Pourtant, l'Europe voulue par ses pères fondateurs Schuman et Monnet, espace de paix et d'échanges économiques, dispose de fondations solides. Mais dans cette maison commune, censée protéger et garantir le « bien vivre ensemble », à force d'en pousser les murs, de ne plus en connaître les frontières, d'y construire un labyrinthe de textes, de règlements, de technocratie, les Français ont refusé de se perdre et en ont rendu les clés.
En dépit d'une stabilité et d'une paix inédites depuis plus de soixante ans, que beaucoup de Français qui, comme moi, n'ont pas connu les horreurs de la guerre, n'apprécient sans doute pas à leur juste valeur, sont apparus la crainte de l'instabilité économique, le spectre des délocalisations intérieures, vers les pays de l'Est, la peur de l'appauvrissement et du chômage. À cela s'ajoute la conscience de l'impuissance de l'Europe à se faire entendre, à agir de concert, bref à être efficace et respectée.
On rend en fait l'Europe responsable de beaucoup de maux, sans d'ailleurs trop savoir pourquoi : si éloignée, si tatillonne, elle n'en était que plus coupable.