Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Hervé Gaymard

Réunion du 7 avril 2011 à 15h00
Prix du livre numérique — Discussion en deuxième lecture d'une proposition de loi

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHervé Gaymard, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l'éducation :

Mais je crains qu'elle ne soit inopérante, car inapplicable. En effet, si l'on constate demain qu'une plateforme de téléchargement située hors de nos frontières brade des fichiers numériques détenus par des éditeurs français, que va-t-on faire ? Un premier avertissement avant l'escalade ? Puis la riposte graduée ? Une cyber-attaque ? Une frappe préventive ? Poser la question, c'est y répondre. Une telle disposition, et je le regrette infiniment, croyez-le bien, est tout simplement inapplicable. Or un parlementaire se doit, me semble-t-il, d'adopter des lois applicables. C'est pourquoi je propose de revenir à la rédaction initiale, par le biais d'un amendement qui permet de régler la question.

Il est un moyen, qui ne mérite ni excès d'honneur ni excès d'indignité, qui permet à l'éditeur, dans le monde entier, de faire respecter par ses distributeurs le prix de vente du fichier numérique : c'est le contrat de mandat. Il est utilisé avec succès par de nombreux éditeurs américains. Il a permis, outre-Atlantique, de modifier la physionomie du marché du livre numérique. On le dit juridiquement fragile, encore que les opinions varient sur ce sujet. Rappelons simplement que, dans son avis rendu sur le livre numérique le 18 décembre 2009, l'Autorité de la concurrence validait, sous des conditions bien précises, ce dispositif contractuel au regard des règles concurrentielles, tant nationales qu'européennes. Ce contrat de mandat est en tout cas, au moment où nous légiférons, le seul moyen de traiter la question majeure de 1'extraterritorialité.

À ce stade, j'entends beaucoup de voix s'élever : « Foin des considérations juridiques, faisons de la politique, et montrons à Bruxelles que notre résolution est intacte en adoptant la clause d'extraterritorialité ! ».

À ceux dont je comprends et partage le combat, car nos objectifs sont les mêmes, je voudrais faire plusieurs remarques.

D'abord, je voudrais leur dire que la question de l'extraterritorialité ne concerne pas seulement l'ordre juridique européen, car la dématérialisation ignore évidemment toutes les frontières. Il faut donc raisonner globalement. Et la seule question à laquelle il nous faut répondre est la suivante : comment, dans le monde entier, un éditeur peut-il garder la maîtrise du prix de son fichier numérique face aux distributeurs ? C'est une question de droit, bien sûr. C'est aussi une question de rapports de force. Je m'étonne d'ailleurs, s'agissant du droit de la concurrence, que l'on s'intéresse beaucoup plus aux éditeurs qu'aux distributeurs numériques, domaine dans lequel la concentration et donc les abus de position dominante me semblent bien plus évidents.

Je voudrais ensuite leur dire qu'il y a un beau combat à mener auprès des institutions européennes, c'est-à-dire la Commission qui propose, ainsi que le Conseil et le Parlement, qui désormais décident ensemble. Il est vrai que, sur ce sujet comme sur d'autres, la Commission est animée par l'idéologie de la concurrence totale, qui est une interprétation un peu courte, et très dangereuse, du monde dans lequel nous vivons. Pour elle, la culture, la création, ne sont pas à prendre en considération. Je le dis aux fonctionnaires de la Commission, qui nous écoutent ou qui nous liront : « Nous n'avons rien contre vous, mais nous ne sommes tout simplement pas d'accord avec vous. Nous pensons que l'idée d'Europe est bien supérieure au slogan “la concurrence ou la mort” qui vous anime. Nous pensons que vous dénaturez et que vous faites rejeter cet idéal européen par les peuples, alors qu'il devrait pourtant les faire vibrer ».

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion