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Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 9 février 2011 à 15h00
Simplification et amélioration de la qualité du droit — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRoland Muzeau :

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous arrivons au terme de la discussion d'un texte qui suscite plus d'interrogations qu'il n'apporte de solutions. Il avait initialement pour ambition de simplifier le droit et d'en améliorer la qualité, de clarifier la norme afin de la rendre à la fois plus lisible et plus applicable.

Au final, nous nous trouvons face à un fourre-tout, un antre législatif plus obscur encore que ne le fut le précédent texte dit de simplification, qui avait abouti à la grave et lamentable affaire de la scientologie.

Votre proposition de loi de plus de 150 articles aborde des thèmes aussi divers et complexes que le droit pénal, le droit rural, la fiscalité, la transposition de la directive « Services », les collectivités territoriales, les groupements d'intérêt public ou le droit de l'urbanisme.

Nous aurions pu espérer que la majorité tire les leçons du passé et de l'épisode désastreux auquel je faisais allusion à l'instant et qu'elle s'accorde avec nous sur la nécessité d'adopter une autre démarche, en saisissant l'ensemble des commissions au fond et en réalisant de véritables études d'impact. Il n'en a rien été. Le travail a été conduit en amont, avec le Conseil d'État. Onze rapporteurs ont été chargés de l'examen des différents articles ; les cinq sections administratives ont été saisies du texte. Des représentants du Gouvernement et de l'administration centrale ont apporté leur contribution au travail des rapporteurs.

Quel contraste entre, d'un côté, le temps et les moyens énormes consacrés au travail administratif et technique préparatoire, et, de l'autre, ceux, dérisoires, consacrés au débat parlementaire !

Le plus grave en l'affaire est que votre texte ne se contente pas d'opérer un toilettage du droit. Une partie seulement des articles de ce texte clarifient des normes contradictoires ou imprécises. Les autres ne simplifient pas le droit : ils le changent.

Vous avez ainsi abrogé massivement des dispositions du code pénal sans en préciser clairement ni les raisons ni les effets, modifié le statut des groupements d'établissements publics d'enseignement, tels les GRETA, introduit de nouvelles dispositions concernant la création par décret de nouveaux fichiers de police. Vous avez interdit aux titulaires d'un PACS de faire porter leur nom et prénom sur l'acte de décès de leur conjoint, modifié la loi HADOPI afin de permettre à la haute autorité de mettre en oeuvre des missions d'encouragement au développement de l'offre légale. Vous avez encore évincé le rapporteur public d'un certain nombre de procès administratifs, dans un douteux souci de rapidité.

Le Sénat a supprimé à juste titre des dispositions relatives à l'urbanisme, à la loi informatique et libertés et à la fonction publique qui n'avaient rien à faire dans un tel texte. Il reste que les abrogations et modifications en cascade contenues dans cette proposition de loi ne se sont, en général, accompagnées d'aucune justification claire. Elles entraîneront des changements dont les conséquences ne sont nullement présentées.

Loin de simplifier notre droit, votre texte le complexifie. Il participe à en intensifier la dégradation de la qualité. Il contribue plus qu'il ne la corrige à l'inflation législative qui atteint déjà, avec la multiplication des initiatives élyséennes incohérentes, des proportions ahurissantes.

Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission, nous l'avons déjà souligné à plusieurs reprises, nous ne sommes pas seulement las de travailler dans la précipitation, avec un ordre du jour surchargé et sans cesse modifié, nous sommes aussi indignés par la façon dont le Parlement travaille.

Nous aurions pu, sans doute, soutenir un certain nombre de dispositions, mais il nous faut malheureusement reconnaître, pour le déplorer, que députés et sénateurs n'ont pas eu la possibilité d'expertiser la totalité du texte et d'exercer sereinement leurs prérogatives. Un principe de précaution élémentaire nous commande donc de nous tenir à l'abri des ratés. Surtout, nous ne souhaitons pas cautionner une démarche et une méthode qui passent délibérément outre le devoir de transparence auquel les parlementaires ont droit.

Pour toutes ces raisons de méthode et de fond, les députés du groupe de la gauche démocrate et républicaine voteront contre votre proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

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