Un autre malentendu dissipé par le traité simplifié porte sur la nature même de l'Union et sur l'étendue de ses compétences. L'Europe n'a pas vocation à devenir un super-État. Nous ne souhaitons pas bâtir les États-Unis d'Europe ; en revanche, nous avons la responsabilité de donner un contenu politique à cette « fédération d'États-nations » qu'est l'Union européenne. Pour cela, il nous faut être plus clairs sur la question de savoir qui fait quoi.
Le traité répondra à cette question en clarifiant la répartition des compétences entre l'Union européenne, d'une part, et ses États membres, d'autre part, et c'est à nous, parlementaires nationaux, qu'il appartiendra de veiller à la bonne application des principes de subsidiarité et de proportionnalité. À l'avenir, lorsqu'une majorité des parlements de l'Union européenne estimera que Bruxelles interfère dans les prérogatives des États, la Commission aura alors l'obligation de revoir sa copie. C'est là un changement majeur pour que l'Europe ne perde plus son âme dans des réglementations tatillonnes et hors sujet qui la rendent souvent incomprise et impopulaire.
Mais la contribution des parlements nationaux à la construction européenne ne saurait, bien sûr, se limiter au seul pouvoir d'empêcher. Il nous faudra avant tout être une force de proposition ; nous devrons faire vivre le débat démocratique sur tous les sujets européens.
Au moment où s'engage une réflexion sur la modernisation du travail parlementaire et sur l'évolution de nos institutions en France, il me paraît indispensable, monsieur le président, de nous interroger sur les modalités du contrôle politique que nous exerçons sur les affaires européennes. Parce que l'Europe est l'affaire de tous les parlementaires, nous devons, je le crois, réfléchir à une meilleure articulation entre notre Délégation pour l'Union européenne et chacune des six commissions permanentes de l'Assemblée nationale.
Mes chers collègues, l'accord sur le traité simplifié présente l'immense mérite de solder, après tant d'années, le lourd dossier de la réforme institutionnelle de l'Union : voici près d'une décennie que l'hypothèque institutionnelle nous empêchait d'aller de l'avant et de répondre aux attentes exprimées par nos concitoyens. L'extension de la règle de la majorité qualifiée nous aidera à mettre en place de véritables politiques européennes dans des domaines où cela reste aujourd'hui encore très difficile : je pense en particulier à la lutte contre le terrorisme, à la politique européenne d'immigration, mais aussi au renforcement de la coopération judiciaire entre les États membres.
La réforme des institutions rendra possible l'Europe politique, pour autant que les dirigeants européens en manifesteront la volonté. Or nous connaissons bien les divergences d'appréciation et d'ambition qui existent ici et là quant à l'évolution de la construction européenne. C'est pourquoi nous devrons faire preuve de lucidité et de pragmatisme pour imaginer une nouvelle façon de fonctionner à vingt-sept, car les pays qui souhaitent aller plus vite et plus loin ensemble ne doivent pas en être empêchés. Ce que l'Europe a réussi avec Schengen et avec l'euro, elle peut le transposer dans bien d'autres domaines.