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Intervention de Jacques Myard

Réunion du 4 juillet 2007 à 15h00
Résultats du conseil européen des 21 et 22 juin 2007 concernant la réforme des traités — Déclaration du gouvernement et débat sur cette déclaration

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacques Myard :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'appartiens, chacun le sait, à la majorité forte des Français et des Néerlandais qui ont voté « non » au traité constitutionnel. Soyons clairs : ce n'est pas le « non » qui a provoqué la crise, mais c'est la crise qui a provoqué les « non », parce qu'on a assisté depuis vingt ans à une dérive institutionnelle, à une forme de centralisme technocratique qui a capté la démocratie, relégué au musée et passé par pertes et profits l'idée originelle et juste du traité de Rome fondant une communauté de nations.

Vous nous proposez aujourd'hui un traité simplifié. Je ne rejette pas cette idée, dès lors que ce traité est de nature à relancer les nécessaires coopérations européennes dont nous avons besoin au nom de la géographie, de l'histoire, voire de la culture. Je relève tout d'abord que ce traité enterre l'intégrisme d'une constitution décalée par rapport aux réalités intangibles du monde et des nations européennes. De surcroît, il reconnaît que l'Europe doit s'organiser selon des modes différenciés : méthode communautaire pour les relations transnationales du marché, maintien du mode intergouvernemental pour la PESC.

À ce titre, je tiens à vous rappeler que l'indépendance diplomatique de la France est l'expression même de la souveraineté de notre pays et de notre liberté ; elle est aussi le gage de l'indépendance de l'Europe : plus la France est indépendante, plus l'Europe est indépendante en matière de politique étrangère et de défense. À l'inverse, moins la France est indépendante, plus l'Europe est américaine – on l'a constaté en de nombreuses occasions.

Le Conseil européen de Bruxelles des 21 et 22 juin 2007 a donné mandat à la Conférence intergouvernementale pour élaborer un traité dans les mois qui viennent. Ce mandat doit être éclairé par le discours qu'a prononcé lundi dernier à Strasbourg le Président de la République, discours qui va dans le bon sens.

Je souhaite ici rappeler ce qui doit être impérativement acté afin de mettre un terme aux utopies décalées.

L'Europe s'est élargie, elle doit désormais s'amaigrir et cesser de tout vouloir réglementer, de tout régenter et de tout capter à son profit. Il faut revisiter radicalement les 90 000 pages d'un acquis communautaire qui grossit chaque jour un peu plus.

Je relève que, sur ce point, le mandat précise que le traité CE pourrait redonner des compétences aux États. C'est une évidence qu'il faut s'empresser de mettre en oeuvre. À ce titre, le rôle des parlements nationaux sera primordial dans la définition de la subsidiarité, car ce sont les États qui ont la compétence de la compétence, et certainement pas l'Union, encore moins la Commission qui s'arroge le droit de dire ce qui est bon pour l'Europe !

L'Europe et la France doivent se doter d'une politique industrielle, ainsi que je le réclamais dans un rapport remis sous la précédente mandature, le dogme du tout concurrentiel, fondé sur le modèle économique théorique du plain level field joue aujourd'hui directement contre les intérêts français et accélère les délocalisations.

La préférence communautaire doit redevenir un objectif – je pense notamment à une forme de préférence sectorielle, parfois temporaire. Cessons d'être naïfs ! Il n'y a aucune raison de tout ouvrir alors que nos concurrents américains et des pays émergents excellent dans l'art de se protéger directement ou indirectement. La réciprocité en matière internationale est le commencement de la sagesse, et c'est cela que nous devons faire.

Oui, il faut que le Conseil économique et financier et le Conseil européen puissent donner des directives à la BCE, qui fait preuve aujourd'hui d'un rare autisme et pratique la politique monétaire de la puissance dominante, à savoir l'Allemagne, ce qui va contre nos intérêts.

C'est avec bonheur que j'apprends par la bouche du Président de la République et celle du ministre des affaires étrangères que le compromis de Luxembourg est maintenu. J'avais interrogé le précédent gouvernement sur ce point : silence radio. C'est ce qui a motivé – vous le savez fort bien – le « non » de nombre de Français au référendum. Le compromis de Luxembourg est primordial, car les intérêts de nos partenaires – qui sont nos concurrents avant d'être nos partenaires – ne sont pas nos intérêts.

Et que l'on ne vienne pas me dire que c'est contraire à l'idéal européen car, en cette matière, l'idéal européen est une idée d'avenir et qui le restera longtemps !

À l'évidence, je peux donc me féliciter d'un retour au réalisme et de l'arrêt de la fuite en avant. Il est urgent de revenir à l'idée originelle du traité de Rome, celle d'une communauté de nations exerçant en commun leur souveraineté et décidées à rester elles-mêmes, comme l'a dit le Président de la République à Strasbourg.

Néanmoins, il reste beaucoup à faire. Lorsque je lis que les coopérations renforcées seront décidées à neuf, permettez moi de douter de ce que l'on souhaite réellement. On sait fort bien, en effet, qu'il ne pourra y avoir de coopérations renforcées à neuf ! Cela n'est pas sérieux !

Il faut de la souplesse, de la souplesse toujours, et pas du dogmatisme ! Je souris à l'idée d'un Haut Représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité : cela relève du mythe, puisque l'on sait très bien qu'il n'y a pas de possibilité d'accord à vingt-sept, sauf peut-être pour envoyer des fleurs à la veuve d'Arafat ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

De surcroît, stabiliser la présidence de l'Union sur une durée de deux ans et demi, c'est bien, mais la confier à un retraité battu du suffrage universel dans son pays, c'est commettre une certaine méprise.

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