…c'est-à-dire en métropole et dans les départements d'outre-mer ; les territoires d'outre-mer et les collectivités territoriales relèvent d'un autre régime juridique.
Je veux bien que nous menions la bataille de l'extraterritorialité ; mais cette bataille, à supposer que nous la gagnions, ne pourra jamais déboucher sur l'application de la loi française à l'étranger. Je suis désolé de rappeler cette évidence, mais il faut bien le faire puisqu'on la perd parfois de vue.
Troisièmement, comment atteindre nos objectifs ? Partons du propriétaire du fichier numérique : il s'agit soit de l'auteur, s'il s'auto-édite, soit de l'éditeur si l'auteur a fait appel à lui. Tout vient donc de l'éditeur ; il est le fait générateur. Or, si cette proposition de loi est votée, pour les livres vendus sur une plateforme de téléchargement installée sur le territoire national, l'éditeur vendra le fichier numérique au prix qu'il souhaite, puisque c'est à lui de le fixer ; l'affaire est donc réglée par la proposition de loi.
Cela suscite immédiatement l'objection suivante, à laquelle je souscris : comment faire dans le cas des plateformes de téléchargement installées à l'étranger ? Je rappelle que l'étranger, c'est le monde entier, et non pas seulement l'Europe, sur laquelle on a tendance à se focaliser.
Que faire dans ce cas ? Il existe une formule : la relation contractuelle, en l'espèce le contrat de mandat. Je pourrais vous relire toute l'argumentation développée sur ce sujet, l'article 1134 du code civil et ses diverses interprétations ; je sais que des notes juridiques circulent, rédigées par de savants cabinets d'avocats qui tentent de controuver la solution que nous proposons, et je pourrais répondre point par point à chacune de leurs objections, car elles peuvent toutes être démontées.
D'aucuns, qui n'ont pas tort, invoquent la puissance de certaines centrales de distribution numérique – vous avez cité Amazon ; je vous en laisse la paternité, cher Patrick Bloche. Selon eux, Amazon étant en situation d'abus de position dominante, cette solution pourrait s'avérer dangereuse : l'éditeur sera obligé de passer au gabarit, si vous me permettez l'expression, puisque Amazon distribue non seulement du numérique, mais aussi des livres papier, en très grand nombre, bien que nous n'en ayons pas parlé.
On fait donc valoir que les éditeurs, du moins les petits et les moyens, ne seront pas capables de résister, car, dans la transaction commerciale, ils sont plus faibles. Faute de garanties, l'éditeur risque ainsi d'être contraint, pour survivre à court terme, de passer sous les fourches caudines d'Amazon. Il se sentira obligé de vendre le fichier moins cher, ce qui fait immédiatement disparaître le prix du livre initial : si le prix du fichier est de dix euros et que l'éditeur le vend six ou sept euros à Amazon, le prix de dix euros n'existera plus, et l'on s'alignera évidemment toujours sur le moins-disant budgétaire, donc sur le moins-disant culturel.