'évidence, une nécessité historique.
Il reste que l'Europe à Vingt-cinq ne pouvait continuer à fonctionner selon les règles anciennes. À Vingt-cinq, et plus encore à Vingt-sept, l'unanimité entraîne le blocage de l'Union, son incapacité à décider.
Avec le député socialiste Jacques Floch – qui était mon suppléant –, et comme Pierre Moscovici, ici présent, j'ai eu l'honneur de participer activement à la Convention pour l'avenir de l'Europe présidée par Valéry Giscard d'Estaing. Après les « non » français et néerlandais, les membres de la délégation pour l'Union européenne sont allés dialoguer avec leurs homologues de tous les parlements nationaux. Nous avons aussitôt oeuvré à la relance des politiques communes – recherche, énergie, immigration, sécurité, gouvernement économique – en faveur desquelles plaidait le président Chirac.
Il reste que ce « non » de la France avait mis l'Europe en panne,…
…et considérablement affaibli la position de notre pays. Mon homologue à Prague nous avait dit : « Pour nous, la France était le phare de l'Europe ; aujourd'hui, le phare est éteint. » Dès lors, toute l'Europe – et particulièrement la présidence allemande – attendait le résultat de l'élection présidentielle française pour relancer rapidement la réforme institutionnelle.
Nicolas Sarkozy, alors candidat à la Présidence de la République, a fait sa proposition décisive de traité simplifié ratifié par la voie parlementaire. Je puis attester que sa démarche a suscité en Europe, à droite comme à gauche, un intérêt considérable.
J'ai en effet, à titre personnel, été la défendre auprès de mes homologues, devant la commission constitutionnelle du Parlement européen, présidée par le socialiste allemand Jo Leinen, devant les instances du PPE, mais aussi auprès de Hans-Gert Pöttering, président du Parlement européen, de José Manuel Barroso, président de la Commission, et auprès de nombreux chefs de Gouvernement et de ministres européens.
Cette proposition de Nicolas Sarkozy a suscité un très grand intérêt parce qu'elle était la seule réaliste : entre les deux pays qui avaient voté « non », les dix-huit qui avaient voté « oui » et ceux qui ne s'étaient pas prononcés, la voie était en effet étroite. Il fallait tenir compte des « non » ; dès lors, il était impensable de présenter à nouveau le texte auquel avait été imprudemment donné l'intitulé de constitution. Il fallait notamment abandonner la troisième partie, la plus contestée lors du référendum. Mais il fallait aussi – car c'est cela l'Europe – écouter et partager, tenir compte des dix-huit « oui » et par conséquent garder l'essence de la réforme institutionnelle en ne se concentrant que sur celle-ci.
Enfin, il fallait aller vite pour ne pas laisser s'enliser le débat. Rien n'était plus démocratique que d'annoncer à l'avance, comme l'a fait Nicolas Sarkozy, que, s'il était élu et s'il disposait d'une majorité au Parlement, il passerait par la voie parlementaire.
Le contrat passé avec les Français était on ne peut plus clair.
Mais le signal était fort aussi en direction de nos partenaires européens. Aussi peuvent-ils, eux aussi, s'appuyer sur l'exemple français pour ratifier rapidement par la voie parlementaire.
Le Président de la République a montré sa volonté en se rendant à Berlin, le jour même de sa prise de fonction, pour rencontrer Angela Merkel. J'en profite pour rendre hommage à l'immense travail de préparation effectué par cette dernière auprès des « grands » – entre guillemets – comme des « moyens » ou « petits » pays membres. Les déplacements organisés en quelques jours auprès de MM. Barroso, Hans-Gert Pöttering et Zapatero, des frères Kaczynski ou de M. Blair ont démontré la détermination de la France à sortir l'Europe de la crise. Et son talent diplomatique – en liaison permanente avec Angela Merkel et tous les chefs de Gouvernement – a fait le reste : le superbe succès du 23 juin représente une victoire historique, qui sort l'Union de l'impasse et replace la France au coeur de l'Europe.
Alors, évidemment, certains critiquent le traité simplifié, estimant qu'il n'est pas suffisant. Cette affirmation est fausse, je puis l'attester : nous disposerons d'un président stable de l'Europe ; nous aurons – Mme Guigou l'a rappelé – un Haut Représentant pour la politique étrangère qui, sans avoir le titre de ministre des affaires étrangères, disposera des mêmes pouvoirs et du service diplomatique européen. La majorité qualifiée sera étendue à quarante nouveaux domaines, avec une clause d'opting out pour les Britanniques en ce qui concerne la coopération policière et judiciaire en matière pénale. À partir de 2014, le calcul de la majorité se fera selon les modalités du traité constitutionnel, avec une clause spéciale pour les frères Kaczynski – décidément pas faciles ! – jusqu'en 2017. Un article de renvoi préservera la validité de la Charte, qui garde sa valeur juridique contraignante. Le contrôle de subsidiarité des parlements nationaux – qui s'en plaindra ici ? – sera renforcé. Les symboles seront supprimés dans le texte, mais l'hymne européen, l'euro et le drapeau européen – lequel figure, et je m'en réjouis, sur la photo officielle du Président de la République – continuent de vivre. J'en profite pour dire, monsieur le président, que je me félicite que le drapeau national soit entré dans l'hémicycle pour marquer notre attachement à l'identité nationale, et que je partage votre souhait que le drapeau européen y soit aussi hissé pour marquer l'attachement de la France à l'Europe (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre), elle qui en est l'un des membres fondateurs.
Ceux qui dénoncent l'insuffisance du traité savent pertinemment que la seule issue à la crise était de s'en tenir aux dispositions institutionnelles – paradoxalement, en effet, le rejet du traité visait surtout la troisième partie. Les politiques communes viendront ensuite.
Il y a aussi ceux qui critiquent la voie parlementaire. Je crois leur avoir déjà répondu : le contrat proposé aux Français par Nicolas Sarkozy était clair : il a dit ce qu'il ferait pendant la campagne, et il fera ce qu'il a dit.
La France a su prendre l'initiative. Plutôt que de cultiver la polémique, sachons nous rassembler pour faire gagner L'Europe. Quelles que soient les circonstances, les conceptions politiques ou la personnalité de tel ou tel dirigeant, une conception française de l'Europe s'est dégagée, celle d'une Europe politique, différente – Mme Guigou a également raison sur ce point – de la vision britannique.
L'agenda est extrêmement chargé : conférence intergouvernementale de juillet à octobre, réforme de la Constitution française, ratification par le Congrès du traité simplifié, présidence française de l'Europe au second semestre 2008, élections européennes en juin 2009.
Cela m'amène en conclusion, monsieur le ministre, à vous poser trois questions. J'aimerais que la France soit le premier pays à ratifier le traité.
Cela sera-t-il possible ?
J'aimerais également que la ratification soit faite par tous les pays avant la présidence française en juillet 2008, car la tâche de notre pays serait alors de relancer les politiques communes, lesquelles intéressent beaucoup plus les citoyens que les institutions : énergie, lutte contre le réchauffement climatique, recherche, immigration, sécurité et lutte contre le terrorisme, politique sociale, harmonisation fiscale, coopération en matière de culture, d'éducation et de sport, particulièrement en direction des jeunes, pour lesquels nous construisons l'Europe. Monsieur le ministre, comment comptez-vous préparer dès maintenant la présidence française afin de relever tous ces défis ?
Nicolas Sarkozy a également promis de réconcilier les Français avec l'Europe. Cela passe par la pédagogie et les symboles, tel ce drapeau européen figurant sur la photo officielle du Président, exposée dans toutes les mairies de France.
Le Parlement prendra des initiatives pour placer encore davantage l'Europe au coeur de nos débats. Je sais pouvoir compter sur Bernard Accoyer, président de l'Assemblée nationale, sur le président de groupe UMP, Jean-François Copé, et, je l'espère, sur l'ensemble des groupes, afin de prolonger les réels progrès déjà accomplis. Mais que compte faire le Gouvernement pour que l'on parle plus d'Europe en France, pour que l'on y aime plus l'Union européenne ?
Vous l'avez compris : je suis fier du rôle joué par la France lors du Conseil européen des 21 et 22 juin derniers. L'adoption du traité institutionnel ne sera pas seulement un progrès technique, pour permettre à l'Europe de fonctionner et de décider. Ce sera une étape capitale sur la voie de l'Europe politique que le groupe UMP, dans sa quasi-totalité, appelle de ses voeux. Ce sera un signe politique majeur de la relance de l'Union.
L'Europe est aujourd'hui la première puissance économique du monde. Il faut bien sûr qu'elle le demeure, mais il faut aussi qu'elle défende ses propres valeurs dans le monde, qu'elle acquière une puissance politique à la mesure de sa puissance économique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
Avant que l'Assemblée n'entende les orateurs suivants, je vais donner la parole, pour dix minutes, à M. Axel Poniatowski, président de la commission des affaires étrangères.
Vous avez la parole, monsieur Poniatowski.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la France est de retour par la grande porte dans la famille européenne. Alors que beaucoup le considéraient comme improbable voici encore quelques semaines, le traité simplifié sera bientôt une réalité puisque, après deux années de blocage, l'accord obtenu nous permet de tourner la page. L'Europe et les Européens peuvent à nouveau regarder l'avenir avec sérénité.
Il aura, cela a été souligné, fallu toute la détermination de la chancelière Angela Merkel et tout le volontarisme du Président de la République Nicolas Sarkozy pour convaincre nos partenaires européens – tous nos partenaires européens – qu'un accord était souhaitable et possible. Nous pouvons désormais envisager une relance de l'Europe grâce à des institutions rénovées qui permettront un fonctionnement plus efficace et plus démocratique de l'Union.
Je ne m'attarderai pas sur les avancées du traité simplifié qui permettront en particulier à l'Europe de peser davantage dans le monde. Grâce à l'instauration d'une présidence stable, pour une durée de deux ans et demi renouvelable une fois, l'Europe aura un visage sur la scène internationale. Quant au Haut Représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, le cumul de cette fonction avec celle de vice-président de la Commission lui assurera la légitimité internationale nécessaire.
Il y a deux ans, la Constitution européenne nous avait divisés. Aujourd'hui, le traité simplifié nous rassemble, car il dissipe des malentendus qui s'étaient installés au fil du temps, jusqu'à faire douter nos concitoyens. Pour beaucoup, l'Europe n'était plus une évidence. Or nous ne faisons pas l'Europe pour ajouter aux craintes et aux peurs suscitées par la mondialisation, mais pour protéger les peuples, pour promouvoir nos valeurs communes – la paix, la démocratie, l'État de droit – et pour rendre la mondialisation conforme à nos intérêts.
Nous ne devons pas construire l'Europe sur des dogmes, mais, bien au contraire, nous avons le devoir d'adapter et parfois même de réorienter certaines politiques de l'Union quand cela est manifestement nécessaire et lorsque les peuples nous en font la demande expresse.
Le peuple français a été entendu : le traité simplifié rompt avec le dogme de la seule concurrence, qui n'est plus un objectif en soi, mais seulement un moyen. Le traité précisera, en effet, que les questions de concurrence sont strictement limitées à l'organisation du marché intérieur et un nouveau protocole viendra garantir la pérennité de nos services publics, qui échapperont à la concurrence si cela s'avère nécessaire.
Un autre malentendu dissipé par le traité simplifié porte sur la nature même de l'Union et sur l'étendue de ses compétences. L'Europe n'a pas vocation à devenir un super-État. Nous ne souhaitons pas bâtir les États-Unis d'Europe ; en revanche, nous avons la responsabilité de donner un contenu politique à cette « fédération d'États-nations » qu'est l'Union européenne. Pour cela, il nous faut être plus clairs sur la question de savoir qui fait quoi.
Le traité répondra à cette question en clarifiant la répartition des compétences entre l'Union européenne, d'une part, et ses États membres, d'autre part, et c'est à nous, parlementaires nationaux, qu'il appartiendra de veiller à la bonne application des principes de subsidiarité et de proportionnalité. À l'avenir, lorsqu'une majorité des parlements de l'Union européenne estimera que Bruxelles interfère dans les prérogatives des États, la Commission aura alors l'obligation de revoir sa copie. C'est là un changement majeur pour que l'Europe ne perde plus son âme dans des réglementations tatillonnes et hors sujet qui la rendent souvent incomprise et impopulaire.
Mais la contribution des parlements nationaux à la construction européenne ne saurait, bien sûr, se limiter au seul pouvoir d'empêcher. Il nous faudra avant tout être une force de proposition ; nous devrons faire vivre le débat démocratique sur tous les sujets européens.
Au moment où s'engage une réflexion sur la modernisation du travail parlementaire et sur l'évolution de nos institutions en France, il me paraît indispensable, monsieur le président, de nous interroger sur les modalités du contrôle politique que nous exerçons sur les affaires européennes. Parce que l'Europe est l'affaire de tous les parlementaires, nous devons, je le crois, réfléchir à une meilleure articulation entre notre Délégation pour l'Union européenne et chacune des six commissions permanentes de l'Assemblée nationale.
Mes chers collègues, l'accord sur le traité simplifié présente l'immense mérite de solder, après tant d'années, le lourd dossier de la réforme institutionnelle de l'Union : voici près d'une décennie que l'hypothèque institutionnelle nous empêchait d'aller de l'avant et de répondre aux attentes exprimées par nos concitoyens. L'extension de la règle de la majorité qualifiée nous aidera à mettre en place de véritables politiques européennes dans des domaines où cela reste aujourd'hui encore très difficile : je pense en particulier à la lutte contre le terrorisme, à la politique européenne d'immigration, mais aussi au renforcement de la coopération judiciaire entre les États membres.
La réforme des institutions rendra possible l'Europe politique, pour autant que les dirigeants européens en manifesteront la volonté. Or nous connaissons bien les divergences d'appréciation et d'ambition qui existent ici et là quant à l'évolution de la construction européenne. C'est pourquoi nous devrons faire preuve de lucidité et de pragmatisme pour imaginer une nouvelle façon de fonctionner à vingt-sept, car les pays qui souhaitent aller plus vite et plus loin ensemble ne doivent pas en être empêchés. Ce que l'Europe a réussi avec Schengen et avec l'euro, elle peut le transposer dans bien d'autres domaines.
Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Très bien !
Coopérations renforcées, noyaux durs, avant-garde, groupes pionniers, coopérations spécialisées… : ne nous focalisons pas sur les termes. L'important sera de parvenir à concilier la nécessité de rythmes différents avec le maintien de l'unité de l'Europe.
N'ayons pas peur, non plus, de poser les vraies questions. À sans cesse vouloir différer le traitement des sujets qui fâchent, nous prenons le risque de creuser chaque jour un peu plus le fossé qui sépare l'Europe de ses citoyens. Le temps est venu d'inscrire à l'agenda de Bruxelles les questions fondamentales des frontières de l'Europe, du gouvernement économique de la zone euro, du financement futur de l'Union, de la politique européenne de l'énergie, des relations entre l'Europe et l'Afrique et de certains autres sujets encore.
L'Europe politique, n'est-ce pas avant tout le retour de la politique en Europe ? C'est bien en ce sens qu'avant-hier, à Strasbourg, le Président de la République a livré sa vision de l'Europe et a précisé les priorités de la politique européenne de notre pays, qui présidera l'Union au second semestre 2008.
Le 23 juillet prochain s'ouvrira, sous présidence portugaise, la conférence intergouvernementale chargée de mettre en forme le traité simplifié. Cette conférence, qui dispose d'un mandat très clair et très précis, devra placer ses travaux sous le signe de la transparence. Je souhaite, monsieur le ministre, que le Gouvernement tienne le Parlement régulièrement informé de l'état d'avancement des négociations : nous ne saurions, en effet, être tenus à l'écart de la négociation d'un texte qui nous concerne directement.
Après la signature du traité, qui pourrait intervenir dès le mois d'octobre, viendra le temps des ratifications dans chacun des vingt-sept États membres. Le Président de la République a dit qu'il soumettrait le traité à la ratification parlementaire. Nous aurons alors à nous prononcer sur un texte équilibré qui ne désigne ni gagnants, ni perdants. Nous aurons aussi à convaincre tous les Français qu'il y va de leur intérêt collectif et individuel.
Pour conclure, mes chers collègues, il y a quinze jours à l'occasion du Conseil européen, nos partenaires ont souhaité donner une seconde chance à l'Europe. J'ai la conviction que, à son tour, la France saura donner cette seconde chance dont nous avons besoin. Pourquoi ? Car tant ceux qui, comme moi, avaient soutenu la Constitution européenne que ceux qui l'avaient combattue, tous, nous avons de bonnes raisons d'approuver le traité simplifié : ceux qui l'avaient soutenue, car mieux vaut un bon traité simplifié qui s'applique qu'une bonne Constitution qui ne s'applique pas ; …
…ceux qui l'avaient combattue, car le traité simplifié, en modernisant les institutions mais sans préjuger des orientations futures de l'Europe, respecte pleinement le vote des Français.
Tous, nous aurons d'autant plus de raisons d'être fiers d'être européens que l'Europe prendra en compte à leur juste valeur la diversité des cultures, des traditions et des identités nationales. La fierté européenne, en effet, ne peut s'inscrire que dans ce qui nous est le plus cher : la fierté d'être Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
Nous en arrivons aux orateurs inscrits.
Le premier orateur inscrit est M. Pierre Moscovici, au titre du groupe socialiste, radical et citoyen.
Vous avez la parole, mon cher collègue, pour dix minutes.
Monsieur le ministre, à ce stade, je ne répondrai pas davantage à votre discours – cela a déjà été amplement fait – qu'à celui de Nicolas Sarkozy à Strasbourg, dont vous vous êtes largement inspiré – parfois, m'a-t-il semblé, avec un tout petit peu d'embarras. J'en résume la thèse : l'Europe, bien sûr sous l'égide de Nicolas Sarkozy – qui a, c'est vrai, concédé quelques mérites à Angela Merkel, José Luis Zapatero et José Socrates –, aurait tout simplement été sauvée à Bruxelles. C'est une thèse d'une humilité remarquable, d'une modestie exceptionnelle,…
…mais je crois cette vision des choses tout à fait fausse. Dans la présentation que vous en faites, je décèle, pour ma part, une grosse ficelle, un gros mensonge et une fausse promesse.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical et citoyen. Très bien !
Une grosse ficelle : les Vingt-sept auraient enfin, dit le Président de la République, réussi l'improbable synthèse entre les « oui » et les « non ». J'ai consulté les dictionnaires et j'ai lu qu'une synthèse – mot que nous connaissons bien au parti socialiste (Sourires) – est une composition, un dépassement. Or ce que vous avez fait à Bruxelles n'est ni une composition, ni un dépassement, c'est un compromis, et pas forcément de la meilleure facture, une habileté, une ruse. En effet, quand on regarde les choses de près, on s'aperçoit qu'on a voulu déminer les « non » et calmer la déception des « oui ». Il est vrai que certains éléments peuvent satisfaire ceux qui ont voté « non ». En effet, quelques concessions leur ont été faites, dont nous sommes cependant obligés de reconnaître qu'elles sont largement de façade. J'en vois, pour l'essentiel, deux. Première concession : la troisième partie n'existe plus.
Au fond, il est vrai que c'est ce que les Français ont voulu exprimer par leur vote. Nous n'avons plus de Constitution, mais, désormais, un projet de traité – ou en tout cas une feuille de route pour un traité – qui amende les traités existants. Tout ce qui figurait dans la troisième partie est donc maintenu dans les traités d'aujourd'hui et sera la règle applicable. La troisième partie n'a qu'optiquement disparu, puisque nous avons changé de statut de traité.
Deuxième concession de façade : la concurrence libre et non faussée ne serait plus un objectif de l'Union. La belle affaire ! Vous êtes particulièrement bien placé pour savoir que cela demeure depuis 1957 une règle fondamentale, sinon « la » règle fondamentale de l'Union européenne – auparavant, des « Communautés ». Voilà pour les « non ». Cela ne les trompera pas !
Quant à ceux qui ont voté « oui », vous leur offrez quelques consolations. Reconnaissons qu'ils peuvent être déçus, car ils ont beaucoup perdu dans cette affaire. Ils ont perdu la Constitution, qui n'existe plus. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Cela signifie qu'il n'y a plus de colonne vertébrale politique pour l'Europe. Ils ont perdu la notion de loi européenne. Ils ont perdu les symboles – le drapeau, l'hymne, la devise. Tout cela ne figure plus dans le traité. Reconnaissons tout de même que ce n'est pas mince pour ceux qui aiment l'Europe.
La méthode communautaire s'affaisse et l'intergouvernementalisme progresse. Je pense que, tous, nous pourrions, sur ce point, méditer ce que dit notre maître commun : Jacques Delors. (Murmures sur quelques bancs.) Nous conservons heureusement des éléments pour une Europe qui décide mieux. D'incontestables progrès par rapport au traité de Nice ont été accomplis, qui sont un peu de la même veine : un président du Conseil européen stable, qui remplace la présidence tournante ; le vote à la majorité qualifiée, étendu aux questions de coopération judiciaire et policière ; une répartition des compétences plus claire, un rôle plus affirmé des parlements nationaux – ce dont je me réjouis –, la personnalité juridique unique, qui signifie, en pratique, la fin de l'illisible système des piliers ; le Haut Représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, au double chapeau – Commission et Conseil –, mais qui, vous le savez, n'est pas ministre, ce qui traduit les réticences des diplomaties nationales à concéder des éléments de souveraineté en la matière.
Tout n'est pas à rejeter, mais cela traduit l'abandon de l'ambition européenne, et c'est là qu'est, selon moi, le gros mensonge.
Ce nouveau traité, dit Nicolas Sarkozy, ne serait pas du tout un recul, mais témoignerait au contraire du renouveau de l'esprit européen. Pauvres pères fondateurs de l'Europe, me suis-je dit. Où est l'esprit dans ce traité, plein de trous et d'exemptions ? La charte n'est plus qu'une référence et n'est pas applicable à la Grande-Bretagne, le vote à la double majorité ne serait applicable qu'en 2014 ou 2017 si les Polonais le décident, et il n'y aura pas de rendez-vous démocratique, ni convention nouvelle,…
Les conventions ne sont pas démocratiques, elles sont technocratiques !
…ni référendum pour une étape ultérieure.
Ce traité est un simple règlement intérieur à portée fonctionnelle. C'est mieux que rien (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), ça a le mérite d'exister,…
…mais je n'y sens pas, pour ma part, le souffle de l'esprit européen.
Enfin, je vois dans ce texte une fausse promesse, celle du Président de la République pour une Europe qui, paraît-il, protégerait et agirait. Il a parlé à Strasbourg de préférence communautaire et de véritable gouvernement économique. Pourquoi pas, mais, dans l'accord, il n'y a rien sur ces sujets.
Il n'y a rien sur la Banque centrale européenne, rien sur ses objectifs, rien qui permette d'aller contre l'euro fort, rien sur le marché intérieur, il n'y a pas de nouvelles compétences en matière énergétique, sociale, environnementale, pas de vote à la majorité qualifiée sur les questions fiscales et sociales. Quant aux services publics, il faudra s'assurer in fine que tout est vraiment respecté.
C'est encore un propos de campagne électorale, mais on n'a fait aucun progrès à Bruxelles en matière d'Europe économique et sociale.
Au fond, quel jugement peut-on porter sur ce traité ? En réalité, il ne mérite ni excès d'honneur ni indignité. Le dithyrambe est ridicule, mais la critique radicale n'est pas justifiée. Ce n'est pas un traité fondateur. L'Europe n'est pas sauvée, elle n'a donc pas eu de sauveur. La France est de retour en Europe, oui, et je m'en réjouis. Il ne manquerait plus qu'elle ne le soit pas après les années Chirac, lui qui, depuis le 29 mai 2005, était totalement paralysé dans son discours européen.
Mais comment est-elle de retour ? À travers une version minimaliste, qui a suscité, vous le savez, les réticences de la Belgique, du Luxembourg, de l'Italie, pays attachés à l'intégration européenne. Nous sommes en face d'un simple compromis pragmatique, rien de plus et rien de moins.
Quel point de vue peut-on donc en tirer ?
D'abord, comme l'a souligné Élisabeth Guigou, il faut juger aujourd'hui des conclusions et puis juger plus tard des résultats de la CIG. Attendons ces résultats. D'expérience, je sais qu'un tel exercice n'est pas technique mais politique. On peut craindre des régressions plutôt qu'espérer des progrès.
Par réalisme, je ne peux pas rejeter tout en bloc, mais, par idéalisme – et nous avons besoin d'idéalisme européen –, je ne peux pas non plus manifester d'enthousiasme pour ce qui constitue un repli stratégique sur une Europe largement intergouvernementale.
Il faudra plus pour nous convaincre. Nous aurons d'autres rendez-vous, et soyez sûrs que nous serons très vigilants sur le travail qui sera le vôtre dans le cadre de la Conférence intergouvernementale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen.)
Au titre du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, la parole est à M. Noël Mamère, pour dix minutes.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en votant majoritairement non le 29 mai 2005, les Français, hormis une fraction souverainiste, ont peut-être moins voté contre 1'Europe que contre le gouvernement de M. Chirac et de M. Raffarin,…
…contre une vision de l'Europe qu'ils considéraient trop libérale et contre une dynamique d'élargissement sans approfondissement. Ce faisant, ils ont donné mandat à leur gouvernement de ne pas valider un texte qui ne tiendrait pas compte de cet avertissement. C'est à la lumière de ce mandat que nous devons aujourd'hui analyser le projet de traité simplifié qui nous est proposé.
Nous discutons ici d'un texte virtuel, puisqu'il sera rédigé réellement par la Conférence intergouvernementale sous présidence portugaise dès le 23 juillet. Cette synthèse de compromis peut être remise en cause à tout moment par chacun des membres de ce bateau sans gouvernail qu'est devenue l'Union Européenne.
Le Président de la République a beau nous présenter le traité simplifié comme une victoire due à son hyperactivisme,…
…celui-ci n'est pour le moment qu'un copié-collé des demandes contradictoires de vingt-sept pays qui préfèrent se pacser (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)…
…pour ne pas être obligés de divorcer.
La feuille de route fixe des échéances très rapprochées pour ratifier ce nouveau traité. En d'autres termes, il s'agit d'accélérer le calendrier pour éviter d'avoir à affronter un large débat public européen sur les choix à opérer.
Cela implique nécessairement d'intenses tractations diplomatiques et des négociations opaques, avec, à la clé, des procédures de ratification accélérées et strictement parlementaires justifiées par l'étroitesse des ambitions.
En agissant ainsi, les décideurs européens prennent le risque de continuer de discréditer la construction européenne aux yeux des citoyens, ce qui ne peut qu'engendrer des crises ultérieures graves.
C'est pourquoi, nous, élus, représentant la volonté de la nation, en liaison avec le Parlement européen, devons rester vigilants. Nous souhaitons que, avant le sommet informel des 18 et 19 octobre à Lisbonne, le Parlement puisse jouer son rôle d'amendement, car, si la majorité entend rester fidèle aux engagements du Président et refuse que le traité soit ratifié par référendum, il est décisif que les représentants de la nation puissent se prononcer non sur un texte évanescent mais sur un traité amendable, aux contours précis.
Nous prenons acte du rafistolage du traité simplifié parce que nous ne souhaitons pas pratiquer la politique du pire, mais nous ne devons pas nous cacher cette vérité. Face à une situation de blocage des institutions européennes, le processus d'adoption du nouveau traité est peut-être utile à court terme, mais, à long terme, ce n'est pas une réponse saine aux aspirations démocratiques des citoyens européens. À terme, en effet, la logique intergouvernementale nous mène dans l'impasse.
Le projet de traité n'est pas une Constitution. Nous sortons du concept philosophique de constitution pour entrer dans une sorte de meccano institutionnel. Que nous ayons été pour ou contre le traité constitutionnel, il était difficile d'accepter un texte qui inscrivait dans le marbre de la Constitution des politiques économiques apparaissant inamendables par nos concitoyens.
Nous n'avons pas non plus à nous réjouir ou à nous lamenter de la disparition dans ce texte des symboles de l'Europe tels que l'hymne ou le drapeau. Ils ne disparaîtront ni des cérémonies ni de notre imaginaire, mais ils n'ont pas à être introduits dans un texte qui n'est plus une Constitution.
Alors, quelle est la nature de ce texte ? C'est tout simplement un règlement intérieur, qui permet de réguler une Union européenne devenue un navire sans gouvernance depuis les élargissements.
De ce point de vue, le nouveau traité issu du Conseil représente un déblocage plutôt positif de la situation européenne et contient des éléments qui sont autant de progrès par rapport au traité de Nice : personne ne peut être contre la présidence stable de l'Europe pendant deux ans et demi, ni contre la nomination d'un ministre des affaires étrangères, même s'il est affublé du nom de haut-commissaire fleurant bon les anciennes colonies (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire),…
…ni contre le droit d'initiative citoyenne. La majorité qualifiée, même si elle n'est appliquée qu'en 2014, est un progrès nécessaire.
De même, l'on ne peut que se réjouir de la référence contraignante à la Charte des droits fondamentaux, bien qu'il ne soit pas admissible que des pays de l'Union, comme le Royaume-Uni, puissent en être exemptés.
Enfin, les avancées institutionnelles comme l'extension limitée des domaines d'application de la majorité qualifiée et de co-législation du Parlement européen mettront de l'huile dans les rouages d'une construction européenne poussive et stagnante.
Des inquiétudes subsistent, en particulier sur la réintroduction du terme « religieux » dans le préambule. Différentes procédures de freinage ont été instaurées au bénéfice des Parlements nationaux et de minorités d'États membres, qui ne feront que rendre les processus de prise de décision plus longs et compliqués.
Plusieurs domaines politiques majeurs restent en dehors du processus de « démocratisation » de la prise de décision – fiscal, social, budgétaire, affaires étrangères et défense –, rendant impossible ou très improbable une action politique européenne positive dans ces matières.
Enfin, même si la référence à la concurrence « libre et non faussée » est supprimée des objectifs de l'Union, le principe est maintenu dans les traités existants qui constituaient le coeur de la fameuse partie III. Elle est abolie, mais un protocole « sur le marché intérieur et la concurrence » est ajouté, qui rétablit malheureusement le rôle fondamental de la concurrence.
Au final, ce traité simplifié est en réalité un texte de circonstance très compliqué et peu lisible, mais les Verts, tout en restant vigilants, pourraient se prononcer favorablement sur ses avancées.
Monsieur le président, chers collègues, l'Europe s'enlise et accentue ces derniers temps son caractère néolibéral, comme le prouvent les directives postale et électrique ou l'accord passé avec les États-Unis d'Amérique pour la libéralisation du trafic aérien transatlantique.
Elle ne parle pas d'une seule voix, qu'il s'agisse du Darfour, du Moyen-Orient, et face au défi de la guerre de civilisations.
Une véritable relance de l'Europe ne peut se faire qu'en proposant un grand dessein, que nous devons explorer dans trois directions.
D'abord, une relance des politiques publiques européennes en matière économique, sociale et énergétique, fondées sur l'augmentation substantielle du budget européen pour assumer les choix d'élargissement effectués et garantir la solidarité par des transferts massifs à destination des nouveaux membres, en contrepartie du refus de tout dumping fiscal ou social.
Ensuite, le développement des coopérations renforcées. Les politiques de la Grande-Bretagne, de la Pologne et de quelques autres rendront impossible la continuation de l'actuelle construction européenne si nous ne mettons pas en place les conditions d'une Europe politique, sociale et écologique qui s'oppose à une simple zone de libre-échange. Pour cela, nous devons reprendre l'idée du noyau dur et recréer une dynamique politique lisible par les opinions publiques européennes.
Il faut élaborer un traité social répondant aux exigences formulées par la Confédération européenne des syndicats, qui fixe des critères sociaux ambitieux, comparables aux règles de Maastricht, et qui reconnaisse la primauté du principe d'intérêt général sur le droit à la concurrence, un traité qui reconnaisse en droit la notion de service public. La convergence vers le haut en matière fiscale et sociale permettrait d'avancer dans la construction de l'Europe politique.
Enfin, les Verts tiennent à dire ici leur attachement au processus constituant. Seul un projet légitimé par les peuples peut faire avancer l'Europe. Il devrait déboucher sur l'écriture d'une véritable constitution qui serait le même jour soumise à référendum dans tous les États membres. Un processus constituant déboucherait sur l'élection d'une assemblée européenne chargée de rédiger ce nouveau texte fondateur.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, que nous ayons voté oui ou que nous ayons voté non, l'Europe reste notre nouvelle frontière. Aucun d'entre nous ne peut se satisfaire de son affaiblissement face aux urgences sociales, écologiques et géopolitiques.
Ce projet de mandat n'est pas un document juridiquement contraignant. Le texte qui, in fine, sortira des travaux de la CIG pourrait très bien s'en écarter. Cela dépendra de l'attachement des négociateurs aux termes de l'accord politique. Il est donc nécessaire de rester vigilant, au moins jusqu'à la conclusion des travaux de la CIG et pendant la phase de la ratification du texte final. (Applaudissements sur divers bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical et citoyen.)
Au titre du groupe Nouveau Centre, la parole est à M. François Rochebloine, pour dix minutes.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en préambule de cette intervention, je me dois de saluer la méthode que ce débat inaugure, méthode de concertation, de large discussion, que le Président de la République, Nicolas Sarkozy, a mise en oeuvre avec ouverture, et ce dans le plus grand pluralisme. Le groupe Nouveau Centre se reconnaît pleinement dans cette approche. La transparence, le dialogue avec les élus, le débat public sur les résultats du Conseil européen correspondent à ses attentes.
Pour le Nouveau Centre, comme l'a dit avant moi mon ami François Sauvadet, président de notre groupe, il est en effet essentiel que nos concitoyens comprennent les enjeux de la construction européenne, qu'ils se les approprient véritablement.
Nous le savons, aucun des sujets qui sollicitent notre attention quotidienne, aucun des enjeux présents du débat collectif ne trouvera de solution dont l'Europe soit absente.
Notre débat d'aujourd'hui marque une nouvelle étape dans cette prise de conscience. C'est pourquoi nous croyons qu'il contribuera à relancer la construction européenne, à concrétiser davantage ce grand dessein politique qui nourrit notre tradition commune depuis plus d'un demi-siècle.
Avec ce traité européen, l'Europe doit permettre aux citoyens de notre pays de vivre une aventure commune, d'être l'instrument du « vivre ensemble » qu'elle a toujours représenté pour le courant politique auquel j'appartiens.
Ce traité va permettre de repartir sur de nouvelles bases, de rénover les institutions européennes et de leur insuffler davantage de démocratie. Il va permettre de fixer de nouveaux objectifs à l'Union, tant en matière énergétique qu'en matière économique puisque la concurrence ne sera plus seulement une fin mais un moyen, mais également en matière démocratique puisque le Parlement européen verra son pouvoir étendu et que les parlements nationaux pourront émettre des points de vue sur les textes proposés par la Commission européenne.
Avec ce traité, l'Europe pourra s'exprimer d'une seule voix, à l'intérieur comme à l'extérieur.
Mais si, monsieur Myard ! Le Haut Représentant pour les affaires étrangères et la sécurité sera le garant de cette cohésion interne et externe.
Cette innovation est une des voies par lesquelles ce traité vient réconcilier les partisans du « non » avec le projet de Constitution européenne. Ce qui a été rejeté en 2005, c'est une Europe diluée, incapable de défendre ses intérêts et de porter son modèle économique sur la scène internationale, une Europe du libre marché, ouverte sans contrepartie au commerce mondial. Le Haut Représentant permettra à l'Europe de négocier, d'affirmer ses valeurs et d'exiger que la réciprocité gouverne réellement les négociations commerciales au sein de l'OMC.
