La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 2009 (nos 1127, 1198.)
Ce sous-amendement très simple consiste à relever au 1er janvier 2010 le taux de la taxe générale sur les activités polluantes – dite TGAP – de 64,86 à 85 euros.
La parole est à M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.
Je suis saisi d'un amendement rédactionnel de la commission, n° 40.
(L'amendement n° 40 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 69 rectifié .
La parole est à M. Michel Bouvard.
Cet amendement tend à introduire un système de compensation à la TGAP consistant à élargir le mécanisme d'acquittement, via des dépenses vertueuses en matière environnementale, afin d'éviter que cette augmentation significative de l'impôt ne devienne pas davantage une ressource budgétaire. Ce système pratiqué dans d'autres pays – la Suède, par exemple – permet, comme pour l'ISF, de consacrer à des pratiques vertueuses un argent autrement voué à l'impôt.
Défavorable. Je rappelle que nous avons adopté ce matin même un autre amendement de M. Bouvard qui proroge jusqu'en 2013 le mécanisme d'amortissement dégressif pour les équipements permettant de réduire les émissions polluantes.
Contre également. La taxe elle-même est nettement moins élevée qu'en Suède : c'est déjà ça.
Compte tenu de l'amendement qui a été adopté ce matin, je retire celui-ci.
(L'amendement n° 69 rectifié est retiré.)
Depuis quelques semaines, l'hypertrophie et les déviances de la sphère financière internationale sont au coeur du débat public. Les transactions sur les marchés des changes représentent des sommes faramineuses, de l'ordre de plusieurs centaines de milliards d'euros chaque jour. Quelle disproportion par rapport au millier d'euros mensuel du smicard ! Or cette spéculation stérile et mondialisée n'est nullement combattue par les pouvoirs publics. Les moyens, pourtant, ne manquent pas. Chacun connaît par exemple M. James Tobin, prix Nobel d'économie.
En effet, il a proposé d'instaurer un mécanisme de taxation des transactions de devises à court terme, permettant de pénaliser les logiques de spéculation improductive. En 2002, le Parlement a adopté cette proposition, désormais inscrite à l'article 235 ter ZD du code général des impôts. Hélas, sa mise en oeuvre était soumise à son intégration dans le droit interne des pays membres de l'Union européenne.
Cette taxe serait pourtant un outil moins contraignant que le contrôle des changes et plus conforme à l'ambition de freiner la mobilité des capitaux en décourageant les allers et retours spéculatifs sans aucune contrepartie en matière de biens et de services.
Aujourd'hui, la France doit donner l'exemple en activant cette taxation. La présidence française doit prendre la responsabilité de convaincre nos partenaires européens, par exemple dans le cadre du G20 qui se réunira le 15 novembre prochain, qu'il faut instaurer cette taxation globale pour ralentir les mouvements spéculatifs et créer de nouvelles recettes publiques.
Il porte lui aussi sur la taxe Tobin, ce vieux débat qu'il convient aujourd'hui de rouvrir à la lueur de la récente crise financière et des difficultés économiques et sociales qu'elle ne manquera pas de faire subir aux Français. Hier, nous avons débattu de l'exonération des prix Nobel de l'impôt sur le revenu. Reconnaissons aujourd'hui que M. Tobin a posé un problème de fond. M. Sandrier a rappelé que nous avions en 2002 adopté le principe de la taxe Tobin, sans parvenir – et je le regrette – à lui fixer un taux.
C'est pourquoi cet amendement vise à réaffirmer le principe d'une taxation des transactions financières pures et à fixer le taux de cette taxe à 0,05 %, afin d'amorcer la pompe. Il est d'autant plus utile de réactiver ce débat que se pose aujourd'hui la question de la réorganisation des marchés financiers, même si l'économie demeure d'essence capitaliste.
Défavorable. Cette taxe a été créée en 2001 et affectée d'un taux zéro. Nous l'avons maintenue, de même que son taux. Nous avons donc dans notre boîte à outils un instrument intéressant que le chef de l'État pourra utiliser lors des prochaines négociations internationales.
À l'époque, les zélateurs de la taxe avaient, au terme d'un long plaidoyer, réussi à en faire admettre la création. Il n'avait pas fallu à M. Strauss-Kahn, alors ministre des finances, une critique moins argumentée pour imposer le taux zéro : l'équilibre était atteint.
À ce jour, dans notre grande sagesse, nous en sommes restés là. L'outil est dans la boîte, soumis à un accord européen et international, et le chef de l'État, madame la ministre, ne doit surtout pas en oublier l'existence lorsqu'il ira soumettre ses propositions au prochain sommet de Washington.
Avis défavorable : le ministre des finances de l'époque a pris une décision d'une grande sagesse qu'il convient de respecter, de sorte que cette taxe ne constitue pas un désavantage compétitif contre la France.
L'argument du désavantage compétitif nous est trop souvent resservi. La crise financière est telle qu'il faut davantage réguler les marchés. Or la taxe Tobin est un outil, comme l'a indiqué le rapporteur général – un outil que le Président de la République serait bien inspiré de dégainer lors des prochaines négociations européennes et internationales.
J'estime qu'il est désolant de traiter une telle proposition par l'ironie et le sourire.
Je ne parle pas de vous, monsieur Carrez. Cette taxe pourrait rapporter quatre-vingts milliards d'euros au moins. Jean Ziegler, qui demeure une référence, ne vous en déplaise, madame la ministre, estime qu'une telle somme permettrait de satisfaire les besoins essentiels – alimentation, santé et éducation – de deux milliards d'êtres humains nécessiteux. À cet égard, votre attitude est plus que désobligeante : elle est misérable.
N'exagérez pas !
En l'occurrence, le donneur de leçons, c'est vous !
Il fallut du courage pour proposer cette taxe au Parlement – vous ne l'auriez jamais eu ! Hélas, le courage n'a pas suffi : aujourd'hui, il en faut davantage encore pour promouvoir cette taxe au plan international.
La parole est à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
Les choses sérieuses peuvent très bien être dites avec le sourire : cela ne gâche rien. En outre, l'inscription de cette taxe dans notre loi était certainement une bonne idée, mais je note qu'aucun des responsables politiques de l'époque à laquelle vous faites référence n'a promu cette mesure au plan international, ni, a fortiori, ne l'a fait accepter. Chacun son travail !
Je suis saisi d'un amendement n° 245 .
La parole est à M. Nicolas Perruchot.
Cet amendement est essentiel.
Dans les différents plans proposés ces derniers jours, nous avons très peu parlé des très petites entreprises et des petites et moyennes entreprises. On nous répondra qu'il existe déjà des éléments, mais je n'ai pas vu, pour ma part, grand-chose s'agissant des TPE.
Cet amendement répond à un double objectif. Tout d'abord, la rapidité des remboursements des crédits de TVA est un élément absolument essentiel pour la gestion des entreprises et leur trésorerie, particulièrement en début d'activité lorsque la trésorerie fait souvent défaut. C'est particulièrement vrai pour les plus petites entreprises, artisanales notamment, dont les besoins en termes d'investissements sont importants avant tout commencement d'activité. Cette facilité alors accordée par l'administration fiscale permettrait évidemment de renforcer leur capacité à mettre en oeuvre un certain nombre d'investissements.
Cet amendement est donc un complément à ce qui a été proposé au bénéfice des TPE et le voter donnerait un signe très positif ce soir à tous ces chefs d'entreprise aujourd'hui dans l'attente de mesures incitatives.
La commission n'a pas adopté cet amendement.
Monsieur le ministre du budget, tout à l'heure, à l'occasion de l'examen d'un amendement, vous avez défendu à juste titre l'efficacité de vos services. Je reprendrai ce thème, en réponse à notre collègue Perruchot. L'administration fiscale a accompli d'énormes progrès dans le remboursement des crédits de TVA. Aujourd'hui, en effet, un délai de remboursement inférieur à un mois est prévu dans la Charte du contribuable. En 2007, 95 % des crédits de TVA ont été effectivement remboursés dans un délai inférieur à trente jours. L'administration a donc beaucoup progressé. Je pense qu'il faut continuer sur cette lancée et essayer de réduire le plus possible les délais de remboursement des crédits de TVA avant même de passer, comme vous le souhaitez, à l'étape consistant à verser des avances.
Vous avez indiqué tout à l'heure que l'on a peu parlé des TPE et des PME. C'est actuellement un souci constant du Gouvernement qui mobilise de nombreux moyens, en particulier au service des petites et moyennes entreprises. Je pense au financement, au Small Business Act, je pense à l'action mobilisée de l'ensemble des acteurs de l'État au service des PME, en particulier dans ces périodes difficiles pour leur financement.
Toutefois, le mécanisme que vous proposez me paraît, du point de vue de la gestion, difficilement conciliable avec l'actuel mécanisme de report et d'imputation du crédit de TVA. En effet, le crédit de TVA, généré au titre d'un mois, est en principe reporté sur le mois suivant. Comme vient de l'indiquer M. le rapporteur général, les efforts actuellement consentis pour effectuer les remboursements de crédits de TVA dans les meilleurs délais avaient pour objectif d'atteindre 80 % avant la fin de l'année 2007. Il a été réalisé à 90 %, ce qui nous permet de penser que, dans ce domaine, l'État fait de son mieux pour répondre en particulier aux difficultés de trésorerie des entreprises, auxquelles nous essayons de faire face par d'autres moyens.
Dans ces conditions, je vous demande d'avoir l'obligeance de retirer votre amendement.
Je vous remercie, madame la ministre, de votre amabilité et de votre courtoisie.
La parole est à M. Nicolas Perruchot.
L'explication du rapporteur général et de la ministre est éclairante. Néanmoins, comme vient de le rappeler Gilles Carrez, il reste encore une marge, donc nous pouvons encore progresser. En conséquence, je souhaite maintenir cet amendement. Il est évidemment essentiel d'envoyer des signes aux TPE, qui représentent près de 90 % des entreprises françaises de petite et moyenne taille.
(L'amendement n° 245 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 169 .
La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.
Cet amendement tend à abaisser le taux de TVA à 18,6 %, afin de revenir au taux applicable avant la réforme Juppé de 1995. Nous savons que le pouvoir d'achat est aujourd'hui la préoccupation principale de nos concitoyens. Il est par ailleurs bien connu que la TVA est l'impôt injuste par excellence puisqu'il n'est pas proportionnel aux revenus et qu'il affecte donc douloureusement les plus bas salaires dans l'accès aux biens de première nécessité. C'est particulièrement vrai dans un contexte de stagnation des salaires savamment entretenu par vos soins depuis des années avec l'appui de la Banque centrale européenne.
Vous n'avez cessé de proposer encore récemment, dans le cadre de la loi sur les revenus du travail, des mesures qui visent à détourner l'attention de l'enjeu central de la revalorisation des salaires comme des retraites et des minima sociaux avec des mesures sur l'intéressement, la participation, les heures supplémentaires, et surtout celles visant à faciliter le recours au crédit ou incitant les Français à puiser dans leur épargne pour compenser leur perte de pouvoir d'achat.
Vous avez, par ailleurs, prétendu améliorer le pouvoir d'achat des Français par la baisse des prix, par le seul jeu de la concurrence qui n'a, bien évidemment, produit aucun effet tangible, ce dont tous les Français peuvent témoigner devant vous.
Nous proposons aujourd'hui, avec cet amendement, une mesure de justice fiscale de nature à diminuer réellement le coût de la vie : la baisse du poids de la TVA. Une telle politique a un coût, le bouclier fiscal aussi. C'est une affaire de choix.
En 1995, le gouvernement Juppé n'a rien trouvé de mieux que de couper l'élan de la consommation en augmentant la TVA de deux points. C'était une mesure totalement inopportune comme beaucoup de celles que vous nous proposez encore aujourd'hui et que l'économie française, donc la société française, ont payée cher, comme elles paient cher aujourd'hui votre politique en faveur du patrimoine des plus riches.
Nous vous offrons ici l'occasion d'un sursaut de conscience et nous ne doutons pas que vous voterez cet amendement, ce qui contribuerait à relever l'économie de notre pays dans une période où elle en a bien besoin.
La commission n'a pas retenu cet amendement pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, monsieur Sandrier, avec un taux à 19,6 %, nous nous trouvons aujourd'hui dans la moyenne des grands pays. Quand on raisonne sur les prélèvements obligatoires dans leur ensemble, on constate que, dans un pays totalement ouvert sur l'extérieur tel que le nôtre, la TVA a aussi un intérêt, notamment pour la compétitivité de nos entreprises.
De plus, un point de TVA, au titre de la TVA à taux normal, représente 6 milliards d'euros. Or nous ne sommes pas en état d'accepter un amendement d'un tel coût, monsieur Sandrier.
Je reprendrai l'argument de Gilles Carrez : un point de TVA représente en effet 6 milliards, ce qui est totalement impossible. De surcroît, je ne suis pas certain que ce soit la moindre conséquence sur le plan économique. Nous sommes toutefois éventuellement prêts à étudier la diminution du taux de TVA secteur par secteur. Un certain nombre de négociations avec la Commission sont en cours sur ce sujet. Telle est l'opinion du Gouvernement.
Je comprends que cela coûte 6 milliards d'euros. Cela dit, cela ne représente jamais que les deux tiers des stock-options distribués aujourd'hui dans notre pays. Peut-être y aurait-il moyen d'agir sur ce point.
On nous ressert de plus l'argument de la compétitivité comme une tarte à la crème. La France est tout de même le troisième pays du monde, s'agissant des investissements étrangers et le deuxième concernant la productivité du travail. Nous ne sommes donc pas en mauvaise position. Il convient par conséquent de modifier légèrement le discours sur la compétitivité.
(L'amendement n° 169 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 172 .
La parole est à M. Michel Vergnier.
Si vous m'y autorisez, monsieur le président, je défendrai les amendements n°s 172 , 171 rectifié , 146 , 144 et 188 , à condition que vous accordiez un peu plus de temps.
Nous partageons sur ce point avec M. Sandrier la même appréciation et la même sensibilité, même si nous sommes, quant à nous, davantage entrés dans le détail.
Tout cela est compliqué. Nous avons le sentiment que les députés de l'opposition, lorsqu'ils revendiquent un certain nombre de principes, radotent. Je peux comprendre parfois que cela surprenne ou que cela agace. Nous vivons ces situations, que l'on soit dans la majorité ou dans l'opposition. On ne peut toutefois pas nous reprocher d'avoir un certain nombre de convictions – que vous partagez d'ailleurs pour partie certainement avec nous – et de les rappeler. Lorsque la TVA a été baissée d'un point entre 1997 et 2002, il nous a semblé – alors qu'il avait été estimé à l'époque que cela coûtait cher – que l'on donnait un vrai signe à ceux donc on ne se préoccupait pas tous les jours, c'est-à-dire aux consommateurs au quotidien. La TVA est un impôt qui touche tout le monde, donc également les ménages. Nous devons en conséquence nous préoccuper à un moment donné de son taux. C'est en baissant le taux de TVA sur un certain nombre de produits que l'on parviendra peut-être à montrer un véritable signe et à relancer la consommation. Nous ne nions absolument pas que celui puisse entraîner une baisse des recettes, dont la compensation est prévue dans ces amendements.
Nous vous proposons donc un certain nombre de baisses ciblées : de 19, 6 % à 19 % ; de 8,5 % à 8 % et de 5,5 % à 5 %. Cela s'applique aussi bien à l'alimentation qu'aux frais d'obsèques. Je ne veux pas revenir sur ce dernier point, mais, même s'il est difficile de l'aborder, nous en avons souvent débattu. Cette situation, que nul ici ne souhaite connaître, est particulièrement compliquée pour les familles qui y sont confrontées, mais elles doivent l'assumer et faire face à l'addition quand elle leur est présentée.
Il est donc essentiel d'agir, dès que c'est possible, sur ce levier direct que représente la TVA. Telle est notre conviction, monsieur le président.
La commission n'a pas retenu ces amendements. Monsieur Vergnier, quand on analyse le plus objectivement possible les résultats des changements de taux de TVA ces quinze dernières années, nous sommes extrêmement sceptiques.
Lorsque, en 1995, le taux de TVA a été augmenté de deux points, le Gouvernement – et je me souviens parfaitement des débats dans cet hémicycle – espérait que ce ne serait pas répercuté à la hausse. Malheureusement, c'est ce qui s'est produit, même si cela n'a pas été le cas en totalité. C'est un des facteurs qui ont contribué à un fort ralentissement de la consommation.
À l'inverse, la baisse d'un point décidée au printemps 2000 n'a pas été répercutée. Elle s'est totalement diluée.
J'en tire la conclusion qu'il faut être très méfiant quant aux manipulations de taux. Peut-être la stabilité de ces taux est-elle la meilleure des politiques à mener dans ce domaine. Je m'abstiendrai à cet égard d'évoquer la TVA restauration.
En dehors de la TVA sur la restauration, l'avis du Gouvernement est assez proche de celui du rapporteur général. Il est vrai que tout cela est totalement dilué. Les secteurs absorbent très vite une diminution de TVA et le consommateur n'y voit pas grand-chose. C'est donc un effet d'affichage. En réalité, cela augmente peut-être un peu la marge d'un certain nombre d'entreprises, mais pas plus que cela, alors que c'est extraordinairement coûteux pour les finances publiques. Notre politique est assez claire : il ne faut pas toucher au taux de TVA, mais conduire une politique ponctuelle dans tel ou tel secteur qui nécessite d'être analysé d'un peu plus près. Ces secteurs ont déjà été évoqués à plusieurs reprises et font l'objet de négociations avec la Commission.
Ces réponses prouvent en tout cas qu'une réflexion doit être menée sur ce sujet dans un certain nombre de secteurs et de produits.
Le rapporteur général a raison de le rappeler, nous avons souhaité, lorsque le taux de TVA a baissé d'un point, que cette baisse soit répercutée. Or ce qui s'est passé n'était guère satisfaisant. Pour être crédible, il faut parler sérieusement. Le signal était donné, l'objectif en soi n'était pas forcément atteint. S'agissant de la perte de recettes pour l'État, en revanche, la situation était plus favorable à l'époque. Cela étant, nous avons pu constater l'intérêt de la baisse de la TVA pour les travaux, par exemple, qui a été un véritable levier pour l'emploi.
Je ne suis pas un spécialiste en la matière, mais j'ai du bon sens et les pieds sur terre. Ne serait-il pas possible, dans un certain nombre de domaines, tels que les logements répondant aux normes haute qualité environnementale ou les produits de première nécessité – Jean-Claude Sandrier a évoqué tout à l'heure le domaine alimentaire –, de diminuer la TVA de plusieurs points, ce qui entraînerait une véritable répercussion sur les prix et constituerait un vrai levier pour l'emploi ?
Je partage le point de vue de M. Vergnier. On l'a vu avec la TVA à 5,5 % sur les travaux dans le cadre du logement, l'approche par secteur est positive.
Mais plusieurs des amendements que vous avez présentés ne sont pas eurocompatibles. Il existe en effet certaines contraintes : les mesures proposées doivent entrer dans le cadre de la directive, qui hiérarchise les différents taux de TVA et les services faisant partie de ces différentes classes.
Cela étant, comme l'a rappelé le ministre, si nous émettons des doutes sur des mesures générales, il pourrait être intéressant d'avoir une approche sectorielle dès que les moyens budgétaires le permettront.
(Les amendements nos 172 , 171 rectifié , 146 , 144 et 188 , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Je suis saisi d'un amendement n° 65 .
La parole est à M. Michel Bouvard.
Nous en arrivons à un amendement qui a en quelque sorte redoublé, le Sénat en ayant détourné l'objet l'an dernier.
D'abord, cet amendement est eurocompatible. Nous l'avons vérifié l'année dernière auprès de la Commission européenne. J'ai en outre amélioré mon argumentation, puisque cet amendement s'inscrit parfaitement dans l'esprit de la RGPP. À l'heure où l'on doit apprécier la dépense publique de manière globale, il importe de trouver les solutions les plus économiques pour assurer les charges publiques.
Actuellement, de nombreuses communes continuent à entretenir un matériel de déneigement relativement coûteux à l'investissement, entre 250 000 et 500 000 euros selon les engins, avec, de surcroît, des problèmes de gestion des circuits liés à la directive européenne sur le temps de repos, qui oblige à changer de conducteur, ce qui n'est pas possible sans morceler les circuits.
À l'évidence, la bonne solution pour les petites et moyennes communes et leurs groupements, quelle que soit la partie du territoire concernée, est d'externaliser l'activité de déneigement. Or le taux de TVA pratiqué sur cette activité est aujourd'hui de 19,6 %, alors que la réglementation européenne autorise à le passer à 5,5 %, ce qui constituerait une incitation forte pour les collectivités. Celles-ci pourraient ainsi éviter d'investir dans des matériels coûteux, souvent sous-utilisés, car il n'y a pas que les zones de montagne où il tombe de la neige, et les investissements en matériel sont très lourds. Le recours à l'externalisation est, à n'en pas douter, une solution intelligente en matière de dépense publique.
L'an dernier, la commission avait adopté cet amendement sur la base d'un courrier que nous avait lu M. Bouvard, qui l'avait reçu quarante-huit heures auparavant, signé de Laszlo Kovacs, le commissaire européen chargé de la fiscalité.
Sous le poids d'un tel argument, nous avions adopté l'amendement. Mais il faut que je vous raconte la suite de l'histoire…
Le coût de cette mesure étant de 10 à 15 millions d'euros, l'amendement a été utilisé…
…par nos collègues sénateurs comme gage pour financer le fonds de compensation de la DCTP, la dotation de compensation de la taxe professionnelle. À la suite de ce détournement, en commission mixte paritaire cet amendement n'a pas pu être repris.
Ne souhaitant pas donner à nouveau au Sénat un argument pour financer telle ou telle velléité, la commission a préféré donner un avis défavorable.
C'est à peu près le même que celui de la commission.
Cet amendement a été adopté l'an dernier et utilisé comme gage par le Sénat pour augmenter des dotations qui avaient été diminuées. Je le regrette, mais je crains qu'il ne se produise la même chose cette année. Il ne faut pas utiliser le déneigement à cette fin…
La chose est possible juridiquement, mais plus difficile techniquement.
J'y insiste. J'ai soutenu cet amendement l'an dernier et je le soutiens à nouveau aujourd'hui. La Creuse n'est pas située en zone de montagne…
…mais un certain nombre de ses communes sont classées en zone de montagne.
Par ailleurs, il y a eu un renouvellement au Sénat et il y souffle un vent nouveau. Peut-être ne nous heurterons-nous pas aux mêmes difficultés.
Quoi qu'il en soit, je soutiens l'amendement de mon collègue Michel Bouvard.
(L'amendement n° 65 est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 163 .
La parole est à M. Jean-Claude Sandrier.
Cet amendement est une mesure de bon sens et de cohérence politique. Il est utile d'étendre le bénéfice du taux réduit de TVA portant sur les travaux d'amélioration, de transformation et d'entretien des habitations aux établissements chargés de l'accueil des personnes malades, handicapées ou dépendantes. La remarque vaut en particulier pour les hôpitaux, qui accusent un déficit budgétaire global qui les handicape lourdement pour la réalisation de travaux de rénovation ou de mise en conformité, indispensables à l'amélioration de la qualité du service public hospitalier, quand ce n'est pas sa simple optimisation.
Les mêmes observations valent pour les établissements chargés de l'accueil et de l'hébergement des personnes dépendantes ou handicapées, notamment des personnes âgées.
Notre amendement se situe dans la continuité des mesures prises par le Gouvernement sous la précédente législature en faveur des personnes âgées et des personnes handicapées, aussi bien dans le cadre du plan vieillissement que de la fameuse loi sur le handicap.
Monsieur le rapporteur général, ce dispositif ne coûterait pas 6 milliards d'euros. Il suffit de taxer les stock-options, comme le suggérait le président de la Cour des comptes : cela rapporterait 3 milliards d'euros, ce qui suffirait largement à alléger les charges des hôpitaux.
Défavorable.
Contrairement à l'amendement précédent, présenté par Michel Bouvard, celui-ci n'est pas admis par la directive européenne qui traite de la TVA. Cette directive permet la TVA à taux réduit pour les travaux dans le secteur du logement, à titre temporaire, d'ailleurs, mais l'autorisation a été reconduite. En revanche, la TVA à taux réduit pour les travaux dans les établissements de santé n'est pas admise par la réglementation européenne. Cela peut sembler paradoxal, mais les règles sont strictes, monsieur Sandrier.
Une large part de l'amendement de M. Sandrier serait possible dans certains cas très particuliers, notamment lorsqu'il s'agit d'hébergement de longue durée. C'est vrai pour les établissements d'hébergement de longue durée pour les personnes âgées ou handicapées, les maisons de retraite, les établissements psychiatriques, les unités de moyen et de long séjour, y compris lorsqu'elles sont situées dans un hôpital. C'est également vrai, puisque nous avons étendu le dispositif en 2007, dans le cadre de la loi du droit au logement opposable, pour d'autres travaux permettant notamment de mieux accueillir des adultes handicapés.
Une grande part de vos préoccupations, monsieur Sandrier, est déjà satisfaite par ces mesures, qui vont parfois au-delà de vos souhaits, puisque sont également visés les travaux de construction. Pour le reste, votre proposition n'est pas eurocompatible.
(L'amendement n° 163 n'est pas adopté.)
Cet amendement porte également sur la TVA, mais dans le secteur des fruits et légumes.
Nous sommes nombreux, sur les bancs de cet hémicycle, à travailler au sein du groupe d'étude créé à l'Assemblée sur le thème des fruits et légumes, et nous connaissons tous les difficultés particulières de cette filière. Les prix versés aux producteurs sont bas. On peut donc s'interroger sur les circuits de commercialisation et sur le fait qu'à l'étalage les prix payés par les consommateurs font un bond important.
Il nous semble, car c'est aussi un enjeu de santé publique, qu'il serait utile d'appliquer aux fruits et légumes le taux super-réduit de TVA de 2,1 %. Aujourd'hui, celui-ci s'applique principalement aux publications de presse, à la redevance pour l'audiovisuel et aux médicaments remboursables par la sécurité sociale. On ne peut pas nous opposer l'argument de la compatibilité avec la réglementation européenne puisque des ajouts ont récemment été faits dans la liste des produits ou des services taxables au taux super-réduit de TVA.
L'enjeu de santé publique et la nécessité de faire baisser les prix payés par les consommateurs nous semblent justifier cet amendement. Nous souhaitons au moins qu'il serve à ouvrir la discussion sur ce sujet ; il y a un vrai problème dans cette filière et ce serait un signal important.
Défavorable.
Monsieur Launay, je suis prêt à examiner cette question avec vous. Mais le taux de 2,10 % a été admis par la Communauté européenne à condition d'être gelé, c'est-à-dire de ne pas être étendu à d'autres produits. C'est une sorte de taux historique, qui s'applique, comme vous l'avez rappelé, aux médicaments, aux produits pharmaceutiques ainsi qu'aux produits culturels, et notamment à la presse. Aujourd'hui, nous n'avons pas la possibilité d'y intégrer les produits alimentaires, lesquels sont classés dans les produits relevant du taux réduit, avec une marge plancher fixée à 5 %. Or nous sommes à 5,5 %.
Défavorable, pour les mêmes raisons. Cette proposition n'est tout simplement pas eurocompatible au regard des règles de la TVA.
Cela dit, je suis d'accord avec l'intention, qui est de soutenir la production et la consommation de fruits et légumes, tout simplement pour favoriser une bonne alimentation. Tant M. Barnier au titre de l'agriculture que Mme Bachelot au titre de la santé soutiennent les actions de ces filières.
(L'amendement n° 145 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 189 .
La parole est à M. Dominique Baert.
L'amendement est défendu.
(L'amendement n° 189 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je défends cet amendement avec Christian Kert.
En l'état actuel, les dispositions communautaires relatives à la TVA ne permettent d'appliquer un taux super-réduit qu'aux seuls journaux et périodiques imprimés et non aux publications sur support électronique. En France, les publications de presse sont ainsi imposées au taux de 2,1 %, tandis que la presse en ligne se voit appliquer le taux normal de 19,6 %.
À l'heure où l'équation économique de la presse en ligne, en plein développement, s'accommode difficilement d'une fiscalité alourdie par rapport à la presse dite classique, il est important, en cohérence avec les négociations du Gouvernement dans les enceintes communautaires, de pouvoir remédier à cette inégalité de traitement et d'éviter de pénaliser les entreprises de presse écrite pour lesquelles l'Internet constitue un outil primordial de développement.
J'ajouterai que le développement de la presse en ligne est un facteur d'extension et donc de démocratisation de l'information.
Je vous propose donc, mes chers collègues, de voter cet amendement qui vise à aligner le taux de TVA de la presse en ligne, qui est à 19,6 % actuellement, sur celui de la presse sur papier, qui est à 2,1 %.
La parole est à M. Patrice Martin-Lalande, pour soutenir l'amendement n° 269 .
Ma collègue a repris les arguments que j'avais développés les années précédentes et que je développe à nouveau cette année dans mes amendements.
Je souhaite que la TVA applicable à la presse en ligne soit au taux réduit, soit 2,1 %, qui est le taux applicable à la presse papier en France, mais nous savons que ce n'est pas un taux réduit européen, soit 5,5 % si l'on veut s'aligner sur le taux réduit européen.
Nous sommes en train de travailler dans le cadre des états généraux de la presse. Nous avons donc tous bien conscience de la nécessité de faire évoluer la presse, notamment la presse d'information politique et générale et la presse quotidienne. Il faut notamment permettre à la presse d'être plus présente sur l'Internet, d'être plus facilement accessible, en diminuant les coûts de fabrication et les coûts de diffusion.
Nous devons faire cesser cette situation un peu paradoxale que le moyen le plus moderne d'avoir accès à l'information soit pénalisé, ce qui, finalement, pénalise le développement de la presse écrite. Les sites Internet du journal Le Figaro ou du journal Le Monde représentent 15 % du chiffre d'affaires de ces titres. Ce n'est pas rien et cela peut même être une condition du maintien des titres écrits de notre presse.
J'espère que nous pourrons progresser. Cela fera probablement partie des conclusions des états généraux de la presse qui sont en cours.
Je voudrais aussi souligner un autre élément, que j'avais exposé les autres années, avec un succès mitigé quant au résultat.
Sur Internet, nous avons une avalanche d'informations. C'est formidable, tout le monde peut être créateur d'information. Nous avons besoin qu'il y ait des îlots aussi larges que possible d'informations bénéficiant d'une déontologie professionnelle, d'une garantie de responsabilité éditoriale, pour que nous ne soyons pas uniquement tributaires d'informations qui n'apportent aucune garantie.
Bref, nous devons favoriser la présence de la presse sur Internet. Pour l'instant, le taux de 19,6 % pénalise son développement, qu'il s'agisse de la presse écrite ou de celle qui se crée directement sur Internet, un certain nombre d'équipes rédactoriales travaillant maintenant en ligne sans version papier.
Je crois, monsieur Martin-Lalande, que c'est la quatrième année que vous défendez le même amendement, très intéressant.
Je crains d'être obligé de vous faire la même réponse, ainsi qu'à Mme Marland-Militello, pour la quatrième année consécutive.
La TVA à taux réduit pour les services culturels et, en particulier, la presse en ligne, fait l'objet d'une discussion dans le cadre de la directive générale qui est en préparation sur les taux réduits.
Cette directive n'est toujours pas sortie. Nous avons l'espoir que, grâce à la présidence française et aux négociations en cours, ce type de service puisse être intégré. Est-ce bien la position française, madame la ministre, comme on le dit depuis plusieurs années déjà, et quand va-t-on aboutir sur cette fameuse directive ?
En attendant, je suis obligé de donner un avis défavorable à ces amendements.
Le Gouvernement partage évidemment votre attachement au développement économique de tout le secteur de la presse, quels que soient ses modes de diffusion. Il participe d'ailleurs à son financement, notamment par le biais de subventions versées à La Poste, pour permettre l'acheminement.
La diffusion de la presse par les voies électroniques correspond à la définition des services fournis par voie électronique au sens de la directive 200238 CE du Conseil du 7 mai 2002 relative à ces services. Ils sont donc de ce fait exclus du bénéfice du taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée. Il faudrait l'unanimité pour obtenir l'intégration de ce service dans la catégorie des services soumis à un taux réduit de TVA.
Nous sommes toujours aussi déterminés à l'obtenir. La directive est en cours d'élaboration et le projet sera probablement présenté par le commissaire européen chargé de la fiscalité au Conseil de novembre. Je ne sais pas si ce service figurera dans la liste des produits ou services à taux réduit dans le projet de directive. Ce que je sais en revanche, c'est que les négociations que nous aurons à mener, en particulier avec nos collègues allemands, seront probablement très difficiles parce que leur conception de la TVA est sensiblement différente de la nôtre. Pour eux, c'est simplement un outil fiscal permettant de lever des ressources et pas du tout un outil de politique économique.
Nous nous doutions de votre réponse, madame la ministre, mais notre intention était de vous exprimer notre soutien dans votre combat et de vous stimuler dans votre action auprès des services communautaires. Nous retirons notre amendement.
(L'amendement n° 84 est retiré.)
Je pense que vous ferez preuve de la même courtoisie, monsieur Martin-Lalande ?
N'en préjugez pas, monsieur le président, bien que je n'en sois pas incapable.
Madame la ministre, nous souhaitons vraiment que le Gouvernement se batte, même contre nos amis allemands, sur ce point.
Il y a tout de même un problème de distorsion de concurrence entre l'écrit et la presse en ligne, mais c'est aussi, je crois, un enjeu pour le bon fonctionnement de l'Internet et donc de la société de l'information. Nous devons avoir une garantie sur la qualité, l'authenticité de l'information, que seule la presse est capable d'apporter.
Je souhaite que nous y arrivions et, sous le bénéfice de la réponse que vous nous avez donnée tout à l'heure en nous faisant part de votre intention de vous battre en ce sens, je retire mon amendement, ainsi que l'amendement n° 268 .
Je suis saisi d'un amendement n° 35 rectifié .
La parole est à M. Marc Le Fur.
Nous abordons la question du bonus-malus que nous avons mis en place l'an dernier. Quand un véhicule génère plus de 160 grammes de CO2 par kilomètre, il est soumis à un malus, qui impose un paiement supplémentaire de 750 euros lors de l'achat.
Le problème, c'est que cela s'applique aussi à des véhicules familiaux. Un jeune ménage avec deux enfants peut avoir un petit véhicule, mais il y a en quelque sorte un impôt sur le troisième enfant puisqu'il faut par définition se doter d'un véhicule plus sûr. Il y a en effet différentes règles à respecter, comme le port de la ceinture à l'arrière. Cela implique l'acquisition d'un véhicule ayant une plus grosse cylindrée et donc le paiement du malus.
L'an dernier, j'avais posé la question avec plusieurs de mes collègues, notamment M. Bouvard, M. de Courson, M. Chartier, M. Poisson et M. Mariton.
Mon idée initiale, vous vous en souvenez, monsieur le rapporteur général, était d'appliquer le bonus-malus non pas aux véhicules mais à la place dans le véhicule. Vous m'aviez fait remarquer avec raison que des gens n'ayant pas de charge de famille pouvaient acheter des véhicules comportant de nombreuses places.
Fort de cette information et bon soldat, je reviens cette année avec une idée un peu différente, une diminution, pour chaque famille, de 20 grammes de CO2 par enfant à charge à partir de trois enfants. Les familles avec trois enfants ne paieraient pas de malus sur les véhicules émettant entre 160 et 180 grammes, les familles avec quatre enfants n'en paieraient pas sur les véhicules émettant entre 180 et 200 grammes.
Voilà un dispositif qui répond à notre objectif, qui est de tenir compte de la politique familiale. Nous serons encore confrontés à ce genre de problème, madame la ministre. Comment concilier politique environnementale et politique familiale ? On ne peut pas être schizophrène en insistant un jour sur une priorité et un autre jour sur une autre. Il faut que nous sachions concilier ces priorités.
Nous avons là un cas très précis. Cet amendement, qui a, je crois, les faveurs de la commission, nous permettrait de résoudre ce problème et de faire en sorte que les familles devant inéluctablement se doter d'un véhicule ayant une plus grosse cylindrée ne soient pas pénalisées par le malus. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. Le Fur a très bien travaillé. L'an dernier, nous avions dû réagir à un amendement du Gouvernement que nous avions découvert quarante-huit heures auparavant et nous n'avions pas eu le temps de trouver la bonne approche. Nous avions essayé de travailler sur le nombre de places, mais cela donnait des résultats un peu discutables puisque la Smart se trouvait autant taxée que la Porsche Cayenne. Donc, visiblement, cela n'allait pas.
Nous nous sommes donc engagés dans une autre direction, pour finalement proposer une réfaction en termes de grammes de CO2 par enfant. Cela peut paraître paradoxal, mais c'est la seule approche opérationnelle. Cette réfaction concerne chaque enfant à partir du troisième, car les nombreux modèles à quatre places existant sur le marché, et dans lesquels deux enfants peuvent être assis à l'arrière, s'inscrivent sans difficulté dans le système de bonus-malus.
L'amendement de notre collègue Marc Le Fur propose ainsi une réfaction de 20 grammes à partir du troisième enfant. Une famille de trois ou quatre enfants n'aura donc pas à payer un malus de 750 euros au moment de l'acquisition d'un Espace, par exemple.
Je pense qu'il s'agit d'un bon dispositif. Il y a juste un léger problème d'application, qui tient à la nécessité de croiser le fichier des familles nombreuses avec les données d'acquisition de véhicules. J'appelle donc l'attention du Gouvernement sur le fait qu'il conviendra de résoudre ce problème pratique.
L'amendement est très raisonnable car il ne concerne qu'un seul véhicule par foyer, en l'occurrence celui qui sert aux sorties dominicales en famille et non la voiture utilisée pour se rendre au travail tous les jours. Je serais très heureux que le Gouvernement suive l'avis favorable de la commission.
Monsieur Le Fur, le moins que l'on puisse dire, c'est que vous ne manquez pas de constance. Vous avez même une vraie ligne directrice. Il n'y a rien à faire, quoi ! (Sourires.)
Le Gouvernement n'était initialement pas favorable à cette mesure car, du point de vue de l'environnement, ce sont les rejets d'un véhicule qu'il convient de prendre en considération, non ses utilisateurs.
Cela dit, nous avons longuement réfléchi, et il est vrai que le malus peut handicaper certaines familles, faute de véhicules non polluants sur le marché permettant de transporter des familles nombreuses. Par ailleurs, comme j'ai cru comprendre que cela ne concernait que les sorties le dimanche…
Toutefois, si le véhicule échappe au malus, il ne faut pas que le dispositif conduise à verser un bonus.
En d'autres termes, le fait d'avoir dix enfants ne doit pas ouvrir droit à un bonus.
Enfin, comment s'assure-t-on de la taille de la famille ? Ce n'est pas simple. Il ne faut pas que le système que nous créons soit suradministré. Nous allons donc y réfléchir, et nous proposerons au Sénat un dispositif qui permette de s'assurer, au moment de l'acquisition du véhicule, de la taille de la famille.
Mme Lagarde me signale également qu'il faudra réfléchir à la question des handicapés, pour que ceux-ci n'aient pas à écoper systématiquement de malus auxquels ils ne peuvent échapper pour des raisons physiques.
Sous ces réserves, le Gouvernement émet un avis favorable.
Merci, monsieur le ministre. Vous faites preuve d'une grande sagesse.
Le Gouvernement lève-t-il le gage ?
Oui.
L'amendement sera donc modifié, comme tous les amendements ultérieurs portant sur cet article auxquels le Gouvernement sera favorable.
La parole est à M. Jean Launay.
Devant les amendements répétés de M. Le Fur sur ce sujet, nous sommes dans la plus grande circonspection. La fiscalité écologique mérite mieux que des petites mesures sectorielles difficilement lisibles. Nous avons le sentiment que cette proposition introduit une nouvelle usine à gaz. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
C'est un amendement qui pollue les débats et empêche la lisibilité d'une fiscalité écologique de fond, telle que celle dont je présenterai les linéaments tout à l'heure, en posant, comme je l'ai déjà fait dans la discussion générale, la question de la taxe carbone.
La commission des finances a auditionné il y a quelque quinze jours le professeur Jancovici, qui regrettait, en commentant le Grenelle de l'environnement, qu'au lieu de prendre des mesures larges et puissamment structurantes – comme la taxe carbone – « le problème [ait] été pris à l'envers à coups de “taxounettes” et de mesures sectorielles mises en place de façon désordonnée et brouillonne ». Eh bien, nous allons en prendre ce soir une de plus !
Les gens auront bien du mal à comprendre comment marche votre système, avec six enfants, ou quand on veut emmener les animaux dans la voiture, ou quand on a trois enfants et un coupé… Au-delà de la caricature, cette mesure posera de nombreux problèmes techniques que vous parviendrez difficilement à résoudre, alors que l'instauration d'une taxe carbone ferait bien davantage avancer la cause de la fiscalité écologique.
Sur le vote de l'amendement n° 35 rectifié , je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.
Je ne sais pas si nous sommes en train d'instaurer une « taxounette » ou de prendre des mesures incompréhensibles ou polluantes. Ce qui est sûr, c'est qu'il peut exister, à un moment donné, une distorsion entre l'intérêt de la France à encourager une démographie dynamique et une politique fiscale pénalisant les familles nombreuses.
Ce n'est pas le malus qui va empêcher les Français de faire des enfants !
Nous avons voté, dans la loi d'orientation relative au Grenelle de l'environnement, une disposition visant à taxer au poids l'enlèvement des ordures ménagères. Or plus une famille est nombreuse, plus elle produit de déchets. Faisons attention à ce que, par les politiques que nous menons et la fiscalité que nous adoptons à des fins écologiques, nous n'envoyions un message non-dit, qui serait que nous pénalisons la présence même d'être humains. Car tout être humain a, par son activité, un impact sur l'environnement. Il faut veiller à ce que notre fiscalité ne soit pas défavorable aux familles. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'amendement n° 35 rectifié , compte tenu de la suppression du gage.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 52
Nombre de suffrages exprimés 43
Majorité absolue 22
Pour l'adoption 39
Contre 4
(L'amendement n° 35 rectifié , modifié par la suppression du gage, est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 247 .
La parole est à M. Charles de Courson.
Je le retire, me concentrant sur le suivant.
(L'amendement n° 247 est retiré.)
Je suis saisi d'un amendement n° 246 deuxième rectification.
La parole est à M. Charles de Courson.
Le système de bonus-malus posait deux problèmes : celui des enfants, dont nous venons de parler, et celui des véhicules « flex-fioul ». Sur ce dernier problème, nous avions essayé de trouver une solution en commission mixte paritaire, mais avions abandonné en cours de route. On se retrouvait donc dans un système absurde, puisque tous les véhicules « flex-fioul », sauf deux, sont pénalisés d'un malus, alors que ces voitures comptent parmi celles qui émettent le moins de CO2, l'E85 contenant seulement 15 % de produits pétroliers.
La solution que nous avions présentée l'année dernière et qui est peaufinée dans le présent amendement consiste à introduire un abattement de 40 % correspondant au pourcentage d'émission des 85 % de bioéthanol dans le litre de carburant – à savoir que les 15 % d'essence représentent 60 % des émissions de CO2.
Il est proposé d'appliquer le barème du bonus-malus tout en neutralisant le bonus dans le cas où l'abattement devait y donner droit. Enfin, l'amendement prévoit d'écarter du dispositif les véhicules dont les émissions sont supérieures à 250 grammes au kilomètre, pour éviter les grosses cylindrées, qui en perturberaient l'application.
Cet amendement a reçu l'appui de la commission des finances.
Favorable. Comme pour la « familialisation » du malus évoquée à l'instant, la présente réfaction ne joue qu'au titre du malus et ne permet pas d'entrer dans le bonus. Par ailleurs, aucune réfaction n'est prévue dès lors que le véhicule émet plus de 250 grammes de CO2 par kilomètre.
Favorable. Il faudra toutefois vérifier que les gens roulent bien à l'E85 et non au super. C'est une question que l'on doit se poser, et à laquelle je pense que M. de Courson répondra, peut-être en nous donnant l'adresse des pompes d'E85. (Sourires.) Cela dit, les bornes évoquées par le rapporteur général assurent un bon encadrement.
M. le ministre évoque le problème que j'avais soulevé dans un amendement antérieur et qui porte sur le nombre de bornes à essence distribuant de l'E85. Il y en avait 274 à la fin du mois de septembre.
Je rappelle que l'État a signé un accord avec l'ensemble des distributeurs – pétroliers et grandes surfaces – par lequel ces derniers se sont engagés à installer 1 200 pompes à E85 d'ici à la fin 2008. Or non seulement nous en sommes très loin, mais en outre l'augmentation du nombre de pompes à E85 est extrêmement lente, de l'ordre de trois à quatre par mois ces trois derniers mois.
Il serait donc urgent que les ministres réunissent l'ensemble des partenaires ayant signé cet engagement pour leur demander de le respecter.
Sinon, ce que nous allons voter ne servira pas à grand-chose car les véhicules flex-fioul fonctionneront alors beaucoup plus à essence qu'avec du E85, ce qui serait aberrant. J'espère que les ministres réuniront les différents partenaires pour faire le point sur la réalisation des engagements que ceux-ci ont signés.
Je suppose que vous allez faire beaucoup d'inaugurations de pompes à superéthanol d'ici la fin de l'année, monsieur de Courson. (Sourires.)
Oui, monsieur le président.
(L'amendement n° 246 deuxième rectification, modifié par la suppression du gage, est adopté.)
Cet amendement important, proposé par notre collègue Nicolas Forissier, a été adopté par la commission. Les surfaces de vente au détail d'une certaine étendue sont redevables d'une taxe, qui s'appelait auparavant la TACA, et maintenant la TASCOM – taxe sur les surfaces commerciales. Elle est majorée lorsque l'établissement de commerce a également une activité de vente de carburants. Mais il semble que certains grands distributeurs envisagent de filialiser cette activité pour échapper à la majoration de la taxe. Pour éviter les conséquences fiscales d'une telle filialisation, l'amendement vise à maintenir la majoration même en cas de séparation juridique entre les deux structures.
Avis favorable. C'est une disposition anti-abus qui nous paraît tout à fait judicieuse.
(L'amendement n° 141 est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 272 .
La parole est à Mme Marie-Anne Montchamp.
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 a disposé qu'une franchise s'applique aux contrats dits « responsables ». Les contrats santé proposés par les organismes complémentaires sont donc tenus de ne pas couvrir cette franchise. Grâce à un article de la loi de finances rectificative pour 2007, cette obligation est encore en vigueur, mais seulement pour une période transitoire d'un an. Mon amendement vise à pérenniser cette mesure pour le stock de contrats qui ne la prévoit pas dans leurs conditions générales, évitant ainsi l'obligation pour les organismes complémentaires de faire signer un avenant pour chaque contrat. Je précise que l'émission d'avenants à destination des assurés n'aurait qu'un taux de retour très faible, évalué à environ 20 %.
C'est un très bon amendement, que la commission a évidemment accepté. J'insiste sur un point : l'amendement ne s'appliquerait qu'au stock de contrats déjà signés.
Avis favorable.
La disposition transitoire instituée par la loi de finances rectificative se justifiait car, au cours du laps de temps laissé aux uns et aux autres pour se mettre en conformité avec la loi, les gestionnaires de mutuelle pouvaient expliquer à leurs adhérents ce qu'il en était de ces franchises. Mais, manifestement, ni les gestionnaires ni les pouvoirs publics n'ont estimé utile, voire opportun, que lesdits gestionnaires l'expliquent à leurs adhérents. Et ce qui était transitoire va devenir définitif sans que les particuliers aient reçu les explications que n'auraient pas manqué de leur donner, si la période transitoire avait duré plus longtemps, les gestionnaires de mutuelle. Je ne suis pas étonné que le Gouvernement et le rapporteur général trouvent cet amendement excellent.
Monsieur Cahuzac, mon amendement n'a pas du tout été rédigé dans l'esprit que vous lui prêtez. Je suis convaincue que les organismes complémentaires ont satisfait au devoir d'information qui leur incombait, mais il s'agit d'obtenir une signature d'avenant à un contrat individuel. Que la tâche soit importante, ce n'est certes pas le problème du législateur, mais il faut un taux de retour suffisant. Quand celui-ci se situe à 20 %, cela signifie que 80 % de ces contrats ne sont pas retournés aux gestionnaires avec la signature de l'avenant, et donc que la volonté du législateur – exprimée dans la LFSS pour 2008 – est inopérante. Je pense que ce n'est pas du tout ce que nous souhaitons, ni vous ni moi.
(L'amendement n° 272 , modifié par la suppression du gage, est adopté.)
Cet amendement est le fruit d'un débat que nous avons eu en commission des finances à l'initiative de Charles de Courson. La directive sur les décharges oblige les États membres à réduire la quantité de déchets biodégradables qu'ils mettent en décharge en fixant des seuils limites à atteindre dans le cadre d'un calendrier précis et contraignant. La France, qui préside l'Union Européenne depuis le 1er juillet, a pris des engagements en ce sens lors du Grenelle de l'environnement. La première étape de ce processus ayant rencontré l'assentiment de la représentation nationale à l'unanimité, il nous a semblé opportun de commencer à la mettre en pratique. Le Grenelle et la directive communautaire ont mis en évidence la nécessité de proposer des politiques publiques qui favorisent l'utilisation de sacs biodégradables. Tel est l'objet de l'amendement.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements et les sous-amendements en discussion ?
Avis défavorable également. Les sacs poubelles sont vraiment un produit de très grande consommation et il est nécessaire que leur prix reste peu élevé pour que les gens y déposent leurs déchets. Voilà une démonstration très technique à laquelle, je l'espère, vous souscrirez, mesdames, messieurs les députés.
(Les sous-amendements nos 291 et 294 rectifié , puis l'amendement n° 88 , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
(Les sous-amendements nos 297 et 298 , puis l'amendement n° 196 , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
En effet, la taxe carbone ici proposée serait une mesure forte que nous ferions bien, dans la suite du Grenelle, d'adopter de façon très volontariste. Nous avons reçu le professeur Jancovici le 8 octobre dernier, en commission des finances, à propos des politiques environnementales. Il nous disait que sans planète, sans environnement, il n'y a pas d'activité économique qui tienne car l'économie des hommes consiste uniquement à transformer des ressources naturelles qui sont apparues sous nos pieds sans que nous fassions rien pour cela. Le prix de toute chose dépend donc de la providence naturelle. Il pensait en particulier à une composante que l'on trouve partout dans nos activités économiques : l'énergie. Il déplorait que, malgré cette évidence, les économistes et les élus continuent à raisonner comme si la production était uniquement une fonction du capital humain et du travail humain, ce qui revient à croire que les ressources naturelles procèdent de la génération spontanée. Il soulignait que nous approchions des limites physiques de la planète. Nous partageons ce constat, mais il faut que cette prise de conscience s'étende au-delà de l'hémicycle.
L'amendement aborde à la fois le problème de la crise énergétique et celui de la crise climatique. Il a pour objectif de préparer l'après-pétrole et de lutter contre le changement climatique, soulignant que c'est un enjeu majeur pour le siècle qui vient. Il s'agit de modifier en profondeur notre mode de développement, et donc nos modes de production et de consommation.
À une double crise, il faut répondre par un double remède : d'une part, réapprendre à vivre, à produire et à consommer ; d'autre part, être plus sobre dans l'usage des énergies d'origine fossile. Il s'agit donc d'agir le plus vite possible car plus nous tarderons, plus brutales seront les conséquences pour tous. C'est en agissant dès maintenant que nous donnerons une chance à un nouveau mode de développement, et sans le subir.
Nous croyons que la fiscalité écologique peut permettre d'atteindre ces objectifs en internalisant les coûts environnementaux d'un produit ou d'un service. Les prix intégreraient la charge, présente ou différée, de la pollution ou de l'émission nocive, jusqu'alors supportée par la collectivité. Ce serait la meilleure expression du principe pollueur-payeur.
En outre, la taxe carbone dont nous proposons l'instauration pourrait, en fixant une tendance lourde aux prix des produits carbonés, favoriser la recherche pour améliorer notre efficacité énergétique et le développement des énergies renouvelables. Cette innovation fiscale serait donc un signe puissant adressée à tous.
Mme la ministre, dans sa réponse lors de la discussion générale, a tenu des propos encourageants. M. le ministre a dit, s'agissant d'amendements qui portaient, eux aussi, sur la fiscalité écologique, qu'ils avaient toute leur place dans le débat. J'espère que ce sera aussi le cas pour celui-ci. Au rapporteur général qui, en commission, reprochait à notre amendement de peser sur les entreprises, je réponds que son avis relève du court terme alors que l'enjeu posé est bel et bien un enjeu de long terme. La fiscalité écologique, ce n'est pas seulement plus d'impôt, mais un impôt perçu différemment, qui taxerait les pollutions et la consommation de ressources non renouvelables tout en favorisant la consommation de produits propres.
Je précise que le rendement de la taxe est évalué à un milliard d'euros dès la première année. Ce n'est pas neutre dans un contexte budgétaire pour le moins tendu et difficile.
Nous avons proposé d'affecter la moitié de cette recette au budget général, et de verser l'autre moitié à un fonds créé pour accompagner la mutation énergétique et réparti en trois tiers : réduction des charges dans le logement social ; aide à la mobilité destinée à soutenir les ménages disposant d'un revenu inférieur à 1,5 fois le SMIC ; développement des transports collectifs dans les agglomérations dont la population est inférieure à 100 000 habitants.
Nous sommes d'accord, monsieur Launay, avec nombre de vos arguments, et nous trouvons vos propositions intéressantes. Mais la commission n'a pas adopté cet amendement instaurant une taxe climat-énergie parce que la loi de finances ne nous semble pas le support adapté. Cette semaine a été voté à la quasi-unanimité le Grenelle I, qui sera bientôt suivi d'un second texte comportant des mesures opérationnelles en matière de fiscalité. C'est plutôt à cette occasion qu'il faudra proposer votre amendement.
Surtout, j'estime qu'une telle approche ne peut s'envisager qu'à l'échelon européen. Cette taxation progressive qui, bien entendu, viendra se substituer à des taxes existantes, ne peut se mettre en place qu'au niveau communautaire.
Même avis sur cette proposition qui peut être considérée comme un amendement d'appel, car beaucoup de discussions sont en cours. Le ministre de l'écologie va réunir une conférence de consensus sur le sujet, au début de l'année 2009, dans le cadre du Grenelle ; la commission elle-même est en train d'y réfléchir ; des textes sont en préparation pour la même époque. Nous sommes donc en pleine phase de maturation. Dans ces conditions, je vous propose de retirer cet amendement.
C'est la première fois que nous proposons cette mesure, et je pense qu'il fallait le faire dès aujourd'hui. Je suis satisfait d'entendre le rapporteur général répondre d'une manière différente, plus ouverte, qu'en commission. Dans l'une de ses chansons, Gilles Vigneault disait : « Ils entendirent l'appel et ils la prirent. » (Sourires.) J'espère aussi que nous la prendrons pour creuser cette idée et la faire avancer.
Ah non, je le maintiens !
(L'amendement n° 191 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Avant que nous n'abordions l'article 10, vous avez souhaité, madame la ministre, faire une brève déclaration.
Mesdames et messieurs les députés, en guise d'intermède entre les amendements fiscaux et les amendements budgétaires, et à l'invitation de mon excellent collègue Éric Woerth, je vais répondre à une question concernant le fonds stratégique d'investissement, dont la création a été annoncée aujourd'hui par le Président de la République, lors d'un déplacement à Annecy, en Haute-Savoie.
Ce projet s'inspire de précédents investissements effectués par l'État dans Alstom, STMicroelectronics ou les Chantiers de l'Atlantique, et du fonds qui a été créé par EADS et Safran pour soutenir la filière aéronautique. Dans ce contexte, il s'agissait de mettre en place une politique industrielle et de la doter des moyens nécessaires.
Ce fonds stratégique d'investissement n'est donc pas destiné à subventionner de manière extensive l'industrie, ni à servir une logique protectionniste puisque, lors d'une intervention à Strasbourg, il y a quelques jours, le Président de la République a appelé à la mise en oeuvre d'une politique industrielle européenne dotée des moyens nécessaires. En l'occurrence, il s'agit d'effectuer des investissements de long terme, obéissant à une logique patrimoniale, afin de servir certains intérêts stratégiques, dans le cadre d'une politique industrielle.
Le Président de la République a indiqué que ce fonds stratégique d'investissement serait créé avant la fin de l'année. Avec la Caisse des dépôts et consignations et le Parlement, nous allons y travailler.
Ce fonds aura d'abord pour mission de doter en suppléments de fonds propres, chaque fois que nécessaire, les petites et moyennes entreprises, en particulier si elles présentent un intérêt stratégique. Il pourra aussi intervenir en faveur des filières jugées stratégiques, au moyen d'avances remboursables notamment, comme c'est le cas dans le secteur aéronautique. Si besoin est, il pourra aussi prendre des participations dans le capital d'entreprises petites, moyennes ou grandes, mais jugées stratégiques en raison de leur technologie. Dans notre tissu industriel, nous avons de petites entreprises très convoitées par des intérêts étrangers, et opérant dans des secteurs dont nous devons chercher à garder le contrôle.
Le fonds obéira à une logique d'investissements de long terme et de développement d'une politique industrielle, sans que l'État soit pour autant destiné à participer au capital de toutes ces entreprises. Il sera géré par la Caisse des dépôts. Cette mission entre d'ailleurs dans les nouveaux objectifs assignés à la Caisse par la loi de modernisation de l'économie votée cet été.
Dans le respect de ses intérêts patrimoniaux, elle pourra se consacrer au développement des entreprises. La Caisse gérera ce fonds comme elle gère tous les autres, c'est-à-dire sous le contrôle ultime du Parlement, dûment représenté, et dans un objectif d'intérêt général.
Pour ce faire, elle disposera de trois types de ressources : elle pourra mobiliser son bilan et utiliser ses moyens propres ; elle pourra éventuellement recourir à l'endettement ; elle pourra aussi jouer un rôle de catalyseur et engager des intérêts privés à ses côtés dans le cadre de ses investissements.
Le Président de la République a indiqué qu'il ne s'agissait pas de dépenses budgétaires supplémentaires, mais d'un investissement de long terme en faveur de notre industrie et de notre pays. Il devra rapporter au pays, notamment chaque fois que la bonne gestion des intérêts patrimoniaux permettra des cessions accompagnées de plus-values.
Voilà, mesdames et messieurs les députés, les informations complémentaires que je souhaitais apporter, et qui ne manqueront pas de susciter quelques réactions.
Je voulais remercier Mme la ministre de nous apporter des précisions sur les annonces fortes de ce matin. Nous pouvons nous réjouir de cette volonté affirmée de construire une véritable politique industrielle, alors que nous déplorions son absence jusqu'à présent. La crise peut contribuer à quelques prises de conscience et conduire à des politiques peut-être différentes.
Cela étant, les fonds qui seront consacrés à ces interventions suscitent quelques interrogations. Vous l'avez reconnu, madame la ministre, il reste des points à travailler. En disant que la Caisse des dépôts et consignations devra mobiliser ses moyens propres, on a l'air de sous-entendre que, jusqu'à maintenant, elle ne le faisait pas. Or elle vient d'être sollicitée à hauteur de 17 milliards d'euros.
Il me semblait bien que c'était davantage : plus d'une vingtaine de milliards d'euros, somme importante qui contraint la Caisse des dépôts et consignations à réorienter certains crédits. Jusqu'où pourra-t-elle le faire ?
S'agissant des emprunts, la Caisse des dépôts et consignations en a-t-elle déjà lancé ? Y a-t-il des précédents ? A priori, je ne suis pas hostile à ce qu'elle le fasse, car je souhaite justement une politique volontariste et l'utilisation d'outils tels que la CDC. Toutefois, elle doit respecter certaines règles prudentielles pour ne pas se fragiliser.
Quant aux partenariats publicprivé, ils existent déjà. Je suis sensible à l'annonce, mais comment se traduira-t-elle concrètement ? Il faut aller au-delà de l'effet d'annonce et de l'affichage. Je souhaite que la commission des finances puisse y travailler, en présence du président de la commission de surveillance. Nous prenons acte des intentions, mais nous avons besoin d'en savoir un peu plus, notamment sur la capacité de la CDC à répondre à ces sollicitations. J'avais l'impression qu'elle utilisait déjà ses possibilités à plein. Aurait-elle été un peu endormie jusqu'à présent ? N'aurait-elle pas utilisé ses fonds avec suffisamment de pertinence ? Je ne le crois pas. Connaissant Michel Bouvard et Augustin de Romanet, je pense que la Caisse était déjà fortement mobilisée.
Quoi qu'il en soit, merci pour ces précisions, madame la ministre. Il s'agit, en effet, de mesures importantes : dotations en fonds propres, participations au capital de certaines entreprises. Je peux trouver ces idées séduisantes, surtout si elles s'appliquent à des filières stratégiques pour notre pays. Encore faut-il que l'on se donne les moyens de concrétiser ces idées. Puisque nous examinons la loi de finances, c'est le lieu d'en débattre. Certes, on nous répète que tous ces milliards évoqués ne figurent pas dans le budget, mais ailleurs. Pourtant, à un moment donné, il faudra que l'on puisse vraiment les localiser !
Nous devons savoir d'où ils sortent pour être efficaces et aussi pédagogues. Car nous devons être en mesure de bien faire passer le message auprès de nos concitoyens, qui parfois s'étonnent : on leur explique que les caisses sont vides, et ils voient ensuite pleuvoir les milliards.
En résumé, madame la ministre, ces annonces encourageantes méritent d'être précisées.
Je remercie moi aussi Mme la ministre des précisions qu'elle nous a données, et je vais m'efforcer de faire le point de façon synthétique sur les engagements pris par la Caisse des dépôts et consignations au cours des dernières semaines.
Deux milliards d'euros ont été attribués à Oséo afin de lui permettre de financer les prêts aux PME, ce qui a porté de 4 à 6 milliards l'enveloppe de prêts qui lui est accordée.
Seize milliards d'euros jusqu'alors gérés par des fonds d'épargne ont été redéployés en direction des établissements bancaires, à raison de 7 milliards sur le LDD et 9 milliards sur le LEP, afin de permettre à ces établissements d'assurer les prêts aux PME. Il conviendra d'effectuer un suivi des opérations afin de s'assurer que le fléchage des fonds est respecté. La somme dont il est question équivaut à peu près au surplus de livret A que la Caisse devrait encaisser d'ici à la fin de l'année au titre des fonds d'épargne – nous en sommes environ à 12,5 milliards d'euros de surplus depuis le début de l'année.
Cinq milliards d'euros, provenant également de fonds d'épargne, vont être affectés à des prêts aux collectivités territoriales, à raison de 2,5 milliards d'euros gérés directement par la Caisse et 2,5 milliards d'euros mis en adjudication auprès des banques.
À cela s'ajoutent deux avances de 5 milliards d'euros – dont la deuxième ne sera peut-être pas mobilisée – faites par la Caisse jusqu'à la fin de l'année à la Société de refinancement de l'économie, et provenant également des disponibilités des fonds d'épargne.
Enfin, nous aurons à effectuer une recapitalisation à hauteur de 150 millions d'euros de la Société nationale immobilière, afin qu'elle dispose des fonds propres qui lui permettront d'assurer l'acquisition des 10 000 logements financés, comme tous les logements sociaux, par des prêts sur fonds d'épargne.
Deux milliards d'euros ont effectivement été dévolus à la recapitalisation de Dexia.
En ce qui concerne les PME, je veux rappeler qu'il y a tout de même 7 milliards d'euros de fonds propres qui leur sont aujourd'hui affectés au moyen des véhicules de fonds travaillant par le biais de CDC Entreprises – qui possède le savoir-faire requis en la matière, comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire. Il conviendra de rechercher, dans le cadre de la mise en place du fonds d'investissement, la meilleure façon d'amplifier ce qui est fait actuellement par la CDC dans le secteur des PME et des entreprises – par l'entremise de sa filiale CDC Capital Investissement, qui constitue un outil moins important en matière de consommation de fonds, mais néanmoins essentiel pour les entreprises de plus grande dimension concernées. Ceci nécessitera peut-être d'opérer des choix stratégiques, tout en veillant, évidemment, à préserver ce qui constitue le coeur du dispositif, notamment les filiales du type de la CNP qui, compte tenu de l'affectio societatis et des liens organiques existant avec la Caisse, ont vocation à rester dans le périmètre de l'institution publique. Il est, en revanche, permis de s'interroger sur l'opportunité de conserver certaines filiales à long terme.
Enfin, madame la ministre, j'ai cru comprendre qu'il pourrait y avoir des apports extérieurs de l'État. Il me semble qu'une réflexion sur les participations minoritaires détenues par l'APE doit être engagée si nous voulons avoir un effet de masse dans le fonds qui va être créé, et faire en sorte que celui-ci puisse disposer d'une capacité d'emprunt suffisante. On peut également envisager une discussion avec le FRR en vue de voir ce fonds investir une partie des actifs dont il dispose – sous réserve de l'accord des partenaires sociaux.
J'aimerais interroger Mme la ministre au sujet d'un autre point évoqué ce matin par le Président de la République : il s'agit de la proposition, qui me paraît essentielle, visant à opérer une réforme de la taxe professionnelle pour les investissements effectués entre aujourd'hui et le 31 décembre 2009.
Ma première question est relative à la forme. Ce dispositif sera-t-il présenté dans le cadre de la loi de finances rectificative de fin d'année ou dans le cadre de la deuxième partie de la loi de finances, étant précisé qu'il n'aura pas d'incidence sur les comptes de l'État en 2009 ?
Il sera présenté dans le cadre de la loi de finances rectificative.
J'en prends note, madame la ministre.
Sur le fond, je considère qu'il s'agit d'une excellente mesure. Elle consiste en effet à exonérer de taxe professionnelle tous les investissements réalisés par les entreprises – petites, grandes ou moyennes – jusqu'au 31 décembre 2009. Il s'agit en quelque sorte d'un dégrèvement pour investissements nouveaux semblable à celui qui existe depuis 2004, si ce n'est que le dégrèvement qui va être mis en place sera constant, alors que celui qui existe actuellement diminue en biseau pour disparaître au bout de trois ans. Par ailleurs, le champ des investissements concernés par la nouvelle mesure est beaucoup plus large, puisque le dégrèvement pour investissements nouveaux ne s'appliquait jusqu'alors qu'aux équipements faisant l'objet d'un amortissement dégressif, donc essentiellement aux entreprises à caractère industriel. La nouvelle mesure a, elle, vocation à s'adresser à toutes les entreprises, y compris les entreprises de services.
Cette mesure, nous l'attendions tous – je ne pense pas être contredit par nos collègues de l'opposition – depuis la suppression de la part salaire, car nous étions bien conscients qu'un impôt fondé désormais à 80 % sur les investissements et à 20 % sur la valeur foncière ne pourrait pas tenir longtemps.
Je vais donc vous poser la question que nous nous posons tous, madame la ministre. Une décision de ce type, même si elle est censée ne produire ses effets que jusque fin 2009, ne nous amène-t-elle pas logiquement à mettre en oeuvre une réforme générale de la taxe professionnelle avant cette échéance ?
En tout état de cause, pouvez-vous nous confirmer un point qui me paraît très important, à savoir le fait que l'exonération des nouveaux investissements jusqu'au 31 décembre 2009 prendra bien la forme d'un dégrèvement, et non d'une compensation ou d'une exonération avec ticket modérateur ?
Si c'est bien un dégrèvement, les collectivités locales ne perdront pas un euro dans l'opération.
Je crois que nous devrions nous mettre dès demain autour d'une table afin de commencer à réfléchir à ce que nous allons mettre en place à la suite de cette disposition temporaire. Cette réforme est simple du point de vue du contribuable, qui ne peut qu'être d'accord. Il sera d'accord aussi pour conserver la part foncière – pour ma part, j'estime qu'il faut conserver également la cotisation minimale de taxe professionnelle dans la mesure où cela simplifie la réforme. La vraie question est de savoir par quel impôt – qui ne constitue pas un ersatz d'autonomie fiscale – nous allons pouvoir remplacer la taxe professionnelle. Ce qui complique les choses, c'est que cette taxe est actuellement perçue par différents échelons de collectivités territoriales : la commune, l'intercommunalité « quatre taxes », le département et la région, sans oublier les chambres de commerce. Face à la complexité de la tâche, nous allons devoir nous y atteler le plus rapidement possible, et nous attendons de connaître vos propositions en la matière, madame la ministre.
Au nom du groupe auquel j'appartiens, je veux tout d'abord vous remercier, madame la ministre, pour les informations que vous avez eu l'obligeance de nous apporter, ce que nous avons beaucoup apprécié.
Au risque de vous surprendre, je me permets de vous conseiller la lecture du livre Le Maître des horloges, de Philippe Delmas, qui a été le collaborateur de Philippe Camus avant qu'ils ne tombent tous deux dans le même traquenard, ce qui leur valut d'être traités avec une grande injustice, mais n'enlève rien à leurs qualités et à la pertinence de leurs analyses. En l'occurrence, ce livre dénonçait l'entreprise d'affaiblissement de l'État auxquels se livraient certains et, annonçant à l'avance la crise que nous sommes en train de vivre, préconisait un nécessaire retour de l'État.
Par ailleurs, madame la ministre, vous avez précisé que ce fonds d'investissement traduirait les choix stratégiques effectués par l'État. À l'instar du président de la commission des finances, je ne peux que souscrire à cette vision des choses et convenir qu'il semble s'agir là d'une bonne mesure.
Cela étant, lors d'un déplacement effectué en Lorraine il y a quelques mois, le Président de la République avait indiqué que l'État ferait en sorte que l'entreprise sidérurgique Mittal, alors défaillante, conserve sa vocation industrielle. Je souhaite que lorsque vous viendrez nous présenter plus complètement le plan qui vient d'être annoncé, vous puissiez nous préciser si la sidérurgie française fera, ou non, partie des secteurs stratégiques destinés à être soutenus par le fonds d'investissement.
Enfin, pour ce qui est de la taxe professionnelle, il est clair que les jours de cet impôt étaient comptés depuis la neutralisation de la part salaire, et les mesures annoncées par le Président de la République montrent bien que le compte à rebours a commencé. Je suis d'accord avec le rapporteur général pour considérer que le plus dur reste à faire, à savoir trouver un impôt en remplacement de celui qui avait vocation à financer les collectivités territoriales – à moins de considérer que c'est l'État, via les dégrèvements, qui prendra le relais de la taxe professionnelle, ce qui aurait pour effet d'abaisser encore le seuil actuel de 26 % de ressources provenant de la fiscalité locale.
M. le rapporteur général et M. Cahuzac ont raison de souligner que l'importante mesure relative à la taxe professionnelle arrive au bon moment et sera de nature à relancer l'investissement, qui a constitué au cours des derniers trimestres le plus puissant des trois moteurs de la croissance. Ils ont également raison de s'interroger sur ce qui va se passer au terme des effets de cette mesure qui, intervenant dans la loi de finances rectificative, va s'appliquer d'aujourd'hui au 31 décembre 2009.
Le calendrier fixé par Président de la République et le Premier ministre prévoit d'abord la mise en oeuvre de cette mesure de soutien d'urgence. Il s'agira ensuite de mettre en place la commission Balladur, qui sera chargée de mener une réflexion sur les compétences territoriales, de déterminer les niveaux de responsabilité appropriés ainsi que les structures nouvelles. Sur le fondement des propositions qui seront faites par cette commission, il conviendra ensuite de définir les voies et moyens d'une réforme de la taxe professionnelle qui suivra le chemin ouvert par Dominique Strauss-Kahn, consistant à restreindre la base en réduisant la part salaire. Nous nous acheminerons de la sorte vers un impôt sans doute différent, avec une base comprenant, je l'espère, beaucoup moins d'investissements, ce qui sera propice à la compétitivité des entreprises. Il nous appartiendra, dans un travail à effectuer en collaboration avec votre assemblée, en particulier avec la commission des finances, de trouver une solution de remplacement pour permettre aux collectivités territoriales de financer leurs activités.
Nous reprenons le cours de notre débat, avec l'examen de l'article 10.
La parole est à M. le ministre.
J'ai déjà eu l'occasion de clarifier les intentions du Gouvernement sur la question des relations financières entre l'État et les collectivités territoriales, puisque nous avons abordé ce débat lors de la discussion générale. J'ai rappelé que le redressement de nos finances publiques appelle nécessairement un effort partagé : l'État y prend toute sa part, mais les collectivités locales doivent évidemment y contribuer, dans une proportion qui devra être déterminée dans le cadre d'un débat serein.
Le fil conducteur de la proposition du Gouvernement est de respecter le principe selon lequel l'État ne demande aux collectivités ni plus ni moins que l'effort qu'il s'impose à lui-même, c'est-à-dire une progression de l'ensemble des concours au niveau de l'inflation – cette ligne ayant été fixée dès le mois de juillet dernier, personne ne peut se plaindre d'être pris en traître.
Cette évolution conduit à une augmentation de la dotation de l'État de 1,1 milliard d'euros en 2009 par rapport à 2008, soit 200 millions de plus. Au total, les collectivités locales percevront donc 56,5 milliards d'euros en 2009.
Au sein de cette progression – là encore, notre ligne est peut-être contestée mais elle est claire et assumée –, priorité est donnée à l'investissement : vous en êtes d'accord, mais c'est les conclusions que nous tirons de ce choix que vous risquez de désapprouver. Certains d'entre vous estiment en effet que l'État a changé cette année la règle du jeu en introduisant dans l'évolution des concours celle du FCTVA – nous en avons déjà longuement débattu, il y a quelques jours.
Nous ne touchons pas au FCTVA. Conformément aux attentes des élus, il sera intégralement versé aux collectivités territoriales. Il est garanti et suivra le rythme d'évolution de leurs investissements. Il n'est pas question de remettre en cause les plans de financement arrêtés par les collectivités locales. Le FCTVA progressera donc de 660 millions d'euros en 2009, pour atteindre 5,9 milliards.
Le Gouvernement a également souhaité trouvé un équilibre pour les autres dotations de prélèvements sur recettes qui reviendront aux collectivités territoriales. D'un côté, chaque élu est attaché à la progression de la DGF et de ses différentes composantes, notamment de la DSU ; de l'autre, certaines catégories de collectivités bénéficient de compensations d'exonérations fiscales, dont le montant ajusté, année après année, peut représenter une part importante de leurs recettes. Il fallait donc trouver une sorte de compromis entre l'intérêt de tous et la préservation de l'équilibre budgétaire de certaines collectivités. Nous vous proposons pour cela trois mesures.
La première consiste à limiter la progression de la DGF en l'alignant sur l'inflation prévisionnelle en 2009. Cela signifie que la DGF se voit appliquer la même règle que l'État : on augmente bien le FCTVA de ce qu'il doit augmenter, c'est-à-dire des investissements effectués il y a deux ans, et on augmente la DGF à hauteur de l'inflation, sans rattraper l'inflation sur les dépenses au titre du passé, puisqu'il s'agit d'une indexation sur l'inflation prévisionnelle. Là encore, vous pouvez ne pas être d'accord, mais nous l'assumons ; nous l'avions annoncé dès le mois de juillet et l'avons dit au CLF.
En second lieu, nous gelons la progression des autres dotations, afin de préserver la compensation fiscale d'un écrasement trop important, et nous étendons à l'ensemble des dotations l'assiette des compensations d'exonérations fiscales qui supporte la diminution nécessaire à assurer l'équilibre des dotations.
Votre rapporteur proposera d'améliorer encore cet équilibre en limitant la progression des amendes de police au profit de la préservation des compensations d'exonérations fiscales. Je suis pour ma part très favorable à ce type de propositions, qui améliorent l'équilibre du projet du Gouvernement, dès lors que les cadrages globaux, c'est-à-dire la progression de l'ensemble à hauteur de l'inflation, ne s'en trouvent pas modifiés.
Enfin, nous pourrons comme chaque année discuter de la poursuite des transferts de compétences au bénéfice des départements et des régions, voire de la rectification du montant des ressources transférées lorsqu'il a été constaté une insuffisance. Nous aurons surtout l'occasion de discuter de la compensation aux départements de la mise en oeuvre du revenu de solidarité active couplé avec la reconduction du fonds de mobilisation départementale pour l'insertion, le FMDI.
Un mot pour terminer sur la DSU. Mme le ministre de l'intérieur est parvenue à un accord avec l'ensemble des élus qui l'ont rencontrée, conformément aux orientations que nous avions évoquées ensemble, J'ai le sentiment que chacun s'estime satisfait par cet accord.
Voilà ce que je tenais à vous dire en préambule à notre débat sur les collectivités locales.
Madame la ministre, monsieur le ministre, nous abordons l'examen de plusieurs articles traitant des collectivités locales. Sans refaire la discussion générale, il convient de s'y arrêter un instant, pour qu'il soit pris acte, dès le début de l'examen de ces articles, du désaccord, clair et net, des députés socialistes, radicaux et citoyens avec l'architecture globale de votre projet de budget pour les collectivités locales.
Ce désaccord porte sur trois points qui nourrissent notre inquiétude.
Nous estimons en premier lieu que le FCTVA n'a rien à faire dans l'enveloppe normée. En effet, le remboursement de la TVA est un dû pour les collectivités locales qui ont investi. Il s'agit d'un retour sur investissement, lequel investissement a généré une perception de TVA. Il n'a donc rien à faire à l'intérieur d'une enveloppe contingentée, pardon, normée – le lapsus est révélateur.
Nous ne pouvons ensuite admettre que cette enveloppe normée n'évolue que de 2 %. Vous calez l'évolution de cette enveloppe sur celle de l'inflation prévisionnelle retenue pour la construction de votre budget, mais elle est sans rapport avec la hausse des prix réellement constatée. Au final, cette progression de 2 % ne peut donc aboutir qu'à une diminution du pouvoir d'achat des collectivités locales, ce qui n'est pas acceptable.
Enfin, et il faut dire la vérité, compte tenu de la répartition des composantes de cette enveloppe normée, entre ce qui relève de la dotation globale de fonctionnement et ce qui relève de la péréquation, pour la plupart des collectivités locales, les dotations qui proviennent de l'État seront en baisse en 2009.
Qu'elle perçoive ou non une dotation de péréquation, au vu de l'évolution de la dotation globale de fonctionnement, dont la part garantie est gelée depuis quelques années, et puisque les dotations de compensation sont en baisse de 20 %, une commune ne peut en effet que voir diminuer ses dotations d'État.
Or ces dotations représentent, pour nombre de communes et d'intercommunalités, 30 à 40 % des recettes, et celles-ci vont donc diminuer en 2009, comme c'était déjà le cas en 2008. Sans compter que les intercommunalités sont désormais dotées d'une seule ressource, la taxe professionnelle unique, dont nous savons qu'elle n'a cessé d'être amputée par les réformes fiscales successives. Que pourront faire les édiles si les deux tiers de leurs recettes diminuent ?
Monsieur le ministre, madame la ministre, les dotations de l'État sont les ressources des collectivités locales. Elles déterminent leur capacité à agir. Or votre projet constitue pour elle un véritable étranglement financier. Le budget que vous proposez est un garrot passé au cou de nos édiles. Attention, l'asphyxie menace !
Monsieur le ministre, vous aviez raison : nous sommes en désaccord avec vos propos, même si nous vous remercions d'avoir de nouveau introduit ce débat.
Chacun d'entre nous représente ici un bout de territoire, pour lequel il plaide forcément. Mais, quand on additionne toutes ces parcelles, on obtient une vision globale de ce qui se passe sur le sol français. J'ai le sentiment, pour ma part, de défendre un peu plus que d'autres le monde rural, et je le fais avec fierté. Et c'est un nouveau cri d'alarme que je veux lancer ce soir, après mon intervention dans la discussion générale.
Non, monsieur le ministre, les décisions que vous prenez sur le financement de nos collectivités territoriales ne sont pas bonnes. Vous avez votre logique, nous l'avons entendue, mais nous ne pouvons la partager.
L'introduction du FCTVA dans l'enveloppe nous semble un tour de passe-passe. Tout à l'heure, en effet, vous n'avez pas été au bout de votre pensée, lorsque vous avez évoqué une progression de 2 % pour la DGF. En effet, ces 2 % ne s'appliquent pas à la DGF mais à l'enveloppe normée dans laquelle est introduit le FCTVA, ce qui change tout.
Vous avez eu l'honnêteté de dire que, dans le même temps, vous figiez un certain nombre d'autres dotations, comme la dotation de développement rural, pourtant si utile à nos départements, ou bien la DGE, que tous les maires attendent pour rénover une route ou une école.
Certaines communes de mon département n'ont qu'une cinquantaine d'habitants, mais il faut gérer des kilomètres de voirie communale, ce qui n'est pas facile. Et je regrette que votre vision globale des choses vous empêche de percevoir ces situations particulières.
Certes, on entend dire qu'il faut en finir avec tous ces découpages, mais ils existent aujourd'hui, et les maires doivent les gérer. Vous ne prenez pas en compte les disparités qui existent entre les territoires. Quand nous parlons de péréquation, ce n'est pas par plaisir, mais simplement parce que nous regrettons que nos concitoyens n'aient pas tous les mêmes droits. Nous ne voulons pas devenir des citoyens de deuxième ou de troisième zone. Les zones rurales veulent vivre ; elles ne veulent pas survivre. Les droits à la culture, au sport, à la santé, sont des droits universels. Or ils sont aujourd'hui menacés dans leurs fondements. Nous revendiquons le droit au développement. Nous refusons que des pans entiers de nos territoires soient sacrifiés !
Que cela plaise ou non, la solidarité nationale doit s'appliquer. Les élus ne passent pas leur temps à se plaindre, ils ont autre chose à faire. Dans cette enceinte, j'entends encore résonner la voix d'Augustin Bonrepaux, grand défenseur du monde rural. Je me rappelle ses plaidoyers pour une réforme générale de la fiscalité qui place les femmes et les hommes au centre des territoires et les territoires au centre de notre devise républicaine : « Liberté, égalité, fraternité ». Pour la liberté, rien à dire ; mais pour l'égalité et la fraternité, c'est autre chose. Madame la ministre, monsieur le ministre, l'heure est grave. Alors, Augustin, reviens, ils sont devenus fous ! (Rires. – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Le budget est un acte fondateur : il l'est pour l'État, il l'est tout autant pour les collectivités territoriales, qui veulent mener leurs propres politiques en fonction de leurs compétences.
Vous nous avez dit, monsieur le ministre, vouloir amener les collectivités territoriales sur le terrain où s'engage l'État, que vous appelez le terrain de la vertu ; vous dites vouloir les faire participer à la réduction des déficits publics. Mais vous n'êtes pas sans savoir que les collectivités participent à l'investissement public à hauteur de 75 %. Si demain vous diminuez leurs dotations, l'activité économique générale en souffrira.
Le débat sur la justice fiscale est complexe. Il faut tenir compte de plusieurs équilibres.
Il y a, d'abord, l'équilibre entre impôts directs et indirects. Tout à l'heure ont déjà été évoqués le bouclier fiscal et l'impôt de solidarité sur la fortune, mais aussi l'impact des politiques qui touchent aux impôts indirects à travers la TVA : celle-ci, qui est l'impôt qui touche le plus grand nombre de nos concitoyens, alimente fortement le budget de l'État. Dans le même temps, vous n'avez de cesse d'affaiblir le rendement de la fiscalité directe, en particulier celle touchant les catégories les plus aisées.
Mais il y aussi l'équilibre entre la fiscalité nationale et la fiscalité locale. Notre fiscalité est complexe ; l'État, à force d'abattements, est même devenu le premier contributeur à la fiscalité locale !
Je rejoins donc les orateurs précédents sur la nécessité de mettre en oeuvre une réforme fiscale d'envergure, notamment des bases d'imposition : je pense à la réforme des valeurs locatives – serpent de mer, peut-être, mais dont on reparle plus précisément grâce à l'action des associations d'élus. Je rappelle ce que disait avant-hier M. Balligand : les élus ne souhaitent pas une révision au fil de l'eau. Ce qu'il nous faut, collectivement, mettre en place, c'est une réforme qui permette à toutes les collectivités territoriales d'exercer pleinement leurs compétences.
Je partage aussi les interrogations qui viennent d'être exprimées par Dominique Baert et Michel Vergnier sur la taxe professionnelle. On ne peut indéfiniment baisser les impôts sur les entreprises sans trouver des modes de remplacement ou de compensation, et il faut rester très vigilant quant à l'équilibre de la fiscalité entre les différents agents économiques, notamment les entreprises et les ménages. S'agissant du cas particulier de la taxe professionnelle, rappelons que le système des intercommunalités s'est le plus souvent bâti sur la taxe professionnelle unique : dès lors, il risque d'être fragilisé. Les élus locaux s'interrogent à ce sujet.
L'impôt est un outil de redistribution, c'est aussi un levier des politiques nationales et locales : n'oubliez pas que l'activité économique du pays tout entier est en jeu. Les élus entendent exercer pleinement leurs compétences et peser sur cette activité ; c'est aussi une façon de rendre service au pays.
Les propos de M. le ministre sur le budget des collectivités locales étaient techniques, mais ils me laissent une drôle d'impression. Il est vrai que j'ai encore dans l'oreille les reproches adressés hier, lors de la séance de questions au Gouvernement, aux collectivités locales qui annonçaient des augmentations d'impôt. Je me demande s'il n'y a pas là une certaine cohérence, comme si le Gouvernement et la majorité voulaient se venger de l'issue des dernières élections régionales, cantonales et municipales, en forçant les élus locaux à choisir : ou bien augmenter les impôts, ou bien ne rien faire.
Malgré vos propos techniques rassurants, la proposition d'inclure le fonds de compensation de la TVA dans l'enveloppe normée laisse très bien imaginer quels moyens seront concédés aux collectivités locales. L'inquiétude grandit encore si l'on considère les actions menées par ces collectivités. Elles tissent d'abord un filet de protection sociale lorsque les difficultés surviennent, et l'on constate déjà, dans un certain nombre de départements, l'apparition de problèmes de logement ; on voit repartir à la hausse les crédits d'hébergement, mais aussi les crédits du RMI. Mais nos collectivités sont aussi un outil d'investissement, qui représente plus des trois quarts de l'investissement public.
La question – régulièrement posée par l'opposition – est celle de l'objectif que vous visez. Monsieur le ministre, lorsque vous essayez, de façon quelque peu enrobée, de démontrer que le fonds de compensation de la TVA est presque une recette accordée par le Gouvernement aux collectivités locales, on croit rêver ! C'est au contraire un dû, un dû aux collectivités locales qui se sont montrées, ces dernières années, très entreprenantes, qui ont essayé d'investir et de rendre plus acceptable – disons-le comme cela – la vie de tous nos concitoyens dans leurs territoires.
Si vous me le permettez, madame la ministre, je voudrais faire le lien avec les annonces faites par M. le Président de la République, ce matin, sur la taxe professionnelle. J'exprime ici, encore une fois, nos inquiétudes.
Nous avons vu ce qu'ont donné les précédentes réformes de la taxe professionnelle ; la plus récente, menée en 2006, a encore des répercussions sur bon nombre de collectivités, et notamment de départements. Il avait alors été décidé que la taxe professionnelle devait être calculée ou sur la valeur de 2005, ou sur la valeur de 2004 majorée, pour les départements, de 7,3 %, ou sur la valeur de l'année d'imposition. Mais ce calcul a été fait en période de transfert de charges, c'est-à-dire au moment où certains départements, pour faire face aux besoins liés à ces transferts non compensés, avaient augmenté leurs taux d'impôts locaux.
Aujourd'hui, que voit-on ? Ce sont les trois départements dont les dépenses sociales sont les plus élevées qui doivent verser à l'État le « ticket modérateur » le plus important : la Seine-Saint-Denis, le Nord et le Pas-de-Calais. Quand on voit la charge supportée par ces trois départements, notamment au titre du RMI, on se dit qu'il y a quelque chose qui ne tourne pas rond dans le calcul de la taxe professionnelle.
Deux chiffres seulement, monsieur le président. Ils feront mieux comprendre les raisons qui m'ont amené, avec mes collègues socialistes, à proposer des amendements.
Le « ticket modérateur » pour la Seine-Saint-Denis s'élevait à près de 22 millions d'euros en 2007, il atteindra près de 23 millions en 2008. Le Nord a versé 31 millions en 2007, le Pas-de-Calais une somme équivalente. Or les charges du RMI, par exemple, s'élevaient en 2006 à 266 millions en Seine-Saint-Denis et à 354 millions dans le Nord. À l'inverse, les Hauts-de-Seine, qui dépensaient 118 millions d'euros au titre du RMI, ne sont pas taxés par le ticket modérateur !
Voyez, madame la ministre, pourquoi nous nous méfions de toute modification de la taxe professionnelle.
Si l'on ne prête pas attention aux charges sociales de nombreux départements, toute réforme peut avoir de fortes conséquences négatives. C'est pourquoi, madame la ministre, monsieur le ministre, nous avons déposé plusieurs amendements : les collectivités qui rencontrent des difficultés particulières ne doivent pas être doublement pénalisées.
Pour conclure les interventions sur l'article, je crois pouvoir dire, monsieur le ministre, que nous avons ensemble un certain nombre d'accords, mais aussi un certain nombre de désaccords très vifs, et, je le crains, irréductibles.
Nous nous accordons sur le fait que les collectivités locales doivent participer au redressement du pays – si, du moins, vous ne tentez pas de leur faire porter une charge disproportionnée : on connaît l'endettement de notre pays, mais aussi les parts respectives qu'y prennent l'État, la sécurité sociale et les collectivités locales. Contribuer au redressement, oui, mais à proportion de la responsabilité des collectivités locales dans cette dégradation, et pas au-delà ! Voilà qui me paraît normal.
Pour qu'elles participent à ce redressement, nous pouvons aussi tomber d'accord sur l'idée de fixer une norme d'évolution des subsides versés par l'État aux collectivités locales – si nous pouvons être favorables au principe, il faudra toutefois discuter du niveau d'évolution de cette enveloppe.
En revanche, notre désaccord est clair sur la présentation que vous faites du fonds de compensation de la TVA, et sur son utilisation.
Monsieur le ministre, si le FCTVA augmente l'année prochaine, ce n'est pas par un accès de générosité subit du Gouvernement ! C'est parce qu'il y a deux ans, les collectivités territoriales ont investi de façon très dynamique. L'augmentation, aujourd'hui, du FCTVA n'est qu'une conséquence mécanique de ce dynamisme. Ce n'est pas un geste que vous faites, ce n'est pas un compromis que vous proposez, c'est une règle que vous appliquez : celle qui prévalait il y a deux ans lorsque les collectivités locales ont décidé d'investir. Avouez qu'il serait choquant que cette règle change une fois ces investissements réalisés ! Le niveau du FCTVA, les collectivités locales l'ont mérité ; elles ne vous le doivent pas ; elles le percevront.
Nous sommes en désaccord aussi sur l'utilisation que vous faites du FCTVA ; car puisque vous ne pouvez pas, ou du moins ne voulez pas, en modifier le mécanisme, et puisque vous l'intégrez dans l'enveloppe normée, alors les autres subsides sont soumis à une règle beaucoup plus stricte en réalité que celle que vous annoncez. M. Charles de Courson vous l'a répété, et il a raison : cette règle est plus stricte que celle que vous appliquez à l'État : l'évolution sera limitée 0,8 %, et certainement pas égale à l'inflation ! Inclure le FCTVA dans les dotations pour expliquer ensuite que leur évolution est conforme à la norme zéro volume, permettez-moi de vous le dire, sans animosité : cette présentation n'est pas honnête.
La conséquence sera simple. Vous espérez que les collectivités territoriales réduiront leurs frais de fonctionnement. Bien sûr, celles qui le pourront le feront ; mais vous êtes vous-même maire d'une commune et vous savez parfaitement que cela ne peut pas se faire sans grandes difficultés, et certainement pas d'un mois sur l'autre, voire d'une année sur l'autre.
La conséquence sera mécanique : c'est l'investissement qui va diminuer. Vous menez donc une politique qui va renforcer le cycle économique : ce n'est pas au moment où le pays doit se redresser, doit relancer son économie, que les collectivités doivent diminuer leurs investissements, bien au contraire ! Elles devraient les maintenir et même les augmenter, elles les diminueront. Nous connaissons tous l'importance de la commande publique, municipale, départementale ou régionale, dans la bonne marche des entreprises de nos territoires : ce sont ces entreprises qui en subiront le contrecoup au premier chef, et de la façon la plus violente.
Ce n'est pas ce qu'il fallait faire pour relancer l'activité dans les territoires. Je vous en prie, cessez de présenter cette mesure gouvernementale comme une mesure favorable. En réalité, j'y insiste, ce n'est ni un cadeau, ni une faveur, mais l'application pure et simple d'une règle.
Je me résume : inclure le FCTVA dans l'enveloppe normée revient mécaniquement à limiter la progression des autres dotations à 0,8 %. Contrairement à ce que vous espérez, ce ne sont pas les dépenses de fonctionnement qui prendront cette décision de plein fouet mais, au moins en partie, les dépenses d'investissement. Cela veut dire qu'en réalité, cette mesure est procyclique, alors que c'est le contraire qu'il faudrait faire. Comprenez, madame, monsieur les ministres, que nous nous ayons mis tout notre coeur à tenter de vous en convaincre.
Sur l'article 10, je suis saisi d'un amendement de suppression, n° 199.
La parole est à M. Jérôme Cahuzac.
Je viens d'expliquer la raison pour laquelle nous demandons que l'article 10 soit supprimé. Mais je profite de l'occasion pour souhaiter, à minuit une, un bon anniversaire à notre collègue Dominique Baert. (Sourires et applaudissements.)
Monsieur Baert, nous sommes très heureux, nous aussi, de vous souhaiter un très bon anniversaire.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 199 ?
La commission n'a pas retenu cet amendement puisque la règle du jeu, cette année, est une indexation de l'ensemble des concours sur les 2 % d'inflation.
Même avis : je me suis expliqué à ce sujet dans mes propos liminaires.
(L'amendement n° 199 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 193 .
La parole est à M. Jérôme Cahuzac.
Encore une fois, nous pouvons avoir des désaccords mais je ne veux pas qu'il y ait de malentendu : prétendre que l'évolution est de 2 % quand, dans cette enveloppe, est inclus le FCTVA qui, en réalité, ne peut subir cette norme puisqu'il s'agit de la régularisation d'opérations menées il y a deux ans, n'est acceptable pour personne et sur aucun de ces bancs. L'évolution est de 0,8 %, le mieux serait que le Gouvernement et le rapporteur général l'admettent.
Défavorable car, malheureusement, nous ne pouvons pas, compte tenu des contraintes budgétaires, monter jusqu'à 3,39 %.
(L'amendement n° 193 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 198 .
La parole est à M. Dominique Baert.
On dit que l'âge donne la sagesse, peut-être cet anniversaire va-t-il renforcer ma force de conviction. Je pense en tout cas que cet amendement pourrait rencontrer une oreille intéressée chez notre rapporteur général, si j'en crois ce qu'il nous a dit en commission des finances. D'autant que c'est une proposition dictée par la sagesse.
Faire évoluer la dotation globale de fonctionnement par rapport au taux d'inflation prévisionnel revient à prendre acte d'une perte de pouvoir d'achat des collectivités locales puisque l'inflation réellement constatée ces douze derniers mois a été supérieure au taux d'inflation prévisionnel annexé au projet de loi de finances. Je propose donc de tenir compte du taux d'inflation annuel réellement constaté avant le dépôt du projet de loi de finances.
Si je dis un grand bien de cette proposition, ce n'est pas parce que c'est l'anniversaire de M. Baert ! (Sourires.)
Malgré tout, je lui suggère de conserver son amendement sous le coude pour que nous puissions le mettre en oeuvre dès que possible dans les prochaines années.
Malheureusement, ce n'est pas possible cette année parce qu'il engendrerait un coût supplémentaire de 400 millions d'euros.
Notre collègue suggère d'indexer la DGF sur des indices passés, c'est-à-dire des indices connus. Cela permettrait d'éviter la gymnastique à laquelle nous nous livrons chaque année pour constater que la DGF, prévue sur une croissance prévisionnelle de l'année en cours et une inflation prévisionnelle de l'année à venir qui ne sont jamais confirmées par les faits, doit être régularisée. Ces dix dernières années, les régularisations sur des masses qui frôlent les 40 milliards d'euros ont représenté, si on fait le total des plus et des moins, 20 millions d'euros. Se livrer à toute cette gymnastique pour 20 millions, ça ne vaut pas le coup !
Il est en effet empreint d'une grande sagesse et nous l'adopterons dès que nos finances nous permettront de le mettre en oeuvre. Malheureusement, ce ne peut être cette année.
Même avis. Je n'avais pas ce calcul des 20 millions à ma disposition, mais il est intéressant. Aujourd'hui, nous travaillons sur une base forfaitaire. Peut-être faudra-t-il évoluer à un moment donné, en passant – pourquoi pas ? – à une base réelle. Mais il faudra trouver un système qui nous le permette. Cette année n'est pas une bonne année pour le faire. (Sourires.)
(L'amendement n° 198 n'est pas adopté.)
Défavorable, hélas !
(L'amendement n° 116 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Défendu.
(L'amendement n° 213 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 21 rectifié , qui fait l'objet d'un sous-amendement n° 283 .
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement.
Cet amendement s'inscrit dans la droite ligne de la suggestion de M. Baert mais il vaut pour le passé.
Aujourd'hui, nous avons un système de régularisation. Dans l'article 10, le Gouvernement, dans sa très grande générosité, nous propose d'annuler la régularisation négative afférente à l'année 2007. En juillet 2008, le Comité des finances locales a en effet constaté que 66 millions d'euros avaient été versés en trop. À l'initiative d'un membre éminent du Comité qui connaît bien la musique, notre collègue Michel Charasse, nous avons voté un voeu pour demander que cette régularisation négative s'impute non pas en diminution de la DGF 2009 mais en diminution de la régularisation positive que nous devrions constater en juillet 2009 au titre de la DGF 2008.
Le Gouvernement en a tiré les conclusions suivantes : d'une part, il annule la régularisation négative de 2007, d'autre part, c'est l'esprit d'escalier, il se prémunit contre une éventuelle régularisation positive de juillet 2009 en faisant en sorte que la DGF 2009 ne soit pas indexée sur une DGF recalée de 2008 mais qu'on ait une progression uniquement de loi de finances initiale 2008 à loi de finances initiale 2009, ce qui donne les 2 %.
Dans ces conditions, je propose au Gouvernement d'abandonner purement et simplement la régularisation. Cela me semble équitable, il faut aller au bout du raisonnement et, dès que nous le pourrons – je reviens à la proposition de M. Baert –, nous indexerons la DGF sur un indice définitivement connu.
L'explication du rapporteur général est parfaite dans ce qu'il a dit, imparfaite dans ce qu'il a oublié de dire, d'ailleurs il ne pouvait s'empêcher d'en rire alors que le sujet y prête peu.
En effet, cette régularisation, présentée comme une simplification pour les gestionnaires de collectivités locales que nous sommes pour beaucoup d'entre nous, est en réalité un marché de dupes. D'un côté, on propose de ne pas récupérer, à notre détriment, une cinquantaine de millions, mais de l'autre, on nous explique – ou plutôt on s'en garde – que nous ne recevrons pas quelques centaines de millions. Bref, dans son immense générosité, le Gouvernement renonce à récupérer quelque 50 millions d'euros, mais, dans sa grande pingrerie, il décide de ne pas nous reverser entre 500 et 550 millions, l'été prochain.
Naturellement, à cette heure tardive, après une journée riche en débats, il faut que les choses se terminent bien, mais quand même, mes chers collègues ! Nous qui sommes, sur tous ces bancs, des gestionnaires avisés des collectivités locales, nous ne pouvons que conclure, face à l'inclusion du FCTVA dans l'enveloppe normée, face au constat que les enveloppes évoluent de 0, 8 % et non pas du taux de l'inflation comme cela nous est annoncé – ce qui imposera aux collectivités un effort plus important que celui que l'État s'impose à lui-même – ou encore devant cette apparente simplification qui n'est en réalité qu'un marché de dupes : dans cette année budgétaire difficile, les collectivités sont la variable d'ajustement budgétaire du Gouvernement.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement et le sous-amendement ?
Je ne suis pas favorable au sous-amendement. En revanche, je suis favorable à l'amendement. Ce n'est pas un marché de dupes. C'est la clarification de nos relations.
C'est comme ça cette année, mais je pense qu'ainsi, les choses sont parfaitement claires.
Oui, 50 millions contre 500 !
(Le sous-amendement n° 283 n'est pas adopté.)
Rendez-vous dans les communes !
(L'amendement n° 21 rectifié est adopté.)
(L'article 10, amendé, est adopté.)
Prochaine séance, vendredi 24 octobre 2008, à neuf heures trente :
Suite de la première partie du projet de loi de finances pour 2009.
La séance est levée.
(La séance est levée, le vendredi 24 octobre 2008, à zéro heure dix.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma