Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c'est avec une gravité particulière qu'il nous faut aborder cette révision des lois de bioéthique, car l'ampleur des sujets concernés nous fait mesurer notre responsabilité de législateur.
Le législateur est en effet chargé d'énoncer les principes destinés à encadrer des pratiques scientifiques et médicales en constante évolution, tout en faisant cesser s'il le faut celles qui sont jugées contraires à l'éthique.
L'enjeu est bien l'humanité. Car, à travers cette loi, c'est une certaine idée de l'homme qu'il nous faut défendre.
Avec l'actualité, nous sommes du reste au coeur de ce problème : le bébé dit du double espoir – on donne la vie et on sauve la vie – est la marque d'une réussite médicale qui séduit, mais qui ne m'en conduit pas moins à m'interroger. Concevoir un enfant pour soigner, est-ce respecter sa dignité ? Le procédé du « bébé médicament » va-t-il se développer ? Si oui, comment ? Tout ce qui est techniquement possible est-il humainement souhaitable ?
Quoi qu'il en soit, et contrairement à ce que l'on pourrait dire, notre débat depuis hier n'oppose pas croyants et incroyants, moralistes et libéraux, mais peut-être – avec tout le respect que nous nous devons les uns aux autres – les partisans de l'humanisme, d'une limitation des pouvoirs de la science, à ceux que l'on pourrait appeler scientistes et qui veulent organiser scientifiquement l'humanité.
Or la convention d'Oviedo, élaborée par le Conseil de l'Europe, n'hésite pas à affirmer qu'en cas de conflit entre la liberté de la science et l'intérêt de l'être humain, c'est ce dernier qui doit l'emporter. Cette conviction est largement partagée par nos concitoyens, qui, lors des états généraux de la bioéthique, ont affirmé que le progrès n'a de sens que s'il est au service de l'homme. Mais que signifie « être au service de l'homme » ?
La limite est ainsi infime entre la volonté de traiter la souffrance et la santé parfaite, entre le droit à l'enfant et le mythe du bébé parfait. Voilà pourquoi nous devons être particulièrement vigilants afin de distinguer ce qui relève des techniques qui traitent le corps de ce qui touche à celles qui concernent la conception de l'homme elle-même.
Je suis de ceux qui pensent que l'on peut concilier science et éthique, et je salue les dispositions de ce projet de loi relatives tant aux données génétiques qu'au don d'organes, qui font consensus parce que la science y reste au service des principes fondateurs de notre droit.
Je me réjouis aussi du fait que l'assistance médicale à la procréation privilégie désormais les pratiques et les procédés qui permettent de limiter le nombre d'embryons fécondés.
Sur la levée de l'anonymat du donneur de gamètes, je me suis certes interrogé, tant il est difficile de savoir où réside véritablement l'intérêt de l'enfant. Mais je n'y suis pas favorable, car cela remettrait en cause le caractère inviolable et non patrimonial du corps humain, ainsi que la gratuité du don, qui sont essentiels.
Je me suis également interrogé sur le transfert d'embryons post mortem. Mais je suis désormais convaincu que nous ne pouvons pas faire naître un enfant sans père. Naître orphelin à cause d'un accident de la vie est une chose, avoir été conçu comme orphelin en est une autre. Je pense d'abord à l'intérêt de l'enfant.
Le fait que la possibilité de la maternité pour autrui n'ait pas été retenue ne doit pas être considéré comme la victoire d'un camp sur un autre, mais comme la juste reconnaissance de l'intérêt de l'enfant et du principe de non-instrumentalisation du corps de la femme.