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Intervention de Jacques Domergue

Réunion du 9 février 2011 à 15h00
Bioéthique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacques Domergue :

Le risque de passer des années sans remise en question possible de l'évolution de la société. Ou, au contraire, celui de vouloir accélérer, de manière frénétique, des changements qui ne seraient pas conformes aux attentes de la société. Une révision du texte tous les cinq ans était une solution à moyen terme nous obligeant à réfléchir à la façon de faire évoluer la société. Cette pause aurait permis au législateur d'aller au plus profond de lui-même pour savoir jusqu'où il est possible d'aller par rapport aux attentes de nos concitoyens et de la société. On ne peut donc que regretter qu'elle ne soit pas mise en oeuvre.

Faire évoluer l'éthique, c'est également tenir compte des peurs que l'on peut avoir vis-à-vis de dérives, frein inévitable à l'évolution des lois de bioéthique.

Prenons conscience que si ces évolutions ne se font pas dans des pays extrêmement structurés et éthiquement respectables, comme le nôtre, ces dérives réalisables du point de vue technologique peuvent se produire dans des pays où « l'éthique » n'existe pas. On l'a vu avec des cas de marchandisation du corps humain dans des pays éloignés et souvent peu développés de ce point de vue. Les effets néfastes sur l'évolution de la société sont alors beaucoup plus délétères.

Les dérives eugéniques sont réelles et suscitent nos peurs. Mais les peurs doivent-elles justifier la frilosité ? En matière de recherche sur l'embryon, certains d'entre nous auraient préféré que l'on aille vers un système d'autorisations encadrées plutôt que vers un système de restriction et d'interdiction, plusieurs chercheurs nous l'ont fait savoir. Nous aurions donné un signe positif à la communauté scientifique.

Concernant le don d'organes et de gamètes, en tant que chirurgien, je ne peux que me réjouir que l'on ait élargi – insuffisamment peut-être – la possibilité du don d'organes et que l'on réponde, même partiellement, au problème important du refus. Une loi beaucoup plus permissive n'aurait pas d'incidence sur l'augmentation du nombre de donneurs. Si la loi actuelle autorise le prélèvement, celui-ci ne peut se faire que dans un contexte bien particulier : la famille doit être prévenue, son avis être recueilli. Ce n'est pas une autorisation administrative qui peut régler le problème du don, car nous sommes confrontés à des situations dramatiques où il nous faut respecter le deuil, la souffrance d'une famille. Dans ces conditions, la loi sera toujours confrontée à des difficultés pour faire passer le message. Au-delà de la loi, il faut mettre l'accent sur l'éducation de nos compatriotes dans ce domaine. Il faut faire comprendre à chacun que nous pouvons être utiles à d'autres personnes, en situation difficile au moment du décès d'un proche.

Nous devons continuer à faire passer ces messages. Ce n'est pas uniquement à renfort de lois que nous réussirons à améliorer le nombre de donneurs potentiels. C'est en faisant en sorte que chacun de nos compatriotes se sente concerné au plus profond de lui-même, afin qu'il sache que, quoi qu'il arrive, il est un donneur volontaire.

Le risque de marchandisation des organes n'existe pas dans notre pays ; il faut donc impérativement lutter contre les messages négatifs que l'on voit arriver de l'étranger. On connaît les ravages qu'une campagne de dénigrement délétère peut provoquer. Cela suppose un long travail en sens inverse pour faire en sorte que l'opinion publique se montre à nouveau favorable aux dons.

Je reste pour ma part très attaché à l'anonymat du don d'organes et de gamètes. Permettez-moi de vous faire part de la réaction d'Emmanuel Vitria, un de nos recordmans des transplantés cardiaques. Avec son charisme et sa faconde toute marseillaise, il racontait combien il souffrait lorsque, chaque année, à la date anniversaire de sa transplantation, la mère du jeune homme à qui il devait son coeur posait sa tête sur sa poitrine pour écouter battre le coeur de son enfant !

L'étanchéité entre les donneurs et les transplantés doit être totale et respecter le principe de l'anonymat. C'est du reste ce qui prévaut en matière de don de gamètes. Quelle serait la motivation d'un donneur de sperme si l'anonymat était levé ? Je sais qu'un enfant a besoin de savoir d'où il vient et quelles sont ses racines. Mais j'appelle votre attention sur les dégâts que provoquent chez les enfants des situations de familles déchirées, de familles monoparentales, avec au bout du compte des enfants totalement déstructurés.

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