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Intervention de Frédéric Mitterrand

Réunion du 7 avril 2011 à 15h00
Prix du livre numérique — Discussion en deuxième lecture d'une proposition de loi

Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication :

Je relève à cet égard que l'approche retenue par votre commission au deuxième alinéa de l'article 3 correspond à cet objectif puisqu'elle conduit à imposer, sous peine nullité contractuelle, le respect du prix minimum fixé par l'éditeur, quel que soit le lieu d'implantation du détaillant.

Je relève également que l'application de la loi française au commerce électronique transfrontalier effectué auprès – et c'est là le point important – d'acheteurs situé en France ne présente en elle-même rien d'exceptionnel. Parmi d'autres exemples, la récente loi du 12 mai 2010 relative à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne procède d'une même logique en définissant une réglementation applicable à tout opérateur dès lors qu'il entend s'adresser à des joueurs français. Il est donc en partie inapproprié de parler alors « d'extraterritorialité » s'agissant de ventes effectuées auprès d'acheteurs français.

Il est vrai cependant que ce sujet est suivi avec une grande attention par la Commission européenne qui a rendu deux avis très réservés sur la proposition de loi française. Nous devons donc avoir conscience des interrogations sérieuses que l'approche développée ici soulève du côté de la Commission européenne.

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement entend poursuivre le dialogue entamé depuis plusieurs mois déjà avec les institutions européennes. Attentif aux remarques et aux interrogations légitimes de la Commission européenne, le Gouvernement fera valoir en particulier, par une analyse juridique et micro économique rigoureuse, que la loi sur le prix unique du livre numérique répond à un enjeu crucial de diversité culturelle. La préservation de la diversité culturelle, consacrée non seulement par la convention de l'UNESCO, mais aussi par les traités et la jurisprudence européenne, est un principe cardinal auquel il nous faut donner toute sa portée à l'heure numérique.

J'ai eu l'occasion de la souligner au conseil « Culture » informel où je me suis rendu il y a dix jours en Hongrie ; je m'en entretiendrai également lundi prochain avec le commissaire à la concurrence, Joaquín Almunia.

Au marché dérégulé qui, au nom d'une vision abstraite de l'intérêt du consommateur, fait le jeu de certains acteurs à prétentions hégémoniques, pour lesquels le livre n'est qu'un produit d'appel, l'Europe doit préférer le développement équilibré de l'écosystème des industries créatives, et le soutien à la compétitivité des acteurs industriels européens, ce qui passe aussi – je m'y emploie fortement – par une TVA à taux réduit pour le livre numérique.

Sans me prononcer sur le fond de la procédure d'enquête récemment engagée par la Commission, je ne manquerai pas, dans le cadre de ce dialogue, de souligner mon étonnement face à la disproportion de certains moyens employés, alors que le marché du livre numérique est tout juste naissant. Est-il donc nécessaire de jeter à terre les rayonnages et les livres de certains de nos plus grands éditeurs sous prétexte d'enquête ? Qui peut justifier cette manifestation d'hostilité sans précédent à l'égard d'acteurs majeurs du monde culturel ?

Je n'accepte pas l'idée que les grands supermarchés numériques, étrangers à toute préoccupation de diversité éditoriale et de rémunération de la création, soient le seul visage que l'on nous offre du marché intérieur culturel.

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