La France se résignait à se voir peu à peu exclue de la construction européenne. (Exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) La réunion à Madrid, en janvier dernier, des dix-huit pays du « oui », avait eu valeur de cruel symbole : pour la première fois, un grand rendez-vous européen s'était tenu sans nous. Chaque jour, la France semblait s'éloigner de l'Europe. Chaque jour, nous étions plus isolés.
Il y a quelques semaines, l'Union européenne était dominée par la morosité et par le doute. À la veille du sommet de Bruxelles, encore bien rares étaient ceux qui se risquaient à pronostiquer un dénouement positif au blocage dans lequel le « non » français du 29 mai avait plongé notre Union. Comment l'auraient-ils pu ? Entre les dix-huit pays qui avaient voté le traité et y demeuraient légitimement attachés, les deux pays qui l'avaient rejeté, et les autres, pour lesquels une ratification semblait au moins peu probable, la voie paraissait impossible. Je vous l'avoue sans peine : moi-même, je ne croyais pas qu'une issue fût possible, et je n'étais pas persuadé que l'idée du traité simplifié parviendrait à rallier autour d'elle aussi bien ceux qui avaient ratifié la Constitution, ceux qui y voyaient des pertes de souveraineté inacceptables et d'autres, qui avaient au contraire regretté son manque d'ambition en matière politique ou sociale.
Et puis, au fil de ces semaines de navettes passées à écouter, à discuter, à échanger, nous avons vu les réticences tomber, l'une après l'autre. Oh, pas toutes de gaieté de coeur ! Nous avons suivi les évolutions de nos partenaires, convaincus pièce à pièce que notre seule chance de sursaut serait commune. Nous avons peu à peu reconstruit des alliances inespérées, socle commun d'un futur document en douze points, réunissant l'Espagne qui avait dit « oui » par référendum et la France qui avait dit « non » selon le même procédé. Sous l'influence décisive de la présidence allemande – je l'ai rappelé –, mais aussi grâce à la pression constante du Président de la République et au sens des responsabilités du président de la Commission, José Manuel Barroso, qu'il faut saluer ; grâce à la bonne volonté de José Socrates et au dialogue qui s'est noué avec le Premier ministre hollandais Jan Peter Balkenende et avec Tony Blair ; grâce aussi, en dépit de tout, à l'engagement des Polonais, nous avons vu à Bruxelles une solution acceptable pour tous devenir peu à peu possible.
C'est pourquoi je voudrais commencer par vous exprimer aujourd'hui, avant même d'entrer dans le détail du texte, mon profond soulagement. Pour l'Européen acharné que je suis, ce référendum du 29 mai gardait un goût amer (Exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical et citoyen)…