Le texte alors adopté par notre assemblée avant l'élection présidentielle de 2002 soumettait ces recherches à un strict dispositif d'encadrement, avec accord écrit préalable des couples concernés, finalité médicale et protocole faisant l'objet d'une autorisation délivrée par une agence créée spécialement, qui devait devenir par la suite l'Agence de la biomédecine.
Malheureusement, après le changement de majorité au sein de cet hémicycle, en juin 2002, ce texte a été profondément remanié et modifié au cours de la procédure parlementaire, avec l'accord du nouveau gouvernement. C'est ainsi que l'on est passé d'un texte voté par les députés en janvier 2002, qui posait le principe de l'autorisation des recherches sur les cellules souches embryonnaires, à un texte promulgué le 6 août 2004, qui retenait le principe contraire. La loi prohibe désormais ces recherches, admettant seulement qu'elles soient menées « à titre exceptionnel », « par dérogation » et « pour une période limitée à cinq ans ».
Le présent projet de loi de bioéthique, présenté en conseil des ministres par Mme Bachelot-Narquin, le 20 octobre dernier, ne fait que maintenir ce principe général d'interdiction, bien que la ministre, alors députée, ait voté pour l'instauration de la règle de l'autorisation. Avec mes collègues radicaux de gauche, nous ne pouvons que regretter ce changement de position, et nous avons proposé un amendement pour la mise en place d'un régime général d'autorisation de la recherche sur les cellules souches embryonnaires.
L'interdiction de principe avec dérogations, qui vient d'expirer le 6 février 2011, est préjudiciable aux malades, qui aspirent à voir les recherches développer de nouvelles thérapeutiques susceptibles de leur apporter des chances de guérison. Entraver ainsi la recherche, c'est pénaliser les patients ; c'est aussi évidemment handicaper nos chercheurs en leur imposant des obstacles, alors que ces recherches sont menées activement dans douze autres pays de l'Union européenne ainsi qu'aux États-Unis, en Russie, en Chine et au Japon. Comment, dès lors, s'étonner de la fuite de nos cerveaux ?
Le risque est aussi bien réel de voir les chercheurs français être distancés dans la compétition scientifique internationale. Nos chercheurs sont des hommes et des femmes responsables, respectueux de l'éthique et soucieux du respect de la loi. Plutôt que de les stigmatiser, réaffirmons notre confiance dans leur travail en fixant un cadre adapté.
Mes chers collègues, force est de constater que le statu quo souhaité par le Gouvernement, et semble-t-il par sa majorité – plus encore par une partie très active de cette même majorité –, est conforme à des convictions spirituelles, certes respectables, mais qui omettent toutefois l'article 1er de notre Constitution qui énonce que la France est « une République laïque ».
Aucune loi ne peut donc privilégier telle ou telle conviction philosophique ou religieuse par rapport à telle autre, au risque d'imposer une vision orientée à l'ensemble de la société.
De ce point de vue, ce débat en rappelle d'autres qui se sont tenus ici même, il y a plus de trente ans, et qui ont instauré le droit à l'interruption volontaire de grossesse, que personne n'entend désormais remettre en cause dans cette enceinte, du moins je l'espère.
Le principe de laïcité doit guider le législateur au moment de voter la loi, et le conduire à faire abstraction de toute autre croyance ou considération.
Ce projet de loi va à l'encontre des recommandations du Conseil d'État et de l'Office parlementaire de l'évaluation des choix scientifiques et technologiques, lesquels préconisent « un régime permanent d'autorisation enserrée dans des conditions strictes ».
Mes chers collègues, notre pays accumule les retards au préjudice des chercheurs et surtout des malades. Le rôle du Parlement n'est pas d'entraver les progrès de la science par une législation volontairement inadaptée et inappropriée.
De la même manière que pour bon nombre d'autres dispositions contenues dans le projet de loi, nous devons être à l'avant-garde des possibilités offertes par la science. Une loi sur la bioéthique doit naître de la confrontation et de la rencontre à un moment donné entre progrès scientifique et valeurs morales d'une société – celle d'aujourd'hui, du temps présent, et non celle du passé.
Il ne s'agit pas de légiférer avec des préjugés d'un autre temps ; en la matière, cinq ans c'est long, très long. Pourquoi avoir attendu plus de cinq ans pour aboutir à ce texte qui est en fait une non-révision ? Comment croire que sur de tels sujets notre société n'a pas évolué en cinq ans ?
La suppression de l'anonymat du don de gamètes fut un temps au centre du débat sur ce projet de loi. Selon nous, l'anonymat et la gratuité doivent rester les grands principes du don. Il est souhaitable de protéger les parents qui bénéficient de ce don et de permettre à ces familles de se former sereinement.
En matière d'assistance médicalisée à la procréation, il est indispensable de mettre les moyens offerts par la science à la disposition des couples en souffrance. Si l'on peut se réjouir de la possible autorisation de la congélation rapide d'ovocytes, il ne faudrait pas que cette mesure conduise à la limitation ou même à l'interdiction de la congélation embryonnaire, comme l'a expliqué Serge Blisko.
Par ailleurs, la question centrale doit rester celle de l'enfant à naître. L'évolution de notre société nous amène à nous poser ces questions en des termes nouveaux et à bien distinguer le droit à l'enfant du droit de l'enfant, lequel doit toujours primer.
Aussi est-il nécessaire de ne pas attendre cinq ans avant de revoir les lois de bioéthique. Il faut réviser notre droit chaque année en fonction de l'évolution des sciences et des valeurs de notre société, sur la base du rapport de l'Agence de la biomédecine et toujours dans le respect absolu de la dignité de la personne humaine et du refus de la marchandisation du corps humain.
Madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, les députés radicaux de gauche, privilégiant l'intérêt général plutôt que les cas particuliers, espèrent l'adoption de profondes modifications à ce projet de loi sans avancées majeures, et donc par nature non satisfaisant. Sans ces modifications, vous l'avez compris, nous ne pourrons pas lui apporter notre soutien. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)