La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
Ma question, à laquelle j'associe François Rochebloine et l'excellent président Sauvadet, s'adresse à M. Bruno Le Maire, ministre de l'agriculture. Elle concerne les conséquences pour nos agriculteurs du moratoire sur les aides à la production d'énergie photovoltaïque.
Le Gouvernement a mis en place un certain nombre d'aides à cette production. Mais le prix de rachat par EDF s'est avéré trop élevé et la France n'a pas réussi à mettre en place une filière industrielle. De plus, certains projets aidés n'étaient que pure spéculation financière.
En décembre dernier, vous avez décidé un moratoire sur ces aides. Il est maintenant urgent d'en sortir. C'est un enjeu considérable pour les particuliers et les collectivités, mais surtout pour notre agriculture, notamment les éleveurs, qui utilisent leurs bâtiments pour produire l'énergie nécessaire à leur élevage et augmenter leurs ressources.
En Allemagne, 33 % des revenus des agriculteurs proviennent de la méthanisation, du photovoltaïque ou d'autres énergies renouvelables. Et ces investissements sont très largement subventionnés. Ils constituent une aide supplémentaire à l'agriculture allemande, qui conduit à une véritable distorsion de concurrence et qui s'ajoute à des coûts de main-d'oeuvre pénalisants pour l'agriculture française.
Plus grave, certains de nos agriculteurs ont engagé des investissements dans des conditions économiques données et risquent, demain, d'être en difficulté pour les amortir.
Quand ce moratoire prendra-t-il fin et quelles seront les nouvelles conditions financières ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
La parole est à M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement.
Monsieur le député, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser Nathalie Kosciusko-Morizet, qui est retenue à la commission d'évaluation de la candidature d'Annecy à l'organisation des Jeux Olympiques d'hiver de 2018.
Dans le cadre du Grenelle de l'environnement, le Gouvernement s'est fixé des objectifs très ambitieux en matière de développement de l'énergie photovoltaïque. Bien évidemment, cette ambition implique des obligations très importantes en matière industrielle comme dans le domaine environnemental.
Une bulle spéculative s'est développée, vous l'avez dit, sur le photovoltaïque. Le système n'était pas soutenable en l'état, notamment pour les consommateurs qui paient la facture et les investissements. C'est la raison pour laquelle, sous l'autorité du Premier ministre, un décret a été pris afin d'établir un nouveau cadre.
Nous avons souhaité que la suspension soit la plus courte possible. La mission de concertation qui a été confiée à MM. Charpin et Trink doit remettre ses conclusions la semaine prochaine. Toutes les parties prenantes ont été consultées. Le Gouvernement peut vous annoncer que son objectif est d'instaurer une nouvelle réglementation avant le 8 mars prochain, marquant la fin de la suspension des règles actuelles.
Ce nouveau cadre devra bien évidemment favoriser l'émergence d'une filière nationale, qui soit compétitive à l'exportation et performante du point de vue environnemental.
Au-delà de la filière photovoltaïque, les énergies renouvelables constituent, vous l'avez souligné, un atout majeur pour le développement de notre agriculture. Le Gouvernement, autour de Bruno Le Maire, travaille en ce sens, et notamment à la mise en place de nouveaux tarifs pour le rachat d'électricité et de gaz produit par la méthanisation.
La parole est à M. Michel Vaxès, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'économie et des finances.
En 2010, la TVA a apporté 171 milliards d'euros sur un total de recettes fiscales nettes de 252 milliards d'euros. Autrement dit, les deux tiers des recettes qui servent à financer la redistribution sont fournis par un impôt socialement très injuste, puisqu'il touche sans progressivité la totalité des consommateurs. De façon plus significative encore, le bouclier fiscal contribue à préserver les intérêts des revenus les plus élevés et à concentrer l'essentiel de l'effort fiscal direct sur les revenus moyens.
Le travail ne coûte pas trop cher, mais l'aristocratie ne s'estime jamais assez rémunérée. À la recherche de rentabilité à court terme, les actionnaires sont prêts à tout pour préserver leur marge.
La subordination des salariés à un ordre qui les dépouille toujours un peu plus des fruits de leur travail s'intensifie. Les ressources publiques sont mises à contribution de façon déraisonnable pour financer ce processus d'accumulation au bénéfice de quelques-uns.
Les appréciations que je viens de vous livrer ne sont pas les miennes. Elles sont extraites d'un livre particulièrement instructif, dont l'auteur, Éric Verhaeghe, ancien membre du MEDEF, vient de claquer la porte de cette organisation. Il y démonte point par point tous les mensonges qui constituent les discours patronaux et gouvernementaux.
Un débat sur ces questions agite votre majorité : le patron de l'UMP et le Premier ministre paraissent s'opposer moins sur le fond que sur le calendrier. Nos concitoyens ont droit à la vérité. Allez-vous renoncer définitivement à l'augmentation de la TVA et à une nouvelle diminution des cotisations patronales ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
La parole est à M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État.
Monsieur Vaxès, ce débat portant par extension sur le financement de la sécurité sociale, notre modèle social, l'État-providence et la solidarité entre tous, n'est pas un débat médiocre. C'est même un débat indispensable. C'est la raison pour laquelle nous l'abordons avec beaucoup de sérénité et de sens des responsabilités.
Vous posez la question de la TVA. La position du Gouvernement est très simple : nous avons un objectif intangible de réduction des déficits publics. Pour y parvenir, nous travaillons sur un levier, celui de la dépense publique. Vous le savez : la France est en tête du hit parade des pays de l'Union européenne avec un taux de dépense publique parmi les plus élevés au monde (Protestations sur les bancs du groupe GDR) : 56 %. Pour vous, 56 %, ce n'est pas assez, pour nous, c'est trop, compte tenu de la situation de nos finances publiques, et de la nécessité de nous adapter à un État moderne et à une prestation de service public que nos concitoyens attendent.
Nous travaillons sur la dépense, sur toutes les sources de dépenses, celles de l'État et de ses opérateurs ; celles de la sécurité sociale, en encadrant l'objectif national des dépenses d'assurance maladie ; celles des collectivités locales.
Nous ne travaillons pas sur les prélèvements obligatoires. Il n'y aura pas de hausse des prélèvements obligatoires, pas de hausse de l'impôt sur le revenu, pas de hausse de l'impôt sur les sociétés, pas de hausse de la TVA.
Mais ce débat va prospérer. Les uns et les autres feront connaître leur position. Le Premier ministre a eu l'occasion d'exprimer la sienne ; j'ai donné la mienne à la lumière de mon expérience locale. Je ne suis pas favorable à une hausse de la TVA en vue de créer une TVA sociale, car pour être efficace il faudrait que cette hausse soit de cinq points au moins, l'équivalent de 40 milliards. Notre modèle économique, assis sur la consommation qui soutient la croissance, ne peut pas le supporter aujourd'hui. Nous allons dans la bonne direction en réduisant les dépenses sans augmenter les impôts. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Brigitte Barèges, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le garde des sceaux, dans quelques jours, cela fera trois ans que nous avons voté, dans cet hémicycle, la loi du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental. Cette loi a été complétée l'année dernière par celle du 10 mars 2010.
Ces textes prévoyaient notamment qu'à l'issue de leur peine, les criminels les plus dangereux feraient l'objet d'une expertise à la fois psychiatrique et judiciaire, avant leur remise en liberté, afin d'apprécier le risque de récidive et de dangerosité, et pourraient, dans l'hypothèse où ce risque serait avéré, faire l'objet d'une mesure de rétention de sûreté.
Je n'aurai pas l'indélicatesse de rappeler à quelques députés se trouvant sur les bancs du groupe socialiste que c'est parce qu'ils ont jugé intelligent de mener un combat politicien que cette mesure a perdu une partie de sa portée,…
…car jugée non rétroactive par le Conseil constitutionnel. Elle ne sera donc applicable qu'à partir de 2023 ! En d'autres termes, nous sommes aujourd'hui confrontés à une réalité effroyable : nous savons la cruelle réalité statistique en matière de récidive des criminels les plus dangereux, nous avons l'arsenal législatif qui nous permet de lutter contre ce phénomène de multi-récidive, mais nous ne pouvons pas nous en servir !
Aucun des criminels condamnés avant février 2008 n'est en effet concerné par cette loi.
L'heure n'est plus aux grandes théories philosophiques. Que pèse la liberté individuelle de je ne sais quel criminel psychopathe récidiviste au regard de la vie d'innocentes victimes ?
Ma question, monsieur le ministre, est de savoir quelles mesures le Gouvernement entend prendre pour nous protéger des risques de ces délinquants sexuels pendant les douze ans qui viennent ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.
Madame Barèges, le problème de la récidive est en effet essentiel dans notre chaîne pénale. Je veux rappeler, comme vous l'avez suggéré, que grâce aux textes votés récemment par la majorité, magistrats, policiers et gendarmes sont dotés d'un arsenal juridique très complet : loi sur la surveillance judiciaire en 2005, loi sur la surveillance et la rétention de sûreté en 2008 et loi sur la récidive en 2010.
Très naturellement, il faut préparer la sortie de prison. C'est essentiel. Pour cela, nous disposons d'un outil de grande valeur, qui est le Centre national d'évaluation de Fresnes. Chaque année, 350 condamnés parmi les plus dangereux font l'objet d'une évaluation dans ce centre, qui est une structure pluridisciplinaire composée de travailleurs sociaux, de psychiatres, de psychologues et de surveillants. Ils y observent pendant plusieurs semaines les condamnés et rendent leurs conclusions aux magistrats.
Mon objectif à très court terme est de développer le recours à ce type d'examen approfondi de la personnalité des criminels et du risque de récidive qu'ils présentent en créant deux ou trois structures supplémentaires de ce type sur le territoire national.
La parole est à M. Bernard Cazeneuve, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le Premier ministre, l'entreprise AREVA emploie 30 000 salariés et représente 9 milliards d'euros de chiffres d'affaires. Elle est confrontée à un triple défi, qui renvoie l'État à sa responsabilité d'actionnaire.
Le premier défi est industriel. Nous attendons du Gouvernement qu'il définisse des orientations pour l'avenir de cette entreprise, auxquelles on puisse adosser son développement, sachant qu'AREVA a pour principale caractéristique de rassembler en son sein toutes les activités industrielles, de l'amont jusqu'à l'aval du cycle, à l'exception de la production d'énergie.
Le démantèlement de cette entreprise a commencé l'an dernier, lorsque le Gouvernement a demandé à AREVA de vendre sa filiale Transmission et Distribution, qui représentait 40 % de son chiffre d'affaires. Ce démantèlement a failli se poursuivre à travers la volonté d'intérêts qataris d'entrer au capital d'AREVA, en contrepartie d'une mainmise sur les mines d'uranium, qui posaient un problème d'approvisionnement. Ce projet n'a finalement pas abouti.
Le deuxième défi est capitalistique. Une augmentation de capital est nécessaire pour permettre le développement d'AREVA. Elle a eu lieu récemment, mais l'État est resté très en retrait : 300 millions d'euros sur les 900 millions apportés. Les 600 millions correspondant au solde l'ont été par un fonds souverain koweiti. Cette augmentation de capital a été, en réalité, un début de privatisation.
Le troisième enjeu est managérial. Le 3 août, le Gouvernement, en conseil des ministres, a pris des dispositions particulières concernant le renouvellement de la présidence d'AREVA, qui ciblent plus spécialement Anne Lauvergeon, laquelle incarne pourtant la réussite d'un groupe intégré et performant.
Tout cela est injuste et crée de la confusion. Je ne vois pas à quelles considérations d'intérêt général correspond cette stratégie. Je voudrais donc savoir, monsieur le Premier ministre, quels intérêts elle sert ?
La parole est à M. Éric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique.
Monsieur Cazeneuve, vous avez raison : le nucléaire est un atout pour notre pays, que nous entendons développer et pérenniser.
C'est un atout pour l'indépendance énergétique. L'équivalent de 85 % de notre électricité est d'origine électronucléaire, énergie qui n'entraîne que peu d'émissions de gaz à effet de serre.
Pour développer cet atout, nous disposons de plusieurs champions : EDF, GDF, AREVA, Alstom et le CEA. Vous avez eu raison de le souligner : AREVA est l'un de nos fleurons.
Il est très injuste de suggérer que le Gouvernement cherche à déstabiliser ou veut démanteler AREVA. Nous l'accompagnons, au contraire, dans sa stratégie de développement.
Nous l'avons fait en lui apportant les moyens financiers dont elle a besoin, puisque AREVA doit réaliser 6,5 milliards d'investissements d'ici 2012. Vous avez rappelé ce qu'a été la première augmentation de capital. Il y a eu la cession de T and D, souhaitée par le conseil d'administration d'AREVA, puis 900 millions de premier apport de capital : 600 par le fonds du Koweit KAIA, 300 par l'État. Le Premier ministre et le Président de la République ont eu l'occasion de dire que cela pouvait n'être qu'une première étape et qu'il y en aurait peut-être une seconde dans les mois à venir.
En ce qui concerne l'arrivée à terme du mandat de la présidente, tout se passe très naturellement. Le conseil de surveillance établit une liste de noms potentiels, parmi lesquels figure celui de la présidente actuelle. Les choses se feront tranquillement. Le Président de la République et le Premier ministre décideront, le moment venu. Il n'y a pas d'anathème. Personne n'est écarté.
Il y aura par ailleurs un conseil de politique nucléaire qui réorganisera la filière nucléaire pour qu'elle reste un atout.
La parole est à M. Jean Mallot, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le Premier ministre, lors de sa campagne présidentielle de 2007, le candidat Sarkozy avait déclaré vouloir une démocratie irréprochable, un État impartial. Il ajoutait : « Si l'État veut être respecté, il doit être respectable. Je ne transigerai pas. »
La commission Sauvé, mise en place à l'occasion de l'affaire Woerth-Bettencourt (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), définit la notion de conflit d'intérêts comme une situation d'interférence entre une mission de service public et l'intérêt privé d'une personne qui concourt à l'exercice de cette mission.
Il avait pourtant fallu de longs mois au Président de la République pour admettre que la situation d'Éric Woerth, à la fois ministre du budget et trésorier de l'UMP, correspondait exactement à cette définition. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) M. Woerth a d'ailleurs été écarté de ces deux fonctions.
Entre-temps, deux autres ministres avaient été éliminés, sans doute pour éloigner les regards. Cela n'a pas empêché le Président de la République, là encore récidiviste, de réunir, à nouveau, le mois dernier le Premier cercle des généreux donateurs de l'UMP dans un grand hôtel parisien. (Même mouvement.)
La ministre des affaires étrangères, quant à elle, alors que le mécontentement populaire en Tunisie avait largement entamé le processus qui allait conduire à la chute du régime Ben Ali, n'a rien trouvé de mieux que d'aller passer ses vacances dans ce pays (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) et d'utiliser, par commodité, l'avion privé d'un homme d'affaires proche du pouvoir. Ses explications emberlificotées et contradictoires n'y changent rien. Elle a commis une faute et l'image de la France en pâtit. (Protestations sur les mêmes bancs.)
Mais voilà que les Français, consternés, découvrent ce matin que vous-même, monsieur le Premier ministre, avez passé vos vacances personnelles en Égypte, en grande partie aux frais du régime en place. (« Marseille ! Marseille ! » sur les bancs du groupe UMP.) Ne pensez-vous pas que cela commence à faire beaucoup ? Quand allez-vous enfin mettre en cohérence votre comportement et celui de vos ministres avec les proclamations vertueuses du Président de la République ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur Mallot, je comprends que vous vouliez m'interroger sur le séjour que j'ai effectué, à la fin de l'année, en Égypte.
Avant de le faire, je voudrais – pardon d'exprimer un sentiment personnel – remercier tous ceux qui, du côté de la majorité, m'ont apporté un soutien très fort, mais aussi tous ceux qui à gauche, de Robert Badinter à Jean-Pierre Chevènement, en passant par beaucoup d'autres, ont eu des propos mesurés et responsables. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Mon voyage était connu, puisque j'ai eu l'occasion, notamment, d'y rencontrer de manière officielle le Président égyptien, avec lequel, je le rappelle, la France entretient, depuis longtemps de très bonnes relations diplomatiques,…
…pour une raison simple : c'est qu'il s'agit d'un homme qui a joué un rôle clé dans l'établissement du processus de paix au Proche-Orient. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si, il y a quelques mois, c'est au Caire que le Président Obama, dont on vante par ailleurs la perspicacité sur tous ces sujets du Moyen-Orient, a décidé de s'adresser au monde arabe. (« C'est vrai ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Ce n'est pas non plus un hasard si, il y a quelques semaines, c'est aux côtés du président Moubarak et du roi de Jordanie que M. Obama a tenté, malheureusement sans succès, de relancer le processus de paix. (« Et les vacances ? » sur les bancs du groupe SRC.)
Je vais y venir.
J'ai répondu à une invitation ancienne et réitérée du gouvernement égyptien. Je l'ai fait, comme beaucoup d'autres chefs de gouvernement, …
…en famille, comme vous dites, et comme beaucoup d'autres présidents de la République. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.) Je n'ai pas besoin de m'étendre à ce sujet. (« Mitterrand ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Dans un souci de transparence, j'ai publié, hier, un communiqué qui donne tous les détails de ce déplacement et je vous y renvoie, car je n'ai pas l'intention de me répéter. En le lisant, vous constaterez que j'ai respecté strictement toutes les règles qui s'attachent aux déplacements privés à l'étranger du Premier ministre, comme du Président de la République, règles qui obéissent à des contraintes de sécurité et à des contraintes diplomatiques. (Les députés du groupe UMP et plusieurs députés du groupe NC se lèvent et applaudissent longuement. – Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
La parole est à Mme Valérie Boyer, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État chargé des transports, et je la pose au nom de l'ensemble des députés UMP de Marseille, Roland Blum, Renaud Muselier, Jean Roatta, Guy Teissier et Dominique Tian.
Alors que le port de Marseille s'asphyxie, le silence des élus socialistes est assourdissant.
Alors que de fausses affaires font la une de l'actualité nationale et que nous recevons des leçons de morale et de probité du parti socialiste, de vraies affaires polluent la vie publique, en particulier à Marseille. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Pourquoi ce silence sur les attributions de subventions de la région PACA, qui ont conduit à une levée partielle d'immunité parlementaire, des mises en examen et même des incarcérations ? (« Pourquoi ? » sur les bancs du groupe UMP.)
Pourquoi ce silence sur les marchés frauduleux de la communauté d'agglomération du pays d'Aubagne, la communauté Marseille-Provence-Métropole ou encore le conseil général des Bouches-du-Rhône ? (« Pourquoi ? » sur les bancs du groupe UMP.)
Pour certaines de ces affaires, nous en sommes à plus de sept chefs d'accusation et non des moindres : détournement de fonds, trafic d'influence, corruption active, abus de biens sociaux, détournement de marchés publics, et même, selon la presse, achat d'électeurs et grand banditisme. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Je ne suis ni juge ni procureur, et j'ai confiance dans la justice de mon pays : laissons-la faire. Mais en tant qu'élue de la République, je m'indigne. (« Nous aussi ! » sur les bancs du groupe UMP.) Si vous partagez mon indignation, quels que soient les bancs sur lesquels vous siégez, ne vous trompez pas de combat.
Il y a urgence aujourd'hui : il faut sauver les ports français et le port de Marseille en particulier, car les récents événements contribuent à faire reculer la ville de Marseille et à faire souffrir les Marseillais, qui subissent ce climat délétère.
Ce sont souvent ces mêmes élus qui soutiennent les actions de la CGT, qui fait tant de mal à notre ville. L'attitude des ouvriers dockers est antidémocratique et antirépublicaine.
De plus, des informations parues dans la presse, ainsi qu'un rapport de la Cour des comptes qui devrait être bientôt dévoilé, font apparaître des choses hallucinantes.
On apprend que les conducteurs de grues et de portiques ne travailleraient de façon effective que quatorze heures par semaine à Fos et douze heures à Marseille (« Ouh ! » sur les bancs du groupe UMP)…
…et recevraient une rémunération comprise entre 3 500 et 4 500 euros nets, grâce à des systèmes de gratifications peu lisibles !
Monsieur le secrétaire d'État, qu'allez-vous faire pour remédier à cette situation ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Thierry Mariani, secrétaire d'État chargé des transports.
Vous avez raison, madame Boyer, ce sont les ports français qu'on assassine !
Pour la quatrième semaine consécutive, l'activité des ports est fortement perturbée.
Marseille, mais aussi Le Havre et l'ensemble des grands ports français voient leur activité entachée de manière dramatique.
Dramatique, parce que c'est une atteinte à leur réputation.
Dramatique, parce que l'on pousse les entreprises et les armateurs à regarder ailleurs et aller vers des ports étrangers.
Dramatique, parce que les éleveurs bretons, par exemple, risquent de ne plus avoir de quoi nourrir leur bétail.
Dramatique, parce que des entreprises sont au bord du chômage technique.
Pourquoi cette grève ? Certains employés du secteur portuaire demandent, au nom de la pénibilité, à partir quatre ans avant l'âge légal de la retraite. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)
Peut-il y avoir, dans ce domaine, une mesure dérogatoire pour une partie des travailleurs ?
Le Gouvernement réaffirme qu'il ira jusqu'au bout de la réforme portuaire parce que c'est la seule condition pour que nos ports puissent rivaliser avec les ports étrangers. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Nous appliquerons la réforme en toute équité. Oui, nous sommes prêts à reconnaître la pénibilité, mais dans le cadre de la loi, c'est-à-dire en accordant deux ans au maximum aux travailleurs concernés.
Je rappelle que la Cour des comptes, qui rendra son rapport demain, est présidée par un ancien député socialiste. J'imagine mal que l'on mette en doute sa probité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Quand je lis que certains conducteurs de portique travailleraient dix à douze heures par semaine, j'estime que leurs revendications sont tout à fait excessives ! Les négociations reprennent ce soir. J'espère que la raison reviendra ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. François Asensi, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
De la Tunisie à l'Égypte, l'exigence de liberté mobilise l'ensemble du monde arabe dans sa diversité.
Cette même exigence guide le peuple palestinien, soutenu par de nombreux pacifistes israéliens.
Une mission parlementaire de notre assemblée s'est rendue en Palestine. Nous avons été bouleversés par les humiliations, la ségrégation, les souffrances endurées au quotidien par les populations palestiniennes.
La semaine dernière encore, à Bilin, une jeune pacifiste a été tuée par l'armée israélienne alors qu'elle manifestait contre la partition de son village par le mur.
Le gouvernement israélien poursuit sa politique de colonisation de la Cisjordanie, en créant de véritables bantoustans. Chaque jour, la Palestine se trouve un peu plus morcelée.
Je partage les propos du Premier ministre palestinien lors de sa visite en France : « L'idée de deux États comme solution au conflit est désormais sérieusement en danger. »
Ne nous leurrons pas, le processus de paix sous sa forme actuelle est en échec. Le moment est venu que la France reconnaisse officiellement l'État palestinien dans ses frontières de 1967 avec Jérusalem-Est comme capitale. Le monde arabe nous regarde et attend de nous un signe fort, conforme au message universel de la France et à la tradition républicaine d'indépendance de notre diplomatie.
Monsieur le Premier ministre, la France est-elle prête à reconnaître maintenant l'État de Palestine ? Le peuple palestinien refuse d'attendre plus longtemps pour avoir sa terre et un État souverain. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et plusieurs bancs du groupe SRC.)
La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes.
La position de la France, monsieur le député, a toujours été claire. Nous appelons à la création d'un État palestinien indépendant, viable et démocratique, établi sur la base des frontières de 1967. Nous appelons à la proclamation de Jérusalem comme capitale des deux États. Nous appelons à la garantie pour Israël de sa sécurité et de sa pleine intégration dans la région.
Lors de mon récent voyage dans la région, j'ai rappelé ces thèmes ainsi que l'urgence d'aboutir à ce résultat.
Vous pouvez être assuré de la détermination et des efforts de la France pour obtenir ce résultat et pour soutenir les Palestiniens dans l'élaboration des conditions économiques et étatiques de la création de l'État. Le Premier ministre se rendra à Ramallah dans le courant de l'année. Je rappelle également que la France a été la première en Europe à rehausser le statut de la représentation palestinienne en France ; l'ambassadeur de Palestine a récemment remis ses lettres de créance au Président de la République à l'Élysée.
Dans le même temps, nous devons continuer à soutenir le plan Fayyad qui permet à la Palestine d'émerger. Les améliorations que j'ai constatées sur le terrain le justifient. La semaine dernière, j'ai organisé le dîner de suivi de la conférence des donateurs, auquel ont assisté le Premier ministre Fayyad, Mme Asthon et les différents contributeurs, ainsi que l'adjoint de M. Blair. Ce dîner nous a permis de mettre en évidence la réussite du suivi de la conférence. Les objectifs ont été atteints et, à cette occasion, il a été rappelé que la France organiserait d'ici au mois de juin une deuxième conférence des donateurs, qui aura pour but non de se substituer au processus de création de l'État palestinien d'ici à la fin 2 011, mais de l'accompagner. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP et du groupe GDR.)
La parole est à M. Alain Cousin, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse au secrétaire d'État auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce extérieur.
Monsieur le secrétaire d'État, vous avez rendu publics hier matin les résultats de notre commerce extérieur pour 2010. Le déficit commercial de la France atteint 51,4 milliards d'euros. (« C'est énorme ! » sur les bancs du groupe SRC.)
Ce déficit, si l'on en déduit la facture de l'énergie, est quasiment stable : il représente 20,3 milliards d'euros, il en représentait 19,5 en 2009.
La France est donc pénalisée par la flambée du prix du pétrole, mais cela ne doit pas nous empêcher de regarder en face les problèmes structurels de notre économie.
Ainsi, dans le même temps et sur le même exercice, l'Allemagne a dégagé un excédent commercial de 126 milliards d'euros, alors qu'elle exporte avec la même monnaie que nous, et selon les mêmes règles européennes. Il n'y a donc aucune fatalité à ce que nous continuions à connaître un commerce extérieur déficitaire.
Monsieur le secrétaire d'État, comment analyser les causes structurelles qui sous-tendent ce déficit toutes ces dernières années ? En particulier, quelle place nos PME occupent-elles dans notre commerce extérieur et comment cette place évolue-t-elle ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Monsieur le député, je veux d'abord vous remercier du temps que vous consacrez à votre engagement comme président d'Ubifrance, où vous donnez un vrai coup de main à notre politique à l'exportation.
