La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
Monsieur le président, monsieur le vice-président de la commission des affaires culturelles et de l'éducation, cher Christian Kert, monsieur le rapporteur, cher Hervé Gaymard, mesdames, messieurs les députés, la proposition de loi qui nous réunit aujourd'hui trouve sa source dans une idée simple et pourtant essentielle : quelles que soient ses métamorphoses, le livre demeure un objet culturel singulier, irréductible à sa seule dimension commerciale.
Parce que notre responsabilité est de faire vivre cette idée à l'ère numérique, je me réjouis de l'attention remarquable que la représentation nationale, notamment au sein de cette assemblée, porte à un tel enjeu. Cette proposition de loi sur le prix unique du livre numérique nous fournit l'occasion de définir le cadre de régulation indispensable pour accompagner la filière du livre dans un processus de transformation sans précédent depuis l'invention de l'imprimerie par Gutenberg il y a cinq siècles.
Je tiens donc à saluer l'immense travail accompli au cours des réflexions préparatoires et de la concertation interprofessionnelle qui s'est tenue sous l'égide de mon ministère. Je tiens aussi à rendre un hommage tout particulier au rapporteur de ce texte, M. Hervé Gaymard, dont l'intelligence, l'énergie et la connaissance intime du secteur nous aurons été infiniment précieuses.
Alors que nous célébrons cette année les trente ans de la loi Lang du 10 août 1981, il n'est pas nécessaire de rappeler combien cette régulation a contribué à préserver la diversité culturelle et la créativité éditoriale, tout en accompagnant la croissance quasi continue du marché du livre français depuis trente ans. Le rapport remis en 2009 par Hervé Gaymard l'a illustré avec une remarquable précision.
Nous savons le rôle joué par cette loi pour permettre à tous les réseaux de vente au détail de coexister, en premier lieu les 3 500 librairies indépendantes. Nous savons aussi que le prix fixe du livre – je crois utile de le rappeler dans le contexte actuel – est favorable au public.
Disposer d'une offre riche et variée, et non d'un choix standardisé, réduit à quelques best sellers, voilà l'intérêt du lecteur. Et ce d'autant que la loi Lang, loi fondatrice pour la régulation des industries culturelles, qui a inspiré près de la moitié des pays de l'Union européenne, n'a pas eu d'effets inflationnistes et qu'elle s'est révélée compatible avec une large gamme de tarifs – ainsi le prix d'un livre de poche est-il en moyenne de 6 euros.
Je suis convaincu que, moyennant les adaptations indispensables, une régulation directement inspirée des principes de la loi Lang doit être appliquée au livre numérique homothétique.
Un récent déplacement aux États-Unis m'a confirmé les effets dévastateurs d'une concurrence sauvage sur le marché du livre numérique. La guerre des prix exacerbée que se sont livrés les principaux réseaux de ventes de livre numérique aux États-Unis en 2009-2010 a conduit certains opérateurs à pratiquer de considérables rabais, voire des ventes à pertes sur les meilleures ventes, au détriment des équilibres de l'ensemble de la chaîne du livre.
Toutefois, l'effort de régulation, de structuration du marché entrepris récemment aux États-Unis mérite aussi d'être souligné. Vous le savez, depuis 2010, les plus grands éditeurs américains ont obtenu le passage au système du contrat d'agence où l'éditeur contrôle son prix, avec l'appui notable de Google et d'Apple.
Il est clair, dans ce contexte, que l'objectif consistant à préserver la diversité éditoriale en prenant appui sur un riche réseau de détaillants reste pleinement d'actualité à l'heure numérique. S'il est normal que l'arrivée du numérique s'accompagne de transferts de valeurs à l'avantage d'acteurs nouveaux, nous devons veiller à ce que cette transformation n'aboutisse pas à une baisse globale de la valeur produite comme ce fut le cas pour la musique. Il convient d'éviter que des acteurs en position de force n'imposent des conditions défavorables à toute la chaîne du livre.
Il convient aussi de défendre, à l'heure numérique, le rôle essentiel de médiateur culturel joué par les libraires, pour qui le livre ne se réduit pas à un produit d'appel.
Dans ces conditions, une régulation est plus que jamais nécessaire. Il nous faut naturellement l'adapter à la réalité de ce nouveau marché, notamment en la ciblant sur le livre homothétique, lequel devrait représenter l'essentiel du marché du livre numérique dans les quatre ou cinq prochaines années. Mais son intervention à un stade précoce est la meilleure garantie que le développement du marché s'effectue dans des conditions harmonieuses, sans captation de la valeur par des acteurs dominants.
J'ajoute qu'il est tout à fait normal, et même tout à fait souhaitable, que les éditeurs soient en mesure de contrôler la valeur du livre, quel que soit le lieu d'implantation du diffuseur. Afin d'assurer la cohérence du dispositif proposé en évitant les risques de contournement, ce principe doit s'appliquer à l'ensemble des ventes de livres numériques effectuées en France.
Je rejoins donc entièrement l'objectif, partagé par l'ensemble de la filière, que les distributeurs établis en France puissent jouer à armes égales avec ceux établis hors de nos frontières. Il serait en effet paradoxal que certaines plateformes de distribution de livres numériques échappent à une régulation de cette nature lorsqu'elles s'adressent à des lecteurs français.
Je relève à cet égard que l'approche retenue par votre commission au deuxième alinéa de l'article 3 correspond à cet objectif puisqu'elle conduit à imposer, sous peine nullité contractuelle, le respect du prix minimum fixé par l'éditeur, quel que soit le lieu d'implantation du détaillant.
Je relève également que l'application de la loi française au commerce électronique transfrontalier effectué auprès – et c'est là le point important – d'acheteurs situé en France ne présente en elle-même rien d'exceptionnel. Parmi d'autres exemples, la récente loi du 12 mai 2010 relative à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne procède d'une même logique en définissant une réglementation applicable à tout opérateur dès lors qu'il entend s'adresser à des joueurs français. Il est donc en partie inapproprié de parler alors « d'extraterritorialité » s'agissant de ventes effectuées auprès d'acheteurs français.
Il est vrai cependant que ce sujet est suivi avec une grande attention par la Commission européenne qui a rendu deux avis très réservés sur la proposition de loi française. Nous devons donc avoir conscience des interrogations sérieuses que l'approche développée ici soulève du côté de la Commission européenne.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement entend poursuivre le dialogue entamé depuis plusieurs mois déjà avec les institutions européennes. Attentif aux remarques et aux interrogations légitimes de la Commission européenne, le Gouvernement fera valoir en particulier, par une analyse juridique et micro économique rigoureuse, que la loi sur le prix unique du livre numérique répond à un enjeu crucial de diversité culturelle. La préservation de la diversité culturelle, consacrée non seulement par la convention de l'UNESCO, mais aussi par les traités et la jurisprudence européenne, est un principe cardinal auquel il nous faut donner toute sa portée à l'heure numérique.
J'ai eu l'occasion de la souligner au conseil « Culture » informel où je me suis rendu il y a dix jours en Hongrie ; je m'en entretiendrai également lundi prochain avec le commissaire à la concurrence, Joaquín Almunia.
Au marché dérégulé qui, au nom d'une vision abstraite de l'intérêt du consommateur, fait le jeu de certains acteurs à prétentions hégémoniques, pour lesquels le livre n'est qu'un produit d'appel, l'Europe doit préférer le développement équilibré de l'écosystème des industries créatives, et le soutien à la compétitivité des acteurs industriels européens, ce qui passe aussi – je m'y emploie fortement – par une TVA à taux réduit pour le livre numérique.
Sans me prononcer sur le fond de la procédure d'enquête récemment engagée par la Commission, je ne manquerai pas, dans le cadre de ce dialogue, de souligner mon étonnement face à la disproportion de certains moyens employés, alors que le marché du livre numérique est tout juste naissant. Est-il donc nécessaire de jeter à terre les rayonnages et les livres de certains de nos plus grands éditeurs sous prétexte d'enquête ? Qui peut justifier cette manifestation d'hostilité sans précédent à l'égard d'acteurs majeurs du monde culturel ?
Je n'accepte pas l'idée que les grands supermarchés numériques, étrangers à toute préoccupation de diversité éditoriale et de rémunération de la création, soient le seul visage que l'on nous offre du marché intérieur culturel.
Mesdames, messieurs les députés, la proposition de loi examinée aujourd'hui ne créera pas les conditions d'une économie de rente pour certains acteurs, mais celles du développement d'une offre légale abondante, attractive pour le lecteur, tout en préservant une assiette stable de rémunération pour les ayants droit, en particulier les auteurs, qui doivent pleinement bénéficier de cette « nouvelle frontière » du monde de l'édition.
Je regrette donc que les discussions entreprises depuis plusieurs mois entre auteurs et éditeurs aient été interrompues au seuil du Salon du livre, alors que d'importantes avancées paraissaient à portée de main. Il n'est pas interdit de se demander, à cet égard, si la loi ne devrait pas sanctionner très vite les résultats les plus solides de ces discussions. Je pense aux avancées les plus susceptibles d'enrichir notre code de la propriété intellectuelle, lequel, s'il mérite d'être adapté au monde numérique, ne peut l'être qu'après une instruction rigoureuse par les pouvoirs publics. Dans tous les cas, j'invite les parties à reprendre leurs négociations le plus rapidement possible. Je relève aussi l'attention que votre commission porte, à travers l'article 5 bis, à la juste et équitable rémunération des auteurs, afin que celle-ci soit garantie dans le cadre du contrat d'édition.
« Quand on légifère dans la littérature, il faut avoir au moins la courtoisie et la prudence de dire aux oeuvres : “après vous” », nous avertit Julien Gracq.
Mesdames, messieurs les députés, la proposition de loi trouve sa place – une place éminente – dans la stratégie que je conduis, une stratégie qui place précisément les oeuvres de l'esprit, et leur numérisation, au centre de mes priorités.
Vous savez que la France est le seul pays d'Europe à avoir mis en place un système de financement ambitieux de numérisation des livres, d'un montant de 10 millions d'euros par an, qui a permis de numériser, d'une part, les fonds patrimoniaux de la Bibliothèque nationale de France – plus de 1,2 million de documents sont à ce jour disponibles dans Gallica –, et d'autre part, les catalogues papier « vivants » des éditeurs, soit, à ce jour, un total de 600 000 titres.
J'ai également eu le plaisir de signer, il y a quelques semaines, avec René Ricol, commissaire général à l'investissement, ainsi qu'avec les professionnels concernés, un accord cadre de portée historique qui permettra la numérisation de 500 000 livres du XXe siècle indisponibles dans les librairies, compte tenu notamment de la difficulté de réactualiser les contrats de manière simple pour les éditeurs. Alors que la justice américaine vient de rejeter le projet d'accord entre Google et les auteurs et éditeurs de ce pays concernant l'exploitation de plusieurs millions d'oeuvres protégées,…
…la stratégie ainsi mise en oeuvre en France par le ministère et les professionnels français du livre pour favoriser la diffusion des oeuvres dans l'univers numérique tout en respectant le droit d'auteur se trouve pleinement confortée.
Outre l'action en faveur de la lecture, en lien avec les bibliothèques et médiathèques de nos territoires, à travers les quatorze propositions de mon « plan lecture », et le soutien à près de 500 libraires indépendants, à travers le label « librairies indépendantes de référence », j'ai donc placé l'adaptation de la librairie traditionnelle au numérique au coeur de mes priorités. C'est un nouveau front qui s'ouvre.
Je m'attache ainsi à soutenir, via le Centre national du livre, la plateforme 1001libraires.com, tout récemment lancée, qui entend fédérer, sur internet, l'offre du plus grand nombre de libraires.
Mesdames, messieurs les députés, le prix unique du livre, comme l'avait souligné en son temps le remarquable Jérôme Lindon, n'est pas tant une affaire commerciale ou juridique qu'une question de culture et de civilisation. Je suis convaincu que la proposition de loi examinée cet après-midi, cette loi de développement durable du livre numérique, constitue une contribution essentielle à la construction civilisée du marché du livre numérique que nous appelons de nos voeux. Elle recueille donc mon plein soutien. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Hervé Gaymard, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l'éducation.
Je voudrais tout d'abord vous féliciter et vous remercier, monsieur le ministre, pour l'action déterminante que vous menez en faveur de la création, et pour la politique du livre que vous venez de décrire dans tous ses aspects, ainsi que pour votre combat en faveur de la diversité culturelle, dont on sait, tant au niveau européen qu'au niveau mondial, qu'il doit toujours et encore être mené, dans un monde où l'on considère trop souvent ce que l'on appelle à tort les « biens » culturels comme des marchandises dont le seul déterminant devrait être le prix et la libre concurrence. C'est pourquoi, monsieur le ministre, nous apprécions ce combat, qui est aussi le nôtre.
L'irruption du numérique dans l'univers du papier pose immédiatement plusieurs questions. Comment garantir l'intégrité et la conservation durable des oeuvres ? Comment défendre et promouvoir la diversité culturelle ? Comment assurer la rémunération de la création dans un modèle économique en devenir ?
Dans cet océan d'incertitudes, le législateur doit intervenir avec sagacité, afin de poser les principes à valeur universelle qu'il estime devoir protéger, sans se contenter d'une posture déclamatoire, ni entraver un marché en construction.
C'est dans cet état d'esprit que les députés et sénateurs, en concertation avec le ministère de la culture, à l'écoute de tous les acteurs de la chaîne du livre, ont travaillé dans le prolongement du rapport Pour le Livre que j'ai remis à Mme la ministre de la culture il y a exactement deux ans, en mars 2009.
Il convenait d'abord que le taux de TVA applicable au livre électronique homothétique soit le même que celui appliqué au livre papier, c'est-à-dire le taux réduit. Nous avons mené et gagné ce combat, souvent dans un climat de grand scepticisme, lors de la discussion de la loi de finances pour 2011, avec effet au 1er janvier 2012. Au-delà de la question fiscale, c'est la reconnaissance qu'un livre sous forme de fichier numérique est une oeuvre de l'esprit, et non une prestation de service. C'est aussi la condition indispensable pour créer une offre légale attractive, car sinon, immanquablement, le piratage risque de se généraliser.
Quand on invoque la « rémunération de la création », c'est bien sûr aux auteurs que l'on pense, car sans eux – on hésite à le rappeler, tant est grande l'évidence –, il n'y aurait pas d'oeuvres. À l'ère numérique, la question du mode de fixation de leurs droits est donc posée, car chacun sent bien qu'ils ne peuvent être identiques à ceux applicables au livre papier, dont la chaîne de fabrication est beaucoup plus longue et fait intervenir davantage d'intermédiaires. Pour autant, nous sommes là dans un domaine régi d'abord par une relation contractuelle entre auteurs et éditeurs. Mais il est du rôle du législateur de rappeler quelle est son intention et quel cadre de négociation il entend fixer aux différents protagonistes. C'est pourquoi j'ai proposé l'adoption d'un amendement en ce sens.
Cela ne nous dispensera pas, et j'en ai saisi Mme la présidente de la commission des affaires culturelles et de l'éducation – je sais aussi que Christian Kert est très vigilant sur ce sujet –, de nous pencher sur cette question dans sa globalité, car, à l'ère numérique, plusieurs aspects du code de la propriété intellectuelle sont sans doute obsolètes. Si nous devons, dans la présente loi, fixer un cadre général, une réflexion plus poussée et concertée avec l'ensemble des acteurs est indispensable avant de procéder à une réforme de ce code.
Mais c'est également sur la question de la fixation du prix du livre numérique, objet initial et unique de la présente proposition de loi, que les débats sont les plus âpres, dans le contexte particulier que vous avez évoqué, monsieur le ministre, des descentes policières inouïes des agents de la Commission européenne, confondant les éditeurs français avec un cartel de la drogue, attitude que je voudrais solennellement dénoncer ici.
Peut-être, d'ailleurs, dans la confusion des débats qui prévaut depuis quelques semaines, faudrait-il recourir à Pascal, qui pourrait utilement nous aider avec sa boussole : « Quand tous vont vers le débordement, nul n'y semble aller. Celui qui s'arrête fait remarquer l'emportement des autres, comme un point fixe ». Tentons donc de nous arrêter un moment.
Sur le fond, tout le monde est d'accord : l'objet de la présente proposition de loi est de permettre aux éditeurs de maîtriser la fixation du prix du fichier numérique, afin d'éviter que les distributeurs numériques ne leur imposent leurs prix, dans une course au moins-disant culturel et à la captation de la marge à leur profit, ce qui tuerait la rémunération de la création.
La présente proposition de loi, pionnière dans le monde, règle donc la question pour l'ordre juridique interne de la République française.
Mais se pose immédiatement la question de l'extraterritorialité, puisque les plateformes de téléchargement des distributeurs numériques ne connaissent évidemment pas les frontières. Notons, à ce stade, que cette question n'est pas seulement une question européenne, car s'il y a des plateformes de téléchargement bien connues au Luxembourg, on peut tout aussi bien en trouver à Kiev, à Anchorage, ou à Tien-Tsin.
Nos collègues du Sénat ont donc introduit en première lecture, puis rétabli en seconde lecture, une clause d'extraterritorialité qui rend, en fait, la loi française applicable hors de nos frontières. C'est une innovation juridique très intéressante. C'est même une première dans l'histoire du droit, dont il faut saluer la portée historique.
Mais je crains qu'elle ne soit inopérante, car inapplicable. En effet, si l'on constate demain qu'une plateforme de téléchargement située hors de nos frontières brade des fichiers numériques détenus par des éditeurs français, que va-t-on faire ? Un premier avertissement avant l'escalade ? Puis la riposte graduée ? Une cyber-attaque ? Une frappe préventive ? Poser la question, c'est y répondre. Une telle disposition, et je le regrette infiniment, croyez-le bien, est tout simplement inapplicable. Or un parlementaire se doit, me semble-t-il, d'adopter des lois applicables. C'est pourquoi je propose de revenir à la rédaction initiale, par le biais d'un amendement qui permet de régler la question.
Il est un moyen, qui ne mérite ni excès d'honneur ni excès d'indignité, qui permet à l'éditeur, dans le monde entier, de faire respecter par ses distributeurs le prix de vente du fichier numérique : c'est le contrat de mandat. Il est utilisé avec succès par de nombreux éditeurs américains. Il a permis, outre-Atlantique, de modifier la physionomie du marché du livre numérique. On le dit juridiquement fragile, encore que les opinions varient sur ce sujet. Rappelons simplement que, dans son avis rendu sur le livre numérique le 18 décembre 2009, l'Autorité de la concurrence validait, sous des conditions bien précises, ce dispositif contractuel au regard des règles concurrentielles, tant nationales qu'européennes. Ce contrat de mandat est en tout cas, au moment où nous légiférons, le seul moyen de traiter la question majeure de 1'extraterritorialité.
À ce stade, j'entends beaucoup de voix s'élever : « Foin des considérations juridiques, faisons de la politique, et montrons à Bruxelles que notre résolution est intacte en adoptant la clause d'extraterritorialité ! ».
À ceux dont je comprends et partage le combat, car nos objectifs sont les mêmes, je voudrais faire plusieurs remarques.
D'abord, je voudrais leur dire que la question de l'extraterritorialité ne concerne pas seulement l'ordre juridique européen, car la dématérialisation ignore évidemment toutes les frontières. Il faut donc raisonner globalement. Et la seule question à laquelle il nous faut répondre est la suivante : comment, dans le monde entier, un éditeur peut-il garder la maîtrise du prix de son fichier numérique face aux distributeurs ? C'est une question de droit, bien sûr. C'est aussi une question de rapports de force. Je m'étonne d'ailleurs, s'agissant du droit de la concurrence, que l'on s'intéresse beaucoup plus aux éditeurs qu'aux distributeurs numériques, domaine dans lequel la concentration et donc les abus de position dominante me semblent bien plus évidents.
Je voudrais ensuite leur dire qu'il y a un beau combat à mener auprès des institutions européennes, c'est-à-dire la Commission qui propose, ainsi que le Conseil et le Parlement, qui désormais décident ensemble. Il est vrai que, sur ce sujet comme sur d'autres, la Commission est animée par l'idéologie de la concurrence totale, qui est une interprétation un peu courte, et très dangereuse, du monde dans lequel nous vivons. Pour elle, la culture, la création, ne sont pas à prendre en considération. Je le dis aux fonctionnaires de la Commission, qui nous écoutent ou qui nous liront : « Nous n'avons rien contre vous, mais nous ne sommes tout simplement pas d'accord avec vous. Nous pensons que l'idée d'Europe est bien supérieure au slogan “la concurrence ou la mort” qui vous anime. Nous pensons que vous dénaturez et que vous faites rejeter cet idéal européen par les peuples, alors qu'il devrait pourtant les faire vibrer ».
Il faut donc obtenir, par une action conjointe auprès du Parlement européen et des États membres, une modification de la directive services et de la directive sur le commerce électronique, afin que soit prise en compte la diversité culturelle telle qu'elle est mentionnée à l'article 167 du traité.
C'est pourquoi, je proposerai, avec mon collègue Michel Lefait, dans le cadre de la commission des affaires européennes de notre assemblée, l'adoption d'une résolution pour bien marquer notre volonté politique.
Je voudrais enfin souligner que l'adoption de cette inapplicable clause d'extraterritorialité fragiliserait l'ensemble du texte dans le cadre d'une procédure devant la Cour de justice de l'Union européenne, et donc le dispositif initial du texte applicable dans l'ordre juridique interne. J'entends bien que la procédure peut être longue, qu'entre-temps des gages seraient pris pour que les éditeurs se renforcent dans un marché en décollage, qu'il faut un rempart même temporaire, même fragile juridiquement, avant une offensive dont on ne sait quelle elle sera. Je pourrais allonger la liste des justifications, tant elles font florès. Je les comprends, elles m'attendrissent, mais elles me semblent davantage refléter le désarroi qu'une vision stratégique claire.
Chacun le sait, nous sommes tous humains, trop humains, l'illusion lyrique fait chaud au coeur et à l'âme. Et dans nos tristes sociétés normées et conformistes, il faut encore vibrer. Mais il ne faut pas se payer de mots. Car c'est respecter les idées que l'on croit justes, et ceux que l'on défend, que d'adopter des lois applicables. C'est la raison pour laquelle, à ce stade, je propose de revenir à une rédaction proche de la rédaction initiale de cette proposition de loi, fruit d'un immense travail de concertation, je le rappelle.
Ce qui importe avant tout est de voter une disposition applicable. C'est pourquoi j'ai proposé un amendement, adopté en commission, qui satisfait aux attentes légitimes exprimées dans le cadre du débat sur l'extraterritorialité. Il dispose que le prix d'un livre numérique vendu par contrat à un distributeur établi hors du territoire national ne peut être inférieur au prix déterminé par l'éditeur pour le territoire national. C'est une solution de bon sens qui permet de régler, pour l'instant, ce problème très important.
Comme l'a dit M. le ministre, nous avons un beau combat à mener tant au plan européen qu'au plan mondial, qui est non pas celui de la France contre Bruxelles ou contre le monde, mais celui de tous les créateurs européens, de leur vitalité et de leur diversité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le ministre, je tiens à m'associer aux propos de notre rapporteur pour vous remercier du combat que vous menez dans l'esprit de cette proposition de loi, et au nom de notre groupe, je souhaite remercier notre rapporteur Hervé Gaymard de la qualité de son travail et de l'esprit de consensus qu'il a bien voulu placer au coeur des débats.