Nous devons faire attention à ne pas nous concentrer uniquement sur l'achèvement du marché unique. Il faut aussi se préparer à la confrontation avec le reste du monde.
Précisément, ce traité va doter l'Europe de moyens efficaces pour soutenir cette confrontation.
Nous avons trop souffert ces dernières années d'attitudes minimalistes et frileuses. Nous avons besoin d'engager une véritable démarche politique commune, de définir ensemble, avec les pays de la zone euro, ce que nous attendons de notre monnaie commune.
Je suis à ce titre extrêmement satisfait des déclarations du Président de la République, Nicolas Sarkozy, qui s'est fermement engagé à exiger un gouvernement économique pour la zone euro, à défendre l'idée selon laquelle les responsables politiques ont davantage leur mot à dire sur l'économie et la monnaie.
Je ne peux pas ne pas dire un mot de l'Europe de la connaissance, de la compétitivité et de la croissance. Cette Europe ne doit pas rester un voeu pieux.
Les objectifs de la stratégie de Lisbonne sont pertinents, mais il reste à les mettre en oeuvre, et cela est aujourd'hui de la responsabilité des États. Il manque en effet des règles communes. Je suis convaincu que les nouvelles missions que la France entend faire endosser à notre monnaie commune permettront d'arriver enfin à des résultats d'autant plus tangibles que la méthode sera ambitieuse.
En ce qui concerne la politique agricole commune, je ne peux que me réjouir de la volonté exprimée par le Gouvernement de défendre la sécurité et l'indépendance alimentaires de tous les Européens.
Simplifier notre politique agricole commune ne veut pas dire déréguler le marché agricole. La promotion de notre agriculture n'est pas seulement une affaire économique. L'agriculture, en effet, est le ferment de notre culture européenne, de notre identité, de notre savoir-faire et de notre spécificité.
L'Europe enfin a besoin d'identité, elle a besoin de se reconnaître dans des actions et des buts communs. La citoyenneté européenne n'existera que si ses habitants ont le sentiment qu'un destin commun est en train de se dessiner,…
…et que l'Europe est à même de les armer durablement pour affronter l'avenir, les enjeux mondiaux et les nouvelles menaces. Sans se refermer sur elle-même, l'Union européenne doit poser les termes de son existence, les limites géographiques de son extension et les valeurs qui l'animent, comme le Président de la République l'a rappelé à propos de la Turquie. Seule la définition de cette identité européenne, par le biais d'actions communes et concertées pour porter nos valeurs et notre spécificité dans le monde, permettra à l'Europe d'entretenir des relations apaisées avec ses voisins et avec ses partenaires économiques. Cela ne s'oppose pas à ce que vous venez de dire, cher collègue Myard.
Certains considèrent que ces modifications constitutionnelles majeures auraient dû faire l'objet d'un référendum. Ce n'est pas mon sentiment.
Il s'agit d'un nouveau traité qui adapte des règles institutionnelles pour améliorer le fonctionnement de l'Europe, et pour lui permettre ainsi de développer ses potentialités.
Désormais, il appartient au Parlement de s'en saisir au nom des Françaises et des Français, avec le sérieux et le sens de la responsabilité qui doivent être les siens.
Ce texte est un premier pas, un instrument de la relance du projet européen. À nous de donner aux Françaises et aux Français le goût de l'Europe. Par notre action constante, donnons à cette Europe un contenu, un avenir et, enfin, une espérance. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à Mme Nadine Morano, au titre du groupe de l'Union pour un mouvement populaire, pour dix minutes.
Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, permettez-moi tout d'abord de me réjouir que, dès l'ouverture de cette session extraordinaire, l'Europe soit au coeur de nos débats, et surtout que notre Président de la République ait d'ores et déjà obtenu un bon résultat dans ce domaine.
Un « non », un non clair, massif : cette réponse des Français au référendum sur la Constitution européenne le 29 mai 2005 a fait apparaître une France divisée, voire morcelée, inquiète de son présent dans une Europe qui lui devenait si étrangère, inquiète de son avenir dans cette Europe dont elle ne comprenait plus rien.
La France rurale et les périphéries l'ont rejetée massivement ; les ouvriers, les agriculteurs, les employés, les artisans, les commerçants, les chefs d'entreprise, les professions intermédiaires ont voté très majoritairement contre, comme les jeunes de vingt-cinq à trente-quatre ans, et 62 % des quarante-cinq à cinquante-neuf ans.
Pourtant, l'Europe voulue par ses pères fondateurs Schuman et Monnet, espace de paix et d'échanges économiques, dispose de fondations solides. Mais dans cette maison commune, censée protéger et garantir le « bien vivre ensemble », à force d'en pousser les murs, de ne plus en connaître les frontières, d'y construire un labyrinthe de textes, de règlements, de technocratie, les Français ont refusé de se perdre et en ont rendu les clés.
En dépit d'une stabilité et d'une paix inédites depuis plus de soixante ans, que beaucoup de Français qui, comme moi, n'ont pas connu les horreurs de la guerre, n'apprécient sans doute pas à leur juste valeur, sont apparus la crainte de l'instabilité économique, le spectre des délocalisations intérieures, vers les pays de l'Est, la peur de l'appauvrissement et du chômage. À cela s'ajoute la conscience de l'impuissance de l'Europe à se faire entendre, à agir de concert, bref à être efficace et respectée.
On rend en fait l'Europe responsable de beaucoup de maux, sans d'ailleurs trop savoir pourquoi : si éloignée, si tatillonne, elle n'en était que plus coupable.
Vous avez raison : ce n'est pas l'Europe, c'est le capitalisme qui en est responsable !
C'est en tout cas le verdict qu'ont rendu les Français.
Mais le « oui », chers collègues, celui qui a déjà commencé à tout changer, ce oui qui ouvre une perspective à la France dans l'Union Européenne, celui qui renoue avec la confiance dans l'avenir et qui refuse la fatalité,…
…ce « oui », c'est celui du changement, le choix du courage, le choix d'une personnalité à l'envergure nationale, à la stature internationale, le choix clairement exprimé des Français. Ce oui, c'est celui que nos concitoyens ont accordé à Nicolas Sarkozy, en l'élisant Président de la République avec plus de 53 % des suffrages.
Si les Français ont fait le choix de la rupture avec Nicolas Sarkozy, c'est parce qu'ils attendent un profond changement dans notre pays, mais aussi parce qu'ils savent que l'Europe est au coeur du projet présidentiel.
« La France n'est elle-même, la France n'est grande, la France n'est forte…
…« que lorsqu'elle se place au centre de gravité de l'Europe, » disait le Président de la République le 2 juillet à Strasbourg.
C'est fort de cette conviction qu'il s'est engagé, en respectant l'expression du peuple français et en recherchant la synthèse de ceux qui ont voté oui et de ceux qui ont voté non – je suis désolée, monsieur Moscovici, mais c'est la réalité –, non pas dans un fade compromis mais en dépassant les contradictions, pour permettre à l'Europe d'agir et de se protéger.
Cela fait à peine cinquante jours que Nicolas Sarkozy est à la tête de l'État qu'il applique déjà à la lettre son engagement de campagne, qui est aussi le nôtre, mes chers collègues. Il s'agit d'abord de redonner à l'action politique, comme volonté et comme résultat, ses lettres de noblesse, mais aussi de redonner à l'Europe sa force démocratique, avec un Président français clairement impliqué.
Mes chers collègues, parce qu'il était prêt à relever ce défi, parce qu'il avait beaucoup consulté ses partenaires européens, parce que les liens qui nous unissent à l'Allemagne ont fait de Nicolas Sarkozy et d'Angela Merkel un tandem gagnant pour l'Europe, les résultats de ce Conseil européen des 21 et 22 juin derniers, que vous nous avez présentés, monsieur le ministre, nous permettent d'affirmer que nous sommes sortis de la paralysie et entrés dans une ère nouvelle.
Dès 2009, l'Europe fonctionnera mieux : elle sera dotée d'institutions nouvelles, avec un président du Conseil européen stable, élu pour un mandat de deux ans et demi renouvelable une fois, qui permettra à l'Europe d'être un partenaire crédible, et même recevable. Au-delà d'un visage, l'Europe devrait y gagner en continuité de son action.
L'Europe cherchera aussi à parler d'une seule voix sur la scène internationale, en se dotant d'un Haut Représentant pour cinq ans, qui sera l'interlocuteur des grandes puissances mondiales.
Le vote à la majorité qualifiée dans des domaines d'intervention importants, comme la coopération contre la criminalité organisée, la reconnaissance du pouvoir de décision de l'Eurogroupe sont des avancées significatives du « mini-traité » européen.
L'Europe doit protéger, elle doit être efficace, elle doit être plus démocratique.
Je ne reviendrai pas sur l'ensemble des avancées de ce « mini-traité », puisque vous les avez déjà exposées, monsieur le ministre, et que, comme mes collègues de l'UMP, je les approuve.
Nous attendons maintenant que la Conférence intergouvernementale se réunisse pour préciser les modalités de mise en oeuvre de ce qui a été décidé au cours de ce dernier Conseil européen ; nous sommes en attente aussi de la ratification parlementaire sous forme d'amendements aux traités existants.
Nous nous inscrivons clairement dans l'élan impulsé par le Président de la République et ses partenaires européens ; nous nous inscrivons clairement dans l'action en faveur de la renaissance de l'esprit européen chez nos concitoyens. C'est sans doute pour avoir mesuré, en tant que Lorraine, combien le TGV est-européen est porteur d'espoir – mes voisins alsaciens ici présents ne me démentiront pas –…
…que je sais qu'il est nécessaire d'aller à la reconquête d'une Europe performante à grande vitesse.
Monsieur le ministre, si nous comptons évidemment sur le Président de la République, nous comptons aussi sur votre détermination au service d'un idéal dont votre présence sur ces bancs démontre qu'il peut être une volonté commune au-delà des clivages politiques, au service de la France et des Français.
Après le « mini-traité » européen, qui relance nos institutions, il nous faut être à l'initiative d'un programme d'action cohérent, lisible, compréhensible.
Monsieur le ministre, nous souhaitons que vous redonniez aux Français l'intérêt de l'Europe, que vous leur redonniez l'envie de dire oui, oui à l'avenir de l'Europe, oui à la France dans l'Europe ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
La parole est à M. Christian Paul, au titre du groupe socialiste, radical et citoyen, pour dix minutes.
Monsieur le président, mesdames, messieurs, l'Europe bouge à nouveau, mais avance-t-elle vraiment ?
Telle est, monsieur le ministre, la question qui est posée au Gouvernement à la suite du Conseil de Bruxelles. Soyons clairs : personne ne trouvera dans cet accord des réponses fortes aux questions posées par les Français lors du référendum de 2005, même s'il ne faut pas craindre de saluer l'émergence, le 23 juin, d'une démarche permettant d'engager la négociation d'un nouveau traité sur les institutions européennes.
J'observe sur ce point que le Président de la République a dû reconnaître lundi à Strasbourg que ce n'est pas le « non » des Français au référendum qui a provoqué la crise, mais bien la crise de l'esprit européen qui a provoqué le « non » français.
Qu'à l'impuissance de Jacques Chirac sur la scène européenne pendant deux ans succède aujourd'hui l'omnidiplomatie médiatique et messianique du Président Sarkozy…
…éveille certes la curiosité, mais ne rassure en rien quant au sens que prend aujourd'hui la construction de l'Europe.
Le mandat de la future Conférence dessine une réforme du traité de Nice, qui rendait impossible la vie à vingt-sept États membres. Ce mandat préserve plusieurs innovations nécessaires pour garantir le fonctionnement quotidien de l'Union européenne, innovations utiles qui ont été rappelées ici et sur lesquelles je ne reviendrai pas.
Le Conseil de Bruxelles n'a cependant pas dissipé les nuages dans le ciel de l'Europe. Il faut éclairer les Français sur les risques qui sont devant nous, et c'est là notre rôle. À eux seuls, ces risques justifient de prendre position sur le traité, le moment venu, en conscience et seulement après lecture du projet qui sortira de la Conférence intergouvernementale.
Monsieur le ministre, sur un sujet d'une telle importance, il n'y aura pas de chèque en blanc pour votre diplomatie.
