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Intervention de Frédéric Mitterrand

Réunion du 7 avril 2011 à 15h00
Prix du livre numérique — Discussion en deuxième lecture d'une proposition de loi

Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication :

Alors que nous célébrons cette année les trente ans de la loi Lang du 10 août 1981, il n'est pas nécessaire de rappeler combien cette régulation a contribué à préserver la diversité culturelle et la créativité éditoriale, tout en accompagnant la croissance quasi continue du marché du livre français depuis trente ans. Le rapport remis en 2009 par Hervé Gaymard l'a illustré avec une remarquable précision.

Nous savons le rôle joué par cette loi pour permettre à tous les réseaux de vente au détail de coexister, en premier lieu les 3 500 librairies indépendantes. Nous savons aussi que le prix fixe du livre – je crois utile de le rappeler dans le contexte actuel – est favorable au public.

Disposer d'une offre riche et variée, et non d'un choix standardisé, réduit à quelques best sellers, voilà l'intérêt du lecteur. Et ce d'autant que la loi Lang, loi fondatrice pour la régulation des industries culturelles, qui a inspiré près de la moitié des pays de l'Union européenne, n'a pas eu d'effets inflationnistes et qu'elle s'est révélée compatible avec une large gamme de tarifs – ainsi le prix d'un livre de poche est-il en moyenne de 6 euros.

Je suis convaincu que, moyennant les adaptations indispensables, une régulation directement inspirée des principes de la loi Lang doit être appliquée au livre numérique homothétique.

Un récent déplacement aux États-Unis m'a confirmé les effets dévastateurs d'une concurrence sauvage sur le marché du livre numérique. La guerre des prix exacerbée que se sont livrés les principaux réseaux de ventes de livre numérique aux États-Unis en 2009-2010 a conduit certains opérateurs à pratiquer de considérables rabais, voire des ventes à pertes sur les meilleures ventes, au détriment des équilibres de l'ensemble de la chaîne du livre.

Toutefois, l'effort de régulation, de structuration du marché entrepris récemment aux États-Unis mérite aussi d'être souligné. Vous le savez, depuis 2010, les plus grands éditeurs américains ont obtenu le passage au système du contrat d'agence où l'éditeur contrôle son prix, avec l'appui notable de Google et d'Apple.

Il est clair, dans ce contexte, que l'objectif consistant à préserver la diversité éditoriale en prenant appui sur un riche réseau de détaillants reste pleinement d'actualité à l'heure numérique. S'il est normal que l'arrivée du numérique s'accompagne de transferts de valeurs à l'avantage d'acteurs nouveaux, nous devons veiller à ce que cette transformation n'aboutisse pas à une baisse globale de la valeur produite comme ce fut le cas pour la musique. Il convient d'éviter que des acteurs en position de force n'imposent des conditions défavorables à toute la chaîne du livre.

Il convient aussi de défendre, à l'heure numérique, le rôle essentiel de médiateur culturel joué par les libraires, pour qui le livre ne se réduit pas à un produit d'appel.

Dans ces conditions, une régulation est plus que jamais nécessaire. Il nous faut naturellement l'adapter à la réalité de ce nouveau marché, notamment en la ciblant sur le livre homothétique, lequel devrait représenter l'essentiel du marché du livre numérique dans les quatre ou cinq prochaines années. Mais son intervention à un stade précoce est la meilleure garantie que le développement du marché s'effectue dans des conditions harmonieuses, sans captation de la valeur par des acteurs dominants.

J'ajoute qu'il est tout à fait normal, et même tout à fait souhaitable, que les éditeurs soient en mesure de contrôler la valeur du livre, quel que soit le lieu d'implantation du diffuseur. Afin d'assurer la cohérence du dispositif proposé en évitant les risques de contournement, ce principe doit s'appliquer à l'ensemble des ventes de livres numériques effectuées en France.

Je rejoins donc entièrement l'objectif, partagé par l'ensemble de la filière, que les distributeurs établis en France puissent jouer à armes égales avec ceux établis hors de nos frontières. Il serait en effet paradoxal que certaines plateformes de distribution de livres numériques échappent à une régulation de cette nature lorsqu'elles s'adressent à des lecteurs français.

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