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Intervention de Bernard Perrut

Réunion du 9 février 2011 à 15h00
Bioéthique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBernard Perrut :

La gestation pour autrui peut-elle permettre, le cas échéant, à des couples homosexuels masculins d'avoir des enfants ? Je réponds par la négative. Soyons clairs : la procréation médicalement assistée vise à aider les couples qui sont stériles du fait d'une pathologie. La bioéthique ne doit pas se mêler de désirs d'enfant qui soulèvent des questions sociales, comme celui des couples homosexuels. Permettez-moi en outre de dire qu'à mes yeux la présence d'un père et d'une mère est essentielle.

Je pense également qu'au cours de ce débat nous parviendrons à un accord sur le nécessaire encadrement des activités bioéthiques par la représentation nationale. Car si la bioéthique est l'affaire des spécialistes, des experts, comme vous, monsieur le président de la commission, et comme vous, monsieur le rapporteur – je salue la qualité de votre travail –, elle concerne aussi chaque citoyen et nous autres députés, comme l'ont démontré les travaux sur le sujet et les états généraux de la bioéthique, réunis par le Gouvernement.

Comme certains de mes collègues, je souhaite m'arrêter sur le dépistage prénatal et sur la recherche sur l'embryon.

En cherchant à dépister une maladie qu'on ne peut guérir, on confronte les parents à la réalité d'un handicap auquel on ne peut remédier à court terme. Mais la peur du handicap et le mythe de l'enfant parfait conduisent peut-être trop souvent à l'élimination du foetus, qui devient en effet quasi systématique. Or que se passe-t-il actuellement, et que va modifier le projet de loi dont nous allons débattre ?

Aujourd'hui, l'article 2131 du code de santé publique précise que le dépistage s'entend des pratiques ayant pour objectif de détecter in utero chez l'embryon ou le foetus une affection d'une particulière gravité. Dans la pratique, on voit bien que le dépistage de la trisomie 21 est proposé à toute femme enceinte par dosage de marqueurs sériques. Les examens ne sont pas obligatoires mais, en réalité, du fait d'une certaine pression, la femme les subit sans avoir forcément eu le temps de la réflexion. Elle est parfois amenée à prendre des décisions qu'elle peut regretter comme le recours à l'amniocentèse, à l'origine de nombreuses fausses couches d'enfants ne présentant aucune affection particulière.

L'article 9 introduit une ambiguïté qui n'est, je l'espère, due qu'à une erreur de rédaction. Après avoir défini le dépistage comme pratique destinée à détecter les affections d'une particulière gravité, il l'étend, à l'alinéa suivant, à toute « affection susceptible de modifier le déroulement ou le suivi de la grossesse », ce qui ne recouvre pas du tout la même réalité et peut ouvrir la porte à d'autres dérives.

Ce texte peut susciter également certaines interrogations d'ordre éthique.

Dans son avis de novembre 2009, le Comité national consultatif d'éthique soulignait que « la problématique éthique liée à l'usage de ces techniques diagnostiques est grave lorsqu'il s'agit de décider de la naissance ou non d'un être humain ».

Le Premier ministre lui-même, dans sa lettre de mission au Conseil d'État, se demandait si les dispositions encadrant les pratiques du DPN et du DPI permettraient d'éviter toute pratique eugénique. Lorsque l'on sait que 96 % des enfants ayant été diagnostiqués comme trisomiques sont éliminés, on peut se demander si le risque redouté n'est pas déjà avéré.

Je soutiendrai certains amendements qui visent non pas à interdire le dépistage ou à restreindre le droit des femmes à demander une IMG en cas d'affection grave diagnostiquée mais à rétablir une véritable liberté de choix pour la femme enceinte face aux examens qui lui sont proposés, en tentant de supprimer la trop forte pression à laquelle elle peut être soumise et en s'assurant qu'elle est parfaitement informée de leurs conséquences possibles et de leur caractère non obligatoire. Elle doit aussi pouvoir rencontrer des associations de familles d'enfants porteurs du même handicap que celui diagnostiqué pour son enfant afin de lui permettre de porter un autre regard que celui qu'elle avait avant la révélation du diagnostic. Elle doit enfin disposer de temps pour prendre sa décision.

J'ai en outre cosigné un amendement visant à ce qu'un effort de recherche public soit mené en matière de trisomie 21. On peut se demander si l'on consacre réellement tous les moyens nécessaires à cette maladie alors qu'on semble vouloir faire disparaître – pardonnez-moi l'expression – les enfants qui en sont porteurs.

En ce qui concerne les recherches sur l'embryon, je salue le maintien du principe de l'interdiction de la recherche, qui est en cohérence avec l'ensemble de notre droit sur la protection de la vie de l'être humain, notamment l'article 16 du code civil, et qui répond à un consensus éthique sur la reconnaissance de l'embryon humain comme personne humaine potentielle.

Toutefois, je m'interroge : à quoi sert une interdiction assortie de dérogations si larges qu'elles vident le principe de sa substance ?

La loi de 2004 avait soumis les dérogations à la recherche embryonnaire à deux conditions : la possibilité d'accomplir des progrès thérapeutiques majeurs et l'absence de méthodes alternatives. Après vingt ans de recherches mondiales, aucun essai clinique de thérapie cellulaire n'a été enregistré même si des promesses de découvertes sont périodiquement et médiatiquement annoncées. Par ailleurs, des méthodes alternatives existent bien, qu'il s'agisse de recherches thérapeutiques, fondamentales ou pharmaceutiques. Les cellules souches adultes, les cellules souches animales, les cellules souches de sang de cordon et les cellules pluripotentes induites peuvent être tout aussi efficaces.

Je me félicite donc de l'affirmation contenue dans l'alinéa 5 de l'article 23, selon laquelle « les recherches alternatives sur l'embryon et conformes à l'éthique doivent être favorisées ». Il faudra toutefois que l'Agence de la biomédecine rende compte au Parlement de l'application de ce principe.

Le maintien de ces dérogations, leur extension – comme le laisse supposer la substitution des termes de « progrès médicaux » à ceux de « progrès thérapeutiques » – la suppression de leur encadrement par des délais inspirent à beaucoup d'entre nous la crainte que des motifs autres que celui du respect de la dignité humaine ne soient à l'origine de telles dispositions. J'attends, madame la secrétaire d'État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, que vous nous rassuriez sur ces points.

J'espère que le débat sera éclairant. J'aimerais en effet pouvoir me prononcer favorablement sur ce texte en toute connaissance de cause parce qu'il y va du respect de la dignité humaine, principe auquel nous sommes tous attachés, mais aussi de la nécessité pour notre société de fonder son avenir sur une recherche encadrée, sur laquelle les parlementaires auront encore dans les années à venir leur mot à dire, leur avis à donner, parce qu'ils représentent l'ensemble des Françaises et des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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