Vous avez énoncé les chiffres. Point positif, nos exportations ont redécollé l'année dernière, après une année de crise, augmentant de 13,5 %, en cohérence avec la reprise du commerce mondial. Autre point positif : les conclusions de grands contrats ont augmenté de 38 %, ce qui prouve que nos grands groupes sont efficaces. Quand on réalise 47,5 milliards d'exportations supplémentaires, mesdames et messieurs les députés, cela veut dire que 120 000 emplois ont été consolidés ou créés en France en 2011. Cette question est donc majeure.
Voilà pourquoi il faut tenir un discours de vérité. Je vous remercie de l'avoir fait. Pour ma part, je me refuse à toute complaisance. L'écart entre les Allemands et nous atteint presque 10 % du PIB. À cela deux raisons. D'abord, la capacité des Allemands à être beaucoup plus présents que nous sur les marchés à très forte demande, les marchés émergents : l'écart est de 1 à 4 en Chine ou en Inde, par exemple. Ensuite, nos exportations émanent trop souvent de grands groupes et non de PME ; là encore, l'écart est de 1 à 4.
Demain, avec le Premier ministre, lors des rencontres de l'export, à Bercy, nous aurons l'occasion de revenir sur les causes de ces handicaps : la compétitivité, le coût du travail, les conditions de transmission des PME, mais aussi l'absence de la fluidité avec laquelle la demande mondiale devrait rencontrer l'offre française. Il faut que l'équipe de France de l'export travaille mieux, qu'il s'agisse des chambres de commerce, des régions, de l'État ou des conseillers à l'export. Nous nous y consacrons entièrement, sachez-le. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Alain Vidalies, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le Premier ministre, au-delà de l'éthique se pose une question politique : ces complaisances des dictateurs ou de leur entourage sont-elles intéressées ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Ces invitations, ces cadeaux ne sont-ils pas destinés à affaiblir la capacité de la France à défendre les droits universels dont nous sommes porteurs, la démocratie et la liberté ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Quand la ministre des affaires étrangères propose de mettre l'expertise de la France au service du maintien de l'ordre alors que le sang coule à Tunis, ne constate-t-on pas les dégâts causés par cette familiarité intéressée ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
La réponse que vous apportez ignore le fond de la question que se posent aujourd'hui tous les Français. Non, ce n'est pas dans l'ordre des choses de mélanger voyage officiel et vacances privées. (Mêmes mouvements.) Non, ce n'est pas dans l'ordre des choses de se faire offrir un voyage d'agrément par un riche homme d'affaires proche d'un dictateur ou par un gouvernement étranger aux méthodes condamnables. Ce n'est pas dans l'ordre des choses sous prétexte que cela aurait toujours existé. (Protestations sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)
Non, monsieur le Premier ministre, les turpitudes d'hier ne peuvent justifier les turpitudes d'aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Les Français n'ont que faire des indignations sélectives des uns ou des autres. La République irréprochable ne saurait être limitée au temps des campagnes électorales.
Alors que les Français vivent de plus en plus durement, vous leur donnez le spectacle d'un pouvoir coupé des réalités quotidiennes, qui confond en permanence l'intérêt général et les intérêts privés. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Le temps est venu d'une loi sur les conflits d'intérêts, d'une autre pratique du pouvoir et de la transparence.
Au moment où, à Tunis ou au Caire, des hommes meurent pour accéder à la liberté et à la démocratie (Protestations sur les bancs du groupe UMP), c'est la France des droits universels et de la Déclaration des droits de l'homme que l'on attend.
Le temps est venu de redonner aux Français confiance en leurs représentants et, pour tous les hommes, de retrouver confiance en la France, patrie des droits de l'homme. C'est votre responsabilité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur Vidalies, il y a des choses qu'on voudrait ne pas entendre, et il y a des choses qu'on ne saurait entendre.
J'étais prêt à vous accompagner dans l'entreprise qui nous attend : les travaux menés par Mme Grosskost, du groupe UMP, et par M. Balligand visant à permettre à la représentation nationale de définir un périmètre consensuel permettant d'identifier ce qui relève d'un conflit d'intérêts, afin de mieux en prémunir, en effet, ceux qui exercent des responsabilités au service de l'État, dans l'exécutif, dans la magistrature, bref tous ceux qui, à un titre ou à un autre, incarnent la puissance publique.
J'étais prêt à vous accompagner dans la définition commune d'un calendrier, d'une méthode de travail et d'objectifs partagés, afin qu'ensemble nous tournions en effet le dos au passé et que nous nous adaptions à l'évolution de notre société, puisque ce qui était normal, commun et accepté par tous il y a peu de temps encore fait aujourd'hui l'objet d'exigences de transparence plus poussées.
Il s'agit d'élaborer un texte, et c'est la représentation nationale qui en définira les contours. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Toutefois, je ne peux laisser sans réponse ce que vous avez dit en commençant. Je ne peux rester sans réagir, vis-à-vis de celles et ceux qui nous regardent, au culot d'acier d'un représentant du parti socialiste…
…qui ose montrer du doigt le Gouvernement, alors que M. Gbagbo est membre de l'Internationale socialiste (Huées et exclamations sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC),…
…comme M. Ben Ali, comme M. Moubarak ! Et vous avez attendu le dernier moment pour dire : « Non, ce ne sont pas nos frères,… »
Plusieurs députés du groupe UMP. Faux culs !
« …et d'ailleurs, nous ne les connaissons même pas ! » C'est un peu passé à la trappe, mais n'avons-nous pas vu à la télévision un ancien ministre des affaires étrangères, ancien président du Conseil constitutionnel,…
…donner des conseils à M. Gbagbo, qui est, encore aujourd'hui, illégitimement en poste en Côte d'Ivoire (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP), refusant le mandat démocratique librement consenti par les Ivoiriens, par lequel ceux-ci ont placé son successeur légal, M. Ouattara, à la tête du pays ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Fabienne Labrette-Ménager, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Madame la ministre chargée de l'apprentissage et de la formation professionnelle, le Conseil d'orientation pour l'emploi a rendu le 30 novembre dernier un rapport qui souligne que notre pays compte plus de 3 millions de personnes en situation d'illettrisme.
Contrairement aux idées reçues, l'illettrisme n'épargne malheureusement pas le marché du travail puisque plus de la moitié des personnes concernées ont un emploi. L'illettrisme touche des personnes de tous les âges et recouvre des situations très diverses. Il constitue un obstacle majeur pour l'accès ou le maintien dans l'emploi, la progression professionnelle et l'accès aux responsabilités.
La loi du 24 novembre 2009 relative à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie a réaffirmé avec force que la formation professionnelle devait permettre à chaque personne d'acquérir mais aussi de développer des compétences afin de favoriser son évolution professionnelle.
Chaque année, dans le cadre du programme « Compétences clés », des fonds sont consacrés au renforcement des compétences et des savoirs de base. Ces financements ont été complétés grâce à l'action des partenaires sociaux au travers du fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels.
Toutefois, la question des moyens ne suffit pas. Il faut permettre au plus grand nombre de salariés de se réapproprier les acquis fondamentaux en français, en calcul, en expression écrite et orale.
Le 3 février dernier, madame la ministre, vous vous êtes rendue au sein d'une unité de l'usine Novandie, du groupe Andros dans la Sarthe, pour rencontrer des salariés qui ont fait le choix, en accord avec leur employeur, de se réapproprier les savoirs de base dans le cadre du programme « Mille et une lettres ».
À l'occasion de ce déplacement, vous avez réaffirmé votre engagement en faveur du renforcement des savoirs de base en tant qu'outils de sécurisation des parcours professionnels. Pourriez-vous nous préciser les actions que vous entendez mener pour lutter contre l'illettrisme ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Nadine Morano, ministre chargée de l'apprentissage et de la formation professionnelle.
Madame la députée, le Gouvernement s'est fixé pour devoir et pour priorité d'être aux côtés de nos concitoyens les plus fragiles, ceux qui ont besoin de nous.
Avec Xavier Bertrand, nous avons examiné de près la situation des trois millions de nos concitoyens qui aujourd'hui souffrent…
je dis bien « souffrent » – d'illettrisme, parce qu'ils ont mal appris, ou désappris, les compétences de base. Il faut savoir que 15 % des demandeurs d'emploi sont confrontés aujourd'hui à ce handicap.
Nous avons décidé de consacrer des moyens importants à la lutte contre l'illettrisme – priorité affichée par François Fillon – à travers un plan doté de 54 millions d'euros, budget en augmentation de 43 % par rapport à 2009.
Le 29 mars prochain, nous allons organiser une grande journée de travail destinée à formaliser les programmes d'accompagnement de lutte contre l'illettrisme, avec l'ensemble des partenaires concernés, en particulier les partenaires sociaux. À cet égard, vous avez eu raison de souligner le rôle du fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnel, mis en oeuvre grâce à la loi de 2009 sur la formation professionnelle défendue par Laurent Wauquiez. Par son intermédiaire, 132 millions d'euros seront mobilisés par les partenaires sociaux mais aussi par les entreprises à travers les organismes paritaires collecteurs agréés pour mettre en place des programmes destinés à aider nos concitoyens à revenir vers l'emploi et, lorsqu'ils occupent un emploi, à assumer les tâches qui leur sont assignées, à lire les consignes et à pouvoir progresser dans leur vie professionnelle comme dans leur vie personnelle. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le Premier ministre, demain, des policiers et des magistrats vont manifester leur colère et ils le feront ensemble dans une unité inédite.
Ne vous trompez pas sur le sens de cette journée. Demain, ce n'est pas à une grève de fonctionnaires contre l'une de vos réformes que nous assisterons. Demain, ce ne sont pas seulement des personnes ou des corporations qui vont vous réclamer des moyens et des effectifs ; ce sont aussi, surtout et d'abord, des institutions au service des Français. Elles vous accusent d'être devenus des facteurs de désordre et d'instabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Il faut que vous soyez allés loin pour qu'elles aient choisi de se rassembler dans la réprobation de votre politique. Ce n'est pas en opposant la police et la gendarmerie à la justice que vous serez utiles aux Français. Ce n'est pas en dénonçant leurs fautes imaginaires que vous garantirez la tranquillité publique.
Participer au Gouvernement de la France, c'est être responsable. Arrêtez donc de chercher à vous défausser en vous inventant des ennemis de l'intérieur ou des coupables supposés.
Ouvrez les yeux : ce mouvement est puissant, il est national, il dépasse les clivages et concerne bien des professions – magistrats, personnels d'insertion et de probation, personnels de l'administration pénitentiaire, policiers, agents administratifs. Ils ne revendiquent rien pour eux. Ils n'ont qu'un seul message : servir efficacement l'intérêt général. Ils n'ont qu'une seule attente : que vous changiez votre politique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Philippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales.
Monsieur le député, permettez-moi tout d'abord d'excuser Brice Hortefeux, qui se trouve en ce moment au Sénat pour défendre la loi sur l'immigration.
Vos propos, s'ils étaient plus mesurés et plus nuancés, auraient plus de force. Leur portée irait au-delà de la seule volonté de provoquer un buzz médiatique destiné à cacher l'impéritie dans laquelle vous vous êtes trouvés lorsque vous étiez au gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
S'agissant du mouvement que vous évoquez, pour ce qui concerne plus particulièrement la justice, …
…permettez-moi de dire que j'ai, à titre personnel, été très surpris de constater l'émoi que semble avoir suscité le discours du Président de la République.
Le Président de la République est bien en droit, me semble-t-il, de constater que ce qui s'est passé lors de la tragédie que nous avons récemment vécue est tout simplement inacceptable. Il est de son ressort de rappeler certains éléments.
Par ailleurs, à titre personnel, j'ai pu à plusieurs reprises constater que, si la justice est toujours prompte à donner des leçons et à rappeler le principe de la séparation des pouvoirs, elle ne respecte pas ce dernier. Elle demande l'indépendance mais ne l'exerce pas de son côté. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à M. Charles de La Verpillière, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le secrétaire d'État à la fonction publique, on a longtemps reproché aux primes des fonctionnaires de ne pas tenir compte du niveau réel de responsabilité des agents, de la difficulté plus ou moins grande des fonctions exercées et des résultats obtenus individuellement ou collectivement.
Pour y remédier, ce Gouvernement a créé la prime de fonctions et de résultats qui a vocation à s'appliquer progressivement à l'ensemble des corps de la filière administrative. Elle comprend, comme son nom l'indique, une part liée aux fonctions exercées et une part liée aux résultats individuels du fonctionnaire.
Mais la rémunération au mérite doit aussi récompenser la performance collective des agents d'un même service. C'est ce que préconise un rapport sur le développement de l'intéressement collectif dans la fonction publique que notre collègue Michel Diefenbacher a remis en mai 2009.
Monsieur le secrétaire d'État, il me semblerait donc intéressant que l'État dispose d'un outil individuel et d'un outil collectif, afin de récompenser les performances de ses agents. Aussi, comptez-vous mettre en oeuvre l'intéressement collectif dans la fonction publique ?
Plus largement, à l'heure où l'opposition prétend que le pouvoir d'achat des agents publics est en baisse, pouvez-vous dire à la représentation nationale et au pays quels sont les résultats concrets de la politique salariale menée en faveur des fonctionnaires ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Georges Tron, secrétaire d'État chargé de la fonction publique.
Monsieur le député, avec votre question vous me donnez l'occasion de rendre lisible ce qui peut paraître complexe mais qui ne l'est pas.
Bien entendu, la rémunération des fonctionnaires dépend de plusieurs sources différentes. À côté du point d'indice, il y a l'intéressement collectif, les primes individuelles, le GVT – le glissement vieillesse technicité –, l'ancienneté, le retour catégoriel, c'est-à-dire les mesures que le Gouvernement décide de prendre pour financer telle ou telle politique et donc les agents qui la mettent en oeuvre. Depuis 2000, il n'y a pas eu une seule année où le pouvoir d'achat des fonctionnaires n'ait pas augmenté.
Vous m'interrogez sur l'intéressement collectif. Est-ce une idée neuve ? Non, car elle était déjà inscrite dans le statut de 1946. Est-ce nous qui préconisons sa mise en oeuvre ? Oui, nous le faisons aujourd'hui, sur la base de l'excellent rapport qui a été remis par M. Michel Diefenbacher et qui nous indique de quelle façon procéder.
Il s'agit d'une bonne mesure pour quatre raisons. D'abord, elle va servir les usagers, puisque le service public sera rendu selon des critères déterminés permettant d'en améliorer le fonctionnement. Ensuite, c'est une bonne mesure pour le contribuable puisque le service sera rendu à moindre coût. C'est aussi une bonne mesure pour l'administration qui mettra en place un mode de management collectif. Enfin, c'est une bonne mesure pour les agents, dont le pouvoir d'achat va augmenter puisque les gains issus de l'intéressement collectif aboutiront in fine à ce que chacun perçoive la même chose.
C'est donc une bonne mesure que nous mettons en oeuvre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Serge Blisko, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Ma question s'adresse à M. le garde des sceaux et porte sur le mouvement de protestation sans précédent dans tous les secteurs de la justice : les juridictions, les greffes, l'administration pénitentiaire.
Cette colère et cette mobilisation ont pour origine les déclarations populistes du Président de la République sur la responsabilité des magistrats et des travailleurs sociaux dans le drame de Pornic.
Ces attaques démagogiques visent à camoufler les résultats de la politique du Gouvernement qui classe la France au trente-septième rang sur quarante-trois en Europe pour le budget et surtout l'attention portée aux questions pénales et judiciaires.
Contrairement à ce que vous prétendez, un effort de rattrapage avait débuté entre 1997 et 2002. Vous avez depuis, en empilant des lois non suivies de décret ou de moyens d'application, essayé de faire oublier la situation désastreuse de la justice dans notre pays. Pour éviter de nouveaux drames, il faut des juges d'application des peines plus nombreux, ce qui permettrait aux 90 000 peines en attente d'être exécutées.
Quant aux conseillers d'insertion et de probation, dont le rôle est essentiel pour prévenir la récidive et mieux réinsérer les condamnés en fin de peine, ils sont surchargés de dossiers. Alors que chaque conseiller devrait gérer une soixantaine de dossiers, ce sont bien 100 à 150 qui leur sont confiés.
Face à la réalité d'une chaîne judiciaire en panne qui manque de moyens, ils se sentent méprisés et mis en cause par les autorités politiques. Face à l'illusion qu'un empilement de lois et une augmentation des places de prison seraient l'unique solution, face à l'échec de la politique de sécurité malgré les rodomontades du Président de la République, je vous demande, monsieur le ministre, quelles mesures réellement efficaces vous comptez mettre en place pour permettre à la justice de travailler. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.
Monsieur le député, vous vous trompez. Il faut regarder les chiffres tels qu'ils sont.
Depuis 2007, le budget de la justice a été en constante évolution, puisqu'il a augmenté de 3,3 % chaque année. 5 633 postes ont été créés, soit 1 455 pour l'administration judiciaire et 4 500 postes pour l'administration pénitentiaire. Ces chiffres, qui peuvent être vérifiés, montrent les efforts réalisés par le Gouvernement de François Fillon sans discontinuer depuis 2007. Il n'y a pas eu de « un sur deux » dans la justice, mais un progrès chaque année.
Si, ce sont les bons chiffres ! (« Non ! » sur les bancs du groupe SRC.) Je comprends que la vérité vous ennuie !
Et si vous voulez que nous ayons un débat loyal et honnête qui débouchera sur de vrais progrès au ministère de la justice, il faut accepter de partir sur de vraies bases, celles que je viens de vous donner.
Beaucoup d'efforts ont déjà été faits.
Certes, des progrès restent à faire, comme l'a dit le Premier ministre. Dans les jours qui viennent, nous vous montrerons la volonté du Gouvernement d'aller dans ce sens. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Didier Quentin, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le ministre chargé des affaires européennes, il y a presque un an, le 28 février 2010, la tempête Xynthia frappait durement les côtes de la Charente-Maritime et de la Vendée, entraînant des pertes humaines et des dégâts considérables.
Dans les jours suivant cette catastrophe, votre prédécesseur Pierre Lellouche s'est rendu à Bruxelles pour demander l'aide financière de l'Union européenne au titre du Fonds de solidarité de l'Union, afin de venir en aide à ces territoires et à ces habitants sinistrés qui ont dû assumer les conséquences de cette « submersion » avec beaucoup de courage et d'énergie.
Dans cet esprit, le 3 mars 2010, Johannes Hahn, commissaire européen chargé de la politique régionale, a effectué une visite de terrain pour prendre toute la mesure de la gravité des dégâts occasionnés par la tempête sur les littoraux de la Vendée et de la Charente-Maritime. À cette occasion, il s'est engagé à apporter aux élus et aux victimes un témoignage concret de la solidarité européenne, en plus des aides de l'État et des collectivités territoriales, au premier rang desquelles le conseil général de la Charente-Maritime. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Près d'un an après ce drame, pouvez-vous nous préciser quelle aide concrète entend apporter l'Union européenne en signe de solidarité à nos concitoyens encore cruellement marqués par une telle catastrophe naturelle et, surtout, dans quel délai ?
La parole est à M. Laurent Wauquiez, ministre chargé des affaires européennes.
Monsieur Quentin, vous rappelez que l'on ne doit pas traiter un problème seulement lorsqu'il est sous le feu des médias.
Ce fut la préoccupation constante des parlementaires des départements sinistrés, en particulier ceux de Charente-Maritime et de Vendée.
Les plaies sont profondes et il faudra du temps pour les cicatriser. Nous avions besoin de l'Europe pour être à vos côtés dans cette épreuve. Pierre Lellouche et le commissaire Johannes Hahn, après s'être déplacés, ont pris des engagements qui sont aujourd'hui tenus : l'aide de l'Union européenne au titre de la solidarité régionale atteint 40 millions d'euros destinés aux départements les plus touchés.
C'est là l'aboutissement de votre combat : c'est vous qui vous êtes battu pour obtenir ces aides, avec le concours des députés européens – je pense en particulier à Élisabeth Morin-Chartier. Pour les 38 communes de Charente-Maritime concernées, cette aide représentera 18 millions d'euros. Pour la dizaine de communes touchées en Vendée, l'aide sera de 6,5 millions d'euros.
Une habitude française consiste à ne parler de l'Europe que pour lui reprocher de nouvelles normes, de nouvelles contraintes, de nouvelles embûches. Montrons-nous également capables d'évoquer l'Europe quand elle se trouve à nos côtés, quand elle nous aide, quand elle est réactive et nous apporte son soutien dans l'épreuve là où nous en avons besoin. Il s'agit d'une Europe concrète, qui démontre son utilité et c'est pour cette Europe-là que nous nous engageons. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Sylvia Pinel, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Madame la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, vous avez lancé, hier, avec le Président de la République, une grande consultation sur la réforme de la dépendance. La prise en charge de la dépendance est un sujet d'intérêt national dont dépend non seulement l'avenir de notre système de protection sociale, résolument fondé sur la solidarité, mais également la pérennité de nos conseils généraux, qui assument seuls une large partie de son financement.
La crise économique et sociale, la montée du chômage, le développement de l'emploi précaire et votre réforme de la fiscalité locale conduisent les départements tout droit à la faillite alors qu'ils jouent un rôle essentiel dans le maintien de la cohésion sociale.
Soyons pragmatiques : le défi consiste à maintenir le financement des acquis, parmi lesquels l'allocation personnalisée d'autonomie qui, depuis sa création, répond à l'exigence de solidarité dont l'institution départementale est seule garante. L'effort accompli jusqu'à présent par les départements pour financer la perte d'autonomie est considérable. Face aux carences de l'État, ils ont tiré depuis très longtemps la sonnette d'alarme.
Au-delà du financement des EPAD, de la prestation de compensation du handicap, ils assument très largement celui de l'APA, dont le nombre de bénéficiaires a explosé depuis 2002. On est très loin d'une répartition de l'effort à parts égales.
Aussi, pouvez-vous préciser les intentions du Gouvernement en matière de dépendance à l'heure où les vagues successives de déremboursements médicaux contribuent à aggraver l'état de santé de nos aînés ? Au moment même où vous privilégiez la piste d'une généralisation du recours à l'assurance privée, pouvez-vous nous indiquer qui financera cette réforme et comment les conseils généraux sortiront de l'impasse financière dans laquelle ils se trouvent ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale.
Madame la députée, le Président de la République a en effet lancé hier, devant le Conseil économique, social et environnemental, un grand débat sur la dépendance. Il a rappelé les enjeux de société, souligné la nécessaire qualité des prises en charge, le rôle des aidants, évoqué les pistes financières pour réaffirmer avec force que la solidarité resterait le fondement de notre système de prise en charge de la dépendance. Il a rappelé que ce système de solidarité serait assuré massivement par l'État. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Sur les 23 milliards d'euros consacrés à la dépendance, 20 % sont à la charge des départements et 80 % à la charge de l'État.
J'insiste sur ce chiffre : 80 % de la prise en charge revient à l'État. Nous garantirons ce socle de solidarité.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. C'est faux !
Le Président de la République a affirmé qu'il nous faudrait dépenser plus et qu'il nous faudrait dépenser mieux. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Le Président n'a fermé qu'une seule piste.
Il a Insisté sur le fait qu'il n'était pas question d'alourdir le coût du travail pour ne pas pénaliser les Français. (Mêmes mouvements.)
Bien sûr, actuellement, 5 millions de nos compatriotes ont déjà souscrit des contrats-dépendance et il peut y avoir, comme pour l'assurance maladie, une part complémentaire assurée par des mutuelles – il ne s'agit pas de fermer cette porte. Reste que le Président de la République a réaffirmé les grands principes : solidarité, universalité de la prestation et paritarisme. Voilà la vraie lecture qu'il convient de faire du discours du Président de la République.
Réforme de la dépendance
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Jean-Christophe Lagarde.)
Je rappelle que, en application de l'article 54, alinéa 3, du règlement, sont autorisées des explications de vote de cinq minutes chacune, à raison d'un orateur par groupe.
La parole est à M. Michel Hunault, pour le groupe Nouveau Centre.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, les députés du Nouveau Centre apporteront leurs voix à cette proposition de loi de simplification et d'amélioration de la qualité du droit. Si le président de la commission des lois avait été sur le banc de la commission, je l'aurais félicité pour la démarche dont il fut l'initiateur.
Les objectifs de cette nouvelle loi de simplification devraient tous nous réunir.
La semaine dernière, dans l'hémicycle, avec M. Tron, qui représentait le Gouvernement, nous estimions à 8 000 ou 9 000 le nombre de lois actuellement applicables. J'ai été heureux de voir que, le week-end dernier, dans un grand journal du soir, le secrétaire général du Gouvernement a apporté des précisions à cet égard, ramenant ce chiffre à 2 000. Il a eu raison de dire que nous étions tous soucieux de voir les décrets d'application paraître dans un délai raisonnable après le vote d'une loi : ce serait un signe d'efficacité et de respect du Parlement. J'en appelle ici à la vigilance du Gouvernement : aujourd'hui, 20 % des lois n'ont reçu aucun décret d'application.
Comment apprécier cette proposition de simplification sans évoquer la codification des lois que nous appelons de nos voeux, qui doit contribuer à une meilleure connaissance de la norme juridique et à une plus grande efficacité du droit ?
C'est pour toutes ces raisons que mes collègues du Nouveau Centre apportent, à travers ma voix, leur soutien à cette proposition de loi.
Toutefois, vous me permettrez de mettre un bémol à ma satisfaction, monsieur le rapporteur. L'autre jour, nous avons siégé fort tard, jusqu'à deux heures trente du matin, et j'ai été un peu surpris d'assister, à propos de l'article 114, à une tentative d'améliorer la loi contre la corruption, dont j'ai eu l'honneur d'être le rapporteur. En effet, il est des lois qu'on ne peut toucher qu'avec prudence, pour ne pas donner l'impression qu'on veut revenir sur leurs objectifs.
Pour le reste, monsieur le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, cette simplification du droit est une démarche intéressante, qui va certainement concourir à la sécurité juridique : nous en avons bien besoin, comme nous avons besoin de codification et que soit tenu l'engagement qu'a pris M. Tron, la semaine dernière, de faire un effort pour une publication rapide des décrets.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nul n'est censé ignorer la loi. Toutefois, avec 8 000 lois et 140 000 décrets – pour ma part, je m'en tiens, non sans hésitation, à ces chiffres –, nos concitoyens ont parfois du mal à s'y retrouver. Il est donc toujours nécessaire de simplifier le droit.
Cette proposition de loi, la troisième du genre depuis le début de la législature, montre que le Parlement souhaite s'inscrire dans une démarche durable d'accessibilité, de clarification et de meilleure lisibilité des règles de droit. Elle vise en outre un objectif légitime : simplifier plusieurs procédures d'application immédiate relatives non seulement aux citoyens, mais également aux entreprises et aux collectivités locales.
De nombreuses mesures vont dans le bon sens, puisqu'elles simplifient la vie des Français, garantissent, pour les entreprises, une plus grande souplesse, et améliorent ainsi la vie quotidienne de tous. C'est la raison pour laquelle je persiste à ne pas comprendre l'obstination de nos collègues de l'opposition à ne pas voter ce texte, à ne pas soutenir le travail important que nous avons engagé, et qui devra absolument être poursuivi.
Le philosophe Léon Brunschvicg l'avait souligné à juste titre : « Le bon citoyen obéit à la loi ; meilleur est celui qui améliore la loi. »
Le meilleur, c'est celui qui respecte la loi ! Et là, on est mal parti !
Nous nous y employons et, à cet égard, je tiens à saluer, au nom du groupe UMP, l'excellent travail réalisé par la commission des lois, par son excellent rapporteur, Étienne Blanc, et par son président, Jean-Luc Warsmann.
Vous l'aurez compris, le groupe UMP votera ce texte.
Le scrutin public sur l'ensemble de la proposition de loi est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Jean-Michel Clément, pour le groupe SRC.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, simplifier et améliorer la qualité du droit est une tâche à laquelle tout un chacun, sur l'ensemble de ces bancs, est prêt à s'atteler. Il en va de notre responsabilité de législateur. Toutefois, nous devons nous interroger. Pourquoi en sommes-nous arrivés à ce troisième texte, qui comporte plus de 200 articles, modifie près de cinquante-six lois, cinq ordonnances, quatre décrets et quarante-huit de nos codes ?
Nous légiférons trop, nous légiférons mal, cela n'est plus à démontrer. Le professeur Bertrand Mathieu disait que « la loi est malade » et, pour Montesquieu, « les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires ». En réalité, l'inflation législative et la complexification du droit placent nos concitoyens dans une situation d'insécurité juridique insupportable. Tout cela porte un nom : c'est la « crise de la loi ». Cette expression est presque devenue un poncif du discours juridique. Ce qui est en cause, c'est la précipitation à l'oeuvre lors de l'élaboration des lois. Qui, sur ces bancs, contestera qu'il nous faut toujours aller plus vite, que le Parlement est devenu une véritable usine à lois ? Il suffit de regarder l'ordre du jour de notre assemblée. Depuis 2007, combien de lois avons-nous votées, et combien sont en application ? Plus nous faisons de lois et plus nous allons vite…
…et moins les lois que nous votons sont à la hauteur des défis qu'elles prétendent relever.
Pour remédier à ce désordre normatif, que préconisez-vous ? De légiférer en prenant soin de réfléchir avant d'agir et en prenant le temps de faire bien pour ne pas avoir à corriger les textes par d'autres nouveautés ? Non, bien sûr. Pour remédier à ce désordre, la majorité choisit d'élaborer un texte interminable…
…totalement incompréhensible pour n'importe quel citoyen et qui, après une seconde lecture dans les deux assemblées, est très éloigné de la proposition initiale.
Entre-temps, des pans entiers de cette loi ont rejoint d'autres textes où ils avaient toute leur place, démontrant que ce véhicule législatif de simplification n'était pas le bon.
À l'inverse, lorsque nous avons proposé des avancées réelles pour la vie de nos concitoyens – je pense aux dispositions relatives au PACS –, lorsque nous vous avons alerté sur le risque de confier à des entreprises privées certains contrôles ressortant des missions de l'HADOPI, vous avez ressorti tantôt vos réflexes conservateurs, tantôt vos réflexes libéraux. Mais vous n'avez pas hésité à réformer la procédure devant les tribunaux administratifs pour faire taire le rapporteur public dans des matières qui touchent aux libertés individuelles.
En résumé, avec ce texte, vous appliquez une recette qui a rarement prouvé ses vertus : soigner le mal par le mal.
Mais le plus grave est imminent. Dans quelques minutes, nous allons nous prononcer sur ce texte dont le titre « visant à simplifier le droit » est trompeur puisque personne ici ne le comprend en dehors, peut-être, du rapporteur. Vous nous demandez de voter les yeux fermés, au mieux à l'aveuglette. Voilà pourquoi nous ne voterons pas ce texte. Voilà pourquoi nous faisons ici la promesse solennelle de saisir le Conseil constitutionnel afin qu'il sanctionne cette démarche. Il en va du respect du principe d'intelligibilité et d'accessibilité des lois. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous arrivons au terme de la discussion d'un texte qui suscite plus d'interrogations qu'il n'apporte de solutions. Il avait initialement pour ambition de simplifier le droit et d'en améliorer la qualité, de clarifier la norme afin de la rendre à la fois plus lisible et plus applicable.
Au final, nous nous trouvons face à un fourre-tout, un antre législatif plus obscur encore que ne le fut le précédent texte dit de simplification, qui avait abouti à la grave et lamentable affaire de la scientologie.
Votre proposition de loi de plus de 150 articles aborde des thèmes aussi divers et complexes que le droit pénal, le droit rural, la fiscalité, la transposition de la directive « Services », les collectivités territoriales, les groupements d'intérêt public ou le droit de l'urbanisme.
Nous aurions pu espérer que la majorité tire les leçons du passé et de l'épisode désastreux auquel je faisais allusion à l'instant et qu'elle s'accorde avec nous sur la nécessité d'adopter une autre démarche, en saisissant l'ensemble des commissions au fond et en réalisant de véritables études d'impact. Il n'en a rien été. Le travail a été conduit en amont, avec le Conseil d'État. Onze rapporteurs ont été chargés de l'examen des différents articles ; les cinq sections administratives ont été saisies du texte. Des représentants du Gouvernement et de l'administration centrale ont apporté leur contribution au travail des rapporteurs.
Quel contraste entre, d'un côté, le temps et les moyens énormes consacrés au travail administratif et technique préparatoire, et, de l'autre, ceux, dérisoires, consacrés au débat parlementaire !
Le plus grave en l'affaire est que votre texte ne se contente pas d'opérer un toilettage du droit. Une partie seulement des articles de ce texte clarifient des normes contradictoires ou imprécises. Les autres ne simplifient pas le droit : ils le changent.
Vous avez ainsi abrogé massivement des dispositions du code pénal sans en préciser clairement ni les raisons ni les effets, modifié le statut des groupements d'établissements publics d'enseignement, tels les GRETA, introduit de nouvelles dispositions concernant la création par décret de nouveaux fichiers de police. Vous avez interdit aux titulaires d'un PACS de faire porter leur nom et prénom sur l'acte de décès de leur conjoint, modifié la loi HADOPI afin de permettre à la haute autorité de mettre en oeuvre des missions d'encouragement au développement de l'offre légale. Vous avez encore évincé le rapporteur public d'un certain nombre de procès administratifs, dans un douteux souci de rapidité.
Le Sénat a supprimé à juste titre des dispositions relatives à l'urbanisme, à la loi informatique et libertés et à la fonction publique qui n'avaient rien à faire dans un tel texte. Il reste que les abrogations et modifications en cascade contenues dans cette proposition de loi ne se sont, en général, accompagnées d'aucune justification claire. Elles entraîneront des changements dont les conséquences ne sont nullement présentées.
Loin de simplifier notre droit, votre texte le complexifie. Il participe à en intensifier la dégradation de la qualité. Il contribue plus qu'il ne la corrige à l'inflation législative qui atteint déjà, avec la multiplication des initiatives élyséennes incohérentes, des proportions ahurissantes.
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission, nous l'avons déjà souligné à plusieurs reprises, nous ne sommes pas seulement las de travailler dans la précipitation, avec un ordre du jour surchargé et sans cesse modifié, nous sommes aussi indignés par la façon dont le Parlement travaille.
Nous aurions pu, sans doute, soutenir un certain nombre de dispositions, mais il nous faut malheureusement reconnaître, pour le déplorer, que députés et sénateurs n'ont pas eu la possibilité d'expertiser la totalité du texte et d'exercer sereinement leurs prérogatives. Un principe de précaution élémentaire nous commande donc de nous tenir à l'abri des ratés. Surtout, nous ne souhaitons pas cautionner une démarche et une méthode qui passent délibérément outre le devoir de transparence auquel les parlementaires ont droit.
Pour toutes ces raisons de méthode et de fond, les députés du groupe de la gauche démocrate et républicaine voteront contre votre proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'ensemble de la proposition de loi.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 448
Nombre de suffrages exprimés 443
Majorité absolue 222
Pour l'adoption 302
Contre 141
(La proposition de loi est adoptée.)
Vote sur l'ensemble
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures trente-cinq, est reprise à seize heures quarante-cinq.)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif à la bioéthique (nos 2911, 3111).
Hier soir, l'Assemblée a commencé d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.
Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de sept heures vingt-quatre minutes pour le groupe UMP, dix heures vingt minutes pour le groupe SRC, quatre heures trois minutes pour le groupe GDR, trois heures quarante-sept minutes pour le groupe Nouveau Centre et trente-quatre minutes pour les députés non inscrits.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le groupe GDR.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État chargée de la santé, mes chers collègues, assurément, ce texte est l'aboutissement d'un grand débat. Le niveau de participation des Français a démontré que la bioéthique était, à leurs yeux, un enjeu important pour le devenir de notre société. Un enjeu en termes scientifiques, bien sûr, mais surtout un enjeu en termes de dignité de la personne humaine et de bien commun.
La question se pose d'abord de savoir comment l'individu s'affirme comme personne, comment s'opère la transformation de son individualité biologique en une personnalité psychosociale. La personne humaine n'est ni une donnée physique ou métaphysique immuable ni une convention éthico-juridique arbitraire, et donc aléatoire. Elle est, nous dit le philosophe Lucien Sève, « une dimension symbolique essentielle des rapports humains, qui prend corps dans un ensemble d'institutions et de représentations sociales comme dans la conscience pratique personnelle d'appartenir à cet ordre et d'avoir à le respecter pour autrui et pour soi-même ». Pour le philosophe, « penser la personne en tout domaine de la révolution biomédicale comme un acquis historique précieux entre tous et pourtant bien loin encore de son plein et libre développement, voilà [...] la juste voie de la bioéthique ». La question bioéthique n'est donc pas seulement une question scientifique. Il s'agit d'une question morale, d'une question historique et sociale qui engage l'avenir de l'homme et de la conception qu'on en a.
L'intérêt montré par l'opinion publique pour ce débat n'est pas étranger à cette réflexion, ce qui prouve que lorsque le monde politique consent à mettre sur la table de vrais sujets, l'opinion est capable de s'en saisir, d'en débattre et de se passionner pour eux. Hier soir, Michel Vaxès, Jacqueline Fraysse et moi-même en avons fait l'expérience avec des citoyens de Montreuil qui sont venus jusqu'à l'Assemblée pour débattre du texte qui nous est soumis.
Monsieur le rapporteur, je n'oublie pas que vous aviez accepté de répondre à mon invitation de venir passer la soirée à Montreuil avec nous pour débattre de ce sujet. Alain Claeys, lui aussi, avait accepté le principe d'y venir. Vous avez passionné votre auditoire. Vous avez été si passionnant, d'ailleurs, qu'il a tout de même fallu dire : « Heureusement, il est médecin avant d'être député UMP ! »
Je ne sais plus si je dois le prendre comme un compliment ! (Sourires.)
Être médecin, c'est un compliment, surtout quand le médecin est bon ! Pour le reste, je vous laisse apprécier… On peut avoir des opinions différentes sur le sujet !
C'est l'humanité même de l'homme que les progrès de la science et de la technique questionnent. Il est urgent de déterminer si ces bouleversements scientifiques accroîtront la servitude des hommes ou, au contraire, garantiront leur liberté, c'est-à-dire leur « puissance d'agir ». C'est pour cela qu'il nous faut continuer, avec Diderot, à chercher « dans le mouvement des connaissances des raisons d'émancipation pour les êtres humains » et poser, avec Marx – ce ne sera pas un scoop si je vous dis que j'appartiens à la tradition marxiste – l'épanouissement de l'humanitas des hommes comme « seule fin de l'histoire ».
La révolution biomédicale bouleverse nos horizons car, comme le dit Lucien Sève, « le gain de liberté qu'elle nous promet accroît en proportion notre responsabilité ». Les avancées de la recherche et la volonté illimitée de puissance de certains hommes nous imposent de revenir, une fois de plus, sur les valeurs communes universelles qui fondent les règles de notre vie en société. Il nous faut réaffirmer solennellement les droits et libertés de l'homme et du citoyen – car, si j'ose dire, nous avons « de l'ancienneté » en la matière – consacrés par la Déclaration universelle des droits de 1789 et les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République. Il nous faut également rappeler le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 qui affirme « que tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés. ».
L'annonce, en 2002, par la secte Raël, de la naissance d'un premier bébé cloné, qui, heureusement, s'est révélée n'être qu'une supercherie commerciale, nous met en garde contre la démesure de nouveaux docteurs Frankenstein. En entendant hier certains propos, je me disais que certains, au nom de la liberté individuelle et du souhait de satisfaire des fantasmes personnels, étaient prêts à renoncer à ce qui fait le socle commun de notre vivre ensemble sur la base d'un héritage vieux de plus de deux siècles, qui fait certainement l'originalité de la société française et continue de favoriser son rayonnement aux quatre coins de la planète. Pour ce qui nous concerne, nous ne sommes pas prêts à y renoncer pour satisfaire les aspirations individualistes de quelques-uns.
Nous, élus de la nation, législateurs, devons, au-delà des clivages partisans, promouvoir les règles de fonctionnement qui permettent d'imposer et de pérenniser l'alliance subtile de la raison et du progrès. Nous devons réfléchir aux enjeux nouveaux de la recherche biologique et médicale afin, comme le dit Lucien Sève, « qu'en ses progrès soit respecté tout homme et tout l'homme ».
Les perspectives économiques ouvertes par les évolutions de la connaissance, la financiarisation de la biomédecine – 29,3 milliards d'euros de chiffres d'affaire pour Sanofi-Aventis et 1 300 postes supprimés dans la recherche et développement en 2009 – et la soumission idéologique de nos sociétés aux lois du capitalisme qui encouragent la marchandisation du corps humain, rendent notre mission essentielle et urgente.
Pour nous, c'est une grande satisfaction d'entendre des collègues, sur différents bancs, s'opposer à la marchandisation du corps humain. C'est formidable, me direz-vous, ils commencent à emprunter les chemins de la révolution idéologique ! Certes, certains de nos collègues doivent vivre avec des contradictions. Mais les contradictions sont un moteur, tout marxiste le sait, et ceux qui ne le sont pas peuvent le comprendre.
C'est la dialectique : thèse, antithèse, synthèse ! Je vous approuve, monsieur Brard !
Vous n'allez pas m'approuver sur toute la ligne, monsieur Vanneste, rassurez-vous !
Il faut laisser chacun vivre avec ses contradictions parce chacun d'entre nous est confronté au réel et à ce qui fait société dans notre pays.
Depuis 1994 et le brevetage systématique des savoirs et du vivant, les recherches les plus fondamentales sont évaluées, pour les groupes pharmaceutiques, en fonction de leur rentabilité et non plus en fonction de leur intérêt pour la communauté des hommes.
Rappelez-vous ce laboratoire de Romainville, en Seine-Saint-Denis, qui différa la mise sur le marché de la pilule du lendemain, parce qu'il considérait qu'il y avait encore à essorer des possibilités de profit grâce à la génération d'avant. Les grands groupes pharmaceutiques n'ont que faire d'éthique et de morale. On peut leur faire confiance pour ce qui est de savoir compter, mais dès lors qu'il faut faire preuve d'éthique et de morale, on a vu récemment ce que cela donnait chez Servier, avec le Mediator dont a abondamment parlé notre collègue Maxime Gremetz.
Ce sont des réalités dont il faut tenir compte. Le pouvoir des firmes pharmaceutiques et biomédicales privées à orienter la recherche dépasse désormais largement celui des États – 29,3 milliards d'euros de chiffre d'affaires pour Sanofi-Aventis en 2009, contre 15 milliards d'euros de budget pour la recherche civile et militaire en France. Les logiques de rentabilité financière appliquées à la recherche limitent la capacité collective de nos sociétés à produire des connaissances libres, dénuées de la connexion avec la rentabilité financière, à élaborer une expertise indépendante et à développer des innovations d'intérêt général.
Notre devoir, c'est d'être à la hauteur de la tâche qui nous a été confiée. À nous de réaffirmer nos exigences éthiques qui répondent à des normes d'universalité et d'encadrer la recherche afin qu'elle oeuvre au progrès, ce « pas collectif du genre humain » comme l'écrivait Victor Hugo.
Dans la délibération concernant l'action, « nous ne devons pas seulement débattre de la prudence afin de savoir si elle est un moyen approprié à l'obtention de quelque fin désirée, mais nous devons également déterminer si elle est intrinsèquement juste ou moralement correcte ».
Je ne suis pas l'auteur des quelques lignes que je viens de citer. Elles sont d'Emmanuel Kant.
Cela ne m'étonne pas puisqu'il paraît que vous faites profession de philosophie, bien que nous ne partagions pas souvent la même !
Mme Bachelot, votre prédécesseure qui n'est pas philosophe, madame la secrétaire d'État, lors de la clôture des états généraux de la bioéthique, le 4 février 2009, a déclaré que ce qui se jouait en ce moment, c'était « notre projet de société », « l'avenir des générations futures ». Elle avait parfaitement raison. Pourtant, j'ai quelque peine à voir dans ce texte, malgré des intentions louables, ce « projet de société » qu'appelait de ses voeux la ministre. Pour notre part, quand nous parlons d'un projet de société, nous y voyons un ensemble de conditions qui ne traitent pas que de la bioéthique, mais de la place de la personne dans une société avec la dimension socio-économique et le partage des richesses. Je suis sûr, monsieur Vanneste que, dès lors que nous disons des mots aussi grossiers, vous ne nous suivez plus, ou vous remettriez en cause la domination du capital et de ses intérêts, que vous défendez d'ailleurs avec talent, il faut le dire, même si c'est au détriment des électeurs modestes de votre circonscription ! Mais c'est un autre débat…
Quand Mme Bachelot parle de « projet de société », le vocabulaire est sans doute un peu enflé. Pourtant, ceux qui sont originaires de la vallée de la Loire nous ont appris, dans la tradition de du Bellay, à être plus modestes dans l'utilisation des mots !
Disons plutôt une acception plus modeste des mots avec un langage plus modéré dans l'utilisation des mots.
Il y a décidément, dans ce débat, beaucoup de sujets sur lesquels nous ne sommes pas loin du consensus !
Votre texte, madame la secrétaire d'État, comporte quelques dispositions innovantes, tels le don croisé et la levée de l'anonymat des donneurs qui ont donné lieu à débat et à confrontations qui font honneur à la représentation nationale : il y a eu écoute des uns et des autres et nous avons fait appel, dans le cadre de notre réflexion, à l'éclairage des sachants et des savants, même si nous avons déjà, en les personnes du président et du rapporteur, des sachants et des savants en même temps que des parlementaires !
En l'absence de ce « projet de société », je craignais que l'abandon de la clause de révision automatique prévue par la loi de 1994 ne soit une mauvaise idée. Je vous le dis très franchement, je trouvais personnellement, éclairé par l'expérience des deux premières lois et par ce que nous avons fait sur le nucléaire, que l'idée d'une clause de revoyure périodique était intéressante. Mais j'ai entendu vos propos hier soir, vous nous avez proposé autre chose. Vous avez non seulement pris des engagements, mais vous avez également fait référence à ce qui existe et qui fonctionne ; je pense, en particulier, à l'Agence de biomédecine et à notre office parlementaire des choix scientifiques et technologiques…
…qui, sous la houlette de notre collègue Claude Birraux, accomplit un excellent travail. J'avoue que, sur ce point, le débat m'a fait évoluer, tout comme l'influence de mon charmant collègue Michel Vaxès…
…qui, contrairement à moi, partageait votre point de vue. À ce moment du débat, je suis prêt à prêt à adhérer à votre proposition. Après tout, on ne peut pas vous donner tort quand vous dites qu'on n'a pas besoin d'attendre une échéance pour prendre en compte des données nouvelles de la recherche scientifique ou des problèmes de société posés sans pour autant tomber dans l'événementiel des faits divers, comme on l'a trop souvent fait dernièrement. Il faut dire que, dans ces cas-là, l'exemple vient de haut !
La loi doit affirmer des valeurs et des principes qui guident notre société vers le progrès et l'émancipation des hommes. Nous appuyer, comme cela a été le cas, sur certains avis, celui du professeur Kahn, par exemple, est une excellente chose. Je n'ai pas souvenir de vous avoir entendus évoquer dans vos discours respectifs la convention d'Oviedo. Rappelez-vous la convention internationale des droits de l'enfant. Qui, dans cet hémicycle, n'y a pas fait référence pour faire respecter les droits de l'enfant ? Pourquoi ne nous appuierions-nous point sur cette convention d'Oviedo pour apporter une garantie supplémentaire ? Le problème, c'est que nous n'avons pas encore, à ma connaissance, procédé à sa ratification.
Pour terminer, j'évoquerai brièvement trois questions sur lesquelles nous invite à réfléchir ce projet de loi.
Nous avons déjà évoqué l'anonymat des dons de gamètes, et la question de la levée ou non de cet anonymat a été largement débattue lors des auditions de la mission d'information. Avec certains de mes collègues députés du groupe GDR, je crois que l'anonymat et l'un de ses corollaires, la gratuité, sont deux éléments essentiels de la « solidarité désintéressée » qui doit prévaloir dans la pratique du don. Il est primordial que le donneur voie dans sa démarche une action éthique, un geste de solidarité universelle non traçable, loin de 1'« échange calculé » si cher aux individualistes libéraux. De ce point de vue, reconnaissons que nous avons entendu hier, dans cet hémicycle, des propos très libéraux. Le fait que les libéraux ne se trouvent pas qu'à droite – il y en a aussi à gauche – doit faire le régal d'Adam Smith et de Karl Marx, là où ils se trouvent !
Nous pourrons, si vous le désirez, monsieur Vanneste, organiser un symposium particulier pour approfondir ce thème !
Comme le dit, très justement, Lucien Sève : « donner son sang, donner un organe n'a ici d'autre sens que consentir à ce qu'il me soit prélevé en faveur d'autrui, et le caractère exigible de mon consentement ne renvoie pas du tout à une prérogative de propriétaire, mais à une obligation de respect pour la personne ». Mes chers collègues, le philosophe nous rappelle, à raison, que le corps humain et ses éléments ne sont pas appropriables, qu'ils ne sont pas des marchandises. De plus, je suis persuadé qu'il ne faut pas donner à la biologie, aussi importante soit-elle, plus d'importance qu'elle n'en a réellement.
Le rapporteur l'a dit : « la personnalité d'un individu n'a rien à voir avec ses origines génétiques :…
«…nous sommes ce que nous sommes parce que nous avons été entourés par d'autres qui nous ont transmis leur amour et leur savoir ». Ces propos figurent dans La Croix, qui devient ainsi dépositaire de vos saintes paroles ! (Sourires.) En les lisant, monsieur le rapporteur, si je n'avais pas su qu'elles étaient de vous, j'aurais pu penser à Pasteur qui, très croyant, a néanmoins mis un terme au concept de génération spontanée. Vous faites, d'une certaine manière, la même chose. S'agissant de cette réflexion concrète à partir de la réalité concrète, comme le disait le grand ancêtre auquel je faisais référence tout à l'heure, on aurait pu l'attribuer, après avoir fermé les guillemets, aussi bien à Friedrich Engels dans la Dialectique de la nature ou à Karl Marx qu'à Jean Leonetti.
Ne le soyez pas, monsieur Leonetti. Sans vouloir vous être désagréable, reconnaissez avec moi que Karl Marx et Friedrich Engels ont, sur l'humanité tout entière, un rayonnement que vous n'avez pas encore acquis ! C'est donc plutôt une référence !
C'est, certes, une question de temps, mais comme le disent certains adeptes d'un grand culte, pour parvenir à cet objectif, vous devrez vivre au moins cent vingt ans, âge que je vous souhaite d'atteindre grâce aux nouvelles lois sur la bioéthique que nous voterons certainement dans le futur !
Il y a toujours quelque espoir, n'est-ce pas, même en état de détérioration avancée !
Concernant la recherche sur l'embryon, une certaine hypocrisie consiste actuellement à interdire théoriquement la recherche tout en autorisant pratiquement tous les programmes déposés. À mon sens, nous devons être plus clairs et plus transparents. Nous devons aller jusqu'au bout de la démarche et donner l'autorisation en définissant des modalités d'encadrement. Comme ma collègue Jacqueline Fraysse, je considère que ce système d'autorisation servira mieux les finalités médicales. Je ne vois pas, en effet, ce qui pourrait s'opposer à ce que les embryons surnuméraires sans projet parental, c'est-à-dire ne constituant plus la promesse d'un enfant à naître, ne fassent pas l'objet de recherches scientifiques.
Comme la plupart d'entre vous, je suis républicain et laïc, fils de Jaurès et d'Hugo, de Pasteur et de Joliot-Curie. Je ne crois pas au caractère sacré ou divin du génome ou du zygote. En revanche, je crois, comme le docteur Anne Fagot-Largeault, professeure au Collège de France et psychiatre à l'Assistance publique, au caractère sacré des « valeurs liées à l'idée que nous nous faisons de l'humanité ». Comme l'a dit Michel Vaxès, nous devons pour chaque situation « non pas rechercher la conformité à une règle forcément trop sommaire, mais l'apprécier en fonction de l'objectif ». C'est pourquoi, il me semble nécessaire d'avancer dans notre débat et de substituer au régime de l'interdiction celui de l'autorisation.
Dernier point que je souhaite aborder, la question de l'aide médicale à la procréation. La fécondation et l'insémination artificielle répondent à des situations d'infertilité constatées médicalement et sont encadrées par des conditions qui excluent les demandes des couples homosexuels. Si le maintien de cette interdiction pérennise une discrimination entre les couples hétérosexuels et homosexuels, sa suppression autoriserait les couples du même sexe à recourir à l'aide médicale à la procréation. Ce serait donc transformer une aide médicale en aide sociétale à la procréation. Nous passerions ainsi du dépassement médical de l'infertilité à une réponse sociétale à des convenances personnelles. Objectivement, il s'agit là d'un glissement. Pour les couples masculins, cette autorisation entraînerait nécessairement de facto le recours à la gestation pour autrui, synonyme, nous l'avons précisé hier, d'une marchandisation ou d'une contractualisation du corps que nous ne pouvons accepter.
