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Intervention de Bertrand Pancher

Réunion du 6 avril 2010 à 15h00
Conseil économique social et environnemental — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBertrand Pancher :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le mouvement initié par le Grenelle de l'environnement place le Conseil économique, social et environnemental au coeur d'une nouvelle démocratie environnementale qu'il convient de structurer.

La révision constitutionnelle de juillet 2008 nous a permis d'envisager une profonde évolution du CESE, qui disposera dorénavant de compétences accrues : il devra être obligatoirement saisi par le Premier ministre pour les lois de programmation en matière environnementale et pourra être consulté par le Parlement pour les autres lois ; il pourra être également saisi par voie de pétitions citoyennes, qui prennent corps dans le texte que nous examinons aujourd'hui.

En parallèle, ce projet de loi a pour objectif de renforcer la légitimité du Conseil économique, social et environnemental, en assurant notamment une meilleure adéquation de sa composition, inchangée depuis 1958, aux évolutions de la société civile.

Les parties prenantes du Grenelle ont très vite saisi l'intérêt d'organiser la concertation entre différents acteurs qui, jusqu'à présent, s'ignoraient. Ils se sont découverts et ont souhaité continuer à travailler ensemble afin d'être associés aux décisions. Ils ont privilégié le cadre d'un conseil économique, social et environnemental ouvert à d'autres membres de la société civile, et profondément rénové dans son fonctionnement.

Sur la base d'une mission que j'ai effectuée en 2008 à la demande de M. le Premier ministre et du ministre d'État, ministre de l'écologie, ainsi que sur celle d'un rapport, demandé à Dominique-Jean Chertier, le Gouvernement a décidé de mener à bien la rénovation du CESE. Je tiens à remercier le Président de la République qui en a, lui aussi, compris l'intérêt.

La recherche d'une meilleure adéquation dans la composition du CESE se traduira, à l'issue du vote du texte dont nous discutons aujourd'hui, par l'entrée de nouveaux acteurs environnementaux au niveau national. Cette évolution de la représentation de la société civile trouvera écho au niveau régional par la réforme de la composition des conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux, abordée dans le cadre de la loi Grenelle 2.

Il serait, par conséquent, logique de réfléchir à la représentation de la société civile française au niveau européen, qui se manifeste au niveau du Comité économique et social européen. Je déposerai des amendements en ce sens dans le cadre du projet de loi Grenelle 2. Le renouvellement de la composition du Conseil économique et social européen, qui interviendra en septembre 2010 dans le cadre de la mise en place du Traité de Lisbonne, sera une occasion parfaite pour nommer une délégation française reflétant la composition du Conseil économique, social et environnemental français.

Outre la réflexion sur la question, qui n'est pas mineure, de la représentation de la société civile, de l'évolution de la composition du CESE, des règles de représentativité des nouveaux acteurs et enfin du rôle que pourrait dorénavant jouer un conseil rénové, se pose une question encore plus importante : celle du fonctionnement du Conseil économique, social et environnemental.

Faire délibérer les acteurs de la société civile, c'est bien, les faire travailler sur des sujets de fond, c'est-à-dire sur des projets de réformes à mettre en oeuvre, c'est beaucoup mieux.

Le renforcement de la légitimité du CESE est assuré dans le texte que nous examinons par la mise en place de nouvelles procédures de saisine – par les présidents des deux assemblées et par voie de pétition. Mais cela ne doit pas occulter d'autres problèmes. Ainsi, jusqu'à présent, il a été reproché au CESE de s'autosaisir de trop de sujets. De leur côté, les membres du Conseil ont déploré que leurs avis ne soient souvent qu'imparfaitement pris en considération. La réforme constitutionnelle a limité le champ de saisine du CESE par notre parlement aux lois de programmation économique, sociale et environnementale et nous offre la possibilité de consulter les représentants de la société civile à propos des autres lois.

Est-il possible d'étendre ce champ de saisine obligatoire à d'autres domaines ? Ne doit-on pas envisager de nouvelles procédures de saisine, notamment par le biais des présidents des commissions parlementaires ? Et comment s'assurer de la qualité de la restitution des propositions du CESE à notre assemblée ? Il s'agit d'une question fondamentale. Comment, enfin, matérialiser les réponses que nous apportons à ces recommandations ?

Les membres de la société civile nous disent être prêts à travailler au côté des pouvoirs publics, mais ils demandent qu'il soit rendu compte de leurs avis. En d'autres termes, ou bien le Conseil économique, social et environnemental sortira renforcé de la future réforme et sera considéré comme une force de proposition à l'égard du Parlement et du Gouvernement, ou bien nous ne changerons pas fondamentalement son fonctionnement et le pouvoir de pétition introduit par notre Constitution ne sera jamais utilisé. En effet, on ne peut à la fois s'engager dans une grande réforme renforçant la concertation et faire fi des avis et des recommandations des acteurs.

Dès lors, deux idées très simples permettraient de revaloriser la fonction consultative du Conseil économique, social et environnemental.

La première consiste à intervenir le plus tôt possible dans le processus d'élaboration des décisions publiques, afin d'accomplir un véritable travail prospectif. Le Conseil serait ainsi amené à rendre des avis dits exploratoires. Du reste, cette procédure est régulièrement utilisée au niveau européen.

La seconde consiste en un dialogue actif entre le Conseil économique, social et environnemental, d'une part, et le Gouvernement et le Parlement, d'autre part. En amont, ce dialogue repose sur l'échange de programmes de travail, afin d'obtenir de chaque interlocuteur une vision à moyen terme, de manière à en débattre sereinement. Dans la même perspective, il convient d'organiser des rencontres politiques régulières favorisant des échanges de vues, notamment au sujet du programme. En aval, ce dialogue politique actif suppose que soit instaurée une obligation de suivi, telle que celle aujourd'hui en vigueur au Comité économique et social européen : la Commission européenne transmet chaque trimestre à ce dernier un rapport détaillant les suites données aux différents avis qu'elle a reçus. L'analyse statistique de ces rapports a montré que plus de 70 % des avis du Comité ont été pris en considération par la Commission, donc ont eu une portée significative. Au total, bien que diffus, l'effet des avis rendus par le Comité n'en est pas moins réel.

Je propose donc que le texte dont nous débattons réponde à ces questions, soit directement, soit indirectement. On pourrait, par exemple, envisager une charte de fonctionnement conclue entre le CESE, d'une part, et le Parlement et le Gouvernement, d'autre part, sur le modèle européen. Cette charte devrait notamment préciser les suites données par le Gouvernement et le Parlement aux diverses propositions et préconisations du Conseil.

Par ailleurs, je souhaiterais qu'à l'issue du premier mandat du Conseil économique, social et environnemental, tel qu'il sera réformé par le projet de loi, nous dressions un premier bilan de cette réforme. L'idée d'une évaluation à mi-parcours, c'est-à-dire au bout d'un an ou deux, me semble en effet indispensable.

J'insiste enfin sur l'importance, dans la structuration de la gouvernance environnementale à laquelle la réforme du CESE fait écho, du développement d'une collaboration plus étroite entre le CESE national et ses déclinaisons régionales. Je regrette en effet la faible articulation entre ces deux niveaux de consultation et d'analyse, dont les relations devraient, à l'avenir, être régies en pratique par un principe de subsidiarité, selon les domaines abordés.

Après avoir attendu plusieurs années que la Convention d'Aarhus se concrétise, nous allons enfin pouvoir associer à nos décisions les acteurs et les populations concernés. Le Grenelle de l'environnement a préfiguré l'instauration d'une nouvelle démocratie environnementale, fortement plébiscitée par nos concitoyens. Désormais, la réforme du CESE dont nous allons débattre doit permettre de faire émerger une nouvelle gouvernance, en réponse aux demandes croissantes de participation émanant de toute la société civile, auxquelles nous nous sommes engagés à répondre et que nous ne devons plus ignorer.

C'est l'une des pierres que nous apportons à l'édifice de la nouvelle démocratie environnementale réclamée par tous les acteurs du secteur lors du Grenelle de l'environnement. Et il s'agit assurément de l'une des sources de réussite de toutes nos actions dans ce domaine. Le développement de demain s'articulera autour de règles et de valeurs. Ces puissantes règles qui reposent sur nos valeurs, tous devront se les approprier, sans quoi elles seront remises en question. La structuration du fonctionnement du CESE illustrera ce nouveau modèle. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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