Lors de mon intervention en première lecture, je n'avais pu m'empêcher de dire combien notre engagement en faveur du livre écrit au sein de la commission des affaires culturelles était constant et soutenu. Cette unanimité pour l'écrit, nous la retrouvons sur cette proposition de loi visant à instaurer un prix unique du livre numérique, qui a rapidement fait l'objet d'un large consensus, alors même qu'il ne s'agit pas d'une simple transposition de la loi de 1981. C'est bien un texte distinct, et la qualité des travaux entre le Sénat et notre assemblée démontre que nous répondons à une véritable nécessité : accompagner le développement du livre numérique tout en préservant les intérêts des auteurs, de leurs éditeurs et de leurs distributeurs.
De nouvelles opportunités s'ouvrent, en effet, en permettant la mise à disposition d'un maximum d'oeuvres grâce à une offre légale abondante de livres numériques. Un encadrement a donc paru plus que nécessaire afin que cette nouvelle offre se déroule dans le respect de notre patrimoine et du droit d'auteur. Il s'agit également de préserver la diversité de la création littéraire et de l'aménagement culturel de nos territoires, au travers des librairies. Beaucoup de nos collègues approuvent ce combat.
Après une adoption en première lecture à l'Assemblée nationale, le 15 février dernier, et une adoption en deuxième lecture au Sénat, le 29 mars, nous sommes arrivés rapidement à finaliser la définition du livre numérique à l'article 1er, adopté conforme au cours de la navette législative. Cet article définit le livre numérique et précise le périmètre de la loi. Cette dernière a désormais vocation à s'appliquer au livre homothétique consistant en une oeuvre de l'esprit créée par un ou plusieurs auteurs, commercialisé sous forme numérique et ayant été préalablement publié sous forme imprimée ou étant susceptible de l'être. Toutes les formes numériques de commercialisation sont visées par cet article.
Conformément au vote en première lecture à l'Assemblée nationale, en commission, l'article 2 a été modifié par un amendement du rapporteur qui pose l'obligation, pour les éditeurs établis en France, de fixer un prix de vente et de le rendre public dans la même logique que celle qui prévalait pour la loi de 1981 relative au prix du livre. Cette obligation s'impose à tous les éditeurs établis en France, mais à eux seuls. La suppression de l'extraterritorialité adoptée au Sénat semble toutefois ici soulever moins de problèmes que celle insérée à l'article 3.
L'article 2 précise également que le prix ainsi fixé par l'éditeur est un « prix de vente au public », c'est-à-dire le prix de vente payé par le consommateur final, personne physique ou collectivité, comme cela est le cas pour le livre papier. Il s'agit ici de prendre en compte le caractère hybride de l'offre de vente de livre numérique, qui inclut certes le livre lui-même, mais aussi des services associés à ce contenu qui viennent en préciser l'accès et l'usage.
Avant d'évoquer la difficulté majeure de cette deuxième lecture, je souhaite rappeler la question de la rémunération des auteurs et la nouvelle rédaction de l'article 5 bis tel qu'il a été modifié en commission. La rédaction du Sénat posait problème en termes de propriété intellectuelle dans la mesure où l'auteur devait participer aux risques de l'exploitation de l'oeuvre. En reprenant, dans cet article, le résultat des débats initiés entre le ministère de la culture, les auteurs et leurs éditeurs, notre rapporteur répond à l'ensemble des préoccupations des uns et des autres. Nous devons ici confirmer le texte de la commission.
On ne peut également que souscrire à la réintroduction à l'article 7 d'un alinéa visant le fait que le rapport du Gouvernement prévu à cet article se penche sur l'impact de la loi, sur la rémunération des auteurs et sur les effets que nous espérons positifs sur le lecteur.
A priori, il ne reste donc comme seul point de désaccord avec le Sénat que la notion d'extraterritorialité contenue à l'article 3 qui vise les distributeurs.
En effet, lors de la deuxième lecture au Sénat, la clause d'extraterritorialité a été réintroduite à l'article 3 alors qu'elle avait été supprimée ici pour des raisons liées essentiellement à une incompatibilité certaine avec le droit communautaire.
Aujourd'hui, la question essentielle est donc de savoir si l'Assemblée nationale souhaite revenir sur un champ d'application territoriale. Une même offre sera donc vendue au même prix quel que soit le canal de vente utilisé, mais uniquement si le détaillant est établi en France. En faisant cela, nous nous inscrivons dans la même logique que celle qui prévalait pour la loi Lang. En effet, l'application extraterritoriale de la loi Lang a bien été sanctionnée par le juge européen en 1985, dans l'arrêt Leclerc.
Par ailleurs, si les Allemands et les Espagnols ont bien une loi sur le prix du livre qui s'applique au numérique, ces deux lois ne contiennent aucune clause extraterritoriale. Je dois le dire, nous aussi sommes sensibles, comme l'ont été les sénateurs, aux arguments qui les ont conduits, au nom de la diversité culturelle prévue par le droit communautaire, à étendre les dispositions de la proposition de loi aux opérateurs établis hors de France. Mais il est certain aussi que cette application extraterritoriale du prix unique nous expose à un avis négatif de la Commission européenne, et par conséquent, à une procédure devant la Cour de justice.
Pouvons-nous et devons-nous voter une disposition alors que nous savons, au moment même où nous la votons, qu'elle ne sera pas applicable dans la durée ? Notre rapporteur, tout en revenant sur l'extraterritorialité, a donc proposé de compléter l'article 3 par un nouvel alinéa visant les contrats qui seront passés entre éditeurs et distributeurs étrangers afin que ceux-ci ne puissent prévoir un prix inférieur à celui fixé dans le cadre de la loi. En quelque sorte, c'est l'inversion de la preuve.
Une telle disposition permet de maîtriser le prix de vente et d'éviter la politique de prix bas qui pourrait être pratiquée par les distributeurs positionnés en dehors de nos frontières. Le contrat ayant force de loi entre les parties, en cas de non-respect des termes du contrat, les dispositions du code civil s'appliqueraient et le contrat serait déclaré nul. Cette disposition a le mérite d'être rapidement opérationnelle et de répondre à l'inquiétude exprimée par certains de nos collègues et certains distributeurs et libraires français.
En conclusion, je dirai un mot de la mission de notre ancien collègue Jacques Toubon qui a la lourde tâche de convaincre les commissaires européens sur l'application d'un taux de TVA réduit sur le livre numérique. Cela demeure une condition essentielle au plein essor du marché du livre numérique qui sera ainsi vendu à un prix inférieur d'environ 40 % à celui du livre papier. Là se situent l'attente des consommateurs et le succès potentiel du livre numérique. Ce succès, nous commençons à le construire avec ce texte.
Monsieur le ministre, rarement la belle affirmation selon laquelle écrire, c'est laisser errer sa plume dans l'espace, aura pu être illustrée. Nous découvrons un nouvel espace qui est le cyberespace, et y laisser traîner sa plume, c'est une belle image. Vous aurez compris que le groupe UMP votera avec enthousiasme cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Je veux d'abord rappeler au Gouvernement l'intérêt qu'il y a, pour la loi, à n'être pas élaborée au travers d'une procédure accélérée. La deuxième lecture du texte issu de nos travaux montre l'utilité de ne pas s'enfermer dans des procédures accélérées.
J'espère, monsieur le ministre, que vous aurez à coeur de défendre cette position pour toutes les autres lois, même celles qui ne vous concernent pas.
Ce texte a été amélioré, certes, mais pas suffisamment à notre goût. Trois points retiennent encore notre attention : l'extraterritorialité, la rémunération des auteurs, et les modifications nécessaires du droit de la propriété intellectuelle.
Concernant l'extraterritorialité, au XIVe siècle, le poète persan Hafiz écrivait : « Souviens-toi que le livre sacré n'est exalté par-dessus tous les livres que parce qu'il a subi lui-même l'épreuve du temps ». Sept siècles plus tard, avec l'émergence du numérique, c'est l'épreuve du lieu que le livre rencontre, et s'il reste du sacré, alors il s'agira de la diversité culturelle que l'on doit nourrir et non pas gommer.
Comment à ce sujet ne pas considérer la question du lieu, et donc de l'extraterritorialité, comme primordiale ? L'actualité nous le prouve. En février dernier, Apple menaçait la viabilité économique des éditeurs en annonçant sa volonté d'intégrer les applications permettant d'acheter des livres avec son propre système de facturation, prélevant au passage un droit de 30 % sur chaque achat.
Par ailleurs, nous apprenons récemment que la maison d'édition Gallimard s'apprête à porter plainte contre Google pour violation des droits d'auteurs, emboîtant le pas à ses confrères de La Martinière, du Syndicat national de l'édition ou encore de la Société des gens de lettres.
Nous saluons vivement, aussi, l'invalidation, le 22 mars dernier, de l'accord passé en 2008 entre Google et les syndicats d'auteurs et d'éditeurs pour la numérisation à grande échelle d'oeuvres sous droits.
Ce sont autant d'informations révélatrices des questions posées par l'extraterritorialité. C'est pourquoi nous persistons dans notre analyse et déposerons nos amendements pour qu'ils prennent force de loi, sur l'article 2 comme pour l'article 3.
Comment un éditeur peut-il, dans le monde entier, s'assurer du prix ? C'est la question que le rapporteur posait. Ne pas y répondre et laisser faire le marché, c'est laisser l'absence de lois des pays étrangers faire loi chez nous. Il y a là un combat à mener et nous le mènerons, d'autant plus que nous avons légiféré sur les jeux d'argent…
…pour traiter de la question de l'extraterritorialité. Pour les jeux d'argent, on aurait la possibilité de légiférer sur l'extraterritorialité et pour les jeux intellectuels, ce ne serait pas le cas ? C'est une vraie question qui est posée à notre assemblée.
Ce n'est pas moi qui fais cette comparaison, je reprenais seulement les propos du ministre. Vous pourrez donc discuter ultérieurement avec lui.
« Derrière chaque livre se trouve un nom, une personne. En ce cas, détruire un livre équivaut à la destruction d'une vie humaine » disait Marek Halter, écrivain franco-polonais. Oui, la question de la protection des droits d'auteurs et de leur rémunération est fondamentale. C'est pourquoi nous serons attentifs à ce qu'une rémunération juste et équitable soit réservée aux auteurs pour des livres numérisés et qu'un minimum soit servi en même temps à ces auteurs.
En ce qui concerne la propriété intellectuelle, les négociations entre éditeurs et auteurs sur les droits numériques n'ont toujours pas abouti après un semestre de négociations. Il s'agit de réguler, a minima, sur les trois points restés en jachère : un contrat séparé pour le numérique, une durée limitée et une rémunération juste et équitable dont nous venons de parler.
Une refonte rapide est nécessaire. C'est pourquoi notre groupe proposera des amendements tendant à adapter les dispositions du code de la propriété intellectuelle au nouvel univers numérique : contrats distincts entre papier et numérique, conditions de récupération des droits par l'auteur notamment.
Enfin, je tiens à saluer les avancées du secteur du livre, et tout particulièrement le lancement, le 4 avril dernier, du portail commun de vente en ligne de la librairie indépendante française, 1001librairies. com, qui permettra de commercialiser aussi bien les livres imprimés que les ouvrages numériques.
Il nous faut une politique adaptée, monsieur le ministre, mes chers collègues. C'est le combat de l'exception culturelle, c'est le combat de la culture partie intégrante de l'identité française ici même et partout dans le monde. Cette identité est dans nos mains ainsi que dans les vôtres, monsieur le ministre. Il vous appartient, en qualité de représentant de la France, de la défendre avec vaillance, notamment à Bruxelles
Au bout du compte, les socialistes seront attentifs à l'issue des débats de notre assemblée pour fixer leur position qui, en l'état actuel du texte, ne peut être qu'une abstention. En première lecture, notre abstention était positive ; elle deviendrait négative sans avancées significatives. Ce serait alors la rançon d'un espoir déçu. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, notre assemblée est réunie pour discuter à nouveau de la proposition de loi relative au livre numérique.
Nous avons salué une initiative qui, sur le principe, devait permettre de réguler un secteur en plein essor – le livre numérique représenterait en volume plus de 13 % de l'offre globale payante – à un moment où la crise de la lecture risque de se voir aggravée par les conséquences de la fracture numérique.
Malheureusement, les discussions en commission l'ont montré, cette seconde lecture va sans doute révéler que la majorité n'entend pas répondre à ces défis et qu'elle compte, de manière incompréhensible, imposer des contraintes particulières aux entreprises françaises sans y soumettre les géants étrangers du secteur.
Si imposer un prix unique aux livres numériques diffusés sur notre territoire ne sera pas sans poser quelques difficultés techniques, cela devrait pourtant être notre ambition commune, dans la lignée de la loi de 1981 sur le prix unique du livre, dont nous reconnaissons, tous, les bénéfices pour le maintien de la diversité de l'édition, la qualité de son offre et le maillage des librairies sur l'ensemble de notre territoire.
J'évoque une situation incompréhensible car la majorité de l'Assemblée nationale risque de se laisser entraîner vers des décisions prises contre l'avis unanime des sénateurs, du Gouvernement, des éditeurs et même de la commission européenne, ou en tout cas des ouvertures qu'elle a laissées au législateur français !
Venons-en au fond du problème. En défendant l'insertion d'une clause de territorialité dans le texte, notre collègue Lionel Tardy donne, sur son blog – je le souligne au passage –,des leçons de conduite à la majorité : « La deuxième lecture à l'Assemblée nationale ne sera pas une simple formalité » ou encore « Déjà bien mal ficelé dès le départ, ce texte semble partir en vrille, politiquement et juridiquement comme beaucoup de textes qui nous viennent du ministère de la culture… ».
En défendant l'insertion de cette clause, Lionel Tardy s'est « réjoui du parallèle établi par le rapporteur entre droit, politique et applicabilité des textes ». Je le cite encore : « On aimerait entendre plus souvent de tels propos, en particulier dans le domaine de la culture, où l'on a tendance à faire de la politique sans toujours tenir compte du droit ! »
Je veux m'adresser à la majorité pour dire à ses membres que, dans ses avis rendus les 13 décembre et 31 janvier derniers, la Commission européenne elle-même a laissé entrevoir l'opportunité que le législateur français concilie « droit et politique ». Elle y a ainsi indiqué qu'elle pouvait « envisager la possibilité sous certaines conditions de considérer la protection de la créativité et de la diversité culturelle comme un impératif d'intérêt général ».
Car, ne nous y trompons pas, malgré toutes les dangers que représente Bruxelles en matière de libéralisme, d'ouverture totale des marchés publics à la concurrence et de convergences absurdes sur le plan des dépenses sociales et publiques, elle ne peut quand même pas balayer d'un revers de manche les objectifs d'intérêts culturels tels qu'énoncés à l'article 167 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et surtout par la Convention de l'UNESCO sur la promotion et la protection de la diversité des expressions culturelles, adoptée en 2005, lors de la 33ème session de la Conférence générale !
Le rapporteur a laissé entendre qu'il avait trouvé une issue à ces débats en complétant l'article 3 de la proposition de loi par un alinéa stipulant qu' « Est nul et réputé non écrit tout contrat ou toute clause autorisant la vente d'un livre numérique à un prix de vente inférieur à celui fixé dans les conditions déterminées à l'article 2 ».
Nous verrons ensemble, lors de la discussion de cet article 3, que cette disposition ne garantit en rien que les lecteurs français ne pourront pas acheter des oeuvres auprès d'Amazon, Appel ou Google,…
…dont les « méthodes prédatrices », selon les propos même de Colette Melot, rapporteure UMP du texte au Sénat, consisteront évidemment à proposer des prix plus attractifs que ceux imposés aux entreprises françaises.
Nous verrons ainsi l'analyse qu'en a livrée le Syndicat des distributeurs de loisirs culturels qui, je le rappelle, avait exigé un prix unique du livre numérique « pour tous », en dénonçant une proposition de loi qui, telle que modifiée par notre assemblée en première lecture, créerait des conditions de concurrence inéquitable. Et le président de la FNAC d'alerter le Gouvernement sur le fait que le texte « ouvrirait un boulevard au dumping culturel », aux grands acteurs américains « avec les conséquences que l'on connaît en termes de concentration du marché et d'appauvrissement culturel. ». La nouvelle disposition ne les convainc visiblement pas, parce qu'elle « exonérerait les distributeurs étrangers de respecter le prix unique du livre numérique », qu'elle est redondante « au regard du premier alinéa de l'article 2 » et qu'elle « n'aurait aucun effet sur les prix pratiqués par les distributeurs étrangers ».
Nous avons noté, par ailleurs, les efforts de la majorité en vue de garantir les droits des auteurs. Mais si l'article 5 bis a été rétabli en fixant que le contrat d'édition garantit aux auteurs, lors de la commercialisation ou de la diffusion d'un livre numérique, que la rémunération résultant de l'exploitation de ce livre est juste et équitable, il ne garantit plus que la rémunération de l'auteur est fixée en tenant compte de l'économie générée, pour l'éditeur, par le recours à l'édition numérique. Nous proposerons donc de préciser cet article en prévoyant que la rémunération ne pourra être inférieure à celle obtenue pour l'édition papier du même ouvrage.
Enfin, nous proposerons de mieux prendre en compte les droits des auteurs ayant recours aux nouveaux modèles de création et d'exploitation des oeuvres, c'est-à-dire les licences libres. La plupart du temps gratuite, la « création libre » ne pourrait, par définition, se voir imposer des contraintes de tarifs !
Mais, à choisir, si la Constitution nous en avait laissé la possibilité budgétaire, nous aurions sans doute plutôt défendu un mécanisme de financement public des coûts liés à la rémunération des auteurs, des intermédiaires et de tous les frais afférant à la production, à la diffusion ou au stockage des oeuvres, grâce à la mise en oeuvre d'une plate-forme publique.
Au fond, ce qui préoccupe les députés communistes, républicains, du parti de gauche, c'est de préserver la dimension protectrice que pourrait avoir un tel texte, à l'égard tant des auteurs que des éditeurs ou des diffuseurs du livre numérique, et évidemment des lecteurs. Notre vote dépendra donc du sort qui sera réservé à nos amendements au cours de l'examen du texte.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi relative au prix unique du livre électronique, adoptée en seconde lecture par le Sénat, a pour principe d'appliquer aux livres numériques la loi Lang de 1981, qui permet à un éditeur de fixer un prix unique de vente au public, c'est-à-dire aux lecteurs.
Nous savons tous combien cette première régulation, votée il y a trente ans, a favorisé et préservé la diversité culturelle et la créativité éditoriale. Nous mesurons aussi le rôle majeur joué par cette loi en direction de l'ensemble de la chaîne du livre et en premier lieu des librairies indépendantes, que vous soutenez, monsieur le ministre.
Aujourd'hui, face au développement des outils numériques, notre responsabilité collective est de fixer un nouveau cadre législatif qui ne pénalise – cela vient d'être rappelé – ni les auteurs, ni les éditeurs, ni les libraires et qui, par ailleurs, bénéficie très largement à l'ensemble des usagers des bibliothèques publiques et universitaires, aux institutions culturelles territoriales – musées, archives – et au cadre scolaire. C'est le sens des amendements présentés par le groupe socialiste.
Dans cet esprit, nous ne pouvons que déplorer la suppression de la clause d'extraterritorialité, pourtant réintroduite par le Sénat en seconde lecture. En effet, devant l'effacement « virtuel » des frontières, une loi qui ne toucherait que la France porterait un coup fatal à nos chaînes de distribution et à nos maisons d'édition. C'est pourquoi il nous paraît essentiel d'étendre l'application de notre proposition de loi aux éditeurs et distributeurs établis hors de France en nous fondant sur l'objectif de promotion de la diversité culturelle et linguistique prévu par le droit communautaire, ni plus, ni moins, monsieur le rapporteur, C'est pourquoi, monsieur le ministre, nous comptons sur votre engagement.
Enfin, l'écrit, sous sa forme papier ou sous sa forme numérique, reste le premier facteur d'émancipation et d'enrichissement de la pensée. Le succès des salons du livre, à Paris, comme sur l'ensemble de nos territoires, en est un témoignage constant.
Notre proposition de loi ne concerne, pour le moment, que le livre dit « homothétique ». Nous souhaitons que cette première étape soit une garantie et non un frein pour les années à venir, car nous savons bien que, demain, les oeuvres enrichies par l'hypertextualité poseront de nouvelles questions.
Sans lyrisme, monsieur le rapporteur, nous étions hier au Panthéon pour l'hommage rendu à Aimé Césaire. Pour être reconnue, voire connue par le plus grand nombre, en France comme à l'étranger, et notamment par les jeunes, l'oeuvre littéraire et poétique de ce grand serviteur de l'État doit être largement publiée, y compris sous sa forme numérique.
Convaincus, à l'instar d'Aimé Césaire, que les grandes avancées de la pensée sont celles qui se conquièrent par la responsabilité collectivement assumée, nous aurions souhaité que cette loi favorise, par le biais de la diffusion numérique des grandes oeuvres singulières de la littérature, l'accès de tout un chacun à l'universalité de la culture. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, à l'issue de cette discussion générale et parce que nous sommes en deuxième lecture, je ne vais pas revenir sur tous les enjeux de cette proposition de loi, qui a le grand mérite d'arriver au bon moment. Nous ne sommes pas, comme pour d'autres enjeux culturels face au bouleversement du numérique, dans une guerre de retardement. Nous ne sommes pas en train de construire une nouvelle ligne Maginot. De manière très dynamique, trente ans après l'élection de François Mitterrand et l'instauration du prix unique du livre, nous essayons d'appliquer celui-ci au livre homothétique.
Je retiendrai deux enjeux essentiels à nos yeux. D'abord cette proposition de loi doit profiter, au meilleur sens du terme, à toute la chaîne du livre. Cela a déjà été dit, j'y reviendrai pour mémoire. Sans auteur, pas de livre : cette assertion est d'une telle banalité qu'il nous semble indispensable de créer, dès aujourd'hui, le cadre législatif permettant de construire ce qui est, quoi qu'on en dise, un rapport de force entre auteurs et éditeurs.
Au demeurant, monsieur le ministre, vous avez vous-même acté avec regret l'échec des négociations qui, juste avant le Salon du livre, amenaient le Syndicat national de l'édition et le Conseil permanent des écrivains à essayer de trouver les bases d'un accord qui permette une réelle redistribution de cette sorte de plus-value née de la réduction très importante des frais de distribution et de fabrication du livre occasionnée par le numérique.
Nous débattrons, à l'article 5 bis, de la nécessité absolue d'une rémunération juste et équitable. Vous avez, monsieur le ministre, évoqué le code de la propriété intellectuelle que nous avons l'ambition de modifier par le biais de trois amendements. Il nous semble en effet indispensable – c'est du reste notre responsabilité de législateur – de créer le cadre juridique pour permettre aux négociations d'aboutir.
Le second enjeu de cette proposition de loi tient évidemment aux articles 2 et 3, et au débat, très honorable d'ailleurs, sur l'extraterritorialité avec la controverse entre nos deux assemblées, qui va jusqu'à traverser l'Assemblée nationale, sur cette question : faut-il, oui ou non, faire jouer la clause de l'extraterritorialité ?
Pour notre part, nous pensons, au groupe SRC, que, plus que jamais, il faut mener la bataille à Bruxelles. Nous la perdrons peut-être, mais si nous ne la menons pas, quel regret aurons-nous de nous dire que nous avons perdu une bataille que nous n'avons pas conduite ! Quel risque courons-nous ? Au nom de la diversité culturelle, le Gouvernement français, sur d'autres dossiers – audiovisuel, cinéma – a su, à Bruxelles, affirmer des convictions qui ont pu être partagées ou non. En tout état de cause, les bagarres ont été conduites.
S'agissant particulièrement de l'article 3 – c'est moins vrai sur l'article 2, encore que les plateformes peuvent devenir des éditeurs surtout si pour elles, l'enjeu est de contourner la loi ! –, il est indispensable que nous ne gravions pas dans le marbre de la loi que les plateformes doivent être établies en France. J'ai écouté, avec toute l'attention voulue, l'intervention de qualité du rapporteur, qui n'était pas dépourvue d'ironie, notamment à l'égard de nos collègues de la Haute assemblée qui, à l'unanimité, se sont retrouvés sur une version différente de celle issue de la commission des affaires culturelles et de l'éducation de l'Assemblée nationale. La solution trouvée avec l'adoption d'un amendement visant à introduire un deuxième alinéa à l'article 3 nous semble insuffisante. L'article 3 est sans doute l'enjeu majeur de cette proposition de loi : il faut revenir à la version adoptée à l'unanimité par le Sénat.
Nous aurons l'occasion, puisque nous allons voter un texte différent de celui issu de la Haute assemblée, de trancher cette controverse au sein d'une commission mixte paritaire. Nous verrons alors ce que sera la version finale de cette proposition de loi. Quoi qu'il en soit, c'est un beau débat et un bel enjeu. Nous sommes tous d'accord sur l'objectif à atteindre, mais nous différons sur les moyens. En tout cas, notre groupe le dit avec force et conviction : la bataille de l'extraterritorialité mérite d'être conduite. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi sur lesquels les deux assemblées du Parlement n'ont pu parvenir à un texte identique.
Je suis saisi d'un amendement n° 7 .
La parole est à M. Marcel Rogemont.
Les seules batailles que l'on est sûr de perdre sont celles que l'on ne livre pas. Ces propos tenus à l'instant par notre collègue Patrick Bloche, je les fais miens !
Cet amendement vise à étendre l'application de la proposition de loi aux éditeurs établis hors de France, mais exerçant leur activité d'édition de livres numériques en vue de leur commercialisation sur le territoire national. Il importe que nous traitions nous-mêmes la question de l'extraterritorialité et qu'elle soit sanctionnée au plan européen de sorte que, forts, unis, nous ayons une capacité juridique extérieure. Cet objectif ne s'écarte pas du droit européen puisque les dispositions de l'article 1er, paragraphe 6, de la directive 200031CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à ces questions prévoient que la « présente directive ne porte pas atteinte aux mesures prises au niveau communautaire ou au niveau national, dans le respect du droit communautaire, pour promouvoir la diversité culturelle et linguistique et assurer la défense du pluralisme. » C'est de cela qu'il s'agit.
En commission, nous avons décidé d'assujettir les seuls éditeurs établis en France à l'obligation de fixer un prix de vente pour les livres numériques qui sont commercialisés. La rédaction qui avait été adoptée par le Sénat et que vous voulez rétablir vise, au contraire, tous les éditeurs, même étrangers.
Cet amendement me laisse perplexe, monsieur Bloche. En commission, vous indiquiez en effet : « On n'a pas assez fait la distinction entre l'article 2 et l'article 3 et l'on a tendance à se prononcer globalement, qui en faveur de l'extraterritorialité, qui en faveur de la compatibilité avec le droit européen. Ne pourrions-nous pas donner raison au Sénat sur l'article 3, c'est-à-dire introduire une clause d'extraterritorialité pour les plateformes de distribution de livres à destination des acheteurs français et ne pas le suivre sur l'article 2, car cela risquerait de pénaliser les éditeurs étrangers, y compris ceux qui publient en édition originale, ce qui n'est pas notre objectif ? »
Or c'est bien ce point précis que vous voulez amender en soumettant les éditeurs étrangers à la loi française. Je ne reviendrai pas en détail sur les arguments que nous avons développés à l'envi. Je précise simplement que ce dispositif n'est pas compatible avec le droit communautaire et pose par ailleurs, comme la clause de l'article 3, des problèmes pratiques.
Dans l'article 2, nous voulons uniquement viser les éditeurs français pour leur diffusion commerciale en France. Je précise que cet amendement n'a pas été examiné par la commission. À titre personnel, j'émets un avis défavorable.
L'application de la proposition de loi aux éditeurs établis hors de France ne répond à aucun enjeu particulier au regard des objectifs poursuivis par ce texte. Il y a un consensus de tous les professionnels sur ce point. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable à cet amendement, la véritable préoccupation concernant le champ d'application de la loi étant prise en compte à l'article 3.
Je remercie M. le rapporteur d'avoir cité mon intervention en commission. Voilà qui permet de débattre sur l'article 2 et de discuter stratégie. Vous-même, monsieur le rapporteur, vous avez employé des termes très militaires dans votre intervention. Quelle stratégie choisissons-nous ? Peut-être une stratégie de dissuasion, laquelle a montré, au cours des dernières décennies, toute son efficacité.
Si, comme nous le propose le Sénat, nous livrons la bataille de l'extraterritorialité – aussi bien sur l'article 2 que sur l'article 3, aussi bien en ce qui concerne les éditeurs que les plateformes – et si l'on impose cette clause d'extraterritorialité en la faisant partager à l'Union européenne, Amazon risquera de réapparaître ou voudra contourner la loi en devenant lui-même éditeur –il en a les capacités financières.
Mais si nous nous disons que, pour mener la bataille de l'extraterritorialité, nous devons surtout nous intéresser au point dur, c'est-à-dire aux plateformes, et éviter que les plateformes établies en France soient pénalisées par la rédaction de notre proposition de loi, nous pourrions alors laisser tomber l'offensive sur l'article 2 pour nous centrer sur l'article 3 sur lequel nos capacités de persuasion sont sans doute plus importantes. Il s'agit vraiment d'un choix stratégique. J'ai du reste légitimement posé la question en commission en évoquant les éditeurs étrangers, notamment ceux qui publient en version originale. Cela dit, notre groupe, en cohérence avec sa position en première lecture, a souhaité redéposer cet amendement.
Je conçois la différence entre l'article 2 et l'article 3. Il n'en demeure pas moins qu'aboutir à un parallélisme des formes entre l'éditeur français vendant un livre en France et un éditeur étranger vendant un livre en France en posant la question du prix unique n'est pas inutile. Nous devons tendre à l'universel, le rapporteur l'a rappelé. Eh bien, tendons à l'universel et faisons en sorte que les règles que nous donnons à nous-mêmes puissent éclairer les rapports entre éditeurs et auteurs à l'étranger.
(L'amendement n° 7 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 1 .
La parole est à M. Patrick Lebreton.
Cet amendement a pour objet d'empêcher une pratique tarifaire distincte et défavorable dans les collectivités d'outre-mer, comme cela peut être le cas pour d'autres marchandises sans que ces pratiques soient toujours justifiées de manière crédible.
Ces territoires sont marqués par un phénomène très fort : l'illettrisme, qui, dans le seul département de La Réunion, touche plus de 100 000 personnes. Nous considérons que l'accessibilité des livres par le développement des supports numériques pourrait représenter un moyen de lutter contre ce phénomène.
M. Lebreton exprime des préoccupations tout à fait légitimes et justifiées. Il a raison d'insister sur la situation particulière de nos départements d'outre-mer.
Je voudrais lui dire que si la commission a émis un avis défavorable, ce n'est pas pour des raisons de fond mais parce que l'intention de son amendement, si je puis dire, est satisfaite par l'article 8 de la proposition de loi, qui prévoit que les dispositions de la future loi s'appliqueront outre-mer.
Par ailleurs, les livres numériques étant par essence dématérialisés, la problématique des frais de port qui s'attache à toutes les autres marchandises ne se pose pas.
L'avis du Gouvernement est défavorable, pour les raisons qui ont été rappelées par M. le rapporteur.
(L'amendement n° 1 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 8 .
La parole est à Mme Monique Boulestin.
Cet amendement vise à supprimer le mot « supérieur » dans la dernière phrase de l'alinéa 3, comme nous l'avions déjà proposé lors de la première lecture.
L'exception introduite dans cet alinéa doit être élargie, nous semble-t-il, à toutes les formes d'enseignement, en particulier aux lycées et collèges en faveur desquels les conseils régionaux et généraux déploient des offres innovantes.
L'application stricte du prix unique aux offres groupées destinées à l'enseignement des premier et second degrés aurait pour effet de limiter l'émergence de nouveaux modèles économiques à une étape charnière où il importe au contraire de tester différentes formules de mise à disposition du livre numérique dans un cadre collectif.
La commission a rejeté cet amendement, qui part d'un principe louable. Actuellement, l'exception est uniquement prévue pour les bibliothèques de recherche et les bibliothèques universitaires car elles sont quasiment les seules bénéficiaires de ce type d'offre, les bibliothèques scolaires n'utilisant pas ce service.
Au surplus, une telle modification risquerait de vider de son sens le dispositif en étendant démesurément les exceptions.
Par ailleurs, l'utilisation conjuguée des alinéas 1 et 2 de l'article 2 permettra aux bibliothèques scolaires de bénéficier de prix adaptés dans le cadre d'achats de livres groupés ou d'offres plus complexes comme celles liées aux encyclopédies. Il est en effet prévu que le prix fixé par l'éditeur « peut différer en fonction du contenu de l'offre et de ses modalités d'accès ou d'usage ».
Avis défavorable, pour les raisons qui ont été largement exposées par M. le rapporteur et sur lesquelles je ne reviendrai pas.
(L'amendement n° 8 n'est pas adopté.)
Nous proposons d'introduire une exemption supplémentaire afin que la future loi prenne en considération et protège les droits des auteurs ayant recours aux nouveaux modèles de création et d'exploitation des oeuvres que sont les licences libres.
L'Association des développeurs et des utilisateurs de logiciels libres pour l'administration et les collectivités territoriales et l'Association francophone des utilisateurs de logiciels libres, et derrière elles une bonne partie des défenseurs des licences libres, se sont en effet émus de la rédaction de cet article dans la mesure où elle tend à appliquer des obligations tarifaires à des licences libres et donc la plupart du temps gratuites.
La question du livre numérique est liée aux nouveaux modes de création. Il importe donc de prendre en compte le recours que font certains auteurs aux standards ouverts ou standards libres incompatibles par nature – inutile d'en exposer trop longuement les raisons – avec toute fixation de prix, qu'il soit unique ou non. Dans ce cas, ce qui vaut pour le livre papier ne vaut pas pour le livre numérique.
Nous considérons que le droit exclusif des auteurs titulaires de droits serait pénalisé par une application de la logique du prix unique. D'où cette proposition d'exemption.
La commission a rejeté ces amendements qui posent un problème de fond : ils voudraient que la loi protège les droits des auteurs ayant recours aux licences libres tout en les excluant de l'application de la proposition de loi à travers une nouvelle exemption, ce qui est pour le moins contradictoire.
