…éveille certes la curiosité, mais ne rassure en rien quant au sens que prend aujourd'hui la construction de l'Europe.
Le mandat de la future Conférence dessine une réforme du traité de Nice, qui rendait impossible la vie à vingt-sept États membres. Ce mandat préserve plusieurs innovations nécessaires pour garantir le fonctionnement quotidien de l'Union européenne, innovations utiles qui ont été rappelées ici et sur lesquelles je ne reviendrai pas.
Le Conseil de Bruxelles n'a cependant pas dissipé les nuages dans le ciel de l'Europe. Il faut éclairer les Français sur les risques qui sont devant nous, et c'est là notre rôle. À eux seuls, ces risques justifient de prendre position sur le traité, le moment venu, en conscience et seulement après lecture du projet qui sortira de la Conférence intergouvernementale.
Monsieur le ministre, sur un sujet d'une telle importance, il n'y aura pas de chèque en blanc pour votre diplomatie.
Je place au premier rang des risques encourus la régression de l'ambition européenne. L'accord de Bruxelles pourrait bien n'être, à l'usage, qu'une rustine sur la crise de la conscience européenne que le « non » français est venu confirmer. Le traité simplifié est un accord minimaliste. Ce pansement de fortune permet certes une remise en mouvement, voire un dépassement du blocage, mais quels en sont les buts ?
La stratégie national-libérale qui dicte depuis des mois l'attitude du Président de la République à l'égard de l'Europe n'est pas un simple pragmatisme. Elle cumule les inconvénients du néolibéralisme et la renationalisation des politiques.
Prenant appui sur les échecs et les lenteurs de l'Union, à quoi appelle, au fond, malgré ses dénégations – comme encore à Strasbourg –, le Président Sarkozy ? Non pas, contrairement à ce qu'il affirme, à une repolitisation de l'Europe, mais, dans bien des domaines, à une renationalisation des politiques européennes.
Non ! Entre l'euroscepticisme affirmé des uns et l'idéal européen des autres, Nicolas Sarkozy n'est pas, quoi qu'il s'en défende, à égale distance. C'est d'ailleurs pour cela que le compromis avec la Grande-Bretagne et la Pologne s'est trouvé facilité, comme le confirment de nombreuses réactions en Europe, telles celles de Romano Prodi ou même de Valéry Giscard d'Estaing, qui ne s'y sont pas trompés et déplorent un recul de « l'esprit européen ». Je le dis sans malice et le dirais tout aussi bien si le ministre des affaires étrangères était encore parmi nous : nous sommes là beaucoup plus proches de l'Europe de M. Guaino que de celle de Bernard Kouchner.