Je place au premier rang des risques encourus la régression de l'ambition européenne. L'accord de Bruxelles pourrait bien n'être, à l'usage, qu'une rustine sur la crise de la conscience européenne que le « non » français est venu confirmer. Le traité simplifié est un accord minimaliste. Ce pansement de fortune permet certes une remise en mouvement, voire un dépassement du blocage, mais quels en sont les buts ?
La stratégie national-libérale qui dicte depuis des mois l'attitude du Président de la République à l'égard de l'Europe n'est pas un simple pragmatisme. Elle cumule les inconvénients du néolibéralisme et la renationalisation des politiques.
Prenant appui sur les échecs et les lenteurs de l'Union, à quoi appelle, au fond, malgré ses dénégations – comme encore à Strasbourg –, le Président Sarkozy ? Non pas, contrairement à ce qu'il affirme, à une repolitisation de l'Europe, mais, dans bien des domaines, à une renationalisation des politiques européennes.
Non ! Entre l'euroscepticisme affirmé des uns et l'idéal européen des autres, Nicolas Sarkozy n'est pas, quoi qu'il s'en défende, à égale distance. C'est d'ailleurs pour cela que le compromis avec la Grande-Bretagne et la Pologne s'est trouvé facilité, comme le confirment de nombreuses réactions en Europe, telles celles de Romano Prodi ou même de Valéry Giscard d'Estaing, qui ne s'y sont pas trompés et déplorent un recul de « l'esprit européen ». Je le dis sans malice et le dirais tout aussi bien si le ministre des affaires étrangères était encore parmi nous : nous sommes là beaucoup plus proches de l'Europe de M. Guaino que de celle de Bernard Kouchner.
De Londres à Varsovie, des souverainismes relèvent la tête. Le gouvernement polonais a poussé cette tendance à l'extrême et imposé la perpétuation du système de vote qui nuira à une prise de décision efficace jusqu'en 2017. Le Royaume-Uni refuse d'appliquer la Charte des droits fondamentaux sur son territoire. L'opt-out anglais risque de devenir la règle chaque fois qu'un gouvernement n'aime pas une politique choisie par les autres.
Cette dérive ne créera pas une Europe à deux vitesses, mais elle amorcera l'émiettement de l'Union. Les symboles, comme le drapeau, l'hymne ou le titre de ministre des affaires étrangères, sont abandonnés, mais rien ne remplace leur fonction de repères affectifs pour unir les citoyens et favoriser l'émergence d'un peuple européen…
…et donc une forme de souveraineté européenne sans laquelle il n'y aura pas d'Europe politique, et encore moins d'Europe puissance – mais il est vrai que ce n'est clairement pas là le but recherché.
Réconcilier les Français autour de la construction européenne est un enjeu revendiqué par la France et nous pourrions vous suivre sur ce terrain. Il faut donc regretter que le message du « non » de la gauche n'ait pas été entendu – c'est le second point que je tiens à soulever.
Nihil novi sub sole : rien de neuf à Bruxelles sur le terrain fiscal et social. Rien sur le salaire minimum en Europe, rien sur l'harmonisation fiscale ou la lutte contre les paradis fiscaux, rien pour réagir contre le dumping fiscal. Rien non plus, naturellement, sur la Banque centrale européenne. En revanche, Nicolas Sarkozy affiche énergiquement des marqueurs sans conséquences pratiques. Il s'agit moins, d'ailleurs, de donner le change à la gauche que de défendre avant tout le repli des États nations contre l'intérêt commun des Européens. J'en prendrai deux exemples.
Tout d'abord, l'objectif de la concurrence non faussée, enlevé de l'accord, demeure dans les traités : c'est un pur exercice de style. Serait-il remplacé par la concurrence faussée de la préférence nationale, comme le craignent certains Européens, ou, comme nous le redoutons, par des cartels qui resteraient dans l'impunité ?
Deuxième exemple : le protocole sur les services publics n'est pas un bouclier crédible et protège bien moins les services publics que la directive-cadre dont nous rappelons l'absolue nécessité.
Au fond, le mini-traité n'a pas entendu les critiques de la gauche qui a voté contre le traité constitutionnel – pas plus, d'ailleurs, que les attentes de nombreux Européens qui ont soutenu ce traité comme un pas vers une plus grande intégration. Non : Nicolas Sarkozy a surtout entendu et relayé prioritairement le « non » de droite.
L'Europe continue à creuser son déficit démocratique, et c'est là le troisième danger !
D'abord, le Président de la République refuse au peuple français de choisir les institutions de l'Europe. Il s'agit, certes, de sa responsabilité, monsieur Lequiller, mais c'est là une sanction inacceptable, qui affecte tous les Français, quel qu'ait été leur choix – pour le « oui » ou pour le « non » – en 2005. C'est une offense faite à la démocratie. Nous l'avons condamnée et je la condamne ici une nouvelle fois au nom des socialistes.
Je veux rappeler solennellement au Gouvernement et à la majorité que l'élection présidentielle, contrairement à ce qu'ils en disent, n'a pas été un référendum sur tous les sujets évoqués durant la campagne, qui vaudrait approbation pour toutes les décisions à prendre pendant cinq ans. Si tel était le cas, il faudrait renoncer à venir débattre et voter au Parlement, pour la loi comme pour les traités.
Chose peut-être plus grave encore, tout indique que ce traité de pure inspiration intergouvernementale ne marquera pas d'avancée pour la construction d'une démocratie européenne. Les citoyens européens n'y trouveront pas le droit de désigner un gouvernement européen chargé d'orienter les grands choix politiques issus du suffrage universel. Ils restent des spectateurs, extérieurs au processus des élites gouvernementales et bureaucratiques de l'Union européenne.
Nous pensons, au contraire, que le temps doit revenir vite d'une mobilisation pour une véritable union politique et une démocratie authentique. Cette république européenne est notre horizon. Nicolas Sarkozy se trompe quand il ravale le débat sur la démocratie à un vulgaire Meccano juridique. Tout se tient – le degré d'intégration et l'approfondissement de la démocratie. Nous avons besoin, pour l'avenir, d'un gouvernement européen chargé de conduire les politiques indispensables à l'ensemble des citoyens européens pour gérer les biens publics de l'Europe, qui appartiennent à tous les Européens. Ce gouvernement doit être responsable devant les députés européens élus au suffrage universel. Cette perspective ne saurait être enterrée.
En attendant, pour tous ceux qui ne se résignent pas à l'affadissement du projet européen, il faut rendre possible la relance du processus politique à l'occasion de l'élection au Parlement européen en 2009, autour d'un vrai clivage entre les progressistes et les conservateurs, entre les promoteurs de la démocratie pour l'Europe et les tenants de l'ancien régime.
On nous dit ces jours-ci, et aujourd'hui encore, que la France est de retour en Europe. Au vu des choix bien timides qui nous sont annoncés et que confirme cet après-midi le Gouvernement, il reste beaucoup à faire – et les socialistes y prendront toute leur part – pour que l'Europe soit de retour dans le coeur des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen.)
La parole est à Mme Huguette Bello, au titre du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, pour dix minutes.
Monsieur le président, mesdames, messieurs, quelque jugement, négatif ou positif, que l'on porte sur l'accord des Vingt-Sept relatif à un traité « simplifié », « allégé » ou, comme le dit Mme Merkel, « réformateur », le fait est qu'il constitue une étape nouvelle de la construction européenne.
Force est de constater, cependant, que le refus de soumettre à référendum cette étape nouvelle traduit, en France, une régression démocratique. Les partisans de ce traité arguënt du fait qu'il figurait dans le programme présidentiel de Nicolas Sarkozy pour nier l'intérêt d'une telle consultation populaire. Leur conviction optimiste devrait plutôt les porter à chercher une ratification populaire solennelle qui, si leurs estimations étaient justes, leur donnerait l'occasion d'un succès renouvelé.
En quoi, en effet, l'urgence constamment mise en avant nous contraindrait-elle à une ratification parlementaire plutôt que populaire ? Il y a beaucoup à dire de cette urgence, qu'on dit angoissante du fait du rejet, le 29 mai 2005, du projet de Constitution européenne – rejet qui, pour beaucoup, a pris l'allure d'un nouveau péché originel commis par une France séduite par « l'esprit qui dit toujours non », comme Goethe nommait le diable.
Le très peu diabolique Financial Times,…
…sans doute mal informé des nouveaux canons de la pensée unique, expliquait pourtant le 21 juin dernier que le rythme actuel du processus de décision des institutions européennes était identique à celui qui prévalait avant 2004 – avant l'élargissement à dix nouveaux membres. Un professeur de sciences politiques français, qui avait lui-même redouté un blocage institutionnel, expliquait même dans Le Monde que ce rythme s'était accéléré. « Les craintes d'un blocage institutionnel, y compris les miennes », ajoutait-il avec élégance, « étaient donc infondées ».
Nous savons tous quelle passion démocratique a animé les deux camps du « oui » et du « non » au printemps 2005. Ce fut une passion sérieuse, pacifique, fervente, véhémente, jamais violente. Ce fut une passion intelligente. Ne frustrons pas le peuple français d'une nouvelle occasion d'expression. Ne nous privons pas nous-mêmes des débats précis et documentés qui nous permettront d'y voir clair sur d'importantes questions. En voici quelques-unes.
Comment le traité en préparation répond-il aux urgences sociales et écologiques ?
La suppression de la référence à la concurrence « libre et non faussée » est-elle une réalité significative ou une pure formule ?
Quelle réponse politique faut-il proposer pour limiter la concurrence sociale et fiscale qui s'est intensifiée entre les pays de l'Union européenne depuis l'élargissement aux pays de l'Europe de l'Est ? En effet, lutter contre les délocalisations au sein de l'Union suppose d'abord une harmonisation fiscale et sociale par le haut, et non une TVA qui n'a de social que le nom et qui est une menace évidente pour le pouvoir d'achat des ménages.
Quelles seront les conséquences pour l'Union, pour les pays et pour les peuples de la création d'une présidence stable de l'Union et d'un Haut Représentant pour la politique étrangère ?
Tout cela mérite explication, tout cela mérite débat, tout cela mérite démocratie, tout cela mérite République ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Je souhaite aborder plus précisément le sort réservé aux régions ultrapériphériques – les RUP –, qui font partie des domaines dans lesquels le traité modificatif doit reprendre les dispositions du projet de traité constitutionnel. Ainsi, l'actuel article 299-2 du traité d'Amsterdam est-il appelé à être remplacé par le texte de l'article III-424 du projet de Constitution.
On relève trois modifications entre les deux articles.
La première est l'énumération nominative de chacun des quatre départements français d'outre-mer, à l'instar des RUP d'Espagne et du Portugal. Cette référence nominative a notre approbation.
Deuxième modification : l'expression « moyens spécifiques » devait être remplacé par les mots « loi, loi-cadre, règlement et décision européens ». L'abandon prévu, dans le traité modificatif, des termes « loi » et « loi-cadre » nous suggère cependant qu'il conviendrait de conserver l'expression initiale « moyens spécifiques », qui figure dans le traité d'Amsterdam.
Troisième modification : la suppression de la référence à la majorité qualifiée. Certes, les domaines où s'applique ce mode d'adoption seront plus nombreux. Cependant, pour éviter toute difficulté d'interprétation, nous plaidons pour le maintien de cette mention.
Ces trois remarques sur la formulation de l'article qui concernera les RUP visent à lui assurer la même portée juridique, quelle que soit l'architecture générale des traités.
Les dispositions visées par cet article sont d'une extrême importance pour tenir compte de la situation particulière des départements d'outre-mer. Nous en avons actuellement un exemple frappant avec la négociation des accords de partenariat économique – les APE – entre l'Union européenne et les pays ACP, négociation qui s'inscrit d'ailleurs dans le paragraphe V des conclusions du Conseil européen de Bruxelles, qui concerne les relations extérieures.
Répondant à une exigence de l'Organisation mondiale du commerce, ces accords visent à la création de marchés intégrés régionaux et à une libéralisation des échanges commerciaux. Ils prévoient à cet effet l'ouverture du marché européen, sans quotas ni droits de douane, aux produits exportés par les pays ACP. Réciproquement, les exportations européennes pourront, après une période transitoire de dix ans, entrer dans les pays ACP en franchise de droits de douane.
La Réunion est concernée à un double titre par ces ACP : en tant que région européenne et en tant qu'île de l'océan Indien située à proximité des ACP. C'est la seule région européenne de l'hémisphère Sud. Actuellement, grâce à l'article 299-2, concilier la géographie et la politique peut être possible. Cet article permettrait, en effet, comme le demande l'ensemble des socioprofessionnels, d'inclure dans ces accords une clause demandant la prise en compte des intérêts spécifiques de la Réunion. L'emploi, les productions locales, l'équilibre de la société réunionnaise en dépendent.
Ce traité modificatif, on le voit, de même que les deux traités modifiés, concernera plus que jamais les sociétés et les individus, dans leur vie quotidienne comme dans leur avenir. Raison de plus pour redonner la parole aux peuples ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical et citoyen.)
La parole est à M. Daniel Fasquelle, au titre du groupe de l'Union pour un mouvement populaire, pour cinq minutes.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, 1957-2007 : Quel beau cadeau d'anniversaire les Vingt-sept ont offert à l'Europe, le 23 juin dernier, en lançant une conférence intergouvernementale pour aboutir à la fin de l'année à un nouveau traité !
Ce résultat, nous pouvons d'autant mieux l'apprécier que l'Europe semblait en panne et pour longtemps. Comment, en effet, réconcilier les dix-huit pays qui avaient approuvé le traité constitutionnel et les autres, en particulier la France et les Pays-Bas ? Comment dépasser les réticences grandissantes de la Pologne et de la Grande-Bretagne à l'égard de la construction européenne ?
La clé pour ouvrir cette porte qui semblait durablement fermée sur l'avenir européen, c'est le Président français, alors seulement candidat, qui l'a suggérée, avec l'idée d'un traité simplifié lancée à Bruxelles en septembre 2006.
Mais s'il faut rendre hommage au Président de la République, grâce à qui un accord a été trouvé à vingt-sept – ce qui inclut la Pologne –, il faut aussi saluer du haut de cette tribune la contribution décisive de celle qu'on appelle désormais en Allemagne « Miss Europe », je veux bien entendu parler d'Angela Merkel. Voici la preuve que la France et l'Allemagne, quand elles sont unies et déterminées, restent le moteur de l'Union européenne, même à vingt-sept.
Alors que l'immense majorité des Européens a applaudi à ce beau résultat, certains esprits chagrins reprochent au projet de traité de manquer d'ambition ou d'être trop complexe. L'argument de la complexité laisse sceptique : qui a vraiment lu les conclusions du Conseil sait que le traité simplifié ne sera ni plus ni moins compliqué que le traité constitutionnel rejeté par les Français en 2005. Se rallier à un tel argument revient à méconnaître la réalité des traités internationaux et de la construction européenne, dont l'originalité peut parfois dérouter. Enfin, c'est oublier certains apports essentiels du projet, qui contribuent justement à plus de clarté.
Pour ne prendre que ces exemples, qui peut nier l'importance de la suppression des trois piliers ou l'acquisition de la personnalité juridique par l'Union européenne,...
..qui va désormais se substituer au lieu de se superposer à la Communauté ? En définitive, et c'est aussi le juriste qui parle ici, mieux vaut le traité simplifié que l'actuel enchevêtrement de normes né du traité de Maastricht.
On a encore reproché au projet de traité d'être trop timoré ou de ne pas aller dans la bonne direction. C'est un sentiment que je ne partage pas. On s'égare d'ailleurs, en voulant comparer au fond le projet de traité à la Constitution. Si l'on veut être juste et perspicace, il faut plutôt le juger par rapport au droit existant et par rapport aux attentes de nos concitoyens. Et, si on fait cet effort, on peut alors affirmer, comme Jacques Delors il y a quelques jours, que, par rapport à la situation précédente, le résultat obtenu fait gagner des années à la construction européenne.
La vérité, c'est que le traité simplifié marque une nouvelle et importante étape dans cette construction européenne, bien plus que les traités d'Amsterdam en 1997 et de Nice en 2000. Par ses avancées, il répond aussi à de nombreuses critiques formulées à l'encontre de l'Europe et montre la direction à suivre.
On a reproché à l'Europe son déficit démocratique. Le traité renforce le rôle des parlements nationaux ; il donne une valeur juridique à la charte des droits fondamentaux et crée un droit d'initiative citoyenne.
On a dénoncé le manque d'efficacité de l'Union ? Le traité étend le vote à la majorité qualifiée à soixante-dix-sept nouveaux domaines et met fin à la présidence tournante tous les six mois, au profit d'un président élu pour deux ans et demi, qui pourra enfin se consacrer exclusivement à sa tâche.
On a critiqué l'Union européenne parce qu'elle ne protège pas assez les Européens et qu'elle ne se fait pas assez entendre dans le monde ? Le traité simplifié instaure un Haut Représentant, véritable ministre des affaires étrangères, et crée une zone européenne de défense ; il renforce les coopérations judiciaire et policière et nous permettra d'être plus forts dans les négociations internationales où se joue notamment le sort de notre agriculture et de notre industrie.
On a regretté l'excès de libéralisme de l'Europe ? Le traité simplifié ne fait plus de la concurrence libre et non faussée un objectif de l'Union. C'est un point important, contrairement à ce qu'a dit Pierre Moscovici, car l'Europe s'est construite par rapport à ces objectifs. L'ensemble du droit européen, notamment à travers la Cour de Justice des Communautés européennes, s'est élaboré par référence aux objectifs, tels qu'ils figurent dans les traités dont ils sont un élément essentiel. Le fait d'avoir supprimé la référence à la concurrence libre et non faussée n'est donc pas anodin, au regard de la manière dont le droit européen se construit.
Le traité simplifié ne fait plus de la concurrence libre et non faussée un objectif de l'Union, il consacre l'accès universel aux services publics, il insiste sur la nécessité particulière de lutter contre le changement climatique et insère un article sur la solidarité entre les États membres en matière d'énergie.
Voilà la réalité et l'ambition du nouveau traité : il nous permettra d'avoir une Europe plus démocratique, plus efficace, plus juste et plus respectueuse des États, avec qui les rapports seront clarifiés. Mais, au-delà du texte et de son analyse, ce qui importe, c'est, comme Axel Poniatowski et Pierre Lequiller l'ont fait remarquer, qu'une page ait été tournée, celle d'une Europe paralysée depuis quinze ans, celle d'une Europe qui avait perdu de vue l'idéal européen, celui de Jean Monnet, de Schuman, de de Gaulle, de Mitterrand, mais aussi de Kant et de Victor Hugo.
Ce qui importe également, c'est que la France soit de retour en Europe et donc aussi dans le monde car, comme le disait si justement Jean Monnet, « la France ne peut être grande en dehors de l'Europe », l'Europe qui a été depuis soixante ans, qui est et qui restera notre meilleure garantie de prospérité, de paix, de solidarité et de liberté. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
La parole est à M. Jacques Myard, au titre du groupe de l'Union pour un mouvement populaire, pour cinq minutes.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'appartiens, chacun le sait, à la majorité forte des Français et des Néerlandais qui ont voté « non » au traité constitutionnel. Soyons clairs : ce n'est pas le « non » qui a provoqué la crise, mais c'est la crise qui a provoqué les « non », parce qu'on a assisté depuis vingt ans à une dérive institutionnelle, à une forme de centralisme technocratique qui a capté la démocratie, relégué au musée et passé par pertes et profits l'idée originelle et juste du traité de Rome fondant une communauté de nations.
Vous nous proposez aujourd'hui un traité simplifié. Je ne rejette pas cette idée, dès lors que ce traité est de nature à relancer les nécessaires coopérations européennes dont nous avons besoin au nom de la géographie, de l'histoire, voire de la culture. Je relève tout d'abord que ce traité enterre l'intégrisme d'une constitution décalée par rapport aux réalités intangibles du monde et des nations européennes. De surcroît, il reconnaît que l'Europe doit s'organiser selon des modes différenciés : méthode communautaire pour les relations transnationales du marché, maintien du mode intergouvernemental pour la PESC.
À ce titre, je tiens à vous rappeler que l'indépendance diplomatique de la France est l'expression même de la souveraineté de notre pays et de notre liberté ; elle est aussi le gage de l'indépendance de l'Europe : plus la France est indépendante, plus l'Europe est indépendante en matière de politique étrangère et de défense. À l'inverse, moins la France est indépendante, plus l'Europe est américaine – on l'a constaté en de nombreuses occasions.
Le Conseil européen de Bruxelles des 21 et 22 juin 2007 a donné mandat à la Conférence intergouvernementale pour élaborer un traité dans les mois qui viennent. Ce mandat doit être éclairé par le discours qu'a prononcé lundi dernier à Strasbourg le Président de la République, discours qui va dans le bon sens.
Je souhaite ici rappeler ce qui doit être impérativement acté afin de mettre un terme aux utopies décalées.
L'Europe s'est élargie, elle doit désormais s'amaigrir et cesser de tout vouloir réglementer, de tout régenter et de tout capter à son profit. Il faut revisiter radicalement les 90 000 pages d'un acquis communautaire qui grossit chaque jour un peu plus.
Je relève que, sur ce point, le mandat précise que le traité CE pourrait redonner des compétences aux États. C'est une évidence qu'il faut s'empresser de mettre en oeuvre. À ce titre, le rôle des parlements nationaux sera primordial dans la définition de la subsidiarité, car ce sont les États qui ont la compétence de la compétence, et certainement pas l'Union, encore moins la Commission qui s'arroge le droit de dire ce qui est bon pour l'Europe !
L'Europe et la France doivent se doter d'une politique industrielle, ainsi que je le réclamais dans un rapport remis sous la précédente mandature, le dogme du tout concurrentiel, fondé sur le modèle économique théorique du plain level field joue aujourd'hui directement contre les intérêts français et accélère les délocalisations.
La préférence communautaire doit redevenir un objectif – je pense notamment à une forme de préférence sectorielle, parfois temporaire. Cessons d'être naïfs ! Il n'y a aucune raison de tout ouvrir alors que nos concurrents américains et des pays émergents excellent dans l'art de se protéger directement ou indirectement. La réciprocité en matière internationale est le commencement de la sagesse, et c'est cela que nous devons faire.
Oui, il faut que le Conseil économique et financier et le Conseil européen puissent donner des directives à la BCE, qui fait preuve aujourd'hui d'un rare autisme et pratique la politique monétaire de la puissance dominante, à savoir l'Allemagne, ce qui va contre nos intérêts.
C'est avec bonheur que j'apprends par la bouche du Président de la République et celle du ministre des affaires étrangères que le compromis de Luxembourg est maintenu. J'avais interrogé le précédent gouvernement sur ce point : silence radio. C'est ce qui a motivé – vous le savez fort bien – le « non » de nombre de Français au référendum. Le compromis de Luxembourg est primordial, car les intérêts de nos partenaires – qui sont nos concurrents avant d'être nos partenaires – ne sont pas nos intérêts.
Et que l'on ne vienne pas me dire que c'est contraire à l'idéal européen car, en cette matière, l'idéal européen est une idée d'avenir et qui le restera longtemps !
À l'évidence, je peux donc me féliciter d'un retour au réalisme et de l'arrêt de la fuite en avant. Il est urgent de revenir à l'idée originelle du traité de Rome, celle d'une communauté de nations exerçant en commun leur souveraineté et décidées à rester elles-mêmes, comme l'a dit le Président de la République à Strasbourg.
Néanmoins, il reste beaucoup à faire. Lorsque je lis que les coopérations renforcées seront décidées à neuf, permettez moi de douter de ce que l'on souhaite réellement. On sait fort bien, en effet, qu'il ne pourra y avoir de coopérations renforcées à neuf ! Cela n'est pas sérieux !
Il faut de la souplesse, de la souplesse toujours, et pas du dogmatisme ! Je souris à l'idée d'un Haut Représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité : cela relève du mythe, puisque l'on sait très bien qu'il n'y a pas de possibilité d'accord à vingt-sept, sauf peut-être pour envoyer des fleurs à la veuve d'Arafat ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
De surcroît, stabiliser la présidence de l'Union sur une durée de deux ans et demi, c'est bien, mais la confier à un retraité battu du suffrage universel dans son pays, c'est commettre une certaine méprise.
Quant à la Charte, je rappelle que nous avons la Convention européenne des droits de l'homme. On sait très bien qu'il y a une querelle de boutique entre la Cour de Luxembourg et la Cour de Strasbourg et que la première ne juge pas séant d'être soumise à la seconde. Nous courons le risque de nous retrouver avec des jurisprudences contradictoires, et ces querelles de boutique ne sont pas sérieuses !
J'ajoute pour conclure, puisque la démocratie est limitée à cinq minutes dans ce parlement, que la question fondamentale est en réalité de savoir si le projet européen correspond à l'état du monde aujourd'hui. J'en doute. Dans le contexte de la mondialisation, la France doit demeurer une puissance indépendante, car elle a plus d'amis hors d'Europe qu'en Europe. Elle doit continuer à oeuvrer au concert des nations et à l'universalité de l'humanité.
La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan, dernier orateur inscrit, pour cinq minutes.
Monsieur le président, mesdames, messieurs, ce débat est particulièrement bienvenu car, en politique, comme dans l'histoire, quelle que soit la disproportion des forces en présence, la méthode Coué et la propagande n'ont jamais réussi à triompher de la réalité et de la vérité. M. le ministre Kouchner nous a expliqué que ce projet de traité « simplifié » était une sorte de compromis entre les nations qui ont rejeté la Constitution européenne et celles qui l'ont adoptée, mais il est trop avisé pour y croire !
Drôle de compromis en réalité. En effet, Jean-Louis Bourlanges, au lendemain du sommet de Bruxelles, s'émerveillait : « Toute la Constitution est là ! Il n'y manque rien ! » Jean Quatremer, l'un des plus fins journalistes qui suit les affaires de Bruxelles, ajoutait : « Au final, l'accord de Bruxelles est inespéré, puisque l'essentiel des avancées de la Constitution est sauvegardé. »
Le peuple français, qui a voté « non » par référendum le 29 mai 2005, ne sera pas dupe, à terme, de ce nouveau tour de passe-passe dont il sera, bien évidemment, la principale victime. On a supprimé le paquet cadeau et les rubans, mais on a gardé le même contenu. La manoeuvre est habile, mais, pardonnez-moi, monsieur le secrétaire d'État chargé des affaires européennes, la ficelle est un peu grosse !
Faire passer cette Constitution bis pour un simple règlement de copropriété, d'où l'expression « traité simplifié » destinée à abuser nos concitoyens, n'a pour but que d'éviter un nouveau référendum.
Tout à l'heure, dans son propos, le ministre Kouchner a d'ailleurs été franc en osant dire que l'absence de référendum évitera la coupure entre l'Europe et le peuple. Il a raison : en supprimant la démocratie, on peut essayer de faire croire que tout le monde est d'accord sans aucun risque d'être désavoué. Du moins, dans l'immédiat…
Si ce projet de traité traduisait une réelle réconciliation du « oui » et du « non », le Président de la République n'aurait pas à craindre de consulter le peuple par référendum. Mieux, il saisirait une occasion historique d'offrir à l'actuelle construction européenne une légitimité populaire qui persiste à lui faire défaut.
Ainsi, pour éviter l'obstacle, à défaut de le surmonter, on a créé le leurre du traité dit « simplifié ». Mais vous le savez bien, il ne s'agit là que d'une Constitution bis. Ce projet reprend le coeur institutionnel du texte de 2005, qui consacrait l'Europe supranationale, en particulier sur les points suivants.
L'extension du domaine du vote à la majorité qualifiée supprime le droit de veto dans des secteurs clés, comme l'immigration, les négociations commerciales, la sécurité intérieure, etc. Pour la France, c'est une catastrophe puisqu'elle est minoritaire sur ces questions dans l'Europe à vingt-sept – qui n'a rien à voir avec l'Europe des Six ou des Quinze.
La personnalité juridique unique de l'Union, ensuite, et l'intégration de la Charte des droits fondamentaux par une référence au traité renforcent l'affirmation du super-État européen. Il en va ainsi de l'ancien article 6 du texte Giscard posant la supériorité de la norme européenne sur la loi nationale : si celui-ci ne figure plus dans le projet proprement dit, il y est cependant renvoyé explicitement dans une déclaration additionnelle qui, elle-même, rappelle la jurisprudence de la Cour de justice, ce qui revient rigoureusement au même.
La règle de la double majorité est acceptée, ce qui déséquilibre dangereusement le couple franco-allemand, plaçant l'Allemagne en position de force au coeur de toutes les majorités.
L'adoption de cette Constitution bis serait d'autant plus paradoxale que le Président de la République et la majorité ont été largement élus par les Français pour redonner du sens à l'action politique, faire preuve de volontarisme et défendre nos intérêts.
Je citerai quelques exemples parmi d'autres.
À raison, le Président de la République menace les accords de l'OMC d'un veto mais, dans le projet de traité, parmi quarante autres domaines, les négociations commerciales internationales tombent intégralement dans le système de la majorité qualifiée, faisant perdre à la France son droit de veto.
De même, nous avons été élus pour relancer l'emploi, freiner les délocalisations, bâtir une stratégie industrielle, mais au sommet de Bruxelles, le statut de la Banque centrale européenne n'a pas été revu, condamnant donc notre position contre l'euro surévalué – encore martelée, à juste raison, avant-hier soir à Strasbourg par le Chef de l'État ! – à n'être qu'une simple pétition de principe.
Nous avons été élus pour maîtriser l'immigration, mais comment y réussirons-nous si, désormais, nos partenaires et la Commission de Bruxelles nous imposent d'ouvrir les vannes ?
Quel que soit le système de vote, celui de Nice ou celui de la pondération démographique, l'essentiel est que, désormais, la compétence de l'Union européenne concernera quelque soixante-dix domaines, dont certains régaliens en matière de sécurité.
Une décision adoptée à la majorité des États s'appliquera à tous, mes chers collègues !
Dans le contexte français où notre Parlement ne maîtrise en rien les négociations des ministres en amont des Conseils européens, cela veut tout simplement dire que nous nous dépossédons un peu plus de la souveraineté nationale dont les Français nous ont confié la garde en leur nom.
Pour ma part, je n'ai pas été élu pour avouer honteusement à mes électeurs en rentrant dans ma circonscription : « Je n'y peux rien, nous avons été mis en minorité à Bruxelles. » Non merci, je n'ai pas le goût du suicide parlementaire collectif !
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, je vous invite, au-delà des discours, à étudier de près les informations qui filtreront de la prochaine Conférence intergouvernementale.
Comme je l'ai écrit au Président de la République dans une lettre dont je vous ai adressé copie, il n'y aura pas de redressement de la France sans une réorientation en profondeur de l'Europe. Car, pour redresser la France, comme le dit d'ailleurs le Président de la République, l'exécutif comme le législatif ont besoin de retrouver une marge de manoeuvre, sans laquelle la plupart des promesses qui ont été faites resteront lettre morte.
Voilà pourquoi la France, si elle veut vraiment servir la belle idée européenne, doit avoir le courage d'écouter les peuples et de bâtir une autre Europe : celle des coopérations à la carte autour de projets concrets.
Enfin et surtout, vous le savez bien au fond de vous-même, l'Europe ne sera durable et aimée que si elle s'appuie sur les peuples, si elle les respecte.
Ainsi, seuls les Français, par référendum, seront en toute légitimité à même de trancher cette question cruciale pour notre avenir. Ce n'est pas en passant en force au Parlement que l'on fera aimer l'Europe aux Français. Respecter le peuple français dans son ensemble et sa diversité, en tant que premier acteur de son propre destin, c'est respecter la démocratie et la République que nous sommes censés incarner ici.
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des affaires européennes.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, monsieur le président de la Délégation pour l'Union européenne, mesdames et messieurs les députés, je suis honoré et ému de m'exprimer ici, devant vous, pour la première fois. J'éprouve un sentiment très particulier car ce débat intervient au moment où nous avons une occasion véritable de relancer l'Europe, de reprendre notre place au coeur de la construction européenne et de restaurer une dynamique franco-allemande au service de ce projet. Je suis également heureux d'inaugurer la nouvelle méthode saluée par M. Rochebloine.
Mesdames et messieurs les députés, dans leur grande majorité, vos analyses me confortent dans l'idée que l'accord qui a été obtenu à Bruxelles est un très bon accord. Trouver un compromis ambitieux à vingt-sept est en soi un succès, comme M. Fasquelle l'a brillamment souligné. Bernard Kouchner vous a présenté le retour du politique en Europe, conduit par le Président de la République, et les grands équilibres de cet accord.
Sans revenir, vous le comprendrez, sur tous les points évoqués dans chacune des interventions très riches prononcées cet après-midi, je ferai tout de même quelques remarques et répondrai aux principales questions soulevées.
Tout d'abord, j'ai noté que nous partageons le même soulagement qu'a exprimé tout à l'heure Bernard Kouchner.
Soulagement pour l'Europe, bien sûr, après deux ans de panne politique et, au-delà, de quinze ans de doute institutionnel, comme l'ont souligné avec justesse Mme Guigou et M. Poniatowski. Souvenons-nous, en effet, des lendemains de Maastricht et de la difficulté permanente de définir des institutions adaptées aux élargissements successifs. Nous avons essayé d'y parvenir à Amsterdam, à Nice, à la Convention, à la Conférence intergouvernementale de 2004, sans réussir à stabiliser le dispositif.
Aujourd'hui, nous avons un accord sur des institutions plus efficaces et plus démocratiques pour les Vingt-sept : c'est bien sûr important pour le fonctionnement de l'Union, mais c'est aussi essentiel, et peut-être plus, pour que l'Union élargie soit enfin acceptée et approfondie.
Monsieur Lecoq, monsieur Paul, madame Bello, on ne peut pas dire que la démocratie est menacée. M. Lequiller et Mme Morano l'ont souligné : le Président de la République a été clair pendant la campagne électorale et il a été élu après avoir dit exactement ce qu'il ferait sur ce sujet.
En outre, la démocratie est même renforcée grâce à l'accord de Bruxelles, par l'extension du contrôle exercé par les parlements nationaux en matière de subsidiarité, mais aussi par l'accroissement des pouvoirs du Parlement européen. Non, on ne peut vraiment pas dire que la démocratie soit menacée par cet accord.
Soulagement aussi pour la France, qui apparaissait en panne d'ambition et d'influence, comme cela a été souligné, et qui, pour nos partenaires, a aujourd'hui retrouvé les deux : c'est la proposition d'un traité simplifié présentée par le Président de la République, qui a permis de rassembler les Européens, en dépassant, là aussi, la confrontation entre les dix-huit pays qui avaient ratifié la Constitution, ceux qui l'avaient rejetée par référendum, dont bien sûr la France, et ceux qui ne l'avaient pas ratifiée et qui n'étaient pas les plus faciles.
L'accord sur cette base justifie pleinement la voie parlementaire pour la ratification, que certains d'entre vous ont évoquée. Je note, et je le dis pour M. Dupont-Aignan et d'autres, qu'au moins vingt-trois pays sur vingt-sept feront le même choix que nous. Bernard Kouchner a décrit le déroulement du Conseil européen, où la France est apparue dans son meilleur rôle, engagée politiquement au service d'un accord européen en parfaite entente avec l'Allemagne, grâce au rôle déterminant d'Angela Merkel, comme l'a justement souligné M. Lequiller, et à l'apport décisif d'autres partenaires, comme l'a indiqué Bernard Kouchner.
Soulagement, enfin, pour les Français : la plupart des interventions m'encouragent dans l'idée que nous pouvons désormais dépasser les oppositions du « oui » et du « non » au référendum de 2005. Ainsi que l'a souligné M. Poniatowski, l'accord est de ce point de vue plus équilibré et dissipe les malentendus. Nous pouvons nous retrouver très largement dans la construction d'une Europe plus politique et plus solidaire, d'une Europe qui protège ses citoyens.
Maintenant, nous pouvons, nous devons promouvoir des politiques communes concrètes.
Tout comme Mme Guigou et d'autres orateurs, nous ne voulons pas d'une Europe du libre-échange. Nous voulons une Europe fondée sur la cohésion sociale, sur la cohésion régionale – et, madame Bello, les spécificités des départements et territoires d'outre-mer seront prises en compte dans toutes les politiques de l'Union –, sur la Charte des droits fondamentaux, sur la place des services publics, sur une concurrence remise à sa juste place, sur le rôle de l'Eurogroupe, sur la visibilité renforcée de la zone euro. Nous avons là une Europe véritablement plus équilibrée grâce à l'accord trouvé à Bruxelles. J'ajoute, pour répondre à certaines interventions que, en matière de fiscalité, il n'y a aucun recul par rapport à la Constitution, aucune régression. Il n'y a jamais eu une possibilité de trouver un accord sur la majorité qualifiée en ce domaine ; il serait faux de le faire croire et tous ceux qui connaissent le sujet le savent pertinemment.
Beaucoup d'entre vous sont des spécialistes et ont clairement relevé l'importance des améliorations apportées aux institutions. J'ai ainsi noté ce qui a été dit sur l'efficacité du processus de décision européen : présidence stable, extension de la majorité qualifiée, coopérations renforcées. Il faudra nous appuyer sur ces dernières, madame Guigou, pour que ceux qui veulent aller de l'avant puissent le faire, et, je vous rassure, monsieur Myard, nous le pouvons dans le cadre de cet accord.
Qui, mieux que vous, mesdames, messieurs les députés, peut apprécier la signification démocratique du nouveau traité, qui prévoit l'incarnation des institutions pour les citoyens, la généralisation de la codécision avec le Parlement européen ou le contrôle du respect de la subsidiarité par les parlements nationaux, point sur lequel M. Sauvadet et M. Myard ont particulièrement insisté ?
J'ai bien noté la demande fort légitime de M. Poniatowski, qui souhaite que le Parlement soit régulièrement informé du déroulement des négociations dans le cadre de la Conférence intergouvernementale.
Plusieurs interventions ont par ailleurs souligné l'ambition internationale qu'illustre l'accord de Bruxelles, avec la création d'un Haut Représentant pour les affaires étrangères, qui a l'avantage de combiner la légitimité politique du Conseil et les moyens de la Commission. Je tiens à répéter à M. Myard que cette création préservera la spécificité de notre politique étrangère et de défense.
Enfin, vous avez été nombreux à remarquer que les préoccupations des Français − qui, j'ai pu le constater à Bruxelles, sont celles d'une grande partie des Européens − ont été prises en compte en ce qui concerne la concurrence libre et non faussée, le protocole sur les services publics, la protection des citoyens placée au rang des objectifs de l'Union, l'énergie et la lutte contre le changement climatique. En ce domaine, on note une triple avancée : création d'une base juridique, majorité qualifiée et codécision. Je tiens à dire à Pierre Moscovici que cela ne me paraît pas être un recul en matière de politique communautaire : au contraire, l'ambition est parfaitement réalisée et marque un progrès nécessaire par rapport aux traités d'Amsterdam et de Nice.
Enfin, la force contraignante de la Charte des droits fondamentaux porte très haut des principes et des droits dont la France s'honore, notamment dans le domaine social. J'ai bien entendu ce qu'a dit Mme Guigou sur la clause sociale horizontale et je voudrais rappeler à M. Paul et à M. Moscovici que, en ce domaine, la Confédération européenne des syndicats a salué sans réserve les résultats du Conseil européen.
J'ai également entendu des interrogations, des doutes, voire des critiques, auxquels je vais essayer d'apporter des éléments de réponse.
Certains ont regretté que la Constitution, ou tout au moins son ambition, ait été abandonnée. Je rappelle que les Français avaient pris une décision qui, comme l'a rappelé Bernard Kouchner, nous a conduits à abandonner ce qui avait été assimilé − à tort ou à raison − à un super-État, ou à ce qui donnait le sentiment que certaines politiques seraient gravées dans le marbre d'un texte fondamental : titre, symboles − M. Mamère a raison de rappeler que ces symboles restent dans notre imaginaire −, ordre juridique. Il est vrai qu'il n'y a plus de lois-cadres et que nous revenons aux directives et aux règlements. Mais l'essentiel est bien que, aujourd'hui, l'Europe soit rassemblée, qu'elle fonctionne, qu'elle ait les moyens de définir des politiques répondant aux attentes de nos concitoyens. C'est là que se trouvent la vision et l'ambition, et c'est là que réside aujourd'hui la responsabilité commune du Parlement et du Gouvernement.
Je voudrais dire à Pierre Moscovici que, contrairement à ce qu'il a indiqué, la méthode communautaire progresse dans le cadre de cet accord. Logiquement, les piliers disparaissent, la personnalité juridique unique de l'Union est consacrée, la majorité qualifiée s'étend, notamment dans le domaine des affaires intérieures et judiciaires, elle demeure aussi dans le domaine de la concurrence, qui est remise à sa juste place, c'est-à-dire celle d'un instrument communautaire au service du marché intérieur.
Plusieurs orateurs ont estimé que le traité n'était en rien simplifié. Je crois, avec Élisabeth Guigou, qu'il faut bien distinguer les choses. L'accord de Bruxelles porte sur un mandat pour une Conférence intergouvernementale : il est vrai qu'il est détaillé et parfois très technique. Nous souhaitions qu'il en soit ainsi, afin que la Conférence intergouvernementale de mise en forme des décisions politiques soit aussi courte et aussi juridique que possible. Nous avons voulu, dans l'accord de Bruxelles, que le politique entre au fond des choses, pour qu'il subsiste aussi peu d'ambiguïtés que possible au moment de la Conférence intergouvernementale. Ainsi, pour répondre à M. Lequiller, je dirai que nous avons une chance de voir le traité ratifié non pas, sans doute, avant la prochaine présidence française, mais avant les prochaines élections européennes de 2009. Nous espérons d'ailleurs être parmi les premiers à le faire.
D'autre part, Élisabeth Guigou doit savoir que le traité lui-même procède d'une démarche simplifiée, puisqu'il repose sur de simples amendements aux traités existants. En fait, de ce point de vue, il sera beaucoup plus simple et plus court que la Constitution.
J'ai aussi entendu les inquiétudes − notamment celles exprimées par Christian Paul − sur les concessions faites à certains pays, notamment le Royaume-Uni et la Pologne.
Il est vrai que Tony Blair, en accord avec Gordon Brown, a obtenu des dérogations. Le Royaume-Uni a choisi de ne pas entrer de plain-pied dans des politiques importantes. Ce n'est pas la première fois qu'il prend ce parti, par exemple en matière de coopération policière ou de politique d'immigration. Il préfère son système juridictionnel à un engagement clair dans le respect de la Charte des droits fondamentaux en tant que telle. Il faut reconnaître que Tony Blair a pris ses responsabilités : ce qui est essentiel, c'est que le Royaume-Uni n'a plus la possibilité de bloquer les autres pays, s'ils veulent avancer. D'ailleurs, les Britanniques se sont ménagé la possibilité de rejoindre les autres Européens. Je voudrais dire ici que je souhaite vivement qu'ils le fassent lorsqu'ils seront prêts.
Le cas de la Pologne est différent : un des enjeux du Conseil européen était de voir si les Polonais, dont vous connaissez les dirigeants actuels…
…s'engageraient dans un compromis européen ou s'ils bloqueraient le tout par peur de cet engagement. Je crois que ce Conseil marque une grande victoire pour l'Europe et pour la Pologne. Il s'agit peut-être, pour la première fois, d'un accord politique et psychologique de l'Union réunifiée. Le plus émouvant et le plus important a sans doute été de voir qu'il s'agit d'un accord à vingt-sept, à l'élaboration duquel ont participé les vingt-sept États membres : ce n'est pas le moindre symbole du retour du politique dans la construction européenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, la relance de l'Europe, que l'accord de Bruxelles permet, n'aura d'effets concrets que si nous en nourrissons la dynamique. De ce point de vue, vous avez tous raison, puisque tel est le sens de la plupart de vos interventions. Pour reprendre l'expression de M. Sauvadet, il nous faut maintenant aller vers l'Europe des résultats. C'est pourquoi nous prendrons des initiatives allant dans le sens des orientations définies par le Président de la République et par le Premier ministre, pour la croissance et pour l'emploi, pour la coordination des politiques économiques dans la zone euro, pour un dialogue plus équilibré avec la Banque centrale européenne sur les politiques de change, pour une politique industrielle plus active et mieux reconnue, pour une politique énergétique beaucoup plus solidaire et efficace.
D'autres initiatives concerneront la protection des citoyens, avec la préférence communautaire, que M. Myard et M. Dupont-Aignan ont évoquée, la réciprocité à l'OMC − nous devons faire en sorte que l'Europe demeure une puissance alimentaire −, mais aussi l'immigration et l'intégration − c'est une des nouveautés de cet accord. De ce point de vue, nous avons beaucoup à faire, à apprendre et à échanger, entre Européens, sur les politiques d'intégration. Nous prendrons également des initiatives pour préparer l'avenir en matière de lutte contre le réchauffement climatique, de recherche − il me paraît important de promouvoir, au niveau européen, la recherche contre le cancer dont Mme Guigou a parlé, et nous le ferons −, de savoir, d'échanges des jeunes. Nous sommes favorables à la création d'un nouveau programme Erasmus. Nous chercherons à en faire une des priorités de la prochaine présidence, pour accroître l'influence internationale de l'Europe.
D'autre part, quelles doivent être les frontières de l'Europe ? La question sera posée. Quelles doivent être les relations de l'Union européenne avec les grands pays émergents, avec l'Union méditerranéenne ? Il y a des projets concrets à bâtir avec la Méditerranée (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre), en matière d'environnement ou de politique de l'eau, en matière d'échanges de populations. L'Europe et la France ont le devoir de rendre cette zone, qui est aujourd'hui la moins visible dans la mondialisation, politiquement beaucoup plus présente. Nous avons également beaucoup à faire pour que nos relations et notre coopération avec l'Afrique soient beaucoup plus étroites.
Nous aiderons la présidence portugaise dans le cadre d'un sommet entre l'Union européenne et l'Afrique et placerons le développement au coeur des priorités de la présidence française. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
Monsieur Lequiller, c'est ainsi que nous allons préparer la présidence française de l'Union européenne, qui débutera dans un an exactement. Et je veux rassurer M. Poniatowski : Bernard Kouchner et moi-même reviendrons bien sûr devant vous. Il s'agit d'un vaste chantier, pour lequel votre soutien sera indispensable.
Monsieur Lequiller, vous avez raison : nous devons revoir la manière dont nous parlons de l'Europe aux Français. La meilleure façon de préparer la présidence française, c'est de sortir des cercles d'initiés et de convaincus, c'est de faire en sorte que les Français puissent débattre. C'est l'affaire de tous, du Gouvernement, des élus, des associations, des syndicats, des fédérations professionnelles. Rien ne se fera sans débat. Rien ne se fera sans l'implication de nos concitoyens.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, vous avez raison : rien ne se fera sans les Français, pour renforcer notre place dans l'Europe, pour faire en sorte que cette Europe soit plus visible, pour aller vers une organisation plus politique et plus solidaire de l'Europe, dans le monde de demain : bref, pour garantir notre avenir et celui de nos enfants. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
Mardi 10 juillet, à quinze heures, première séance publique :
Discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, n° 4, en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat :
Rapport, n° 62, de Gilles Carrez, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan ;
Avis, n° 61, de M. Dominique Tian, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales ;
Avis, n° 59, de M. Jean-Charles Taugourdeau, au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire ;
Avis, n° 58, de M. Sébastien Huyghe, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
À vingt et une heures trente, deuxième séance publique :
Suite de l'ordre du jour de la première séance.
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-huit heures.)
Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,
Jean-Pierre Carton