Rappelons ici que la présente proposition de loi ne prend absolument pas position sur la question des mesures techniques de protection, les DRM, et la possibilité ou non pour les internautes de copier les fichiers à l'infini. Pour les auteurs disposant d'un éditeur, la décision revient à ce dernier. Pour les auteurs s'auto-éditant, la décision sera personnelle. Dans tous les cas, rien dans la loi n'empêche un auteur ou un éditeur de publier un ouvrage sans DRM, donc copiable à l'infini.
Ces amendements visent à exclure du champ d'application de la loi certains modèles de création et d'exploitation des livres numériques, appelés également Creative Commons, qui prévoient que leurs auteurs titulaires de droits peuvent accorder au public la faculté de faire des copies, de réutiliser, de disséminer des fichiers de façon illimitée, sous certaines conditions.
Dans l'expression « Creative Commons », le mot « commons » montre clairement qu'il ne s'agit pas d'une exploitation commerciale, de sorte que ces créations ne relèvent pas du champ d'application de la loi. Quand bien même d'ailleurs ces modes de diffusion seraient concernés, rien n'interdirait la fixation d'un prix nul.
Par ailleurs, le matériau que constitue le texte placé sous une licence Creative Commons peut à son tour être réutilisé dans le cadre d'une exploitation commerciale. Si celle-ci prend la forme d'un livre numérique au sens de la loi, il est alors naturel que la loi s'applique à ce livre. Ce n'est toutefois qu'un produit second : il ne s'agit plus du même livre numérique. Dans ce cas, l'exclusion de ce type de livre numérique du champ d'application de la loi n'est pas justifiée.
Pour toutes ces raisons, l'avis du Gouvernement est défavorable.
(L'amendement n° 4 n'est pas adopté.)
(L'amendement n° 9 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 10 .
La parole est à M. Patrick Bloche.
Nous pourrions collectivement faire un pas, du moins je l'espère, pour intégrer dans notre droit une exception au droit d'auteur tout à fait justifiée puisqu'elle est soutenue par un objectif d'intérêt général que personne ne contestera.
Cet amendement propose ainsi d'étendre aux oeuvres écrites numériques l'exception prévue dans le code de la propriété intellectuelle qui permet d'utiliser des extraits d'oeuvres protégées par le droit d'auteur à des fins d'illustration pour l'enseignement et la recherche.
Chacun comprendra l'enjeu que représente une telle disposition pour nos chercheurs, pour nos universitaires et pour nos étudiants. À l'heure où nous parlons, nous considérons que cette exception s'impose.
La commission a rejeté cet amendement.
Comme chacun sait, le régime des exceptions au droit d'auteur est très complexe et fait les délices des juristes. Il me semble, comme je l'ai déjà indiqué en commission, qu'ouvrir le chantier général de la révision des droits d'auteur à l'heure d'internet et du numérique par le biais de cette proposition de loi serait inapproprié puisqu'il s'agit d'un sujet qui, en lui-même, mériterait un texte spécifique.
En outre, l'amendement revient sur une partie de l'exception pédagogique prévue par la loi de 2006 relative au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information.
Les livres numériques étant appelés à jouer un rôle fondamental dans l'enseignement et la recherche, on peut penser que des modèles économiques pourront être mis en place pour permettre leur utilisation dans un cadre pédagogique sans avoir à recourir à une exception au droit d'auteur.
Avis défavorable pour les mêmes raisons.
Je trouve dommage que la commission et le Gouvernement soient défavorables à cet amendement. D'une part, il vise à étendre un régime d'exception qui existe déjà, et pour un objectif d'intérêt général, l'enseignement et la recherche. D'autre part, il prévoit l'accès à des extraits d'oeuvre et non aux oeuvres elles-mêmes. Il ne met donc nullement à bas les fondements du droit d'auteur.
Les législateurs que nous sommes auraient pu donner un signe très positif à nos étudiants, à nos chercheurs et à nos universitaires et leur montrer que, lorsqu'il s'agit de diffuser le savoir et la connaissance, nous pouvons élaborer un droit d'auteur intelligent qui permette à l'auteur de continuer d'exercer son droit exclusif sur ses oeuvres, droit moral et patrimonial incessible qui ouvre très légitimement droit à une rémunération, tout en prenant en considération l'enjeu essentiel que constitue la diffusion des contenus.
(L'amendement n° 10 n'est pas adopté.)
(L'article 2 est adopté.)
Puisque nous en venons au fameux article 3, je vais exposer à nouveau notre position : le sort du présent amendement conditionnera notre vote final.
La nouvelle rédaction introduite par le rapporteur ne nous paraît pas régler le problème puisqu'elle restreint aux personnes établies en France l'obligation légale pour un distributeur de respecter le prix unique du livre numérique fixé par un éditeur français et exonère de ce fait tout distributeur étranger de l'obligation légale de respecter ce prix unique.
Elle conduit ainsi à revenir à la position adoptée en première lecture par notre assemblée le 15 février 2011, laquelle avait motivé un vote négatif de notre part. Elle revient également sur le vote unanime du Sénat.
Enfin, elle ne prévoit aucune obligation ou sanction à l'encontre d'un distributeur étranger et ne vise que la violation contractuelle par un éditeur français de son obligation légale de fixer par contrat un prix unique du livre numérique.
Si la commission souhaitait que le prix unique du livre numérique s'impose également à des distributeurs étrangers, elle n'aurait pas prévu que le prix unique du livre s'impose aux personnes établies en France.
Je rappelle en outre que les propos tenus par le ministre de la culture au Sénat vont dans le sens de ce que nous proposons. J'en appelle donc à la sagesse de l'Assemblée, et j'espère que nous allons réexaminer l'article 3 de manière approfondie.
Deux mots seulement.
N'oublions pas que, dans un avenir très proche, le 1er janvier 2015, la taxation des services électroniques ne se fera plus dans le pays où l'entreprise est établie, mais dans le pays de consommation. C'est une étape ; le temps viendra où les plateformes établies hors de France seront liées par les activités qu'elles exercent sur le territoire national, comme celles qui sont installées en France. On comprend bien que, dans le cas contraire, il y aurait une très forte distorsion de concurrence.
Pourquoi ce qui est possible pour la taxation des services électroniques ne le serait-il pas pour les plateformes ?
Bien des choses ont été dites sur ce sujet en première lecture et au cours de cette deuxième lecture, en commission et dans l'hémicycle. Je me contenterai donc de rappeler trois éléments simples.
Premièrement, tout le monde est d'accord sur les objectifs à atteindre. Je remercie M. Bloche de l'avoir dit en concluant son intervention. Il s'agit de faire en sorte que les fichiers numériques ne soient pas bradés et qu'il n'y ait pas d'abus de position dominante de la part d'un distributeur numérique,…
…afin de préserver la diversité culturelle et la rémunération de la création.
Je le dis solennellement : ceux, dont je suis, qui n'approuvent pas la solution technique retenue par nos collègues du Sénat ne sont pas en retrait dans ce débat, dans ce combat pour la diversité culturelle et l'extraterritorialité. Il est un peu trop facile d'opposer les bons au grand coeur qui défendent la diversité culturelle à ceux qui, parce qu'ils ne sont pas sur la même ligne, joueraient petit bras.
Je le répète solennellement : chacun le sait, tous, au Sénat, à l'Assemblée, à quelque groupe politique que nous appartenions, nous poursuivons le même objectif. Voilà pourquoi nous sommes réunis, voilà pourquoi nous avons eu l'initiative de cette proposition de loi.
Deuxièmement, où s'applique la loi que nous, parlementaires, votons ? Sur le territoire national,…
…c'est-à-dire en métropole et dans les départements d'outre-mer ; les territoires d'outre-mer et les collectivités territoriales relèvent d'un autre régime juridique.
Je veux bien que nous menions la bataille de l'extraterritorialité ; mais cette bataille, à supposer que nous la gagnions, ne pourra jamais déboucher sur l'application de la loi française à l'étranger. Je suis désolé de rappeler cette évidence, mais il faut bien le faire puisqu'on la perd parfois de vue.
Troisièmement, comment atteindre nos objectifs ? Partons du propriétaire du fichier numérique : il s'agit soit de l'auteur, s'il s'auto-édite, soit de l'éditeur si l'auteur a fait appel à lui. Tout vient donc de l'éditeur ; il est le fait générateur. Or, si cette proposition de loi est votée, pour les livres vendus sur une plateforme de téléchargement installée sur le territoire national, l'éditeur vendra le fichier numérique au prix qu'il souhaite, puisque c'est à lui de le fixer ; l'affaire est donc réglée par la proposition de loi.
Cela suscite immédiatement l'objection suivante, à laquelle je souscris : comment faire dans le cas des plateformes de téléchargement installées à l'étranger ? Je rappelle que l'étranger, c'est le monde entier, et non pas seulement l'Europe, sur laquelle on a tendance à se focaliser.
Que faire dans ce cas ? Il existe une formule : la relation contractuelle, en l'espèce le contrat de mandat. Je pourrais vous relire toute l'argumentation développée sur ce sujet, l'article 1134 du code civil et ses diverses interprétations ; je sais que des notes juridiques circulent, rédigées par de savants cabinets d'avocats qui tentent de controuver la solution que nous proposons, et je pourrais répondre point par point à chacune de leurs objections, car elles peuvent toutes être démontées.
D'aucuns, qui n'ont pas tort, invoquent la puissance de certaines centrales de distribution numérique – vous avez cité Amazon ; je vous en laisse la paternité, cher Patrick Bloche. Selon eux, Amazon étant en situation d'abus de position dominante, cette solution pourrait s'avérer dangereuse : l'éditeur sera obligé de passer au gabarit, si vous me permettez l'expression, puisque Amazon distribue non seulement du numérique, mais aussi des livres papier, en très grand nombre, bien que nous n'en ayons pas parlé.
On fait donc valoir que les éditeurs, du moins les petits et les moyens, ne seront pas capables de résister, car, dans la transaction commerciale, ils sont plus faibles. Faute de garanties, l'éditeur risque ainsi d'être contraint, pour survivre à court terme, de passer sous les fourches caudines d'Amazon. Il se sentira obligé de vendre le fichier moins cher, ce qui fait immédiatement disparaître le prix du livre initial : si le prix du fichier est de dix euros et que l'éditeur le vend six ou sept euros à Amazon, le prix de dix euros n'existera plus, et l'on s'alignera évidemment toujours sur le moins-disant budgétaire, donc sur le moins-disant culturel.
C'est pour éviter cela, mes chers collègues, que j'ai déposé l'amendement qui a été adopté en commission, et aux termes duquel l'éditeur ne peut pas vendre le fichier à une plateforme de distribution située à l'extérieur du territoire national à un prix inférieur à celui qu'il a initialement fixé pour le territoire national.
À mes yeux, ce dispositif de bon sens est tout à fait opérationnel, car il respecte la loi française applicable et reste dans le cadre du territoire français, ce qui exclut toute incertitude quant à l'application. Il n'en va pas de même de l'attitude qui consiste à voter une loi en souhaitant qu'elle s'applique hors de nos frontières : dans ce cas, on sait évidemment que ce ne sera pas le cas.
Deux remarques, pour finir, sur des points intéressants qui ont été abordés.
Je n'ai pas la même lecture que Mme Amiable de l'avis rendu par la Commission européenne le 31 janvier dernier à propos de la possibilité d'extraterritorialité. En voici la conclusion : « Il résulte de ce qui précède que la proposition de loi notifiée pourrait restreindre la liberté d'établissement et la libre prestation de services. L'article 3 de la proposition de loi notifiée pourrait également être incompatible avec l'article 3 de la directive 200031CE. De même, l'article 3 de la directive e-commerce indique que des objectifs de diversité culturelle ne peuvent justifier des restrictions de la prestation de services de la société de l'information. » Enfin, « la Commission considère que ces restrictions ne semblent pas appropriées pour atteindre des objectifs de diversité culturelle et ne sont pas proportionnelles à ces objectifs ». Je ne pense pas que l'on puisse dire que cet avis soit engageant en matière d'extraterritorialité, bien au contraire.
Quant à l'assimilation aux jeux d'argent, il ne s'agit pas du tout du même débat. En ce qui concerne les jeux d'argent, il s'agissait de la transposition d'une directive communautaire ; l'opérateur devait demander un agrément pour exercer son activité sur le territoire national ; enfin, dans ce cas, ce sont des raisons d'ordre public et de santé publique qui justifiaient l'application transfrontalière.
Mes chers collègues, nous avons déjà longuement parlé de ce sujet, au demeurant très intéressant. Par-delà nos approches divergentes, je sais que nous poursuivons les mêmes objectifs. Je vous propose simplement un texte immédiatement applicable et opérationnel : étant donné les bouleversements qui menacent le marché du livre numérique, et afin d'éviter que les premiers entrants ne prennent trop vite trop de place pour que la diversité culturelle soit préservée, nous devons voter des dispositions applicables « ici et maintenant » – pour reprendre l'expression de celui dont vous avez salué par avance le trentième anniversaire de l'élection. C'est le cas du dispositif que je vous propose.
Nous en venons au coeur de la discussion que nous menons depuis plusieurs semaines, et dans laquelle j'ai été, vous le savez, particulièrement attentif à la position de la Haute assemblée.
Les propos de M. le rapporteur résultent d'un travail fourni, que je salue, et d'une grande attention aux arguments développés par Mme Amiable et M. Rogemont, mais aussi par bien d'autres membres de cette éminente assemblée, dont M. Bloche. Les arguments du rapporteur, comme la rédaction actuelle du texte, me semblent devoir emporter la conviction.
Le second alinéa de l'article 3, tel qu'il a été adopté par la commission, a été conçu pour atteindre l'objectif recherché : il impose, sous peine de nullité contractuelle, le respect du prix minimal fixé par l'éditeur, quel que soit le lieu d'implantation du détaillant. Je n'y reviens pas ; cela a été expliqué ; ce résumé en fournit la teneur essentielle.
Avis défavorable.
Pourquoi y aurait-il dans cette affaire deux poids, deux mesures ?
Quand il le veut, le gouvernement français, quelle que soit la majorité au pouvoir, est capable de mener à Bruxelles, au nom de la diversité culturelle, des combats légitimes. Pourquoi ne mènerions-nous donc pas ce combat sur le livre, dans la mesure où la Commission européenne s'est pour l'instant bornée à émettre des réserves, et alors que la France a montré une très forte détermination lorsque, récemment, la Commission a demandé à l'actuel gouvernement d'abolir la « taxe télécoms », qui fournit une part non négligeable du financement de France Télévisions après la réforme de 2009 ?
J'entends encore Mme Lagarde déclarer, d'un ton presque martial…
… ou, du moins, catégorique : « La France n'abolira pas la taxe télécoms et nous irons, au besoin, devant la Cour européenne. » C'est effectivement là que nous en sommes, et cela ne se terminera probablement pas à l'avantage de la France fin 2012, sans parler de la véritable bombe à retardement budgétaire que cela représente, puisque l'ardoise sera de 1,2 milliards d'euros pour le gouvernement français au pouvoir en 2012, quel qu'il soit.
Pourquoi le Gouvernement, qui a voulu mener cette bataille sur la taxe télécoms, n'en ferait-il pas de même sur le sujet qui nous occupe ? Interpeller la Commission européenne à partir de notre ordre interne ; avoir l'ambition que celui-ci soit, demain, l'ordre juridique européen ; modifier à cette fin les directives services et e-commerce : voilà qui pourrait, je pense, nous réunir.
Tel est le sens de l'amendement qu'a défendu notre collègue Marcel Rogemont, et qui tend, vous l'avez compris, à revenir à la rédaction du Sénat. Car à nos yeux – j'en suis désolé, cher rapporteur –, le second alinéa de l'article 3, que vous avez fait adopter par la commission, ne suffira pas à atteindre l'objectif poursuivi. Sans doute avons-nous des stratégies différentes ; encore faudrait-il que les stratégies qui nous sont proposées expriment toutes la même volonté politique.
Il faut faire attention au message d'inutilité qu'entendent nos concitoyens lorsque nous leur expliquons que nous ne pouvons pas faire grand'chose, puisque c'est Bruxelles qui décide : le divorce entre les Français et la politique vient aussi de ce discours d'impuissance, parfois tenu jusque dans cet hémicycle. J'en suis vraiment désolée.
Monsieur le ministre, au Sénat, vous expliquiez que « les distributeurs établis en France doivent pouvoir jouer à armes égales avec ceux qui sont établis hors de nos frontières. » Et, à juste titre, vous ajoutiez : « il serait en effet paradoxal que certaines plateformes de distribution de livres numériques échappent à une régulation de cette nature lorsqu'elles s'adressent à des lecteurs français. »
Je comprends votre position, et je sais qu'elle ne changera pas aujourd'hui. Mais le nouvel alinéa, tel qu'il nous est proposé, ne règle pas le problème sur le fond. Il faut, je crois, pouvoir porter nos demandes jusqu'à Bruxelles ; le Président de la République peut intervenir sur cette question à vos côtés, monsieur le ministre.
Madame Amiable, avec cette loi, nous ne baissons pas du tout les bras, au contraire ! Si nous l'adoptons, elle sera immédiatement applicable : les éditeurs fixeront alors le prix du livre numérique, que les fichiers soient téléchargés à partir de plateformes situées en France ou à l'étranger.
Si nous avons pris l'initiative de cette loi, c'est bien pour précéder le mouvement, comme M. Bloche l'a reconnu dans son propos.
Il n'y a donc de notre part, j'y insiste, aucun défaitisme vis-à-vis de Bruxelles ou de je ne sais quelle instance.
Monsieur Bloche, notre refus de voter une clause d'extraterritorialité – que chacun sait inapplicable – ne vaut en rien renoncement à mener le combat à Bruxelles.
Bien sûr !
Si la clause est votée, de toute façon, elle ne s'adresserait pas à la Commission européenne mais à la Cour de justice de l'Union européenne, et n'aurait d'effet que quand le texte serait déféré – avec les années d'incertitude juridique que cela signifierait, qui ne seraient pas du meilleur aloi pour protéger les intérêts que nous voulons protéger dans un marché qui commence.
Il faut, bien sûr, mener le combat européen ! Le ministre le mène. Jacques Toubon, dans le cadre de sa mission itinérante, le mène aussi. Nous le mènerons quand nous présenterons, avec notre collègue du groupe socialiste Michel Lefait, notre résolution sur la dimension européenne des problèmes de numérisation de l'écrit. Nous le menons quand nous rencontrons, comme nous l'avons fait récemment au Sénat, des parlementaires nationaux et des parlementaires européens français, pour travailler sur ces questions.
Ma préférence va, plutôt qu'à une disposition sympathique mais inapplicable, à une disposition moins lyrique mais plus applicable. Mais n'en tirez surtout pas la conclusion que nous renonçons au combat européen !
Il faut mener ce combat européen ; il faut d'ailleurs, je le rappelais, mener un combat mondial, devant l'UNESCO et les Nations unies.
(Les amendements identiques nos 5 et 11 ne sont pas adoptés.)
(L'article 3 est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 12 .
La parole est à Mme Monique Boulestin.
Nous proposons une nouvelle rédaction de l'article 5 bis, afin de préciser et surtout d'expliciter les moyens de garantir aux auteurs d'oeuvres de l'esprit, lors de la commercialisation de leurs oeuvres sur supports numériques, cette rémunération juste et équitable que nous appelons tous de nos voeux.
Les trois alinéas de cet amendement reprennent les trois points sur lesquels nous pourrions peut-être enfin aboutir à un consensus. Les voici.
« Lorsqu'une oeuvre est commercialisée ou diffusée sous une forme numérique, son exploitation doit générer au profit de l'auteur de celle-ci une rémunération proportionnelle d'un montant par exemplaire au moins égal à celui perçu pour la forme imprimée de l'édition première.
« À défaut de pouvoir garantir à l'auteur que le produit du pourcentage prévu au contrat générera une rémunération au moins équivalente, l'éditeur doit s'engager à verser à l'auteur un minimum garanti par exemplaire commercialisé ou diffusé sous une forme numérique.
« Des minima, par secteurs de l'édition, sont fixés par une négociation professionnelle collective entre représentants des éditeurs et des auteurs, organisée par le ministère de la culture. »
Je l'ai indiqué en commission : il faudra rapidement réfléchir à l'avenir du système français des droits d'auteurs à l'ère numérique. Les auteurs doivent évidemment pouvoir bénéficier des retombées économiques de la croissance du secteur du livre numérique.
C'est la raison pour laquelle j'ai proposé une nouvelle rédaction de l'article 5 bis, qui a été adoptée en commission : elle prévoit explicitement que l'exploitation numérique des oeuvres s'accompagne d'une rémunération juste et équitable de leurs auteurs ; le contrat d'édition signé entre l'auteur et l'éditeur doit le garantir explicitement. Par ailleurs, l'éditeur doit rendre compte des modalités de calcul de cette rémunération de façon explicite et transparente.
Rappelons que cette rémunération doit viser toutes les formes d'exploitation de l'oeuvre – achat au titre ou par parties, abonnement, recettes publicitaires – et que son caractère juste et équitable doit être apprécié en proportion des résultats de cette exploitation – nombre de ventes ou de téléchargements.
Il s'agit ici, pour le législateur que nous sommes, de fixer un cadre général à même de permettre la reprise des négociations entre auteurs et éditeurs sur la question des droits numériques, menées par le Conseil permanent des écrivains et le Syndicat national de l'édition et malheureusement interrompues.
Il ne me semble pas opportun d'aller plus loin en la matière car ces sujets relèvent, dans le détail, de dispositions de nature contractuelle et non législative.
Je rappellerai d'ailleurs que dans le cadre des négociations entre auteurs et éditeurs, un projet d'accord avait été évoqué, qui prévoyait la généralisation de cette rémunération proportionnelle que vous appelez de vos voeux dans cet amendement. Les discussions n'ont pas encore abouti sur ce point ; elles devraient reprendre, et il faut leur laisser une chance.
Pour toutes ces raisons, nous ne sommes pas favorables à cet amendement.
J'ai largement évoqué cette question dans mon allocution. Les arguments développés par M. le rapporteur vont tout à fait dans le sens de mes préoccupations. Cet amendement n'est pas, je crois, nécessaire à l'heure actuelle.
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
(L'amendement n° 12 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 6 .
La parole est à Mme Marie-Hélène Amiable.
Défendu. Il va dans le même sens que le précédent.
(L'amendement n° 6 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 13 .
La parole est à M. Patrick Bloche.
L'amendement n° 13 vise, comme les deux suivants, à modifier le code de la propriété intellectuelle.
Vous évoquiez, monsieur le rapporteur, le slogan « Ici et maintenant » cher au président Mitterrand. Eh bien, ici et maintenant, nous vous proposons de modifier le code de la propriété intellectuelle.
Ce n'est pas par caprice, ni parce qu'une urgence absolue serait soudainement apparue. C'est tout simplement parce que cette modification a été préconisée par M. Patino dans le rapport qu'il a remis, il y a de cela plus de deux ans, à Mme Christine Albanel, alors ministre de la culture et de la communication.
Des négociations se sont déroulées depuis entre le Conseil permanent des écrivains et le Syndicat national de l'édition ; elles ont échoué à la veille du salon du livre.
Nous pourrions, par cette modification, accrocher les quelques avancées qui ont pu naître de ces négociations, ou bien anticiper, voire simplement créer un cadre qui permettrait effectivement la réussite de ces négociations.
Quoi qu'il arrive, ces négociations doivent aboutir et elles aboutiront : accompagnons-les, facilitons-les.
Cet amendement évoque l'existence d'un contrat écrit séparé lorsqu'en plus d'une édition papier, on ajoute une autre édition, cette fois sous format numérique. Voilà la modification du code de la propriété intellectuelle que nous vous proposons d'adopter ici et maintenant.
La commission a rejeté cet amendement, ainsi d'ailleurs que les deux suivants.
La rédaction globale de l'article 5 bis que nous avons proposée vise à dessiner un cadre général, afin de permettre la reprise des négociations entre auteurs et éditeurs sur l'ensemble des questions ayant trait au droit des auteurs à l'ère numérique.
Par ailleurs, traiter l'ensemble de ces questions par le biais d'amendements, sans un travail préalable d'analyse et de concertation, me semble hasardeux.
S'agissant plus spécifiquement du dispositif contractuel, comme l'indique le communiqué de presse diffusé à la mi-mars, les deux parties s'accordent pour que les dispositions contractuelles relatives à l'exploitation numérique des oeuvres figurent clairement et distinctement dans le contrat d'édition. Toutefois, alors que les éditeurs plaident pour un seul et même contrat, les auteurs préféreraient que soient signés deux contrats distincts.
Des négociations doivent donc se poursuivre.
En outre, vous préconisez un contrat séparé pour encadrer les cessions portant sur les droits d'exploitation d'un livre numérique. Mais pourquoi recourir à un contrat séparé si l'on considère que le livre demeure la même oeuvre, qu'il se présente sous forme imprimée ou sous forme numérique ? Les contrats séparés se justifient pour des adaptations de l'oeuvre, mais non pour des manifestations différentes de la même oeuvre. En effet, dans le cas contraire, il faudrait prévoir des contrats séparés pour les éditions au format de poche, ce qui n'est pas le cas actuellement.
La référence à « ici et maintenant » me touche évidemment. Après le délit de régicide, vous m'incitez au délit de tontonticide ! (Rires.)
Je vais malheureusement devoir accomplir ce forfait, certes à regret. (Sourires.) En effet, la question abordée est, je crois, beaucoup trop ample, vaste, complexe, pour être réglée dans le cadre de notre travail d'aujourd'hui.
J'engage, je vous le rappelle, toutes les parties à reprendre les discussions récemment interrompues. Pour l'instant, je crois plus sage d'émettre un avis défavorable à l'adoption de cet amendement.
(L'amendement n° 13 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 14 .
La parole est à Mme Monique Boulestin.
Je compléterai brièvement les propos de M. Bloche en précisant que l'amendement n° 14 propose de compléter cet article par l'alinéa suivant : « Lorsque la première édition envisagée dans des conditions professionnelles l'est pour une forme numérique, elle doit faire l'objet d'un contrat écrit, adapté à l'exploitation numérique envisagée, séparé de celui proposé aux auteurs pour l'édition en librairie. »
Nous considérons en effet que, dans la révolution numérique, le législateur doit assurer aux auteurs d'oeuvres écrites que leurs droits ne seront ni pillés, ni bradés, y compris par ceux à qui ils cèdent l'exploitation de leurs oeuvres.
C'est l'intérêt de la collectivité de s'assurer que les auteurs professionnels pourront continuer à alimenter le patrimoine culturel de demain, nécessaire à notre société, tout en vivant de leur métier.
(L'amendement n° 14 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 15 .
La parole est à M. Patrick Bloche.
Il est défendu.
(L'amendement n° 15 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
(L'article 5 bis est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 3 .
La parole est à M. Patrick Lebreton.
Avis défavorable, pour les mêmes raisons que tout à l'heure. Le texte de la loi satisfait la demande de l'amendement.
Avis défavorable également, pour les raisons même qu'a largement développées le rapporteur.
(L'amendement n° 3 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 2 .
La parole est à M. Patrick Lebreton.
La demande de rapport est fondée sur le constat que, dans les collectivités d'outre-mer, perdure une sévère fracture numérique.
Chez nous, elle est prégnante et constante. Il nous semble indispensable que le Gouvernement puisse poser un diagnostic incontestable et envisager des solutions durables pour réduire cette fracture qui touche près de 2 millions de Français ultramarins.
La commission a rejeté cet amendement, car cette légitime demande est déjà satisfaite par la législation existante.
Je rappelle à notre collègue Lebreton, mais il le sait puisqu'il a suivi cette loi avec beaucoup d'intérêt, que l'article 25 de la loi du 17 décembre 2009 relative à la lutte contre la fracture numérique, qui s'applique à l'ensemble des collectivités d'outre-mer, prévoit déjà que : « Dans les six mois suivant la publication de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur le fossé numérique afin d'apporter des précisions quant aux différentes catégories de la population n'ayant ni équipement informatique, ni accès à internet dans leur foyer. Ce document étudie également le rapport qu'entretiennent les « natifs du numérique » avec internet dans le but d'améliorer les connaissances quant aux conséquences, sur le travail scolaire notamment, de l'usage d'internet. Il dégage aussi les pistes de réflexion pour les actions de formation à destination de ces publics et veille également à identifier les acteurs associatifs oeuvrant pour la réduction du fossé numérique. Enfin, il établit les conditions de mise en service d'abonnements internet à tarif social. »
Je ne sais pas si le Gouvernement a rendu ce rapport. Dans la négative, ce n'est pas bien et il faut qu'il le fasse. En tout état de cause, votre légitime demande est déjà satisfaite par la législation existante.
Le rapporteur m'appelant au rapport, mon caractère m'inclinerait à me rebeller, mais les arguments qu'il a mis en avant sont assez éloquents. Toutefois, je rappelle que le plan France numérique, inscrit dans l'année des outre-mer, va s'appliquer. Pour toutes ces raisons, l'avis du Gouvernement est défavorable.
(L'amendement n° 2 n'est pas adopté.)
(L'article 7 est adopté.)
Nous terminons une étape importante de l'examen du texte. Chacun a contribué au sérieux du débat, se montrant attentif et documenté. Tant dans cet hémicycle qu'en commission, l'Assemblée nationale a traité le sujet avec grand sérieux, et j'en remercie le rapporteur et la présidente de la commission ainsi que tous mes collègues, de la majorité comme de l'opposition. Je remercie même le ministre !
Entre la première lecture et la seconde, la question des auteurs a été traitée de façon tout à fait correcte. Si nous aurions souhaité que la notion de rémunération minimale puisse être inscrite à l'article 5 bis, nous convenons que l'introduction dans la loi d'une « rémunération juste et équitable » va tout à fait dans le sens de ce que nous demandions en première lecture.
Nous avons également écouté avec grande attention les explications données par le rapporteur sur l'alinéa 2 de l'article 3, qui nous paraît effectivement résoudre quelques problèmes.
Néanmoins, pour nous, la question des plates-formes reste entière. À ce point du débat, nous ne pouvons pas taire la distorsion de concurrence qui existe entre les plates-formes qui vendent leurs produits en France depuis l'étranger et celles qui sont installées en France. Nous formons l'espoir qu'à l'occasion de la commission mixte paritaire, un débat direct s'instaurera entre l'Assemblée nationale et le Sénat duquel sortira une solution plus proche de nos attentes.
Nous adopterons une position d'abstention…
…pour marquer notre attente, en espérant que nos espoirs ne soient pas déçus lorsqu'il nous faudra voter définitivement le texte issu de la commission mixte paritaire.
Nous nous abstiendrons également sur cette proposition de loi qui, selon nous, n'a pas acquis la valeur protectrice à laquelle elle prétendait.
Trois points sont à l'origine de notre désaccord. L'extraterritorialité, d'abord, à nouveau supprimée par la majorité dans un mouvement, qui me semble incompréhensible, de prétendue soumission au droit communautaire, alors que nous avons prouvé que ledit droit laisse un champ de négociation au Gouvernement pour défendre, par exemple, les intérêts des entreprises et des auteurs français.
Puisqu'en matière d'échanges immatériels, les frontières physiques ne sont pas pertinentes, il faut, ensuite, inventer des protections nouvelles. La disposition introduite par le rapporteur n'en constitue pas une. En se retranchant derrière l'actuel contrat de mandat, la majorité ne s'en remet qu'aux lois du marché.
Enfin, les droits d'auteur sont probablement aussi insuffisamment garantis, tant du point de vue d'une rémunération juste, qui prenne en compte les économies engendrées par l'édition numérique, que du point de vue des licences libres.
Telles sont les raisons pour lesquelles les députés communistes, républicains et du parti de gauche s'abstiendront sur ce texte.
Vous n'en serez pas étonné, monsieur le président, le groupe UMP votera, non par posture politique mais par réalisme,…
…cette proposition de loi.
Je note avec quelque amusement que la position de nos collègues socialistes est à géométrie variable selon les débats.
J'ai entendu certains d'entre eux, qui ne sont pas forcément présents ici, défendre l'idée qu'il y avait avec l'Europe un risque auquel il ne fallait pas s'exposer en votant une loi que celle-ci pourrait sanctionner. Et voilà qu'aujourd'hui nous découvrons qu'on peut tout à fait se passer de l'Europe !
Quant à Mme Amiable, elle a dû faire une confusion entre plusieurs notions, dont certaines ne sont pas directement liées à la vocation de ce texte. Mais chacun a droit, ici, à sa libre expression.
Le texte est empreint de réalisme. Les uns et les autres, nous ne sommes pas très éloignés dans la volonté d'aller vers le prix unique du livre numérique. Quant à l'idée de notre rapporteur, qui détourne en quelque sorte la difficulté sur la notion d'extraterritorialité, elle mériterait d'être mieux reconnue de la part de nos collègues.
Le groupe UMP votera donc avec enthousiasme et très positivement le texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
(L'ensemble de la proposition de loi est adopté.)
Je remercie M. le rapporteur et M. le vice-président de la commission des affaires culturelles, qui ont travaillé attentivement à l'élaboration de ce texte. Je remercie également l'ensemble des députés pour la qualité avec laquelle ils ont animé ce débat si important pour la défense de l'édition, de la création littéraire et des lecteurs.
Le texte est très équilibré et assure de fait l'extraterritorialité. En partant de positions somme toute très différentes – et vous savez vers quoi tendaient mes souhaits en tant que ministre de la culture et de la communication –, nous sommes arrivés à préserver l'essentiel du principe de l'extraterritorialité de la loi, grâce à une rédaction très habile, qui peut même paraître quelque peu contournée, mais qui est en vérité très efficace. C'est la raison pour laquelle je regrette que la proposition de loi ne soit pas adoptée avec un concours plus large. Je regrette l'abstention d'élus dont je sais combien ils sont attentifs et compétents dans la réflexion sur l'édition, la protection de la création littéraire et des lecteurs.
Je ne doute pas en effet que, dans ce domaine comme dans beaucoup d'autres qui concernent le ministère de la culture et de la communication, il y aura des débats parfois vifs à Bruxelles. Un vote plus unanime, plus massif de la part du parlement national serait de nature à conforter la position du Gouvernement et du ministre face aux autorités européennes. J'espère que le texte issu de la commission mixte paritaire, siège de l'ultime débat, recueillera un assentiment plus large qu'aujourd'hui, de manière que je puisse disposer des arguments, de la force de frappe en quelque sorte, qui protègera nos intérêts à tous. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Prochaine séance, mardi 12 avril à quinze heures :
Questions au Gouvernement ;
Explications de vote des groupes et vote par scrutin public sur le projet de loi relatif à la garde à vue ;
Projet de loi relatif au contrôle des importations et exportations de matériels de guerre ;
Proposition de loi modifiant la loi portant réforme de l'hôpital.
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-sept heures quinze.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma