Mesdames, messieurs les députés, la proposition de loi examinée aujourd'hui ne créera pas les conditions d'une économie de rente pour certains acteurs, mais celles du développement d'une offre légale abondante, attractive pour le lecteur, tout en préservant une assiette stable de rémunération pour les ayants droit, en particulier les auteurs, qui doivent pleinement bénéficier de cette « nouvelle frontière » du monde de l'édition.
Je regrette donc que les discussions entreprises depuis plusieurs mois entre auteurs et éditeurs aient été interrompues au seuil du Salon du livre, alors que d'importantes avancées paraissaient à portée de main. Il n'est pas interdit de se demander, à cet égard, si la loi ne devrait pas sanctionner très vite les résultats les plus solides de ces discussions. Je pense aux avancées les plus susceptibles d'enrichir notre code de la propriété intellectuelle, lequel, s'il mérite d'être adapté au monde numérique, ne peut l'être qu'après une instruction rigoureuse par les pouvoirs publics. Dans tous les cas, j'invite les parties à reprendre leurs négociations le plus rapidement possible. Je relève aussi l'attention que votre commission porte, à travers l'article 5 bis, à la juste et équitable rémunération des auteurs, afin que celle-ci soit garantie dans le cadre du contrat d'édition.
« Quand on légifère dans la littérature, il faut avoir au moins la courtoisie et la prudence de dire aux oeuvres : “après vous” », nous avertit Julien Gracq.
Mesdames, messieurs les députés, la proposition de loi trouve sa place – une place éminente – dans la stratégie que je conduis, une stratégie qui place précisément les oeuvres de l'esprit, et leur numérisation, au centre de mes priorités.
Vous savez que la France est le seul pays d'Europe à avoir mis en place un système de financement ambitieux de numérisation des livres, d'un montant de 10 millions d'euros par an, qui a permis de numériser, d'une part, les fonds patrimoniaux de la Bibliothèque nationale de France – plus de 1,2 million de documents sont à ce jour disponibles dans Gallica –, et d'autre part, les catalogues papier « vivants » des éditeurs, soit, à ce jour, un total de 600 000 titres.
J'ai également eu le plaisir de signer, il y a quelques semaines, avec René Ricol, commissaire général à l'investissement, ainsi qu'avec les professionnels concernés, un accord cadre de portée historique qui permettra la numérisation de 500 000 livres du XXe siècle indisponibles dans les librairies, compte tenu notamment de la difficulté de réactualiser les contrats de manière simple pour les éditeurs. Alors que la justice américaine vient de rejeter le projet d'accord entre Google et les auteurs et éditeurs de ce pays concernant l'exploitation de plusieurs millions d'oeuvres protégées,…