En effet, lors de la deuxième lecture au Sénat, la clause d'extraterritorialité a été réintroduite à l'article 3 alors qu'elle avait été supprimée ici pour des raisons liées essentiellement à une incompatibilité certaine avec le droit communautaire.
Aujourd'hui, la question essentielle est donc de savoir si l'Assemblée nationale souhaite revenir sur un champ d'application territoriale. Une même offre sera donc vendue au même prix quel que soit le canal de vente utilisé, mais uniquement si le détaillant est établi en France. En faisant cela, nous nous inscrivons dans la même logique que celle qui prévalait pour la loi Lang. En effet, l'application extraterritoriale de la loi Lang a bien été sanctionnée par le juge européen en 1985, dans l'arrêt Leclerc.
Par ailleurs, si les Allemands et les Espagnols ont bien une loi sur le prix du livre qui s'applique au numérique, ces deux lois ne contiennent aucune clause extraterritoriale. Je dois le dire, nous aussi sommes sensibles, comme l'ont été les sénateurs, aux arguments qui les ont conduits, au nom de la diversité culturelle prévue par le droit communautaire, à étendre les dispositions de la proposition de loi aux opérateurs établis hors de France. Mais il est certain aussi que cette application extraterritoriale du prix unique nous expose à un avis négatif de la Commission européenne, et par conséquent, à une procédure devant la Cour de justice.
Pouvons-nous et devons-nous voter une disposition alors que nous savons, au moment même où nous la votons, qu'elle ne sera pas applicable dans la durée ? Notre rapporteur, tout en revenant sur l'extraterritorialité, a donc proposé de compléter l'article 3 par un nouvel alinéa visant les contrats qui seront passés entre éditeurs et distributeurs étrangers afin que ceux-ci ne puissent prévoir un prix inférieur à celui fixé dans le cadre de la loi. En quelque sorte, c'est l'inversion de la preuve.
Une telle disposition permet de maîtriser le prix de vente et d'éviter la politique de prix bas qui pourrait être pratiquée par les distributeurs positionnés en dehors de nos frontières. Le contrat ayant force de loi entre les parties, en cas de non-respect des termes du contrat, les dispositions du code civil s'appliqueraient et le contrat serait déclaré nul. Cette disposition a le mérite d'être rapidement opérationnelle et de répondre à l'inquiétude exprimée par certains de nos collègues et certains distributeurs et libraires français.
En conclusion, je dirai un mot de la mission de notre ancien collègue Jacques Toubon qui a la lourde tâche de convaincre les commissaires européens sur l'application d'un taux de TVA réduit sur le livre numérique. Cela demeure une condition essentielle au plein essor du marché du livre numérique qui sera ainsi vendu à un prix inférieur d'environ 40 % à celui du livre papier. Là se situent l'attente des consommateurs et le succès potentiel du livre numérique. Ce succès, nous commençons à le construire avec ce texte.
Monsieur le ministre, rarement la belle affirmation selon laquelle écrire, c'est laisser errer sa plume dans l'espace, aura pu être illustrée. Nous découvrons un nouvel espace qui est le cyberespace, et y laisser traîner sa plume, c'est une belle image. Vous aurez compris que le groupe UMP votera avec enthousiasme cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)