Le désir d'enfant des couples masculins est bien naturel, mais cela pose, selon nous, le problème de l'adoption. Je me suis entretenu de ce sujet avec le docteur Stéphane Nadaud, psychanalyste, dont je vous recommande l'ouvrage sur l'homoparentalité, qui a fait des recherches sur ce sujet. Nous devrons bien, un jour, débattre du droit d'adopter des enfants pour les couples homosexuels. Autant je ne comprends pas cette obsession chez certains d'avoir un enfant qui soit le résultat de leurs substances personnelles, autant je comprends la volonté d'éduquer des enfants. Nous devons donc ouvrir le débat, comme nous avons su le faire sur des sujets difficiles. Rappelez-vous le PACS : il y a eu des évolutions, même de ce côté de l'hémicycle.
Vous, vous êtes comme une borne kilométrique, vous marquez le terrain. Ce n'est pas avec cela que l'on va beaucoup avancer !
Vous n'avez pas précisé le sens des « limites », monsieur Leonetti. Sont-ce des limites dans la réflexion intellectuelle, des limites géographiques ou philosophiques, ou les trois à la fois ?
Nous devons ouvrir le débat et ne pas nous en tenir à la situation actuelle. En tout cas, nous sommes absolument opposés à tout ce qui ouvre la porte à la gestation pour compte d'autrui parce que, derrière, et qu'on le veuille ou non, il y a la marchandisation. La femme est alors considérée comme une sorte d'atelier capable de fabriquer des enfants sur commande. D'un point de vue éthique et moral, notre conception des droits de l'homme issus de la Révolution ne nous permet pas de l'envisager.
Je vous laisse avec vos croyances, monsieur Vanneste. Elles n'ont pas besoin d'être objectives ou vérifiées dans la réalité pour que vous puissiez y croire toujours, comme c'est le cas pour toutes les religions. Vous me permettrez de ne pas aller plus loin dans ce débat, puisque, je vous le rappelle, les règles qui nous régissent sont celles de 1905 et nous devons, vous et moi, y rester absolument fidèles, au moins quand nous sommes ici !
Monsieur Brard, je vous rappelle que les règles qui nous régissent commandent que l'on ne s'interpelle pas entre collègues pendant un débat.
Monsieur le président, je vois que mon propos vous intéresse, puisque vous m'invitez à poursuivre alors que je m'apprête à conclure ! (Sourires.)
Je vais conclure.
Vous l'aurez bien compris, nous voulons offrir un cadre légal qui pose clairement la place de l'éthique et qui permette aux savants de continuer de travailler en toute sérénité.
Nous souhaitons, après 1994 et 2005, que ce débat marque une nouvelle étape dans la réflexion collective qui donne du sens à notre vision commune de notre société. Sans supprimer les clivages sur d'autres sujets, cela permet de définir des droits de la personne qui font l'originalité de la société française. Que d'autres n'agissent pas comme nous est la preuve que nous ouvrons des voies, comme nous avons su le faire en 1789, en 1792, en 1871 avec la Commune de Paris – je ne suis pas sûr, monsieur Vanneste, monsieur Bourg-Broc, que cela vous intéresse autant –,…
…en 1936 avec le Front populaire ou pendant la Résistance. N'oublions pas que, dans ces moments très forts de l'histoire, il y eut parmi ceux qui défendirent la France des savants qui poursuivaient en même temps leurs recherches et continuaient de créer dans les domaines les plus divers.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, s'il est difficile aux législateurs que nous sommes de décider sur les questions bioéthiques, c'est parce qu'elles nous ramènent à nos valeurs individuelles et collectives, celles qui donnent sens à notre vie personnelle et celles qui fondent notre pacte social.
Cette dialectique entre valeurs individuelles et collectives rend légitimes et respectables toutes les interrogations, et je ne suis certainement pas le seul à hésiter sur telle ou telle question, en fonction de l'approfondissement de la discussion, par l'échange des arguments dans le respect mutuel des convictions. Mais, à un moment donné, dans un contexte sociétal donné – celui-ci évoluant en permanence et interrogeant à nouveau nos valeurs, aucune position ne peut être définitive –, le législateur doit prendre une position et la justifier. C'est pourquoi je parlerai d'abord des valeurs auxquelles on peut se référer pour définir les conditions actuelles de notre vie en société, c'est-à-dire les rapports entre l'individuel et le collectif et leurs conséquences sur la bioéthique, et, dans un second temps, j'examinerai la question de la recherche sur l'embryon.
En ce qui concerne les valeurs, on a raison de distinguer les valeurs ontologiques, universelles, de leurs transpositions culturelles, plus relatives. L'universalité des premières est parfois contestée par certains, qui justifient ainsi la remise en cause de la notion de droits de l'homme. Pourtant, la réflexion bioéthique porte sur ce qui fonde notre humanité, dit autrement, ce qui nous fait dépasser notre animalité.
La sensibilité à ces valeurs peut ainsi varier selon les pays : tel pays tolérera un comportement qu'un autre interdira ou encadrera. Mais notre pacte social ne dépend pas des décisions prises à l'étranger. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Notre culture et notre histoire ont fait émerger chez nous des valeurs que nous ne pouvons abandonner.
Faut-il, par exemple, sous prétexte que cette valeur est mal comprise dans certains pays, renoncer à la laïcité, fruit des expériences douloureuses de notre histoire ? D'ailleurs, ne l'oublions pas dans nos discussions, s'il veut respecter les consciences dans leur diversité, le législateur qui définit les conditions du vivre ensemble ne peut privilégier telle ou telle approche religieuse, qui relève de la sphère privée.
La difficulté est que les questions bioéthiques mettent en jeu nos convictions personnelles, qui relèvent de la sphère privée et qui ont été forgées par notre éducation et notre culture. En France, celles-ci ont été fortement influencées par l'église catholique, qui a d'ailleurs pris une grande place dans ce débat, comme c'est son droit, sinon son rôle. Cela explique la similitude entre ses positions et les amendements déposés par nos collègues, pour qui, selon la formule d'Alain Claeys, cette loi est « un moindre mal ». J'y reviendrai.
Pour bien vivre ensemble, il faut aussi déterminer les rapports entre l'individu et la société. On retrouve là nos valeurs républicaines, qui peuvent être en tension. Cette dialectique des valeurs me semble très présente dans les questions bioéthiques, en particulier entre la liberté et la fraternité. La liberté individuelle se traduit souvent par des « droits à...», et les droits des uns peuvent entrer en tension avec le droit des autres.
Ainsi, le droit individuel à connaître ses origines génétiques doit-il s'exercer au risque de déstabiliser les familles ou de voir baisser le nombre de donneurs ? Ces points restent à approfondir. De même, le droit à disposer de son corps doit-il cautionner ailleurs des pratiques d'aliénation ? En particulier, la contractualisation entre deux libertés individuelles justifie-t-elle d'ignorer toutes les femmes qui sont contraintes à une marchandisation de leur corps ?
En face de ces choix difficiles, le souci des libertés individuelles me paraît devoir être subordonné au respect de la fraternité.
Revenons à la question ontologique que j'ai posée au début de mon intervention : qu'est-ce qui fonde notre humanité ? Nous ne pouvons esquiver le débat sur l'inné et l'acquis, que certains considèrent comme tranché alors qu'il m'apparaît présent implicitement dans toutes nos discussions.
En raison des dérives de l'eugénisme ou des calculs de ceux qui justifient le caractère immuable d'un ordre social par le supposé déterminisme génétique, on a pu penser que notre devise républicaine réaffirmant la liberté comme fondement de l'individu et l'égalité des droits et des devoirs avait épuisé le débat. Bien sûr, l'homme n'est plus en dehors de la nature, comme le suggérait Descartes, mais il se définit toujours d'abord par sa culture, c'est-à-dire par l'acquis, et l'absence de développement des enfants sauvages nous montre que cet acquis passe par les relations sociales.
C'est ce qui explique le consensus sur l'adoption, mais il nous faut approfondir cette réflexion et, en particulier, autoriser l'adoption par les couples homosexuels. C'est l'amour partagé qui assure le développement de l'enfant, et l'expérience montre que la société lui fournit les repères de genre permettant son insertion sociale.
Cela étant, n'y a-t-il pas un paradoxe à reconnaître que la famille est d'abord une construction sociale, que la parentalité est affective et sociale, et à revendiquer en même temps la nécessité d'un accès à la procréation médicale assistée, qui est un retour au génétique ?
Le retour en force des préoccupations génétiques est présent dans de nombreux domaines dans notre société et montre que le débat entre inné et acquis n'est pas clos. Je le rappelle sans aucun esprit polémique, le Président de la République, alors candidat, ne déclarait-il pas en avril 2007, lors d'un entretien : « les circonstances ne font pas tout, la part de l'inné est immense » ?
Dans le domaine qui nous préoccupe, on passe d'une demande médicale remédiant à un problème de stérilité à une demande sociétale qui implique, là aussi, le retour à l'importance supposée de l'inné par rapport à l'acquis. Pourtant, les études les plus récentes des scientifiques remettent en cause le schéma d'une hérédité qui se transférerait de façon quasi linéaire à partir d'un message codé dans les gènes. Entre le hasard et la nécessité, les mécanismes de transmission font appel à de multiples processus aléatoires qui rendent difficile le pronostic.
Les controverses sur la médecine prédictive sont là pour nous le rappeler.
Alors, ce désir de retour au génétique dans la filiation n'est-il pas finalement que l'expression de notre cerveau reptilien, siège de nos réactions les plus instinctives nécessaires à notre survie : manger, boire, se reproduire ? Alors que notre humanité se caractérise, n'en déplaise à l'Église, par la dissociation que nous avons faite entre la sexualité et la reproduction, cette demande croissante de génétique ne nous ramène-t-elle pas à nos origines naturelles, pour ne pas dire animales ?
Quant à la recherche sur l'embryon, elle pose évidemment la question de son statut.
Pour déterminer ma position, je me suis inspiré en particulier de deux livres qui s'opposent sur cette question : le premier, Bioéthique, questions pour un discernement, rédigé par Mgr d'Ornellas et un groupe d'évêques catholiques, le second, intitulé L'embryon est-il un être vivant ?,de Francis Kaplan, professeur émérite de philosophie à l'université de Tours. C'est effectivement la réponse à cette question qui détermine ensuite notre position.
On parle souvent de l'embryon comme d'une « personne potentielle » – je ne reviens pas sur la notion complexe de personne telle que l'a définie Jean-Pierre Brard –, mais certains en déduisent que c'est déjà une personne, alors que d'autres soulignent que, si cette personne n'est que potentielle, c'est qu'elle n'existe pas.
Pour ma part, je retiendrai des arguments échangés à ce sujet quelques éléments.
Voyons d'abord le contexte. La position de l'Église considérant l'embryon comme une personne est assez récente, elle date de la fin du XIXe siècle. Notons que l'Église n'a jamais exigé de baptême ou d'enterrement en cas de fausse couche. C'est probablement la meilleure connaissance des processus de développement qui a modifié sa position. Comme le remarque Francis Kaplan, il s'agit donc non pas d'un problème de foi mais d'un problème scientifique et épistémologique. Je le dis d'autant plus facilement que je ne suis pas croyant.
Considérant l'embryon comme une personne, l'Église remet d'abord en cause les embryons surnuméraires, dont on admet facilement, puisqu'ils sont de toute façon voués à la destruction, qu'on puisse faire des recherches sur eux. C'est donc leur destruction qu'il faut éviter, quitte à remettre en cause l'efficacité de l'AMP. Un peu plus loin dans le texte, c'est l'AMP elle-même qui est remise en cause au profit de l'adoption et des recherches sur la naprotechnologie, procréation naturelle médicalement assistée.
Si je partage les préoccupations pour faciliter l'adoption, il faut aller jusqu'au bout du raisonnement et, comme je l'ai dit, permettre l'adoption par les couples homosexuels. On sent d'ailleurs une hésitation dans le texte sur ce qu'est un projet parental, qui, selon les évêques, serait fondé exclusivement sur l'amour conjugal d'un homme et d'une femme, l'enfant étant le fruit de cet amour. Outre le fait que le mot « conjugal », étymologiquement, renvoie à une union, quelle qu'elle soit, il y a, à côté de l'amour conjugal, l'amour filial, l'amour parental. Un célibataire, une célibataire, un couple homosexuel peuvent bien sûr éprouver un amour parental. Cette capacité d'amour est d'ailleurs une composante essentielle de notre humanité.
Quant aux recherches sur la naprotechnologie, qui font appel, entre autres, aux courbes de température comme la célèbre méthode Ogino, ne sont-elles pas, comme cette dernière pour la contraception, un moyen d'éviter le débat sur le statut de l'embryon ? Rappelons que la méthode Ogino est, avec l'abstinence, la seule réponse proposée par l'Église à la demande de contraception, et que ce statu quo se traduit par la naissance en Afrique de milliers de bébés atteints du sida.
Revenons au coeur du sujet avec la question de Francis Kaplan : l'embryon est-il un être vivant ? Il est difficile de résumer un texte argumenté de 100 pages, mais la réponse est claire : non. L'embryon est vivant, comme un oeil est vivant, mais l'embryon n'est pas un « être vivant ». Il n'a pas, de façon autonome, les fonctions vitales qui permettent à un être vivant de se maintenir en vie.
Jusqu'à la vingt-quatrième semaine, six mois, l'embryon n'est pas viable. Comment être à la fois un être vivant et non viable ? C'est la mère qui assurera dans son développement ces fonctions vitales qui lui manquent, au moins jusqu'au sixième mois où, en cas de naissance prématurée, la mise en couveuse permet de suppléer en particulier la fonction vitale de régulation thermique interne. Avant, si la mère meurt, l'embryon disparaît. Ainsi, c'est un processus continu qui mène de l'embryon au foetus et au nouveau-né. Si le nouveau-né est un être vivant, l'embryon ne l'est pas.
Est-il alors un « être vivant potentiel » ? Ne peut-on considérer que l'embryon est déjà un être vivant avant de le devenir, puisqu'il le deviendra nécessairement, compte tenu du déterminisme biologique ? Non, car cette nécessité interne de l'être en puissance est conditionnée par des facteurs extérieurs, en particulier la mère, qui décide de transformer l'être en puissance en être en acte. Sans la mère, l'embryon n'est plus un être en puissance, ou alors seulement au sens de simple possibilité comme un ovocyte. Comme le dit le titre du chapitre VIII, « l'enfant est créé par l'amour de sa mère ». C'est d'ailleurs la raison pour laquelle, indépendamment de la recherche sur l'embryon surnuméraire, il faut aussi développer la recherche au profit de l'embryon qui n'est pas surnuméraire de façon à augmenter ses chances de survie.
Ainsi, la démarche philosophique conclut à autoriser la recherche sur l'embryon. Pourquoi garder alors un encadrement de cette recherche ? D'abord, il existera toujours un malaise sur ces questions car, si c'est bien le projet parental d'abord, l'amour de la mère ensuite, qui assurent la continuité de l'embryon au nouveau-né, il peut se créer dès le stade embryonnaire une « réalité imaginaire », au sens où l'imaginaire caractérise notre humanité, puisqu'on est dans l'affectif, et qu'il y a bien une réalité mais seulement au niveau psychologique. C'est une des raisons de la permanence de la demande consensuelle d'encadrement.
Par ailleurs, compte tenu de l'évolution rapide de la connaissance scientifique et des techniques de procréation, il est essentiel de délivrer à la société un message pour rappeler que ces questions sont complexes et que l'histoire a montré que nous ne sommes pas à l'abri de dérives.
Si ces préoccupations sont légitimes, elles ne doivent pas freiner la recherche sur l'embryon, qui peut déboucher sur des thérapies confortant notre dignité d'êtres humains vivants, en particulier en fin de vie. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, c'est un biologiste qui a dit avec force : « La science a fait de nous des dieux avant même que nous méritions d'être des hommes. » Cette phrase de Jean Rostand illustre l'inévitable confrontation entre la biologie et l'éthique, et le caractère indispensable des rendez-vous qui permettent au législateur de rappeler la norme pour éviter les dérives morales liées aux innovations scientifiques. Il n'est pas sûr que le nombre croissant des autorités, des agences, des comités et des conseils puissent de façon cohérente et responsable remplacer le Parlement dans ce rôle essentiel. On a vu que les vingt-trois agences sanitaires rendaient les questions plus opaques et les décisions plus contradictoires.
Le progrès scientifique est une évidence. Il correspond à la possibilité intellectuelle que possède la science et à la capacité matérielle qu'atteint la technique d'imaginer et de réaliser ce qui était impensable et impossible auparavant. Certains esprits faibles considèrent que le progrès existe d'une manière nécessaire dans tous les domaines et que seuls des esprits attardés prétendent s'y opposer. D'autres, plus faibles encore, s'opposent à certains progrès de la technique mais sont prêts à soutenir toutes les évolutions morales, même les plus absurdes, en défendant la nature contre l'homme sans défendre l'homme contre lui-même.
C'est très clair, non ?
En fait, le progrès moral n'est pas, quant à lui, une évidence. On peut considérer que la valeur universelle que la raison pratique a établie durera autant que l'esprit humain. Lorsque Kant – c'est pourquoi je souriais lorsque s'exprimait notre collègue Jean-Pierre Brard – formule l'impératif catégorique en écrivant qu'il faut toujours considérer l'humanité en soi-même comme en autrui, comme une fin et non comme un moyen, il ne s'agit pas là d'une formule appelée à être modifiée par les conquêtes de la science et de la technique mais d'une loi qui doit précisément s'imposer à elles, en faisant la part de ce qui est acceptable et de ce qui ne l'est pas.
Si j'ai cité cette formulation, c'est parce qu'elle s'applique parfaitement à certains des problèmes posés par la bioéthique. Une personne humaine ne saurait être perçue comme une matière première destinée à assurer la survie d'une autre personne. Et il n'est pas absurde de parler de personne dès la conception. De même, une personne humaine ne saurait être simplement le porteur d'une autre vie avec laquelle elle n'aurait qu'une relation instrumentale.
Au centre d'une conception humaniste de la bioéthique doit se situer la notion de personne, à la fois autonome et solidaire. Autonome, elle doit l'être par sa capacité d'être responsable, c'est-à-dire libre et consciente. L'insistance de la loi à recourir au consentement est de ce point de vue essentielle.
Solidaire, elle doit l'être aussi, tant il est vrai que la personne n'est pas un individu isolé. Cette solidarité est marquée dans la loi par les nouvelles modalités du don du sang placentaire, à la fois consenti comme les autres mais essentiellement et nécessairement altruiste.
La personne est en effet pénétrée de part en part par une double altérité, celle de son patrimoine génétique et celle de son groupe social. Il est nécessaire de rappeler ici que la famille, le couple et ses enfants représentent d'ailleurs d'une façon pertinente la rencontre de l'institution culturelle et de la réalité biologique. Certains souhaitent s'en éloigner. Il n'empêche que l'exception ne doit pas devenir la règle. La cohérence de l'organisation sociale avec la logique du vivant est un facteur de santé publique et de solidité du tissu social.
Par exemple, l'information de la parentèle sur les risques génétiques, pour être efficace, doit reposer sur une stabilité et une clarté de la parenté.
L'écologie humaine suppose à l'évidence la reconnaissance de la famille comme socle de la personne et la pertinence à faire en sorte que la famille culturelle soit la plus proche possible de la famille biologique. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La conception floue de la famille accroît l'insécurité sanitaire des personnes. C'est ainsi que la vérification par le corps médical d'une stabilité de deux ans au sein d'un couple pour accepter un don d'organes fait sortir inutilement le médecin de son rôle, surcharge son activité et laisse la place à des incertitudes sur la valeur et la pérennité juridiques de l'opération réalisée, qui pourrait parfaitement dissimuler un marché.
La conception floue de la famille accroît aussi l'insécurité sociale. L'idée de donner les mêmes droits aux pacsés qu'aux mariés en matière de PMA méconnaît le projet parental inscrit dans le mariage et complètement absent du PACS. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) L'article 213 du code civil est clair : « Les époux assurent ensemble la direction morale et matérielle de la famille. Ils pourvoient à l'éducation des enfants et préparent leur avenir. » C'est la différence entre le mariage et le PACS ! La tendance actuelle qui consiste à nier cette différence est absolument suicidaire. (Mêmes mouvements.)
Le couple uni par un projet de vie solidement établi offre à l'enfant plus de sécurité et d'équilibre, notamment en ce qui concerne les modèles psychologiques qui lui sont proposés. Il n'y a pas de droit à l'enfant mais un droit de l'enfant, un droit d'avoir un père et une mère.
Toute mesure qui accroît la tendance inverse est contraire aux droits de l'enfant. Elle favorise la tendance de notre société, hyperlibérale ou hyperlibertaire, comme vous voulez, que le sociologue américain David Riesman a parfaitement illustrée en parlant de la « foule solitaire ». Voilà vers quoi nous allons, et ce n'est pas tentant ! La foule solitaire, c'est loin d'être un progrès.
À la fois autonome et solidaire, la personne humaine doit refuser toute utilisation sociale de son corps sans son consentement, mais elle doit aussi refuser que le don de celui-ci soit un acte mercantile au sein d'un marché. Le don gratuit et anonyme peut d'ailleurs être encouragé. Il n'est donc pas interdit qu'une certaine pédagogie oriente la personne autonome vers l'affirmation de sa propre dignité, d'une part, et vers son devoir de solidarité, d'autre part. La Norvège, par exemple, a une politique très incitative des donneurs vivants alors que ce type de dons – n'est-ce pas, monsieur le rapporteur ? – stagne en France.
L'ouverture aux dons croisés me paraît être un progrès notable de ce texte, et je tiens à le signaler.
Enfin, il n'y a rien de plus contraire à l'humanisme que la volonté de réaliser un homme parfait, un surhomme, de pratiquer l'eugénisme. La convention d'Oviedo le dit avec force dans son article 11 : « Toute forme de discrimination à l'encontre d'une personne à raison de son patrimoine génétique est interdite. » Je ne serais d'ailleurs pas opposé à ce que nous nous intéressions à la ratification de cette convention.
On mesure la valeur d'une civilisation humaine à sa capacité de protéger les plus faibles. Eugénisme et euthanasie, ce dernier mot à la rime si riche de sens, sont des processus où se retrouvent les partisans de l'efficacité sociale à tout prix et les libertaires les plus irresponsables.
C'est la philosophe Sylviane Agacinski qui disait : « La France n'est pas en retard, elle est en avance. » Je pense que nous pourrions être encore plus en avance en affirmant davantage la suprématie des valeurs éthiques sur les dérives issues de la science et de la technique lorsqu'elles manquent de conscience. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, depuis hier, j'écoute avec beaucoup d'intérêt cette discussion générale. Ce qui me frappe, dans cette succession de discours, c'est que beaucoup de collègues de la majorité, et parfois de l'opposition, étalent avec complaisance leur bonne conscience et leurs certitudes.
Chers collègues, permettez-moi de vous le demander : n'y a-t-il jamais de place chez vous pour le doute ?
Je vous trouve, de plus, très insensibles à la souffrance de femmes, de couples, d'hommes, qui, aujourd'hui, n'ont pas accès, pour diverses raisons, aux techniques médicales de pointe qui existent dans notre pays et qui créent, monsieur Vanneste, du fait du remboursement par la sécurité sociale, un droit à l'enfant, qu'on le veuille ou non. Ces techniques existent dans notre pays ou dans des pays voisins, dans des conditions tout à fait convenables et régulées. De quel droit, dans cette assemblée – certains ont d'ailleurs dit le droit dont ils s'inspirent –, des hommes peuvent-ils imposer leur loi à des femmes en souffrance d'enfants qui demandent une AMP ?
Pourquoi voulez-vous imposer votre idéologie, dans un pays laïc, à une population qui majoritairement ne partage pas ou plus cette idéologie ?
Untel dissèque savamment le désir des femmes pour distinguer dans l'AMP ce qui relève du médical et ce qui relève du social. Cette distinction n'est pas opérante.
Il est bien évident qu'une jeune femme qui souffre de stérilité aura beaucoup plus de difficultés à s'inscrire dans un processus social en formant un couple stable, comme vous l'exigez.
En réalité, ces exigences sont très cruelles. Cruauté que l'on retrouve quand vous voulez revenir en arrière sur le dépistage prénatal systématique de la trisomie 21 – qui laisse le libre choix aux femmes de décider de la suite des événements –, au nom de vos convictions, alors que l'on sait bien que la naissance d'un enfant handicapé dans une famille est un drame.
À la cruauté vous ajoutez la tromperie. Par exemple, vous voulez limiter à trois le nombre d'embryons congelés, alors même que la technique de vitrification des ovocytes est aujourd'hui maîtrisée par très peu d'équipes scientifiques dans notre pays. En limitant à trois le nombre d'embryons congelés, vous savez que vous allez réduire les chances de réussir les fécondations in vitro. Ne soyons pas dupes, vous voulez démontrer ainsi que certains centres ont des résultats peu satisfaisants ; vous demanderez ensuite à l'Agence de la biomédecine de les fermer et vous commencerez à attaquer la fécondation in vitro. D'ailleurs, le collège des gynécologues-obstétriciens français ne s'y est pas trompé et vous demande d'arrêter tout de suite avec cette histoire de trois embryons congelés à ne pas dépasser.
De la même façon, vous trompez les Français. Vous voulez leur faire croire qu'il y aurait des solutions alternatives aux cellules souches embryonnaires. Tous les travaux scientifiques soulignent l'extraordinaire potentialité et la supériorité de ces cellules souches. La science a démontré qu'elles étaient capables de reproduire tous les tissus du corps humain, sans risque de vieillissement. La recherche sur l'embryon est donc devenue indispensable pour, d'une part, répondre aux couples en détresse et, d'autre part, faire progresser des domaines aussi fondamentaux que la thérapie génique, la recherche et le traitement de maladies comme la myopathie, certains cancers, la mucoviscidose, pour les plus connues.
