La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
Mes chers collègues (Mmes et MM. les députés, ainsi que Mmes et MM. les membres du Gouvernement, se lèvent), c'est avec une grande émotion que nous avons appris, jeudi dernier, le décès d'Arlette Franco. Je suis sûr d'être l'interprète de toute l'Assemblée en disant à sa famille et à ses amis combien nous partageons leur tristesse.
Je prononcerai prochainement l'éloge funèbre de notre regrettée collègue.
Je vous invite, dès à présent, à marquer notre peine et notre estime, en observant une minute de silence. (Mmes et MM. les députés, ainsi que Mmes et MM. les membres du Gouvernement, observent une minute de silence.)
La parole est à M. François Asensi, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.
La drogue fait plus de victimes que le terrorisme. À Sevran, dans ma circonscription, sept morts par violence sont à déplorer depuis dix mois. Pourtant cette ville attend toujours une UTEQ.
Cette réalité est connue, tout comme la terreur et le contrôle social exercés par ces réseaux mafieux sur les habitants, dans des centaines de quartiers en France. L'émission racoleuse de TFl tournée à Tremblay-en-France, tout comme la Une caricaturale du Monde, n'ont rien révélé que nous ne sachions déjà, et que je dénonce depuis des années.
L'État prend-il la mesure de l'enracinement économique et social du commerce de stupéfiants ? Comment expliquer que la justice ait si peu recours à la procédure de témoignages sous X ? C'est le seul moyen de briser la loi du silence.
Il faut dans chaque commissariat une cellule d'investigation au plus près du terrain, pour prolonger le travail remarquable de la police et des douanes.
Aucune excuse sociale ne peut justifier l'incendie d'un bus à Tremblay-en-France, en représailles au démantèlement d'un réseau.
Reste que le terreau de la pauvreté et de la désespérance sociale progresse et gangrène ces quartiers. Depuis 2005, ils continuent de s'enfoncer dans la relégation sociale.
Le dernier rapport de l'ANRU dénonce l'absence de mixité sociale et les lacunes de la rénovation urbaine. Le grand ensemble de Tremblay, c'est 3 000 logements sociaux d'un seul tenant, la plus grande cité de Seine-Saint-Denis et vingt-cinq tours.
Pourquoi ses habitants ont-ils été punis par le gouvernement précédent, qui leur a refusé l'intégration à l'ANRU ?
Il faut choisir : la loi du plus fort et le culte de l'argent roi ou la justice, l'égalité et la fin des ghettos. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
La parole est à M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
Monsieur Asensi, je vous l'ai dit : l'État ne se laissera pas impressionner par de petits voyous qui se lèvent à midi, qui vivent de leurs trafics et qui empoisonnent la vie des honnêtes gens. Je vous l'ai dit, en me rendant à deux reprises en quelques heures dans votre circonscription. Je l'ai dit en votre présence aux policiers du commissariat de Villepinte, qui ont réalisé une très belle opération de saisie et je l'ai dit, toujours en votre présence, aux conducteurs et aux machinistes des sociétés de bus, dont l'un avait été caillassé et l'autre brûlé.
Ce caillassage et cet incendie de bus sont le signal que nos opérations dérangent. Nous luttons, vous avez raison, avec acharnement contre les trafics de stupéfiants. Pour être tout à fait précis, je souhaite vous indiquer que sur les deux premiers mois de l'année nous avons d'ores et déjà saisi le double de ce que nous avions pris l'année dernière pour les deux mois correspondants.
Il en reste naturellement beaucoup, mais notre action ne doit pas se limiter à cela. C'est une action contre toutes les formes de la délinquance, en Seine-Saint-Denis comme ailleurs. C'est pourquoi nous avons réorganisé notre système de sécurité, avec la création de la police d'agglomération depuis la mi-septembre. C'est aussi pour cela que nous suivons avec attention l'évolution des effectifs. Il y avait 4 527 policiers en Seine-Saint-Denis en 2000 ; aujourd'hui, il y en a près de 5 000.
Et j'ai annoncé la semaine dernière le recrutement de 1 500 ADS. Un grand nombre d'entre eux – 385 – seront affectés à la région Île-de-France, et l'essentiel de ce contingent le sera à votre département.
Lutter contre les nouvelles formes de la délinquance est un combat permanent, un combat difficile. C'est donc un combat, monsieur Asensi, qui doit être collectif. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Les états généraux de l'industrie se sont clos le mois dernier. Ces travaux viennent confirmer le recul de la position industrielle de la France au cours des dix dernières années, surtout par rapport à l'Allemagne. Chacun d'entre nous peut d'ailleurs le vivre sur son territoire. Mon département, le Tarn, n'est pas le moins touché notamment au niveau du secteur textile et mécanique.
Au-delà du constat, des arbitrages doivent être rendus et les mesures appliquées pour renouveler la politique industrielle française. Cela passe en premier lieu par le rééquilibrage des relations entre les donneurs d'ordre économiques et les sous-traitants industriels. Il est impératif de sortir de la seule logique du dominant-dominé qui aboutit par exemple à la caricature des enchères inversées. Cette stratégie est contre-productive pour la performance sociale, qui, ne l'oublions pas, sous-tend la performance industrielle !
Tout doit être fait pour pérenniser l'emploi industriel sur le long terme et valoriser les métiers de l'industrie. Des propositions issues des états généraux sont déjà engagées. Elles nous semblent aller dans le bon sens. Je pense notamment à la nomination ce matin même du nouveau médiateur de la sous-traitance.
Notre groupe se réjouit également que le Gouvernement ait décidé d'inscrire au Sénat notre proposition de loi sur le reclassement des salariés à l'étranger. C'est un signe positif qui s'inscrit dans la logique de la compétitivité sociale. En effet, elle entend poser les conditions d'une rémunération décente en cas de reclassement aux salariés concernés par un licenciement économique. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe NC.) Elle permettra surtout de dispenser les entreprises de propositions de reclassement absurdes et humiliantes, comme celles tout récemment en Tunisie pour 137 euros par mois.
Pour nous centristes, il faut, dans la continuité de la logique qui permet la performance économique, soutenir la performance sociale, une performance pour tous.
Monsieur le ministre chargé de l'industrie, en même temps que je me félicite de ces avancées, je souhaite vous interroger sur le calendrier d'application des mesures concrètes que vous souhaitez mettre en oeuvre. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Monsieur Folliot, oui, il était absurde qu'une loi votée sous le gouvernement de M. Jospin (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) oblige les grands groupes, lorsqu'ils ferment une entreprise en France, à proposer le reclassement de leurs salariés dans des entreprises à l'étranger, quelquefois pour 130 à 150 euros. C'était en effet insupportable. La proposition de loi de François Sauvadet adoptée à l'unanimité au mois de juillet dernier par l'Assemblée nationale sera inscrite à l'ordre du jour du Sénat le 4 mai prochain sur proposition d'Éric Woerth, je vous le confirme, monsieur le député. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
Dans le même temps, des vingt-trois propositions et décisions prises par le Président de la République issues des états généraux de l'industrie, j'ai pris ce matin la première d'entre elles. Avec l'accord du Premier ministre, j'ai nommé M. Jean-Claude Volot médiateur de la sous-traitance. Jean-Claude Volot, précédemment l'adjoint de René Ricol, médiateur du crédit, a fait ses preuves. Nous allons ainsi pouvoir mettre un terme, en matière de délocalisations, à l'absurdité de la relation entre dominants et dominés, grands groupes industriels et sous-traitants, à l'origine de tant de dégâts au plan économique pour notre pays. Désormais, nous voulons une relation franche entre les grands industriels, les équipementiers et les sous-traitants de rang 2 et plus. Nous voulons le respect. Le mot d'ordre « produire en France » doit se traduire pour les industriels par plus d'achats de composants chez les équipementiers, les sous-traitants, qui ont des ingénieurs, des ouvriers, des techniciens dont le savoir-faire est meilleur qu'ailleurs. Voilà comment nous prenons les premières décisions ; d'autres suivront dans les semaines qui viennent pour respecter les engagements du Président de la République, en faveur d'une nouvelle stratégie économique et sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Maxime Bono, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Il y a plus d'un mois, la tempête Xynthia dévastait les côtes de Vendée et de Charente-Maritime. Depuis, chaque semaine a apporté son lot de mauvaises nouvelles et d'angoisses : pour les particuliers sinistrés, privés de leur foyer, dont plus d'un millier pourraient voir leurs maisons démolies ; pour les entreprises, parfois privées de leur instrument de travail – je pense aux ostréiculteurs et aux professionnels de l'hôtellerie de plein air – ; pour les élus locaux enfin, qui savent qu'il faudra tout à la fois aider les particuliers sinistrés, aider l'économie locale à se reconstituer, mais aussi repenser profondément notre système de protection des côtes ! Il existe aujourd'hui des digues départementales, des digues communales, et même de très nombreuses digues privées. Aucun système aussi complexe ne peut s'avérer protecteur.
Monsieur le Premier ministre, êtes-vous prêt à changer cette situation, afin de garantir la sécurité des territoires littoraux ?
Aujourd'hui, c'est surtout une intervention rapide de l'État que nos concitoyens attendent comme la première des urgences.
Le Président de la République s'est déplacé par deux fois, de nombreuses visites ministérielles ont eu lieu, mais, à ce jour, les financements d'État ne sont toujours pas parvenus et l'on peut légitimement s'inquiéter sur votre capacité à les débloquer rapidement, quand le président du conseil général de Charente-Maritime, de surcroît membre de votre gouvernement, propose une taxe tempête de 6 % sur la fiscalité locale au nom de la solidarité départementale ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Une sorte de double peine, d'autant plus injuste que chacun sait que les Charentais maritimes les plus fortunés y échapperont et en seront même remboursés par le biais du bouclier fiscal, que vous refusez obstinément d'abolir. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le Premier ministre, quand, comment et à quelle hauteur allez-vous faire jouer la solidarité nationale pour soutenir nos territoires sinistrés ? Signerez-vous un avenant tempête au contrat de projets État-région afin de concrétiser les promesses qui ont été faites ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.
Monsieur Bono, je regrette très sincèrement que, devant un tel drame, vous terminiez votre question comme vous l'avez fait ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Moins d'un mois après la tempête, les deux missions interministérielles ont rendu leur rapport sur le renforcement et la gestion des digues. Trois jours après la tempête, les tractopelles étaient sur place et des moyens considérables ont été mis en oeuvre pour résoudre immédiatement les premiers problèmes. Vous y étiez, monsieur le député – nous y étions du reste ensemble, vous le savez pertinemment.
Qui doit gérer les digues ? Vous soulevez une excellente question, car les digues sont la propriété de nombreuses personnes physiques et morales. Il faut un dispositif public concernant les digues. Nous vous ferons des propositions dans le cadre du texte Grenelle 2 : faudra-t-il une autorité d'État sans les acteurs locaux ou un système mixte avec les acteurs locaux ? Nous en débattrons, mais c'est absolument indispensable.
Je rappelle qu'il y a plus de mille digues de mer et océan, et 7 000 digues fluviales qui sont en cause.
Enfin, monsieur le député, un grand nombre de nos concitoyens – et vous les connaissez bien – sont dans le désarroi. Ils connaîtront demain les zonages qui auront été arrêtés.
Un peu plus d'un millier ne pourra plus habiter dans leur maison. Cela sera douloureux pour eux, sujet d'incompréhension. L'État s'engagera à ce qu'il y ait des acquisitions amiables pour les dédommager. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Georges Siffredi, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, ces derniers jours, des événements graves et choquants ont mis en jeu la sécurité de citoyens qui empruntaient les transports en commun.
En effet, mercredi 31 mars, à Tremblay-en-France, deux autobus ont été attaqués par des individus cagoulés. L'un a été caillassé, l'autre incendié alors que des passagers s'y trouvaient encore. L'enquête que vous avez diligentée permettra de faire la lumière sur ces faits.
Les transports en commun font partie du quotidien de millions de personnes, surtout en Île-de-France. La sécurité des usagers, mais aussi des agents exerçant leur mission de service public, doit y être garantie par la République. Le chef de l'État a toujours considéré la sécurité dans les transports comme l'une de ses priorités ; il s'agit en effet d'un enjeu fondamental. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Plusieurs initiatives fortes ont déjà été prises. Tout d'abord, le Président de la République a rencontré le 2 avril une délégation de chauffeurs d'autobus de Villepinte. De votre côté, vous vous êtes rendu dans l'Oise et au commissariat de Villepinte, et vous avez rencontré sur place les responsables des différentes compagnies de transport. Ce matin, vous étiez en réunion avec le président de la RATP, M. Mongin.
Monsieur le ministre, pouvez-vous indiquer à la représentation nationale les mesures concrètes qui seront prochainement adoptées pour renforcer la sécurité dans les transports ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
Monsieur Siffredi, lutter contre la violence dans les transports collectifs est en effet une priorité pour le Gouvernement. À cette fin, nous mobilisons déjà d'importants moyens.
Ainsi, chaque jour, 2 300 policiers et gendarmes s'y emploient. Nous encourageons également le développement de la vidéoprotection : pour s'en tenir à la seule Île-de-France, 322 des 389 gares sont déjà équipées de 12 000 caméras, et cette tendance sera naturellement entretenue.
Cette mobilisation porte ses fruits. Vous avez certainement suivi les événements qui se sont déroulés samedi dernier, puisqu'ils ont failli s'étendre aux Hauts-de-Seine : grâce à la surveillance conjointe de la ligne A du RER et du Transilien reliant Paris-Saint-Lazare à Mantes-la-Jolie, les forces de police ont pu anticiper un affrontement entre bandes qui aurait vraisemblablement eu lieu sur le parvis de la Défense.
En outre, grâce à la loi anti-bandes que vous avez votée, mesdames et messieurs les députés de la majorité…
…, douze voyous ont pu être interpellés ; l'un d'entre eux passera cet après-midi en comparution immédiate devant le tribunal correctionnel de Versailles.
De telles opérations anti-bandes seront systématisées dans le RER, sur les lignes de banlieue et partout où des problèmes se posent. Avec le président de la SNCF et celui de la RATP, nous définissons les besoins gare par gare, ligne par ligne.
Vous le voyez, monsieur le député, nous nous adaptons en permanence à l'évolution de la délinquance. Quand on emprunte le RER, les trains de banlieue ou les trains grandes lignes, on ne doit pas baisser les yeux de peur d'être agressé ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Jérôme Cahuzac, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Ma question s'adresse à François Baroin ; elle est relative au bouclier fiscal.
Monsieur le ministre, ce dispositif fait aujourd'hui l'objet dans l'opinion d'une incompréhension massive, pour ne pas dire d'une hostilité certaine. Des voix fortes s'élèvent, y compris parmi vos amis politiques, pour en demander la suppression.
Lors de sa campagne électorale, en 2007, le Président de la République avait déclaré qu'il ne voulait pas que les Français travaillent plus d'un jour sur deux pour l'État. La justification du bouclier fiscal tient toute entière dans cette promesse.
Or nous savons que ce bouclier ne profite qu'à moins de 0,01 % de nos concitoyens. (Approbation sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) La promesse du Président de la République ne s'adressait donc pas aux Français, mais à une infime minorité de nos concitoyens, à laquelle près de 550 millions d'euros sont consacrés chaque année.
Pendant cette même campagne, le Président de la République avait également promis qu'il baisserait les impôts, et il répète sans cesse qu'il n'a pas été élu pour les augmenter. Le problème, monsieur le ministre, c'est qu'aujourd'hui, entre taxes nouvelles et déremboursements, les Français paient 5 milliards d'euros d'impôts de plus qu'en 2007. (Approbation sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Les seuls dont les impôts ont baissé sont justement les bénéficiaires du bouclier fiscal, qui paient plusieurs dizaines, voire plusieurs centaines de milliers d'euros de moins ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Monsieur le ministre, le Président de la République avait promis de réhabiliter la valeur travail. Or le bouclier fiscal protège non le travail, mais la rente. En maintenant le bouclier fiscal et en protégeant la rente, vous vous obligez donc à taxer le travail.
Enfin, on prétendait que le bouclier fiscal permettrait le retour des émigrés fiscaux. Or les seuls qui sont revenus l'ont fait parce qu'ils ont été licenciés par les banques londoniennes à cause de la crise. Monsieur le ministre, combien d'émigrés fiscaux sont véritablement revenus ?
Je le répète, des voix fortes s'élèvent au sein de votre majorité. Monsieur le ministre, ferez-vous le même choix que trois anciens premiers ministres librement choisis par Jacques Chirac ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État.
Monsieur le président Cahuzac, c'est avec un grand bonheur que, répondant à votre invitation, je viendrai tout à l'heure devant la commission des finances au nom du Gouvernement.
Le Gouvernement est à la disposition du Parlement. Nous évoquerons alors tous ces sujets.
Il est faux de dire que l'idée du bouclier est d'invention récente. Je le disais la semaine dernière en répondant à M. Hollande, et je le répète bien volontiers devant vous : c'est un gouvernement socialiste qui a acté le principe selon lequel, en France, l'impôt ne saurait être spoliateur. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Il s'agissait du gouvernement de Michel Rocard, avec lequel j'ai du reste déjeuné tout à l'heure, et qui était très fier de cette décision. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP. – Vives protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Le bouclier fiscal s'est ensuite développé, atteignant un plafond de 60 % sous la présidence de Jacques Chirac. Sous celle de Nicolas Sarkozy, la majorité s'est engagée à l'appliquer à 50 % des revenus. En ce qui me concerne, je ne m'éloigne pas de cet engagement majoritaire. En voici la raison : la France est malade de son instabilité fiscale. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Afin d'être compétitifs d'un point de vue économique et de présenter avantageusement nos dispositifs fiscaux, nous devons inscrire ces derniers dans la durée. C'est cet esprit qui doit animer le débat sur le bouclier fiscal.
Vous avez raison et il faut être honnête, monsieur Cahuzac : plus de 50 % des bénéficiaires du bouclier fiscal ne paient pas l'ISF ; moins de 50 % l'acquittent.
Certes, ils bénéficient des retombées du bouclier à hauteur de plus de 500 millions d'euros ; mais ils paient à la société près d'un milliard d'euros d'impôts. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR. – Plusieurs députés SRC agitent leur mouchoir.) Ils participent donc à l'effort constitutif du financement de nos politiques publiques.
Voilà pourquoi la stabilité fiscale, le maintien de l'esprit du bouclier et le message que nous adressons doivent être analysés à l'échelle du quinquennat, et non pour pousser son avantage au lendemain d'une victoire aux élections régionales ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jacques Grosperrin, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le président, mes chers collègues, ma question porte sur la revalorisation du métier d'enseignant.
Monsieur le ministre de l'éducation nationale, vous avez annoncé la mise en oeuvre d'un pacte de carrière qui tend à dynamiser la gestion des ressources humaines dans l'éducation nationale dès la rentrée 2010, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir. Ce pacte propose en effet un véritable droit à la formation, favorise la mobilité, renforce la médecine du travail et ouvre de nouvelles perspectives aux enseignants.
Au cours des auditions menées dans le cadre de la mission parlementaire sur la mise en oeuvre du socle commun de compétences qui nous a été confiée, nous avons pu constater la souffrance et souvent le manque de considération que subissent les jeunes enseignants et, plus largement, la communauté éducative dans son ensemble.
La revalorisation que vous proposez doit inévitablement porter sur l'image des professeurs. Le soutien médical et psychologique est fondamental. À ce jour, seule la visite médicale d'embauche est obligatoire. À cet égard, permettez-moi d'évoquer le cas d'une amie très chère, professeure des écoles, qui vient de décéder à l'âge de trente-six ans, alors qu'une visite médicale aurait permis de la sauver.
Nous proposons dans notre rapport des politiques de vie scolaire ambitieuses : bivalence, présence accrue des enseignants au sein des établissements scolaires. Mais il ne s'agit que d'un rapport.
Les objectifs assignés à ce jour aux enseignants supposent des efforts de plus en plus importants en matière de formation professionnelle et d'organisation des emplois du temps.
Ma question sera simple, monsieur le ministre : pouvez-vous nous exposer votre ambition pour l'avenir professionnel de nos jeunes enseignants, dont le métier a bien changé au cours de ces dernières années ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur Roy, je vais devoir encore devoir vous appliquer le règlement. C'est le dernier avertissement que je vous adresse ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Monsieur Grosperrin, la revalorisation des enseignants était un engagement du Président de la République et ce sera une réalité dès la rentrée prochaine.
Je vous rappelle que c'est la contrepartie du non-renouvellement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite mais aussi d'un engagement fort, à savoir l'allongement d'une année de la formation initiale de nos enseignants.
C'est une revalorisation significative, monsieur Grosperrin, puisque, lors de la première année d'exercice, les professeurs des écoles et les professeurs certifiés toucheront 157 euros nets de plus par mois et les professeurs agrégés 259 euros nets de plus par mois. Je vous pose la question : quel employeur aujourd'hui augmenterait de 10 % ses jeunes collaborateurs ? (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) C'est un signal fort de soutien et de considération à l'égard des enseignants.
Par ailleurs, ce pacte comporte l'augmentation des enseignants tout au long de leur carrière : jusqu'à sept ans d'ancienneté, ils toucheront en moyenne 660 euros de plus.
Ainsi, près de 200 000 enseignants seront ainsi revalorisés au mois de septembre.
Toutefois, il ne s'agit pas uniquement de revalorisation financière. Nous avons décidé en effet de proposer un accompagnement renforcé en matière de ressources humaines pour les enseignants. Le droit individuel à la formation sera effectif dès la rentrée prochaine. La question de la mobilité sera également étudiée lors d'entretiens systématiques après quinze ans de carrière. Enfin, des bilans de santé seront proposés aux enseignants.
Des enseignants mieux formés, mieux payés, mieux accompagnés et mieux considérés : voici notre politique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à Mme Huguette Bello, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale.
Depuis plusieurs semaines, des jeunes professeurs stagiaires formés à l'IUFM de La Réunion ayant réussi les concours de l'éducation nationale manifestent pour contester leur affectation d'office dans les académies de la région parisienne. Ils entament aujourd'hui même une nouvelle action soutenue par des enseignants déjà en poste.
La volonté de ces professeurs stagiaires d'enseigner à La Réunion est d'autant plus forte qu'ils savent que, dans plusieurs disciplines, de nombreux postes resteront vacants dans l'académie de La Réunion, en EPS par exemple, et à coup sûr dans les lycées professionnels. Ils savent aussi parfaitement que, pour occuper ces postes, on fera appel à des contractuels.
Ces enseignants n'ignorent pas non plus que le volume d'heures supplémentaires est très important dans cette académie puisqu'il représente 10 % des heures d'enseignement, soit l'équivalent de presque sept cents postes.
Et puis, s'ils n'oublient nullement le caractère national du concours auquel ils se sont présentés, ces nouveaux lauréats ont tous en mémoire les propos du Président de la République, qui déclarait, le 6 novembre 2009 au Palais de l'Élysée : « La sacro-sainte règle de la mobilité administrative n'a aucun sens quand sa mobilité, on va la faire à plusieurs milliers de kilomètres de sa famille. Ce n'est tout de même pas du tout le même contexte qu'en métropole. »
De fait, pour bon nombre de ces enseignants stagiaires, une mutation d'office à 10 000 kilomètres de La Réunion sera synonyme, s'ils ne veulent pas perdre le bénéfice du concours, de graves perturbations familiales, de divorces géographiques, de toutes sortes de difficultés pourtant évitables.
Ma question est simple : ces enseignants stagiaires se verront-ils appliquer les nouvelles dispositions souhaitées par le Président de la République en matière de mobilité des fonctionnaires ultramarins ? (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
La parole est à M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement.
Madame la députée, vous m'interrogez sur l'affectation des professeurs stagiaires du second degré de La Réunion lors de la prochaine rentrée.
Je tiens d'abord à souligner que, comme tous les enseignants natifs des départements d'outre-mer, les Réunionnais bénéficient d'une bonification destinée à faciliter leur affectation dans leur département. C'est la déclinaison de l'engagement de la République que vous avez rappelé : mille points de bonification sont attribués à tous les agents natifs d'un département d'outre-mer ou dont le conjoint ou les ascendants directs le sont. Cela vaut pour l'académie de La Réunion mais aussi pour l'académie de la Martinique, de la Guadeloupe ou de la Guyane.
Pour ce qui est du mouvement prévu pour la rentrée 2010 à La Réunion, je rappelle que sur les 192 stagiaires souhaitant rester sur l'île, 134 ont d'ores et déjà obtenu gain de cause. Pour 58 autres stagiaires, le premier souhait d'affectation n'a pu être retenu, madame la députée. En effet, l'absence de besoins d'enseignement dans certaines disciplines, notamment professionnelles et technologiques, ne permet parfois pas de maintenir sur place des enseignants diplômés. La demande d'affectation de ces stagiaires a été traitée selon la procédure d'extension, qui consiste à examiner les possibilités, académie par académie, suivant la liste des voeux émis par les intéressés, lesquels ont été tenus informés de cette situation. Le guide pratique des mutations réalisé par l'académie prévoyait cette éventualité.
Nous menons donc une politique qui consiste à apporter un bonus aux enseignants formés dans leur académie d'origine mais dans le cadre d'un concours national pour un diplôme national. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Patrice Verchère, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le ministre en charge de la mise en oeuvre du plan de relance, face à la crise d'une ampleur exceptionnelle qui frappe notre pays, le Gouvernement a fait le choix de concentrer tous ses efforts sur l'emploi.
Lors du sommet social du 18 février 2009, le Président de la République avait souhaité qu'une aide directe soit versée aux familles modestes sous forme de bons d'achat de services à la personne. L'objectif de cette mesure était triple : d'abord distribuer du pouvoir d'achat, ensuite répondre à la demande sociétale émanant de familles avec des enfants ou des personnes âgées dépendantes et qui souhaitaient pouvoir recourir à des services tels que l'aide à domicile, le ménage ou le soutien scolaire mais qui sont souvent un peu trop chers au regard de leur budget, enfin libérer de formidables gisements d'emplois de proximité non délocalisables.
Comme vous le savez, la semaine dernière, l'Agence nationale des services à la personne a présenté un bilan d'étape. Les chèques emploi-services ont été utilisés par plus d'un million de foyers, soutenant par là même le pouvoir d'achat des familles tout en favorisant la création d'emplois.
En cette période de crise économique exceptionnelle, il est indispensable, en raison de la désinformation qui est faite, de rappeler à nos compatriotes que le Gouvernement et la majorité travaillent afin d'atténuer du mieux possible les effets de cette crise et les difficultés auxquelles ils doivent faire face.
L'instauration de ce dispositif innovant, favorable à la fois à l'emploi et au pouvoir d'achat, en est l'illustration. C'est pourquoi je vous demande de nous confirmer ce premier bilan d'étape et de rappeler l'engagement du Gouvernement pour apporter aux Français les moyens nécessaires de faire face à cette crise. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Patrick Devedjian, ministre en charge de la mise en oeuvre du plan de relance.
Monsieur le député, la mesure chèque emploi-services du plan de relance appartient au dispositif de soutien à la consommation et s'adresse aux publics les plus fragiles particulièrement exposés à la crise que sont les personnes bénéficiaires de l'allocation personnalisée d'autonomie, les parents de jeunes enfants ou d'enfants handicapés ou encore les parents demandeurs d'emplois.
À ce jour, 1,5 million de chèques emplois services ont été distribués, dont 63 % déjà utilisés. 204 millions d'euros ont été attribués à 1,4 million de personnes, c'est-à-dire aux publics les plus fragiles, afin de soutenir la consommation.
Le chèque emploi-services est un dispositif d'avenir en plein développement. Il permet aux publics les plus fragiles de recourir à des emplois d'aide à la personne, emplois non délocalisables, et il a eu pour conséquence de réduire, à due concurrence, le nombre de chômeurs en difficulté. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, vous avez répondu à côté de la question de M. Jérôme Cahuzac. Le bouclier fiscal vous embarrasse tellement que vous réécrivez l'histoire !
Hier, votre prédécesseur inventait un bouclier fiscal allemand. Or nous avons pu vérifier que ce n'était pas vrai. Aujourd'hui, vous tentez d'accréditer l'idée que la gauche aurait mis en place un bouclier fiscal ; c'est un mensonge ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Vous dites que 50 % des bénéficiaires du bouclier fiscal ne payent pas l'ISF. Mais ce que vous ne dites pas, c'est que le montant du bouclier fiscal de ceux qui ne payent pas l'ISF représente 1 % du bouclier fiscal. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
On sait bien que le discours selon lequel ne pas travailler plus d'un jour sur deux pour l'État est faux. Il est impossible, avec les seuls revenus du travail, d'atteindre le bouclier fiscal, et vous le savez. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Le bouclier fiscal s'adresse d'abord aux grandes fortunes. Les deux tiers du bouclier vont à des contribuables dont le patrimoine s'élève à 16 millions d'euros. Chacun va recevoir un chèque de 376 000 euros. (« C'est honteux ! » sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le ministre, trouvez-vous normal que l'on verse 376 000 euros aux titulaires du bouclier fiscal quand vous refusez depuis trois ans toute augmentation du SMIC ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Soyez très riches et vous ne paierez pas d'impôts : voilà la logique du bouclier fiscal ! C'est tellement vrai que, lorsque vous instituez de nouveaux impôts – dans ce domaine, vous avez beaucoup d'imagination – ... (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Merci, monsieur Muet.
La parole est à M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État.
Monsieur le député, j'ai préféré de très loin l'élégance, la forme et l'architecture de la question de M. Cahuzac (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) à la facilité, la démagogie et au fait que rien ne vous arrête. Une addition de mensonges ne fera jamais une vérité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
J'ai expliqué combien de personnes bénéficiaient du bouclier et ne payaient pas l'ISF, mais j'ai dit, dans le même élan, que ceux qui payaient l'ISF et qui étaient protégés par le bouclier versaient à l'État plus d'un milliard d'impôts, ce qui permet de financer les politiques publiques. (« Et alors ? » sur les bancs du groupe SRC.)
Vous écrasez la craie et vous êtes dans votre logique. La répétition étant l'une des meilleures pédagogies, je vous répéterai exactement la même chose : nous avons besoin de stabilité fiscale.
Nous n'avons pas besoin d'une politique pour protéger telle ou telle catégorie de la population, mais pour adresser un message de sérieux, du respect de la parole donnée de l'État dans une politique globale. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Nous avons besoin d'adresser ce message aux Français, à nos partenaires européens, à ceux qui nous ont quittés, à ceux qui doivent revenir, et nous avons besoin de solidarité dans la continuité de la politique publique. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Le grand rendez-vous qui nous attend dans les semaines qui viennent est celui des retraites, et non celui du bouclier fiscal.
C'est autour de cette politique d'ensemble que nous devons réfléchir à une situation quelque peu amusante : voir de nombreux socialistes demander aujourd'hui la suppression du bouclier fiscal mais aussi de l'ISF. Je donne rendez-vous, dans quelques mois et quelques années, à celles et ceux qui, à gauche et au parti socialiste, auront porté l'étendard de la suppression d'un symbole au moins aussi fort que celui du bouclier, je veux parler de l'ISF ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Martine Aurillac, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères. Mercredi dernier, 31 mars, s'est ouverte à New York la conférence des donateurs pour Haïti regroupant une centaine de pays. L'effroyable séisme du 12 janvier dernier a fait plus de 250 000 morts, cinq fois plus de sans-abri et un grand nombre d'orphelins dont l'adoption pose de difficiles problèmes. L'émotion et la mobilisation internationale ont été considérables, et la France a été, dès les premiers jours, aux côtés de ce pays si lointain géographiquement, et si proche de nous par son histoire et par sa langue.
Les rescapés se sont installés dans le provisoire. Mais désormais, c'est la reconstruction, dirigée par les Haïtiens, qui est à l'ordre du jour immédiat. Face à l'immensité des besoins, la générosité a de nouveau été au rendez-vous, avec près de 10 milliards de dollars promis dont 5 milliards pour les 18 prochains mois. Mais la coordination des aides, parfois d'ailleurs détournées de leur véritable cible, doit souvent être améliorée. Commission, ou agence, ou constitution d'un fonds unique, plusieurs pistes étaient à l'étude pour mener à bien la refondation territoriale, la refondation économique et notamment agricole, l'agenda social – accès à l'eau, aux soins – ainsi que la refondation institutionnelle – moyens de contrôle et décentralisation. Il est clair que le succès dépendra aussi, bien sûr, du renforcement de l'État.
Pouvez-nous nous dire, monsieur le ministre, quelle est l'évolution actuelle de ce lourd dossier, et quelle part y prend exactement la France ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes.
En effet, ce fut un succès financier que cette réunion du 31 mars à New York. Mais nous n'en sommes qu'au début de la reconstruction. En tout cas, ces 5,6 milliards de promesses de dons, 9,9 milliards sur dix ans, c'était plus que n'en demandaient les Haïtiens.
À quoi va servir cette manne et comment reconstruire ? Vous avez raison de le demander. C'est une besogne sur dix à quinze ans. L'Union européenne est le premier donateur avec 1,6 milliard, puis viennent le Venezuela et les États-Unis. La France a donné 326 millions, y compris l'annulation de la dette, l'aide au développement, etc. Surtout, et c'est ce dont les Haïtiens avaient cruellement besoin, nous allons fournir 5 millions dès ce mois et jusqu'à la fin de l'année au budget haïtien.
Pour mener la reconstruction, il y aura une agence de développement haïtien. Elle s'occupera d'un programme d'éducation obligatoire et publique, alors que jusqu'ici elle était privée et que peu de gens en profitaient ; elle lancera des réflexions sur la santé – la France insiste pour la mise en place d'une assurance-maladie. Avant la mise sur pied de l'agence, une commission provisoire se réunira avec les bailleurs de fonds internationaux et les responsables haïtiens ; elle sera présidée par le Premier ministre, M. Bellerive, et coprésidée par M. Bill Clinton pour les Nations unies.
Et il ne faut pas oublier les réfugiés qui sont toujours sous des tentes. Il reste beaucoup à faire et nous nous y attachons, la France en particulier, qui vient d'envoyer à nouveau des gendarmes et qui restera présente. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Valérie Fourneyron, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Ma question s'adresse à Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des sports.
Madame la secrétaire d'État, y a-t-il un pilote de la politique sportive en France, autre que le lobby du sport business ?
Quand les Français vous font savoir, à l'occasion des élections régionales, que les politiques qui encouragent l'argent-roi ne font pas partie de leurs priorités, cela vaut aussi pour le sport.
Vous ne trouvez pourtant rien de mieux à faire que de défendre deux textes qui répondent en tous points aux demandes du sport business !
D'abord, le texte sur les agents sportifs légalise les arrangements entre amis, sous prétexte que la pratique est fort répandue.
Ensuite le projet sur les paris sportifs en ligne ouvre grand la porte aux matchs truqués et aux pressions multiples. Quel paradoxe, de vouloir financer le sport par une activité nuisible à la santé publique et facteur d'addiction ! C'est une nouvelle preuve qu'un ministère qui réunit sport et santé n'a aucune réalité. Aujourd'hui, vous transformez l'enjeu sportif en un enjeu financier et vous changez le regard porté sur le sport.
Mais le sport au quotidien, madame la secrétaire d'État, ce n'est pas ça. Ce sont les 14 millions de licenciés, les 2 millions de bénévoles, qui font vivre les associations sportives. Ce sont ceux qui sacrifient leurs soirées et leurs week-ends pour organiser des tournois amateurs, pour transporter nos enfants, pour bricoler les équipements et laver les maillots. Ce sont ceux qui consacrent leur temps libre à la promotion de l'activité physique, aux valeurs de l'effort et du dépassement de soi, au jeu collectif, au respect de la règle. Ce sont ceux qui en font leur métier avec de petits salaires.
Madame la secrétaire d'État, où sont vos priorités? C'est l'ensemble de ceux qui aiment le sport et qui se dépensent – eux – sans compter pour le faire vivre qui vous posent la question. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe GDR.)
Madame la députée, vous m'interrogez sur la politique sportive et de prétendues dérives financières. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Je vous réponds bien volontiers, une fois de plus, car ce Gouvernement peut être fier de la politique sportive qu'il a engagée.
Le sport est un besoin pour tous. C'est une passion pour non pas 14 millions, mais 16 millions de licenciés, non pas 2 mais 3,5 millions de bénévoles. C'est le premier mouvement associatif de France avec 275 000 associations. Ce sont aussi des valeurs, des possibilités d'insertion professionnelle, de création d'emplois, donc une activité à dimension économique.
Le ministère des sports est garant de la solidarité entre sport de haut niveau et sport amateur.
Cette solidarité se traduit par le financement par l'État, à travers le CNDS, des actions du sport pour tous. Puisque vous citez le projet relatif aux jeux en ligne, sachez qu'à ma demande a été institué un prélèvement sur le produit de ces jeux supérieur a ce qui était prévu, au profit du CNDS. La solidarité de l'État envers le sport pour tous ne faiblit pas au contraire, puisque les ressources du CNDS ont augmenté de 9 % entre 2009 et 2010.
Quant au projet de loi réglementant la profession des agents sportifs, issu d'une proposition de loi, nous en avons longuement discuté et l'Assemble l'a adopté. Ni il n'instaure une niche fiscale ni il ne favorise les rétrocommissions ; au contraire, il vise à endiguer les dérives et les malversations. Nous sommes donc fiers d'avoir fait voter ce texte et l'ensemble des dispositions en faveur du sport pour tous. Cessez donc de procéder à des amalgames. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Dino Cinieri, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question, à laquelle j'associe le député Jean-François Chossy et mes collègues parlementaires de la majorité, s'adresse à M. le ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.
Monsieur le ministre, ainsi que vous l'avez déjà précisé, l'ensemble de nos agriculteurs traversent une crise sans précédent.
Sur le plan national et dans mon département, je ne citerai qu'un exemple, celui des producteurs de lait, qui ont vu leurs revenus baisser de 54 % en 2009.
Bien entendu, les mesures d'urgence prises pour l'ensemble des filières et les nouveaux accords sur le prix du lait aident nos agriculteurs à passer ce cap très difficile.
Toutefois, ce qu'attend le monde agricole, toutes productions confondues, ce sont des solutions structurelles lui permettant d'avoir une vision à moyen et long terme.
Les engagements que le Président de la République a réaffirmés ce matin même, dans une exploitation céréalière de l'Essonne, sur les négociations de la PAC pour l'après 2013, sur la création de nouveaux outils de régulation, sur la préférence communautaire, vont d'ailleurs dans ce sens.
De ce point de vue, le projet de loi de modernisation agricole qui va entrer en discussion doit faire renaître l'espoir dans nos campagnes et apporter des réponses concrètes et rapidement applicables.
La LMA ne doit pas être une loi de plus, monsieur le ministre. Elle devra proposer des solutions sur l'organisation économique des producteurs, leur permettant de stabiliser et de faire remonter les prix, mais aussi d'alléger les charges. Elle devra être protectrice du foncier agricole. Elle devra sortir les denrées agricoles du carcan de la réglementation sur la concurrence. Elle devra bannir définitivement les remises, rabais et ristournes imposés aux producteurs sur les denrées périssables. Elle devra accroître le champ de compétence de l'Observatoire des prix et des marges. Elle devra, enfin, rendre obligatoire la rédaction de contrats formalisés entre les producteurs et leurs acheteurs, des contrats qui pourraient être encadrés par une commission publique…
…veillant au maintien d'un juste équilibre entre les différents acteurs de la filière agroalimentaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.
Monsieur le député, le Président de la République l'a redit ce matin dans l'Essonne, nous sommes totalement déterminés, avec le Premier ministre, à défendre les agriculteurs français face à la crise sans précédent qu'ils connaissent. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Nous le faisons concrètement, dès maintenant, avec le plan d'urgence annoncé par le Président de la République à Poligny. Nous le faisons en prenant les mesures d'urgence qui s'imposent, notamment dans le secteur des céréales. Nous réunirons prochainement le comité de suivi sur les grandes cultures, pour tirer les conséquences du bilan de santé de la PAC et de l'effondrement des prix des céréales, en France comme dans les autres pays européens.
Nous allons le faire aussi en mettant en place, dans la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche, une nouvelle donne agricole nationale. Cette nouvelle donne, elle est simple. Elle consiste à renforcer le pouvoir des producteurs agricoles dans l'ensemble de la chaîne alimentaire française.
Renforcer le pouvoir des producteurs par des contrats écrits.
Renforcer le pouvoir des producteurs par le renforcement de l'Observatoire des prix et des marges.
Renforcer le pouvoir des producteurs par la suppression des remises, rabais et ristournes en période de crise.
Renforcer le pouvoir des producteurs par des dispositifs assuranciels nouveaux et plus protecteurs.
Renforcer le pouvoir des producteurs, enfin, en préservant les terres agricoles. Nous perdons, nous, grande puissance agricole européenne, 200 hectares de terres agricoles par jour. Ce n'est pas acceptable. Nous y mettrons fin dans la loi.
Nous avons aussi besoin d'une nouvelle donne agricole européenne. Cette nouvelle donne agricole européenne, elle a un nom : la régulation des marchés. Nous voulons la mettre en place, avec le Président de la République et le Premier ministre. C'est la stabilisation des prix agricoles. C'est la stabilisation du revenu de tous les agriculteurs, en France et en Europe. Ce n'est pas seulement une question d'économie et de revenus, c'est une question de justice et d'équité pour tous les agriculteurs de France. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Hervé Féron, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale.
Monsieur le ministre, je ne peux pas vous laisser dire ce que vous affirmiez tout à l'heure. En effet, vous refusez tout dialogue social. Vous excluez complètement les trois quarts des enseignants de ce pays de la hausse salariale. Vous ne mobilisez qu'à peine la moitié de l'économie générée par le non-remplacement d'un enseignant sur deux qui part en retraite.
Ce qu'il faut dire aux Français qui nous écoutent aujourd'hui, c'est que les salaires de nos enseignants sont beaucoup moins élevés qu'en Angleterre, en Espagne ou en Italie, et moitié moins élevés qu'en Allemagne.
Vous venez d'être sanctionnés trois fois, monsieur le ministre : au premier tour des élections régionales, au deuxième tour, et au troisième tour, par la rue qui manifeste sa colère. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Quand cesserez-vous de démanteler le service public de l'éducation ? Vous avez supprimé 40 000 postes d'enseignants depuis 2007. Vous démantelez les réseaux d'aide pour les enfants les plus en difficulté, les RASED. Vous démantelez le sport scolaire. Vous avez mis en place le service minimum d'accueil qui décrédibilise le beau métier d'enseignant.
Vous proposez le remplacement des enseignants par des personnels non-enseignants,…
…mais vous avez vous-même créé la pénurie en supprimant 3 000 postes d'enseignants remplaçants en 2009. Vous supprimez les IUFM. Vous rendez optionnelles l'histoire, la géographie et l'éducation civique dans certaines classes. Vous remettez en cause l'école maternelle.
À l'heure où je vous parle, partout dans le pays, vous fermez des classes en pénalisant les élèves.
Toutes ces mauvaises réformes s'accumulent et sont révélatrices d'une vraie stratégie de votre part : vous faites du service public d'éducation une variable d'ajustement budgétaire pour mieux financer votre bouclier fiscal et les nombreux cadeaux faits à vos amis du Fouquet's. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, l'une des réponses du gouvernement de François Fillon face à la crise, c'est l'investissement dans l'avenir de nos enfants, c'est l'investissement dans l'éducation nationale.
Et vous semblez oublier, monsieur le député, que cette majorité a voté cette année le budget le plus important de l'histoire de l'éducation nationale, avec 60 milliards d'euros. Cela reste le premier budget de l'État. Et c'est une dépense équivalant à 5,9 % de notre produit intérieur brut, c'est-à-dire un point de plus que des pays comme l'Allemagne, l'Espagne ou l'Italie.
La volonté d'investir dans l'éducation, elle se manifeste tous les jours au sein de ce gouvernement.
Oui, monsieur le député, nous assumons la politique du non-renouvellement d'un fonctionnaire sur deux qui part en retraite. Parce qu'on ne peut pas, comme vous, à longueur de journée, verser des larmes de crocodile sur la dépense publique, et ne pas accepter de prendre des décisions difficiles mais courageuses de maîtrise de nos dépenses de fonctionnement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Mais cette politique, monsieur le député, nous la menons, d'abord, avec discernement. Je rappelle que cette année, nous avons créé des postes là où il y avait des besoins : dans le première degré, parce que la démographie augmentait ; dans les zones d'éducation prioritaires, parce que c'était nécessaire ; dans les équipes mobiles de sécurité, parce qu'il y avait des besoins.
Ensuite, monsieur le député, cette politique, nous la menons à taux d'encadrement constant.
Je rappelle qu'en France, il y a 11,8 élèves par enseignant, alors qu'il y en a 13,2, en moyenne, dans l'ensemble des pays de l'OCDE.
Enfin, monsieur le député, elle nous permet de mettre en oeuvre une revalorisation sans précédent de nos enseignants. Vous semblez découvrir que nos enseignants sont mal payés. Nous avons décidé de les augmenter. Nous menons une politique moderne et responsable. Deux mots qui vous semblent bien étrangers ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. François Vannson, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le président, ma question s'adresse à M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie.
Monsieur le ministre, la filière automobile occupe, depuis longtemps, une place primordiale dans le paysage industriel français. Elle démontre la compétence de nos ingénieurs et incarne le savoir-faire de nos ouvriers. Elle entretient également un lien étroit et fort avec les hommes et les territoires. C'est pourquoi, aujourd'hui, chacun voit comme un événement majeur la réunion d'un conseil d'administration extraordinaire tenu par l'entreprise Renault, dans la perspective de son rapprochement avec la firme allemande Daimler. Dans un contexte international marqué par des restructurations profondes de la filière industrielle automobile et des équipementiers – je pense notamment à l'entreprise TRW, à Ramonchamp, dans ma circonscription – un tel rapprochement devrait apparaître comme un atout pour l'entreprise Renault. Mais, dans le même temps, cette démarche soulève aussi un certain nombre de questions légitimes. Quelles conséquences aura-t-elle sur l'emploi industriel en France ? Quelle sera la politique du site privilégiée dans le cadre ce partenariat ? Et quel sera le rôle de l'État actionnaire dans cette alliance ?
Je vous remercie, monsieur le ministre, d'apporter à la représentation nationale et aux salariés concernés des précisions sur ces différents points. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur Vannson, ce matin, s'est tenu un conseil d'administration particulièrement important chez Renault-Nissan que nous avons d'ailleurs préparé avec Christine Lagarde et les administrateurs chargés de représenter l'État au sein dudit conseil. Le Président de la République s'était, en effet, engagé à ce que l'État s'implique désormais, là où il ne l'avait jamais réellement fait par le passé, dans la stratégie industrielle de Renault.
Nous avons donc validé ce rapprochement entre Renault-Nissan et Daimler afin que se noue une alliance plus importante. Nous savons que, demain, la compétition dans l'automobile, au plan mondial, fera que, seules, les grandes alliances pourront permettre à l'industrie automobile du futur de relever les grands défis. Cela nous permettra d'amortir, notamment, des investissements lourds pour davantage de compétitivité et pour une production plus importante au service de l'emploi. Nous sentirons d'ailleurs immédiatement les retombées sur la chaîne de Maubeuge avec la production de la Kangoo, sur Cléons et les motorisations du futur ou encore avec la Smart à Hambach, en Lorraine, site choisi par Daimler pour produire sa première Smart électrique. Tout cela permettra de créer davantage d'emplois industriels dans le secteur de l'automobile en France.
Il appartiendra aux deux présidents de communiquer les détails de ce partenariat, demain, à Bruxelles. Mais, d'ores et déjà, je peux vous garantir qu'au terme de ce partenariat, l'État français restera le premier actionnaire de Renault-Nissan, avec 15 % de participation. Ainsi, nous accompagnerons cette nouvelle stratégie industrielle et nous démontrerons que, là aussi, les dispositions des états généraux de l'industrie permettront à l'État d'être plus volontariste et plus impliqué dans sa stratégie industrielle ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Gérard Bapt, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le président, ma question s'adressait à M. le Premier ministre, qui n'est plus là. Elle concerne, en effet, un problème sur lequel deux de ses ministres sont en contradiction. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.)
Aujourd'hui même, comparaissent devant le tribunal correctionnel de Toulouse deux dirigeants de l'ex-site Molex de Villemur-sur-Tarn pour « délit d'entrave au bon fonctionnement du comité d'entreprise ». Les dirigeants de Molex sont ceux que le ministre de l'industrie, Christian Estrosi, et le Président Sarkozy, lui-même, ont plusieurs fois traités de « patrons voyous ».
Dans un avis en date du 18 décembre 2009, l'inspection du travail de la Haute-Garonne refusait d'autoriser les licenciements des salariés de Molex protégés par leurs responsabilités au comité d'entreprise, au motif d'une part que la situation financière du site de Molex ne justifiait pas de licenciement économique et d'autre part que le comité d'entreprise n'avait pas été informé des projets de la direction. Sur la base de ce rapport ayant confirmé la réalité du « délit d'entrave », les salariés de Molex ont porté l'affaire en justice, confortés dans leur démarche par les déclarations des plus hauts niveaux de la République. Le Procureur de la République a assigné les dirigeants de Molex, après qu'une enquête policière a validé le rapport de l'inspection du travail.
Aujourd'hui, après un recours de la direction de Molex, le ministre du travail vient d'autoriser les licenciements des salariés protégés de Molex…
…au motif que la faute de la direction de Molex ne pouvait être prouvée, alors que l'enquête policière l'avait confirmée !
Monsieur le Premier ministre, votre gouvernement va-t-il choisir, une fois de plus, l'intérêt des actionnaires contre les droits des salariés ? Nicolas Sarkozy en avait appelé, en son temps, pendant la campagne présidentielle, à Jean Jaurès. Monsieur le Premier ministre, allez-vous annuler la décision scandaleuse du ministre du travail qui a autorisé les licenciements voulus par les patrons voyous…
…de Molex ?
M. le ministre du budget vient de nous parler de stabilité fiscale. Monsieur le Premier ministre, face à la précarité montante, n'y a-t-il pas urgence à assurer la stabilité sociale et le respect du droit du travail ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Monsieur Bapt, le code du travail soumet, en effet, à l'autorisation de l'inspection du travail la décision de licencier les représentants du personnel quand bien même l'ensemble des effectifs serait licencié. Il ne m'appartient pas, en conséquence, s'agissant de salariés protégés, c'est-à-dire de salariés syndiqués, de commenter cette décision tant que toutes les voies de recours devant le Conseil d'État n'auront pas été épuisées. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)
Je note, en revanche, que certains représentants du personnel ne se sont pas opposés à leur licenciement et ont, d'ores et déjà, été recrutés par Villemur Industrie. En effet, ce qui nous a toujours importé, c'est un avenir industriel à Villemur-sur-Tarn.
En réalité, monsieur Bapt, nous pouvons tous partager cette vision sur le comportement d'une entreprise américaine – Molex – qui a décidé de fermer son entreprise à Villemur-sur-Tarn et refusé de vendre son fonds de commerce à des repreneurs français. Nous ne nous sommes pas résolus à cette fatalité.
Nous avons mené le combat avec le Président de la République et le Premier ministre et avons obtenu qu'une partie des brevets soit cédée à un fonds d'investissement. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.) Ce n'est que depuis le début du mois de janvier qu'une activité industrielle – Villemur Industrie – a repris à Villemur-sur-Tarn, alors que tout le monde considérait que c'était fini.
Aujourd'hui, vingt-cinq salariés travaillent à Villemur Industrie. Je suis moi-même intervenu pour que de nouveaux contrats soient signés avec Renault et PSA. Je vais poursuivre avec le CEA et avec la filière aéronautique à Toulouse. Nous atteindrons près de soixante salariés d'ici à la fin de l'année et près de 200 à la fin de l'année prochaine. Là où vous considériez qu'il n'y avait pas d'avenir, nous avons démontré que l'interventionnisme de l'État pouvait garantir un avenir industriel dans les Pyrénées à Villemur-sur-Tarn ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Situation de l'entreprise Molex
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures quinze.)
La Conférence des présidents, réunie ce matin, a arrêté pour la semaine du 10 au 14 mai les propositions d'ordre du jour suivantes :
Éventuellement, lundi 10 mai, le soir :
Suite du projet sur les réseaux consulaires.
Mardi 11 mai, l'après-midi et le soir :
Proposition de résolution sur l'attachement au respect des valeurs républicaines ;
Proposition sur les tarifs réglementés d'électricité et de gaz naturel.
Mercredi 12 mai, l'après-midi :
Suite de la proposition sur les tarifs réglementés d'électricité et de gaz naturel.
Il n'y a pas d'opposition ?...
Il en est ainsi décidé.
Dans les explications de vote sur l'ensemble du projet de loi, la parole est à M. Gaëtan Gorce, pour le groupe SRC.
Monsieur le président, monsieur le ministre de l'intérieur, mes chers collègues, j'avais indiqué la semaine dernière, lorsque nous avons commencé l'examen de ce texte, que nous l'examinions avec un sentiment de malaise. Vu la manière dont les débats se sont déroulés et dont les médias en ont rendu compte, ce malaise s'est un peu répandu, et le moins que l'on puisse dire, c'est que les débats n'ont pas aidé à le dissiper, au moins pour trois raisons, qui justifieront notre vote et notre opposition à ce projet.
La première raison, qui a son importance, est liée à la procédure. Les conditions dans lesquelles des votes sont intervenus – le flou, c'est le moins que l'on puisse dire, qui a entouré certaines délibérations de notre assemblée, et même le brouhaha qui a accompagné le vote sur une motion de rejet – n'étaient au fond que la traduction de la fébrilité de la majorité, des incertitudes de plusieurs de ses membres sur l'opportunité et la légitimité de ce projet, et la manifestation d'une contradiction évidente : faire discuter d'un tel texte quand les préoccupations des Français sont ailleurs.
On a bien vu que l'on avait torturé la procédure pour lui faire dire plus qu'elle n'aurait dû permettre mais, surtout, pour se débarrasser très vite et presque en catimini, par un vote conforme et dans des délais prédéfinis, d'un texte qui posait un problème politique et un problème éthique.
La deuxième raison est liée évidemment au contenu du texte. Je ne prendrai que deux exemples pour souligner les contradictions dans lesquelles il s'est délibérément installé puisqu'il n'a pas été possible de le modifier.
Premier exemple, on nous explique qu'il faut réguler une offre qui, autrement, constitue une menace pour nos concitoyens et que la régulation passera par l'agrément délivré par l'ARJEL. Le problème, c'est, d'abord, que l'on a créé les conditions pour que l'ARJEL n'ait pas le temps d'assurer une instruction normale des dossiers avant la Coupe du monde, mais, surtout, que l'on a créé dans la loi un espace franc, si j'ose dire dans une loi aussi hypocrite, tout joueur pouvant s'inscrire et jouer pendant un mois sans que la moindre vérification puisse préalablement intervenir et sans que la société opérateur de jeux soit privée des gains qu'elle aurait éventuellement réalisés contre ce joueur pendant cette période.
Deuxième exemple, comme on veut réguler le marché, il faudra désormais que chacun marche droit et se soumette aux règles fixées. On pourrait penser que, pour commencer à bien faire respecter les choses, on appliquerait ces règles en premier lieu à ceux qui sont ouvertement dans l'illégalité. Or on leur accorde une amnistie fiscale et une forme d'amnistie pénale puisqu'ils ne seront pas poursuivis pour les infractions qu'ils commettent aujourd'hui. Lorsque j'ai demandé au ministre s'il était prêt à engager des opérations de redressement fiscal sur les bénéfices réalisés dans l'illégalité par ces sociétés, à travers les actions publicitaires et les offres qu'elles proposent, il m'a répondu par un grand silence. Il n'y aura donc sans doute pas de poursuites engagées fiscalement contre ces sociétés, bien que l'on ait apporté en séance la preuve du comportement de plusieurs d'entre elles domiciliées en France et réalisant des bénéfices en France.
Troisième raison, l'on ouvre la concurrence des jeux en ligne au détriment de la Française des jeux et du PMU, qui n'étaient sans doute pas des modèles de vertu mais que l'on aurait pu moderniser et dont on aurait pu adapter l'action, pour favoriser, par le développement de la publicité, la progression et l'expansion d'un marché qui se traduira forcément par des phénomènes d'addiction, c'est-à-dire par des problèmes majeurs de santé publique, et tout cela pour permettre à des opérateurs privés de réaliser des bénéfices sur ce type d'opérations.
Tout cela n'a vraiment aucun sens. Il est déjà difficile d'admettre que l'on ait une politique commerciale agressive en matière de jeux lorsqu'il s'agit d'en faire bénéficier la collectivité et le budget de l'État, c'est inadmissible lorsqu'il s'agit d'en faire bénéficier des opérateurs privés qui, par ailleurs, ont pollué ce débat depuis le début en exerçant sur cette assemblée, via les médias, via leurs déclarations, via l'arrogance dont ils ont fait preuve, une pression insupportable. Le contexte est aussi contestable et aussi malsain que le texte.
La majorité, le Gouvernement, et peut-être le Président de la République, disent aux Français et à un certain nombre de sociétés installées dans l'ombre, dont certaines sont déjà sorties : « Faites vos jeux ! ». Face à de tels comportements, en pensant à l'éthique que l'on doit respecter dans la chose publique, à la protection de nos concitoyens, à l'idée que l'on peut se faire de la politique et de la République, nous disons, nous : « Rien ne va plus ! ». Et c'est vous qui en paierez le prix. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi, nous le regrettons, n'est pas motivé par la défense ou la préservation de l'intérêt général, mais bel et bien par celles du modèle économique porté par les opérateurs, agissant jusqu'alors en toute illégalité et en toute impunité. En d'autres termes, voter cette loi revient à blanchir des intérêts privés aujourd'hui illégaux, au détriment, notamment, des principes de prévention du risque d'addiction, de préservation de la santé publique, de pérennité des recettes fiscales et sociales de l'État.
Cette deuxième lecture a d'ailleurs été marquée par la fièvre du jeu, les opérateurs faisant feu de tout bois pour faire valoir leurs impératifs commerciaux : le texte doit être prêt avant la Coupe du monde de football pour leur permettre de plumer nos concitoyens en toute légalité.
Cette perspective est d'autant plus inquiétante que le nombre d'inactifs dans notre pays ne cesse d'augmenter et que, selon de nombreuses études, ces derniers forment les plus gros bataillons de joueurs en ligne.
Le Parisien sous-titrait d'ailleurs dans son édition de ce matin : 4 millions d'accros attendus sur le net !
Pour satisfaire à ces intérêts mercantiles, les assemblées ont donc été mises au pas, et singulièrement la nôtre, mes chers collègues, puisque pas un seul des quelque 200 amendements déposés sur ce texte n'a été adopté.
Nous n'avons cessé de faire valoir que les jeux d'argent et de hasard ne sont pas une activité économique ordinaire et que le régime général d'interdiction qui prévaut encore aujourd'hui est particulièrement pertinent.
Hélas, votre volonté dogmatique de déréguler, portée par des opérateurs intéressés aux mises, aura eu raison d'un équilibre pourtant protecteur.
Votre texte rompt ainsi avec une tradition républicaine séculaire, ce qui ne manque pas de susciter la perplexité, pour ne pas dire l'incompréhension, incompréhension d'autant plus légitime que rien, du moins pas l'Union Européenne, n'oblige aujourd'hui la France à ouvrir le secteur des jeux d'argent et de hasard à la concurrence.
Ce qui nous choque le plus, c'est la manière brutale et hâtive qui a caractérisé la rédaction, le dépôt et la discussion au pas de charge de ce projet.
Il est vrai que vous ne pouviez vous enorgueillir d'avoir cédé aux pressions des opérateurs et de toutes les filières qui bénéficieront de cette ouverture, mais vous n'avez pas fait preuve de la plus grande finesse en vous appuyant sur la nécessaire régulation d'un marché pour l'instant illégal.
Vous n'avez d'ailleurs envisagé aucune solution alternative à cette ouverture à la concurrence pour réguler la part des jeux qui échappaient à notre législation. Tous nos amendements en ce sens ont été repoussés avec le concours d'un argument d'autorité : impossible de faire autrement ! Cuisant aveu d'échec de la puissance publique face aux puissances de l'argent.
Plusieurs autres points noirs jalonnent ce mauvais texte :
Il y a d'abord une menace sur un équilibre financier : les recettes et produits des différents prélèvements risquent d'être moindres que ce qu'ils sont actuellement dans la mesure où, pour ne pas fragiliser le modèle économique des opérateurs ni favoriser l'offre illégale, vous avez abaissé autant que faire se peut les taux applicables aux jeux et aux paris.
Le déferlement prochain, qui a déjà commencé en toute illégalité dans certains journaux et sur Internet, de la publicité en faveur des jeux de hasard et d'argent est édifiant. Comment ne pas être choqué que votre gouvernement puisse soutenir avec aplomb que la prolifération de la publicité répond au double objectif d'assécher l'offre illégale, et donc d'en protéger les joueurs ?
Le coût social du texte risque d'être relativement lourd : les conséquences du jeu sont bien connues, notamment en matière de poly-addiction.
Il existe une menace pour un nombre considérable d'emplois, notamment les 70 000 emplois de la filière équine.
Il y a un risque de perte de recettes en faveur du CNDS.
La course au profit et la financiarisation du sport professionnel vont s'accentuer au détriment des politiques publiques en faveur du sport pour tous et à toutes les étapes de la vie. On passe progressivement du sport loisir ou du sport amateur au sport spectacle, dominé par les filières professionnelles ou par des clubs à raison de leur poids financier.
Se pose enfin le problème de l'indépendance des clubs, du trucage des compétitions, de l'éthique du sport, des conflits d'intérêt : aucune compétition sportive sur laquelle seront engagés des paris ne pourra désormais faire l'économie d'une suspicion diffuse quant à ses résultats ou à la manière d'arbitrer.
Au-delà de ces raisons de fond qui poussent les députés du groupe GDR à voter contre ce texte, ce sont les soupçons à peine démentis de collusion qui motivent notre position, car cette loi favorise des intérêts particuliers singulièrement très proches du pouvoir : Arnaud Lagardère, Martin Bouygues, Patrick Le Lay, qui table déjà sur des mises familiales de 30 à 40 euros mensuels, à dépenser hors temps de cerveau disponible, s'il vous plaît, Vincent Bolloré, François Pinault, Dominique Desseigne, Stéphane Courbit et Alexandre Balkany,…
…qui n'est pas le modeste employé que décrivait avec émotion son papa sur ces bancs, tous proches, fervents soutiens de Nicolas Sarkozy.
À l'instar…
Veuillez maintenant indiquer le sens de votre vote. (Protestations sur les bancs du groupe GDR.)
Concluez en indiquant le sens de votre vote, s'il vous plaît. (Protestations sur les bancs du groupe GDR.)
J'aurais eu le temps de terminer mon intervention. Vous m'avez empêché de dire des choses extrêmement intéressantes parce que je mettais en cause certaines amitiés et évoquais des liens entre des députés et le jeu. Nous voterons contre ce projet. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Monsieur Chassaigne, votre temps de parole était déjà épuisé depuis plusieurs dizaines de secondes.
Je fais d'ores et déjà annoncer le scrutin dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Yvan Lachaud, pour le groupe Nouveau Centre.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre assemblée achève aujourd'hui l'examen d'un texte commencé il y a maintenant près d'un an. Ce texte a été amplement enrichi par nos deux assemblées, parvenant à un équilibre tout à fait satisfaisant.
Les conditions d'une ouverture maîtrisée du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne sont aujourd'hui remplies. Ces conditions sont d'ailleurs celles que notre groupe avait formulées en trois points : la protection des joueurs et des mineurs et la lutte contre l'addiction ; la responsabilisation des futurs acteurs du marché et la lutte contre la fraude ; la préservation de la filière équine, qui représente entre 70 000 et 90 000 emplois directs dans notre pays. Il n'y a qu'à voir ce qui se passe dans les pays où sa situation n'a pas été réglée.
L'ouverture de ce marché, a fortiori en période de crise, sera surtout pour notre pays une formidable opportunité économique, dont nous ne pouvons nous passer, notamment pour l'emploi des jeunes.
Nous allons donc voter ce texte dans les mêmes termes que nos collègues sénateurs. Nous y voyons un avantage majeur, qu'il puisse entrer en vigueur avant la Coupe du monde de football. Sinon, ce serait offrir aux opérateurs illégaux une opportunité formidable de prendre davantage position sur ce marché.
Mes chers collègues, nous devons donc impérativement faire preuve de bon sens en votant ce texte dans sa rédaction actuelle, afin d'accélérer sa mise en oeuvre et de répondre au plus vite à l'objectif poursuivi : lutter contre la prolifération des opérateurs illégaux.
Je tiens à dire que ce texte n'est pas, comme nous l'avons trop souvent entendu dans les rangs de l'opposition, une soumission à des intérêts privés. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Cette accusation n'est pas admissible, elle n'est pas digne de notre assemblée. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes NC et UMP.) Il n'y a pas, d'un côté de ces bancs, de bons députés qui protégeraient l'intérêt général et, de l'autre, des parlementaires à la solde du grand capitalisme. (« Si ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
C'est faire preuve de bien peu de discernement que de réagir ainsi.
Ce qui est malsain n'est pas d'ouvrir ce secteur à la concurrence ; c'est plutôt la position dogmatique et archaïque de nos collègues de l'opposition, qui consiste à ne rien dire, à ne rien faire et à laisser le marché en l'état, avec une offre illégale pléthorique qui se développera si nous ne légiférons pas. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)
Pour toutes ces raisons, le groupe Nouveau Centre votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)
Nos collègues de l'opposition, à défaut d'une ligne directrice, théorique, morale, sur un sujet de cette importance, se sont livrés à des attaques qui peuvent être qualifiées d'attaques au-dessous de la ceinture (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR), tout en faisant preuve d'une singulière amnésie.
Nous avons vu de tout dans ce débat. Nous avons vu des députés socialistes qui avaient refusé de voter des amendements en commission en première lecture les représenter en deuxième lecture dans l'hémicycle, défendant ainsi les positions qui avaient été les nôtres !
Nous en avons vu allant jusqu'à défendre le principe de prohibition, se transformant parfois en prédicateurs anti-jeux, pendant que la première secrétaire du parti socialiste, Martine Aubry, soutenait l'implantation de casinos sur sa propre communauté urbaine de Lille !
Nos collègues ont également oublié que c'est Florence Parly, alors secrétaire d'État au budget, qui a autorisé l'un des jeux à l'origine du plus grand nombre d'addictions jamais connu à la Française des jeux, le Keno, et qu'ils l'avaient soutenue.
Ils ont défendu la nécessité d'intervenir contre l'invasion des sites illégaux mais fustigé, au-delà des publicités clandestines sur internet, toute forme de publicité. Ils ont lutté contre ce projet de loi et tenté de le retarder, tout en nous demandant d'agir au plus vite. Bref, nous avons été confrontés à des députés socialistes empêtrés dans leurs contradictions.
Ce projet de loi est fondé sur deux piliers, qui sont les piliers du modèle français, comme l'ont rappelé le ministre et les différents intervenants de l'UMP.
Le premier, c'est le principe, que vient de condamner M. Chassaigne, selon lequel les jeux sont interdits en France sauf autorisation expresse de l'État. Ce principe est conservé et renforcé dans la loi : tous les jeux qui seront opérés sur le territoire national, sur internet ou ailleurs, seront passés au filtre de l'État et de l'Autorité de régulation des jeux en ligne, et la ressource créée sera orientée vers les financements d'intérêt général, les oeuvres sociales ou les grandes causes nationales.
Le second pilier est la lutte contre les jeux clandestins et illégaux, contre les agissements des mafias. Ce que vous avez fait, chers collègues de l'opposition, en essayant de retarder l'adoption de ce projet de loi et en le dénonçant comme profitant aux seules sociétés capitalistiques, n'a été que défendre et protéger ces agissements.
Vous nous avez enfin accusés – ultime manipulation de votre part – de rendre légal ce qui est illégal. Non, il ne s'agira jamais de cela ! Il s'agit de sanctionner tous ceux qui n'obéiront pas aux règles fixées par ce projet. Des pouvoirs spécifiques supplémentaires sont conférés au juge pour prononcer des pénalités encore plus sévères, et je me réjouis que le ministre du budget se soit engagé à ce que le Gouvernement conduise des poursuites, dès lors que les juges se prononceront, ce qui était impossible jusqu'aujourd'hui.
Ce projet de loi non seulement renforce le modèle français, non seulement nous permettra de mettre fin à l'invasion des jeux illégaux et à la multiplication des arnaques, mais il renforcera aussi le pouvoir de l'État, protégera l'ensemble des joueurs et rendra possible la conduite de véritables politiques de lutte contre l'addiction, ce qui n'est pas non plus possible aujourd'hui.
Mes chers collègues, le groupe UMP votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'ensemble du projet de loi.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 530
Nombre de suffrages exprimés 522
Majorité absolue 262
Pour l'adoption 299
Contre 223
(Le projet de loi est adopté.)
Vote sur l'ensemble
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures trente-cinq, est reprise à seize heures cinquante, sous la présidence de Mme Danielle Bousquet.)
Monsieur le président a reçu de M. le Premier ministre une lettre l'informant de sa décision de chargerM. Christophe Priou, député de Loire-Atlantique, d'une mission temporaire auprès de M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.
Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, la proposition de loi que vous allez examiner aujourd'hui a fait l'objet d'une approbation unanime le 25 mars dernier devant le Sénat – j'avais eu l'honneur de m'exprimer à cette occasion. Il s'agit en effet d'un texte consensuel qui vise à proroger le mandat de l'actuel Médiateur de la République, Jean Paul Delevoye, jusqu'à l'entrée en vigueur du nouveau Défenseur des droits qui le remplacera.
Depuis 1973, le Médiateur a trouvé sa place dans notre société et donné toute sa vigueur au débat démocratique ; il est devenu un acteur indispensable, incontournable, du rapprochement entre la sphère publique et les citoyens. Les chiffres de son activité sont connus : rien que pour l'année 2009, plus de 76 000 dossiers reçus, soit, comme chaque fois, une augmentation par rapport à l'année précédente ; ils sont constitués de réclamations et de demandes d'informations. Bref, c'est un travail intense.
La place du Médiateur sera confortée et amplifiée par la création du Défenseur des droits issu de la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008. Afin de tenir compte du calendrier parlementaire de l'examen des projets de loi et de loi organique relatifs au Défenseur des droits et pour permettre la transition, dans les meilleures conditions, du Médiateur de la République au Défenseur des droits, il est apparu nécessaire de procéder à la prorogation du mandat de l'actuel Médiateur.
Face aux reproches qui ont été formulés au sujet du retard pris dans la présentation des projets de loi organique qu'impliquait la révision constitutionnelle, je veux rappeler que l'importance de ces textes nous a conduits à ne pas confondre vitesse et précipitation. Nous avons voulu privilégier la qualité et le temps de la réflexion, comme cela a d'ailleurs été dit en commission. Il s'agit en effet de bien définir le périmètre d'action que nous voulons donner au nouveau Défenseur des droits, institution importante pour garantir les droits et libertés de nos concitoyens. Je pense qu'il y aura débat, et c'est une bonne chose, avec éventuellement des propositions.
Avant que ce débat s'instaure, je tiens à saluer le travail accompli par le Médiateur. J'ai rappelé à l'instant la genèse de ce qui est devenu une véritable institution. On peut, en voyant les cas concrets qui lui sont soumis, comprendre les difficultés que rencontre l'administration dans l'application des dispositions législatives ou réglementaires, difficultés parfois consécutives à l'absence de textes d'application ou de circulaires. Dans un monde où la seule intervention étatique ne suffit plus à nous prémunir contre la commission d'une injustice, le Médiateur a plus que jamais sa place. Ainsi s'explique l'importance de ses saisines ; quant à ses missions d'écoute, de réponse et de conseil, elles ne sont plus à rappeler. Mission d'écoute, dis-je, mais aussi rôle de médiation tout à fait important lui permettant de renouer le dialogue entre l'administration et le citoyen : je pense notamment à la création du pôle « santé et sécurité des soins » en 2009, qui parachève les compétences de l'institution. Je souligne que cette année-là, 93 % des médiations ont été couronnées de succès.
Et puis le Médiateur est également une force de proposition en direction du législateur, à partir de l'observation qu'il a faite d'un certain nombre de dysfonctionnements, de manques et d'améliorations possibles. Je citerai comme exemple récent l'adoption par le Parlement le 22 décembre dernier, à l'initiative de Jean-Paul Delevoye, d'un texte sur l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français.
Nous en arrivons à une nouvelle étape importante, attendue par un certain nombre d'associations et d'institutions engagées dans la démarche de défense des droits : la définition, dans les prochains mois, des contours de la mission du Défenseur des droits. Celui-ci sera doté de pouvoirs élargis. En effet, le défenseur bénéficiera de l'autorité qui s'attache à sa qualité d'autorité constitutionnelle, à l'instar de ses homologues d'autres pays européens tels que l'Espagne, la Suède ou le Portugal. Sa saisine sera étendue, son champ d'action élargi puisque, aux termes du projet de loi organique, outre les missions déjà accomplies par le Médiateur, il remplira celles du Défenseur des enfants et celles de la Commission nationale de déontologie de la sécurité. Dans ces domaines si importants, le Défenseur pourra intervenir, y compris lorsque les atteintes aux droits seront le fait de personnes privées. Il aura également des pouvoirs d'action renforcés puisque, pour mener ses missions à bien, il bénéficiera d'une gamme de pouvoirs très large et de moyens d'action lui permettant d'user d'outils plus adaptés pour chaque cas qui lui sera soumis. Il aura notamment un pouvoir d'injonction renforcé, pourra proposer les termes d'une transaction, être entendu par toute juridiction ou encore saisir le Conseil d'État d'une demande d'avis pour couper court aux difficultés qui proviendraient d'interprétations divergentes des textes. Il aura également de larges pouvoirs d'investigation. J'ajoute que le projet de loi ordinaire prévoit des sanctions pénales à l'encontre de ceux qui feront obstacle à l'action du Défenseur des droits.
Voilà quelques pistes qui pourront bien sûr être discutées, améliorées, enrichies. En tout cas, cette prorogation est nécessaire car les deux projets de loi seront examinés au-delà du 12 avril, date de la fin du mandat du Médiateur. Les textes ne pourraient pas être définitivement adoptés dans un délai de quelques semaines. Une prorogation inférieure à un an permettra de travailler sereinement.
Nommer un nouveau médiateur pour quelques mois n'aurait pas beaucoup de sens, surtout dans le contexte tout à fait serein et satisfaisant que j'ai rappelé. Je crois que tout le monde en convient.
Par conséquent, une telle prorogation pour une durée limitée, inférieure en tout état de cause à une année, satisfait à la fois aux exigences constitutionnelles et à la nécessité d'un délai raisonnable pour préparer et discuter ces textes. La proposition de loi prévoit une prorogation pour la durée strictement nécessaire à l'adoption de ces textes. Le délai ne saurait excéder le 31 mars 2011. C'est un délai tout à fait suffisant, raisonnable, qui permettra au Médiateur de poursuivre sa mission avec les qualités qu'on lui connaît, l'engagement qui est le sien, le sens du dialogue qui le caractérise, et d'avoir en commission, dans le débat public et in fine en séance, une discussion fructueuse sur le périmètre des missions du futur Défenseur des droits. Le Gouvernement est donc favorable à cette proposition de loi dans le texte de la commission.
Je conclus en saluant bien sûr le travail du rapporteur,M. Morel-A-L'Huissier, celui de la commission et celui de l'ensemble des députés qui se sont impliqués dans la préparation de l'examen de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Pierre Morel-A-L'Huissier, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Tout d'abord, Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie d'avoir souligné l'efficacité du Médiateur de la République et surtout le travail effectué par Jean-Paul Delevoye depuis six ans. Il a vraiment structuré la mission de cette institution.
La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a introduit dans la Constitution un nouveau titre XI bis, composé d'un article unique – l'article 71-1 – consacré au Défenseur des droits. Afin de permettre sa création, le Gouvernement a déposé sur le bureau du Sénat, le 9 septembre 2009, un projet de loi organique et un projet de loi relatifs au Défenseur des droits. Ces projets prévoient qu'il regroupera les fonctions aujourd'hui exercées par le Médiateur de la République, le Défenseur des enfants et la Commission nationale de déontologie de la sécurité, et se substituera à ces trois institutions. Or, si le Défenseur des enfants ne doit être renouvelé qu'en juin 2012 et le président de la Commission nationale de déontologie de la sécurité qu'en décembre 2012, les fonctions de l'actuel Médiateur de la République, M. Jean-Paul Delevoye, viennent à échéance le 12 avril 2010. Le sénateur Patrice Gélard a donc déposé, le 5 février 2010, une proposition de loi visant à proroger son mandat « afin de préserver de façon transitoire le fonctionnement et l'activité du Médiateur de la République ».
Le fait que le mandat de M. Jean-Paul Delevoye vienne à échéance alors que l'examen des projets de lois organique et ordinaire relatifs au Défenseur des droits n'a pas encore débuté au Parlement pose la question de l'articulation entre la suppression du Médiateur et la création du Défenseur.
Première solution envisageable : un nouveau Médiateur de la République est nommé à partir du 13 avril 2010, a priori pour un mandat de six ans non renouvelable, puis l'entrée en vigueur du projet de loi organique relatif au Défenseur des droits met un terme à ce mandat de manière prématurée, permettant au Défenseur des droits de succéder au Médiateur de la République.
Deuxième solution possible : le mandat de l'actuel Médiateur de la République est prolongé de quelques mois, le temps de permettre l'adoption définitive des projets de lois organique et ordinaire relatifs au Défenseur des droits, celui-ci succédant alors à l'actuel Médiateur de la République.
C'est cette dernière solution qui a été proposée par le sénateur Patrice Gélard et retenue par le Sénat. Elle est identique à la solution qui a été retenue pour assurer la transition dans deux autres institutions que la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 prévoyait de réformer : le Conseil économique et social, dont les membres ont vu leur mandat prorogé d'au plus un an par une loi organique du 3 août 2009 ; le Conseil supérieur de la magistrature, dont les membres devraient voir leur mandat prorogé au plus tard jusqu'au 31 janvier 2011 par un projet de loi organique, déjà adopté en première lecture à l'Assemblée nationale et qui doit être examiné cette semaine en commission au Sénat.
L'article unique de la présente proposition de loi, adoptée par le Sénat, propose par conséquent de proroger le mandat de l'actuel Médiateur de la République jusqu'à la date d'entrée en vigueur de la loi organique relative au Défenseur des droits, et au plus tard jusqu'au 31 mars 2011.
Une limite impérative à la prorogation est fixée, afin de respecter les exigences constitutionnelles relatives au caractère limité, exceptionnel et transitoire des prorogations de fonctions ou de mandats.
Alors que le texte initial de la proposition de loi prévoyait une prorogation jusqu'au 31 décembre 2010, le rapporteur au Sénat a proposé de porter cette date butoir au 31 mars 2011.
Cet allongement, destiné à éviter que le Parlement doive intervenir à nouveau, est motivé par les considérations suivantes : les projets de lois organique et ordinaire relatifs au Défenseur des droits n'ont pas encore été examinés en première lecture et ils ne devraient pas faire l'objet d'un examen selon la procédure accélérée ; un contrôle de constitutionnalité devra être exercé sur la loi organique définitivement adoptée par le Parlement ; enfin la nomination du Défenseur des droits devra être précédée de la nouvelle procédure d'avis des commissions permanentes des deux assemblées.
Cet allongement permet dans le même temps de contenir la durée maximale de la prorogation du mandat de l'actuel Médiateur dans la limite d'une année.
La commission des lois vous invite par conséquent à adopter sans modification l'article unique de cette proposition de loi, qui propose une prorogation exceptionnelle et transitoire du mandat de l'actuel Médiateur, justifiée par la particularité de la situation actuelle.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, Michel Vaxès, qui devait intervenir sur cette proposition de loi, en a été empêché par des problèmes de santé.
La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a inséré dans notre Constitution un article 71-1 relatif au Défenseur des droits. Cette nouvelle institution succédera au Médiateur de la République, ainsi qu'à d'autres autorités administratives indépendantes, dès l'adoption du projet de loi organique relatif au Défenseur des droits.
Il a été déposé sur le bureau du Sénat en septembre 2009 et prévoit la fusion, au sein de cette nouvelle institution, du Médiateur de la République, du Défenseur des enfants et de la Commission nationale de déontologie de la sécurité.
Le présent texte nous propose de proroger jusqu'au 31 mars 2011 le mandat du Médiateur de la République, qui doit s'achever le 12 avril prochain, dans l'attente de l'adoption et de la promulgation du projet de loi organique.
Dix-huit mois séparent l'adoption de la loi constitutionnelle et le dépôt de cette proposition de loi. Et pour cause : le projet de loi organique n'est toujours pas inscrit à l'ordre du jour de la Chambre haute.
Pourtant, le Gouvernement avait promis un délai normal de six mois avant l'adoption définitive des lois organiques. À ce jour, il en reste encore six à adopter dont, évidemment, le projet de loi organique relatif au référendum d'initiative populaire, qui n'est d'ailleurs toujours pas finalisé.
Prenant acte de l'inertie du Gouvernement qui, depuis maintenant trois ans, s'attache plutôt à nous submerger de projets de lois de circonstances à vocation médiatique, le sénateur Gélard est venu à son secours, en nous demandant de proroger le mandat du Médiateur, quinze jours avant son expiration. D'ailleurs, monsieur le secrétaire d'État, vous n'avez pas manqué de remercier le Sénat de pallier les carences du Gouvernement.
Nous ne contestons pas la nécessité d'adopter une telle proposition de loi : il serait absurde de nommer pour quelques mois un nouveau médiateur. Pour autant, il est regrettable que la majorité utilise les semaines d'initiative parlementaire pour faire passer des textes initiés par le Gouvernement ou à intérêt gouvernemental. Elle apporte ainsi une preuve supplémentaire, si besoin était, de la supercherie qu'était la réforme censée revaloriser le rôle du Parlement !
Néanmoins, cette proposition de loi présente un intérêt : c'est de nous donner l'occasion de vous dire, en quelques mots et en amont de la discussion du texte relatif au Défenseur des Droits, tout le mal que nous en pensons.
Nous ne sommes d'ailleurs pas les seuls à nous inquiéter de la disparition de la Commission nationale de déontologie de la sécurité et du Défenseur des enfants. La Commission nationale consultative des droits de l'homme, par exemple, a récemment émis un avis très critique qui nous éclaire sur tous les risques que comporte ce projet de loi organique.
Avec elle, nous regrettons les conditions d'élaboration de ce texte. Une fois de plus, les premiers concernés n'ont été ni associés ni consultés, voire pas même informés d'un projet qui vise pourtant à les supprimer ! Cette méthode de gouvernement semble devenue la norme, mais nous ne pourrons jamais nous y faire…
Sur le fond, notre inquiétude la plus essentielle est que cette nouvelle organisation se fera au détriment d'une protection et d'un contrôle efficaces des droits des citoyens, afin de satisfaire une logique comptable qui permettrait, au premier chef, de faire des économies.
En effet, le Gouvernement et les parlementaires de la majorité regardent avant tout ces autorités administratives indépendantes comme des administrations qui coûtent de l'argent. Il est regrettable d'occulter le fait que ces autorités spécialisées présentent l'intérêt de se focaliser sur une mission unique et qu'elles ont ainsi une identité claire qui facilite leurs missions, en leur permettant de déterminer elles-mêmes leurs propres standards de contrôle. Leur dilution dans une institution unique est une grave erreur.
Rappelons que l'existence de la CNDS et sa qualité d'action ont été saluées par les institutions internationales comme le Commissaire européen aux droits de l'homme, le Comité des Nations Unies contre la torture, ainsi que par les ONG attachées à la défense des droits de l'homme. La réforme prévue marque un recul des garanties démocratiques qu'elle offrait aux citoyens dans le domaine du respect de leurs droits fondamentaux.
Le transfert des attributions de la CNDS au Défenseur des droits, assisté d'un collège de trois personnalités désignées par le Président de la République, le président de l'Assemblée nationale et le président du Sénat, va notamment réduire les pouvoirs de contrôle et d'enquête en matière de déontologie de la sécurité. En effet, le contrôle est coercitif alors que la médiation, rôle dévolu au futur Défenseur des droits, est une simple conciliation.
Quant au Défenseur des enfants, sa dilution dans une instance générale et non spécialisée signe avant tout la disparition d'un interlocuteur particulier et identifié qui a su faire preuve de son efficacité et de son adaptation aux besoins des enfants, lesquels sont, dans notre pays, en difficulté croissante.
Tout comme dans le cas de la CNDS, cette absorption va délayer sa compétence et limiter sa force d'intervention. Jamais le Défenseur des droits n'aura auprès des enfants la compétence visible et spécialisée de leur Défenseur éponyme.
Pourtant, le Comité des droits de l'enfant des Nations Unies, il y a moins d'un an, a tout simplement demandé au Gouvernement de « continuer à renforcer le rôle du Défenseur des enfants ». Une fois de plus, le Gouvernement a donc fait fi des recommandations internationales pour imposer sa réforme et faire disparaître les autorités administratives indépendantes qui le contrarient.
En effet, les premières autorités sacrifiées sont celles qui ont été souvent très critiques envers l'action des pouvoirs publics. Tout porte à croire que l'on souhaite faire taire des institutions qui exercent actuellement une action de vigilance.
La CNDS ne s'est pas privée, dans différents avis récents, d'attirer notre attention sur le recours à la force lors de rassemblements sur la voie publique, sur la légitimité de l'usage du flashball, sur la fouille à nu quasi-systématique en garde à vue, sur les conditions matérielles en rétention indignes sur l'île de Mayotte, ou encore sur la nécessité d'interdire, au nom de l'intérêt supérieur de l'enfant, son placement en rétention.
Ces positionnements, parmi tant d'autres, montrent l'importance de disposer d'une autorité de contrôle de la déontologie de la sécurité, lorsque sont en jeu la dignité et l'intégrité physique de la personne face aux forces de l'ordre.
Pour sa part, le Défenseur des enfants a su, également et à plusieurs reprises, prendre des positions courageuses qui n'ont pu que déranger en haut lieu. Je pense, notamment, à celle sur la présence d'enfants accompagnant leur famille placée en rétention administrative ou à celle sur l'absence de fiabilité du test osseux pour déterminer l'âge d'un enfant.
De son côté, la HALDE semble pour le moment épargnée ; une juriste, ancienne candidate UMP aux élections législatives de 2007, vient d'être nommée à sa présidence. La disparition de cette autorité administrative était certainement trop difficile à justifier pour le Gouvernement, face à son bilan globalement positif dans la lutte contre les discriminations.
Pour faire taire les critiques récurrentes de bon nombre de parlementaires de la majorité à l'encontre de la HALDE, le Gouvernement a donc préféré, dans un premier temps, nommer à sa tête l'un des membres de cette même majorité.
Sans préjuger des actions de la nouvelle présidente, nous craignons néanmoins que cette nomination annonce une perte d'indépendance et donc d'efficacité de cette autorité dans la lutte contre les discriminations. Du reste, tout porte à croire que la HALDE connaîtra, à terme, le même sort que celui réservé à la CNDS et au Défenseur des enfants.
Enfin, qu'adviendra-t-il du Contrôleur général des lieux de privation de liberté ? Nul ne peut le dire aujourd'hui, mais nous sommes très inquiets. La Commission nationale consultative des droits de l'homme rappelle que, sur la scène internationale, les instances de défense des droits de l'homme saluent l'action de la CNDS et du Défenseur des enfants et recommandent le maintien de ces autorités, le renforcement de leur rôle et l'augmentation de leur budget.
Plutôt que de les faire disparaître, il serait donc utile de renforcer leurs pouvoirs et leurs moyens humains et financiers pour leur permettre de faire face à la montée en puissance de leur activité.
Proroger le mandat du Médiateur de la République signifie, en fait, mieux préparer la mise en place du Défenseur des droits, et donc la disparition de la CNDS et du Défenseur des enfants. Aussi ne voterons-nous pas ce texte.
S'abstenir n'est nullement une marque de défiance de notre part à l'égard du Médiateur de la République, dont nous saluons le travail remarquable.
D'ailleurs, le rapport qu'il nous a présenté récemment démontre amplement son apport dans la dénonciation de notre société qui est de plus en plus malade.
Comment ne pas citer Jean-Paul Delevoye ? « Les bases de la République ont sauté : la mixité sociale n'existe plus. On a construit une société de classes, de statuts, de privilèges dans laquelle on favorise des clientèles politiques et non pas une mobilisation collective pour réussir »…
Le 23 juillet 2008, le Congrès adoptait une révision constitutionnelle à l'ampleur sans doute inégalée depuis les débuts de la Ve République : trente-huit articles de notre Constitution ont ainsi été modifiés voire intégralement récrits, neuf autres venant pour leur part s'ajouter à notre loi fondamentale.
Avec cette réforme, il ne s'agissait pas seulement de revoir les règles régissant dans notre République les rapports entre pouvoir exécutif et pouvoir législatif. L'inscription dans la Constitution d'un nouveau titre XI bis, consacré au Défenseur des droits, a ainsi procédé d'une logique propre, visant à donner à nos concitoyens de nouveaux droits, de nouvelles voies pour s'impliquer dans la vie de leurs institutions et donc à les doter de nouveaux moyens de peser dans le débat public.
C'est ainsi, notamment, que la question prioritaire de constitutionnalité est entrée en vigueur le 1er mars dernier. Tout citoyen dispose désormais de la possibilité de demander l'abrogation de toute disposition législative qui lui est opposée dès lors que celle-ci contreviendrait à l'un des droits fondamentaux que lui reconnaissent la Constitution, le préambule de 1946 ou la Déclaration de 1789.
En un mois à peine, plus d'une centaine de questions de ce type ont été soulevées devant les juridictions et renvoyées aux cours suprêmes – Cour de cassation et Conseil d'État – ce qui permet d'ores et déjà de qualifier cette réforme de succès et d'avancée pour notre démocratie. Plus encore, les décisions que seront amenées à prendre ces juridictions et, le cas échéant, le Conseil constitutionnel – je pense notamment à celles qui seront rendues sur le dispositif juridique de la garde à vue – contribueront à enrichir et à éclairer d'un jour nouveau nos propres débats dans l'hémicycle.
Voici quelques semaines, nous discutions, dans le cadre du projet de loi de réforme du Conseil supérieur de la magistrature, de l'ouverture à nos concitoyens du droit de saisir, dans toute affaire les concernant, les formations disciplinaires du CSM lorsqu'ils estiment que le comportement adopté par un magistrat, qu'il soit du siège ou du parquet, est susceptible de recevoir une qualification disciplinaire. Dans quelques instants, nous débattrons de la réforme du Conseil économique, social et environnemental, et notamment de la possibilité, pour nos compatriotes, de le saisir par voie de pétition.
Avant de mettre en place le référendum d'initiative populaire, dont nous espérons, au groupe Nouveau Centre, une entrée en vigueur la plus rapide possible, nous examinons aujourd'hui la proposition de prorogation du mandat du Médiateur de la République, préalable nécessaire à la mise en place effective du Défenseur des droits qui, aux termes de la Constitution, est appelé à le supplanter.
Inspirée du modèle espagnol du Défenseur du peuple, cette autorité nouvelle sera amenée à exercer les missions actuellement dévolues au Médiateur, au Défenseur des enfants et à la Commission nationale de déontologie de la sécurité. À la différence du Médiateur, le Défenseur des droits pourra être directement saisi par nos concitoyens, leur demande ou requête n'ayant plus à être relayée par un parlementaire, ce qui, une nouvelle fois, constituera pour eux l'ouverture d'une voie de droit supplémentaire, car plus effective.
Le mandat non renouvelable de M. Delevoye en tant que Médiateur arrivant à son terme dans seulement quelques jours – le 12 avril très exactement –, et le Sénat n'ayant pas encore discuté des textes nécessaires à la mise en place du Défenseur des droits, il serait tout à fait paradoxal d'avoir à nommer un successeur au Médiateur actuel ; successeur dont la seule mission serait de préparer la disparition de sa fonction pendant les quelques mois qui nous séparent de l'entrée en vigueur de la réforme.
Le texte qui nous est aujourd'hui soumis propose ainsi de déroger à l'article 2 de la loi du 3 janvier 1973, pour renvoyer à la date d'entrée en vigueur de la loi organique relative au Défenseur des droits, et au plus tard au 31 mars 2011, le terme du mandat de l'actuel Médiateur de la République.
Dans l'attente de pouvoir discuter de ce projet de loi organique comme de l'ensemble des textes encore nécessaires à l'entrée en vigueur pleine et entière de la révision constitutionnelle de 2008, les députés du Nouveau Centre apporteront donc leur soutien à cette proposition de loi.
La réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 a été l'occasion d'une réflexion d'ensemble sur l'équilibre général des institutions de la Ve République. Dès le mois de juillet 2007, le Président de la République avait confié à un comité de réflexion, présidé par l'ancien Premier ministre Édouard Balladur, le soin de lui soumettre des propositions sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions. Après trois mois et demi de travaux et de consultations, le comité avait remis ses conclusions, et la plupart des propositions avaient été soumises par le Premier ministre, à la demande du Président de la République, aux différentes forces politiques du pays.
Le projet de loi constitutionnelle voté à Versailles est le fruit de toutes ces réflexions et consultations. Il s'articulait autour de trois grandes orientations : un meilleur contrôle du pouvoir exécutif par l'encadrement des pouvoirs du Président de la République ; un renforcement du pouvoir législatif par l'augmentation des prérogatives du Parlement ; enfin, le renforcement de la démocratie par l'attribution de nouveaux droits aux citoyens, nécessité dans laquelle s'inscrit le sujet dont nous débattons aujourd'hui.
C'est en effet dans le cadre de cette dernière grande orientation que la révision constitutionnelle a donné naissance à une nouvelle institution, le Défenseur des droits, lequel succédera au Médiateur de la République. Parmi ces grandes avancées, on peut également citer la réforme du Conseil constitutionnel, entrée en vigueur le 1er mars et dont on n'a pas encore saisi toutes les implications – mais elles seront sans doute majeures –, ainsi que, on le verra dans les prochains mois, le référendum d'initiative citoyenne.
La création du Médiateur de la République, en 1973, avait déjà constitué un progrès significatif en matière de protection des droits de l'homme et des droits des administrés. Elle était inspirée de l'ombudsman des pays nordiques ; mais la comparaison demeure partielle, dans la mesure où l'action du Médiateur est très encadrée, et ce quelles que soient par ailleurs les qualités du Médiateur actuel, l'excellent Jean-Paul Delevoye. Ce dernier n'a en effet que des pouvoirs limités pour exercer son contrôle, et son action s'exerce essentiellement dans le cadre d'un pouvoir de recommandation. Il en use, certes ; mais il ne peut faire l'objet d'une saisine directe par les citoyens, même si l'institution qu'il dirige, reconnue et appréciée, a évidemment toute sa place dans notre République.
La création d'un Défenseur des droits des citoyens ajoute aux prérogatives du Médiateur un pouvoir de contrôle qui lui fait aujourd'hui défaut. Le Défenseur des droits pourra en effet être saisi directement par toute personne s'estimant lésée dans ses droits, par exemple à cause d'un mauvais fonctionnement du service public. L'avancée de l'institution en termes d'efficacité est quant à elle significative : le Défenseur des droits pourra se faire assister d'un ou de plusieurs collèges pour les missions, plus complexes, qu'il aura à assumer ; il aura aussi la possibilité de se saisir d'office.
Le projet de loi organique déposé au Sénat le 9 septembre 2009 propose que fusionnent, en cette institution nouvelle et unique, le Médiateur de la République, le Défenseur des enfants et la Commission nationale de déontologie de la sécurité. On pourrait aussi s'interroger sur l'éventuelle intégration de la HALDE dans une telle institution ; cela permettrait peut-être de mettre un peu d'« ordre » dans le foisonnement des autorités administratives indépendantes : il ne s'agit pas, contrairement à ce qu'a dit M. Chassaigne, de museler les autorités administratives indépendantes, mais de clarifier leur situation.
Quoi qu'il en soit, le 13 avril 2004, Jean-Paul Delevoye a été nommé dans ses fonctions de Médiateur de la République pour un mandat non renouvelable – ce qui est une garantie d'indépendance – de six ans. Ce mandat prendra donc fin le 12 avril prochain. L'adoption de la loi organique fixant les modalités de désignation du futur Défenseur des droits n'interviendra que dans quelques mois, ce qui laisse ouverte la question de la continuité de l'institution durant la période de transition.
La proposition de loi qui nous est soumise aujourd'hui offre une réponse cohérente et adéquate en prévoyant de proroger le mandat du Médiateur actuel, à l'instar des dispositions récemment appliquées à d'autres institutions, comme le Conseil économique, social et environnemental ou le Conseil supérieur de la magistrature. En effet, dans l'hypothèse où un successeur serait désigné dans les prochains jours, celui-ci ne pourrait vraisemblablement exercer ses fonctions que pendant un court mandat de quelques mois. Pour le nouveau Médiateur, cette durée serait trop courte pour s'installer pleinement dans ses fonctions ; sans doute l'institution en subirait-elle quelques conséquences, quelles que soient, là encore, les qualités du nouveau Médiateur.
Il est donc préférable que le Médiateur actuel conserve ses fonctions pendant cette période afin d'assurer de façon plus efficace la transition et de préparer l'absorption de l'ancienne institution par cette nouvelle institution que sera le Défenseur des droits. C'est dans ce cadre que, le 5 février dernier, le sénateur Patrice Gélard a déposé au Sénat une proposition de loi visant à proroger le mandat du Médiateur de la République, jusqu'à ce que le Défenseur des droits soit à son tour nommé dans les conditions prévues par la loi organique.
Dans la mesure où la durée du mandat du Médiateur a été fixée par voie législative, il convient, en vertu du parallélisme des formes, que la prorogation de ce mandat procède elle aussi de la loi. Cette prorogation constitue d'ailleurs une dérogation aux dispositions de l'article 2 de la loi du 3 janvier 1973 ; il y a lieu, par conséquent, d'examiner l'opportunité du texte au regard des principes de nécessité et de proportionnalité, lesquels – foin du suspense ! – sont évidemment respectés. L'exposé des motifs de la proposition de loi présentée par Patrice Gélard souligne d'ailleurs que le Médiateur de la République poursuivra « son mandat pour la durée strictement nécessaire à l'adoption de la loi organique relative au Défenseur des droits et de la loi ordinaire qui l'accompagne », et que cette mesure législative est proportionnée à l'objectif d'intérêt général que nous poursuivons tous.
J'en viens à la durée elle-même de la prorogation du mandat du Médiateur. Selon l'article unique de la proposition de loi, ce mandat sera prorogé le temps de l'entrée en vigueur de la loi organique relative au Défenseur des droits, soit jusqu'au 31 mars 2011. Le texte initialement déposé au Sénat prévoyait que la prorogation expire le 31 décembre 2010 ; c'est la commission des lois du Sénat elle-même qui a jugé ce délai trop court. Compte tenu des ordres du jour parlementaires assez chargés – il faut bien le reconnaître –, il est peu probable que les projets de loi organique et ordinaire relatifs au Défenseur des droits soient adoptés dans des délais compatibles avec cette limite. De surcroît, la loi organique devra, comme la Constitution l'exige, être examinée par le Conseil constitutionnel, et les commissions compétentes devront procéder à certaines auditions, ce qui allongera encore les délais. Bref, ce calendrier nous conduira probablement au début du printemps de 2011 ; voilà pourquoi la date du 31 mars 2011 paraît raisonnable.
La prorogation envisagée – quelques jours – n'est donc, comme l'avait souligné le sénateur Jean-Pierre Vial, en aucun cas excessive ; elle est en tout cas inférieure à un an, qui constitue le délai de référence habituel.
Afin de préserver le bon fonctionnement de l'institution et d'assurer au mieux la transition vers la mise en oeuvre des dispositions de l'importante révision constitutionnelle de 2008, l'adoption du présent texte constitue une mesure pragmatique, cohérente et pour tout dire nécessaire. Voilà pourquoi le groupe de l'UMP, évidemment, la votera.
Nous sommes aujourd'hui réunis pour proroger le mandat du Médiateur de la République. Cela appelle, de la part du groupe SRC, quelques remarques de forme.
Nous sommes tout d'abord surpris de la nature du support législatif employé. En effet, le 23 février dernier, dans cet hémicycle, nous avons débattu d'un texte visant à « proroger le mandat des membres du Conseil supérieur de la magistrature ». Son ambition était identique à celle du texte que nous examinons aujourd'hui. Il s'agissait en l'occurrence de rallonger de six mois le mandat des membres actuels du Conseil supérieur de la magistrature afin d'organiser dans de bonnes conditions les procédures de désignation de leurs successeurs. Quelques mois auparavant, en juillet 2009, nous avions débattu d'un autre texte de même nature relatif au Conseil économique, social et environnemental.
Pourtant, il existe une différence de nature entre les deux textes que je viens d'évoquer et celui qui nous est soumis aujourd'hui. En effet, si ces deux textes étaient des projets de loi organique, celui dont nous discutons est une proposition de loi. Je serais donc heureux, monsieur le secrétaire d'État, que vous nous expliquiez les raisons de cette différence ; d'autant que, sauf erreur de ma part, cette semaine est en principe une semaine gouvernementale.
Devons-nous y voir une sorte de double aveu ? Aveu de l'impéritie de ce gouvernement à planifier le travail parlementaire pour la partie qui lui incombe ; aveu d'un maquillage, puisque ce texte a toutes les qualités d'un projet de loi ?
Ma seconde remarque, toujours de forme, porte sur le calendrier. J'ai déjà abordé ce thème en commission et ne répéterai donc pas mes arguments. Je rappellerai simplement que, à l'époque des débats préalables à la révision constitutionnelle, le Gouvernement avait estimé, par la voix de la garde des sceaux, que l'on pouvait raisonnablement tabler sur six mois pour que toutes les lois organiques nécessaires soient adoptées. Or cette révision date du 23 juillet 2008 – cela fait vingt mois : six lois organiques n'ont toujours pas été adoptées, d'autres ne sont même pas déposées.
Heureusement pour le Gouvernement, le juge ne peut pas sanctionner l'État pour sa carence dans l'édiction d'une loi, comme il peut le faire pour un décret : sinon, les condamnations auraient déjà été prononcées.
Nous ne trouvons pas qu'il soit de bonne politique d'être contraint de prolonger tels ou tels mandats, et nous ne parlons même pas de cet exercice étonnant auquel la commission des lois va encore se livrer demain : comme la loi organique relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 n'a toujours pas été définitivement adoptée, nos auditions sont purement formelles…
Tout cela ne fait pas très sérieux et n'est pas plus digne de l'Assemblée nationale que du Sénat. Je saisis donc une nouvelle fois, monsieur le secrétaire d'État, l'occasion que nous offre ce texte pour vous dire combien nous attendons le projet de loi organique lié au référendum d'initiative partagée. En commission, je me suis permis de rappeler les propos que votre collègue Christian Estrosi avait tenus dans cet hémicycle il y a quatre mois, le 17 décembre 2009, lors du débat sur la privatisation de la Poste : « Je vous informe que début janvier, le Gouvernement déposera un texte de loi organique pour rendre applicable la réforme de la Constitution permettant le référendum d'initiative partagée. »
À votre tour, monsieur le secrétaire d'État, le 25 mars dernier, au Sénat, vous avez indiqué que « le projet sera déposé sur le bureau d'une des deux assemblées d'ici à la fin du printemps ». Nous en avons pris bonne note, mais sans vraiment penser que cette information valait engagement.
J'en viens maintenant au fond, c'est-à-dire aux motivations de la prorogation. Demain, le Défenseur des droits devrait remplacer plusieurs autorités administratives indépendantes. Il s'agit là d'une proposition inspirée par le succès qu'a rencontré en Espagne le Défenseur du peuple mentionné à l'article 55 de la Constitution espagnole.
Cette perspective est intéressante. Les citoyens confrontés à des erreurs administratives qui mettent en cause leurs droits fondamentaux savent de moins en moins à quel organisme s'adresser pour faire valoir leurs droits. La perspective de constitutionnaliser une institution indépendante, dotée du pouvoir d'injonction, mérite d'être travaillée, et le groupe SRC y est prêt.
Nous sommes toutefois attachés à la lettre du comité Balladur sur le mode de désignation de ce Défenseur des droits. Pour le comité, ce dernier doit être doté d'un mandat de huit ans non renouvelable, et désigné par l'Assemblée nationale à la majorité des trois cinquièmes sur proposition d'une commission ad hoc qui sélectionnerait les candidatures. Tel n'est pas, en l'état, le contenu du projet gouvernemental, qui prévoit que le Défenseur sera nommé par le Président de la République après accord des commissions compétentes des assemblées. Nous aurons l'occasion d'en débattre, mais quand ? Pas avant l'intervention du Sénat.
Bien que le projet de loi ait été déposé le 9 septembre 2009, le débat en séance publique n'est pas envisagé avant le mois de juin prochain. Nous serions heureux, monsieur le secrétaire d'État, que vous puissiez nous donner des indications sur la date à laquelle ce texte sera inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.
Dès lors, il convient de s'interroger sur la nécessité de proroger le mandat de l'actuel Médiateur. De notre point de vue, cette proposition ne soulève pas de problème particulier sur le plan juridique. Elle est conforme à la jurisprudence constante du Conseil constitutionnel, qui l'a encore rappelée dans sa décision du 30 juillet 2009 sur la prorogation du mandat des membres du Conseil économique, social et environnemental : cette pratique est autorisée lorsqu'elle répond à un objectif d'intérêt général et « revêt un caractère exceptionnel et transitoire ».
Je note néanmoins – pour le regretter – que le Gouvernement, à ma connaissance, n'a pas proposé de proroger les mandats de deux sénateurs, MM. Peyronnet et Courtois, qui siègent au sein de la Commission nationale de déontologie de la sécurité et dont le mandat s'est achevé le 4 février dernier. Cette défaillance interdit à la CNDS de bien fonctionner, ce qui est préjudiciable à l'état de droit.
Enfin, notre vote positif doit aussi être l'occasion de saluer l'action du Médiateur actuel, Jean-Paul Delevoye, mais aussi celle de ses six prédécesseurs : Antoine Pinay, le premier, Aimé Paquet, Robert Fabre, Paul Legatte, Jacques Pelletier et Bernard Stasi. Leur travail est d'autant plus utile que l'état de la société que dépeint le dernier rapport de M. Delevoye est alarmant. Il parle en effet d'une société « en tension et en usure psychique », où, en raison d'une législation de plus en plus complexe, un fossé se creuse entre l'administration et les citoyens. Les usagers méconnaissent de plus en plus leurs droits. Face à eux, l'administration tend à privilégier la forme et la norme au détriment de l'humain. C'est un bien sombre bilan.
Je n'oublie pas, dans cet hommage, les trois cents délégués qui jouent, comme la Médiature depuis sa création par la loi du 3 janvier 1973, un rôle majeur et régulateur dans le fonctionnement de notre démocratie. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Cette proposition de notre collègue sénateur Patrice Gélard constitue une réponse au retard qu'a pris la mise en place du nouveau Défenseur des droits prévu par la réforme constitutionnelle de juillet 2008. Cette prorogation, nous dit-on, est une nécessité technique afin d'éviter un double risque : soit une vacance du poste de Médiateur, ce qui est impensable tant l'institution a pris toute sa place légitime dans la société française ; soit la nomination d'un nouveau Médiateur pour un mandat qui serait forcément tronqué, ce qui risquerait de poser un problème d'efficacité puisque la Constitution prévoit que le mandat de six ans du Médiateur de la République n'est pas renouvelable.
Au-delà de cette nécessité technique, nous devons toutefois nous poser la question politique de l'opportunité de cette proposition de loi. N'aurait-il pas été possible – et de loin préférable – de prendre les mesures d'application nécessaires afin que le Médiateur actuel puisse être directement remplacé par le Défenseur des droits ? Nous sommes en avril 2010, voici donc presque deux ans que nous attendons cette loi organique, qui n'a été présentée en Conseil des ministres qu'en septembre 2009 et dont, manifestement, l'examen n'est pas à l'ordre du jour du Parlement.
Là encore, la problématique n'est pas technique, mais politique. Les autorités légitimes et nécessaires que sont le Défenseur des enfants ou la Commission nationale de déontologie de la sécurité craignent – à juste titre, semble-t-il – que le Gouvernement actuel ne soit pas prêt à dégager les moyens nécessaires pour qu'elles puissent maintenir et renforcer leurs actions, avec des moyens dédiés, une indépendance garantie et une réelle lisibilité au sein de la nouvelle structure que sera le Défenseur des droits. Or la Constitution est muette sur ce point et rien n'impose la suppression de ces autorités indépendantes, tout particulièrement le Défenseur des enfants.
Sur ces points, les députés radicaux de gauche et apparentés seront extrêmement vigilants. Il n'est pas question que la volonté du constituant de juillet 2008 soit pervertie, pour quelque raison que ce soit, et certainement pas avec une arrière-pensée d'économies budgétaires.
Mes chers collègues, ce sujet touche directement à la protection des droits et libertés fondamentaux de nos concitoyens. Il est des sujets à propos desquels nous ne devons pas lésiner sur les moyens budgétaires et institutionnels.
Au-delà de cette problématique essentielle, il n'y a donc aucune raison pour que la loi organique sur le Défenseur des droits ne puisse pas être adoptée dans les plus brefs délais. D'autres dispositions issues de la même révision constitutionnelle l'ont été avec bien plus de rapidité – et elles n'étaient pas toutes, reconnaissez-le, aussi urgentes ni aussi importantes, comme le temps programmé pour les débats dans notre assemblée ou la reprise par les anciens ministres de leur siège de parlementaire.
En ce sens, l'amendement qu'a adopté le Sénat et qui porte au 31 mars 2011 la date de fin de cette prorogation est particulièrement inquiétant pour les radicaux de gauche, puisqu'il semble confirmer que l'inscription de ce texte à l'ordre du jour n'est effectivement pas une priorité de premier rang.
En l'occurrence, compte tenu des échéances liées à l'expiration du mandat du Médiateur, nous sommes pour une fois face à une véritable urgence législative. Aussi, les députés radicaux de gauche et apparentés défendront un amendement prévoyant le retour à la date initiale, soit le 31 décembre 2010, afin que nous puissions avancer rapidement sur ce sujet.
Le nouveau Défenseur des droits devra disposer des moyens nécessaires à une action renforcée : c'est désormais une exigence démocratique. Il devra aussi avoir une meilleure présence territoriale. À ce titre, je suis indignée par le dédain dans lequel les institutions qui seront réunies demain au sein du Défenseur des droits tiennent la France d'outre-mer. Dans ces parties de France, où les problématiques de défense des droits fondamentaux sont tout aussi présentes que sur le reste du territoire, la représentation de l'actuel Médiateur de la République est pour le moins perfectible, et parfois même absolument inexistante.
C'est tout particulièrement le cas à Saint-Pierre-et-Miquelon. Nous ne sommes pas les seuls dans ce cas, il semblerait qu'il n'y ait pas non plus de délégué à Wallis-et-Futuna. Pour ma part, j'ai saisi le Médiateur actuel de cette problématique à de nombreuses reprises, dès mon élection en 2007. Depuis trois ans, mes courriers et questions écrites alertant sur l'absence de tout délégué ou représentant du Médiateur à Saint-Pierre-et-Miquelon sont restées sans réponse.
Il est particulièrement inquiétant qu'une instance qui est censée être à la disposition de l'ensemble des Françaises et des Français ne daigne pas répondre aux représentants de la nation. Je tenais à le souligner en cette occasion et je reste bien sûr à la disposition du Médiateur pour que nous puissions rapidement entamer le travail qui permettra au Médiateur d'aujourd'hui et au Défenseur de demain d'être présents partout en France, y compris dans les petites collectivités d'outre-mer qui ne méritent pas un tel désintérêt de la part des institutions de la République. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La discussion générale est close.
La parole est à M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État.
Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, permettez-moi d'apporter quelques brefs éléments de réponse à des interventions fort intéressantes.
Je voudrais d'abord dire à M. le rapporteur Pierre Morel-A-L'Huissier qu'il a parfaitement rappelé les contraintes et le calendrier qui s'imposent à nous et qui justifient cette prorogation. Vous avez également expliqué pourquoi, dans une affaire dont chacun reconnaît l'importance, nous ne devons pas confondre vitesse et précipitation.
Monsieur Chassaigne, l'ordre du jour de l'Assemblée nationale et du Sénat est effectivement chargé. L'ensemble des textes nécessaires à l'application de la révision constitutionnelle a cependant été présenté par le Gouvernement, à l'exception – vous l'avez dit, de même que M. Urvoas – du texte sur le référendum d'initiative parlementaire et populaire.
Plus généralement – et cela s'adresse à ceux qui ont évoqué ce qui avait été dit à tel ou tel moment –, il faut rappeler cette constante de l'action gouvernementale et parlementaire : à mesure que l'on avance au coeur des choses et que l'on réfléchit point par point à la manière de mettre une démarche en oeuvre, certaines conditions peuvent faire que, pour être correctement mené, un travail prend un peu plus de temps qu'on ne l'avait d'abord imaginé. C'est ainsi que l'on fait de bons textes. Souvent, on se reproche à juste titre d'aller un peu vite en besogne et d'avoir des textes qui ne fonctionnent pas comme on le souhaiterait. Il faut parfois savoir prendre son temps. En l'occurrence, le texte sur le référendum a supposé – je l'ai dit au Sénat – un travail approfondi pour déterminer la manière de comptabiliser les 4,4 millions de soutiens nécessaires, et toute la mise en oeuvre concrète de ce dispositif très novateur et assez lourd. C'est la raison pour laquelle nous avons pris un peu de temps. Je dispose aujourd'hui d'éléments qui me permettent de dire que nous serons prêts d'ici à la fin du printemps, avant la fin de la session.
Certains orateurs ont terminé leur intervention en citant le rapport de M. Delevoye. Tout le monde, sur tous les bancs, pour l'avoir parfois pratiqué depuis longtemps, y compris dans ses fonctions précédentes – notamment en tant que président de l'association des maires de France –, reconnaît qu'il s'agit d'une personnalité remarquable. Les remarques qu'il a faites sur l'évolution de la société française, qui sont à la fois de bon sens et visionnaires, nous incitent tous, tant que nous sommes, à balayer devant notre porte, à nous remettre en question. Il ne s'agit pas de questions de société ou de problématiques de fond qui seraient le fait de tel ou tel gouvernement, de telle ou telle majorité. Ne remettons pas en cause la hauteur de vue, saluée par tous, de Jean-Paul Delevoye.
S'agissant de l'institution du Défenseur, M. Chassaigne et certains de ses collègues craignaient que les moyens des autorités chargées de la protection des droits et libertés ne fussent réduits. Ils ne le seront pas ; ils seront, au contraire, mieux utilisés par une institution qui disposera, comme je l'ai dit dans mon propos liminaire, d'une autorité renforcée grâce à son statut constitutionnel et à une visibilité plus importante.
Les compétences plus larges dont disposera le Défenseur permettront également une action plus efficace. Cela évitera la dilution parfois constatée malgré la qualité des autorités existantes. À titre d'exemple, la mission de défense des droits des enfants est actuellement partagée entre le Défenseur des enfants et le Médiateur de la République, selon que les atteintes sont portées par une personne privée ou par une personne publique. Voilà l'exemple d'une situation qui pourrait tout à fait être améliorée.
Vous avez rappelé, madame Le Moal, l'importance, plus généralement, de la révision constitutionnelle qui donne de nouveaux droits à nos concitoyens. Cette modification en est un élément parmi d'autres, et vous avez bien fait de resituer l'évolution du Défenseur des droits dans un contexte caractérisé, notamment, par l'apparition de la question prioritaire de constitutionnalité, la saisine directe du CSM, le droit de pétition, et le référendum, sur lequel je m'exprimais à l'instant. Il s'agit là d'avancées très remarquables. Vous avez insisté, comme plusieurs de vos collègues, sur l'importance de la saisine directe, que, les uns et les autres, nous sous-estimons peut-être et qui changera fortement la donne. Le médiateur Jean-Paul Delevoye lui-même ne juge pas négligeable cette petite révolution. Je vous remercie en tout cas de votre soutien.
Monsieur Philippe Gosselin, vous avez rappelé le progrès que représente la création du Défenseur des droits, qui pourra donc être saisi directement et qui disposera de pouvoirs plus étendus. Vous avez évoqué les autres autorités administratives indépendantes chargées de la protection des droits et des libertés. Leur regroupement se fera vraiment dans le respect du dialogue que nous devrons avoir avec le Parlement. Vous avez évoqué certaines pistes, qui méritent assurément réflexion – même si d'autres idées peuvent être proposées – et qui contribueront à la qualité de notre débat. Un vrai débat parlementaire se tiendra effectivement, qui permettra de définir les contours précis de cette institution du Défenseur des droits. Merci, monsieur Gosselin, d'en avoir rappelé la nécessaire exigence.
J'ai déjà répondu à plusieurs des interpellations de M. Urvoas, en répondant à d'autres intervenants qui les avaient également formulées. Je veux tout de même lui dire que j'ai noté l'intérêt qu'il porte au Défenseur des droits ; alors même que certains critiquent la création de cette institution, il reconnaît qu'il s'agit là d'une mesure intéressante. Puisqu'il m'interroge à ce propos, je précise que c'est le pouvoir constituant qui a prévu que le Défenseur des droits serait nommé par le Président de la République. Je rappelle au passage que toutes les améliorations constitutionnelles évoquées par les uns et les autres ont été rendues possibles par l'adoption de la révision constitutionnelle dans son ensemble par le Congrès, et l'on ne peut que s'en réjouir.
S'agissant, madame Girardin, de la durée de la prorogation du mandat du Médiateur, point sur lequel nous reviendrons tout à l'heure grâce à votre collègue Mme Pinel, qui a déposé un amendement à ce propos, je crois franchement, comme M. Gosselin et plusieurs de ses collègues qui se sont exprimés, que la date du 31 mars 2011 est adaptée. Les délais qu'exigeront la navette parlementaire – qui doit avoir lieu dans un esprit de vrai débat, suscitant de véritables propositions –, l'examen de la loi organique par le Conseil constitutionnel, l'adoption des décrets d'application, enfin l'organisation matérielle de l'entrée en fonction du Défenseur des droits après son instauration législative, le justifient. Je le précise au passage, l'adoption de ce projet de loi est bien une priorité du Gouvernement, même si cette question est évoquée à l'initiative du Parlement ; cela montre qu'il ne s'agit pas tant de l'utilisation de niches que d'une prise de conscience et d'un intérêt partagés. Cette question mérite d'être traitée sérieusement ; c'est en tout cas, pour nous, une priorité, à laquelle nous allons consacrer les moyens nécessaires, et je pense que le délai proposé est tout à fait raisonnable. Il serait dommage, pour gagner quelques mois, de travailler dans la précipitation.
S'agissant enfin de Saint-Pierre-et-Miquelon, j'ai pris bonne note de votre interpellation tant du Gouvernement que du Médiateur à propos de l'absence de délégué. Plusieurs d'entre vous – auxquels je me joins – ont rendu hommage aux délégués du médiateur de la République, qui accomplissent un travail remarquable. Je ne puis répondre pour le Médiateur mais, au nom du Gouvernement, je prends bonne note de votre question ; nous vous devons une réponse, et je m'engage à ce qu'elle vous soit donnée, madame la députée, dans les meilleurs délais.
J'appelle maintenant l'article unique de la proposition de loi dans le texte de la commission.
Mes amis l'ont précisé : nous allons évidemment voter ce texte, sans réelle difficulté. Il m'inspire cependant quelques réflexions.
Tout d'abord, ce gouvernement ne sait vraiment pas gérer le calendrier : on va parfois très vite, comme en matière de police et de justice – on ne compte plus le nombre de textes apparus au moindre fait divers – mais on ne consacre guère de temps à d'autres sujets, qui le mériteraient pourtant.
Cela dit, vous m'avez vraiment fait sourire lorsque vous avez répondu à notre collègue Mme Girardin préoccupée, à juste titre, par l'absence de délégué du Médiateur de la République à Saint-Pierre-et-Miquelon. Vous lui avez effectivement répondu, trois ans après ses premières demandes, qu'elle pouvait être rassurée car vous preniez bonne note de sa préoccupation. La belle affaire !
Pour ma part, cela fait tout de même deux ans que j'interpelle les différents ministres, chaque fois que j'en ai la possibilité, sur le fait que le procès de l'amiante est constamment bloqué par le Gouvernement. Chaque fois, l'on me répond la main sur le coeur : « Ne vous inquiétez pas, on s'en occupe, comptez sur nous, nous en prenons bonne note, nous vous recevrons bientôt, et nous vous donnerons des informations et des nouvelles rassurantes ! » Depuis deux ans, j'ai perdu espoir, même si je ne demande qu'à voir l'espoir renaître, tout comme j'espère que Mme Girardin pourra un jour vous adresser publiquement, dans cette enceinte, un souriant « merci ».
Cet amendement, déposé par plusieurs députés radicaux de gauche, vise à revenir à la rédaction initiale de cette proposition de loi déposée par le sénateur Gélard, qui prévoyait une prorogation de la durée du mandat du Médiateur de la République « jusqu'à la date d'entrée en vigueur de la loi organique prévue à l'article 71-1 de la Constitution et, au plus tard, jusqu'au 31 décembre 2010 ».
Cette proposition de loi a été modifiée par un amendement sénatorial remplaçant la date du 31 décembre 2010 par celle du 31 mars 2011. Or il paraît préférable de revenir à la date initialement prévue par la proposition de loi, c'est-à-dire au 31 décembre 2010.
Comme on le sait, la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a inscrit dans la Constitution un article 71-1 qui institue un Défenseur des droits. Succédant principalement au Médiateur de la République, ce Défenseur des droits a été doté de pouvoirs accrus pour « veiller au respect des droits et libertés par les administrations de l'État, les collectivités territoriales, les établissements publics, ainsi que par tout organisme investi d'une mission de service public ».
C'est là une avancée importante qui doit donc se concrétiser sans tarder.
Le projet de loi organique prévu par cet article 71-1 relatif au Défenseur des droits a été adopté en conseil des ministres le 9 septembre 2009. Avec sagesse, l'auteur de la proposition de loi visant à proroger le mandat du Médiateur avait donc prévu que cette prorogation ne pourrait aller au-delà du 31 décembre 2010, ce délai lui paraissant, à juste titre, tout à fait suffisant pour l'adoption de cette loi organique.
Prolonger ce délai au-delà paraît inutile et inopportun. Cela semblerait indiquer que la loi organique précitée n'entrerait en vigueur qu'au 31 mars 2011 et qu'il ne s'agirait pas là d'une priorité du Gouvernement, alors que la procédure d'urgence et l'inflation législative sont monnaies courantes.
Cette prorogation supplémentaire se traduirait par une mise en place de la nouvelle institution seulement en avril 2011, soit trente-trois mois après la promulgation de la révision constitutionnelle l'établissant et un an et demi après l'adoption en conseil des ministres du projet de loi organique la concernant.
Un tel retard serait incompréhensible pour les radicaux de gauche et incompatible avec la nécessité de voir entrer rapidement en vigueur les dispositions constitutionnelles créant le Défenseur des droits.
…pour les raisons que j'ai déjà largement évoquées dans mon intervention.
Même avis, madame la présidente.
Le rapporteur a effectivement longuement évoqué cette question, de même que M. Philippe Gosselin et moi-même : mentionnant votre amendement, j'ai déjà développé les raisons pour lesquelles nous ne pouvons pas le soutenir. Je me permets de les répéter pour marquer l'attention que j'accorde à l'initiative parlementaire et au dépôt d'un amendement.
Je comprends tout à fait les bonnes intentions de cet amendement mais, franchement, gagner quelques semaines présenterait plus d'inconvénients que nous en tenir à la date, somme toute raisonnable, du 31 mars 2011.
(L'amendement n° 1 n'est pas adopté.)
(L'article unique est adopté.)
Article unique
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures, est reprise à dix-huit heures cinq.)
Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, dans le cadre de la modernisation de nos institutions, la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 a transformé le Conseil économique et social en Conseil économique, social et environnemental. Pour concrétiser cette nouvelle vocation, elle a étendu la compétence consultative de l'institution aux questions environnementales. Avec l'ensemble des mesures du Grenelle de l'environnement, c'est une des nombreuses traductions de la volonté du Président de la République de placer l'écologie et le développement durable au coeur de nos préoccupations et de nos débats.
La revalorisation du Conseil économique et social souhaitée par le constituant a également pris la forme d'une modification des conditions de sa saisine. La Constitution donne désormais la possibilité au Parlement de consulter le Conseil économique, social et environnemental, prérogative réservée depuis 1958 au seul Gouvernement. Les citoyens pourront eux-mêmes saisir le Conseil par voie de pétition. Le Conseil fera connaître au Gouvernement et au Parlement les suites qu'il propose de donner à chaque saisine citoyenne.
À la suite du comité de réflexion sur la réforme des institutions, présidé par M. Édouard Balladur, le constituant a aussi souligné, dans ses débats, que la rénovation engagée du Conseil économique et social devait nécessairement se traduire par une modification de sa composition et de son fonctionnement. Ainsi sa légitimité serait renforcée, et il serait plus à même de remplir sa mission de dialogue et d'expression des attentes des différentes composantes de la société civile.
La mise en oeuvre de cette réforme impose une profonde modification de l'ordonnance du 29 décembre 1958 portant loi organique relative au Conseil économique et social. C'est l'objet du projet de loi organique qui vous est aujourd'hui soumis.
Plusieurs dispositions précisent tout d'abord la procédure de la saisine parlementaire, confiée au président de chaque assemblée, et les conséquences du rapprochement du CESE et des assemblées parlementaires sur le fonctionnement du Conseil.
Le projet de loi organique définit également les conditions d'exercice du droit de pétition. Le Gouvernement a souhaité ne pas enfermer la saisine du Conseil économique, social et environnemental dans un cadre trop strict. Le nombre minimum de pétitionnaires a donc été fixé à 500 000 ; ce droit est reconnu, non seulement aux nationaux, mais également à toute personne majeure résidant régulièrement sur le territoire national. L'intervention d'un mandataire unique pour chaque pétition facilite la collecte et le contrôle des signatures.
Ces nouvelles voies de saisine du Conseil sont ainsi largement ouvertes, tout en préservant d'excès préjudiciables.
Ensuite, le projet de loi organique adapte le fonctionnement du Conseil économique, social et environnemental ; le contenu de l'ordonnance organique est substantiellement actualisé.
À ce titre, je tiens à saluer le travail très approfondi réalisé par votre commission des lois, et plus particulièrement par son rapporteur. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Je veux lui rendre hommage, car ce travail a permis d'améliorer la qualité rédactionnelle du texte et de renforcer la dynamique de réforme engagée. La redéfinition du rôle et du statut des membres de section a, par exemple, été renforcée ; les délégations à l'Union européenne et aux droits des femmes ont été institutionnalisées.
Enfin, le projet de loi organique précise la nouvelle composition du Conseil économique, social et environnemental. C'était indiscutablement la tâche la plus difficile à réaliser. En effet, la composition du Conseil n'a connu, depuis 1958, que de très faibles ajustements alors que, dans le même temps, la société française s'est profondément transformée.
Afin d'éviter les remises en cause régulières de la légitimité et de la représentativité du Conseil économique et social, il était nécessaire que les différentes composantes de la société civile contemporaine y trouvent leur place.
Par ailleurs, la nouvelle compétence environnementale du Conseil doit trouver une traduction adéquate dans sa composition. Il faut rappeler que cette double modification de la composition du Conseil économique, social et environnemental doit être réalisée à effectif constant. Personne n'a oublié qu'à l'initiative du président Warsmann, le constituant a plafonné le nombre de membres du Conseil à l'effectif actuel, selon le même principe que celui qui a prévalu pour le nombre des députés et des sénateurs.
La modification de la composition du CESE a donc appelé des efforts de la part des groupes actuellement présents en son sein. Ainsi les Français de l'étranger, qui vont par ailleurs bénéficier d'une représentation importante à l'Assemblée nationale, ne seront plus représentés en tant que tels. Les entreprises publiques, dont la place dans l'économie a largement diminué depuis 1984, n'auront plus de représentation propre, même si leur voix pourra se faire entendre, entre autres, par l'intermédiaire des personnalités qualifiées. Un effort important a également été consenti par les représentants du monde agricole.
La nouvelle physionomie du Conseil économique social et environnemental se caractérise par la constitution de trois grands pôles.
Le pôle économique, comprenant les acteurs de la vie économique et du dialogue social, maintient le rôle central des représentants des salariés et des entreprises.
Le pôle social, rassemblant les acteurs de la vie associative, de la cohésion sociale et territoriale, présente de nombreuses innovations. Les secteurs de l'économie solidaire, du handicap, du sport, les mondes de la science et de la culture trouvent désormais une représentation expresse au sein du Conseil. Les jeunes et les étudiants bénéficient d'un contingent spécifique de représentants. Les associations voient également leur présence renforcée.
Enfin, le pôle environnemental est constitué, dans la logique de la révision constitutionnelle et du Grenelle de l'environnement, de dix-huit représentants des associations et fondations agissant dans le domaine de la protection de la nature et de l'environnement ainsi que de quinze personnalités qualifiées dans les questions environnementales et de développement durable. La détermination des associations environnementalistes concernées s'appuiera sur les préconisations de l'excellent rapport remis au Premier ministre par M. Bertrand Pancher, député de la Meuse, …
…que je salue, au titre du comité opérationnel du Grenelle de l'environnement.
Le projet du Gouvernement préserve les équilibres de représentation existant actuellement au sein du Conseil Ainsi, la pratique de la concertation et la recherche du consensus pourront demeurer un atout essentiel du Conseil.
Éclairé par le rapport de Dominique-Jean Chertier, le Gouvernement a pris le temps de l'analyse et de la concertation, avant de soumettre à la représentation nationale un projet de composition recueillant l'adhésion du plus grand nombre. Le compromis qui vous est proposé peut sans doute ne pas apparaître pleinement satisfaisant aux yeux de tel ou tel. Mais il faut, mesdames, messieurs les députés, avoir conscience que l'équilibre global ainsi construit est fragile. Je ne peux qu'appeler à la prudence et à la responsabilité tous ceux qui, même pour des motifs légitimes, veulent s'engager dans une recomposition, fût-elle limitée, du Conseil.
Nous aurons l'occasion d'échanger sur ce point lorsque nous examinerons les amendements. Mais je pense qu'il faut faire très attention car l'équilibre trouvé peut être déstabilisé assez facilement.
Par ailleurs, le projet de loi organique établit des règles de désignation permettant de tendre vers une parité de représentation entre les hommes et les femmes. La volonté de féminisation de l'institution est indiscutablement concrétisée, pour atteindre 48 %, je crois.
Le rajeunissement du Conseil pourra également être réalisé grâce à la limitation à deux du nombre des mandats consécutifs et à l'abaissement de vingt-cinq à dix-huit ans de l'âge minimum pour devenir membre du CESE.
L'ensemble de ces changements de composition donne corps à la revitalisation du Conseil économique social et environnemental voulue par le Président de la République. Dès le mois de septembre prochain, c'est un Conseil économique social et environnemental plus représentatif de notre société civile et de la diversité de ses engagements, un conseil modernisé et plus ouvert sur l'extérieur, qui se mettra au travail. Il sera pleinement en mesure d'appréhender les nouveaux défis auxquels doit faire face notre pays et d'apporter une contribution éclairante à leur résolution. Je souhaite, au nom du Gouvernement, rendre hommage au Conseil économique et social pour le travail accompli depuis sa création jusqu'à maintenant, où, bien souvent, les avis qu'il émet font autorité.
Mesdames, messieurs les députés, en franchissant cette étape de la réforme du Conseil économique, social et environnemental, notre démocratie s'en trouvera renforcée. Je pense que nous pouvons nous en féliciter. Vous comprendrez que, dans ces conditions, je vous invite, avec ardeur, à adopter ce projet de loi organique. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Éric Diard, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi organique soumis aujourd'hui à notre examen constitue la deuxième étape de la transformation du Conseil économique et social en Conseil économique, social et environnemental décidée lors de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, conformément aux engagements pris par le Président de la République à l'issue des travaux du Grenelle de l'environnement.
Vingt-six ans après la loi organique du 27 juin 1984, le projet de loi organique qui nous est présenté répond à la même préoccupation d'adapter le Conseil aux évolutions de la société sans brusquer les groupes qui y sont actuellement représentés. Les évolutions constitutionnelles permettent cependant une réforme plus ambitieuse et imposent une contrainte supplémentaire, avec le plafonnement à 233 du nombre de membres du Conseil.
Le projet de loi offre une traduction aux trois axes de modernisation décidés lors de la révision constitutionnelle : l'élargissement de la compétence du Conseil aux questions environnementales ; la création d'une saisine parlementaire ; enfin l'instauration d'une saisine par voie de pétition.
La commission des lois a considéré que le projet de loi organique proposé par le Gouvernement remplissait les objectifs fixés par le Constituant. Le texte qu'elle vous propose d'adopter ne diffère donc pas très sensiblement du projet de loi organique initial.
Outre quelques précisions rédactionnelles, la commission a adopté plusieurs amendements sur le fonctionnement du CESE s'inspirant de suggestions formulées par son président, M. Jacques Dermagne, lors de son audition. La commission a ainsi, sur la proposition de notre collègue Marie-Jo Zimmermann, donné un fondement organique à la création par le CESE de délégations permanentes, comme la Délégation aux droits des femmes et la Délégation pour l'Union européenne, créées respectivement en 2000 et 2001. Afin de valoriser leurs travaux, elle a donné la possibilité au bureau du CESE de leur confier des études, alors que l'article 6 de l'ordonnance du 29 décembre 1958 ne mentionne, pour l'heure, que les études réalisées par l'assemblée ou les sections.
À l'article 1er de l'ordonnance du 29 décembre 1958, qui présente les missions du Conseil, la commission a rétabli l'idée selon laquelle le CESE favorise la collaboration des représentants des différentes activités du pays. Elle a enfin rétabli la rédaction actuelle de l'article 4 de l'ordonnance, qui prévoit que, chaque année, le Premier ministre fait connaître la suite donnée aux avis du CESE. La suppression de cette disposition avait été, en effet, perçue au CESE comme une marque d'indifférence, alors même que, depuis 2006, elle recevait une application jugée satisfaisante par le président Dermagne. La commission a souhaité ainsi rassurer les membres, actuels et futurs, du Conseil sur l'attention qui sera portée à leurs travaux en rétablissant, avec l'accord du Gouvernement, le principe de cette information, même si le maintien de ce face à face entre le Premier ministre et le CESE pouvait apparaître comme légèrement anachronique alors que l'on rapproche le CESE du Parlement et que l'on crée une saisine par voie de pétition.
J'en arrive à la composition du Conseil, exercice toujours difficile et souvent polémique, chaque activité s'estimant généralement sous-représentée et, au sein de chaque activité, chaque organisation s'estimant plus légitime que les autres pour désigner des membres…
Comme cela avait été évoqué dès l'exposé des motifs du projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République, deux nouvelles catégories de membres font leur apparition au Conseil : les jeunes et étudiants, d'une part, et les associations et fondations agissant dans le domaine de la protection de la nature et de l'environnement, d'autre part.
Le Constituant ayant, sur la proposition du président Jean-Luc Warsmann, plafonné le nombre de membres du CESE dans la Constitution, d'autres catégories voient par conséquent leur représentation diminuée. C'est en premier lieu le cas des entreprises publiques, des Français établis hors de France, comme vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, du logement et de l'épargne, dont la représentation est supprimée. C'est également le cas du monde agricole, dont la représentation est réduite de cinq sièges au titre des exploitants agricoles et de six sièges au titre de la mutualité et des coopératives agricoles.
Dans ce contexte, peu de catégories parmi celles qui sont déjà représentées au CESE voient leur représentation augmenter. C'est toutefois le cas des professions libérales, qui passent de trois à quatre sièges, et des associations autres que les associations familiales et environnementales, qui passent de cinq à huit sièges.
Le compromis proposé par le Gouvernement peut toujours paraître perfectible. J'ai ainsi pu souligner en commission qu'il se traduisait par une diminution du poids des employeurs au sein du futur conseil, qu'il conviendra de compenser par la nomination des personnalités qualifiées.
M. Vidalies, au nom du groupe SRC, a également exprimé certaines réserves, mais l'ensemble des commissaires présents, et je les en remercie, a considéré que l'objectif fixé par la révision constitutionnelle était globalement atteint et qu'il y aurait sans doute plus d'inconvénients que d'avantages à modifier ce que le président Dermagne a pu comparer à un château de cartes.
La commission a apporté quelques précisions au texte du Gouvernement, en particulier sur le secteur de la coopération, mais elle n'a pas modifié la répartition des sièges entre les représentants des différentes activités.
Cette nouvelle composition, conjuguée avec l'instauration d'une règle de parité et la limitation à deux du nombre de mandats consécutifs, se traduira par un renouvellement du Conseil très important pour la prochaine mandature et significatif pour les renouvellements suivants.
Je souhaite, avant de conclure mon propos, aborder deux questions qui ont été plus particulièrement débattues en commission et sur lesquelles nous aurons l'occasion de revenir à l'occasion de la discussion des amendements. Il s'agit des modalités de la consultation du CESE par le Parlement, et des membres de section.
Pour ce qui concerne la saisine parlementaire, l'imprécision de l'article 70 de la Constitution, qui dispose que « le CESE peut être consulté par le Gouvernement et le Parlement », conduit à préciser, dans la loi organique, qui exerce cette prérogative au nom du Parlement. Le projet de loi organique propose de confier cette responsabilité, comme cela avait été évoqué lors de la révision constitutionnelle, aux présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat, dont il ne paraît pas contestable qu'ils peuvent agir, dans le silence de la Constitution, au nom des assemblées qu'ils président. En commission, nous avons longuement débattu d'un amendement de nos collègues du groupe SRC qui proposait d'accorder également ce droit de saisine aux présidents des groupes parlementaires. Comme je m'y étais engagé à l'issue de cette discussion, j'ai déposé un amendement n° 16 qui permet la consultation du CESE, à l'initiative d'un groupe parlementaire.
La deuxième question qui a fait l'objet d'un long débat en commission concerne les membres de section. Il s'agit de personnalités « choisies en raison de leur compétence » que le Gouvernement peut, depuis 1958, « appeler à siéger en section, pour une période déterminée ». La nomination de ces personnalités, par des gouvernements de droite comme de gauche, a fait l'objet de critiques récurrentes, la compétence ne paraissant pas toujours avoir été le critère de choix déterminant. La situation actuelle étant unanimement considérée comme insatisfaisante, deux solutions s'offraient à nous : la revalorisation proposée par le Gouvernement, ou la suppression pure et simple proposée par le rapport Chertier et le groupe SRC. Il nous a paru utile de conserver la possibilité d'enrichir les travaux du CESE par l'adjonction de compétences extérieures. La commission n'a par conséquent pas supprimé la possibilité de désigner ce que nous avons nommé des « personnalités associées », mais elle a souhaité mieux encadrer le dispositif pour limiter les risques d'abus. Elle a donc adopté un amendement prévoyant que ces personnalités seraient nommées, non seulement pour une durée déterminée, mais pour une mission déterminée, ce qui permettra de vérifier si la compétence de la personnalité nommée est en adéquation avec cette mission.
Enfin, pour éviter que le plafonnement du nombre de membres du Conseil dans la Constitution ne se traduise par une inflation du nombre de ces personnalités associées, le président Jean-Luc Warsmann a déposé deux amendements visant, d'une part, à inscrire dans la loi organique la limite de huit personnalités par section figurant actuellement dans le décret et, d'autre part, à plafonner le nombre de sections au nombre actuel de neuf.
Je vous inviterai à adopter ces amendements, ainsi que l'ensemble du projet de loi organique. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous abordons aujourd'hui, avec l'examen de ce projet de loi organique, un débat au confluent de deux chantiers majeurs de cette législature, le Grenelle de l'environnement et la modernisation des institutions de la Ve République.
Dans le prolongement de l'inscription au sein de notre bloc constitutionnel de la Charte de l'environnement, l'une des ambitions, parmi les plus nobles, du Grenelle consistait à permettre aux enjeux écologiques et environnementaux d'être mieux pris en compte dans le débat puis dans la décision publique. Relever le défi de la révolution verte, inventer une croissance durable réconciliant la production de richesses avec la protection de notre environnement sont des chantiers de long terme qui impliquent de bouleverser en profondeur la gouvernance, les habitudes de nombreux acteurs de notre société et, en premier lieu, celles de l'État lui-même.
La révision de la Constitution de 1958 a été l'occasion de mobiliser de nouveaux leviers autour de cette ambition. À titre d'exemple, la loi organique, qui a été votée pour définir les modalités d'application dans sa nouvelle rédaction de l'article 39 de la Constitution, a ainsi été l'occasion de fixer au Gouvernement l'obligation de joindre à tout projet de loi une étude d'impact détaillée faisant état des conséquences environnementales des mesures envisagées. Nous pouvons d'ores et déjà affirmer que nous bénéficions de cette avancée législative qui est loin d'être insignifiante.
Parmi ces leviers, l'ambition d'ouvrir plus largement le processus de décision publique aux exigences environnementales s'est également focalisée sur le Conseil économique et social qui, à condition d'être profondément revitalisé, pouvait jouer un rôle déterminant dans cette évolution. Ainsi, le Constituant ne s'est-il pas contenté d'apporter un simple correctif à la dénomination du Conseil. Il a également réuni les éléments permettant la nécessaire revitalisation de son rôle au sein de nos institutions.
La réforme constitutionnelle a, en premier lieu, ouvert à l'ensemble des citoyens la possibilité de saisir sur pétition le CESE d'une question particulière, que celle-ci touche à des enjeux économiques, sociaux ou environnementaux et elle a ainsi ouvert aux acteurs de la société civile une voie d'intervention plus structurée dans le débat public.
Elle a également, dans un second temps, offert au Parlement la possibilité de consulter le Conseil économique, social et environnemental sur tout sujet relevant de sa compétence alors que cette possibilité était, depuis 1958, réservée au seul Gouvernement. Alors que, à la faveur du partage de notre ordre du jour, notre assemblée examine de plus en plus de textes d'origine parlementaire, c'est une avancée qu'il nous faut saluer et souligner.
C'est là, mes chers collègues, un point essentiel de ce débat. Le Gouvernement, en ce qu'il dispose de l'administration centrale, n'a pas, dans la conduite de sa politique et dans la préparation de ses projets de loi, fondamentalement besoin du CESE. A contrario, le renforcement des liens unissant le CESE au Parlement permettra aux députés que nous sommes, souvent en déficit d'expertise par rapport au Gouvernement lorsque nous examinons un projet de loi, de mobiliser de nouveaux moyens à l'appui de nos analyses et de nos propositions. C'est pourquoi les centristes veulent saluer les avancées proposées par notre rapporteur, notamment en ce qui concerne la possibilité qui sera offerte aux présidents de groupe de saisir eux-mêmes le CESE.
L'élargissement des compétences du Conseil, accompagné des fonctions nouvelles que cette instance sera désormais amenée à exercer, impliquait également de revoir la composition de cette assemblée afin que puissent y siéger des représentants en charge des questions environnementales. Militants du Grenelle, les centristes saluent la place nouvelle faite aux représentants des associations à but environnemental.
Il faut, de plus, souligner que l'ordonnance fixant la composition de cette assemblée depuis 1958, est demeurée inchangée cependant que la société évoluait. On mesure ainsi l'étendue et la complexité de la tâche consistant à définir les critères adéquats d'éligibilité des nouveaux membres amenés à y siéger.
La Constitution plafonnant de surcroît – ce qui est sage – le nombre de ses membres à 233, et la recomposition devant ainsi s'effectuer à effectifs constants, le Gouvernement s'est engagé dans un difficile travail d'arbitrage qui appelle de notre part trois séries de remarques.
Nous avons entendu l'appel du ministre à une infinie prudence avant de modifier quoi que ce soit dans la proposition du Gouvernement. Cependant, cette réforme devait permettre de prendre acte de cette évolution majeure de notre démocratie que constitue l'émergence du fait associatif. À l'heure actuelle, près de 25 millions de nos concitoyens sont membres d'associations, ces associations s'étant désormais imposées comme des interlocuteurs à part entière au sein du débat public. À rebours de cette évolution, le projet de loi organique se contente de consacrer la place des associations en charge de problématiques environnementales – ce que nous, centristes, avons salué –, laissant de côté d'autres acteurs majeurs, telles les associations de consommateurs,…
…ce qui doit, à notre sens, être corrigé. Les députés centristes vous proposeront donc, mes chers collègues, un amendement tendant à faire enfin sa place au mouvement des consommateurs, acteur majeur de notre société.
En outre, et j'associerai notamment à cette remarque mes collègues Francis Vercamer et Philippe Folliot, on comprend mal, à la lecture de ce projet, la disparition du représentant du monde du logement, alors même que la problématique de l'accès au logement de bon nombre de nos compatriotes, en particulier parmi les plus fragiles et les classes moyennes, trouve une place et un écho constants ces dernières années dans le débat public. L'importance de la question du logement pour nos concitoyens, l'attention que l'État porte à ce sujet à travers la mise en oeuvre de ses politiques publiques en ce domaine, justifieraient que le secteur du logement puisse continuer à bénéficier d'au moins un représentant au sein du CESE.
De même, si l'entreprise de recomposition du CESE imposait de réduire la représentation de certains groupes – et nous en sommes d'accord –, la suppression pure et simple du groupe des entreprises publiques peine à se justifier au regard du rôle structurant que celles-ci continuent de jouer dans certains secteurs clés de notre économie – comme les transports, l'énergie –, avec près de 850 000 emplois.
Se pose enfin, de manière transversale, la question de la représentativité d'une assemblée dont la moitié des membres sont nommés plutôt que désignés ou élus par les corps qu'ils représentent. À ce titre, le projet de loi qui nous est aujourd'hui soumis gagnerait à préciser que les organisations retenues pour désigner les membres du CESE les choisissent en respectant une exigence de représentativité.
Sur le fond, les centristes ont toujours approuvé une organisation de la gouvernance qui donne sa place aux corps intermédiaires, contrairement aux tendances les plus centralisatrices et jacobines de notre pays. Encore faudrait-il que ces corps intermédiaires désignent leurs représentants de manière indépendante du pouvoir exécutif ; il y a sur ce chantier une large marge de progression, beaucoup de travail à faire pour arriver à une désignation à la fois représentative et transparente. Viscéralement attachés à la démocratie associative, les centristes présenteront un amendement important en ce sens.
Mes chers collègues, le Conseil économique, social et environnemental, troisième assemblée constitutionnelle de ce pays, a incontestablement un rôle de premier plan à jouer dans la modernisation de nos institutions. Mais pour cela, il doit rester au contact de la société réelle en perpétuelle mutation, ainsi que le pensait le général de Gaulle.
Dans son ensemble, le texte va dans le bon sens. Forts de cette conviction, les députés centristes apporteront leur soutien à ce projet de loi organique. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le mouvement initié par le Grenelle de l'environnement place le Conseil économique, social et environnemental au coeur d'une nouvelle démocratie environnementale qu'il convient de structurer.
La révision constitutionnelle de juillet 2008 nous a permis d'envisager une profonde évolution du CESE, qui disposera dorénavant de compétences accrues : il devra être obligatoirement saisi par le Premier ministre pour les lois de programmation en matière environnementale et pourra être consulté par le Parlement pour les autres lois ; il pourra être également saisi par voie de pétitions citoyennes, qui prennent corps dans le texte que nous examinons aujourd'hui.
En parallèle, ce projet de loi a pour objectif de renforcer la légitimité du Conseil économique, social et environnemental, en assurant notamment une meilleure adéquation de sa composition, inchangée depuis 1958, aux évolutions de la société civile.
Les parties prenantes du Grenelle ont très vite saisi l'intérêt d'organiser la concertation entre différents acteurs qui, jusqu'à présent, s'ignoraient. Ils se sont découverts et ont souhaité continuer à travailler ensemble afin d'être associés aux décisions. Ils ont privilégié le cadre d'un conseil économique, social et environnemental ouvert à d'autres membres de la société civile, et profondément rénové dans son fonctionnement.
Sur la base d'une mission que j'ai effectuée en 2008 à la demande de M. le Premier ministre et du ministre d'État, ministre de l'écologie, ainsi que sur celle d'un rapport, demandé à Dominique-Jean Chertier, le Gouvernement a décidé de mener à bien la rénovation du CESE. Je tiens à remercier le Président de la République qui en a, lui aussi, compris l'intérêt.
La recherche d'une meilleure adéquation dans la composition du CESE se traduira, à l'issue du vote du texte dont nous discutons aujourd'hui, par l'entrée de nouveaux acteurs environnementaux au niveau national. Cette évolution de la représentation de la société civile trouvera écho au niveau régional par la réforme de la composition des conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux, abordée dans le cadre de la loi Grenelle 2.
Il serait, par conséquent, logique de réfléchir à la représentation de la société civile française au niveau européen, qui se manifeste au niveau du Comité économique et social européen. Je déposerai des amendements en ce sens dans le cadre du projet de loi Grenelle 2. Le renouvellement de la composition du Conseil économique et social européen, qui interviendra en septembre 2010 dans le cadre de la mise en place du Traité de Lisbonne, sera une occasion parfaite pour nommer une délégation française reflétant la composition du Conseil économique, social et environnemental français.
Outre la réflexion sur la question, qui n'est pas mineure, de la représentation de la société civile, de l'évolution de la composition du CESE, des règles de représentativité des nouveaux acteurs et enfin du rôle que pourrait dorénavant jouer un conseil rénové, se pose une question encore plus importante : celle du fonctionnement du Conseil économique, social et environnemental.
Faire délibérer les acteurs de la société civile, c'est bien, les faire travailler sur des sujets de fond, c'est-à-dire sur des projets de réformes à mettre en oeuvre, c'est beaucoup mieux.
Le renforcement de la légitimité du CESE est assuré dans le texte que nous examinons par la mise en place de nouvelles procédures de saisine – par les présidents des deux assemblées et par voie de pétition. Mais cela ne doit pas occulter d'autres problèmes. Ainsi, jusqu'à présent, il a été reproché au CESE de s'autosaisir de trop de sujets. De leur côté, les membres du Conseil ont déploré que leurs avis ne soient souvent qu'imparfaitement pris en considération. La réforme constitutionnelle a limité le champ de saisine du CESE par notre parlement aux lois de programmation économique, sociale et environnementale et nous offre la possibilité de consulter les représentants de la société civile à propos des autres lois.
Est-il possible d'étendre ce champ de saisine obligatoire à d'autres domaines ? Ne doit-on pas envisager de nouvelles procédures de saisine, notamment par le biais des présidents des commissions parlementaires ? Et comment s'assurer de la qualité de la restitution des propositions du CESE à notre assemblée ? Il s'agit d'une question fondamentale. Comment, enfin, matérialiser les réponses que nous apportons à ces recommandations ?
Les membres de la société civile nous disent être prêts à travailler au côté des pouvoirs publics, mais ils demandent qu'il soit rendu compte de leurs avis. En d'autres termes, ou bien le Conseil économique, social et environnemental sortira renforcé de la future réforme et sera considéré comme une force de proposition à l'égard du Parlement et du Gouvernement, ou bien nous ne changerons pas fondamentalement son fonctionnement et le pouvoir de pétition introduit par notre Constitution ne sera jamais utilisé. En effet, on ne peut à la fois s'engager dans une grande réforme renforçant la concertation et faire fi des avis et des recommandations des acteurs.
Dès lors, deux idées très simples permettraient de revaloriser la fonction consultative du Conseil économique, social et environnemental.
La première consiste à intervenir le plus tôt possible dans le processus d'élaboration des décisions publiques, afin d'accomplir un véritable travail prospectif. Le Conseil serait ainsi amené à rendre des avis dits exploratoires. Du reste, cette procédure est régulièrement utilisée au niveau européen.
La seconde consiste en un dialogue actif entre le Conseil économique, social et environnemental, d'une part, et le Gouvernement et le Parlement, d'autre part. En amont, ce dialogue repose sur l'échange de programmes de travail, afin d'obtenir de chaque interlocuteur une vision à moyen terme, de manière à en débattre sereinement. Dans la même perspective, il convient d'organiser des rencontres politiques régulières favorisant des échanges de vues, notamment au sujet du programme. En aval, ce dialogue politique actif suppose que soit instaurée une obligation de suivi, telle que celle aujourd'hui en vigueur au Comité économique et social européen : la Commission européenne transmet chaque trimestre à ce dernier un rapport détaillant les suites données aux différents avis qu'elle a reçus. L'analyse statistique de ces rapports a montré que plus de 70 % des avis du Comité ont été pris en considération par la Commission, donc ont eu une portée significative. Au total, bien que diffus, l'effet des avis rendus par le Comité n'en est pas moins réel.
Je propose donc que le texte dont nous débattons réponde à ces questions, soit directement, soit indirectement. On pourrait, par exemple, envisager une charte de fonctionnement conclue entre le CESE, d'une part, et le Parlement et le Gouvernement, d'autre part, sur le modèle européen. Cette charte devrait notamment préciser les suites données par le Gouvernement et le Parlement aux diverses propositions et préconisations du Conseil.
Par ailleurs, je souhaiterais qu'à l'issue du premier mandat du Conseil économique, social et environnemental, tel qu'il sera réformé par le projet de loi, nous dressions un premier bilan de cette réforme. L'idée d'une évaluation à mi-parcours, c'est-à-dire au bout d'un an ou deux, me semble en effet indispensable.
J'insiste enfin sur l'importance, dans la structuration de la gouvernance environnementale à laquelle la réforme du CESE fait écho, du développement d'une collaboration plus étroite entre le CESE national et ses déclinaisons régionales. Je regrette en effet la faible articulation entre ces deux niveaux de consultation et d'analyse, dont les relations devraient, à l'avenir, être régies en pratique par un principe de subsidiarité, selon les domaines abordés.
Après avoir attendu plusieurs années que la Convention d'Aarhus se concrétise, nous allons enfin pouvoir associer à nos décisions les acteurs et les populations concernés. Le Grenelle de l'environnement a préfiguré l'instauration d'une nouvelle démocratie environnementale, fortement plébiscitée par nos concitoyens. Désormais, la réforme du CESE dont nous allons débattre doit permettre de faire émerger une nouvelle gouvernance, en réponse aux demandes croissantes de participation émanant de toute la société civile, auxquelles nous nous sommes engagés à répondre et que nous ne devons plus ignorer.
C'est l'une des pierres que nous apportons à l'édifice de la nouvelle démocratie environnementale réclamée par tous les acteurs du secteur lors du Grenelle de l'environnement. Et il s'agit assurément de l'une des sources de réussite de toutes nos actions dans ce domaine. Le développement de demain s'articulera autour de règles et de valeurs. Ces puissantes règles qui reposent sur nos valeurs, tous devront se les approprier, sans quoi elles seront remises en question. La structuration du fonctionnement du CESE illustrera ce nouveau modèle. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a profondément modifié la compétence et les conditions de saisine du Conseil économique et social. L'article 70 de la Constitution a étendu la compétence du Conseil aux questions environnementales, ce qui a conduit à modifier le nom de l'institution, désormais appelée Conseil économique, social et environnemental.
Nous avons approuvé cette réforme, et même directement contribué à son élaboration, puisque l'extension aux questions environnementales de la compétence du Conseil résulte d'un amendement cosigné par le rapporteur et par Christophe Caresche, député socialiste. Nous étions également favorables aux importantes modifications visant à permettre la consultation du Conseil par le Parlement et à créer une saisine citoyenne par voie de pétition.
Comme le dispose l'article 71 de la Constitution, la composition du Conseil économique, social et environnemental et ses règles de fonctionnement sont fixées par une loi organique. Tel est l'objet du texte que nous examinons aujourd'hui.
En ce qui concerne la composition du Conseil, le projet de loi organique maintient 233 membres au total, et, afin de tenir compte du nouveau champ de compétences, attribue dix-huit sièges aux associations et fondations agissant dans le domaine de la protection de l'environnement et quatre sièges à des représentants des jeunes et des étudiants.
Parmi les trois hypothèses évoquées par Dominique-Jean Chertier dans son rapport au Président de la République, le Gouvernement a ainsi retenu le scénario pour lequel nous avions préalablement manifesté notre préférence. Nous approuvons donc globalement ce choix.
Toutefois, et sans méconnaître la difficulté de l'exercice, nous jugeons anormale l'absence de représentation spécifique du logement social que nous constatons en définitive. En effet, avec 4,5 millions de logements et 90 000 nouveaux logements construits chaque année, le logement social est un support essentiel de la cohésion sociale et un moyen irremplaçable de construire une filière performante dans le domaine de la maîtrise de l'énergie et du développement des énergies renouvelables. Nous avons donc proposé un amendement qui permet d'assurer cette représentation spécifique sans modifier le nombre total de conseillers.
Ce débat légitime est relayé par plusieurs autres amendements. Néanmoins, monsieur le ministre, messieurs les députés de la majorité, la lecture de certains amendements émanant de vos rangs nous inspirent quelques inquiétudes. Deux d'entre eux, en particulier, auraient lieu de préoccuper un membre du Conseil économique, social et environnemental.
Le premier, en effet, est ainsi motivé : « Il ne faudrait pas que le CESE devienne un repaire d'apparatchiks ne représentant qu'eux-mêmes. » Il faut reconnaître que la qualité et la délicatesse de la démarche sont assez remarquables !
Je n'invente rien : ces amendements existent et nous en débattrons, mais permettez que j'en rappelle la teneur. Alors même que nous faisons l'effort d'accepter la composition du Conseil, ces amendements préparent de futurs problèmes. Mais j'ai gardé le meilleur pour la fin : le second amendement, signé par les mêmes auteurs,…
…semble soupçonner les membres du Conseil de toucher des indemnités sans rien faire, puisqu'il propose de les indemniser non plus sur le modèle actuel, mais en fonction du travail de chacun. Sur ces points, le débat risque donc d'être bien plus complexe que nous ne le pensions.
Pour notre part, en ce qui concerne la composition globale et à la réserve près que je viens d'indiquer, ayant, je le répète, mesuré la difficulté de l'exercice, nous avons vérifié que la représentation du monde syndical, des salariés et des associations – à nos yeux essentielle – paraissait raisonnable.
À l'intérieur de chaque groupe, le choix des organismes relève du domaine réglementaire, donc exclusivement du Gouvernement sous le contrôle du Conseil d'État, ainsi qu'il ressort de l'arrêt du 30 décembre 2009 relatif à un syndicat de salariés. Actuellement, la représentation des salariés obéit à une règle quasi forfaitaire pour les principales organisations et semble déterminée au fil de l'eau pour les autres. Il est parfaitement impossible de déceler le moindre critère justifiant de tels choix de la part du pouvoir exécutif. Je le répète, je parle de la représentation des syndicats de salariés.
Or le présent projet de loi ne peut faire fi de la loi de 2008 sur la représentativité, qui a profondément modifié les règles en retenant le principe d'une représentativité des syndicats issue du vote des salariés, qu'elle a substitué à celui d'une représentativité attribuée par décret.
Il n'est pas envisageable que la composition du Conseil économique, social et environnemental néglige ce nouveau principe – que nous avons soutenu en votant la loi sur la démocratie sociale et sur les nouvelles règles de représentativité, ce qui nous autorise à le rappeler aujourd'hui. Il nous semble que, sans empiéter sur le domaine réglementaire, le législateur peut rappeler dans la loi organique que la représentation des organisations syndicales devra tenir compte de la représentativité. Après tout, nous ne ferions ainsi que rappeler au pouvoir exécutif les exigences de la loi.
Si, sous la réserve de ces deux observations, nous approuvons la composition globale des membres titulaires du Conseil, je tiens à exprimer notre désaveu total de la suggestion du rapporteur. Dans son rapport s'adressant au Gouvernement, celui-ci « souhaite insister sur la nécessité, à travers la nomination de personnalités qualifiées, d'améliorer la représentation des entreprises afin que la nouvelle composition n'aboutisse pas à une dégradation de l'équilibre actuel entre représentants des salariés et représentants des employeurs ».
Cette formulation, qui invite explicitement le Gouvernement à faire rentrer par la fenêtre ceux qui sont sortis par la porte,…
…est inacceptable et pourrait briser le fragile consensus suscité par ce projet de loi.
Parmi les modifications proposées par celui-ci, la moins commentée, qui n'est pourtant pas la moins importante, concerne les membres de sections. Je rappelle qu'actuellement, en application de l'article 12 de l'ordonnance du 29 décembre 1958, le Gouvernement peut désigner 72 membres de sections. Ces conseillers surnuméraires, ou de deuxième catégorie, jouissent d'un statut hybride : ils participent aux travaux, mais ne peuvent voter que sur les études, pas sur les rapports et les avis. Nommés pour deux ans, ils perçoivent des indemnités fixées actuellement par le règlement intérieur du Conseil économique et social.
Dans son rapport au Président de la République, M. Dominique-Jean Chertier avait tout simplement proposé la suppression de « ces conseillers de second rang » dont « la présence fragilise la représentativité de l'institution ». Les termes sont diplomatiques mais l'analyse est radicale et nous la partageons entièrement.
Les silences et les non-dits qui entourent les conditions de nomination et le choix de ces conseillers de section ne sont plus acceptables dans une démocratie qui veut répondre aux exigences légitimes de transparence exprimées par nos concitoyens.
Il s'agit non pas de stigmatiser tel ou tel gouvernement – nous pourrions citer des exemples qui, sous tous les gouvernements, révèlent l'anachronisme de ces nominations, pour employer là encore un terme diplomatique –…
…mais de remettre en cause ce principe, comme l'a également proposé le rapport Chertier.
Or que fait le Gouvernement sinon de nous proposer un remède pire que le mal, qui va accentuer l'incongruité de telles nominations dans une démocratie moderne ? En effet, le projet de loi nous propose de substituer de « hautes personnalités » aux « conseillers de section ». Ces hautes personnalités seraient toujours nommées de manière discrétionnaire par le Gouvernement lequel, de surcroît – c'est la novation du texte –, fixerait tout aussi unilatéralement leur indemnisation alors qu'aujourd'hui celle-ci est au moins encadrée par le règlement intérieur du Conseil économique social et environnemental.
Il me semble, chers collègues, que le temps est venu de supprimer cette anomalie. J'ai, en conséquence, proposé un amendement qui non seulement écarte l'introduction de ces hautes personnalités mais supprime également les anciens conseillers de section. Il serait extraordinaire, chacun peut le comprendre, que s'agissant d'un projet de loi organique relatif au Conseil économique et social, notre assemblée ne se saisisse pas de ce débat.
Toujours à propos de la composition du Conseil, nous approuvons les dispositions visant à limiter à deux le nombre des mandats successifs et à abaisser à dix-huit ans l'âge minimal pour l'exercice d'un mandat.
Le projet de loi retient – et c'est une bonne mesure – le principe de parité. À notre sens, toutefois, le dispositif peut être amélioré. En effet, le projet n'impose la parité qu'au niveau de chaque groupe. Or le nombre impair de membres dans certains groupes va aboutir à une composition du Conseil ne respectant pas la parité. Même si le projet de loi va dans le bons sens et contribue à changer la situation actuelle, soit une proportion de 22 % de femmes seulement – mais, de ce point de vue, notre assemblée n'a aucune leçon à donner –, il nous semble que le dispositif peut être amélioré en donnant au Gouvernement l'obligation de parvenir à la parité stricte grâce à la désignation dans chaque groupe de personnalités qualifiées qui tienne compte de cette exigence.
La réforme constitutionnelle, outre l'élargissement du champ de compétences, a apporté une innovation essentielle : le rétablissement du droit de saisine par le Parlement. Il convient en effet de parler de « rétablissement » puisque ce droit a existé dans la Constitution de 1946,…
…avant d'être purement et simplement supprimé par la Constitution de 1958, qui en a réservé l'exercice au seul Gouvernement.
Dans le projet de loi organique que nous examinons, ce droit du Parlement serait exclusivement exercé par le président de l'Assemblée nationale ou le président du Sénat. Ainsi, ce droit nouveau du Parlement serait de fait un droit exclusif de la majorité.
Nous avons proposé que ce droit de saisir le Conseil soit ouvert à soixante députés ou soixante sénateurs mais surtout aux présidents des groupes parlementaires. La réponse que nous attendons sur ce point – même avec un droit de tirage limité, comme je l'avais indiqué en commission – déterminera notre vote final sur le texte.
M. le rapporteur affirme que l'un des amendements qu'il a déposés avec M. Lagarde nous donnerait satisfaction. M. Dionis du Séjour a pu croire la même chose après une lecture trop rapide. Si l'on peut féliciter les auteurs de ce texte pour leur subtilité juridique, il n'en demeure pas moins qu'il ne trompe personne.
Alors que nous demandons l'exercice d'un droit propre aux présidents de groupe, il est indiqué que : « Le président de l'Assemblée nationale et le président du Sénat peuvent consulter le Conseil de leur propre initiative ou dans la limite de deux fois par session ordinaire par groupe à la demande du président d'un groupe parlementaire ». Excusez-moi, mais quand on veut vraiment, on ne fait pas semblant. En réalité, vous créez un droit potentiel sous le filtre du président de l'une des deux assemblées. Voilà qui est bien éloigné de notre demande. Il suffirait cependant de supprimer le mot « peuvent ». Je vais déposer un amendement visant à obtenir une rédaction conforme à nos voeux et à ce qu'a cru comprendre M. Dionis du Séjour. S'il était adopté, nous pourrions apporter notre entier soutien au texte, car cela constituerait une avancée importante.
Au moment où nous élargissons la possibilité de saisine, il serait paradoxal que les groupes parlementaires soient exclus de ce droit et n'aient d'autre possibilité demain que de s'en remettre à l'exercice du droit de pétition citoyenne.
La démocratie représentative n'a rien à gagner à une telle différence de traitement. À ceux qui resteraient enfermés dans les certitudes du fait majoritaire, je veux simplement rappeler que les circonstances politiques sont susceptibles de changer et qu'ils seraient bien avisés d'être attentifs tout autant que nous aux droits de l'opposition dont ils pourraient avoir à user un jour.
Nous souhaitons tous avoir la possibilité de continuer à bénéficier de la qualité et de l'intérêt des avis et des rapports du Conseil qui nourrissent en permanence le travail et la réflexion des parlementaires.
Ce projet de loi organique est nécessaire et nous souhaitons, comme pour la réforme constitutionnelle, pouvoir l'accompagner d'un vote favorable, sous réserve toutefois de l'adoption de notre amendement en faveur d'un droit de saisine réelle des présidents de groupe.
Mais la place et le rôle du Conseil économique social et environnemental seront surtout renforcés si le Gouvernement prend véritablement en compte ses avis et tient, pour le moins, cette assemblée informée de la suite donnée à ses travaux.
Si le Gouvernement avait été plus attentif aux travaux du Conseil, il n'aurait certainement pas persisté dans sa proposition de fiscalisation des indemnités journalières des accidentés du travail alors que le Conseil, saisi par le président de notre assemblée, avait, dans la diversité de sa composition, adopté à une très large majorité la position contraire dans un avis très circonstancié et argumenté.
Un conseil renouvelé, un conseil aux compétences élargies, ce serait une bonne chose, mais un conseil écouté serait encore mieux. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si nous approuvons les évolutions du Conseil économique et social et les nouvelles compétences qui lui sont dévolues en matière d'environnement, il nous semble important de mettre en question trois des dispositions du projet de loi organique.
Tout d'abord, s'agissant de la répartition des sièges, je regrette que le système des personnalités qualifiées, dont on ne sait pas de quelles qualifications elles disposent, ait été maintenu. Le choix de ces experts semble être le fait du prince. L'absence de critères de compétence précis pour encadrer ces nominations brouille l'image du Conseil.
Ainsi, dans le nouveau collège dédié à la protection de l'environnement, siégeront dix-huit représentants des associations et pas moins de quinze personnalités qualifiées. Le spécialiste de la loutre l'emportera-t-il sur le spécialiste de l'écrevisse à patte blanche ? Pourquoi ne pas avoir accordé davantage de sièges aux associations ? Cela aurait pu favoriser le pluralisme et la compétence au regard des domaines d'intervention spécifiques de beaucoup d'entre elles et des réelles capacités d'expertise associées à une représentativité territoriale dont elles disposent.
Le système des personnalités qualifiées risque de faire du Conseil une sorte de réserve de la République où des gloires en fin de carrière pourraient pantoufler. Ce n'est pas en laissant à l'exécutif un pouvoir de nomination des membres du Conseil que la légitimité de cette institution sera grandie.
Ne serait-il pas préférable d'introduire une réelle représentation d'organismes bien ciblés tels ceux du logement social, oubliés dans le texte ? Les connaissances du réel et la pratique sociétale sont bien préférables à une qualification théorique qui tient parfois de l'ignorance encyclopédique.
Ensuite, s'agissant de la représentation du monde agricole dans le Conseil économique, social et environnemental, nous déplorons que les exploitants et les représentants des activités agricoles perdent cinq sièges et les représentants de la mutualité et des coopératives agricoles, six. Ce sont au total onze sièges en moins pour le monde agricole dont on sait pourtant les difficultés extrêmes depuis quelques années.
Cette adaptation se comprend au regard des évolutions économiques. Reste que le signal envoyé n'est pas très positif. Un petit syndicat comme le MODEF, défenseur d'une agriculture à taille humaine, conservera-t-il un représentant parmi les vingt représentants des exploitants agricoles ?
Nous savons que l'implication de son représentant actuel et la sensibilité qu'il porte ont été appréciées et largement reconnues. Mais la limitation de la représentativité syndicale risque de remettre en cause le pluralisme syndical puisque certaines sensibilités et certaines orientations ne pourraient plus s'exprimer.
Serait-ce la bonne voie pour remédier aux problèmes que connaissent les agriculteurs dans notre pays et pour répondre aux grands enjeux d'une alimentation de qualité, qui exigent de sortir des idées dominantes ? J'utiliserai une métaphore en disant qu'il est parfois bon de quitter les autoroutes des grands groupes majoritaires pour aller découvrir tout ce que peuvent offrir les petits chemins creux.
Enfin, je me préoccupe de la représentation des salariés. Si celle-ci est maintenue au même niveau, le projet de loi organique ne tiendrait aucun compte de la loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail. Aux termes de cette loi, en effet, il existe des critères précis de représentativité des centrales syndicales. La représentation actuelle des syndicats au Conseil économique, social et environnemental n'est pas conforme à ce qu'elle devrait être s'il était tenu compte des résultats des élections prud'homales. Il convient de remédier à ce hiatus, ce qui ne devrait pas poser de difficultés particulières puisque le décret en Conseil d'État précisant la répartition des sièges pourra inclure un mécanisme permettant d'ajuster les effectifs du collège des salariés en fonction des scores aux élections prud'homales.
Notre groupe a déposé des amendements qui vont dans le sens des remarques que je viens de formuler. Si l'examen des articles permet à ce texte d'évoluer dans le bon sens, nous le voterons. Dans le cas contraire, nous nous abstiendrons.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi organique soumis aujourd'hui à notre examen constitue la deuxième étape de la réforme du Conseil économique et social. Cette entreprise de modernisation se traduit par l'élargissement de la compétence du Conseil aux questions environnementales, la modification de sa composition et la création des saisines parlementaire et par voie de pétition.
Au travers de la qualité des avis qu'il a pu rendre, le Conseil a permis d'éclairer les gouvernements dans les choix qu'ils devaient opérer. Pour continuer de remplir sa précieuse mission de conseil, le Conseil économique, social et environnemental doit demeurer pleinement représentatif. Plus il sera fidèle à l'expression de la société française dans sa diversité, dans ses évolutions, plus il fera entendre la voix des grandes activités du pays, comme le disait le général de Gaulle. La qualité de la représentation des intérêts socio-économiques, à laquelle s'ajoute désormais une dimension environnementale, confirme la légitimité de cette institution et l'intérêt de ses travaux.
Compte tenu de l'évolution de notre société, je me réjouis de la disposition centrale du projet, qui consiste à modifier la composition du Conseil économique en créant un pilier environnemental. Ainsi, la composition du Conseil colle-t-elle plus finement aux réalités du pays. Deux nouvelles catégories de membres font leur apparition : les jeunes et les étudiants, d'une part, les associations et fondations agissant dans le domaine de la protection de l'environnement, d'autre part.
Si l'on peut se réjouir de voir la société civile mieux représentée avec l'entrée des jeunes et une plus juste participation des femmes, ainsi que l'intégration de la dimension environnementale, il faut rester attentif à ce que le monde de l'entreprise soit lui aussi bien présent dans sa diversité. C'est pourquoi, parmi les personnes qualifiées en raison de leur expérience dans le domaine économique, il est primordial que l'équilibre entre l'entreprise, l'artisanat et les professions libérales soit privilégié.
En revanche, à mon tour, je regrette l'absence des représentants du secteur du logement, en particulier du logement social. Ce projet ne prévoit plus en effet la présence en son sein de professionnels du secteur du logement à loyer modéré. Seul l'immobilier privé sera représenté à travers les membres désignés par les organisations patronales. Or, et même si j'ai bien entendu tout à l'heure le ministre parler de prudence en ce qui concerne l'équilibre de la représentation, il faut reconnaître que le secteur du logement social représente un poids économique majeur en raison du parc dont il dispose et du nombre de logements qu'il construit par an – près de 90 000. Si les problématiques environnementales doivent être nécessairement prises en compte dans la composition du CESE, il paraît cohérent que le secteur du logement social, très sollicité dans le cadre du Grenelle de l'environnement, puisse y être représenté pour défendre des sujets tout aussi importants comme l'accès au logement ou la mixité sociale et urbaine.
Concernant le rapprochement du CESE et du Parlement, je me félicite d'abord que le Parlement puisse dorénavant consulter le Conseil sur tout problème à caractère économique, social ou environnemental. Ce sera l'opportunité pour les parlementaires de pouvoir élargir leur champ d'expertise. Ensuite, le fait que le CESE ait compétence pour appeler l'attention du Parlement et non plus seulement du Gouvernement sur les réformes qui lui paraissent nécessaires est une avancée intéressante. Enfin, la transmission systématique de tous les avis du CESE aux présidents des deux assemblées parlementaires, et pas seulement ceux pour lesquels elles l'ont saisi, conforte la coopération de nos assemblées.
Pour renforcer le rôle du CESE, il faut éviter les redondances dans les travaux effectués par les différentes instances, comme le Centre d'analyse stratégique, le Comité d'orientation pour l'emploi et tant d'autres comités et groupes d'experts dont le nombre ne cesse de croître.
Mes chers collègues, ce texte ouvre, de toute évidence, une voie de modernité au sein du Conseil économique, social et environnemental. C'est une initiative qu'il faut soutenir, car elle renforce l'institution dans son rôle contributif à une démocratie ouverte et respectée. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, à quoi sert réellement le Conseil économique, social et environnemental ? Je me suis souvent posé la question.
C'est un organe consultatif, mais il est loin d'être le seul. Il est même particulièrement concurrencé par une foule de commissions, de hauts conseils, de hauts comités. Tous ces comités Théodule, qui se créent pour un oui ou pour un non, n'ont aucun lien avec le Conseil économique, social et environnemental, qui aurait pourtant vocation, dans bien des cas, à les chapeauter et à les coordonner, étant donné qu'ils travaillent très souvent dans le même champ d'application. Si le Conseil parvenait à réguler la prolifération des organismes consultatifs, à jouer le rôle de super-comité Théodule, il aurait une véritable utilité, mais ce n'est pas le cas. En l'état, c'est un donneur d'avis parmi d'autres, et je le regrette. Certes, il faut reconnaître qu'il fait du bon travail, mais il n'est pas le seul et je ne vois pas en quoi il se distingue d'autres organismes.
Il a aussi un rôle de représentation des corps intermédiaires, sur lequel je suis assez réservé, car on s'approche là d'un rôle politique. En même temps, j'estime que les corps intermédiaires – je pense aux syndicats, aux associations familiales, aux associations de défense des consommateurs, de l'environnement – ne sont pas assez puissants. Ils ont un rôle essentiel à jouer dans la structuration de la société, dans l'encadrement des attentes sociales, pour éviter que les initiatives ne partent dans tous les sens et qu'au final ce soit à l'État de tout prendre en charge, notamment financièrement. Là aussi, il y aurait des choses à faire et le Conseil économique, social et environnemental serait légitime pour lancer des actions à destination du monde associatif et formuler des propositions.
Depuis la réforme constitutionnelle, le Conseil a également un rôle d'expertise, qui peut être mis au service du Parlement, lorsque celui-ci est saisi de questions complexes. Il ne s'agit pas de donner une opinion, une position, mais d'apporter une expertise technique. Cette expertise fait trop souvent défaut au Parlement, qui dépend des éléments d'informations que lui donne le Gouvernement, sans réelle possibilité d'opérer une contre-expertise.
Le Conseil économique, social et environnemental dispose des talents et des compétences en son sein, tout en étant indépendant du Gouvernement. C'est un champ assez nouveau, qui pourrait, si le Parlement et le Conseil s'en saisissent intelligemment, profiter aux deux institutions.
Malgré son rôle éminent, gravé dans la Constitution, il est évident que le CESE n'est pas un organe politique, car cette assemblée est nommée mais pas élue. Or, en démocratie, seul le suffrage donne une légitimité. Je souhaite insister sur ce point, car, si jusqu'ici il n'y a pas eu grand-chose à redire sur l'attitude du Conseil, il ne faudrait pas qu'une dérive se mette en place, notamment sur les questions environnementales.
La majorité présidentielle a décidé de faire entrer les questions d'environnement et de développement durable dans le champ des compétences du Conseil. C'est acté, on n'y reviendra pas. Ce texte prévoit de créer un collège spécialement dédié à ce sujet, composé d'un nombre restreint d'associations et de quelques individualités. Je suis très réservé sur ce point. Nous aurons l'occasion de revenir plus en profondeur lors de l'examen des articles. Mais, dès à présent, j'entends affirmer qu'il n'est pas question d'institutionnaliser le Grenelle de l'environnement et encore moins d'instaurer une cogestion durable des questions environnementales avec certaines associations.
Le Grenelle de l'environnement est un moment historique, certes important, mais il ne saurait être institutionnalisé, car on prend le risque ainsi de court-circuiter les canaux normaux de la décision politique.
Je n'ai pas apprécié que le Parlement ait été écarté du processus qui s'est déroulé entre l'exécutif et un certain nombre d'associations environnementales. Elles travaillent beaucoup, et parfois bien, mais n'ont qu'une légitimité limitée et ne sauraient se poser en seul partenaire légitime sur le sujet de l'environnement et du développement durable. Si ces associations doivent un jour siéger au Conseil, il faudra qu'elles s'adaptent à l'esprit de l'institution. S'il y a un message que je souhaite faire passer, c'est bien celui-là.
Vous l'avez bien compris, je doute encore beaucoup de l'utilité du Conseil économique, social et environnemental. J'ai également des craintes sur les risques de dérives et d'empiétements sur le domaine politique. J'espère, dans les deux cas, que l'avenir me donnera tort.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Conseil économique, social, et maintenant environnemental, troisième assemblée de France, a vu ses fonctions et sa composition régulièrement modifiées depuis sa mise en place après la première Guerre mondiale.
Pourtant, à la différence de l'Assemblée nationale et du Sénat, elle est dotée d'une fonction essentiellement consultative des différents acteurs du monde économique et social sur les problèmes et enjeux liés à la vie de notre pays.
Portant la voix de la société civile dans ses différentes composantes professionnelles et sociales, qui ne relèvent pas bien évidemment du champ politique et stratégique, elle est censée éclairer les orientations et décisions politiques. Hélas !, malgré la qualité et la diversité de ses rapports et avis, cette assemblée n'a, semble-t-il, jamais trouvé ses véritables légitimité et utilité souhaitées par ses fondateurs.
Ayant eu l'honneur de siéger dans cette assemblée pendant plusieurs années au titre des personnalités qualifiées – je trouve d'ailleurs vraiment dommage que celles-ci soient dévalorisées et je souhaiterais qu'elles soient un peu moins décriées, car elles comptent d'éminents représentants qui ont produit des rapports non moins éminents –, j'avais noté deux obstacles majeurs qui me semblaient réduire l'efficience du Conseil économique et social : d'abord son fonctionnement, un peu trop corporatiste et trop souvent considéré à l'extérieur comme confidentiel ; ensuite sa composition, régulièrement contestée, tant il est difficile d'établir des critères de choix à la fois objectifs et incontestables.
À l'évidence, une réforme s'imposait. Il fallait tout d'abord élargir les compétences du Conseil. C'est ce que propose le projet aujourd'hui, en y intégrant la politique environnementale et surtout la possibilité de nouvelles saisines. Il était nécessaire également de renforcer son rôle vers le Parlement, en lui laissant la possibilité de s'autosaisir pour le compte des assemblées d'élus. Il s'agit là d'une avancée particulièrement significative dans la reconnaissance de son rôle et de son utilité.
Enfin, il fallait mettre en place un conseil plus représentatif des citoyens, tant dans sa composition que sur la possibilité désormais offerte d'agir par voie de pétition.
Je ne reviendrai pas sur les deux premiers points de la réforme qui répondent bien aux préoccupations que j'ai déjà exprimées. Je n'évoquerai que le dernier point, celui de la représentativité, en faisant remarquer, tout en le regrettant, que la disparition du groupe des entreprises publiques entraîne de facto une moindre représentation des entreprises au Conseil, à rapprocher avec le maintien des syndicats de salariés pourtant déjà très largement représentés.
Je note aussi une plus forte représentation du monde associatif et des fondations. Cette position, certes intéressante, privilégie et supprime la place réservée aux représentants du logement, secteur d'activité et de lien social où les enjeux sont particulièrement importants pour les prochaines années.
Ainsi, vous comprendrez, mes chers collègues, qu'au détour de quelques amendements, je puisse proposer qu'une place plus importante soit accordée à ceux qui participent très directement au développement économique et à la création d'emplois dans notre pays. J'ai bien conscience de la relativité de mes propositions dans la mesure où seules comptent la qualité des conseillers intervenant et surtout leur assiduité dans leurs travaux. Cependant, la baisse du nombre de représentants du monde économique et des employeurs me paraît trop forte, ainsi que la disparition des représentants du logement que je trouve fort regrettable, à moins que ces professions ne soient représentées par d'autres groupes, ce qui ne manquerait pas de me rassurer, notamment par des personnes qualifiées, choisies en raison de leurs compétences dans le domaine du logement, ou par des représentants des associations.
Ce texte constitue une avancée très significative et va dans le bon sens. Bien évidemment, je le voterai. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le sujet dont nous débattons n'est pas anodin. Il nous renvoie à cette nécessité ressentie il y a un siècle déjà de rapprocher la représentation du peuple d'autres formes de représentation de la réalité de nos territoires. Et la question est ensuite allée de pair avec la quête d'une construction institutionnelle à même d'apporter à notre pays les bonnes réponses aux bonnes questions.
Depuis 1925 donc, ce qui est aujourd'hui le Conseil économique, social et environnemental n'a cessé d'être objet de réflexion pour le Gouvernement, le législateur et le Constituant. En 1925, à l'initiative d'une très importante organisation syndicale de salariés, fut créé un outil, sinon de démocratie participative – le terme n'est pas d'époque – du moins propre à éclairer les travaux du législateur. Comme le remarque excellemment le rapporteur, il fallut onze ans avant que le Conseil national économique ne voit effectivement le jour. Sans surprise, la Constitution de la IVe République confirma cet enracinement économique de nos politiques publiques : son préambule ajoutait aux textes de 1789 une « constitution sociale » reprise dans le préambule de la Constitution de la Ve République. Alors naquit le Conseil économique et social, avec une composition nouvelle, mais toujours dans le prolongement de cette quête dont le discours de Bayeux du général de Gaulle était encore une manifestation, avec des préoccupations voisines. En 1958 donc, fut créé le Conseil économique et, pour la première fois, social, qui eut désormais rang constitutionnel. La démarche n'était pas close pour autant : jamais le premier Président de la Ve République n'abandonna l'idée d'un mariage fructueux entre démocratie représentative et démocratie participative. C'est ainsi que, en 1969, il proposa aux Français, par référendum, une nouvelle manière de conjuguer la représentation des territoires et celle du corps social et économique, sur fond de réforme du Sénat et de mise en place de la régionalisation.
Jamais le mouvement ne s'est arrêté vraiment, et nous pouvons aujourd'hui nous féliciter que le Conseil économique et social ait acquis une nouvelle dimension, environnementale. C'est que celle-ci est désormais sanctionnée, depuis peu, par la Constitution avec la Charte de l'environnement. La même réforme a inscrit dans l'article 34 de la Constitution, donc dans le domaine de la loi, l'ensemble des questions environnementales. C'est dans le prolongement de ces réformes, mais également d'un siècle de réflexion, que nous nous penchons aujourd'hui sur ce projet de loi organique qui fixe les conditions dans lesquelles la révision constitutionnelle de juillet 2008 deviendra effective pour cet outil essentiel de notre démocratie qu'est le Conseil économique et social.
Outil essentiel aux yeux du groupe UMP en effet, car pour nous l'expression de la souveraineté nationale par le peuple ou ses représentants et celle des forces vives de la nation – « les grandes activités du pays » disait le général de Gaulle – ne s'opposent pas. Les uns décident, les autres éclairent au mieux les décisions, avec une sérénité qui manque parfois aux gouvernants et législateurs pris dans le moment, pour que l'action publique réponde au mieux aux intérêts de nos concitoyens.
Ce texte, perfectible certes comme les travaux de commission l'ont montré, est donc essentiel en ce qu'il apporte de nouveau au Conseil dans sa composition et dans sa capacité de gouvernance.
Sur la composition, j'insiste simplement sur cette grande nouveauté qu'est la place faite aux jeunes et aux étudiants, dont j'espère que le dynamisme pourra se manifester, et sur la volonté de parité affirmée. Si nous avons su le faire pour cet organe consultatif, je ne doute pas que nous y réussirons lorsque, prochainement, nous examinerons la réforme territoriale et l'élection des nouveaux conseillers territoriaux.
Le développement durable s'appuie sur trois piliers, économique, social et environnemental. Ce nouvel outil de démocratie participative traduit au niveau national, aux côtés de l'exécutif et du législatif, le caractère désormais incontournable et inscrit dans le paysage politique, du développement durable. Avec ce texte qui met en oeuvre la réforme constitutionnelle de 2008, celui-ci s'affirme comme une volonté et comme une pratique. C'est extrêmement important, à l'heure où certains essaient de brouiller les enjeux et les ambitions. C'est une des raisons, parmi de nombreuses autres, pour lesquelles le groupe UMP, dans son immense majorité, votera le projet de loi organique. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Je me limiterai à trois remarques.
La première a un caractère historique. Par la tentative de réforme constitutionnelle de 1969 que M. Geoffroy vient d'évoquer, le général de Gaulle souhaitait réunir le Sénat et le Conseil économique et social dans une seule assemblée comprenant 173 conseillers territoriaux et 146 conseillers représentant le monde économique et social, avec voix consultative. Il s'inscrivait ainsi, ainsi que son entourage, dans un courant très fort remontant au XIXe siècle et que la Résistance avait alimenté. Ce qu'ils ne voyaient pas alors, c'est que le véritable outil de démocratie économique et sociale sur lequel ils s'appuyaient, c'étaient les commissions de modernisation qui, dans le cadre de la planification à la française, associaient de façon large les véritables acteurs économiques et sociaux à ce projet.
Ma deuxième observation, qui n'est pas sans lien avec la première, est que la difficulté d'être du Conseil économique et social aujourd'hui ne tient pas tant à sa composition qu'à deux autres facteurs. D'abord, le Conseil économique et social n'est pas suffisamment associé au processus de décision sur des sujets importants. Ensuite, chaque fois qu'on entreprend une grande réforme – je laisse ici de côté le dialogue permanent entre les partenaires sociaux, qui a acquis une certaine autonomie –, la tentation est de créer une structure ad hoc de dialogue entre les partenaires. On l'a encore constaté à propos du Grenelle de l'environnement. Cette pratique contribue à affaiblir le Conseil économique et social. Lui donner une compétence environnementale sera peut-être un correctif.
Troisième remarque, le Conseil économique et social a d'ores et déjà pris une place dans le domaine de la construction européenne, mais il serait peut-être bon que le Parlement donne à cet engagement une portée plus forte. Chaque fois qu'il y a un enjeu important à l'échelle de l'Union, le Conseil économique et social s'en saisit. Il l'avait fait sur la directive services. Il le fait aussi en ce qui concerne la stratégie de Lisbonne. On parle aujourd'hui de ce qui va succéder à celle-ci, à savoir la stratégie Europe 2020. L'un des outils de cette stratégie est ce que l'on appelle les « programmes nationaux de réforme ». Ce sont les outils autour desquels doit se définir, dans chaque pays, la stratégie de l'État national par rapport à la grande stratégie européenne. On aurait pu préférer la mise en place de politiques communes, mais les choses étant ce qu'elles sont, il faut faire avec. Quoi qu'il en soit, le Conseil économique et social s'est complètement investi dans cette démarche, et l'on doit regretter que, sur ce sujet comme de façon générale sur les enjeux européens, le parlement français ne soit pas davantage impliqué. S'il s'impliquait davantage, il serait possible de nouer une alliance beaucoup plus forte avec le Conseil économique et social, qui, lui, est extrêmement présent sur ces dossiers.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, on peut certes discuter de la composition du Conseil économique et social, mais la vraie question, c'est de savoir sur quels enjeux, sur quels objectifs nous sommes décidés à travailler ensemble.
Madame la présidente, messieurs les députés, monsieur le rapporteur, je voudrais tout d'abord remercier les orateurs qui se sont exprimés pour la qualité de leurs interventions et pour la courtoisie des échanges qui se sont instaurés. Nous sommes, je crois, en train de faire la démonstration qu'il nous est possible – mais nous le vérifierons à la fin de l'examen de ce texte – de changer une institution aussi utile et importante que le Conseil économique, social et environnemental en partageant, sur les différents bancs, une même conception de son rôle, de sa place et de sa mission au sein de nos institutions et dans l'organisation de notre démocratie.
Je voudrais tout particulièrement remercier le rapporteur. À l'occasion de la discussion qui va s'instaurer sur les cinquante-huit amendements, nous pourrons revenir sur les questions très précises que vous avez, les uns et les autres, soulevées. Si vous me le permettez, je voudrais dès à présent préciser, sur quelques points, ce qu'est la volonté et la pensée du Gouvernement.
On a parlé ici des compétences du Conseil, de l'élargissement éventuel des saisines, ainsi que de la composition.
Je voudrais remercier MM. Geoffroy et Garrigue, qui ont très utilement situé le débat dans sa perspective historique et institutionnelle. Leur éclairage a montré que si nous tâtonnions, certes, nous progressions néanmoins. Il faut peut-être prendre cela en considération, à un moment où notre société, qui est d'une très grande complexité, est inquiète quant à son avenir. Dans une démocratie digne de ce nom, il est essentiel qu'existe, au sein des institutions majeures de la République, un conseil économique, social et environnemental. Certes, il n'a pas la même légitimité que celle que confère le suffrage universel. Mais il n'en a pas l'ambition, ce qui lui donne au contraire une place et une importance sans pareilles dans les rouages politiques et administratifs de notre pays. Il constitue en quelque sorte un sas de décompression et de réflexion, cette réflexion qui manque parfois à nos assemblées parlementaires, car nous sommes en permanence écartelés entre l'instantané et la réflexion, entre ce qui est parfois superficiel et ce qui est essentiel.
Dans cette perspective, le Conseil économique, social et environnemental peut nous aider à cheminer. La place qui est aujourd'hui la sienne est modifiée. Il est logique qu'elle le soit puisque notre Constitution a pris en compte la dimension environnementale. Il me semble que cela est rassurant quant à notre capacité à aborder des problèmes qui sont parfois nouveaux pour un certain nombre de nos compatriotes, mais qui ne sont pas sans répercussion pour l'avenir.
À partir de là, je comprends toutes les questions qui peuvent se poser sur la composition du Conseil. Tout ce qui a été dit est légitime. Cette composition est, comme cela a été dit, un château de cartes. C'est un édifice très fragile. L'effectif a été maintenu, et c'est heureux, à 233 membres. Dès lors, on ne pourra jamais, comme on le souhaiterait, faire en sorte que tout le monde soit représenté, par bloc de compétences.
C'est pourquoi, dans la discussion des amendements, je réclamerai un peu d'espace, un peu d'oxygène, un peu de liberté pour le Gouvernement. Car c'est là que la nomination de personnalités qualifiées prend tout son intérêt. Je veux dire ici que, tant en ce qui concerne la saisine que la nomination, il faut faire confiance aux présidents des assemblées.
Monsieur Vidalies, nous sommes bien d'accord pour dire qu'on ne pourra plus, à l'avenir, nommer des personnes dans des conditions qui sont celles que nous n'avons pas oubliées, ni vous ni moi, et ce quel que soit d'ailleurs le Gouvernement en place.
Sur ce sujet de la composition, nous devons être extrêmement prudents. Je prends un exemple. Vous avez, les uns et les autres, et non sans raison, évoqué l'insuffisante représentation du secteur du logement et du logement social. Il n'a pas complètement disparu dans la construction que nous vous proposons, puisque, dans le cadre des coopératives non agricoles, un siège lui est dévolu. C'est une réalité. On peut en discuter, le Gouvernement est ouvert. Mais il ne faudrait pas que notre discussion ait pour effet d'ouvrir une marmite que nous ne maîtriserions plus. On nous propose des nominations à partir de secteurs très importants pour notre société, celui de la santé par exemple. Mais il arrivera un moment où ce sera le blocage.
Je veux donc vous dire par avance, et en m'en excusant, que je serai peut-être obligé d'émettre, au nom du Gouvernement, un avis défavorable à tel ou tel amendement. Ces avis ne seront en rien une marque de défiance à l'égard de telle ou telle catégorie. L'explication est tout autre : c'est que je suis obsédé par la construction de cet édifice, afin que son équilibre corresponde à ce que nous souhaitons, les uns et les autres.
Voilà, mesdames, messieurs les députés, ce que je voulais vous dire, en vous remerciant une fois encore de vos interventions. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi organique relatif au Conseil économique, social et environnemental.
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante-cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma