Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, les premières lois relatives à la bioéthique, promulguées en 1994, ont prévu leur révision périodique afin de pouvoir s'adapter à l'évolution des connaissances scientifiques mais aussi à l'évolution de notre société. Une première révision est intervenue en 2004, et le présent projet de loi entend en proposer une deuxième. C'est ainsi qu'il traite de sujets aussi complexes et sensibles que le don d'organes, la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires, le diagnostic préimplantatoire et prénatal, le don de gamètes et l'assistance médicale à la procréation.
En tant que secrétaire de la commission spéciale et au nom des députés radicaux de gauche, j'aurais souhaité m'exprimer sur plusieurs des enjeux majeurs de ce projet de loi et, disons-le, sur bon nombre de ses insuffisances. S'il a certes le mérite d'exister, ce texte, très attendu depuis plus de cinq ans, est une révision a minima, bien en deçà de ce que nous étions en droit d'espérer. Une telle frilosité s'explique peut-être par la proximité d'échéances électorales, le Gouvernement et sa majorité n'ayant pas envie d'ouvrir un débat sur des enjeux de société que nous ne pouvons pourtant plus ignorer, comme, par exemple, la gestation pour autrui.
Faute de temps, mon intervention portera sur la principale déception que procure le projet de loi : le maintien de l'interdiction de la recherche sur les cellules souches embryonnaires, interdiction assortie d'un régime de dérogation. Une telle disposition est à la fois regrettable et dommageable.
Regrettable, car l'enjeu ici n'est ni plus ni moins que les progrès de la médecine. Les recherches sur les cellules souches embryonnaires offrent des perspectives aujourd'hui uniques, immenses et prometteuses en ce qui concerne l'innovation thérapeutique et la recherche fondamentale, laquelle permettra de comprendre le mécanisme de maladies jusqu'ici incurables, telles que les maladies neurodégénératives et certains cancers.
Cette décision d'interdiction est également fortement dommageable pour les progrès de la science et pénalise notre recherche par rapport à d'autres pays. Depuis la découverte et l'isolement de la première souche embryonnaire humaine, en 1988, de grands espoirs sont nés dans le secteur de la recherche biomédicale.
Mes chers collègues, la recherche encadrée sur les cellules souches embryonnaires devrait constituer une priorité. Parlementaires d'une république laïque et éclairée, notre rôle devrait être de désentraver la recherche et de l'accompagner. Aussi, du régime de l'interdiction avec dérogations que maintient le présent projet de loi – sous la pression de principes philosophiques ou religieux qui ne devraient pas du tout interférer quand il s'agit de légiférer –, et sans nier la spécificité de l'embryon humain qui mérite d'être respecté, nous devons passer à un régime d'autorisation sous conditions : que les recherches soient susceptibles de conduire à des progrès scientifiques et médicaux majeurs et qu'aucune autre connaissance scientifique ne permette de mener une recherche similaire, l'avis de l'Agence de la biomédecine écartant tout risque d'abus et de dérive.
C'est du reste ce que prévoyait le projet de loi de bioéthique adopté ici même, le 22 janvier 2002, par 325 voix contre 21, dépassant largement les frontières partisanes comme l'impose pareil sujet. Parmi les députés de l'opposition de l'époque qui approuvèrent ce texte autorisant les recherches sur les cellules souches embryonnaires figuraient pas moins que les actuels Président de la République, Premier ministre et président de l'Assemblée nationale, mais aussi la ministre des solidarités et de la cohésion sociale d'aujourd'hui.