Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, les progrès des connaissances scientifiques et médicales, les espoirs qu'ils ouvrent, mais aussi les dérives qu'ils peuvent engendrer ne nous permettent pas de rester attentistes sur les enjeux de la bioéthique. Il est légitime de vouloir se donner le temps de la réflexion, mais il importe aussi de pouvoir réagir à temps sur des questions totalement neuves, ce qui peut mettre en question le bien-fondé de rendez-vous législatifs pluriannuels.
Surtout, il est important que nous sachions en permanence concilier les attentes et les espoirs nés du progrès scientifique ; l'espace de responsabilité et de liberté indispensable face à des enjeux qui touchent au plus profond de la vie des personnes ; et surtout, parce que ce sont les principes mêmes qui fondent notre pacte social, notre vision de la société, le respect de la vie, la dignité des personnes et leur capacité, dans le cadre législatif que nous aurons choisi, de se déterminer librement et non pas sous l'effet d'une pression sociale et économique.
Sur les dons d'organes, le législateur de 2004 a introduit, avec la consultation élargie des proches, un élément d'incertitude qui se traduit par une déperdition non négligeable du nombre de greffes possibles, alors que les besoins n'ont cessé de progresser et que les files d'attentes s'allongent. Il me paraît nécessaire de réaffirmer plus fortement que la finalité du don d'organes est d'assurer la vie. L'autorisation du don d'organes croisé va dans ce sens. Il faut donc renforcer la présomption de la volonté de faire don de ses organes en cas de décès.
Il me paraît en particulier nécessaire de faciliter la libre décision du donneur, en instituant un second registre informatisé, qui serait un registre positif. Je note d'ailleurs que l'article 3 de la Charte européenne des droits fondamentaux parle du consentement de la seule personne concernée.
À ce propos, bien que ce ne soit pas l'objet de cette loi, il est urgent que les directives européennes expriment une obligation sans équivoque sur la question de la gratuité du sang et de ses dérivés, notamment le plasma. Les interrogations suscitées par les prises de participation du LFB dans certains établissements n'auraient alors plus lieu d'être.
Pour ce qui concerne les recherches sur les embryons et le diagnostic prénatal, nous retrouvons tout à la fois la question du respect de la vie et celle des finalités.
S'agissant de la recherche sur les embryons, il est vrai que biologiquement, naturellement, un grand nombre d'embryons ne sont pas destinés à survivre. L'élément déterminant pour l'avenir d'un embryon est le projet du couple ou au moins celui de la mère. Nous n'en sommes pas moins dans un domaine qui pose un problème de conscience à beaucoup de nos concitoyens. C'est pourquoi l'utilisation d'embryons surnuméraires pour des enjeux de recherche médicale, particulièrement importants et graves, doit être à mon sens limitée aux hypothèses où il n'existe pas d'alternative et en se limitant au nombre d'embryons strictement nécessaire.
Pour le diagnostic prénatal, il nous paraît également indispensable que le poids des procédures et leur répétition ne finissent pas par enfermer ou contraindre excessivement le libre choix des personnes. Si j'approuve l'effort d'élargissement des techniques d'assistance médicale à la procréation dès lors que leur finalité est clairement affirmée, je ne pourrais personnellement que m'opposer à la gestation pour autrui, qui me paraît humainement très dure à vivre et qui risquerait de devenir l'instrument de trafics et de pressions particulièrement dangereux.
J'en viens enfin à la question des dons de gamètes. Dans un premier temps, la tentation de la commission spéciale a été celle de la paix au sein des familles, à quoi s'ajoute sans doute le souci de préserver le statut du père ou de la mère, social mais non biologique, et bien d'empêcher la levée de l'anonymat des dons de gamètes. Cette volonté de préserver la paix sociale et les positions acquises n'empêchera jamais une partie au moins de ceux qui sont issus d'un tel don de se poser avec force et parfois violence la question de leur origine.
La recherche, la quête des origines est un sentiment fort, que l'on retrouve d'ailleurs dans toute une part de la littérature contemporaine, qu'il s'agisse d'archives familiales, de volonté de recommencement, de réécriture de l'histoire de ses ascendants biologiques, autant que sociaux. Fermer cette possibilité constituerait un véritable déni d'origine. C'est pourquoi le dispositif proposé par le projet de loi initial présenté par Roselyne Bachelot me paraissait sage, puisqu'il limitait cette possibilité à celle de l'enfant arrivé à l'âge de la majorité et la soumettait à l'accord du donneur.
Madame la secrétaire d'État, la discussion de ce projet de loi comporte une multitude de volets sur lesquels les positions peuvent varier, de l'acceptation au rejet pur et simple. Comme celui de beaucoup de mes collègues, mon vote sur l'ensemble du texte dépendra étroitement des choix que nous ferons au cours du débat.