Le 26 janvier dernier, l'Académie nationale de médecine a adopté un rapport qui souligne le potentiel des cellules souches du cordon et du placenta en médecine régénérative. Il est donc indispensable, comme le réclame l'Académie, d'autoriser sans restriction la recherche sur les cellules souches embryonnaires pour comprendre et analyser les extraordinaires perspectives de réparation cellulaire. Nous souhaitons, bien sûr, que ces recherches soient encadrées par l'Agence de la biomédecine, mais également que les chercheurs ne soient plus soumis aux interdictions, aux pressions, à l'examen minutieux de leur projet et, pour tout dire, à une surveillance idéologique tatillonne inspirée d'autres idées que celles du progrès scientifique et médical et du service des malades. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Aujourd'hui, votre perception de la recherche reste marquée du sceau de la défiance. Il serait temps de sortir du carcan idéologique pour enfin s'ouvrir au progrès, tout simplement.
De la même manière – M. Vanneste en a fait une très belle démonstration –, vous êtes fermés aux évolutions de la société. Vous réfutez et méconnaissez le succès du PACS. Il y a eu trois PACS pour quatre mariages l'an dernier.
Nous avons compris, monsieur Vanneste, que c'était une catastrophe pour vous, mais les Français ont choisi !
Vous et vos collègues refusez l'homoparentalité, êtes hostiles à toutes les formes nouvelles de parentalité alors même qu'aujourd'hui près de 50 % des enfants naissent hors mariage.
Vous ne voulez pas considérer qu'aujourd'hui faire famille n'a plus grand-chose à voir avec les unions sanctifiées soit par Dieu, soit par la République, et qu'il y a bien d'autres façons de fonder une famille. Oui, d'autres formes de familles existent, qui ne tournent plus autour de la conjugalité ; ces familles élèvent leurs enfants…
…malgré les difficultés administratives, réglementaires, de droit civil que vous vous évertuez à ignorer et à ne pas vouloir régler. À ce sujet, le groupe socialiste a proposé des amendements pour élargir l'accès à l'AMP aux couples quel que soit leur statut matrimonial, aux femmes célibataires qui, pour des raisons médicales ou sociétales, seules ou en couple homosexuel, ont besoin d'une aide. Proposition d'extension que je trouve modeste, mais qui va à la rencontre d'une demande sociale forte et qui permettra de réparer bien des drames, bien des souffrances morales et psychologiques.
Certains d'entre nous auraient souhaité une extension plus grande, mais devant l'ampleur des problèmes posés par l'encadrement de la gestation pour autrui telle qu'elle existe dans un certain nombre de pays voisins, ils ont préféré différer cette question. Pourtant, il me semble que la GPA est un véritable champ de réflexion. Vous refusez, bien sûr, de l'ouvrir mais, comme l'a dit Maurice Godelier : « C'est un mouvement qui est aujourd'hui en marche. »
Oui, je vous interpelle, chers collègues frileux, arc-boutés sur des idéologies minoritaires et en perte de vitesse : vous avez peur de la société et de sa modernité, de sa force tranquille !
De la part de celui qui prétend dénoncer les certitudes et les anathèmes, on est servi !
Il est dommage que le Parlement soit, à l'approche des élections présidentielles, l'un des rares endroits dans notre pays où le progrès scientifique et médical soit considéré avec tant de suspicion. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, au terme d'une réflexion engagée voici plusieurs mois, enrichie d'auditions et de débats menés au sein d'une commission spéciale, la représentation nationale va se prononcer sur le projet de loi relatif à la bioéthique, chacun devant prendre conscience de l'immense responsabilité qui est la sienne : selon les décisions que nous prendrons, c'est la dignité de l'homme dont nous assurerons ou non la sauvegarde dans l'avenir.
Face aux avancées de la science et de la médecine, le législateur doit éviter deux écueils.
Le premier consiste à croire que la bioéthique est de la compétence exclusive des scientifiques. Le gouvernement précédent l'a bien compris qui a organisé les états généraux de la bioéthique, vaste réflexion nationale approfondie sur les principes mêmes qui fondent les lois de bioéthique, et qui a démontré que c'est le débat démocratique, bien davantage que les besoins des chercheurs, qui permet de discerner les moyens de respecter l'éthique dans les progrès scientifiques. Rappelons le préambule du rapport de ces états généraux : « Pour que le débat sur la bioéthique ne soit pas confisqué par les experts, il était essentiel que les Français puissent s'exprimer sur des questions qui engagent la condition humaine et les valeurs fondamentales de notre société ».
Au lendemain de cette consultation, qui a redonné sa place dans le débat bioéthique au citoyen, il me paraît important de lui donner sa place également, comme le souhait en a été exprimé, dans les instances chargées de donner un avis éthique ou dans celles encadrant les recherches afin de ne pas laisser aux seuls experts le soin d'assurer le traitement des questions éthiques engageant l'avenir de l'homme et de la médecine. Il revient aux citoyens, à leurs représentants, et à eux seuls, de pouvoir décider de ces questions.
À cet égard, je salue l'avancée que constituent les articles 24 ter et suivants sur les nouvelles obligations d'information attribuées à l'Agence de la biomédecine dans ses domaines de compétence. Mais ce n'est pas suffisant quand on sait que l'ABM, à qui il incombe de donner les autorisations de protocoles de recherche sur l'embryon, dans son rapport d'activité pour 2008, a considéré comme superflues certaines dispositions prises par le législateur, manifestant ainsi une volonté d'indépendance incompatible avec le respect de la souveraineté nationale. Dans son rapport d'information au Parlement et au Gouvernement d'avril 2010, l'objectif affiché est « d'identifier les progrès qui se dessinent », de « favoriser, en amont, les activités de recherche qui nourrissent ce progrès et [d'] assurer, le moment venu, leur mise en oeuvre », ce qui est normal, mais sans aucun rappel du principe de la dignité humaine.
Reprenant les termes d'un collègue membre de la mission parlementaire sur la bioéthique, je pense « nécessaire de faire en sorte que les modalités selon lesquelles l'Agence rend compte aux pouvoirs publics soient redéfinies ». Le rapport de la mission ne dit pas autre chose lorsqu'il relève que l'Agence exerce « un pouvoir non négligeable aux fortes implications éthiques dans un domaine où le niveau de contrôle du législateur doit être élevé ». La représentation nationale doit être confirmée dans son devoir de contrôle a priori des décisions de l'Agence de la biomédecine et associée à l'élaboration des décisions réglementaires issues de ces lois. Plusieurs amendements à la rédaction desquels j'ai participé vont dans ce sens, en particulier l'un envisageant la création d'une délégation parlementaire à la bioéthique, qui, je l'espère, recueillera vos suffrages, un autre introduisant des membres de la société civile au conseil d'orientation de l'Agence chargé de donner un avis sur toutes les questions éthiques susceptibles d'être soulevées.
Le second écueil à éviter, c'est de considérer que l'éthique puisse être à géométrie variable. Il est de notre responsabilité de législateur de décider de normes éthiques édictées dans la reconnaissance de la vérité objective de l'homme et de sa dignité inaliénable, non dans la reconnaissance de vérités relatives ou individuelles. La valeur de référence pour toutes les questions d'éthique médicale est bien la dignité humaine, principe rappelé à l'article 16 du code civil, mis en exergue dans le rapport d'information et réaffirmé dans le dernier rapport de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques. Ce principe intègre la responsabilité vis-à-vis des plus fragiles ainsi que le respect de la vie de tout être humain. En effet, par le seul fait de son appartenance à l'espèce humaine, toute personne, quelle que soit sa capacité d'autonomie, son état de faiblesse ou son handicap, a une dignité intrinsèque qui oblige tous et chacun à la respecter, car ni la maladie ni la vieillesse ni le handicap n'altèrent notre humanité.
Le processus de décision dans la plupart les lois qui touchent à la dignité humaine est le suivant : affirmation d'un principe, exception dans un cadre précis, puis autorisation. Le projet de loi maintient, à l'article 23, le principe de l'interdiction de la recherche sur embryon, ce dont il faut se féliciter, mais les dérogations qui l'accompagnent portent atteinte au principe général de protection de la vie humaine prénatale, et le débat sur une autorisation encadrée est déjà bien entamé. Prenons garde que les transgressions que nous acceptons à titre exceptionnel ne deviennent ensuite la règle !
La dignité humaine signifie également le respect de l'intérêt de l'enfant, qui fait très largement consensus. La convention internationale sur les droits de l'enfant, signée et ratifiée par la France, stipule que dans toutes les décisions qui concernent les enfants, « l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ». Il nous faut donc également veiller à ce que le droit à l'enfant, qui répond à un désir tout à fait légitime mais prend en considération des critères subjectifs, ne prenne le pas sur le droit de l'enfant.
Je salue donc les avancées bien réelles de ce texte lorsqu'elles vont dans la direction d'un plus grand respect de la dignité humaine. Il en est ainsi de l'équilibre trouvé, dans le domaine des caractéristiques génétiques, entre le droit à l'information de la parentèle et la liberté du patient, de l'organisation du don d'organes et de l'information qui en sera délivrée au grand public. Concernant l'assistance médicale à la procréation, je note la mise en oeuvre des procédés permettant de limiter le nombre des embryons surnuméraires. Quant à la recherche sur l'embryon, je me félicite que l'article 23, dans son paragraphe 2, préconise de favoriser désormais les solutions alternatives et conformes à l'éthique.
Gardons à l'esprit, tout au long de ce débat, que notre texte doit être une avancée dans la reconnaissance de la dignité de l'homme et de sa protection ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, les premières lois relatives à la bioéthique, promulguées en 1994, ont prévu leur révision périodique afin de pouvoir s'adapter à l'évolution des connaissances scientifiques mais aussi à l'évolution de notre société. Une première révision est intervenue en 2004, et le présent projet de loi entend en proposer une deuxième. C'est ainsi qu'il traite de sujets aussi complexes et sensibles que le don d'organes, la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires, le diagnostic préimplantatoire et prénatal, le don de gamètes et l'assistance médicale à la procréation.
En tant que secrétaire de la commission spéciale et au nom des députés radicaux de gauche, j'aurais souhaité m'exprimer sur plusieurs des enjeux majeurs de ce projet de loi et, disons-le, sur bon nombre de ses insuffisances. S'il a certes le mérite d'exister, ce texte, très attendu depuis plus de cinq ans, est une révision a minima, bien en deçà de ce que nous étions en droit d'espérer. Une telle frilosité s'explique peut-être par la proximité d'échéances électorales, le Gouvernement et sa majorité n'ayant pas envie d'ouvrir un débat sur des enjeux de société que nous ne pouvons pourtant plus ignorer, comme, par exemple, la gestation pour autrui.
Faute de temps, mon intervention portera sur la principale déception que procure le projet de loi : le maintien de l'interdiction de la recherche sur les cellules souches embryonnaires, interdiction assortie d'un régime de dérogation. Une telle disposition est à la fois regrettable et dommageable.
Regrettable, car l'enjeu ici n'est ni plus ni moins que les progrès de la médecine. Les recherches sur les cellules souches embryonnaires offrent des perspectives aujourd'hui uniques, immenses et prometteuses en ce qui concerne l'innovation thérapeutique et la recherche fondamentale, laquelle permettra de comprendre le mécanisme de maladies jusqu'ici incurables, telles que les maladies neurodégénératives et certains cancers.
Cette décision d'interdiction est également fortement dommageable pour les progrès de la science et pénalise notre recherche par rapport à d'autres pays. Depuis la découverte et l'isolement de la première souche embryonnaire humaine, en 1988, de grands espoirs sont nés dans le secteur de la recherche biomédicale.
Mes chers collègues, la recherche encadrée sur les cellules souches embryonnaires devrait constituer une priorité. Parlementaires d'une république laïque et éclairée, notre rôle devrait être de désentraver la recherche et de l'accompagner. Aussi, du régime de l'interdiction avec dérogations que maintient le présent projet de loi – sous la pression de principes philosophiques ou religieux qui ne devraient pas du tout interférer quand il s'agit de légiférer –, et sans nier la spécificité de l'embryon humain qui mérite d'être respecté, nous devons passer à un régime d'autorisation sous conditions : que les recherches soient susceptibles de conduire à des progrès scientifiques et médicaux majeurs et qu'aucune autre connaissance scientifique ne permette de mener une recherche similaire, l'avis de l'Agence de la biomédecine écartant tout risque d'abus et de dérive.
C'est du reste ce que prévoyait le projet de loi de bioéthique adopté ici même, le 22 janvier 2002, par 325 voix contre 21, dépassant largement les frontières partisanes comme l'impose pareil sujet. Parmi les députés de l'opposition de l'époque qui approuvèrent ce texte autorisant les recherches sur les cellules souches embryonnaires figuraient pas moins que les actuels Président de la République, Premier ministre et président de l'Assemblée nationale, mais aussi la ministre des solidarités et de la cohésion sociale d'aujourd'hui.
Le texte alors adopté par notre assemblée avant l'élection présidentielle de 2002 soumettait ces recherches à un strict dispositif d'encadrement, avec accord écrit préalable des couples concernés, finalité médicale et protocole faisant l'objet d'une autorisation délivrée par une agence créée spécialement, qui devait devenir par la suite l'Agence de la biomédecine.
Malheureusement, après le changement de majorité au sein de cet hémicycle, en juin 2002, ce texte a été profondément remanié et modifié au cours de la procédure parlementaire, avec l'accord du nouveau gouvernement. C'est ainsi que l'on est passé d'un texte voté par les députés en janvier 2002, qui posait le principe de l'autorisation des recherches sur les cellules souches embryonnaires, à un texte promulgué le 6 août 2004, qui retenait le principe contraire. La loi prohibe désormais ces recherches, admettant seulement qu'elles soient menées « à titre exceptionnel », « par dérogation » et « pour une période limitée à cinq ans ».
Le présent projet de loi de bioéthique, présenté en conseil des ministres par Mme Bachelot-Narquin, le 20 octobre dernier, ne fait que maintenir ce principe général d'interdiction, bien que la ministre, alors députée, ait voté pour l'instauration de la règle de l'autorisation. Avec mes collègues radicaux de gauche, nous ne pouvons que regretter ce changement de position, et nous avons proposé un amendement pour la mise en place d'un régime général d'autorisation de la recherche sur les cellules souches embryonnaires.
L'interdiction de principe avec dérogations, qui vient d'expirer le 6 février 2011, est préjudiciable aux malades, qui aspirent à voir les recherches développer de nouvelles thérapeutiques susceptibles de leur apporter des chances de guérison. Entraver ainsi la recherche, c'est pénaliser les patients ; c'est aussi évidemment handicaper nos chercheurs en leur imposant des obstacles, alors que ces recherches sont menées activement dans douze autres pays de l'Union européenne ainsi qu'aux États-Unis, en Russie, en Chine et au Japon. Comment, dès lors, s'étonner de la fuite de nos cerveaux ?
Le risque est aussi bien réel de voir les chercheurs français être distancés dans la compétition scientifique internationale. Nos chercheurs sont des hommes et des femmes responsables, respectueux de l'éthique et soucieux du respect de la loi. Plutôt que de les stigmatiser, réaffirmons notre confiance dans leur travail en fixant un cadre adapté.
Mes chers collègues, force est de constater que le statu quo souhaité par le Gouvernement, et semble-t-il par sa majorité – plus encore par une partie très active de cette même majorité –, est conforme à des convictions spirituelles, certes respectables, mais qui omettent toutefois l'article 1er de notre Constitution qui énonce que la France est « une République laïque ».
Aucune loi ne peut donc privilégier telle ou telle conviction philosophique ou religieuse par rapport à telle autre, au risque d'imposer une vision orientée à l'ensemble de la société.
De ce point de vue, ce débat en rappelle d'autres qui se sont tenus ici même, il y a plus de trente ans, et qui ont instauré le droit à l'interruption volontaire de grossesse, que personne n'entend désormais remettre en cause dans cette enceinte, du moins je l'espère.
Le principe de laïcité doit guider le législateur au moment de voter la loi, et le conduire à faire abstraction de toute autre croyance ou considération.
Ce projet de loi va à l'encontre des recommandations du Conseil d'État et de l'Office parlementaire de l'évaluation des choix scientifiques et technologiques, lesquels préconisent « un régime permanent d'autorisation enserrée dans des conditions strictes ».
Mes chers collègues, notre pays accumule les retards au préjudice des chercheurs et surtout des malades. Le rôle du Parlement n'est pas d'entraver les progrès de la science par une législation volontairement inadaptée et inappropriée.
De la même manière que pour bon nombre d'autres dispositions contenues dans le projet de loi, nous devons être à l'avant-garde des possibilités offertes par la science. Une loi sur la bioéthique doit naître de la confrontation et de la rencontre à un moment donné entre progrès scientifique et valeurs morales d'une société – celle d'aujourd'hui, du temps présent, et non celle du passé.
Il ne s'agit pas de légiférer avec des préjugés d'un autre temps ; en la matière, cinq ans c'est long, très long. Pourquoi avoir attendu plus de cinq ans pour aboutir à ce texte qui est en fait une non-révision ? Comment croire que sur de tels sujets notre société n'a pas évolué en cinq ans ?
La suppression de l'anonymat du don de gamètes fut un temps au centre du débat sur ce projet de loi. Selon nous, l'anonymat et la gratuité doivent rester les grands principes du don. Il est souhaitable de protéger les parents qui bénéficient de ce don et de permettre à ces familles de se former sereinement.
En matière d'assistance médicalisée à la procréation, il est indispensable de mettre les moyens offerts par la science à la disposition des couples en souffrance. Si l'on peut se réjouir de la possible autorisation de la congélation rapide d'ovocytes, il ne faudrait pas que cette mesure conduise à la limitation ou même à l'interdiction de la congélation embryonnaire, comme l'a expliqué Serge Blisko.
Par ailleurs, la question centrale doit rester celle de l'enfant à naître. L'évolution de notre société nous amène à nous poser ces questions en des termes nouveaux et à bien distinguer le droit à l'enfant du droit de l'enfant, lequel doit toujours primer.
Aussi est-il nécessaire de ne pas attendre cinq ans avant de revoir les lois de bioéthique. Il faut réviser notre droit chaque année en fonction de l'évolution des sciences et des valeurs de notre société, sur la base du rapport de l'Agence de la biomédecine et toujours dans le respect absolu de la dignité de la personne humaine et du refus de la marchandisation du corps humain.
Madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, les députés radicaux de gauche, privilégiant l'intérêt général plutôt que les cas particuliers, espèrent l'adoption de profondes modifications à ce projet de loi sans avancées majeures, et donc par nature non satisfaisant. Sans ces modifications, vous l'avez compris, nous ne pourrons pas lui apporter notre soutien. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je suis particulièrement heureuse de m'exprimer aujourd'hui sur un sujet aussi important que la révision des lois de bioéthique.
Grâce à une méthode innovante de concertation avec le peuple français, organisée dans le cadre des états généraux de la bioéthique, l'opinion du peuple français a été retranscrite dans le projet de loi relatif à la bioéthique déposé en octobre 2010.
Permettez-moi de saluer cet exercice réussi de démocratie directe ou participative…
…dont le résultat donne un texte court et précis, qui n'aborde pas les questions – notamment la gestation pour autrui – sur lesquelles nos concitoyens ont montré en grande majorité leur hostilité, afin de se concentrer sur les avancées scientifiques au sujet desquelles le peuple français semble prêt à évoluer.
C'est dans cet esprit de coproduction législative constructive que j'ai déposé une quinzaine d'amendements en commission et en séance publique. Je tiens d'ailleurs à féliciter et à remercier le président de la commission spéciale et le rapporteur pour leur patience et leur écoute sur des sujets souvent difficiles et complexes, qui nécessitent parfois des explications scientifiques et médicales précises afin de dégager ensuite les principes éthiques qui doivent nous gouverner. C'est ainsi que nous avons travaillé et que nous allons continuer à le faire, je l'espère.
Ces amendements portent notamment sur la congélation ultrarapide des ovocytes, ou vitrification ovocytaire, que je défends ardemment. Bien que nous ayons déjà progressé en commission en intégrant la référence à cette technique sur la liste des procédés biologiques utilisés en AMP, je vous propose d'intégrer l'autorisation de cette technique dans le corps du texte, afin de ne pas avoir à attendre la publication d'un décret pour permettre aux femmes devant subir un traitement stérilisant de pouvoir conserver très vite leurs gamètes au même titre que les hommes. Cela me semble très important.
Permettez-moi de rappeler qu'il y a encore un an, la technique de congélation ultrarapide des ovocytes était méconnue ou semblait irréalisable. Or nous savons aujourd'hui qu'elle a permis la naissance de plus de 1 000 enfants en parfaite santé en Europe, à l'exception de la France.
Notre pays, jusqu'ici réputé pour l'excellence de son niveau de compétence en matière de médecine de la reproduction, n'a toujours pas accès à cette technique. Il faut vraiment changer les choses et cela me semble une avancée extrêmement importante du texte.
Les demandes d'évaluation de cette innovation technique, déposées par les docteurs Tourame et Boyer à Marseille ou par le professeur Frydman à Clamart, ont été refusées par l'AFSSAPS et l'ABM, en raison d'une interprétation particulièrement discutable des lois de bioéthique par le Conseil d'État dans une étude de mai 2009, assimilant la technique de congélation ultrarapide des ovocytes à de la recherche sur l'embryon. Cette situation est inacceptable et il faut en sortir car il s'agit d'une avancée majeure.
Cette technique permet de préserver la fertilité des jeunes femmes qui vont subir un traitement médical stérilisant. Elle faciliterait le don d'ovocytes en France – qui semble dans une impasse – tout en conservant le principe de l'anonymat et de la gratuité. Elle permettrait de diminuer le tourisme procréatif et de lutter contre le trafic d'ovocytes, qui tend à se développer dans de nombreux pays voisins. Elle offre une solution alternative et complémentaire à la congélation des embryons – qui pose des interrogations éthiques – tout en respectant le cadre légal de l'accès à la procréation médicale assistée. Précisons qu'il ne s'agit pas d'opposer les techniques mais de les rendre complémentaires.
Enfin, et ce n'est pas son moindre avantage, elle permet de rétablir l'égalité entre l'homme et la femme en ce qui concerne la congélation des gamètes.
Afin d'éviter de nouvelles batailles à la communauté scientifique et médicale, mais également aux femmes, intégrons ce dispositif dans le texte.
Toujours à propos de l'article 19, je voudrais saluer la levée de la condition d'avoir déjà procréé pour pouvoir donner ses ovocytes, et vous dire que je proposerai par voie d'amendement de supprimer également cette condition pour le donneur de spermatozoïdes.
Si l'on veut enrayer la pénurie de donneurs, il faut en passer par là. En procédant ainsi nous toucherons de nombreux donneurs potentiels.
Je souhaite également que nous autorisions les centres d'assistance médicale à la procréation privés à procéder aux activités cliniques et biologiques relatives aux dons de gamètes. Actuellement, les centres privés réalisent 60 % de l'AMP en France. Ils ont déjà l'habitude de conserver le sperme dans le cadre de l'autoconservation et ils sont parfaitement à même de faire l'équivalent pour l'ovocyte et de procéder aux activités cliniques et biologiques d'assistance médicale à la procréation relatives aux gamètes en vue du don.
Le caractère privé des établissements ne remet pas en cause l'application de la législation qui encadre le prélèvement, et leur donner cette compétence est conforme à l'esprit de la loi HPST. Cela permettra d'accroître significativement le nombre de gamètes conservés et d'aider les équipes médicales à répondre à la demande de dons, ce qui ne leur est pas toujours possible actuellement.
En revanche, je vous propose de revenir sur la limitation à trois ovocytes fécondés en matière de FIV, mesure adoptée en commission qui suscite de grandes inquiétudes au sein de la communauté scientifique.
Je crois qu'il n'appartient pas au législateur de définir le nombre d'ovocytes fécondés quand on sait que les situations peuvent être très différentes d'un couple à l'autre et que le taux de réussite ne dépasse pas 30 %.
Toutefois, il faut fixer des objectifs de réduction du nombre d'embryons congelés, nous en convenons tous.
L'examen de ce projet de loi m'a également permis de transformer en amendement ma proposition de loi sur la lutte contre le tourisme de transplantation d'organes. J'espère que nous l'adopterons car le sujet est grave et douloureux.
Le voyage de transplantation, forme de tourisme médical, s'est développé ces dernières années dans des pays disposant de plateaux techniques satisfaisants pour des transplantations. Il donne aussi lieu à des trafics au sein des États, souvenez-vous du sort tragique des pratiquants du Falun Gong en Chine.
Afin de lutter contre cette dérive, j'ai proposé plusieurs dispositifs et j'espère que nous les adopterons en séance. Je voudrais que la France fasse comme le Canada et renforce son système de surveillance. Nous aurons l'occasion d'en débattre.
Je proposerai d'imposer à l'Agence de la biomédecine de réaliser, comme elle le fait déjà pour le rein, une enquête annuelle auprès des équipes françaises de greffes, afin de déterminer combien de leurs patients ont eu recours au commerce de transplantation d'organe à l'étranger.
Je voudrais aussi que l'on revienne sur la suppression de la clause de révision régulière à cinq ans ; il est important que nous ayons ce débat régulièrement au sein de cet hémicycle.
Enfin, je veux dire ma fierté de participer à un tel débat, et remercier les équipes médicales et la recherche françaises.
Monsieur le rapporteur, vous avez évoqué Ulysse. Pour ma part, à cette tribune, je dirai simplement la chose suivante : quand on aime la vie, quand on est pour la vie, on ne peut que se réjouir des progrès scientifiques et des possibilités offertes par la PMA.
Je voudrais encore une fois saluer l'excellence française, qui conjugue recherche, développement scientifique et éthique.
Le talent de la recherche française est bien de rester à la pointe de l'innovation tout en préservant une éthique largement partagée sur tous les bancs de cet hémicycle.
Rappelons que 25 000 couples consultent chaque année les centres de PMA et que 10 % des couples souffrent d'infertilité. Ils sont accueillis et bien suivis dans nos centres de PMA et je souhaite que cela dure. Rappelons que, dans notre pays, 2,5 % des enfants naissent grâce à toutes ces techniques.
Soyons vigilants quant aux dangers que peuvent receler certaines recherches et certaines pratiques, mais réjouissons-nous aussi de l'avancée de la médecine et de la recherche françaises et surtout de l'éthique qui anime nos équipes.
Ce débat, mes chers collègues, nous offre l'occasion de les remercier et de les saluer.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je voudrais, en introduction de mon propos, remercier à mon tour le président de la commission spéciale, Alain Claeys, et le rapporteur, Jean Leonetti, pour la manière dont ils ont mené les débats sur un sujet ô combien difficile, qui transcende les appartenances politiques et qui relève de conceptions philosophiques etou religieuses de la dignité humaine, du libre arbitre, de la liberté individuelle.
Les questions que nous avons abordées lors de l'examen du texte, étroitement liées aux avancées scientifiques, ont un impact direct sur les éléments qui structurent la société et l'ensemble des valeurs qui fondent notre « vivre ensemble ».
Certains moments réconcilient avec la vie parlementaire, quelquefois bien décevante ; la discussion sur la bioéthique est de ceux-là.
Dans le temps très court qui m'est imparti, je voudrais insister sur deux dispositions. L'une était presque passée inaperçue même si elle vient d'être évoquée, mais elle aurait des conséquences catastrophiques si elle était maintenue : l'alinéa 4 de l'article 22 qui limite la fécondation des ovocytes à trois. Monsieur le rapporteur, c'est une énorme erreur. En commission, j'ai été le seul à dénoncer cette limitation, avec l'appui de mon groupe politique.
En clair, si cette disposition est maintenue, les médecins, lors d'une FIV, ne pourraient plus féconder que trois ovules d'un couple stérile, alors que le nombre d'embryons congelés n'est pas limité actuellement, ce qui permet des chances supplémentaires de réussir l'implantation.
Ce serait, en effet, une perte de chances majeure pour toutes les femmes à partir de 35-36 ans pour lesquelles il est nécessaire d'implanter au moins deux embryons pour leur donner une chance d'avoir un bébé.
En France, chaque année, plus de 2000 enfants naissent suite à un transfert d'embryons congelés, ce qui représente près de 11 % des naissances médicalement assistées.
D'ailleurs, si cette restriction avait existé, ce que viennent de réaliser les professeurs René Frydman et Arnold Munnich, en permettant la naissance d'un petit garçon dont les cellules du cordon ombilical vont soigner sa soeur atteinte d'une grave maladie génétique, n'aurait sans doute pas été possible.
Les spécialistes de la FIV sont tous vent debout contre cette limitation. Le professeur René Frydman, Jacques Lansac, du collège des gynécologues obstétriciens français, Louis Bujan, président de la fédération des banques de sperme, et encore François Olivennes considèrent que cette disposition s'inscrit dans la droite ligne du discours antiprocréation assistée, anticongélation. Je partage leur avis.
Cette offensive menée par quelques députés UMP ultraconservateurs, proches des milieux catholiques intégristes, n'est pas acceptable. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
D'ailleurs, je sais que beaucoup de députés UMP – Mme Boyer vient de le prouver – partagent notre point de vue.
Alors, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, ne laissez pas faire cette idiotie ! Il y va de notre crédibilité.
Madame la secrétaire d'État, je vous demande de déposer un amendement de suppression de cet alinéa 4. Laissons les médecins et les spécialistes travailler en paix. Laissez-leur un peu d'air, laissez-les innover !
Quant à l'article 23, qui est le coeur du dispositif puisqu'il concerne la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires, quelle déception ! Il maintient le dispositif antérieur d'interdiction-dérogation que semblent également vouloir conserver le rapporteur et une partie des députés de la majorité avec, comme principale raison, qu'il n'y aurait pas de différence entre ce principe et celui de l'autorisation encadrée puisqu'il ne gênerait en rien les progrès de la recherche et respecterait les convictions attachées à la dignité de l'embryon humain.
Cette approche me semble restrictive, d'abord parce que le dispositif actuel n'est pas complètement satisfaisant, ensuite parce qu'il peut pénaliser la recherche.
Dans le rapport, nous lisons, à la page 63 que, tout en réaffirmant le principe de l'interdiction de la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires, l'article 23 « aménage, de façon désormais permanente, les possibilités dérogatoires de mener de telles recherches ». Ne jouons pas sur les mots. Que signifie une permanence des possibilités dérogatoires sinon une autorisation ? Donc franchissons le pas !
Le Conseil d'État a, lui-même, récemment proposé, dans ses recommandations, d'autoriser ces recherches tout en conservant les conditions strictes requises dans le cadre des dérogations.
Plus important encore : dans la pratique, des avancées scientifiques n'ont pu être autorisées, voire évaluées. C'est le cas de la congélation ultrarapide des ovocytes, la seule méthode autorisée en France étant la congélation lente. Alors qu'un peu partout en Europe et dans le reste du monde – Belgique, Italie, Espagne, Portugal, Japon, États-Unis, Argentine – la technique de congélation ultrarapide des ovocytes est autorisée dans le cadre de la fécondation in vitro et de la gestion quotidienne du don d'ovocytes, notre pays n'a toujours pas accès à cette technique. Pourquoi ? Parce que les demandes d'évaluation, formulées notamment par le professeur Frydman, ont été refusées par l'AFSSAPS et l'ABM en raison d'une interprétation particulièrement discutable des lois de bioéthique par le Conseil d'État, qui assimile cette technique à la recherche sur l'embryon.
Voilà un exemple concret qui montre la nécessité d'autoriser la recherche sur l'embryon en maintenant un cadre strict. Ce principe aurait le mérite de la clarté, de la lisibilité, de la transparence : il permettrait de respecter la singularité de l'embryon humain tout en évitant de porter atteinte à la liberté de la recherche.
Si le texte qui nous est proposé n'évolue pas, il laissera perdurer une position ambiguë tendant à faire croire que certaines recherches sont plus conformes à l'éthique que d'autres. Mettons fin à cette suspicion, d'autant que tout le monde s'accorde à reconnaître la qualité des contrôles réalisés par l'Agence de la biomédecine.
Une dernière remarque : avec notre principe d'interdiction-autorisation, le chercheur Robert Edwards, pionnier en matière de fécondation in vitro, aurait certes pu mener ses recherches pour la mise au point de la FIV, mais on lui aurait interdit d'aller plus loin et il n'aurait pas pu créer des embryons. Je crains qu'avec le maintien de ce dispositif, la France puisse malheureusement revendiquer le Nobel de la frilosité !
Monsieur le rapporteur, il est encore temps de faire évoluer les choses et de passer outre aux calculs électoraux de l'Élysée. Vous savez de quoi je parle.
Pour conclure, je citerai une phrase d'Axel Kahn qui devrait guider toute notre démarche : « La définition du bien, c'est tout ce qui concourt à la reconnaissance de la valeur de l'autre.» (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je dois reconnaître que j'ai été très déçu en lisant le projet de loi. Je l'ai trouvé vraiment en retrait par rapport aux débats que nous avons eus lors des colloques et réunions auxquels j'ai pu participer au cours des deux dernières années.
Je regrette que l'attention de l'opinion publique se soit concentrée sur la levée ou non de l'anonymat du don de gamètes.
Je tiens à féliciter la commission spéciale pour son apport essentiel à ce texte.
Cependant, je regrette que la question de la gestation pour autrui n'ait pas trouvé de solution. Selon une enquête publiée par l'Agence de biomédecine, 53 % des Français considèrent que les mères porteuses devraient être autorisées en France ; 44 % croient même que c'est déjà le cas.
Certains pays ont légiféré sur la pratique de la gestation pour autrui en proposant des dispositifs d'encadrement. En Europe, l'Angleterre, la Grèce, la Roumanie, la Belgique, le Danemark et les Pays-Bas ne l'interdisent pas.
Il faudra, un jour, avoir le courage d'encadrer cette pratique. La France ne peut pas se contenter de prendre des mesures ponctuelles pour les enfants nés à l'étranger de mères porteuses.
Concernant les transplantations, en France, 14 000 malades sont aujourd'hui en attente d'une greffe d'organe, dont plus de 10 000 pour un rein. Sur 3 100 greffes de rein réalisées, seules 223 le sont à partir d'une greffe de donneur vivant. L'essentiel des reins prélevés proviennent donc de donneurs décédés. Je soutiens, bien évidemment, la mise en place du « don croisé », qui devrait permettre d'augmenter sensiblement le nombre de greffons.
Il ne faut pas éluder la question des greffons post mortem. Près d'un tiers des prélèvements possibles sont actuellement refusés par les familles. Il faudrait, dans tous les cas, réfléchir à un nouveau dispositif. Ne peut-on pas envisager de demander, de manière simple, à tous les Français majeurs d'indiquer, à l'occasion de la mise à jour de la carte Vitale, s'ils acceptent qu'on leur prélève un organe après leur mort ? Je soutiendrai les amendements qui iront dans ce sens.
Concernant la recherche sur l'embryon, je ferai deux observations.
D'abord, je constate que le moratoire de février 2006 accordant les dérogations à l'interdiction de la recherche sur l'embryon a pris fin il y a quelques jours. Aucune nouvelle autorisation ne peut donc être délivrée tant que le nouveau dispositif législatif sur lequel nous sommes en train de débattre ne sera applicable.
Plusieurs chercheurs se sont émus de cette situation. Il faut que l'Agence de la biomédecine retrouve rapidement ses prérogatives. Je vous remercie, madame la secrétaire d'État, de bien vouloir nous rassurer sur ce point.
Ma seconde observation concerne le principe d'interdiction de la recherche sur l'embryon. Nous savons que la mise en oeuvre de la thérapie avec les cellules souches embryonnaires sera longue. Cependant, en retenant des critères restrictifs et en autorisant cette recherche pour une durée limitée, nous n'avions pas donné, en 2004, un bon signal à la communauté scientifique. Il me semble très important – et pas seulement pour éviter la fuite des cerveaux – de lui faire clairement passer le message que, même si des limites doivent être posées, nous sommes favorables à la recherche sur l'embryon.
La grande majorité des Français – 79 % d'entre eux – reste attachée à l'anonymat des dons de sperme ou d'ovocytes et à leur gratuité. Ce qui pose problème, ce n'est pas uniquement la question de l'anonymat du don de gamètes ; c'est le fonctionnement du dispositif actuel de ce don, notamment d'ovocytes, qui aboutit à une absence de donneuses en France.
La suppression de l'une des conditions actuellement imposées à ce type de dons, à savoir d'avoir déjà eu au moins un enfant, est un vrai progrès. Mais la réponse que nous apportons reste incomplète.
Depuis des années, de nombreux Français se tournent vers l'étranger. Des officines très lucratives se sont installées dans des pays où la loi est plus souple, voire inexistante, en ce domaine : la Grèce, l'Espagne, la République tchèque et la Roumanie font partie des pays les plus visités pour le don d'ovocytes. Nous savons que les procédures y sont moins contraignantes, moins exigeantes et plus rapides puisque les ovocytes ne manquent pas.
Il apparaît donc urgent de promouvoir l'information à ce sujet en France pour que la pratique du don d'ovocytes se développe dans notre pays.
Malgré les diverses critiques émises, je voterai ce texte car il comporte de réelles avancées pour la recherche et la santé de nos concitoyens. Je reste persuadé que nous serons capables d'apporter des solutions à toutes les difficultés.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je tiens à remercier la commission spéciale, et notamment son rapporteur, Jean Leonetti, pour ce texte. Il n'est en effet pas simple de réviser les lois de bioéthique.
Il est vrai qu'il n'y a pas d'opposition formelle entre la droite et la gauche en de telles matières, qui en appellent à la conscience des uns et des autres. J'espère donc que, pour une fois, les députés de droite comme de gauche voteront avec leur conscience et non selon leur étiquette.
C'est un rare moment où nous verrons notre assemblée se prononcer avec ferveur pour certains, avec crainte pour d'autres.
Avec crainte, car la science n'a pas de morale. La science, elle est.
C'est l'application, à un moment donné, des découvertes de la science qui établira, pour un temps, les lois encadrant celle-ci.
L'homme, vous le savez bien, a acquis, depuis des années, des pouvoirs extraordinaires. Sa définition a évolué grâce à la génétique. De la naissance jusqu'à la mort, tout a changé. De la cellule souche à la thérapie génique, une nouvelle vision de l'humanité s'impose petit à petit.
La difficulté de telles lois est évidente : elles ne doivent pas entraver la recherche – or ses découvertes, qui sont quelquefois enivrantes et passionnantes, sont toujours transgressives –, elle ne doivent pas non plus rayer d'un trait de plume nos croyances, nos convictions, nos aspirations. L'homme d'aujourd'hui est bien plus qu'un homme, il est un maillon d'une grande chaîne qui s'étend des premières heures du monde au futur encore inconnu. Or la science nous offre tant de possibilités qu'elles risquent, si elles ne sont pas encadrées par des lois, de nous faire considérer l'homme comme une simple machine qu'il est possible de manipuler dans un but utilitaire.
La cellule souche, potentialité humaine ou homme potentiel ? Le Comité consultatif national d'éthique se penche sur ces définitions depuis 1986. Pour en avoir fait partie, je puis affirmer que jamais nous n'aurons de réponse claire et sans équivoque.
Les cellules souches peuvent provenir d'embryons humains surnuméraires gardés dans des congélateurs des centres de recherche. Ces embryons, qui sont-ils ? Nous aurons beau chercher dans les livres saints de toutes les religions, nous n'y trouverons pas la réponse non plus. Pourtant, travailler sur les cellules embryonnaires est nécessaire.
Faut-il alors interdire ces recherches en introduisant des dérogations ou les autoriser en encadrant les manipulations ? C'est la première solution qui a été retenue dans notre droit. En dehors de cette sémantique ambiguë, cette interdiction préserve pour un temps nos émotions, notre éthique, tout en ne freinant pas, grâce aux dérogations prévues, la recherche.
Mais la loi d'aujourd'hui sera-t-elle acceptable demain ? Surtout, que cherchons-nous ? Souhaitons-nous faire de la recherche pure pour satisfaire notre soif de connaissances ou de la recherche appliquée pour aider l'homme atteint de maladies génétiques ?
Voici cependant deux nouveautés qui vont bouleverser nos certitudes.
Sachez qu'il est maintenant possible de retrouver, dans le sang d'une femme enceinte de moins de six mois, les cellules de son embryon et qu'elle pourra, par l'analyse de celles-ci, connaître avec une très grande probabilité le grand livre de la vie de son futur enfant : maladies génétiques, caractéristiques physiques et, bientôt, caractéristiques intellectuelles. Faut-il interdire cet examen qui donne tant de réponses alors que l'avortement – auquel je suis favorable – est autorisé jusqu'à la quatorzième, voire la vingt-deuxième semaine ? Si cet examen est interdit en France, cette femme pourra le faire, si elle le désire, à l'étranger : en Allemagne ou en Chine. Si elle le fait à l'étranger, lui refusera-t-on, ensuite, en France le droit d'avorter ? Ce dilemme est impossible à régler, mais cette possibilité peut être aussi la porte ouverte à un certain eugénisme, dont les conséquences peuvent être effrayantes.
Une autre découverte porte en elle les germes d'une grande inquiétude. Il est maintenant possible de faire revenir une cellule de peau à l'état de cellule souche en lui incorporant trois gènes particuliers des cellules IPS.
Est-ce ainsi qu'on résoudra le problème de la recherche sur les cellules souches ? Vraisemblablement puisqu'il ne sera plus indispensable de se procurer des cellules issues de l'embryon.
Mais il y a un mais : cette cellule pourrait, si on le désirait, permettre la création quasiment ex nihilo d'un clone, reproduisant à peu de choses près l'homme dont elle est issue. Certes, cette cellule souche n'est pas le résultat d'une fécondation normale, elle n'est pas issue de la fusion d'un spermatozoïde et d'un ovocyte, mais elle porte en elle les mêmes capacités.
Nous voyons la difficulté du raisonnement qui prévaut en la matière, son hypocrisie même : cette cellule, redevenue embryonnaire, n'est pas différente d'une cellule issue d'un embryon. C'est juste la temporalité qui change.
Autre sujet controversé : faut-il lever le secret de la naissance, l'anonymat des donneurs de gamètes ? Nous avons répondu non. C'est une bonne chose.
Après avoir évoqué rapidement ces trois sujets, je souhaiterais revenir brièvement aux prélèvements de gamètes.
Il est question de ne prélever que trois ovocytes.
Je crois que cette décision serait dramatique pour ceux et celles qui ont besoin d'une fécondation in vitro.
Je sais, de par le métier que j'exerce, que l'on réduirait fortement les chances de la femme stérile. En outre, on multiplierait des prélèvements qui sont dangereux et douloureux. Je ne vois pas au nom de quoi on diminuerait le nombre d'ovocytes susceptibles d'être prélevés.
Oui, de grands pays, comme le Royaume-Uni. Faut-il limiter le nombre ? Beaucoup disent oui, mais le Royaume-Uni fabrique des embryons uniquement dédiés à la recherche. Est-ce une avancée éthique ? Je n'en suis pas sûr.
Vous le voyez, ces questions sont difficiles. Vous avez beaucoup travaillé, nous avons beaucoup travaillé, soit dans le cadre du Comité national d'éthique, soit en écoutant les uns et les autres, dans toute la France. Ce sujet est extrêmement difficile. Nous avons réussi à mettre au point une bonne loi. Attention, cependant. Il est prévu qu'elle ne sera pas révisée automatiquement, mais il faut bien entendu qu'elle le soit de temps en temps, au gré des recherches, au gré des nécessités, justement pour intégrer cette transgression permanente à laquelle nous sommes confrontés. C'est la transgression de la science, qui n'a pas de morale. De temps en temps, nous aurons le devoir impérieux de réviser cette loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
(M. Marc Laffineur remplace M. Jean-Christophe Lagarde au fauteuil de la présidence.)
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, ce n'est évidemment pas le premier débat que nous avons sur une loi bioéthique. Au-delà même de ces lois, ce n'est pas le premier débat que nous avons sur l'éthique et sur ses rapports avec la santé et avec la vie. D'autres sujets nous ont donné l'occasion de travailler, et parfois de nous différencier. Je suis d'ailleurs de ceux qui ont regretté que l'on n'ait pas inclus dans ce débat d'autres questions de société. Je pense notamment à la fin de vie, qui faisait partie, me semble-t-il, des questions sur lesquelles nous aurions dû réfléchir. Car, à l'évidence, notre société évolue, et je suis persuadé, pour ma part, qu'il y a dans ce pays une volonté très forte de faire bouger les lignes. Nous n'avons pas eu cette réflexion sur la fin de vie parce que c'était politiquement gênant, et pour aucune autre raison.
C'est d'ailleurs l'occasion pour moi, non pas d'aborder tel ou tel point particulier – nous le ferons dans la discussion des articles –, mais de m'inscrire en faux contre une certaine conception de ce débat qui tend à le présenter comme parfaitement apolitique. Parce qu'il faudrait témoigner de notre respect pour les questions de bioéthique, parce qu'il faudrait aussi faire preuve d'une grande hauteur de vue, nous devrions nous cantonner, de manière hypocrite, à l'examen de questions techniques, scientifiques, ou de conscience.
Je trouve particulièrement choquant ce discours qui vise à opposer la conscience et la politique. Une telle opposition relève d'une conception pour le moins problématique du travail parlementaire. Lorsque nous parlons de questions sociales, nous en parlons en conscience. Lorsque nous parlons de questions internationales, nous en parlons aussi en conscience. La citoyenneté n'est-elle pas le premier lieu d'exercice de la conscience, celle du citoyen de la République ? Bref, opposer la politique et la conscience, c'est un point de vue qui me semble très limité.
Depuis le début de l'examen de ce texte, d'abord au sein de la commission spéciale, puis dans l'hémicycle, j'ai entendu des points de vue très politiques. Il y a dans cette enceinte
, et c'est bien normal, des personnes qui défendent des convictions, philosophiques ou religieuses. Elles sont parfaitement légitimes et tout à fait audibles. Et je ne vois pas en quoi il serait choquant de les mettre en avant. Tout à l'heure, lorsqu'un de nos collègues parlait de ses convictions, certains se récriaient. Mais en quoi une certaine vision de la transcendance, une certaine vision de la vie serait-elle critiquable ? Je ne partage pas ces convictions, mais je les respecte. Et je fais plus que les respecter : j'essaie de les écouter et de les entendre. Pour autant, je ne suis nullement convaincu qu'elles n'aient rien de politique.
Vous aurez compris que j'ai plus de respect pour ceux qui agissent par conviction, mais il y en a toujours d'autres, dans la partie droite de cet hémicycle, qui agissent par calcul. Et le problème que nous avons, avec ce projet de loi, ce ne sont pas les convictions, c'est le calcul de ceux qui vont, « en conscience » – j'emploie ce mot par dérision –, faire des choix contraires au progrès comme à l'intérêt de notre pays. Et ils ne vont pas le faire en vertu de motifs qui relèveraient de la conscience. Ils vont le faire par calcul politique, comme ils nous y ont d'ailleurs habitués. C'est cela qui me semble particulièrement critiquable dans ce débat.
J'entends bien que les questions nouvelles posées par la bioéthique ne relèvent pas toutes d'un esprit de système. Il est exact, par exemple, que sur tout ce qui touche aux moeurs ou à la famille, nous pouvons avoir des positions différentes. Elles sont toujours politiques, même si elles ne sont pas forcément placées sous le signe de tel ou tel rassemblement idéologique. Et elles témoignent de nos hésitations individuelles. Aucun de nous ne réfléchit à ces questions avec des certitudes et des engagements absolus. Nous cherchons tous à relativiser nos positions. Mais enfin, il y quand même des lignes de force. Par exemple, vous ne trouverez personne sur les bancs de la gauche – et ce point de vue peut même parfois être partagé sur certains bancs de la droite – pour croire que votre position quant à la recherche sur l'embryon est juste. Il y a unanimité, au sein des forces de progrès, pour considérer que l'impasse que vous faites sur cette question pose un problème majeur. Votre position résulte d'arbitrages qui répondent certes à des convictions, mais ce qui fait la décision, ce ne sont pas les convictions, ce sont les calculs.
On a dit de cette loi qu'elle était une loi de statu quo. C'est presque lui faire trop d'honneur. Dans un monde qui bouge, le statu quo, c'est le recul de la France. Quand nous refusons de faire les choix qui s'imposent en matière de recherche sur l'embryon, non seulement nous bridons l'innovation et la recherche française, mais nous passons aussi à côté de potentialités médicales, en même temps que nous affaiblissons la capacité de la France à être fortement présente dans ce domaine d'avenir où nos atouts sont pourtant considérables. Nous essayons, certes, de contourner nos propres obstacles par des réglementations. Mais comme il n'y aura pas de droit stabilisé, il y aura évidemment des réticences.
Je voudrais aborder une autre question, qui est posée sur tous les bancs : devons-nous, et dans quelle limite, accepter des législations d'exception lorsqu'il s'agit de problèmes de moeurs ? Je pense, par exemple, à la gestation pour autrui. Nous entendons souvent des arguments qui consistent à dire qu'il y a une histoire, une généralisation de cette pratique, et que la France ne peut pas s'en exclure. L'argument contraire consiste à dire que la France doit montrer au monde qu'elle est attachée à des valeurs qui ne sont pas négociables. Cette réflexion, nous l'aurons en permanence sur des questions d'avenir en matière de bioéthique, et même bien au-delà. Quelles sont les valeurs que nous devons absolument défendre, au besoin en luttant contre certaines tentations délétères qui peuvent se faire jour ailleurs sur la planète, et quelles sont celles sur lesquelles nous serons conduits à composer, parce que la réalité, sociale et scientifique, sera telle que nous ne pourrons pas résister ?
Voilà ce à quoi nous devrions réfléchir, plutôt que de nous lancer des anathèmes en présentant ce débat comme relevant d'une opposition entre ceux qui veulent défendre une identité française et ceux qui ne pensent qu'à s'aligner sur une réalité mondiale.
S'agissant des dons d'organes, par exemple, nous ne pouvons évidemment pas accepter les trafics, parce que des conceptions fondamentales touchant à la vie humaine s'y opposent, des conceptions qui me semblent d'ailleurs assez largement partagées dans le monde, et sur lesquelles nous pouvons nous appuyer pour mener des combats victorieux. A contrario, s'agissant de la gestation pour autrui, beaucoup d'entre nous – et pas forcément moi, en l'occurrence – considèrent qu'il y a des valeurs essentielles à défendre. C'est le thème du refus de la marchandisation, thème que je comprends tout à fait. Mais peut-être devrions-nous considérer que cette exception française ne pourra pas être durablement défendue. Peut-être le rapport « bénéfice-risque », en quelque sorte, devrait-il être envisagé avec plus de précaution. Sur un thème comme celui-ci, plutôt que d'adopter des oppositions frontales, nous pourrions faire en sorte que la France soit le pays qui pose des bornes éthiques à une pratique que l'on pourra difficilement interdire au plan international.
Voilà, mes chers collègues, ce que je voulais vous dire, de façon très générale, en revenant à cette question éminemment politique. Je regrette que nous ne soyons pas capables de saisir cette occasion. Mais disons-le, si demain, la majorité changeait, oui, nous aurions une loi bioéthique différente. Je ne sais pas si cette majorité aura à coeur de boucler toutes les lectures de cette loi avant 2012, mais je crois pouvoir dire que sur des sujets importants, en particulier la recherche sur l'embryon, une autre majorité fera autrement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le président de la commission spéciale, monsieur le rapporteur, tout comme M. Le Guen, je respecte les positions de tous ceux qui sont présents dans cet hémicycle. J'ai apprécié votre leçon politique, mon cher collègue, car elle était juste. Vous avez raison, ce débat est politique. C'est un projet de société qui est présenté à l'Assemblée nationale. Il ne faut pas faire semblant de croire le contraire. Il y a un vrai clivage entre deux visions de la société. C'est la noblesse du combat politique.
Il n'y a pas de petites ou de grandes lois, mais il y a des lois qui structurent et qui définissent le socle de notre pacte social. C'est le cas de celle-ci.
S'il est important d'écouter les chercheurs, les médecins, les associations et toutes autres personnes compétentes, in fine, c'est bien au législateur, représentant du peuple souverain, qu'incombe le devoir de préciser le cadre dans lequel la société peut s'épanouir avec éthique dans la concorde et la paix civile.
N'oublions pas l'histoire de l'humanité et essayons d'en tirer les leçons. De l'esclavage aux monstrueuses expériences médicales et à l'élimination des handicapés au nom de la race pure mis en oeuvre par les nazis, en passant par le dopage massif et institutionnalisé pratiqué dans les ex-pays du bloc de l'Est pour améliorer les performances de l'homme, l'humanité a déjà trop souffert par ceux qui, par vanité ou pour des raisons politiques, ont instrumentalisé l'homme en le considérant comme un objet, voire pire encore.
Rappelons donc ici, dans ce temple de la démocratie et de l'humanisme, que l'homme n'est pas une chose. Il est le fruit d'une union entre un père et une mère. Il ne doit pas faire l'objet d'expérimentations pour améliorer ses performances ou pour des pratiques commerciales.
Le projet de loi qui nous est proposé a évolué favorablement à la suite de nos travaux en commission, mais cela est insuffisant.
La question de l'élimination quasi-systématique des enfants trisomiques à naître est une question trop grave pour ne pas l'aborder.
Les parents d'un enfant à naître dont la trisomie 21 a été détectée doivent pouvoir réfléchir librement, sans aucune pression sociale, avant de prendre une décision.
C'est la raison pour laquelle il est important qu'une liste d'associations agréées pour expliciter comment il est possible de vivre avec un enfant trisomique soit remise aux parents lors de l'annonce de la trisomie 21 de leur enfant à naître.
À l'issue du vote de la loi, l'État devra également financer les recherches sur la trisomie 21.
Au nom du respect que nous avons tous de l'homme, je souhaite également, à titre personnel, que les expériences soient interdites sur l'embryon humain ainsi que sur les cellules souches embryonnaires.
Mes chers collègues, aujourd'hui, l'étude des cellules souches adultes donne les meilleurs résultats.
Nous pouvons donc concilier l'éthique et l'efficacité. Ne laissons pas passer cette chance.
Le 8 mai 1945, nous avons mis à bas le nazisme pour abréger les souffrances physiques de l'homme, mais aussi au nom de valeurs morales qui différencient l'homme de l'animal.
Les connaissances scientifiques de l'époque n'ont pas permis à ce régime de mettre en oeuvre sa politique autrement qu'en éliminant de leur vivant les handicapés et en accouplant les hommes et les femmes correspondant à leurs critères raciaux.
Compte tenu des connaissances scientifiques actuelles, posons-nous sereinement la question de savoir comment agirait concrètement, aujourd'hui ou demain, un tel régime pour arriver à ses fins.
Le texte qui sera adopté nous éloignera ainsi non seulement du mercantilisme mais aussi de l'eugénisme, même s'il est libéral et non d'État.
Tout d'abord, en réaction à ce que je viens d'entendre, je dois dire que je suis particulièrement choquée du parallèle établi avec ce qui s'est passé pendant la Seconde guerre mondiale. Ce parallèle est souvent mis en avant par les adversaires du droit à l'interruption volontaire de grossesse.
Ce parallèle, au sein même de notre hémicycle, a produit des heures terribles lors du débat sur l'IVG mené par Mme Simone Veil. Il n'a rien à faire dans le présent débat, monsieur Meunier.
Votre comparaison était tout à fait hors de propos, et n'avait pas lieu d'être à cette tribune.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, il est rare d'avoir pareilles occasions d'émotion à la tribune de l'assemblée. Il est également rare d'avoir l'occasion de dire « je », et de nourrir notre discours de notre vision, de notre éthique, de notre vécu.
Nous sommes souvent empreints de la solennité du lieu et du moment, de l'importance des débats, mais nous avons peu l'occasion de nous prononcer aussi nettement qu'aujourd'hui sur la frontière de la vie, la famille, la parenté. Rarement nos paroles, nos votes auront autant de conséquences sur le travail des chercheurs, mais aussi sur l'identité d'enfants, d'adultes, sur les espoirs de milliers de couples.
C'est l'une des principales particularités des lois de bioéthique, qui tient au large champ qu'elles couvrent, une série de domaines qui ont trait aux relations entre le corps humain et la science, notamment la médecine.
Les rapports à la vie, à l'enfant, à la parentalité, évoluent avec le temps et ne sont pas donnés à jamais. Notre approche doit être résolument laïque, dictée par les seuls intérêts humanistes. Nous devons refuser l'essentialisme, car l'ère moderne, c'est bien l'ère du doute.
C'est l'ère de la responsabilité, qui est le corollaire indispensable de la liberté.
Il y a, derrière ces tribunes, les regards de ceux qui ne sont pas là mais qui comptent sur nous. Quelle est notre légitimité à parler en leur place aujourd'hui sur des sujets aussi intimes ? Comment le politique doit-il guider sa décision ? Il me semble que la réponse qui consiste à s'inspirer de sa propre histoire est trop limitée, même si elle a l'avantage de donner accès, par la sensibilité, à des émotions qui génèrent ensuite une réflexion.
Le recueil de témoignages, nécessaire et indispensable, ne suffit pas non plus, car se posent des choix éthiques, et donc la nécessité d'affirmer des principes qui viennent englober mais aussi dépasser la somme de toutes les expériences empiriques.
Reste une méthode que nous pourrions qualifier de kantienne : nous cherchons ici à définir une règle morale, c'est-à-dire que nous nous demandons si ce que nous trouvons bon et juste dans tel ou tel cas serait extensible à l'humanité tout entière, et si le résultat en serait souhaitable.
Ce n'est pas une morale transcendante, éternelle, dictée par je ne sais quel dieu, c'est une morale immanente, humaine, mortelle, issue du temps présent et ayant volonté de répondre aux questions du temps présent.
Pour notre part, nous laïcisons le rapport à la vie, à la famille, à la parentalité. C'est ainsi que nous remettons l'amour et la volonté éducative, la transmission, au coeur de la véritable identité de l'individu.
Nous refusons le diktat d'un naturalisme exacerbé qui enferme l'homme dans son animalité. Nous proclamons que l'humain est irréductible à la seule nature qui lui a permis de voir le jour. Au même titre que les oeuvres de l'esprit, que l'art, que la culture, que la science, nous construisons notre parentalité, notre rapport à la famille, aux enfants, en tant qu'individus responsables et adultes. Nous avons confiance en l'être humain plutôt qu'en un dieu plus ou moins caché aux ordres duquel nous devrions obéir.
À cette aune, il est évident que la recherche est un impératif au service duquel nous devons permettre des avancées dans le travail sur les cellules souches embryonnaires. Il est en effet primordial de mener sur ces cellules des recherches cognitives lorsqu'elles sont susceptibles de permettre des progrès scientifiques et médicaux majeurs.
L'humanité s'élève par son émancipation des contraintes, et les chercheurs ne doivent pas être soumis à des pressions idéologiques ou religieuses, dès lors que, comme nous le souhaitons, leurs recherches seront encadrées par l'Agence de biomédecine.
Je ne répéterai pas ce qui a été exposé par mes collègues sur l'AMP ni sur le scandale et le danger de vouloir limiter à trois le nombre d'embryons congelés. Mais, comme nous ne savons pas quand aura lieu le prochain débat sur la bioéthique, je voudrais poser certaines questions, notamment sur la connaissance des origines.
Il est pour ma part douloureux de renoncer au débat sur la levée de l'anonymat du don de gamètes. La culture du secret est selon moi le pire des dénis car, niché dans le secret, il y a le risque de la honte. Mais nous devrons attendre encore quelques années. Idem en ce qui concerne la gestation pour autrui. Seul le temps résoudra ces problèmes. Ce n'est pas une avancée pour notre pays. Mais les années passant, les mentalités changeront, et les majorités aussi.
Les réactions très violentes que nous avons entendues ici ou là sur ces sujets traduisent une peur. Face à cette peur, la méthode souvent employée est celle de l'autruche, du déni, du refus de voir que la société a déjà évolué. Oui, il existe des enfants élevés par des parents homosexuels, donc l'homoparentalité existe. Oui, il existe des familles recomposées. Il existe aussi des monoparents, qui élèvent seuls leurs enfants, et ce depuis très longtemps. Le déni social, c'est la pire des choses à faire à ces enfants. C'est cela, et cela seulement, qui les stigmatise.
De même, on ne peut prétendre mettre l'enfant au coeur de nos préoccupations tout en refusant les amendements proposés par le groupe socialiste sur l'état civil des enfants nés d'une gestation pour autrui à l'étranger. S'intéresse-t-on réellement ici au sort de ces enfants ?
À titre individuel, je considère que ce droit s'étend aussi aux enfants qui souhaitent connaître l'identité du donneur de gamètes qui leur a permis de naître. À mes yeux, cela ne remettrait en cause ni le lien avec leurs parents, ni la possibilité d'augmenter le nombre de donneurs, hommes ou femmes.
La majorité a une vision trop figée de la famille, un archétype totalement en décalage avec la réalité protéiforme des familles d'aujourd'hui. Vous nous accusez souvent de vouloir détruire la famille ; au contraire, nous élargissons son champ.
Ce sont des familles, dans toute leur diversité, car vous ne voulez qu'écraser ceux et celles qui ne correspondent pas à un modèle patriarcal, alors que nous soutenons ceux et celles qui veulent faire famille. C'est cette énergie que vous voulez brider, en bridant les techniques qui permettent de les élargir. Les couples qui ont recours à une mère porteuse aux États-unis ne sont pas moins méritants que ceux qui ont des enfants par des voies plus éprouvées. Pourquoi refuser à ces couples de donner une identité à leurs enfants ? De même, pourquoi refuser à des femmes de faire le don d'une maternité à un autre couple, hétérosexuel ou homosexuel ?
En vérité, nous avons ici beaucoup entendu parler des auditions de représentants religieux, donnant leurs visions de la vie, de l'enfant, de la famille. Peut-être avons-nous oublié que, chez ces représentants religieux, il n'y a jamais de femmes, ce sont toujours des hommes qui s'expriment.
Pour conclure, je vous rappellerai que la science est issue du mythe de Prométhée. Prométhée va voler le feu sacré pour le donner aux hommes, qui ont été lésés dans la distribution des dons par son frère Épiméthée. Prométhée va donner le plus précieux des cadeaux aux hommes : le feu sacré, qui est aussi celui de la science.
Certes. En punition, Prométhée est attaché à un rocher, condamné à voir un aigle lui dévorer le foie éternellement.
Les chercheurs, les couples, les enfants nés et à venir, devront encore attendre, attachés au rocher de l'obscurantisme, car ce n'est pas cette loi qui les en délivrera. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, les progrès des connaissances scientifiques et médicales, les espoirs qu'ils ouvrent, mais aussi les dérives qu'ils peuvent engendrer ne nous permettent pas de rester attentistes sur les enjeux de la bioéthique. Il est légitime de vouloir se donner le temps de la réflexion, mais il importe aussi de pouvoir réagir à temps sur des questions totalement neuves, ce qui peut mettre en question le bien-fondé de rendez-vous législatifs pluriannuels.
Surtout, il est important que nous sachions en permanence concilier les attentes et les espoirs nés du progrès scientifique ; l'espace de responsabilité et de liberté indispensable face à des enjeux qui touchent au plus profond de la vie des personnes ; et surtout, parce que ce sont les principes mêmes qui fondent notre pacte social, notre vision de la société, le respect de la vie, la dignité des personnes et leur capacité, dans le cadre législatif que nous aurons choisi, de se déterminer librement et non pas sous l'effet d'une pression sociale et économique.
Sur les dons d'organes, le législateur de 2004 a introduit, avec la consultation élargie des proches, un élément d'incertitude qui se traduit par une déperdition non négligeable du nombre de greffes possibles, alors que les besoins n'ont cessé de progresser et que les files d'attentes s'allongent. Il me paraît nécessaire de réaffirmer plus fortement que la finalité du don d'organes est d'assurer la vie. L'autorisation du don d'organes croisé va dans ce sens. Il faut donc renforcer la présomption de la volonté de faire don de ses organes en cas de décès.
Il me paraît en particulier nécessaire de faciliter la libre décision du donneur, en instituant un second registre informatisé, qui serait un registre positif. Je note d'ailleurs que l'article 3 de la Charte européenne des droits fondamentaux parle du consentement de la seule personne concernée.
À ce propos, bien que ce ne soit pas l'objet de cette loi, il est urgent que les directives européennes expriment une obligation sans équivoque sur la question de la gratuité du sang et de ses dérivés, notamment le plasma. Les interrogations suscitées par les prises de participation du LFB dans certains établissements n'auraient alors plus lieu d'être.
Pour ce qui concerne les recherches sur les embryons et le diagnostic prénatal, nous retrouvons tout à la fois la question du respect de la vie et celle des finalités.
S'agissant de la recherche sur les embryons, il est vrai que biologiquement, naturellement, un grand nombre d'embryons ne sont pas destinés à survivre. L'élément déterminant pour l'avenir d'un embryon est le projet du couple ou au moins celui de la mère. Nous n'en sommes pas moins dans un domaine qui pose un problème de conscience à beaucoup de nos concitoyens. C'est pourquoi l'utilisation d'embryons surnuméraires pour des enjeux de recherche médicale, particulièrement importants et graves, doit être à mon sens limitée aux hypothèses où il n'existe pas d'alternative et en se limitant au nombre d'embryons strictement nécessaire.
Pour le diagnostic prénatal, il nous paraît également indispensable que le poids des procédures et leur répétition ne finissent pas par enfermer ou contraindre excessivement le libre choix des personnes. Si j'approuve l'effort d'élargissement des techniques d'assistance médicale à la procréation dès lors que leur finalité est clairement affirmée, je ne pourrais personnellement que m'opposer à la gestation pour autrui, qui me paraît humainement très dure à vivre et qui risquerait de devenir l'instrument de trafics et de pressions particulièrement dangereux.
J'en viens enfin à la question des dons de gamètes. Dans un premier temps, la tentation de la commission spéciale a été celle de la paix au sein des familles, à quoi s'ajoute sans doute le souci de préserver le statut du père ou de la mère, social mais non biologique, et bien d'empêcher la levée de l'anonymat des dons de gamètes. Cette volonté de préserver la paix sociale et les positions acquises n'empêchera jamais une partie au moins de ceux qui sont issus d'un tel don de se poser avec force et parfois violence la question de leur origine.
La recherche, la quête des origines est un sentiment fort, que l'on retrouve d'ailleurs dans toute une part de la littérature contemporaine, qu'il s'agisse d'archives familiales, de volonté de recommencement, de réécriture de l'histoire de ses ascendants biologiques, autant que sociaux. Fermer cette possibilité constituerait un véritable déni d'origine. C'est pourquoi le dispositif proposé par le projet de loi initial présenté par Roselyne Bachelot me paraissait sage, puisqu'il limitait cette possibilité à celle de l'enfant arrivé à l'âge de la majorité et la soumettait à l'accord du donneur.
Madame la secrétaire d'État, la discussion de ce projet de loi comporte une multitude de volets sur lesquels les positions peuvent varier, de l'acceptation au rejet pur et simple. Comme celui de beaucoup de mes collègues, mon vote sur l'ensemble du texte dépendra étroitement des choix que nous ferons au cours du débat.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, nous sommes confrontés aujourd'hui à un véritable débat de société.
En effet, en traitant de la bioéthique – association du savoir biologique et de valeurs humaines –, nous devons aborder les questions du début de la vie humaine et le respect qui lui est dû, de la mort, de la filiation, de la santé, de l'identité et de la différence.
Notre rôle dans cette assemblée consiste à définir le cadre des pratiques autorisées, sans mettre en cause les valeurs qui nous sont chères : le respect de l'être humain, sa singularité, sa volonté, son consentement, sa dignité.
Dans notre pays, un véritable travail législatif sur la bioéthique ne se fait que depuis un peu plus d'une quinzaine d'années. Il se doit de mettre en concordance les progrès scientifiques en matière de recherche sur l'embryon, l'assistance médicale à la procréation et la génétique, les avancées et poussées sociétales et sociales, telles la demande des couples homosexuels, des couples stériles, des femmes célibataires.
Les états généraux de la bioéthique, organisés début 2009, et leurs conclusions, la commission spéciale parlementaire mise en place, l'espace ouvert avant cette nouvelle révision des lois de bioéthique se révèlent nécessaires et se doivent d'être développés pour tout ce qui concerne les interrogations si fondamentales qui ont trait à l'humain et à ce qu'il y a de plus intime en nous.
Traiter de la bioéthique est trop souvent considéré comme une affaire de spécialistes. Pour avoir essayé de suivre, depuis la précédente législature, ce sujet sensible, avoir rencontré, écouté localement associations, intervenants du CECOS, familles, couples homosexuels, il me semble que c'est bien l'affaire de tous, l'affaire de chacun d'entre nous.
Je retiendrai tout au long de nos débats en commission cette phrase d'Axel Kahn : « Il faut à tout prix éviter qu'une loi de bioéthique ne se transforme en un mode d'emploi des pratiques. »
Mes chers collègues, dans le cadre de cette nouvelle révision des lois de bioéthique, les parlementaires que nous sommes ont la redoutable, l'énorme responsabilité de choisir entre ce qui peut être autorisé et ce qui doit être interdit. Dans cette optique, je trouve regrettable que le titre V de la loi concernant l'accès à des données non identifiantes et à l'identité de tout tiers dont les gamètes ont contribué à la mise en oeuvre de l'assistance médicale à la procréation ait été remis en cause. Il aurait été préférable de pouvoir évoquer ce sujet dans l'hémicycle.
En effet, il me paraît nécessaire de rappeler qu'un enfant est le résultat d'un long processus dont la composante génétique n'est qu'une partie ; l'histoire individuelle et sociale en est l'autre composante, qui fait l'être humain, l'adulte.
Par ailleurs, pour avoir rencontré longuement le directeur du CECOS de Toulouse, je ne suis pas insensible à l'argument de la baisse importante des dons si l'anonymat concernant le don de gamètes était levé.
Je comprends la difficulté intellectuelle que l'on peut avoir à définir la filiation. Mais, dans tous les cas, dans le cadre de l'assistance médicale à la procréation, la dignité du donneur de sperme doit être respectée, tout comme celle du donneur de sang, dont personne ne préconise qu'on puisse le mettre en relation avec une personne dont il aurait permis de sauver la vie. Ce don pour la vie doit rester anonyme.
Lors de l'examen de ce projet de loi, en qualité de députée et de femme, il me semble que nous devons nous attacher à protéger les femmes, car elles sont au coeur de dispositifs dans lesquels elles subissent souvent les interventions les plus lourdes. C'est le cas notamment des techniques d'assistance médicale à la procréation.
Je pense que notre rôle consiste à encourager la recherche. Il est incontestable et bien sûr satisfaisant que la médecine progresse, pas à pas, grâce à la recherche, à tous les âges de la vie humaine. La nature de la potentialité humaine de l'embryon ne saurait être un argument pour ne pas mener de recherches sur lui, d'autant plus que celles-ci permettent de mieux comprendre le développement de l'embryon et donc d'améliorer le taux de réussite des AMP et à terme de diminuer le nombre d'embryons nécessaires voués à la destruction.
En revanche, dans la mesure où la recherche débouche sur des applications dont il est possible de faire commerce, le risque est grand de voir l'intérêt général sacrifié à l'intérêt particulier d'acteurs économiques avides. Il nous faut être vigilant et éviter cette dérive.
Je regrette que les avancées proposées dans ce projet de loi soient limitées. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, c'est avec enthousiasme et esprit de responsabilité que nous avions entamé les travaux sur cette nouvelle loi bioéthique. C'est donc avec d'autant plus de déception que nous examinons aujourd'hui un texte sans réelle ambition.
Les lois bioéthiques sont atypiques, puisqu'il s'agit de définir ensemble ce que nous souhaitons et ce que nous ne souhaitons pas que la science accomplisse, ce que nous voulons et ce que nous ne voulons pas comme projet de société.
Il nous faut donc concilier le médical et le sociétal, l'issue de la loi ayant des conséquences dans notre société. Et pourtant, le texte qui nous est présenté occulte cet enjeu.
Ainsi, je regrette profondément que la majorité reste opposée à toute évolution concernant le recours à l'assistance médicale à la procréation, au nom d'une vision figée de la famille. De même, je déplore que le projet gouvernemental n'aborde pas d'autres débats ou même revienne en arrière sur les seules dispositions quelque peu progressistes qui étaient contenues dans le texte, comme le transfert d'embryon post mortem.
Les opposants à cette évolution s'érigent en défenseurs de la famille traditionnelle et d'une certaine morale. Des valeurs, nous en avons à gauche, et celles qui nous guident dans ce débat sont celles de la responsabilité, de la liberté et de la tolérance.
Quant à la famille, nous n'en avons pas une vision figée. Nous posons au contraire un regard lucide sur la réalité. Notre société change et le législateur doit l'accompagner sans lui dicter des schémas préconçus.
Sur les grandes lois de société votées dans cet hémicycle, les débats ont toujours été passionnés, mais les mêmes arguments moralisateurs ont été brandis. Au final, les Français ont donné tort à ceux qui pourfendaient ce que l'immense majorité de nos concitoyens considèrent désormais comme des acquis, que ce soient l'IVG ou le PACS.
Aujourd'hui, au nom des valeurs qui sont les vôtres, le texte que nous examinons se trouve teinté d'une véritable défiance envers la recherche et les soins concernant le vivant.
La limitation à trois du nombre d'ovocytes lors d'une fécondation in vitro participe de ce mouvement. Les spécialistes estiment que cette disposition ne tient pas compte de la réalité scientifique. N'est-ce pas méconnaître les difficultés que rencontre la femme qui se lance dans cette démarche et trouver aussi un mauvais prétexte pour limiter la recherche embryonnaire ? Des amendements ont en effet révélé une hostilité larvée à cette pratique, allant même jusqu'à mettre sournoisement en cause l'IVG.
L'article prévoyant une clause de conscience pour les personnes ne souhaitant pas participer aux recherches sur l'embryon ou les cellules souches embryonnaires n'a aucun sens, puisqu'un chercheur n'est jamais contraint de se livrer à des recherches contre son gré.
Cette recherche porte pourtant en elle de nombreux espoirs thérapeutiques. Nous devons leur donner la pleine et entière capacité d'aboutir. Pour les parlementaires socialistes, l'embryon est un être humain potentiel, il doit être traité en conséquence, avec respect et responsabilité, mais sans tabou.
Il est donc temps de sortir de la suspicion envers le progrès scientifique et de concilier cette responsabilité avec l'ambition et l'espoir.
Vous considérez l'interdiction comme un principe. Nous voulons que l'autorisation de la recherche soit la norme, l'interdiction l'exception, car c'est la seule possibilité de laisser la recherche progresser. À ce titre, nous sommes donc favorables à l'innovation thérapeutique au profit de l'embryon.
Cette loi bioéthique aurait dû à mon sens répondre aux attentes sociétales fortes, comme la gestation pour autrui, ainsi qu'aux besoins exprimés par le monde de la recherche. Cette absence de réponse est d'autant plus dommageable que la loi ne prévoit pas sa propre révision et fige les positions. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, nous devons être extrêmement tolérants vis-à-vis des lois bioéthiques. Il n'y a pas à mon sens d'un côté ceux qui ont un esprit ouvert, extrêmement généreux, et de l'autre ceux dont l'esprit serait restreint, exigu, et qui ne veulent pas accepter le progrès.
Ces problèmes concernent chacun d'entre nous. L'éthique, c'est ce que nous avons en nous au travers de ce que nous avons construit, au travers de nos croyances, de notre formation. L'éthique, c'est la façon de se comporter dans une société en perpétuel mouvement, pour faire en sorte que nous puissions à la fois accepter les contraintes, mais également la nécessité de ne pas entraver la recherche.
La recherche va souvent beaucoup plus vite que ce que la société est prête à accepter. Il est donc toujours difficile de savoir à quel moment il faut interdire ou autoriser.
Tout en n'allant pas aussi loin que certains l'auraient souhaité, le texte dont nous débattons présente quelques avancées, tout en étant extrêmement prudent.
Comme l'oratrice précédente, je pense que le fait de ne pas réviser les lois de bioéthique tous les cinq ans fait courir un risque.
Le risque de passer des années sans remise en question possible de l'évolution de la société. Ou, au contraire, celui de vouloir accélérer, de manière frénétique, des changements qui ne seraient pas conformes aux attentes de la société. Une révision du texte tous les cinq ans était une solution à moyen terme nous obligeant à réfléchir à la façon de faire évoluer la société. Cette pause aurait permis au législateur d'aller au plus profond de lui-même pour savoir jusqu'où il est possible d'aller par rapport aux attentes de nos concitoyens et de la société. On ne peut donc que regretter qu'elle ne soit pas mise en oeuvre.
Faire évoluer l'éthique, c'est également tenir compte des peurs que l'on peut avoir vis-à-vis de dérives, frein inévitable à l'évolution des lois de bioéthique.
Prenons conscience que si ces évolutions ne se font pas dans des pays extrêmement structurés et éthiquement respectables, comme le nôtre, ces dérives réalisables du point de vue technologique peuvent se produire dans des pays où « l'éthique » n'existe pas. On l'a vu avec des cas de marchandisation du corps humain dans des pays éloignés et souvent peu développés de ce point de vue. Les effets néfastes sur l'évolution de la société sont alors beaucoup plus délétères.
Les dérives eugéniques sont réelles et suscitent nos peurs. Mais les peurs doivent-elles justifier la frilosité ? En matière de recherche sur l'embryon, certains d'entre nous auraient préféré que l'on aille vers un système d'autorisations encadrées plutôt que vers un système de restriction et d'interdiction, plusieurs chercheurs nous l'ont fait savoir. Nous aurions donné un signe positif à la communauté scientifique.
Concernant le don d'organes et de gamètes, en tant que chirurgien, je ne peux que me réjouir que l'on ait élargi – insuffisamment peut-être – la possibilité du don d'organes et que l'on réponde, même partiellement, au problème important du refus. Une loi beaucoup plus permissive n'aurait pas d'incidence sur l'augmentation du nombre de donneurs. Si la loi actuelle autorise le prélèvement, celui-ci ne peut se faire que dans un contexte bien particulier : la famille doit être prévenue, son avis être recueilli. Ce n'est pas une autorisation administrative qui peut régler le problème du don, car nous sommes confrontés à des situations dramatiques où il nous faut respecter le deuil, la souffrance d'une famille. Dans ces conditions, la loi sera toujours confrontée à des difficultés pour faire passer le message. Au-delà de la loi, il faut mettre l'accent sur l'éducation de nos compatriotes dans ce domaine. Il faut faire comprendre à chacun que nous pouvons être utiles à d'autres personnes, en situation difficile au moment du décès d'un proche.
Nous devons continuer à faire passer ces messages. Ce n'est pas uniquement à renfort de lois que nous réussirons à améliorer le nombre de donneurs potentiels. C'est en faisant en sorte que chacun de nos compatriotes se sente concerné au plus profond de lui-même, afin qu'il sache que, quoi qu'il arrive, il est un donneur volontaire.
Le risque de marchandisation des organes n'existe pas dans notre pays ; il faut donc impérativement lutter contre les messages négatifs que l'on voit arriver de l'étranger. On connaît les ravages qu'une campagne de dénigrement délétère peut provoquer. Cela suppose un long travail en sens inverse pour faire en sorte que l'opinion publique se montre à nouveau favorable aux dons.
Je reste pour ma part très attaché à l'anonymat du don d'organes et de gamètes. Permettez-moi de vous faire part de la réaction d'Emmanuel Vitria, un de nos recordmans des transplantés cardiaques. Avec son charisme et sa faconde toute marseillaise, il racontait combien il souffrait lorsque, chaque année, à la date anniversaire de sa transplantation, la mère du jeune homme à qui il devait son coeur posait sa tête sur sa poitrine pour écouter battre le coeur de son enfant !
L'étanchéité entre les donneurs et les transplantés doit être totale et respecter le principe de l'anonymat. C'est du reste ce qui prévaut en matière de don de gamètes. Quelle serait la motivation d'un donneur de sperme si l'anonymat était levé ? Je sais qu'un enfant a besoin de savoir d'où il vient et quelles sont ses racines. Mais j'appelle votre attention sur les dégâts que provoquent chez les enfants des situations de familles déchirées, de familles monoparentales, avec au bout du compte des enfants totalement déstructurés.
N'ajoutons pas une difficulté supplémentaire en apprenant à un enfant, au cours de son adolescence, qu'il est né d'une procréation médicalement assistée.
Et que le père biologique n'est pas celui qui l'a élevé. Comme le dit la chanson, le père, c'est celui qui est là. C'est celui qui a élevé l'enfant, qui lui a apporté l'amour indispensable. Ne venons pas perturber cet enfant dans sa croissance et sa construction en lui donnant la possibilité d'avoir recours à un père biologique qui, lui, ne demande rien à personne.
La levée de l'anonymat risque de décourager le volontarisme des donneurs, et serait néfaste pour les enfants qui naissent ainsi. Pensons d'abord à eux avant de penser à modifier le système.
En conclusion, je dirai que notre débat doit rester digne, que nous devons être respectueux de la position de l'autre et faire en sorte de permettre à la science d'avancer et à la société de ne pas se déstructurer. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, chers collègues, la révision de la loi sur la bioéthique a suscité un vaste débat non seulement dans la société, mais également au sein du Parlement. Cette question nous divise presque caricaturalement. Elle touche à l'intime conviction de chacun. Il s'agit de légaliser les techniques biomédicales dans le respect de la dignité humaine sans brimer la recherche. Les sujets traités dans le cadre de cette loi sont multiples : don croisé d'organes, recherche sur l'embryon, questionnements sur l'AMP autour de la levée de l'anonymat ou de la conservation de gamètes et d'embryons, et, enfin, diagnostic prénatal.
Ces sujets ne sont pas simples et nous troublent. Et si nous sommes si nombreux à vouloir prendre la parole, c'est parce que nous éprouvons le besoin de faire entendre notre voix pour expliquer nos prises de position et nos convictions.
Le don d'organe doit être encouragé et nous devons faire en sorte d'élargir le cercle des donneurs potentiels. Chacun a côtoyé des malades angoissés en attente d'une greffe. Nous devons tout mettre en oeuvre pour sauver des vies. L'assistance médicale à la procréation doit s'ouvrir aux réalités de notre société.
En quelques années, les progrès de la science ont permis de faire avancer le champ de l'assistance médicale à la procréation grâce notamment au recours à l'insémination. Ces pratiques thérapeutiques, qui ont permis à tant de parents désireux légitimement d'avoir des enfants, ont en parallèle été confrontées à des questions difficiles. De façon non exhaustive, je peux parler des inséminations post mortem, des questions sur l'anonymat des donneurs et de la congélation des embryons. Il me semble que ce qui doit nous guider avant toute prise de décision, c'est de tout mettre en oeuvre pour garantir la plénitude des droits de l'enfant.
Le désir légitime de faire naître un enfant n'est pas un droit imprescriptible de l'être humain, et cela ne peut justifier l'acharnement procréatif et l'indifférence à l'égard de l'enfant à naître.
Un enfant qui découvre qu'il est issu d'un homme mort plusieurs années avant sa naissance ne risque-t-il pas de se retrouver en grand désarroi ?
Toutes ces situations peuvent brouiller les repères traditionnels et, si l'accompagnement psychologique est négligé, le climat familial peut être déstabilisé devant la souffrance de ces enfants.
Nous devons donc être très prudents sur tous ces sujets qui parfois se retrouvent au centre de l'actualité de façon dramatique.
Il était donc indispensable que ce projet de loi relatif à la bioéthique réponde à la fois, et de façon cohérente, aux interrogations de la société, des professionnels de santé et, enfin, des chercheurs, cela sans contradiction.
Dernier point sur lequel je me suis sentie plus particulièrement sensible et concernée. À propos de l'anonymat des donneurs de gamètes ou paillettes, nous avons eu de longs débats, et je tiens à saluer le président de la commission et le rapporteur pour la qualité du travail accompli. Je remercie en particulier Alain Claeys qui, patiemment, au sein de notre groupe a permis à chacun de s'exprimer sans restriction et dans le respect des votes des autres.
Que ce soit au sein de notre groupe ou en commission, l'unanimité a été totale sur l'anonymat des donneurs de gamètes. Mais tout n'est pas si simple. C'est une décision difficile à prendre – pour ou contre pose problème –, et certaines auditions m'ont troublée. Je voudrais dire à M. Domergue que ce n'est pas à l'adolescence qu'il faut apprendre à un enfant qu'il est né par un don de gamètes. À ce moment-là, c'est trop tard.
En attendant une évolution éventuelle de nos prises de position, nous devons être intransigeants quant à la vérification et à la transparence des fichiers des CECOS.
Le travail suscité par ce projet de loi nous a entraînés également à nous interroger sur la GPA, même si ce sujet n'est mentionné dans aucun article de la loi. Ce sujet bien sûr a fait l'objet de beaucoup d'interrogations. En tant que femme, je suis foncièrement opposée à la légalisation des mères porteuses. (« Très bien ! » sur les bancs des groupes UMP et NC.) Si cette légalisation était engagée, cela reviendrait à accepter automatiquement la marchandisation du corps féminin et son exploitation telle qu'on peut la constater déjà dans bien des pays.
Les conséquences psychologiques sont à mon avis totalement sous-estimées. Le ventre des femmes n'est pas une machine à faire des enfants, ce qui reviendrait à nier les liens affectifs qui se nouent entre une femme enceinte et l'enfant qu'elle porte et à instrumentaliser le corps féminin. Or il n'est pas acceptable de reconnaître le droit d'aliéner son corps à autrui.
Si tous les sujets abordés dans ce projet de loi sont éminemment importants et bouleversent nos certitudes ou nos doutes, la question la plus importante à mes yeux reste la recherche sur l'embryon. Nous ne pouvons en aucun cas empêcher les chercheurs de faire progresser la science et même si cela fait l'objet de démarches particulières dans le cadre d'une procédure transparente – que ce soient les recherches sur l'embryon, les dons d'organes, les AMP –, ne construisons pas un cadre précis et trop restrictif.
Nous ne devons pas entraver les progrès de la recherche. Sans nier la dignité humaine, permettons à la science d'avancer. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Ça, c'était moins bien ! Mais tout de même : un peu d'humanisme au PS !
Monsieur le président, mes chers collègues, à ce stade de la discussion, il n'est évidemment plus nécessaire de souligner l'importance de ce débat. Je ne reviendrai pas non plus sur les très nombreux points déjà abordés, préférant me concentrer sur une réflexion que j'ai souvent entendue depuis que nous débattons : nous serions confrontés à deux types de questions, les unes médicales, les autres sociétales, qu'il conviendrait de traiter rapidement.
Je veux m'inscrire en faux contre cette approche, qui présente certes l'apparence de la simplicité, et qui aide notamment à choisir, mais qui ne clarifie rien, loin s'en faut.
En effet, comment séparer a priori ces deux types de questions ? Elles ne renvoient en réalité qu'à une seule et même problématique, d'ailleurs récurrente dans nos interventions : la place de l'enfant dans notre société, le rôle fondamental qui lui est accordé, à tel point que la plupart de nos concitoyens ont le sentiment de ne pas avoir réussi leur vie si, à cinquante ans – pour parodier une formule malheureuse –, ils n'ont pas eu d'enfant.
Comme la formule elle-même ; je l'ai dit.
Ce désir d'enfant correspond à une évolution profonde de notre société. Il n'est certes pas nouveau : la valorisation de la place de l'enfant dans la société est apparue dès le xviiie siècle, pour ne plus cesser de croître en importance. Ce désir était cependant contenu tant qu'il se heurtait à un obstacle médical ou biologique. Mais, dès que cet obstacle a pu être levé, cette demande a repris naturellement son expansion.
C'est à elle qu'a répondu la médecine par les progrès formidables que représente la fécondation in vitro, du prélèvement de gamètes sur le ou les conjoints à l'intervention d'un tiers donneur, voire au don d'embryon. Simultanément, on est passé assez naturellement, comme selon un processus continu, de l'assistance médicale à la procréation pour les couples mariés à son extension, bientôt, aux couples pacsés et demain, probablement – j'allais dire nécessairement, par souci de non-discrimination –, aux couples homosexuels.
Il n'y a du reste aucune contradiction entre l'individualisation croissante de notre société, que nous constatons, et la volonté de fonder une famille. Au contraire, on pourrait presque dire que plus notre société devient individualiste, plus chacun souhaite se singulariser, et plus il souhaite en même temps constituer ce groupe social fondamental, initial, qu'est la famille. À condition, naturellement, qu'on ne lui donne pas un sens restreint, une définition ancienne, sans doute respectable, mais qui ne correspond plus à l'évolution de notre société.
Comme le disait Jean-Jacques Rousseau, que j'ai quasiment cité, j'aime mieux être homme à paradoxes qu'homme à préjugés ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Cette évolution n'est que l'occasion que les progrès de la recherche donnent de s'exprimer à un projet parental déjà présent dans la société. Voilà du reste longtemps que, d'abord au nom des convenances sociales, qui exigeaient de masquer la réalité, puis, aujourd'hui, au nom du projet parental, la famille ne repose plus sur la seule origine biologique. Chacun répète d'ailleurs à l'envi, dans cet hémicycle comme en commission, que le lien de filiation doit venir du coeur plus que du corps ou des gamètes.
Aussi est-il paradoxal, une fois ce constat établi, que les réactions varient selon les sujets abordés. Prenons l'exemple de la gestation pour autrui. Il est désormais impossible de s'y opposer pour des raisons de principe dès lors que l'on a admis l'intervention d'un tiers donneur, laquelle place le couple dans une situation qui n'est pas directement liée aux rapports entre conjoints.
On peut s'y opposer pour protéger la mère des risques d'exploitation de son corps ; c'est là, me semble-t-il, une raison suffisante.
Mais l'on ne peut pas s'y refuser sur le fondement d'une conception de la parentalité déjà très largement transformée.
L'exemple de la levée de l'anonymat du tiers donneur est plus parlant encore. On nous dit qu'il faudrait la rejeter pour ne pas risquer de créer un conflit juridique, facilement évitable, ou psychologique – plus complexe – de filiation. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Mais, dès lors qu'il est acquis que le père et la mère sont ceux et seulement ceux qui ont noué autour de la naissance de l'enfant attendu un véritable projet parental, le risque me paraît écarté.
L'on nous dit alors que ce risque va décourager les donneurs. Mais n'est-ce pas d'abord l'intérêt de l'enfant qu'il faut privilégier ? Et si l'on recourt au don, n'est-ce pas pour aboutir à la naissance d'un enfant dont le droit doit primer sur toute autre considération ? C'est du reste ce que les conventions internationales ont affirmé et réaffirmé en donnant à l'enfant le droit de connaître ses origines. Et pourquoi l'ont-elles fait ? Parce que l'on considère qu'une personne est un tout – affectif, social, biologique.
Il en va de même pour le donneur : le don n'est pas un acte neutre et, à ce titre, condamné à l'anonymat. Sur le plan moral et, pour le coup, biologique, il est don de soi. Assimiler les gamètes à un simple matériel génétique reviendrait à contredire cette idée, qui ne cesse de s'imposer dans toutes les réflexions bioéthiques, selon laquelle l'individu est un tout, si bien qu'en séparer les éléments le priverait d'une partie de son humanité.
Aussi faut-il à mon sens admettre la levée de l'anonymat, sous réserve, naturellement, du consentement du donneur, dont on ne peut préjuger. À cet égard, je regrette que le ministre ait renoncé à l'avancée qui était inscrite dans le texte du Gouvernement, car cela est contraire aux préoccupations que je viens d'exprimer et qui touchent en particulier aux droits de l'enfant.
La cellule vaudrait plus que le foetus ? (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Vous avez parlé d'un paradoxe, puis d'une contradiction, monsieur Vanneste. Ils me semblent résider bien plutôt dans le fait de dire qu'il faut révéler à l'enfant le plus tôt possible qu'il est issu d'une fécondation in vitro avec donneur…
… tout en refusant de répondre à la question qui ne manquera pas de s'ensuivre, qui devra en tout cas être posée à sa majorité, qu'il doit avoir le droit de poser et qu'il posera même s'il n'en a pas le droit…
Cette question, la voici : de qui ?
On ne peut pas à la fois dire que l'enfant doit savoir qu'il est né dans ces conditions – or on le dira nécessairement, et on le lui fera savoir – et lui refuser la connaissance de ses origines. D'autant que celle-ci n'aura aucun effet ni sur la filiation juridique, ni d'un point de vue psychologique (Exclamation sur les bancs du groupe UMP), du moins dans le cas général, puisque la famille se sera constituée autour de ce que nous considérons comme l'essentiel : un lien d'affection et d'amour.
Je souhaiterais donc que nous abordions ces questions de manière cohérente,…
…y compris vous-même, monsieur Vanneste, encore que je n'envie pas votre cohérence, notamment lorsqu'elle vous conduit devant la justice !
Rappelez-vous surtout qu'en justice j'ai gagné ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Je vous en prie ! Seul M. Gorce a la parole, et il va conclure son intervention.
Je n'aime pas l'intolérance !
Je souhaiterais, disais-je, que nous abordions ces problèmes en toute cohérence. Le pire consisterait à le faire de manière disparate, en proposant des solutions qui ne relèvent pas de la même logique. Cela ne rendrait évidemment pas service à celles et ceux qui sont directement concernés.
Surtout, cela ne rendrait pas service à notre société, qui n'attend naturellement plus du législateur qu'il lui indique la morale à appliquer, mais simplement qu'il lui dise ce qui est acceptable du point de vue des principes de la collectivité, lesquels doivent être constamment articulés à une revendication toujours plus forte d'autonomie et de liberté. Et, en ce qui me concerne, j'y vois plutôt un progrès. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c'est avec une gravité particulière qu'il nous faut aborder cette révision des lois de bioéthique, car l'ampleur des sujets concernés nous fait mesurer notre responsabilité de législateur.
Le législateur est en effet chargé d'énoncer les principes destinés à encadrer des pratiques scientifiques et médicales en constante évolution, tout en faisant cesser s'il le faut celles qui sont jugées contraires à l'éthique.
L'enjeu est bien l'humanité. Car, à travers cette loi, c'est une certaine idée de l'homme qu'il nous faut défendre.
Avec l'actualité, nous sommes du reste au coeur de ce problème : le bébé dit du double espoir – on donne la vie et on sauve la vie – est la marque d'une réussite médicale qui séduit, mais qui ne m'en conduit pas moins à m'interroger. Concevoir un enfant pour soigner, est-ce respecter sa dignité ? Le procédé du « bébé médicament » va-t-il se développer ? Si oui, comment ? Tout ce qui est techniquement possible est-il humainement souhaitable ?
Quoi qu'il en soit, et contrairement à ce que l'on pourrait dire, notre débat depuis hier n'oppose pas croyants et incroyants, moralistes et libéraux, mais peut-être – avec tout le respect que nous nous devons les uns aux autres – les partisans de l'humanisme, d'une limitation des pouvoirs de la science, à ceux que l'on pourrait appeler scientistes et qui veulent organiser scientifiquement l'humanité.
Or la convention d'Oviedo, élaborée par le Conseil de l'Europe, n'hésite pas à affirmer qu'en cas de conflit entre la liberté de la science et l'intérêt de l'être humain, c'est ce dernier qui doit l'emporter. Cette conviction est largement partagée par nos concitoyens, qui, lors des états généraux de la bioéthique, ont affirmé que le progrès n'a de sens que s'il est au service de l'homme. Mais que signifie « être au service de l'homme » ?
La limite est ainsi infime entre la volonté de traiter la souffrance et la santé parfaite, entre le droit à l'enfant et le mythe du bébé parfait. Voilà pourquoi nous devons être particulièrement vigilants afin de distinguer ce qui relève des techniques qui traitent le corps de ce qui touche à celles qui concernent la conception de l'homme elle-même.
Je suis de ceux qui pensent que l'on peut concilier science et éthique, et je salue les dispositions de ce projet de loi relatives tant aux données génétiques qu'au don d'organes, qui font consensus parce que la science y reste au service des principes fondateurs de notre droit.
Je me réjouis aussi du fait que l'assistance médicale à la procréation privilégie désormais les pratiques et les procédés qui permettent de limiter le nombre d'embryons fécondés.
Sur la levée de l'anonymat du donneur de gamètes, je me suis certes interrogé, tant il est difficile de savoir où réside véritablement l'intérêt de l'enfant. Mais je n'y suis pas favorable, car cela remettrait en cause le caractère inviolable et non patrimonial du corps humain, ainsi que la gratuité du don, qui sont essentiels.
Je me suis également interrogé sur le transfert d'embryons post mortem. Mais je suis désormais convaincu que nous ne pouvons pas faire naître un enfant sans père. Naître orphelin à cause d'un accident de la vie est une chose, avoir été conçu comme orphelin en est une autre. Je pense d'abord à l'intérêt de l'enfant.
Le fait que la possibilité de la maternité pour autrui n'ait pas été retenue ne doit pas être considéré comme la victoire d'un camp sur un autre, mais comme la juste reconnaissance de l'intérêt de l'enfant et du principe de non-instrumentalisation du corps de la femme.
La gestation pour autrui peut-elle permettre, le cas échéant, à des couples homosexuels masculins d'avoir des enfants ? Je réponds par la négative. Soyons clairs : la procréation médicalement assistée vise à aider les couples qui sont stériles du fait d'une pathologie. La bioéthique ne doit pas se mêler de désirs d'enfant qui soulèvent des questions sociales, comme celui des couples homosexuels. Permettez-moi en outre de dire qu'à mes yeux la présence d'un père et d'une mère est essentielle.
Je pense également qu'au cours de ce débat nous parviendrons à un accord sur le nécessaire encadrement des activités bioéthiques par la représentation nationale. Car si la bioéthique est l'affaire des spécialistes, des experts, comme vous, monsieur le président de la commission, et comme vous, monsieur le rapporteur – je salue la qualité de votre travail –, elle concerne aussi chaque citoyen et nous autres députés, comme l'ont démontré les travaux sur le sujet et les états généraux de la bioéthique, réunis par le Gouvernement.
Comme certains de mes collègues, je souhaite m'arrêter sur le dépistage prénatal et sur la recherche sur l'embryon.
En cherchant à dépister une maladie qu'on ne peut guérir, on confronte les parents à la réalité d'un handicap auquel on ne peut remédier à court terme. Mais la peur du handicap et le mythe de l'enfant parfait conduisent peut-être trop souvent à l'élimination du foetus, qui devient en effet quasi systématique. Or que se passe-t-il actuellement, et que va modifier le projet de loi dont nous allons débattre ?
Aujourd'hui, l'article 2131 du code de santé publique précise que le dépistage s'entend des pratiques ayant pour objectif de détecter in utero chez l'embryon ou le foetus une affection d'une particulière gravité. Dans la pratique, on voit bien que le dépistage de la trisomie 21 est proposé à toute femme enceinte par dosage de marqueurs sériques. Les examens ne sont pas obligatoires mais, en réalité, du fait d'une certaine pression, la femme les subit sans avoir forcément eu le temps de la réflexion. Elle est parfois amenée à prendre des décisions qu'elle peut regretter comme le recours à l'amniocentèse, à l'origine de nombreuses fausses couches d'enfants ne présentant aucune affection particulière.
L'article 9 introduit une ambiguïté qui n'est, je l'espère, due qu'à une erreur de rédaction. Après avoir défini le dépistage comme pratique destinée à détecter les affections d'une particulière gravité, il l'étend, à l'alinéa suivant, à toute « affection susceptible de modifier le déroulement ou le suivi de la grossesse », ce qui ne recouvre pas du tout la même réalité et peut ouvrir la porte à d'autres dérives.
Ce texte peut susciter également certaines interrogations d'ordre éthique.
Dans son avis de novembre 2009, le Comité national consultatif d'éthique soulignait que « la problématique éthique liée à l'usage de ces techniques diagnostiques est grave lorsqu'il s'agit de décider de la naissance ou non d'un être humain ».
Le Premier ministre lui-même, dans sa lettre de mission au Conseil d'État, se demandait si les dispositions encadrant les pratiques du DPN et du DPI permettraient d'éviter toute pratique eugénique. Lorsque l'on sait que 96 % des enfants ayant été diagnostiqués comme trisomiques sont éliminés, on peut se demander si le risque redouté n'est pas déjà avéré.
Je soutiendrai certains amendements qui visent non pas à interdire le dépistage ou à restreindre le droit des femmes à demander une IMG en cas d'affection grave diagnostiquée mais à rétablir une véritable liberté de choix pour la femme enceinte face aux examens qui lui sont proposés, en tentant de supprimer la trop forte pression à laquelle elle peut être soumise et en s'assurant qu'elle est parfaitement informée de leurs conséquences possibles et de leur caractère non obligatoire. Elle doit aussi pouvoir rencontrer des associations de familles d'enfants porteurs du même handicap que celui diagnostiqué pour son enfant afin de lui permettre de porter un autre regard que celui qu'elle avait avant la révélation du diagnostic. Elle doit enfin disposer de temps pour prendre sa décision.
J'ai en outre cosigné un amendement visant à ce qu'un effort de recherche public soit mené en matière de trisomie 21. On peut se demander si l'on consacre réellement tous les moyens nécessaires à cette maladie alors qu'on semble vouloir faire disparaître – pardonnez-moi l'expression – les enfants qui en sont porteurs.
En ce qui concerne les recherches sur l'embryon, je salue le maintien du principe de l'interdiction de la recherche, qui est en cohérence avec l'ensemble de notre droit sur la protection de la vie de l'être humain, notamment l'article 16 du code civil, et qui répond à un consensus éthique sur la reconnaissance de l'embryon humain comme personne humaine potentielle.
Toutefois, je m'interroge : à quoi sert une interdiction assortie de dérogations si larges qu'elles vident le principe de sa substance ?
La loi de 2004 avait soumis les dérogations à la recherche embryonnaire à deux conditions : la possibilité d'accomplir des progrès thérapeutiques majeurs et l'absence de méthodes alternatives. Après vingt ans de recherches mondiales, aucun essai clinique de thérapie cellulaire n'a été enregistré même si des promesses de découvertes sont périodiquement et médiatiquement annoncées. Par ailleurs, des méthodes alternatives existent bien, qu'il s'agisse de recherches thérapeutiques, fondamentales ou pharmaceutiques. Les cellules souches adultes, les cellules souches animales, les cellules souches de sang de cordon et les cellules pluripotentes induites peuvent être tout aussi efficaces.
Je me félicite donc de l'affirmation contenue dans l'alinéa 5 de l'article 23, selon laquelle « les recherches alternatives sur l'embryon et conformes à l'éthique doivent être favorisées ». Il faudra toutefois que l'Agence de la biomédecine rende compte au Parlement de l'application de ce principe.
Le maintien de ces dérogations, leur extension – comme le laisse supposer la substitution des termes de « progrès médicaux » à ceux de « progrès thérapeutiques » – la suppression de leur encadrement par des délais inspirent à beaucoup d'entre nous la crainte que des motifs autres que celui du respect de la dignité humaine ne soient à l'origine de telles dispositions. J'attends, madame la secrétaire d'État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, que vous nous rassuriez sur ces points.
J'espère que le débat sera éclairant. J'aimerais en effet pouvoir me prononcer favorablement sur ce texte en toute connaissance de cause parce qu'il y va du respect de la dignité humaine, principe auquel nous sommes tous attachés, mais aussi de la nécessité pour notre société de fonder son avenir sur une recherche encadrée, sur laquelle les parlementaires auront encore dans les années à venir leur mot à dire, leur avis à donner, parce qu'ils représentent l'ensemble des Françaises et des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, mes chers collègues, il se peut que nous ayons des idées différentes, et quelquefois il est bon aussi que ces idées soient exprimées avec une certaine vivacité. Toutefois, il y a des frontières à ne pas dépasser. Or, tout à l'heure, M. Gorce les a dépassées en faisant allusion à une affaire que m'aurait conduit devant la justice.
À ce sujet, j'aimerais souligner trois choses.
Premièrement, je trouve assez incroyable que quelqu'un qui prétend être tolérant fasse ainsi allusion à un procès qui concernait non pas des faits mais des paroles et qui reposait donc sur une atteinte profonde à la liberté d'expression dont j'ai été victime.
Deuxièmement, il se trouve que les paroles en question ont été prononcées ici.
J'admets parfaitement que l'on soit en désaccord total avec ce que j'ai dit ce soir-là. En revanche, qu'on ait pu penser à utiliser les tribunaux pour m'empêcher de parler, moi qui suis parlementaire, me paraît scandaleux. En outre, qu'un parlementaire puisse prendre appui sur une telle dérive ici même relève pratiquement de la trahison par rapport à la mission qui est la nôtre.
Troisièmement, j'aimerais rappeler, pour être très clair, que j'ai bénéficié d'une cassation sans renvoi, issue très rare qui montre à quel point j'ai eu raison devant la justice.
C'est la raison pour laquelle j'estime que le simple respect de la justice devrait interdire à quiconque de rappeler ce malheureux épisode – je pensais d'ailleurs que beaucoup l'avaient fort heureusement oublié. Encore une fois, nous sommes là pour échanger des opinions différentes avec plus ou moins de vivacité et pour nous respecter. En revanche, l'insulte, l'injure ou la diffamation sont tout à fait critiquables.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi relatif à la bioéthique.
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma