Consultez notre étude 2010 — 2011 sur les sanctions relatives à la présence des députés !

Séance en hémicycle du 26 janvier 2010 à 21h45

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures quarante-cinq.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi, modifiée par le Sénat, renforçant la lutte contre les violences de groupes et la protection des personnes chargées d'une mission de service public (nos 2093, 2237).

La parole est à M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la justice.

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, moderniser notre arsenal juridique pour faire face à une délinquance en constante évolution relève de notre responsabilité partagée. La proposition de loi soumise à votre examen vise à renforcer la lutte contre les violences de groupes et la protection des personnes chargées d'une mission de service public. Le texte a été adopté en première lecture à l'Assemblée nationale – je m'en souviens, c'était l'un des premiers textes que nous avions suivis avec la garde des Sceaux – avant de passer au Sénat. Il a fait l'objet d'un nouvel examen approfondi par votre commission des lois ; j'en profite pour saluer le remarquable travail du rapporteur qui s'est beaucoup investi sur ce dossier afin de trouver un point d'équilibre.

Chacun peut le constater, les hommes et les femmes chargées de la protection des Français sont confrontés à une délinquance très violente à l'encontre des personnes et des biens, caractérisée par l'émergence de deux phénomènes, à commencer par le rôle des bandes dans la montée de la violence, y compris la violence dite non crapuleuse. En recherchant la confrontation violente avec les forces de l'ordre, ces bandes peuvent être à l'origine de véritables scènes de guérillas urbaines, laissant derrière elles des fonctionnaires blessés, parfois gravement, des commerces saccagés, des véhicules et du mobilier urbain incendiés, un voisinage traumatisé. Ces images ne relèvent pas du fantasme, mais d'une triste réalité que nous avons tous pu constater, déplorer. Les événements de la gare du Nord, de Gagny, de Poitiers, sont encore dans nos mémoires parce qu'ils sont les plus spectaculaires, mais nous avons tous été confrontés dans nos villes à ce type de situation – je pourrais moi-même en témoigner.

Par ailleurs, aucun territoire, aucune structure n'est plus épargnée par la violence qui s'étend aujourd'hui à des lieux longtemps préservés et essentiels à la cohésion sociale. Il en est ainsi de l'école qui n'est plus le sanctuaire qu'elle devrait pourtant être.

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice

Le 8 janvier dernier, un lycéen de dix-huit ans a été poignardé au sein d'un établissement scolaire du Kremlin-Bicêtre. C'est malheureusement un exemple parmi d'autres qui ne se rencontrent d'ailleurs pas qu'en région parisienne.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Et le Gouvernement a supprimé les postes de surveillants !

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice

Cet événement dramatique achève de nous convaincre que l'école est parfois devenue le théâtre de violences inacceptables contre les élèves et contre le corps enseignant.

Il en va de même, dans un tout autre registre, des stades. Rien n'est plus opposé à l'esprit du sport que les violences qui perturbent trop souvent les manifestations sportives, notamment aux abords des stades. Et cette fois encore, je ne pense pas uniquement aux grands matchs ou aux hooligans : ces phénomènes que nous ne connaissions pas il y a dix ou vingt ans touchent à présent nos villes et nos campagnes, sans distinction.

Mesdames et messieurs, parce que la délinquance évolue, nos réponses doivent elles aussi évoluer.

La proposition de loi vise à adapter nos réponses à ces nouvelles formes de violence en prévoyant de nouveaux moyens, juridiques, opérationnels et technologiques, ainsi que des mesures ciblées sur certains lieux symboliques.

S'agissant tout d'abord des moyens juridiques, il faut bien constater que les incriminations existantes ne suffisent plus aujourd'hui pour lutter contre les bandes violentes, qu'il s'agisse de l'interdiction des attroupements ou de l'association de malfaiteurs.

L'infraction de participation à une bande violente, créée par la proposition de loi, permettra de mieux appréhender la réalité du phénomène. Le Sénat en a modifié la rédaction pour écarter tout risque d'assimilation à une responsabilité pénale collective ; cette nouvelle rédaction, qui répond au principe de sécurité juridique, permettra tout à fait de remplir les objectifs de lutte contre les bandes.

L'infraction permet de lutter contre l'impunité recherchée par les personnes agissant en groupe sans pour autant établir une responsabilité collective : chacun, en participant par des actes matériels au groupe et en poursuivant un même objectif délictueux, se rend personnellement coupable de l'infraction.

Votre commission a rétabli un quantum de peine plus élevé que ce que proposait le Sénat. Le Gouvernement entend privilégier le seuil d'un an, ce qui permettrait, comme le souhaitait le rapporteur, d'assurer une répression efficace par le placement en garde à vue et le recours à la comparution immédiate.

Contre les infractions commises à visage dissimulé, la proposition de loi prévoit une nouvelle circonstance aggravante. Les deux assemblées se sont accordées pour sanctionner plus sévèrement ce type d'infraction qui aggrave le traumatisme des victimes et complique le travail d'identification de la justice. Le Gouvernement partage cet objectif et approuve cette nouvelle gradation.

S'agissant des nouveaux moyens opérationnels et technologiques prévus pour faciliter le travail des forces de l'ordre, la proposition de loi précise le cadre d'exercice de la police d'agglomération. On le sait bien, la délinquance moderne se joue des frontières administratives. Afin d'adapter l'organisation de la sécurité aux bassins de délinquance, le Sénat a adopté un amendement pour étendre les compétences du préfet de police aux départements de Paris et à ceux de la petite couronne pour la totalité du maintien de l'ordre public. Cette mesure n'est pas inutile : sur dix personnes interpellées chaque jour à Paris, six ne résident pas dans la capitale intra muros.

Cette nouvelle organisation, c'est certain, renforcera la cohérence de l'action de la police dans la capitale et dans les départements limitrophes.

Votre commission a par ailleurs souhaité éviter de rigidifier l'enregistrement audiovisuel des interventions par les services de police. Le Gouvernement est favorable à ces enregistrements mais il partage l'avis du rapporteur : il n'est pas nécessaire que la loi réglemente les enregistrements dès lors qu'ils ont lieu sur la voie publique et non dans un lieu privé.

L'article 4 pourrait en effet être perçu comme un obstacle à l'utilisation des enregistrements par les forces de l'ordre, et donc contre productif, aussi le Gouvernement est-il favorable à sa suppression, comme il en a été décidé en commission.

Mesdames et messieurs, protéger nos concitoyens nous oblige aussi à cibler des mesures sur certains lieux symboliques.

S'agissant tout d'abord des stades, il convient de renforcer les mesures existantes, en premier lieu les mesures de prévention. La proposition de loi prévoit de doubler la durée des interdictions administratives de stade. Elles pourront être portées à six mois et interviendront dès le premier trouble à l'ordre public. L'infraction d'introduction de fumigènes dans les stades sera élargie : l'usage et la détention de ces fumigènes seront également incriminées.

Sanctuariser l'école enfin est un objectif essentiel du texte. L'école est en effet un lieu d'apprentissage, où se transmettent les règles de la vie en commun ; elle doit le demeurer. Les récents événements ont démontré la nécessité de protéger les écoles, leurs abords et les personnels qui y travaillent.

Monsieur le rapporteur, vous avez souhaité réintroduire plusieurs dispositions que le Sénat avait écartées et renforcer le quantum des peines applicables à certaines infractions ; le Gouvernement partage votre objectif de disposer d'un arsenal législatif adapté à l'évolution de la délinquance. Pour protéger les écoles, il faut les préserver des violences venues de l'extérieur.

Les débats permettront de déterminer des quantums de peines proportionnels aux comportements incriminés, afin de garantir une gradation des peines en fonction du nombre de circonstances aggravantes. Ainsi, le fait de pénétrer dans un établissement scolaire avec une arme pourrait être réprimé plus sévèrement pour les personnes n'étant pas elles-mêmes autorisées à entrer dans l'établissement.

Mesdames et messieurs les députés, la sécurité est la première des libertés. C'est la condition de toutes les autres : liberté d'aller et venir sans que certains territoires ne soient accaparés par quelques individus, liberté d'enseigner et de s'instruire dans les écoles de la République sans que des armes ne circulent dans les établissements scolaires, liberté de manifester pour exprimer ses idées sans craindre la menace de casseurs ou de pillards, sans parler de l'image désastreuse que ces scènes donnent de manifestations dont ce n'était pas, loin s'en faut, l'objectif.

La proposition de loi soumise à votre examen renforce ces libertés. Elle réaffirme un objectif que nous partageons tous : garantir la protection de chacun, en toutes circonstances, sur tous les territoires de la République. C'est notre devoir. C'est notre responsabilité au service de notre pays et de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Éric Ciotti, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le combat contre la délinquance constitue une véritable guerre de mouvement. Quotidiennement, la délinquance évolue, se déplace et revêt de nouvelles formes.

Nos dispositions juridiques doivent elles aussi s'adapter en permanence.

En mai 2009, le Président de la République a émis le voeu que la représentation nationale élabore un texte visant à lutter contre deux formes de délinquance en augmentation ces dernières années:…

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

…les violences commises en bande et les violences scolaires.

La proposition de loi contre les violences de groupe déposée en juin 2009 par Christian Estrosi et cosignée par plus de 200 de nos collègues, arrive aujourd'hui en seconde lecture devant notre assemblée.

Ce texte revêt une utilité incontestable, en premier lieu parce qu'il s'appuie sur un constat réel et sans appel: en 2008, 222 bandes étaient répertoriées en France ; en 2009, plus de 510 bandes ont été identifiées. En 2009, six décès ont été déplorés, 153 blessés dont quatorze sérieusement du fait d'affrontements entre bandes.

Personne ne peut accepter la mort d'un jeune en raison d'une guerre imbécile entre quartiers ou territoires imaginaires.

Une recrudescence des incidents en milieu scolaire a également été constatée dès la rentrée de septembre.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Il ne fallait pas supprimer des postes de surveillants ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

Même si le personnel enseignant n'est malheureusement pas épargné, ce sont les élèves qui sont les premières victimes de ces violences scolaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Il ne fallait donc pas supprimer les postes de surveillants ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

Quand bien même vous le contestez, monsieur Roy, personne ne peut accepter qu'un enfant passe du statut d'élève à celui de victime !

Ensuite, cette proposition de loi est nécessaire car elle apporte aux forces de l'ordre des solutions concrètes, des outils pragmatiques, bref, les moyens d'agir. Elle poursuit deux objectifs majeurs : premièrement, agir préventivement contre les violences commises en groupe en créant une incrimination nouvelle de participation, en connaissance de cause, à un groupement qui poursuit le but de commettre des violences volontaires ou des dégradations de biens ; deuxièmement, assurer la sanctuarisation des établissements scolaires et de mieux protéger les personnels contre les violences, notamment en correctionnalisant l'intrusion et l'introduction d'armes dans un établissement scolaire et en protégeant mieux la communauté éducative.

N'en déplaise à ceux qui se complaisent dans l'angélisme, dans la naïveté,…

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Ça, c'est tout l'UMP : ils suppriment les postes de surveillants et après ils s'étonnent !

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

Heureusement, certains membres de l'opposition – j'espère qu'ils vont nous rejoindre en séance –, tel Manuel Valls, sont conscients de cette réalité et ont reconnu être tentés de voter ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

En tout cas Manuel Valls a voté contre en première lecture !

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

Il n'y a qu'un pas entre la tentation et le vote et j'espère que la seconde lecture leur permettra de le franchir. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

Eh bien, je m'en réjouis, et souhaite qu'un consensus se dégage sur tous ces bancs pour lutter contre ces actes intolérables sur le territoire de notre République.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

Lors de son examen en première lecture, l'Assemblée avait sensiblement enrichi le texte. Ont ainsi été introduites des dispositions destinées à prévenir la commission d'infractions dans les halls d'immeubles.

L'article 4 bis permet notamment le raccordement des forces de l'ordre aux systèmes de vidéo-protection des propriétaires d'immeubles collectifs à usage d'habitation, afin de faciliter, en cas de nécessité, l'intervention des forces de l'ordre.

L'article 4 quater tend à compléter le code de la construction et de l'habitation afin de prévoir que les personnes reconnues coupables d'occupation abusive des halls d'immeubles encourent, à titre de peine complémentaire, un travail d'intérêt général.

Enfin, l'article 2 bis, réglementant les activités privées de sécurité, permet aux agents de surveillance ou de gardiennage employés par les propriétaires d'immeubles collectifs à usage d'habitation, de porter une arme de sixième catégorie dans l'exercice de leur mission, sur la proposition de notre excellent collègue Philippe Goujon.

Lors de son examen, le Sénat a, à son tour, enrichi le texte, introduisant des dispositions relatives aux violences commises dans des enceintes sportives et à la police d'agglomération en région Île-de-France.

En revanche, la Haute assemblée est revenue sur certaines dispositions adoptées par l'Assemblée. La commission des lois de notre assemblée a adopté les onze amendements déposés à mon initiative pour conserver l'esprit initial de la loi, vous l'avez rappelé, monsieur le secrétaire d'État, ce dont je vous remercie.

Elle a notamment réintroduit le délit d'introduction d'arme dans un établissement scolaire. J'estime que les dispositions en question sont fondamentales et doivent être assorties d'une peine véritablement dissuasive. Chaque parent attend de l'État la garantie que son enfant puisse recevoir un enseignement en toute sécurité.

L'importance de la section VI du texte réside dans le fait qu'il permet de couvrir les cas de port d'armes par destination.

Le Sénat avait par ailleurs introduit l'obligation de saisir la CNIL d'un avis sur le décret en Conseil d'État qui devra préciser les modalités du raccordement des forces de l'ordre aux systèmes de vidéo-surveillance que je viens d'évoquer.

La commission a estimé que le Sénat avait commis une erreur d'appréciation : l'objectif de l'article est d'étendre la possibilité de visionnage des images filmées et non de permettre un quelconque traitement de celles-ci. Je rappelle que les forces de l'ordre sont d'ores et déjà habilitées à entrer dans les halls d'immeuble. Il s'agit seulement ici de leur permettre de consulter les images afin qu'ils puissent mieux préparer leurs interventions. Dès lors, la CNIL n'a aucunement à intervenir dans ce dispositif.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Vous confirmez par là que vous ne voulez avoir aucun contre-pouvoir !

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, ce texte offre les moyens juridiques aux forces de l'ordre de combattre ces nouvelles formes de délinquance que constituent les violences de groupe.

Nous ne devons pas ménager nos efforts pour enrayer ces phénomènes que nous connaissons tous sur le terrain. Nous devons adresser un message clair de fermeté à tous ceux qui seraient tentés de croire que les crimes ou les délits sont plus excusables lorsqu'ils sont commis en bande. Nous devons agir avec la même force pour que toute la communauté éducative ressente que l'école de la République est et restera un sanctuaire.

Voilà les défis que ce texte vous propose de relever et qui seront, je l'espère, partagés sur tous ces bancs. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à Mme Delphine Batho. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, chers collègues, la première lecture de cette proposition de loi, chacun s'en souvient, s'était déroulée dans des conditions un peu particulières, le jour même du remaniement gouvernemental du 23 juin dernier, l'auteur du texte, Christian Estrosi, n'étant plus là en tant que parlementaire pour le défendre.

Cette deuxième lecture, qui commence alors que le Sénat a profondément remanié le texte – certains collègues de la majorité pourraient même considérer qu'il a été massacré par la Haute Assemblée –,…

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

…se déroule dans une relative indifférence. Aussi l'examen de cette proposition de loi, présentée comme la pierre angulaire du plan d'action contre les bandes annoncé par Nicolas Sarkozy le 18 mars dernier à Gagny, va-t-il s'achever assez piteusement. À tel point que, le 1er janvier, au lendemain de ses voeux, le Président de la République lui-même a annoncé que le Gouvernement allait s'occuper des bandes tout en reconnaissant qu'il fallait repenser sa politique en ce domaine – c'est dire…

Depuis le 18 mars et l'annonce fracassante des fameuses seize mesures pour lutter contre les bandes violentes, qu'est ce qui a changé ?

Des policiers se sont fait tirer dessus à l'arme lourde à la Courneuve. L'intensité des incidents du 14 juillet ou de la Saint-Sylvestre a battu tous les records, quoi qu'en disent les chiffres mensongers du ministère de l'intérieur. Il y a eu deux morts dans une fusillade en septembre à Saint-Ouen, un mort dans une fusillade à Lyon en décembre, un mort dans des affrontements liés à un règlement de compte entre bandes au centre commercial de Cergy en janvier !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

C'est certainement la faute au Gouvernement !

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Depuis le début de ce mois, on dénombre des blessés dans des rixes à Villeneuve-le-Roi, Chennevière-sur-Marne, Épinay-sur-Seine, Bondy, Tremblay-en-France...

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Herbillon

C'est bien pourquoi il faut lutter contre l'insécurité !

Debut de section - PermalienPhoto de George Pau-Langevin

C'est ce que fait la majorité avec l'efficacité qu'on voit, monsieur Herbillon !

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Quant aux violences ordinaires, la récente enquête de victimation de l'Observatoire national de la délinquance révèle une augmentation significative du nombre de victimes de violences physiques – près de 2 millions –, tandis que, dans le même temps, le taux de plaintes baisse de quatre points. S'il y a un mot pour qualifier la politique du Gouvernement, c'est celui de l'impuissance.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Et pourtant le ministre de l'intérieur le maintient : l'insécurité recule...

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

La délinquance baisse et vous ne le voyez pas !

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Chers collègues de la majorité, vous ne manquez jamais une occasion de rappeler le bilan de certains gouvernements passés…

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

…qui, en effet, avait échoué face à l'insécurité. C'est d'ailleurs souvent votre seule réponse à nos arguments, et je ne doute pas que nous l'entendrons encore ce soir, comme si l'échec des gouvernements passés vous exonérait de vos propres responsabilités, comme si vous préfériez débattre avec le gouvernement Jospin d'avant-hier plutôt qu'avec l'opposition d'aujourd'hui.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Nicolin

Vous n'êtes pas crédibles en matière de sécurité !

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Le paradoxe, c'est que vous dénoncez le bilan des gouvernements d'hier mais que, finalement, vous n'en avez tiré aucune leçon.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Nicolin

Et vous, vous n'en avez tiré aucune de vos échecs !

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Et vous reproduisez à votre tour les mêmes erreurs : vous ne voulez pas regarder la réalité en face, vous prétendez réussir alors que tout montre le contraire.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Pire, vous faites des numéros d'autosatisfaction plutôt indécents au regard de ce que vivent les victimes de l'insécurité.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

J'entendais hier le Président de la République souhaiter être jugé sur ses actes. Alors examinons-les. Depuis notre débat du 1er juin, en première lecture, nous pouvons en dénombrer principalement quatre – si je mets de côté la question du Grand Paris de la sécurité, sur laquelle je reviendrai.

La première décision a été de supprimer 2 744 postes de policiers et gendarmes dans la loi de finances pour 2010.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

La deuxième décision a consisté à décider d'arrêter net le développement des UTEQ qui, bien que représentant une forme de retour à un travail de sécurité et de proximité, étaient loin d'être la panacée puisqu'il s'agissait essentiellement de saupoudrer quelques effectifs de ci de là. Toujours est-il que ce dispositif, à peine créé, début 2008, est supprimé fin 2009, alors même que Nicolas Sarkozy avait annoncé, précisément le 18 mars à Gagny, l'accélération du déploiement de cent UTEQ qui ne verront donc jamais le jour.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

De même, on ignore si l'annonce, le 25 mai dernier, d'un plan concentré sur vingt-cinq quartiers prioritaires et du déploiement de deux cents policiers supplémentaires a été suivie d'effets. Notre collègue Daniel Goldberg y reviendra.

Troisième décision : il n'y aura pas de plan national de prévention de la délinquance. Les mesures présentées par François Fillon début octobre ne sont qu'un habillage de dispositifs existants.

La dernière décision concerne le projet de loi LOPPSI 2 qui devait être « body-buildé », selon l'expression même du ministre de l'intérieur.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Or c'est finalement le texte initial qui sera discuté demain en commission des lois.

Voilà les faits. Ils sont sans rapport avec la fermeté de parole que vous affichez régulièrement.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Ce texte s'inscrit malheureusement dans la stricte continuité d'une inflation législative, chaque loi nouvelle étant présentée comme une sorte de remède à votre propre échec.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Nous avions montré en première lecture qu'il n'y avait pas de vide juridique face aux agissements des bandes violentes, que les dispositions proposées ne seraient pas efficaces et que plusieurs d'entre elles étaient contraires à la Constitution.

Nous voulons ce soir rendre hommage au travail rigoureux du Sénat, en particulier au travail du rapporteur de la commission des lois, François Pillet, qui a, de fait, démantelé la proposition Estrosi sur les bandes.

Nous soutenions qu'il n'y avait pas de vide juridique. Or le Sénat, pages 12, 13, 14 et 15 du rapport de sa commission des lois, rappelle toutes les dispositions en vigueur pour combattre les bandes violentes.

Ce texte, affirmions-nous, méconnaît le principe selon lequel nul n'est punissable que de son propre fait, ce qui revient de fait à instaurer une responsabilité pénale collective. Or, précisément, le Sénat s'est refusé « à créer une forme de responsabilité collective, incompatible avec les principes fondamentaux de notre droit pénal », en modifiant l'article 1er et en supprimant l'article 2.

J'ai d'ailleurs cru déceler, monsieur le secrétaire d'État, en lisant le compte rendu des débats du Sénat, un certain soulagement de votre part tant le risque d'une censure par le Conseil constitutionnel était manifeste.

Cette proposition de loi, disions-nous, ne respecte pas la graduation des peines. Le Sénat a souhaité « restaurer une certaine cohérence dans l'échelle des peines, considérant que la préparation des infractions ne devait pas être punie plus sévèrement que la perpétration de ces mêmes infractions ».

Nous estimions que les dispositions de l'article 3 sur les cagoules seraient inopérantes. Le Sénat les a certes maintenues, mais en ajoutant que « l'effet dissuasif de cette circonstance aggravante n'emporte pas la conviction ».

Je m'arrête là pour ne pas me montrer plus cruelle, car c'est un véritable camouflet que la Haute assemblée a infligé au texte issu des débats de l'Assemblée. Du reste, il ne restait tellement rien de la proposition de loi Estrosi ou si peu, que le Sénat – pour sauver les apparences, sans doute – y a introduit des dispositions empruntées à la LOPPSI concernant le Grand Paris de la sécurité ou les violences commises lors des manifestations sportives.

Pour commencer, au nom du groupe SRC, je veux défendre cette motion de rejet préalable dans sa double dimension.

Tout d'abord, malgré la volonté du Sénat d'expurger du texte toute disposition inconstitutionnelle, la proposition de loi comporte de nouveau des dispositions qui sont contraires à notre loi fondamentale. Je pense notamment à un certain nombre d'amendements introduits en commission des lois à l'initiative de notre rapporteur, en particulier à l'article 1er et à l'article 7. Ces dispositions sont contraires au principe de proportionnalité des peines contenu dans l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Elles sont également contraires au principe selon lequel nul n'est responsable que de son propre fait – je pense ici aux dispositions de l'alinéa 7 de l'article 7.

Cette motion de rejet veut aussi faire reconnaître qu'il n'y a pas lieu de délibérer.

Cette proposition de loi repose en fait sur une illusion. Cette illusion, c'est que le simple fait de créer un nouveau délit d'appartenance à une bande permettrait de régler le problème.

Après les modifications apportées par le Sénat, il ne reste plus rien de cette illusion. Les seules dispositions de cette proposition de loi qui méritent une discussion sont celles qui sont issues de la LOPPSI, et qui seront discutées demain en commission des lois. Il n'y a donc aucune raison d'examiner un texte supplémentaire ce soir alors que la LOPPSI est discutée demain en commission des lois. Il n'y a aucune raison d'adopter une seizième loi sur la sécurité depuis 2002.

C'est proposition de loi est superfétatoire, nous l'avons dit et redit. Face aux bandes délinquantes, le problème n'est pas de changer la législation pénale, mais d'appliquer les textes existants.

Les dispositions proposées, notamment dans ce fameux article 1er, n'apportent pas d'outils juridiques supplémentaires pour les policiers et les magistrats. Au contraire, il sera plus compliqué de prouver qu'une personne a participé sciemment à un groupe, ou qu'il y a eu préparation de l'infraction caractérisée par des faits matériels.

Une fois de plus, le Gouvernement et la majorité passent à côté des vrais problèmes et des vrais remèdes à apporter. Tous ceux qui sont confrontés à la multiplication des affrontements violents, à la mainmise de bandes délinquantes sur certains territoires, élus locaux et professionnels de terrain, demandent d'abord, et de toute urgence, un changement radical de la doctrine d'emploi des forces de police.

La politique du chiffre est totalement contre-productive. Et surtout, la délinquance la plus enracinée n'est pas combattue.

Il faut déployer une véritable police de quartier ; ce n'est pas ce que vous faites avec le Grand Paris de la sécurité. Nous en discuterons. Mais permettez-moi une remarque à ce stade : si une meilleure organisation des forces et une bonne coordination à l'échelle de la région sont nécessaires, c'est d'abord pour reconquérir le terrain qui a été abandonné,…

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

Votre fameuse police de proximité qui n'a jamais rien fait dans les quartiers, parlons-en ! Dix ans après, vous n'avez toujours rien compris !

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

…rétablir une présence sereine et quotidienne de la police dans les quartiers de banlieue, et non pas seulement, comme on peut le lire à la page 9 de votre rapport, monsieur Ciotti, « renforcer les moyens de lutte contre les violences de groupe dans la capitale ». Nous sommes tous attachés à la sécurité des Parisiens. Mais je pense que les phénomènes de bandes doivent être combattus partout. Et si la seule finalité du Grand Paris de la sécurité est de protéger Paris en oubliant la banlieue, ou plus exactement en n'ayant pour seule politique qu'une politique de contention du désordre en banlieue, ce n'est pas acceptable.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Tout aussi urgente est la création d'une grande politique de prévention précoce des violences juvéniles par le déploiement d'un encadrement éducatif renforcé s'attaquant à la racine des problèmes : absentéisme, décrochage scolaire, enfants à la dérive et incontrôlables, absence de repères.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Certains collègues ont sans doute lu la seule étude sur les bandes réalisées par des chercheurs français. C'est l'étude menée par Éric Debarbieux et Catherine Blaya dans le cadre de l'enquête internationale EUROGANG.

Cette étude a été menée auprès de 3 339 collégiens de 12 à 17 ans. Elle montre que 8 % des collégiens font partie d'une bande délinquante.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Mais surtout, elle montre qu'au coeur de ce processus d'adhésion à une bande délinquante, il y a l'assurance que donne le groupe, bien sûr, mais surtout un code de valeurs qui dessine une idéologie de la violence. Quand on regarde qui sont ces collégiens, ont voit qu'ils n'ont, contrairement à des idées reçues, pas plus de problèmes familiaux que les autres. Par contre, ils rejettent l'école à 77 %, ils pratiquent l'absentéisme, la moitié d'entre eux regardent la télévision plus de quatre heures par jour.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Lors du débat en première lecture, nous avions fait sur tous ces problèmes, qu'il s'agisse de la présence de la police sur le terrain ou de la prévention de la violence dans notre société, quinze propositions concrètes, pragmatiques, pour traiter l'ensemble des aspects éducatifs, préventifs et répressifs de la lutte contre l'insécurité. Vous avez beau jeu d'en appeler aujourd'hui au consensus, mais vous avez ignoré toutes nos propositions, qui étaient de bon sens et s'appuyaient sur l'expérience de nos élus. Par sectarisme, vous les avez refusées, arc-boutés que vous êtes sur la défense d'une politique qui ne marche pas.

Nous continuons de penser qu'il n'y a pas de fatalité face à la montée de la violence, qu'une autre politique de sécurité est possible. Elle doit reposer sur la fermeté, mais aussi sur la précocité et la proximité.

Chers collègues, cette proposition de loi ne sera rien d'autre qu'une nouvelle loi d'affichage.

Chacun l'aura compris : après le démantèlement de la proposition de loi Estrosi au Sénat, la majorité est désormais pressée de se débarrasser de ce texte, comme si l'essentiel était de pouvoir dire qu'il a été voté… Et peu importe son contenu.

C'est pourquoi l'Assemblée nationale doit voter cette motion de rejet. D'une part, parce que le texte comporte toujours un certain nombre de dispositions qui ne sont pas constitutionnelles. Et d'autre part, parce qu'il ne s'agit que d'une loi d'affichage, qui ne mérite pas que nous perdions le temps d'en débattre. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Nous en venons aux explications de vote sur la motion de rejet préalable.

La parole est à M. Jean-Claude Bouchet, pour le groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Bouchet

Face à l'essor de bandes déterminées à s'attaquer aux règles et à l'organisation de notre société ainsi qu'aux symboles de notre République, l'État a le devoir de se montrer extrêmement ferme dans sa lutte contre ces violences, parce qu'elles touchent au droit le plus élémentaire de chaque Français : celui de vivre, lui et ses proches, en sécurité.

Oui, la montée de la violence est grave, ainsi que l'angoisse qu'elle fait naître car le sentiment de la peur empêche toute projection vers l'avenir.

Comme chacun peut le constater, les forces de l'ordre doivent faire face à un accroissement de la violence de la part des délinquants en bandes. Cela a été dit tout à l'heure par le rapporteur : 510 bandes en 2009, six morts, 153 blessés, dont quatorze très sérieusement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Bouchet

Je parle de gens disparus, cher collègue, ayez un peu de décence !

Nous, élus locaux, sommes tous amenés à le vérifier malheureusement au quotidien : pollution de quelques quartiers par des bandes, dégradation et occupation d'entrées d'immeubles, incendies de voitures, de poubelles, caillassage de véhicules de pompiers, d'autobus, etc. La liste est longue.

La proposition de loi que nous examinons ce soir en deuxième lecture ne constitue pas un énième texte sécuritaire…

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Mais si ! Et vous le savez. Elle ne sert à rien.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Bouchet

…mais apporte une réponse adaptée à une nouvelle forme de délinquance. Et ceux qui sont sur le terrain le savent très bien. Parce que la délinquance évolue, nos réponses doivent également évoluer. Et contrairement à ce que j'ai entendu, ce n'est pas une loi d'affichage.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Bouchet

Sur un plan général, le secrétaire d'État l'a rappelé, on a constaté une diminution de 4 % des actes de délinquance ces derniers mois. Mais il faut s'adapter face à la délinquance de bande, ce que vous ne savez pas faire. Et nous, nous ne faisons pas d'amalgame.

Trop nombreux sont ceux qui échappent actuellement à la police et à la justice. Le sentiment d'impunité qui se développe chez ces délinquants entraîne l'agacement des élus comme de l'ensemble de la population. Pour les victimes, pour les habitants des quartiers qui souhaitent vivre en sécurité comme pour les parents d'élèves et les familles des policiers blessés, l'absence de punition des coupables est insupportable et injuste. C'est pourquoi il faut des mesures concrètes et ciblées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Bouchet

Il va donc de soi que la sanction est indispensable et doit être suffisante : face à cette forme de délinquance, cela a été dit, l'angélisme n'est pas de mise.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Bouchet

Ne soyons pas naïfs devant l'insécurité. Nous devons adapter nos réponses et faire preuve de détermination face à cette évolution de la délinquance.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Bouchet

Ne laissons pas notre pays devenir une mosaïque de bandes, de cités ou de tribus. La recherche de la sécurité durable impose l'action. C'est la raison pour laquelle le groupe UMP appelle à repousser cette motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour le groupe SRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Puisque nous sommes encore au mois de janvier, je voudrais formuler un voeu…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Que cette année 2010, dans cet hémicycle, soit marquée par moins de lois et par plus de droit. Qu'il y ait plus de stabilité, plus de cohérence législative, moins de réformettes à l'emporte-pièce et moins de courte vue.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Comment ne pas l'espérer, quand on lit dans le dernier rapport du Sénat publié au mois de décembre, que seules 13 % des lois votées en 2009 ont commencé à être appliquées ? Comment ne pas y songer, alors que demain, comme l'a très bien dit Delphine Batho, nous allons étudier, à dix heures et demie, dans des conditions absolument baroques, la LOPPSI, qui reprend en partie les sujets que vous nous demandez d'approuver ce soir ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Nous savons très bien, même si vous ne voulez pas le reconnaître, que nous faisons du travail bâclé. Nous savons très bien, et le Sénat l'a rappelé, que le droit existant est largement suffisant pour lutter contre les brûlures sociales que peuvent provoquer les bandes.

Nous allons donc évidemment voter la motion rigoureusement argumentée qu'a défendue Delphine Batho. La proposition que vous nous soumettez est inutile. Elle contient pour l'essentiel des redites. Elle participe d'une stratégie de répression qui génère plus d'insécurité, tant pour les habitants des quartiers qu'elle entend protéger que pour les policiers qui y travaillent.

En effet, de notre point de vue, ce texte crée une confusion entre la répression nécessaire, efficace, précise, adaptée, et une répression de masse, qui est certes plus facile et plus productive en termes de chiffres à court terme, mais qui s'avère totalement contre-productive à moyen et à long terme.

Car ce texte, s'il est adopté, s'inscrit dans un mouvement général, celui du contrôle et de l'interpellation massive, au lieu de favoriser le travail d'investigation et d'interpellation sélective. Et je ne parle même pas, puisque nous allons y revenir dans les amendements, du flou et des risques juridiques qu'il comporte en ce qui concerne les incriminations qu'il souhaite créer. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

Monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, il n'y aura pas de consensus : le groupe GDR, cela ne vous surprendra pas, votera contre… (Rires sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

…contre le texte et pour la motion de rejet préalable.

En première lecture, nous avions déjà voté contre ce texte répressif et de circonstance, qui ajoute une incrimination supplémentaire à l'arsenal juridique déjà abondant dont disposent les juges pour sanctionner les faits commis en bande.

Je rappelle, et je répéterai tout à l'heure, car certains dans cette assemblée ont quelque difficulté à entendre, qu'existent déjà les incriminations de complicité, d'association de malfaiteurs, d'acte commis en réunion, de participation à une bande organisée : les magistrats n'en demandent pas plus. Cela suffit à sanctionner les faits que vous désignez.

Ce texte ne sert en fait qu'à masquer une incapacité chronique à donner aux magistrats et aux policiers les moyens dont ils ont besoin pour prévenir et combattre la délinquance.

A l'instant, vous avez concédé, monsieur le rapporteur, que la délinquance augmentait – il faudrait d'ailleurs vous entendre avec votre majorité qui prétendait tout à l'heure le contraire. Mais nous savons que, depuis 2002, elle n'a cessé d'évoluer de façon négative malgré l'empilement de lois répressives.

Nous avions souligné, dans notre intervention en première lecture, que cette proposition de loi créait une série d'incriminations supplémentaires pour des faits qui sont déjà sanctionnés par notre législation. Nous avions également pointé un certain nombre d'articles qui contrevenaient aux principes fondamentaux de notre droit pénal. Du reste, la plupart des nouvelles dispositions prévues seront inapplicables, et ne serviront qu'à augmenter le nombre de gardes à vue, sans résultat concret.

Les sénateurs ont examiné cette proposition de loi en novembre dernier. Ils ont modifié le texte, prenant en compte, au moins en partie, nos observations et critiques. Ils ont notamment modifié ou supprimé les dispositions susceptibles d'ouvrir la voie à une forme de responsabilité collective, qui serait incompatible avec les principes fondamentaux de notre droit. Ils ont restauré une certaine cohérence dans l'échelle des peines retenues. Ils ont supprimé un certain nombre de dispositions déjà satisfaites.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

Vous ne retenez aucune des propositions positives du Sénat. Vous croyez peut-être avoir la science infuse ; nous, nous pensons que vous avez plutôt la soumission infuse, à moins que ce ne soit de la rigidité mentale !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Pertinent, et très joli !

(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

J'ai reçu de M. Jean-Claude Sandrier et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à M. Noël Mamère.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mesdames et messieurs les députés, la proposition de loi dont nous discutons aujourd'hui le bien-fondé est l'exemple même du détournement de l'esprit des lois.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

La loi devrait fixer les règles du jeu de la vie publique, l'orientation des politiques publiques, permettre les avancées sociales, environnementales, scientifiques et culturelles. Les lois dont on se souvient, celles qui ont écrit l'histoire de cette Assemblée et de la République, ont opposé les partisans et les adversaires de la laïcité, de l'école publique, de la liberté de l'avortement, de la peine de mort, des congés payés ou de la réduction du temps de travail. Mais depuis quelques années, cette assemblée connaît une dérive permanente : le Gouvernement transforme tout fait divers en une loi de circonstance, esclave de la dictature de l'audimat et du fait divers.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Cette remarque à elle seule vaudrait renvoi en commission. Il n'y a pas eu moins d'une vingtaine de lois concernant les mêmes sujets depuis 2002. Cette inflation législative, pour ne pas dire cette diarrhée, est insupportable et suscite la défiance de la population envers le travail parlementaire, qui est jugé inefficace, à juste titre puisque, dans le même temps, et selon les dires même de M. Estrosi, les chiffres de la délinquance s'aggravent. Il faut arrêter d'indexer le travail législatif sur les titres des journaux télévisés de vingt heures. Je connais les deux fonctions : celle de journaliste et celle de parlementaire. Confondre les deux transforme les politiques publiques en un zapping permanent qui engendre la dépolitisation de masse et la défiance à l'égard des élus de la République. En voulant légiférer à propos de tout et de rien, on affadit le contenu des lois, on encombre le travail parlementaire. On ne sait plus de quoi on parle, on oublie de regarder dans le code pénal ce qui permettrait de régler les problèmes considérés et in fine on déconsidère le rôle du parlementaire et on alimente l'antiparlementarisme.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Il est d'ailleurs très intéressant, au moment où nous discutons de cette loi d'affichage et de circonstance, de regarder l'article du Monde de cet après-midi consacré à la grogne des parlementaires qui ne sont pas simplement ceux de l'opposition, mais aussi ceux de la majorité. J'en veux pour preuve la phrase de votre collègue de l'UMP M. Lionnel Luca : « On a une impression de bricolage afin de satisfaire l'ogre médiatique. Comme si la politique avait pour fonction de mettre le café du commerce en ordre juridique. » Et cette phrase de M. Jean Arthuis, président de la commission des finances du Sénat : « Certains textes qui nous arrivent ne sont en réalité que des véhicules de communication, parce qu'il y a eu une annonce. Sans se préoccuper de la faisabilité de cette annonce, on prend le risque d'afficher l'impuissance politique. Alors, pour ne pas afficher l'impuissance, on dresse un écran de fumée. À force, on finit de constater que ce ne sont pas vraiment des réformes, seulement l'apparence de réformes. L'important, c'était de pouvoir cocher une case. » Ce n'est pas un député ou un sénateur de l'opposition qui prononce ce commentaire sur notre inflation législative, mais l'un de vos amis politiques. Cela devrait vous faire réfléchir !

Ces lois ne sont d'ailleurs pas appliquées, tout le monde le sait. Nous avons déjà examiné plusieurs lois, socialistes ou sarkozystes, concernant l'occupation des halls d'immeubles. Chacun sait ici que la situation est toujours la même. Et que dire des lois sur les chiens méchants, les tests ADN sur les immigrés ou le contrôle d'Internet ?

En vérité, lorsque l'on veut coller à l'émotion et répondre à l'actualité, on s'épuise et on se ridiculise. Nous discutons aujourd'hui, entre autres, de cagoules alors que dans le même temps, une commission parlementaire a mobilisé des heures et des heures pour discuter de l'interdiction de la burqa. Peut-être aurait-il fallu se dispenser de ce tintamarre médiatique et débattre d'une seule loi sur les conséquences des modes vestimentaires dans les zones périphériques de nos métropoles…

Cette obsession de traquer les pratiques déviantes nous interpelle, alors que dans le même temps vous n'agissez pas contre les violences faites aux femmes qui, se traduisent par une centaine de meurtres par an commis par des hommes qui, eux, le plus souvent, ne portent pas de cagoules, mais sont souvent mariés et bien intégrés socialement. Et tous ces bons Français que vous avez tenté de faire revenir en leur offrant un bouclier fiscal sur mesure et qui sont de véritables délinquants en col blanc ne sont pas davantage concernés par cet activisme sécuritaire qui ne sert à rien sur le terrain mais qui, à chaque veille d'élection, n'adresse qu'un seul message subliminal : dormez bien, bonnes gens, la police veille !

Nous sommes, à gauche, tout autant que vous pour la tranquillité publique ; mais nous n'oublions pas que si la sûreté était inscrite dans la Constitution de 1791, il s'agissait alors de protéger les individus contre l'arbitraire du pouvoir.

Cette loi ne répond qu'à une politique de circonstance, électoraliste, et je le démontrerai en décryptant le scénario de la production de cette loi, en contestant sa logique fondée sur une méconnaissance entretenue du phénomène des bandes et en décryptant enfin les incohérences judiciaires qui feront de cette loi une nouvelle loi anticasseurs, aggravant in fine la situation au lieu de contribuer à la tranquillité publique.

L'exemple de la loi sur les bandes et les cagoules dont il est question aujourd'hui est l'archétype de la loi de circonstance. Il est intéressant d'en comprendre l'origine. Elle repose sur des faits divers de nature différente qui ont été amalgamés de manière caricaturale : l'intrusion d'une bande armée, le 10 mars dernier, dans un lycée de Gagny, puis l'agression d'une enseignante au couteau dans un collège de Fenouillet ou l'agression d'une jeune CPE dans un collège de Chanteloup-les-Vignes ont porté l'attention des médias et de l'opinion sur les bandes de jeunes et sur la violence scolaire. Le mercredi 18 mars 2009, le Président de la République annonçait à Gagny seize mesures policières et judiciaires pour combattre le « phénomène des bandes violentes ». On a ainsi appris que, dorénavant, l'appartenance à une bande, en connaissance de cause, ayant des visées agressives sur les biens ou les personnes serait punie d'une peine de trois ans d'emprisonnement…

Fidèle à sa caricature, le Président de la République n'hésitait donc pas utiliser le dernier fait divers pour créer un « délit préventif », ignorant délibérément les dispositifs légaux en vigueur.

Peu importe, en effet, que la répression d'infractions commises par plusieurs personnes ou que les intrusions dans des établissements scolaires soient déjà amplement prévues par le code pénal. Il s'agit – si l'on en croit le discours du Président de la République – de juger et de punir en l'absence de « commission d'un fait précis ».

Cette innovation juridique, fondée sur de simples intuitions policières, va bien au-delà de la célèbre loi « anti-casseurs », laquelle se contentait – malgré son inspiration liberticide – de poursuivre les « instigateurs et les organisateurs » de faits commis. Quitte à remettre en cause le principe essentiel de la séparation des pouvoirs, le Président de la République en profitait pour prédire que les coupables de l'intrusion au sein du lycée Jean-Baptiste Clément de Gagny seraient « sévèrement condamnés » – manière de rappeler aux juges, s'il en était encore besoin, qu'ils ne sont qu'aux ordres du pouvoir exécutif. Nous avions déjà apprécié Mme Dati pour sa vision très particulière de l'indépendance de la justice : voilà maintenant que le Président juge les suspects avant même le procès. On comprend mieux dans ces conditions la suppression des juges d'instruction. Ils ne servent à rien dans l'esprit du populisme pénal en vogue à l'Élysée. Dans cette même optique de frénésie sécuritaire, le ministre de l'éducation nationale, M. Darcos, en pleine campagne pour les élections européennes, n'avait-il pas multiplié les annonces spectacles comme l'installation de portiques, la mise en place de la vidéo-surveillance, la fouille des élèves par les personnels, la création d'une force mobile d'agents auprès des recteurs. Il voulait sans doute remplacer par ces mesures « à l'américaine » les 20 000 postes de surveillants supprimés dans les écoles depuis 2003, les dizaines de milliers d'enseignants, de personnels de santé, d'éducation, comme les RASED, ou de services sociaux qu'il avait tout simplement éliminés ces dernières années.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Il oubliait également de préciser que l'arsenal juridique et législatif sanctionnant les intrusions en milieu scolaire existe depuis longtemps. Quelques jours plus tard, le 27 mars, paraissait dans Le Figaro un article très documenté, émanant d'un rapport établi de septembre à décembre et réactualisé au bon moment. Il chiffrait le nombre de bandes à 222 et le nombre de personnes soupçonnées d'appartenir à ces bandes de 2 à 453 individus. Ce rapport émanait de la direction centrale de la sécurité publique. Intitulé « Phénomène de bandes, état des lieux », ce document de trente pages établi par la sous-direction de l'information générale ex-Renseignements généraux, était présenté comme la synthèse d'informations, département par département, quartier par quartier, recueillies de septembre à décembre dernier et mises à jour, comme par hasard, au début du mois de mars.

Ce rapport, qui ne fut remis, à la demande de notre collègue Delphine Batho, qu'au moment de la présentation devant la commission des lois, était extrêmement détaillé, à tel point que l'on ne comprend pas pourquoi une connaissance si poussée du phénomène n'a pas donné de meilleurs résultats.

Selon ces informations, les forces de l'ordre, sans recours à d'autres textes que ceux déjà existants, avaient interpellé entre septembre et février dernier quelque 796 individus lors d'affrontements entre bandes, soit plus de 100 délinquants de cités par mois. On apprenait ainsi que ces bandes d'une cinquantaine de jeunes maximum étaient situées à 79 % dans la région parisienne, notamment en Essonne et en Seine-Saint-Denis… » ou encore que, à 98 %, les bandes abritent des garçons qui, dans 53 % des cas, « zonent » toute la journée, faute d'être à l'école ou au travail. Mais la mise en scène de ce storytelling, de ce scénario politique à des fins électorales ne s'arrêta pas là. Une proposition de loi, n° 1642, circulait pour répondre au problème rencontré lors de la manifestation contre le sommet de l'OTAN à Strasbourg, le 4 avril.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Cette proposition de loi émanait de Didier Julia et portait sur les cagoules. Là où le travail parlementaire aurait pu et dû s'exercer concernant l'examen du rôle des forces de l'ordre dans la manifestation contre l'OTAN, qui a vu un quartier entier de Strasbourg saccagé, pillé, …

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

…et abandonné plusieurs heures, là où une commission d'enquête parlementaire aurait pu jouer un rôle positif pour examiner les défaillances de la chaîne de commandement dans la gestion des manifestations, lors de ce somment à Strasbourg, on réduit le débat public au port des cagoules à quelques dizaines de manifestants. Gageons que si cette loi passe, les conditions de son application seront problématiques. Il suffira au quidam interpellé d'enlever et de jeter sa cagoule, après avoir commis ses actes délictueux, pour se retrouver dédouané.

L'affaire de Strasbourg permettait, à peu de frais, de procéder à un nouvel amalgame entre bandes à caractère politique, bandes à caractère criminel et bandes de jeunes des cités. Tous devenaient des cagoulés, un peu à la manière des neuf de Tarnac, hâtivement assimilés à des terroristes. Les mêmes experts étaient convoqués pour commenter le phénomène, tel M. Alain Bauer qui avait découvert les « saboteurs » de la SNCF en rachetant à la FNAC des exemplaires de L'Insurrection qui vient, qu'il s'est empressé de transmettre à la hiérarchie duministère de l'intérieur. La boucle du scénario de la loi de circonstance est donc bouclée : dans un premier temps sont mis en exergue des faits divers survenus dans l'éducation dont les syndicats enseignants disent eux-mêmes qu'ils ne sont pas l'expression d'une violence plus importante que celle constatée depuis des années ; dans un deuxième temps, on s'appuie sur des images de manifestation que l'on a provoquées en refusant aux autorités locales de Strasbourg la protection des quartiers ; dans un troisième temps, les plus hautes autorités de l'État proposent un agenda politique et législatif en mettant à contribution l'administration du ministère de l'intérieur qui fait sortir dans la presse proche du Président un rapport démontrant l'opportunité de la proposition de loi !

Plus préoccupant encore au regard de la situation sociale de la France, cette initiative du chef de l'État stigmatise, une fois de plus, les quartiers populaires par l'importation totalement fictive et décalée de la notion de « gang à l'américaine ».

Voici comment M. Estrosi, le rapporteur de l'époque, avait qualifié cette proposition de loi devant la commission des lois : « Il faut toujours avoir une guerre d'avance. » Diantre ! la France était en guerre contre une partie de sa population. Mais quand la guerre a-t-elle été déclarée ? Je pensais que depuis la révision de la Constitution, en juillet dernier, tout engagement de la France dans une guerre devait faire l'objet d'un débat préalable ! En fait, M. Estrosi n'a fait que répéter ce que M. Sarkozy pratique depuis 2002, une guerre d'avance dans les banlieues, une guerre non pas contre les inégalités, le chômage et la misère, mais une guerre contre un ennemi dont on ne veut pas dire le nom. Il a renoncé à la première, puisque le fameux plan Marshall des banlieues, dont Mme Fadela Amara devait porter le projet, n'est toujours qu'un mirage. Comme l'on se refuse à investir dans ces quartiers que l'on stigmatise en les laissant à l'abandon, il est plus facile d'adopter le ton martial du va-t-en-guerre.

Essayons de voir si cette stratégie de guerre de basse intensité a un fondement ou si elle repose sur une thèse fausse mais qui fonctionne bien dans les médias car elle rassure l'opinion. Cette thèse, c'est celle du « noyau dur » qui veut voir dans la violence urbaine de groupe le fait de quelques meneurs, la quasi-totalité des jeunes des cités se comportant normalement – faut-il le rappeler ?

Si l'on comprend bien, on supprimerait le problème posé par la violence urbaine en éliminant des regroupements de trente à cinquante adolescents formés autour d'une demi-douzaine, voire d'une quinzaine de meneurs. Ce discours policier repris par l'État est dangereux et inefficace.

Lors des émeutes de 2005, alors que l'on a procédé à 4 402 gardes à vue et à 763 mises en détention, les fameuses bandes n'ont pas été décapitées pour la bonne raison que les meneurs n'existaient pas et qu'ils étaient en tout cas inconnus des tribunaux. La plupart étaient des jeunes ordinaires, âgés de seize à dix-sept ans, souvent français. La plupart étaient inscrits dans des stages de formation. Les bandes structurées autour du business de la drogue sont, elles, de véritables petites entreprises qui ne veulent pas voir des bagarres dégénérant en émeutes nuire à leurs grands et petits profits. Comme le notait un rapport de la Direction des renseignements généraux, les islamistes sont eux aussi étrangers aux émeutes de 2005 de peur d'être amalgamés à des fauteurs de troubles. Il faut donc comprendre avant d'agir, comprendre et lutter contre la désespérance. La bande est le produit de la dislocation…

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

N'avais-je pas droit à vingt minutes, monsieur le président ?

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Je conclus donc.

Je vous invite, chers collègues, à refuser cette proposition de loi qui, comme l'a souligné ma collègue Delphine Batho, est une loi d'affichage, une loi qui ne sert à rien.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Nous disposons déjà de tout l'arsenal pénal nécessaire pour sanctionner.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Force est de constater que vous présentez cette proposition de loi à la veille d'élections régionales. Après le débat sur l'identité nationale et celui sur la burqa, voilà que vous vous inventez de nouveaux ennemis de l'intérieur.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Vous ne contribuez pas à la tranquillité publique, mais vous allumez le feu…

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

… dans une société qui n'en a pas besoin parce qu'elle est minée par le chômage, la pauvreté et l'exclusion. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Dans les explications de vote, la parole est à M. Philippe Goujon.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Goujon

Pour qualifier la posture de notre collègue Noël Mamère – car il s'agit bel et bien d'une posture – à l'occasion de la défense de la motion de renvoi en commission, je m'inspirerai d'une formule d'un auteur que M. Mamère ne saurait renier puisqu'il s'agit d'Aragon :…

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Je ne suis pas un aragoniste : pour ma part, je préfère Montaigne !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Goujon

« Une volonté décidée à l'avance d'aveuglement » !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Cela fait huit ans que le Gouvernement est aveugle !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Goujon

Rarement déni du réel n'aura été aussi profond et aussi continu, monsieur Mamère, et vous venez de le démontrer dans votre conclusion pour le moins époustouflante. Aujourd'hui comme hier, vous avez choisi de nier la souffrance des victimes. Pour notre part, nous avons toujours voulu l'entendre pour mieux en combattre les causes. C'est en étant à l'écoute de tous ceux qui pâtissent des agissements des bandes et des violences scolaires comme des acteurs de la sécurité que cette proposition a été établie.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Goujon

S'agissant de la lutte contre la délinquance, je vous ai entendu fustiger la production législative… (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de François Pupponi

On en a marre de l'insécurité, on veut de l'ordre dans ce pays ! Depuis huit ans, c'est la chienlit !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Goujon

Vous avez évoqué l'existence d'une quinzaine de lois depuis 2002, je ne crois pas que les majorités précédentes n'avaient pas légiféré en la matière. La lutte contre la délinquance est une oeuvre permanente afin de pouvoir s'adapter aux nouvelles menaces. Si l'insécurité a baissé depuis 2002 (Rires sur les bancs du groupe SRC)...

Debut de section - PermalienPhoto de François Pupponi

Dites cela aux électeurs du 15e arrondissement !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Goujon

Dans tous les domaines, la délinquance a baissé. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Et si les taux d'élucidation de la police ont augmenté, c'est en partie parce que la construction législative est adaptée et a traduit la réactivité très forte des gouvernements depuis 2002. Il est vrai que nous n'en sommes plus aux temps de la naïveté de M. Jospin. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Votre demande de renvoi en commission n'est qu'une manoeuvre dilatoire. Grâce à l'excellent travail de notre commission des lois et de notre rapporteur, Éric Ciotti, le texte a été enrichi.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Goujon

Certains points non négligeables – et c'est cela, la création parlementaire – ont été précisés et modifiés par le Sénat, nous y reviendrons. Bref, les conditions d'examen de ce texte ont permis à tous de s'exprimer et à toutes les questions graves qu'il soulève d'être traitées. Parce que nous sommes partisans de l'État de droit qui n'est pas l'État de faiblesse comme le fit observer, il y a un certain nombre d'années, un ministre issu de vos rangs, notre position est la plus conforme à l'esprit de la Déclaration des droits de l'homme dont l'article II consacre le droit à la sûreté auquel vous vous êtes référés.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Goujon

La sûreté : partout et pour tous. C'est la raison pour laquelle le groupe UMP votera contre la motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Valax

Comme le dit la formule célèbre, mes chers collègues de la majorité, vous n'avez pas le monopole du coeur. Tout comme vous, nous sommes soucieux de l'intérêt des victimes et de leur protection. Pour ma part, j'en ai assez de vous entendre vous accaparer unilatéralement le mérite de vous préoccuper des victimes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Valax

Tout autant que vous, nous en avons assez de l'insécurité. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Valax

Ne m'entendant pas moi-même, monsieur le président, je me demande si mes collègues arrivent à comprendre mes propos ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Nicolin

C'est toujours la même litanie, on la connaît d'avance !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Valax

Tout comme vous, nous en avons assez de l'insécurité. Tout comme vous, nous sommes conscients de la gravité du problème et de la situation dans nos quartiers. Mais nous posons le problème avec sérieux et gravité et nous voulons chercher les vraies solutions, celles qui sont efficaces.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Valax

Pour être efficaces, ces mesures, avant d'être répressives, doivent être appliquées au quotidien. À quand – et c'est le voeu que je formule – une politique qui conjuguerait répression parce que celle-ci est indispensable ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Valax

Répression parce que celle-ci est effectivement nécessaire, mais aussi et surtout réinsertion parce qu'il s'agit de la condition sine qua non d'un retour à la vie normale.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

Il y a un peu de bon sens dans ce que vous dites !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Valax

Voilà la vraie mesure que nous attendons de vous.

J'ajoute que le premier acte – et je rejoins les propos tenus par mon collègue Jean-Jacques Urvoas – qui irait dans la consolidation et de l'efficience du pouvoir législatif serait d'éviter l'accumulation des projets et des propositions de loi qui surfent sur l'émotion de l'actualité médiatique. Seules, en effet, les lois nécessaires sont efficaces. La proposition de loi qui nous est aujourd'hui soumise est caricaturale…

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Valax

…à force de vouloir coller à l'actualité de nos quartiers.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Valax

Cette proposition de loi qui incrimine l'intention et non le fait n'a manifestement pour but que de communiquer sur le sujet et sur la personne de ceux qui l'ont écrite.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Valax

Je termine, monsieur le président.

À quand la fin de cette politique spectacle ? À quand la fin de la politique d'affichage ? Ce texte de circonstance ne se justifie pas. Voilà pourquoi je ne peux qu'approuver les interventions de Mme Batho et de M. Mamère et que je demande à mon tour le renvoi en commission de cette parodie de texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.)

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Maintenant qu'ils ont voté, ils s'en vont ! Laxistes !

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je prie mes collègues qui souhaitent quitter l'hémicycle de le faire discrètement.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Dans la discussion générale, la parole est à M. Nicolas Perruchot.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Perruchot

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, assurer la sécurité de nos concitoyens de manière continue sur l'ensemble du territoire constitue pour l'État l'une de ses prérogatives parmi les plus fondamentales. À ce titre, c'est conscients d'aborder l'un des éléments au coeur même de notre pacte républicain, qu'il nous revient aujourd'hui de débattre en deuxième lecture de cette proposition de loi.

Tout d'abord, je voudrais souligner combien le débat que nous avons résonne d'un écho particulier alors que nous observons depuis maintenant plusieurs mois une hausse sensible du nombre de crimes et délits constatés alors que ceux-ci n'avaient cessé de baisser depuis 2002.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Perruchot

Cette tendance s'est malheureusement confirmée avec les événements de Gagny que l'on ne peut oublier et qui sont les révélateurs de tendances profondes dans l'évolution actuelle de la délinquance, de phénomènes que la République ne peut ni ne doit en aucun cas tolérer. L'augmentation des violences commises par ce qu'il est convenu d'appeler des bandes, mais aussi l'installation de cette violence au sein des établissements scolaires est réelle. La semaine dernière encore, les villes de Bondy et d'Épinay-sur-Seine ont vu des affrontements opposer une quarantaine de jeunes dont certains en possession d'armes blanches !

Chacun d'entre nous qui, en tant qu'élu local, a été confronté à ce type de difficultés sait combien il s'agit là de phénomènes complexes et de tendances déjà anciennes.

Derrière le terme même de bandes se cache une réalité diverse et multiple et, de surcroît, un phénomène en perpétuelle évolution. Il convient à ce titre de distinguer les véritables regroupements structurés de délinquants, le plus souvent adossés à un réseau de trafiquants de stupéfiants voire à la criminalité organisée, d'une nébuleuse d'organisations plus informelles fédérées autour du sentiment d'appartenance à un territoire sur lesquelles elles estiment être en droit de dicter leur loi.

Pourtant, nombreux sont les outils juridiques qui ont été, au fil du temps, définis ici même pour combattre ces bandes : les derniers en date remontent à la précédente législature avec la loi du 5 mars 2007 sur la prévention de la délinquance, qui avait notamment permis de définir l'incrimination de guet-apens afin de répondre à la multiplication des attaques perpétrées contre les forces de police ou encore les sapeurs-pompiers.

Mettre un terme à l'emprise, purement inacceptable, des bandes sur certaines parties du territoire est un combat permanent. Il implique, pour les parlementaires que nous sommes, de toujours chercher à doter les forces de l'ordre des moyens qui leur permettront de répondre de la manière la plus efficace possible aux évolutions de cette forme de délinquance.

C'est pourquoi il importe notamment que puisse être définie à l'occasion de cette proposition de loi une incrimination spécifique de participation à une bande violente, qui viendrait combler les lacunes dont souffre à l'heure actuelle notre arsenal juridique.

Ainsi, en créant une infraction de participation à une bande, l'article 1er de cette proposition de loi permet une avancée notable dont nous nous réjouissons tout particulièrement. Dorénavant, il sera possible d'incriminer individuellement les membres d'une bande dont il aura été prouvé qu'ils ont l'intention de commettre des violences ou des dégradations.

Sur cet article, le désaccord est certain avec le Sénat qui, lors de son premier examen, a abaissé le quantumde peine à un an d'emprisonnement et à 15 000 euros d'amende. Le Nouveau Centre s'associe à la volonté de rétablir une peine de trois ans et de 45 000 euros d'amende telle qu'elle a été adoptée en première lecture sur nos bancs. Il s'agit pour nous d'un axe important de cette proposition de loi.

Toutefois, cette seule disposition ne peut en aucun cas constituer l'alpha et l'oméga de la lutte contre la loi des bandes. En aucun cas, elle ne peut nous affranchir d'un débat construit sur notre politique de prévention.

J'insisterai sur ce point. Le ministère de l'intérieur estime qu'à l'heure actuelle, près de 50 % des individus qui composent ces bandes sont des mineurs et parmi eux, un grand nombre n'aurait pas treize ans. C'est un constat que chacun d'entre nous peut faire : l'âge moyen des membres des bandes ne cesse de baisser et les délinquants sont de plus en plus jeunes.

De ce constat découle la nécessité de ne pas céder au tout pénal pour contrer le phénomène des bandes. Nous le savons, implantées sur des territoires souvent sinistrés, les bandes peuvent constituer pour certains jeunes un lieu attractif de socialisation souterraine et deviennent ainsi de véritables écoles de la délinquance.

Briser cette tendance implique d'ouvrir d'autres horizons à ceux qui sont tentés de rejoindre ces bandes. Un tel chantier implique un effort accru en direction de l'ensemble des acteurs qui concourent sur le terrain à la politique de prévention, que ceux-ci soient issus du monde éducatif et associatif ou encore de celui de l'entreprise.

À ce titre, il nous faut restaurer sur ces territoires la place de l'école et des établissements d'enseignement dans leur ensemble. L'école n'est, en effet, dans notre pays pas seulement le lieu où sont formés les futurs citoyens. C'est véritablement le lieu où se construit aujourd'hui la République de demain, un lieu où l'élève ne peut devenir victime.

Voilà pourquoi nous ne saurions en aucun cas fermer les yeux sur la banalisation de la violence au sein même des établissements scolaires, non plus que sur les agressions malheureusement répétées dont sont victimes les enseignants, mais aussi les personnels d'encadrement ou leurs proches. Il s'agit d'un phénomène inquiétant auquel nous devons remédier ; j'espère que cette affirmation suscitera un large consensus sur les bancs de notre assemblée.

Je retiens donc de cette proposition de loi les mesures visant à rendre plus dissuasives les peines encourues lors de l'agression d'un enseignant ou de l'un de ses proches. Dans le même esprit, je retiens également la correctionnalisation des peines pouvant être prononcées à la suite d'une intrusion injustifiée en milieu scolaire, assortie d'une gradation, en fonction des circonstances de l'intrusion, de la sanction susceptible d'être prononcée par le tribunal correctionnel. Cette mesure mettra fin au paradoxe en vertu duquel une intrusion de ce type ne pouvait être sanctionnée que comme une simple contravention, fût-elle de cinquième classe, alors même que les actes effectivement commis peuvent se révéler extrêmement graves. Nous avons malheureusement pu le vérifier il y a peu.

De ce point de vue, la réduction de la répression de l'introduction d'armes dans les établissements scolaires voulue par le Sénat ne nous paraît pas opportune, car cette disposition permet de couvrir les cas de port d'armes par destination. Cette précision nous semble fondamentale. Et, s'il n'est pas fait référence à la classification du code de la défense, c'est parce que la force de cette disposition réside dans son pouvoir de sanctionner l'introduction d'une arme sans motif légitime.

Mes chers collègues, cette deuxième lecture doit nous permettre d'effectuer un travail approfondi, utile à tous ceux qui sont aujourd'hui confrontés aux bandes et à leurs méthodes. Si les députés centristes soutiennent résolument le sens de cette proposition, son examen doit également permettre un débat fouillé sur notre politique de prévention de la délinquance, débat que nous ne pouvons plus reporter.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Goujon

Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, que cela plaise ou non à certains d'entre vous, qui ne s'en sont pas cachés, les résultats sont là ! (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Goujon

Non, cela commence très bien pour la France et pour les Français !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Goujon

En 2009, en effet, la délinquance a diminué en France, pour la septième année consécutive. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Goujon

Exactement, alors que cela devrait la réjouir !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Goujon

Certes, nos forces de sécurité doivent faire face à de nouvelles formes de délinquance et de criminalité, plus mobiles, plus violentes et plus sophistiquées. Ainsi de la criminalité liée à tous les trafics, première cause de violence dans les quartiers, et du phénomène des bandes. Celles-ci, presque toutes impliquées dans des trafics de stupéfiants – 94 % d'entre elles sont concernées –, deviennent de plus en plus violentes, terrorisent les riverains, affrontent brutalement leurs rivales et n'hésitent plus à contrer les forces de l'ordre.

Il faut donc, sans relâche, continuer d'adapter nos réponses à ces nouvelles formes de délinquance en constante évolution. À l'immobilisme qui, reconnaissons-le, a coûté cher aux Français…

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Goujon

…, nous avons substitué la lucidité, le pragmatisme et l'efficacité.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Goujon

C'est en ce sens que le ministre de l'intérieur, Brice Hortefeux, a multiplié récemment encore les initiatives. Tous les acteurs concernés ont su se mobiliser. L'organisation de nos forces de sécurité a été perfectionnée par le rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur et par la création d'une police d'agglomération du Grand Paris. La vidéoprotection a été étendue. Une division nationale de lutte contre le hooliganisme a été créée. Contre les bandes, des groupes spéciaux d'investigation ont été constitués dans plus de trente départements.

Mais il fallait encore perfectionner la réponse pénale. En effet, il ne suffit pas d'interpeller comme l'an dernier plus de 1 200 individus, dont 473 mineurs, ainsi que notre collègue Perruchot l'a rappelé : encore faut-il être en mesure de les poursuivre sur le fondement d'une incrimination spécifique, sans quoi les sanctions prononcées sont bien rares, et, loin de s'amoindrir, le phénomène des bandes risque de se propager.

Dans ces conditions, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui en deuxième lecture, et que nous devons à Christian Estrosi, rejoint par plus de 200 cosignataires, correspond à une impérieuse nécessité.

Tout d'abord, en effet, il faut sans cesse affiner notre dispositif anti-délinquance pour réagir aux nouvelles menaces et aux nouvelles formes qu'elles peuvent revêtir. Ensuite, si la gauche n'a pas de mots assez durs – et, à nos yeux, assez injustes – pour critiquer le bilan du Gouvernement en matière de sécurité, comment peut-elle refuser aux forces de sécurité les moyens de l'améliorer ? La Tribune a récemment consacré deux pages au retour de la gauche de gouvernement. Voilà une bonne nouvelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Goujon

Si le journal dit vrai, on ne peut que se réjouir de voir l'opposition renouer enfin avec le réalisme. Mais si, selon certains, à en croire la presse, un pacte national entre majorité et opposition est possible à propos des retraites, ce n'est peut-être là aussi qu'un début : Mme Aubry peut continuer !

Debut de section - PermalienPhoto de François Pupponi

Il y a un très bon article sur le sujet dans le Washington Post !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Goujon

Le PS devrait donc réfléchir aussi aux problèmes de sécurité, dans l'intérêt de tous les Français.

Debut de section - PermalienPhoto de George Pau-Langevin

C'est fait, et nous considérons que vous vous trompez !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Goujon

Pour nous, en tout cas, une chose est sûre : on ne peut se contenter de faire la moitié du chemin si l'on veut que la peur change de camp.

Grâce à cette loi, on pourra désormais poursuivre et condamner les individus qui forment une bande dans le but de commettre des atteintes aux personnes ou aux biens. Il s'agit là d'un progrès majeur. Je salue donc le travail d'orfèvre accompli par notre rapporteur, Éric Ciotti…

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice

C'est vrai.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Goujon

Au cours de cette deuxième lecture comme lors de la première, il aura su donner au texte plus d'envergure encore, tout en prenant en considération les avis du Sénat, ce qui est bien naturel, tout au moins sous certaines conditions. Ces avis précisent par exemple la responsabilité individuelle des personnes incriminées – et non leur responsabilité collective, que nul n'a jamais prétendu instaurer.

Il est de notre devoir de répondre à l'attente de nos concitoyens, qui subissent, parfois quotidiennement, les agissements des bandes, comme aux besoins des professionnels de la sécurité qui, quel que soit leur statut ou leur uniforme, paient un lourd tribut au combat contre l'insécurité. Je tiens à leur rendre hommage, qu'ils soient fonctionnaires de l'État, policiers municipaux ou agents de sécurité publics ou privés. Qu'ils sachent que nous les soutenons, dans le strict respect de la déontologie qui régit leur activité, naturellement.

Dans cet esprit, j'ai proposé en première lecture de permettre de se protéger aux agents des groupements constitués par les bailleurs afin d'assurer la surveillance des immeubles dont ils ont la charge. Je me félicite que le Sénat ait entériné ce dispositif, tout en précisant que ces agents seront autorisés par le préfet à porter une arme de sixième catégorie, c'est-à-dire un bâton de défense, dans les immeubles particulièrement exposés au risque d'agression. Cette précision corrobore l'intention dont j'avais fait part en première lecture.

Pour ne citer qu'un chiffre, en 2009, 160 des 300 agents du Groupement parisien interbailleurs de surveillance – que mes collègues parisiens ici présents connaissent bien –, soit plus de la moitié, ont été agressés et plus de quarante d'entre eux ont été blessés dans l'exercice de leur mission. Désormais, lorsqu'ils seront pris à partie, ils pourront se protéger en attendant l'arrivée des forces de police.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Goujon

Si vous voulez leur donner d'autres armes, n'hésitez pas ! Je signale que les socialistes n'ont pas voté contre cette mesure.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Goujon

Selon la même logique, nous devons sans cesse chercher à accroître l'efficacité des services de police. Tel est le but que poursuit la proposition de loi en consacrant la police d'agglomération du Grand Paris : près de six personnes sur dix interpellées chaque jour à Paris ne résident pas intra muros, et les bandes se caractérisent par leur mobilité. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Il faut aller également en couronne : ce périmètre est d'une totale stupidité !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Goujon

Voilà également pourquoi le texte permet aux forces de l'ordre d'accéder aux images des systèmes de vidéoprotection installés par les bailleurs, tout en encadrant cet accès. La référence à un décret pris après avis de la CNIL et conditionnant l'exploitation de ces images n'était pas nécessaire : toutes les garanties relatives à l'habilitation des personnels chargés de visionner ces images étant déjà apportées, et bien d'autres encore, il était inutile de surcharger un dispositif qui, pour être efficace, doit absolument être opérationnel.

Ce texte traduit notre souci de l'applicabilité des mesures qu'il prévoit, c'est-à-dire, en termes clairs, de l'effet produit et constaté sur le terrain. Il ne s'agit pas d'affichage, de discours, mais de résultats concrets. Voilà pourquoi j'ai proposé de modifier la définition du délit d'occupation abusive des halls d'immeubles ; voilà pourquoi une peine complémentaire de TIG a été ajoutée pour faciliter les poursuites et alourdir les condamnations qui, seules, auront un effet dissuasif et permettront aux riverains de recouvrer la tranquillité.

D'autre part, il paraît irréaliste de permettre à un seul copropriétaire de s'opposer à la transmission aux forces de l'ordre des images des systèmes de vidéosurveillance, comme l'avait fait le Sénat contre l'avis de sa commission des lois. En effet, nul ne peut disposer seul de la sécurité de tous.

En outre, la recherche de l'efficacité et du pragmatisme nous a conduits à mieux sécuriser les enceintes sportives et à réprimer les ventes à la sauvette, même si ce dispositif, abrogé par le Sénat, trouvera peut-être plutôt sa place dans la LOPPSI.

Enfin, nous devons sanctuariser l'école afin de garantir aux parents que leurs enfants y sont en sécurité et aux enseignants qu'ils peuvent y travailler sans crainte, la nation reconnaissant la valeur incomparable de leur mission.

Or on a constaté une recrudescence des incidents en milieu scolaire, qui concerne plus particulièrement les lycées professionnels. Depuis lors, le nombre de faits, bien que stabilisé, perdure. Les élèves en sont les premières victimes dans les établissements ou à leurs abords immédiats. Leur issue peut tourner au drame ; on l'a vérifié récemment. Les personnels de l'éducation nationale sont eux aussi la cible de violences graves et répétées, l'établissement scolaire étant lui-même victime d'un vandalisme anti-institutionnel.

L'intrusion dans un établissement scolaire d'une personne non habilitée doit donc être lourdement sanctionnée, et même aggravée par les deux circonstances de réunion et de port d'arme. Les auteurs de violences ayant entraîné une incapacité de travail de plus de huit jours encourront les mêmes peines. Les membres du corps enseignant et les autres personnels, qui vivent parfois dans la peur de l'agression et souffrent de l'injustice qui permet à leur agresseur d'être épargné en raison de son âge, apprécieront ce retour au texte initial. L'introduction d'armes doit être empêchée par de lourdes sanctions, comme celles que notre rapporteur a rétablies, et les armes par destination, qui ont causé de graves dommages lors de récentes agressions, et dont la détention trahit évidemment l'intention de nuire, doivent être appréhendées.

Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le texte auquel nous sommes parvenus est équilibré et lucide. Placé au coeur d'une politique globale de sécurité, il permettra de relever concrètement et efficacement le défi auquel nous confrontent la prolifération des bandes et leur recours de plus en plus fréquent à la violence. Il a donc toute sa place dans l'élaboration d'un dispositif qui doit continuellement être adapté, afin d'améliorer toujours plus efficacement, comme l'a souhaité le Président de la République (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), la sécurité de nos concitoyens. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Les applaudissements ne sont guère nourris !

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. François Pupponi. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de François Pupponi

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je tiens, quelque part, à remercier les membres de la majorité : depuis bientôt huit ans, je m'interrogeais sur l'erreur que nous-mêmes avions commise à l'époque en ne comprenant pas le sentiment d'insécurité qu'exprimaient alors les Français. Lorsqu'on nous en faisait part, nous persistions à croire, et cette impression était souvent fondée, que les mesures que nous mettions ne oeuvre porteraient leurs fruits. Cela nous a été beaucoup reproché au moment des élections de 2002, puis par la majorité actuelle pendant la campagne électorale de 2007.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pupponi

Peut-être, même si tout ce que nous avons fait n'était pas critiquable : plusieurs de ces dispositions auraient pu porter leurs fruits. Mais elles ont surtout suscité des polémiques et des combats politiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Herbillon

Elles témoignaient surtout de beaucoup d'angélisme !

Debut de section - PermalienPhoto de François Pupponi

Mais là où je vous remercie, c'est que vous, pour le coup, et Delphine Batho le disait tout à l'heure, vous n'avez vraiment rien compris de ce qui s'est passé voilà huit ans. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de François Pupponi

Reprenez les discours que nous pouvions avoir il y a huit ans : vous tenez exactement les mêmes.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Nicolin

C'est pour cela que nous avons été réélus !

Debut de section - PermalienPhoto de François Pupponi

Nous pourrions nous en satisfaire : puisque, même si certaines mesures proposées vont dans le bon sens, vous commettez la même erreur que nous à l'époque – le déni, l'incapacité à écouter, à comprendre et à réagir –, vous pourriez subir le même sort.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pupponi

Mais sur un sujet aussi sérieux, aussi dramatique, nous ne pouvons nous en réjouir.

À en croire M. Goujon, tout va bien. Pour ma part, je consulte les statistiques (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP) : depuis 2002, les violences ont augmenté de 46,5 %, les atteintes volontaires à l'intégrité physique de 14 %, les vols à main armée de 17 %.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

Quel pourcentage des actes de délinquance cela représente-t-il ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Pupponi

Qui peut dire qu'en France, aujourd'hui, tout va bien en matière de sécurité ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Pupponi

Tous les Français vous le diront : l'insécurité fait à nouveau partie de leurs préoccupations. Nous essayons de vous convaincre qu'un texte de plus ne servira à rien. Ce qu'il faut, c'est de l'action là où l'insécurité est réelle, afin de la faire reculer !

Vous voulez à tout prix élaborer de nouvelles lois. Nous sommes prêts à relever le défi avec vous et à faire évoluer vos textes pour qu'ils deviennent efficaces. Mais, même lorsque nous vous proposons d'être efficaces, vous refusez le débat.

Je ne prendrai qu'un exemple, celui des cages d'escalier.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pupponi

Il y a quatre ans, vous avez fait voter une loi en promettant de vider les cages d'escalier. Aujourd'hui, elles sont toujours pleines, encore plus qu'avant !

Debut de section - PermalienPhoto de François Pupponi

Partout, quels que soient les quartiers, les cages d'escalier sont pleines, monsieur Perruchot !

Que disent nos concitoyens ? Qu'ils n'ont pas ce que vous leur aviez promis. Les commissaires, les élus qui vont au contact de la population entendent tous ce discours. Nous vous proposons aujourd'hui des amendements concrets, qui permettraient de rendre cette loi immédiatement efficace.

Nous n'avons pas été entendus en première lecture. Nous le serons, je l'espère, en deuxième lecture, afin que nos citoyens voient leur sécurité s'améliorer rapidement. Vous devez pour cela vous montrer capables de faire évoluer le texte, d'autant que le Nouveau Centre a fait d'intéressantes propositions dont nous sommes prêts à discuter.

Au-delà des polémiques, nous souhaitons aboutir, à l'issue de nos débats, à un texte efficace, applicable immédiatement. J'attends en toute sérénité que le Gouvernement et la majorité saisissent notre main tendue, afin que nous soyons collectivement efficaces face à ce problème grave.

Reste qu'il manque quelque chose à votre texte. Vous qui voulez coller à l'actualité,…

Debut de section - PermalienPhoto de François Pupponi

…vous devriez vous inquiéter de la prolifération des armes dans certaines parties de notre territoire. Établissez donc des statistiques du nombre de jeunes tués dans la rue par arme à feu ou arme blanche, et vous verrez qu'il s'agit d'une réalité quotidienne. J'aimerais que ce sujet dramatique soit un jour évoqué à l'Assemblée nationale, car nous ne pouvons accepter qu'une partie de notre jeunesse meure de cette façon. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le Sénat aura mérité, sur ce texte, son surnom d'assemblée des sages. Ces derniers temps, les sénateurs, toutes tendances confondues, n'ont pas hésité, en effet, à amender sur le fond, parfois sévèrement, les textes de l'exécutif lorsqu'ils remettaient en cause les principes mêmes de notre droit.

Notre assemblée, au contraire, fait preuve d'une docilité – le mot est faible – qui témoigne d'une soumission coupable aux attentes d'un populisme pénal parfaitement et systématiquement relayé par l'exécutif. Nous en avons pour preuve, aujourd'hui encore, le texte que nous présente la commission.

Exeunt les améliorations qu'avait tenté d'apporter le Sénat, améliorations mesurées et insuffisantes, la chambre haute demeurant, à l'évidence, une chambre dominée par la majorité.

Le Sénat s'est, par exemple, fait l'écho de nos propres observations en première lecture et a proposé une rédaction modifiée, moins mauvaise, de l'article 1er. La définition du nouveau délit a été réécrite et les peines encourues ont été abaissées à un an d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende, afin que la préparation de l'infraction ne soit pas punie plus sévèrement que la commission de l'infraction elle-même.

Simple bon sens, diront de nombreux observateurs. Mais le bon sens n'est plus l'apanage de notre assemblée dévote, qui s'est empressée de revenir sur l'échelle des peines, quitte à lui faire perdre toute cohérence.

Pour ce qui est de l'argumentation juridique, votre majorité répond sur le registre populiste de l'exaltation des peurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

Je vous cite, monsieur le secrétaire d'État : « Nos concitoyens ont peur et attendent d'être protégés », ou encore : « Il ne s'agit pas de porter atteinte à des libertés, mais de protéger des gens. N'oubliez pas que la première liberté que demandent les habitants de certains quartiers est de voir leur sécurité garantie. »

Les « habitants de certains quartiers », comme vous dites, monsieur le secrétaire d'État, je les connais aussi bien que vous, peut-être mieux même, car j'habite ces mêmes quartiers. Croyez-moi, ce qu'ils demandent avant tout, c'est le droit et les moyens de vivre et de faire vivre dignement leur famille. Malheureusement, non seulement la politique du Gouvernement ne répond pas à cette exigence-là, mais elle continue d'aggraver des inégalités déjà bien cruelles pour beaucoup de nos concitoyens.

Mais revenons au texte. Les changements apportés par le Sénat à la rédaction de l'article 1er ne le rendent pas plus acceptable.

L'arsenal juridique dont disposent les juges pour sanctionner les faits commis en bande est aujourd'hui largement suffisant pour réprimer les violences commises en bande. Les incriminations de complicité, d'association de malfaiteurs, d'actes commis en bandes, de criminalité en bande organisée sont déjà à la disposition des juges, qui n'en demandent pas davantage. En revanche, ce qui manque aux magistrats et aux policiers, ce sont des moyens, et particulièrement des moyens humains que la politique de votre gouvernement leur refuse.

Finalement, ce nouvel article ne sert qu'à introduire dans notre dispositif juridique la punition d'une simple intention. Voilà qui, à n'en pas douter, ouvrira la porte à l'arbitraire. Cette disposition ne vise pas à réprimer les violences commises en bande, mais, de manière préventive, le simple fait de se trouver dans une bande.

Notre droit pénal exige pourtant qu'une infraction soit constituée d'un élément psychologique et d'un élément matériel. Les modifications apportées par le Sénat n'y changeront rien, ce délit restera un délit virtuel que notre droit récuse. Il est en totale contradiction avec le principe constitutionnel de personnalisation des délits et des peines, lequel interdit la responsabilité pénale collective : on ne peut être poursuivi que pour ses propres actes. Or, aux termes de l'article 1er, le simple fait de participer à une bande violente constituera un délit.

Pour les magistrats, cet article sera inapplicable. Les violences commises en groupe ayant souvent un caractère spontané, il sera extrêmement compliqué de prouver l'intention délictueuse de la personne mise en cause. De plus, il est bien rare que les forces de l'ordre soient présentes dès le début du passage à l'acte. Établir la preuve de la responsabilité individuelle sera donc pratiquement impossible.

Au fond, ce à quoi vous vous attachez, c'est à délivrer le message médiatique visant à faire croire que vous agissez, pour mieux masquer le fait que vous ne donnez pas aux professionnels les moyens d'appliquer les textes existants.

Les sénateurs ont supprimé l'article 1er bis qui visait à aggraver les peines encourues lorsque les violences sont commises au moyen de jets de pierres contre des véhicules de transports publics. Ces violences font en effet déjà l'objet de peines aggravées. Mais votre majorité, emportée par son obsession d'affichage et sa philosophie toujours plus répressive, ne veut pas voir que le droit existant suffit largement à réprimer ce type de violence. Cette majorité serait mieux inspirée de porter ses efforts sur les causes et sur les moyens qu'elle est prête à consentir pour prévenir et combattre les violences, plutôt que d'accoucher, à l'occasion de chaque fait divers, d'un nouveau texte sans avenir parce que sans réelle efficacité.

Il en va de même de l'ancien article 2, qui étendait le délit de participation à un attroupement armé aux personnes y participant aux côtés de personnes portant des armes apparentes. Comme l'a rappelé la commission des lois du Sénat, « l'état du droit relatif aux attroupements répond d'ores et déjà aux objectifs poursuivis par les auteurs de la proposition de loi ».

Au chapitre des incohérences relevées par les sénateurs, j'ajouterai celles de l'article 7. Elles ont conduit nos collègues à modifier le texte initial. Ils ont ainsi prévu que le délit d'intrusion dans un établissement scolaire ne sera constitué que lorsque l'intrusion aura pour but de troubler la tranquillité ou le bon ordre de l'établissement. Ils ont également revu à la baisse certaines des peines retenues afin de les adapter à l'échelle des peines. Ils ont supprimé les dispositions ouvrant la voie à une forme de responsabilité collective comme étant contraire au principe selon lequel « nul n'est responsable que de son propre fait ». Enfin, ils ont supprimé les dispositions relatives au port d'armes dans les établissements scolaires, qui sont déjà satisfaites par notre législation.

Peine perdue. C'était compter sans l'obstination déraisonnable de la majorité de notre commission qui, ne tenant nul compte des simples observations juridiques du rapporteur au Sénat, s'est empressée de revenir à son texte initial. Bien évidemment, nous demanderons, comme en première lecture, la suppression de cet article qui correctionnalise l'intrusion injustifiée dans un établissement scolaire. La contravention reste une peine appropriée en l'absence d'atteintes aux personnes ou aux biens, atteintes du reste spécifiquement prévues et sanctionnées par la législation actuelle.

De même, nous maintiendrons nos amendements de suppression des articles 2 bis, 4 bis, 4 ter et 6. Tous ces articles seront, en effet, soit inefficaces parce qu'inapplicables, soit inutiles parce que redondants, soit dangereux en ce que, d'une part, ils permettent la répression de la contestation sociale et, d'autre part, en ce qu'ils participent à l'intolérable excès de banalisation du passage de l'enfant dans la sphère policière et judiciaire.

Nous nous refusons à voter un texte qui viendra augmenter inutilement l'invraisemblable arsenal de lois sécuritaires sans apporter l'espoir de résultats concrets contre la délinquance.

Notre législation est déjà l'une des plus répressives au monde et, après chaque fait divers, vous en rajoutez. Pourtant, la délinquance et les violences ne cessent d'augmenter. Ne serait-il pas temps de vous demander si les réponses à ces questions ne se trouvent pas ailleurs que dans les évolutions du code pénal ? Ne serait-il pas temps aussi de vous interroger sur la philosophie, la méthode et les moyens de votre politique ?

Nous sommes, pour notre part, depuis longtemps convaincus que plus de justice sociale, plus d'éducation, plus de culture,…

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

…bref, plus de réponses à des besoins qui font grandir l'homme en même temps que son humanité, seraient incomparablement plus efficaces que toutes les mesures que vous pourrez imaginer en vous préoccupant exagérément des effets au détriment des causes.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Herbillon

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le texte que nous examinons ce soir répond à deux nécessités fondamentales qui résultent de l'apparition de nouvelles formes de délinquance dans notre pays.

La première de ces nécessités est d'endiguer la montée d'une nouvelle forme de violences, celles perpétrées par des bandes.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Herbillon

C'est d'autant plus nécessaire que la prolifération de ces dernières s'accentue : on en comptabilise plus de 510 en 2009, contre 222 en 2008.

Il faut absolument agir contre ces groupes violents qui se jouent des forces de l'ordre, en se croyant inatteignables pénalement parce qu'ils ont le sentiment de bénéficier d'une irresponsabilité collective. Ce texte mettra fin à cette impunité affichée et revendiquée, en parant à une défaillance de notre arsenal juridique qui ne nous permettait pas d'apporter une réponse dissuasive aux violences commises en bandes.

Les nouvelles sanctions encourues ont pour objectif de freiner les comportements inacceptables de certains jeunes souvent coupables, mais rarement responsables et justiciables.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Herbillon

Tout citoyen a droit à la sécurité et à la tranquillité. Il ne doit être victime ni des actes de vandalisme et de violence gratuite de ces bandes, ni des nombreuses nuisances qu'elles engendrent, telles l'occupation des halls d'immeubles ou la monopolisation d'un lieu ou d'un espace communs. Il s'agit tout simplement de faire respecter les règles qui régissent notre société, les règles de civilité et de citoyenneté essentielles au fonctionnement de notre démocratie.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Herbillon

La seconde nécessité à laquelle répond ce texte est de sanctuariser l'enceinte scolaire, lieu de l'apprentissage des connaissances, mais surtout d'initiation à la vie en communauté, en société.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Il ne fallait pas supprimer les postes de surveillants !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Herbillon

L'un des rôles essentiels de l'éducation est de bannir la violence, de civiliser nos enfants. Comment pourrions-nous alors avoir la moindre tolérance à l'égard de ceux qui introduisent des armes dans nos établissements scolaires...

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Il ne fallait pas supprimer non plus les postes de professeurs !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Herbillon

..et qui font régner la loi du plus fort, celle de la brutalité ? Il y a là une contradiction avec les objectifs poursuivis par l'école.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Herbillon

Il est impératif que nous soyons intransigeants envers les dérives qui ont lieu dans les écoles, les collèges, les lycées ou à leurs abords.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Herbillon

Aucun parent ne doit craindre pour la sécurité de son enfant quand il est pris en charge par l'éducation nationale. Aucun enseignant, aucun personnel d'encadrement ne doit exercer son activité professionnelle dans la peur de la violence.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Herbillon

L'une de nos premières responsabilités de législateurs est de refuser que la violence pénètre dans les établissements scolaires. C'est pourtant ce qui s'est produit, hélas, il y a quelques jours au Kremlin-Bicêtre, dans le Val-de-Marne, département dont je suis l'un des élus.

Au nom du respect du principe d'égalité, nous devons nous donner les moyens d'assurer la sécurité à l'école. L'école de la République doit être la même pour tous sur l'ensemble du territoire, et aucun établissement ne doit être dévalorisé du fait d'un climat de violence et d'insécurité ambiante qui aurait pénétré ses murs.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Herbillon

Si certains parlementaires ne cautionnent pas les moyens préconisés dans ce texte pour répondre à ces deux nécessités impérieuses, la plupart s'accordent à reconnaître ces nouvelles formes de délinquance.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Herbillon

Il y a consensus sur le constat, mais pas sur les solutions.

Pourtant, j'invite nos collègues de l'opposition à considérer différemment cette proposition de loi. La multiplication des textes visant à lutter contre l'insécurité, qu'ils stigmatisent si souvent, obéit à un impératif de notre temps, celui d'être pragmatique et réactif.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Herbillon

Devant la grande mutabilité de la délinquance, les forces de l'ordre et la justice ne peuvent être laissées impuissantes à cause de l'inadaptation de notre droit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Il ne fallait pas supprimer les postes de policiers et de gendarmes !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Herbillon

Il n'y a pas une seule solution face à l'insécurité, il y en a autant qu'il y a de variétés de délinquance.

Cette nouvelle approche adaptative est celle retenue par la proposition de loi qui nous est soumise aujourd'hui. En répondant à des problèmes ciblés et clairement identifiés, elle contribuera efficacement et rapidement à répondre à ces nouvelles incarnations de la violence.

La sécurité en démocratie est une condition nécessaire de l'épanouissement de la liberté, mais aussi du respect de l'égalité des droits.

Mes chers collègues, en votant ce texte, nous nous donnons les moyens d'agir, en affirmant qu'en France il ne doit y avoir aucune zone de non-droit, aucune zone d'impunité, et que, partout, seule la loi de la République doit être souveraine. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je commencerai mon propos en citant La Fontaine : « La cigale ayant chanté tout l'été se trouva fort dépourvue quand la bise fut venue. »

Avant l'été, il faisait bon. Nous étions en première lecture et M. Ciotti, après Christian Estrosi, chantait les louanges d'un texte qui allait résoudre tous les problèmes, sanctuariser nos établissements scolaires, mettre fin aux violences en bandes.

Or, il se trouve maintenant fort dépourvu, comme nous tous d'ailleurs, en cet hiver où la bise souffle et où les faits sont accablants – Delphine Batho les a rappelés. C'était vrai dès le 14 juillet, ce le fut encore le 31 décembre puis récemment avec la mort d'Hakim que Michel Herbillon vient d'évoquer.

Tout ce qui a été proclamé, une énième fois, sur les bancs de la majorité et par les membres du Gouvernement, ne sert à rien. Rien, dans le texte qui nous est présenté en deuxième lecture, même après avoir été considérablement corrigé par nos collègues sénateurs, n'est de nature à lutter réellement contre les violences commises en bandes ni à garantir la sécurité des élèves dans les établissements scolaires. Les sénateurs ont choisi d'anticiper le vote de la LOPPSI en introduisant dans le texte quelques-unes de ses dispositions, justifiant ainsi le travail et l'énergie que nous déployons à examiner des textes de pur affichage et de vraie désespérance.

Après le sarkozysme sensationnel, nous avons eu droit, hier, au sarkozysme compassionnel. C'est dans ce registre que l'ensemble des députés sont intervenus ce soir.

Mais la compassion ne suffit pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

On pourrait rire de vos promesses et de vos proclamations ridicules si ce n'était pas désespérant pour nos concitoyens. À cet égard, je citerai un chiffre qui illustre la défiance absolue de nos concitoyens à l'égard des institutions en général, des hommes politiques, et en particulier de l'Assemblée nationale. 65 % des Français se méfient de l'Assemblée nationale et considèrent que ce que nous faisons ne sert à rien.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

Pourtant, la délinquance de proximité a baissé de 35 % ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Quand vous affaiblissez la confiance du peuple dans ses représentants, vous affaiblissez aussi le pouvoir, l'autorité de la puissance publique, des enseignants, des personnels, des établissements scolaires que vous prétendez sanctuariser, y compris des forces de police.

Il y a une dizaine de jours, j'ai passé la nuit dans le bois de Vincennes avec la brigade anticriminalité. Comme il faisait très froid – la bise soufflait –, il y avait peu de monde. La BAC a interpellé un adolescent de seize ans à la tête de bébé, qui était en possession de deux couteaux, ce qui veut dire qu'il était prêt à blesser un de ses camarades. Il n'a pas été impressionné d'être emmené au commissariat et il s'exprimait fort bien. Il n'avait pas conscience du danger qu'il fait courir aux autres et à lui-même en étant détenteur de deux armes blanches. Rien, dans ce que vous avez voté en première lecture et dans ce que vous nous proposez d'adopter ce soir, ne permet de répondre à cette réalité, à ce danger.

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

On pourrait rire de vos gesticulations si l'on ne devait pas pleurer la mort d'Hakim,...

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

Vous êtes toujours en train de nous donner des leçons, mais les résultats sont là ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

..dont l'assassin n'a nullement été impressionné par votre promesse de sanctuariser les établissements scolaires.

Pour conclure, je citerai à nouveau La Fontaine : « Hélas ! on voit que de tout temps les petits ont pâti des sottises des grands. » (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Calméjane

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la proposition de loi renforçant la lutte contre les violences de groupes et la protection des personnes chargées d'une mission de service public revient devant nous en deuxième lecture.

Je suis déjà intervenu en première lecture, non seulement du fait de l'importance du sujet, mais également en raison des caractéristiques de ma circonscription de Seine-Saint-Denis.

Permettez-moi de rappeler que, le 10 mars de l'année dernière, une bande s'est introduire dans un lycée de Gagny. Ce groupe armé de bâtons a agressé des élèves et des enseignants, faisant de nombreux blessés.

L'objet principal de cette proposition est de répondre à l'augmentation des actes de délinquance commis par des bandes violentes. Il s'agit d'une politique de prévention qu'il faut indéniablement promouvoir. Aussi, ce texte vise-t-il à assurer la sanctuarisation des établissements scolaires.

Mes chers collègues, qui peut ne pas se sentir concerné par le vandalisme qui s'est exercé le week-end dernier, à Nice, sur des wagons de la SNCF,...

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Calméjane

..ou par ce qui s'est passé à Paris lors de cette malheureuse expérience de distribution d'argent ? La Seine-Saint-Denis n'est qu'un exemple parmi tant d'autres ; c'est le territoire tout entier qui est concerné.

Si de larges points d'accord unissent les deux assemblées sur ce texte, certaines dispositions continuent néanmoins de faire débat, après son examen au Sénat.

D'abord, la commission des lois de l'Assemblée nationale propose de rétablir une peine de trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende, refusant d'abaisser la peine à un an et 15 000 euros d'amende. Cette peine doit être maintenue à son plus haut niveau, afin d'enrayer les délits commis par des personnes appartenant à un groupement violent.

Par conséquent, dans une perspective de dissuasion mais également de réelle répression, la sanction pénale doit être la plus forte et la plus dissuasive possible.

Ensuite, il me semble inutile de requérir l'avis de la CNIL sur le décret en Conseil d'État relatif aux modalités du raccordement des forces de l'ordre aux systèmes de vidéosurveillance mis en place par les bailleurs. En effet, ces systèmes sont déjà eux-mêmes surveillés par de nombreuses commissions et encadrés très clairement par divers textes, comme la LOPSI de 1995, les décrets de 1996 et 1997 et l'arrêté de 2007. Notons que les seules personnes habilitées à visionner les images des vidéosurveillances communales sont les membres des forces de l'ordre ou les personnes habilitées par la préfecture, comme les policiers municipaux.

Concernant les halls d'immeubles, nous pourrions envisager, pour une meilleure efficacité, d'instaurer une contravention sans régime de récidive, afin que la police puisse infliger des amendes forfaitaires sans intervention du parquet.

Enfin, la commission des lois n'est pas favorable à la réduction de l'ampleur de la répression de l'introduction d'armes dans les établissements scolaires. Je suis pleinement d'accord avec elle, car on ne peut tolérer que l'insécurité, la suspicion et la peur s'emparent de nos enfants. De nombreux drames ont eu lieu et nous devons, quelles que soient nos opinions, protéger les élèves et les enseignants.

En conclusion, je tiens à remercier le rapporteur, Éric Ciotti, pour son travail, ainsi que l'ensemble de mes collègues de l'UMP pour leur implication sur ce texte.

Mes chers collègues, je vous invite à voter cette proposition de loi, qui crée, en les encadrant, de nouveaux outils contre la délinquance des bandes. Nous combattons ce phénomène tant par la répression que par des mesures sociales et de prévention.

La sécurité étant la première des libertés, il est important de travailler au plus près des événements. La délinquance est un phénomène en constante évolution auquel nous devons nous adapter. Tel est l'objet de ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

Monsieur le secrétaire d'État, mettons-nous tout de suite d'accord : la sécurité est un droit et nous sommes tous volontaires pour combattre l'insécurité.

Tout à l'heure, monsieur le secrétaire d'État, vous parliez de « guérilla urbaine », employant des termes tout de même bien éloignés de ce que nous vivons concrètement dans nos quartiers. Si vous-même employez ces termes-là aujourd'hui, c'est la preuve qu'en huit ans, vous n'avez rien réglé !

Non seulement vous n'avez rien réglé, mais vous n'avez même pas réussi à donner à nos concitoyens, en particulier ceux qui vivent dans nos quartiers populaires, le sentiment de vous y être attaqué à ce problème.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

C'est, depuis 2002, un échec, et les exemples sont nombreux qui le prouvent. Parmi tous ceux qui ont été cités, je m'étonne que personne n'ait évoqué les multiples attaques de bureaux de poste dans plusieurs communes de Seine-Saint-Denis. Les habitants sont choqués, ils se demandent si le fait que ce type d'attaques se déroule dans des quartiers populaires ne les rendrait pas plus « acceptables » dans l'esprit de certains.

De nombreux rapports ont été rédigés, Delphine Batho les a mentionnés. Je pourrais vous citer le rapport de la Cour des comptes de décembre 2009, qui pointait notamment l'absence de coordination entre les forces de police nationale et les opérateurs privés de sécurité.

Les problèmes non réglés sont nombreux. C'est le manque d'effectifs dans nos quartiers, malgré les promesses successives – 400 postes par-ci, 200 postes par-là – qui ne se traduisent pas concrètement, sur le terrain. C'est le turnover des effectifs, le manque d'officiers de police judiciaire dans les commissariats – ceux, par exemple, d'Aubervilliers et La Courneuve, dans ma circonscription. C'est la mise en cause des moyens des unités territoriales de quartier, dont j'avais salué l'annonce par Mme Alliot-Marie, considérant qu'il s'agissait d'un pas, fût-il insuffisant, en direction des populations.

Finalement, depuis l'embrasement que nous avons connu en 2005 dans de nombreux quartiers, rien n'a été réglé et l'organisation même des forces de l'ordre pose problème.

Paradoxalement, cette incapacité à agir est mise en exergue. Il suffit de regarder les moyens que l'État met dans certains départements. Quand Nicolas Sarkozy est venu en Seine-Saint-Denis inaugurer les locaux de la direction territoriale de la sécurité de proximité, on a constaté à quel point l'État, exsangue, était incapable de financer les commissariats. C'est une subvention de 4,5 millions d'euros de la région Île-de-France qui a permis la construction du bâtiment de la direction de la sécurité publique de Seine-Saint-Denis.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

Quant à la frénésie législative, elle a été fort bien décrite pas plusieurs collègues, je n'y insiste donc pas.

Qu'est-ce qui a changé depuis la première lecture il y a six mois ? La nécessité d'une nouvelle disposition législative est-elle apparue ? Non, nos collègues sénateurs l'ont bien montré. Les chiffres de la délinquance ont-ils montré une augmentation de ce type de violence que nous voulons tous combattre ? Même pas. En revanche, les chiffres de l'Observatoire national de la délinquance qui ont été communiqués la semaine passée montrent une augmentation des vols à main armée, des vols avec violence sur les personnes physiques.

Ce qui a changé depuis sept mois, c'est le climat, qui est devenu malsain dans notre société.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

C'est cette impuissance répétée devant ces phénomènes et la survenue du débat sur l'identité nationale. Même le site de l'UMP titrait ce week-end, chers collègues de la majorité, « Délinquance des mineurs : en finir avec l'angélisme », et il mettait parallèlement en exergue une partie de la population française de nos quartiers, juste à côté de la question : « Qu'est-ce qu'être français ? »

On voit bien devant quelle situation vous êtes et quelle est la matrice de vos raisonnements.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

La disposition principale de la proposition de loi, et que j'appelle le « délit de dangerosité supposée », pose plusieurs questions toutes simples : ce qui sera puni, est-ce le fait de participer consciemment au groupement qui aura in fine commis des violences ? Est-ce que ce sera le fait de commettre des préparatifs à ces actes de violence ? Pourra-t-on condamner des actes seulement susceptibles de se commettre ? Comment évaluer le degré de conscience de l'individu qui aura participé à un groupe ayant peut-être commis des violences ? Je l'avais dit en première lecture, on est dans une logique semblable à celle du film Minority Report.

D'autres collègues l'ont souligné, c'est une loi de communication qui nous est proposée plutôt qu'une loi d'action, une loi de circonstance plutôt qu'une loi de présence concrète auprès des habitants. Nous aurions aimé discuter de ces mesures dans le cadre d'un grand débat sur la réponse à adopter, en termes de répression, de prévention et de présence au quotidien auprès de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi sur lesquels les deux assemblées du Parlement n'ont pu parvenir à un texte identique.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi d'un amendement n° 54 , portant article additionnel avant l'article 1er.

La parole est à Mme Delphine Batho, pour le soutenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Cet amendement, qui porte sur le titre du chapitre Ier, revient sur un débat de fond que nous avons eu en première lecture.

L'intitulé du chapitre Ier est le suivant : « Dispositions renforçant la lutte contre les bandes violentes ». Considérant que la définition des bandes violentes n'existe pas, nous proposons de préciser qu'il s'agit de lutter contre les « bandes organisées violentes et les attroupements violents ».

Je voudrais profiter de la présentation de cet amendement pour mettre en garde nos collègues de la majorité contre la théorisation de l'impuissance législative à laquelle revient cette argumentation selon laquelle il serait moderne de changer les lois relatives à la sécurité tous les matins pour s'adapter en permanence aux phénomènes de criminalité.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Je démens ce qui a été dit tout à l'heure, à savoir que ce dispositif serait demandé par les policiers qui sont sur le terrain.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

De nombreux syndicats de policiers demandent une pause législative, notamment en matière de code pénal et de procédure pénale, parce qu'ils croulent sous une montagne de circulaires complètement inapplicables et souffrent de cette déstabilisation permanente de la législation qui défait l'autorité de la loi.

D'autre part, je voulais rappeler à notre collègue qui, tout à l'heure, évoquait, de façon un peu présomptueuse ou naïve, le caractère dissuasif des dispositions votées par l'Assemblée nationale, que nous sommes face à des phénomènes de délinquance très sérieux, face à des délinquants qui n'ont peur de rien, pas même de la prison, ni de personne. Et ce n'est certainement pas un article supplémentaire du code pénal qui pourra avoir un quelconque effet dissuasif, hélas.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

Madame Batho, votre argumentation revient à introduire une confusion juridique avec les bandes organisées. Or, en droit pénal, la bande organisée relève d'une définition extrêmement particulière : son champ est beaucoup plus large, elle couvre des domaines qui ne sont pas concernés par cette proposition de loi, je pense en particulier à l'escroquerie, et la sanction est beaucoup plus lourde.

Nous ne pouvons accepter de laisser introduire une confusion en modifiant le titre même du chapitre.

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice

Défavorable. Je ne saurais dire mieux que le rapporteur.

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice

Cet amendement introduirait une confusion qui vient d'être fort bien explicitée.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Il n'y a pas de confusion. Dans la définition de la bande, il y a d'abord la situation sur le terrain, et ensuite la situation juridique. Les deux correspondent.

Sur le terrain, on observe, des intervenants de tous bords l'ont dit, deux types de bandes : une délinquance mafieuse, relativement structurée, sous forme de bandes délinquantes – et, dans ce cas de figure, l'ensemble des dispositions relatives aux bandes organisées sont parfaitement applicables –, mais aussi des agrégats beaucoup plus sporadiques, beaucoup plus spontanés, qui ne sont pas structurés, qui ne s'inscrivent pas dans la durée – et, dans ce cas de figure, les dispositions sur l'attroupement s'appliquent parfaitement.

Nous pensons donc que c'est, au contraire, la notion de bande violente qui est source de confusion. Notre proposition correspond au phénomène de délinquance auquel nous sommes confrontés, c'est-à-dire soit des bandes organisées structurées, soit des attroupements violents.

(L'amendement n° 54 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Sur l'article 1er, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à Mme Delphine Batho.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

L'article 1er est la pierre angulaire de ce texte. Il reprenait, dans sa première version, avant que le Sénat n'intervienne, les termes mêmes du discours du Président de la République le 18 mars dernier à Gagny.

Malgré l'intervention du Sénat, des problèmes de rédaction demeurent, notamment sur le point de savoir si c'est le groupement ou la personne appartenant au groupement qui prépare l'infraction.

Surtout, cet article pose deux problèmes constitutionnels, même si le Gouvernement a l'intention, je crois, de déposer un amendement pour revenir au texte du Sénat, très certainement par crainte de la censure du Conseil constitutionnel.

Le premier problème, c'est que la préparation de l'infraction serait punie plus sévèrement que l'infraction elle-même. L'amendement du Gouvernement tend à le régler.

Le second problème, c'est celui de la disproportion de la peine, puisqu'une peine identique serait appliquée à la préparation d'une infraction, quelle que soit sa gravité. Qu'il s'agisse d'une agression violente avec arme ou du fait de rayer une voiture, la sanction prévue est la même. Cela nous paraît mettre en cause le principe de proportionnalité des peines.

Si l'on se place, enfin, du point de vue des praticiens, des policiers, des juristes, il faudra toujours prouver que chaque personne a participé sciemment au groupement, qu'il y avait une intention, qu'il y avait des faits matériels. Le texte n'apporte aucune simplification, par rapport au droit en vigueur, à ceux qui mènent les enquêtes et font le travail sur le terrain.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Valax

Je considère, en tant qu'ancien avocat, que les deux premières lignes de ce texte sont une mine de discussions sans fin.

« Le fait pour une personne de participer » : il va falloir définir d'abord cette notion de participation.

« Sciemment » : on entre, avec cet adverbe, dans un domaine essentiellement subjectif, et l'avocat qui défendra quelqu'un poursuivi sur le fondement de ce texte aura le choix des arguments pour démontrer que la conscience n'existait pas au moment de cette participation elle-même discutable.

« À un groupement » : comment définir ce terme ? S'agit-il de deux, de trois, de dix, de quinze personnes, déguisées ou non, susceptibles de participer à telle ou telle manifestation ? Je me réjouirais presque que l'on donne autant d'armes à une défense que j'ai toujours défendue dans son principe et dans son action !

« Même formé de façon temporaire » : là encore, comment définir cette notion ? S'agit-il d'une minute, d'un temps sporadique, d'un temps beaucoup plus long ?

« En vue de la préparation » : à quel moment sera-t-on toujours dans la préparation, à quel moment sera-t-on dans l'action ?

Bref, vous sentez bien que ce texte est en lui-même source de discussion, d'interprétation.

J'en arrive à ce que, les uns et les autres, et plus particulièrement sur les bancs de la majorité, vous souhaitez combattre.

Très souvent, la police intervient, et parvient à arrêter des délinquants, lesquels sont déférés devant les tribunaux, puis jugés. Mais, la plupart du temps, en tout cas très souvent, des décisions de relaxe sont prises, ou divers éléments font que la poursuite ne peut aboutir.

Avec une telle rédaction, soit nous assisterons à une hyper-répression, soit le tribunal sera contraint de prononcer la relaxe et vous estimerez qu'il est laxiste. Il y a donc une véritable difficulté. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Je veux profiter de ce débat pour dire à mes collègues de la majorité combien je suis en colère depuis leur arrivée au pouvoir en 2002. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) En effet, cette vingtième loi, portant sur un sujet que vous prétendez être au coeur de vos préoccupations, n'est que la conséquence de votre inefficacité, de vos mensonges, de vos supercheries. Je ne prendrai qu'un seul exemple, qui me tient particulièrement à coeur. Alors que vous rappelez encore une fois dans ce texte que l'école devrait être un sanctuaire de sécurité, vous n'avez eu de cesse, depuis 2002, de supprimer régulièrement, loi après loi,…

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

…des aides éducateurs, des surveillants, des professeurs. Et c'est parce que vous diminuez la présence des adultes dans les écoles, les collèges, les lycées,…

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

…qu'apparaissent mécaniquement les conséquences que vous dites vouloir combattre. C'est une supercherie inadmissible ! Si l'on en est aujourd'hui arrivé là dans nos écoles, nos collèges, nos lycées, c'est bien à cause de vous. Vous ne pourrez pas démentir ces faits qui sont inscrits dans la réalité !

Les discours de fermeté que vous tenez sont totalement contredits par ce que vous décidez. Ce double langage est insupportable pour les élèves et leurs parents qui doivent le subir.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Vous devriez changer de comportement pour pouvoir vous regarder dans une glace. Remettez des professeurs, des surveillants dans les collèges, dans les lycées, et vous verrez que, mécaniquement, les choses iront beaucoup mieux ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Les quelques députés UMP présents doivent d'ailleurs être morts de honte, et j'ai presque envie de les remercier car, sur ce sujet qu'ils estiment pourtant des plus importants, ils sont minoritaires depuis le début de la séance. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Je serai au moins aussi modéré que mon collègue Patrick Roy. (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Comme je l'ai dit en commission, le fait de procéder à une deuxième lecture est devenu plutôt rare. En effet, 65 % des 119 textes dont nous avons eu le privilège de discuter depuis le début de la législature ont fait l'objet de la procédure accélérée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Or, une deuxième lecture est extrêmement bénéfique, et ce texte en est une illustration.

S'agissant de la nouvelle incrimination de participation à un groupe violent, nous avions appelé, en première lecture, l'attention du rapporteur sur le fait que l'article tel qu'il était écrit prévoyait une forme de responsabilité collective. Il nous avait assuré que tel n'était pas le cas, et nous sommes heureux que le Sénat ait partagé notre interprétation et souhaité apporter plus de précisions au libellé de l'incrimination, modifiant notamment l'élément intentionnel.

Précédemment, le texte prévoyait que la personne devait participer « en connaissance de cause » à un groupement. Le Sénat a remplacé cette expression par le mot « sciemment ». Cela dit, je n'ai pas le sentiment que nous ayons beaucoup progressé, car la difficulté reste celle de la preuve. Imaginons une personne qui participe à une manifestation autorisée, non violente, mais au cours de laquelle un groupement, spontané ou non, entraîne de nombreuses personnes avec lui et se livre à des détériorations, à l'arrachage de grilles, par exemple. À l'évidence, ce groupement devient violent. L'individu qui est dans ce groupe doit-il démontrer qu'il a sciemment choisi d'y participer…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

…et qu'il savait que des événements violents étaient en préparation ? Comme l'a dit Jacques Valax, ce sera très difficile. Il y aura de réelles difficultés probatoires. C'est pourquoi nous vous soumettrons un amendement visant à supprimer cet article. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 3 et 32 , tendant à supprimer l'article 1er.

La parole est à M. Michel Vaxès, pour soutenir l'amendement n° 3 .

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

Le débat que nous venons d'avoir devrait suffire à le justifier. Je ne reviendrai pas sur ce que j'ai dit dans la discussion générale, mais je voudrais obtenir quelques précisions. En effet, l'incrimination dont il est question est une incrimination préventive, en amont de la commission éventuelle d'actes de violence ou de dégradation. Ce qu'on réprime, ce n'est pas les actes commis, mais ceux qui pourraient l'être. Le but poursuivi par les participants à la bande sera établi à partir de faits matériels, nous dit-on, mais on ne nous dit pas ce qu'ils seront. Nous souhaitons que vous nous le précisiez.

Le caractère intentionnel sera, de plus, extrêmement difficile à prouver. De par son imprécision, cet article, même modifié, laissera la porte ouverte à une appréciation subjective, donc arbitraire. Il s'inscrit d'ailleurs – c'est un débat que nous avons eu sur d'autres textes – dans une logique qui vise à s'attaquer à la dangerosité plutôt qu'à la culpabilité effective.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. François Pupponi, pour soutenir l'amendement n° 32 .

Debut de section - PermalienPhoto de François Pupponi

Nous sommes tous d'accord pour dire que l'insécurité est un problème réel, contre lequel il faut lutter. Pour autant, on ne peut tout accepter. Ce qui nous est proposé à cet article, c'est de rendre passibles de trois ans de prison des personnes qui se réunissent et projettent ensemble de commettre des violences volontaires contre des personnes ou de dégrader des biens. Poussons le raisonnement à l'extrême, et imaginons deux personnes qui, marchant dans la rue, disent : « On va casser la gueule à celui-là ! » (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Elles seraient passibles de trois ans de prison !

Debut de section - PermalienPhoto de François Pupponi

Mais – soyons plus sérieux – ce texte s'appliquera aussi à des salariés, comme ceux de Continental, par exemple, qui, apprenant que leur patron va délocaliser l'activité et qu'ils vont perdre leur emploi sans aucune chance d'en trouver un autre, se réuniront pour dire qu'ils ne peuvent laisser faire ça, qu'ils casseront une porte s'il le faut pour occuper l'usine. C'est un combat social que l'on peut comprendre mais qui, en vertu de ce texte, serait, demain, passible de trois ans de prison. Est-ce vraiment ce que vous voulez ? Cet article est trop dangereux, comporte trop de risques, et nous proposons de le supprimer.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

Nous sommes au coeur du débat. L'article 1er est en effet le point clef du dispositif, c'est sur lui que repose l'économie générale du texte.

Monsieur Pupponi, vous avez tout à l'heure, à la tribune, tenu un discours qui comportait certaines vérités. Vous vous êtes notamment livré à un mea culpa qui mérite d'être salué. En disant que l'échec du gouvernement passé ne nous exonérait pas de nos responsabilités, Mme Batho a également reconnu, de façon certes moins perceptible, presque a contrario, l'échec des gouvernements que vous avez soutenus.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

Et surtout de Sarkozy comme ministre de l'intérieur !

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

C'est un point important, qui mérite d'être souligné à ce stade du débat.

Vous demandez la suppression de cet article. J'y suis défavorable, car c'est un dispositif utile. Contrairement à ce que vous avez dit, madame Batho, les auditions ont démontré qu'il avait une utilité concrète, pratique. Vous êtes dans l'idéologie alors que nous sommes dans l'action, dans le pragmatisme. Nous sommes face à un problème qui est réel et que vous ne contestez pas. Il faut donc agir, s'adapter. Nous constatons que la législation présente des carences, et nous voulons y remédier.

Lors des auditions auxquelles la commission a procédé, M. Maurice Signolet, chef du service d'investigations transversales de la direction de la police de proximité, déclarait que les enquêteurs disposeraient ainsi d'un outil extraordinaire, qui permettra d'arrêter tous les membres d'un groupement violent. Le procureur de Montargis allait dans le même sens, et le directeur général de la police nationale, M. Frédéric Péchenard, dont nul ne peut contester la compétence, soulignait également l'efficacité d'un tel dispositif.

Du point de vue juridique, de quoi s'agit-il ? Il ne s'agit pas d'un délit collectif, bien au contraire. Tout le dispositif est fondé sur la définition d'un nouveau délit, caractérisé par l'intention de commettre une atteinte aux biens ou aux personnes. C'est un délit intentionnel qui aura un rôle préventif, monsieur Vaxès. La précision apportée par le Sénat renforce le dispositif et met l'accent sur le fait qu'il s'agit d'un délit individuel et non d'un délit collectif, qui serait évidemment contraire aux principes fondamentaux de notre droit pénal. En tout état de cause, le délit intentionnel devra être caractérisé par des faits matériels,…

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

…notamment la possession d'une arme par destination, l'envoi de messages préalables, de SMS, le fait d'avoir écrit sur des blogs, etc.

Il peut y avoir, ensuite, la commission effective d'un acte très grave. Dans l'exemple d'un groupement violent qui brûle une voiture en réunion, il y a d'abord le fait de venir commettre ce délit intentionnellement, puis le délit lui-même, commis par une personne à l'intérieur de la bande. Il faut dissocier les deux choses. La nouvelle incrimination permettra aux policiers de placer toutes les personnes du groupement en garde à vue, ce qui n'est pas possible aujourd'hui,…

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Non, c'est faux ! Il n'y a que Besson qui ne met pas les gens en garde à vue !

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

Aujourd'hui, le seul dispositif qui sanctionne une intention d'infraction, c'est l'association de malfaiteurs, mais seulement pour des délits passibles d'au moins cinq ans de prison. Or les violences commises en réunion provoquant des interruptions de travail temporaires de moins de huit jours ne sont passibles que de trois ans de prison, et l'association de malfaiteurs ne peut s'appliquer l'espèce. En comblant ce vide juridique, nous répondons au souci de pragmatisme, d'efficacité et d'action qui est celui des acteurs de terrain. Je souhaite donc le maintien de l'article et le rejet des amendements.

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice

En complément du plaidoyer très convaincant du rapporteur sur le vide juridique, je voudrais répondre à M. Pupponi, qui a pris un exemple que j'avais moi-même évoqué en sens inverse lors de mon propos liminaire, car nous avons justement pour objectif d'éviter que certaines manifestations à caractère social ne soient détournées par des actions violentes commises en réunion.

Vous citez l'exemple de salariés qui forceraient une porte pour entrer dans l'entreprise. Dans cette hypothèse, leur objectif n'est pas de casser, mais d'occuper l'entreprise. Ils ne sont donc pas concernés.

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice

Peut-être, mais ce n'est pas leur objectif, ou bien il ne s'agit plus d'un mouvement social.

En revanche, vous omettez une chose qui me semble très importante, une réalité à laquelle nous sommes confrontés très régulièrement, et qui constitue un crève-coeur : le détournement de manifestations démocratiques, pour des motifs sociaux ou autres, par des bandes violentes. Outre les dégâts qu'ils commettent et les risques qu'ils font courir à des manifestants, à des passants, à des commerçants, ces actions ont un effet désastreux qui va à l'encontre de la manifestation démocratique. Je trouve donc que l'exemple que vous citez n'est pas pertinent au regard de ce qu'apporte l'article 1er.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

Il faudrait s'entendre sur ce que disent les uns et les autres. Le rapporteur vient de nous dire qu'il n'y avait pas de délit collectif, mais a envisagé, presque dans la même phrase, que l'on puisse placer tout le monde en garde à vue si le groupe qui s'est formé a simplement l'intention de commettre un délit.

J'ai parlé de « délit de dangerosité supposée » ; c'est bien ce que l'on est en train de mettre en place, avec une peine encourue qui va jusqu'à trois ans de prison. Il faut bien s'entendre sur ce qu'implique votre proposition, et je pense que vous n'en mesurez pas tout à fait l'ampleur.

Deuxièmement, prenez-vous l'engagement devant la représentation nationale, monsieur le secrétaire d'État, de ne poursuivre aucun mouvement social de salariés qui, dans le cadre d'un piquet de grève devant une usine franchiraient la porte, en la détériorant peut-être ? La question va se poser, contrairement à ce que vous affirmez. Si l'on s'en réfère au texte, « le fait de participer sciemment à un groupement en vue de perpétrer des destructions ou dégradations de biens » peut s'appliquer à cette situation. Prenez donc l'engagement vous n'utiliserez pas cette incrimination dans le cadre d'un mouvement social qui n'a pas pour but l'action violente.

Un dernier point : le rapporteur nous dit que le cadre juridique ne suffit pas, mais l'exemple contraire en a été donné tout à l'heure. Si la bande violente ou potentiellement violente, que nous souhaitons tous combattre, est déjà structurée, la notion de bande organisée suffit pleinement. S'il s'agit d'un agrégat formé de manière plus ou moins spontané, comme cela peut être le cas dans les manifestations, et qu'il n'y a donc pas de structuration ou de conscience de la préparation des actes, les dispositifs liés à l'attroupement sont plus efficaces.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Premièrement, nous disposons, concernant les casseurs dans les manifestations, de tout l'arsenal juridique nécessaire, et depuis longtemps. En aucun cas il n'existe de vide juridique qui justifierait la défaillance de nos dispositifs de maintien de l'ordre, que ce soit à Strasbourg ou à Poitiers. Oui, il y a eu des défaillances, mais elles ne sont pas liées à des problèmes juridiques.

Deuxièmement, je maintiens que pas un policier de terrain n'est favorable à cet article premier de la proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Le seul que vous citiez en permanence est M. Signolet, professionnel certes très compétent, mais qui, lors de toutes ses auditions devant la commission, s'est déclaré favorable à l'instauration d'une responsabilité pénale collective, sur le modèle de la loi anticasseurs de 1970. Les choses sont donc claires : c'est le seul policier en faveur de ce mécanisme.

Le rapporteur se comporte comme si le texte que nous allons voter ce soir était le même que celui que nous avons examiné en première lecture. Ce n'est pas le cas, et vous vous trouvez entre le marteau et l'enclume : soit le texte est inconstitutionnel, et vous essayez de faire une sorte de « machin » facilement applicable ; soit il est corrigé par le Sénat, et dans ce cas il faut des preuves, ce qui le rend, de fait, impraticable.

Dernière chose : je ne crois pas que les policiers en France aient le moindre problème pour placer qui que ce soit en garde à vue, dès lors qu'il existe le moindre début d'infraction. D'ailleurs, les gardes à vue ont augmenté de plus de 60 % depuis 2002, et j'ai cru comprendre que la garde des Sceaux avait l'intention d'apporter un certain nombre de modifications à la procédure pénale, notamment sur cette question.

(Les amendements identiques nos 3 et 32 ne sont pas adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi d'un amendement n° 44 .

La parole est à Mme Delphine Batho.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Pour compléter mes propos sur l'absence de vide juridique, le mieux est peut-être de lire à nos collègues des extraits du rapport du Sénat, qui souligne l'existence d'une jurisprudence parfaitement abondante correspondant aux phénomènes de bande.

Ainsi, la chambre criminelle de la Cour de cassation, citée dans le rapport du Sénat, a jugé que : « Lorsque des violences et voies de fait ont été exercées volontairement et simultanément par plusieurs prévenus au cours d'une scène unique, l'infraction peut être appréciée dans son ensemble, sans qu'il soit nécessaire pour les juges du fond de préciser la nature des violences exercées par chacun des prévenus sur chacune des victimes. »

Autre exemple : « Les dégradations commises n'ont été rendues possibles que parce qu'elles sont intervenues au cours d'un attroupement dont les autres prévenus se sont rendus coupables et qui, par le nombre des participants, leur détermination et les jets d'objets divers, a maintenu les forces de l'ordre à distance et permis les actes générateurs des dommages causés aux véhicules administratifs ».

Il existe donc une jurisprudence importante permettant de répondre à l'ensemble des phénomènes de violences commises en groupe auxquels nous pouvons être confrontés. Nous proposons, par notre amendement, de substituer au mécanisme complexe de l'article 1er l'inscription de la jurisprudence en vigueur sur la notion de coauteur, ce qui serait plus clair.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

, Défavorable, car réécrire l'article revient à le supprimer. De plus, vous vous appuyez sur une ancienne jurisprudence de la Cour de cassation, qui date, je crois, de 1859, et qui a beaucoup évolué depuis. Si nous vous suivions, nous remettrions en cause la notion de complicité, bien plus récente et plus pertinente.

(L'amendement n° 44 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi d'un amendement n° 47 .

La parole est à Mme Sandrine Mazetier.

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Cet amendement porte sur l'alinéa 2, où nous proposons de supprimer, après le mot : « groupement », les mots : « même formé de façon temporaire », qui sont trop restrictifs.

La notion de groupement temporaire crée une confusion entre les notions de groupement et d'attroupement, et ce d'autant plus qu'a été rejeté l'amendement de Delphine Batho qui aurait permis de distinguer entre les deux. En chassant les éléments de confusion, nous ferions un texte qui, à défaut d'être efficace, serait clair et n'embarrasserait pas les magistrats et les policiers amenés à l'appliquer.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

Défavorable, car l'amendement restreint considérablement la portée du dispositif. Il n'est pas nécessaire, selon nous, de prouver la longévité du groupement violent pour incriminer ses membres. Nous ne pouvons donc aller dans ce sens.

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice

Si l'on se limitait aux bandes pérennes ou aux gangs bien structurés, on dénaturerait très largement le texte, alors qu'on sait bien que ces bandes violentes se forment très vite et se fondent dans des groupes. Pour que le texte soit efficace, il est essentiel de ne pas dénaturer cet aspect.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Vous ne répondez pas à notre objection : un groupement formé de façon temporaire est un attroupement défini à l'article 431-3 du code pénal.

Concrètement, comment les juridictions, les parquets, les policiers, définiront-ils le caractère temporaire du groupement et le distingueront-ils d'un attroupement ? J'aimerais avoir une réponse.

(L'amendement n° 47 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 57 et 49 .

La parole est à M. le secrétaire d'État, pour défendre le premier.

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice

La nouvelle infraction de participation à une bande permettant d'incriminer les actes préparatoires à la commission des délits de violences volontaires contre les personnes ou de destruction ou de dégradation de biens, il est logique qu'elle soit moins sévèrement réprimée que les délits eux-mêmes.

Or, si la peine de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende retenue en première lecture par l'Assemblée Nationale, et rétablie par la commission des lois pour des raisons que l'on comprend parfaitement, est celle prévue pour les violences délictuelles les moins graves, il en va autrement des peines prévues en matière de destruction ou de dégradation de biens, ces faits étant punis de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende.

En conséquence, il paraît justifié de prévoir que le délit de participation à une bande en vue de commettre des violences volontaires ou des destructions ou dégradations de biens soit puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. Au fond, c'est une position de sagesse, qui, grâce à votre rapporteur, doit permettre une adoption conforme par le Sénat et sa mise en oeuvre rapide. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

C'est donc un amendement du rapporteur ? Vous êtes trop modeste !

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à M. François Pupponi, pour défendre l'amendement n° 49 .

Debut de section - PermalienPhoto de François Pupponi

Tout cela est très révélateur de la mauvaise façon dont ce texte a été rédigé et dont se déroulent les débats. Nous avions été un certain nombre à vous dire, en première lecture, que les sanctions que vous préconisiez étaient trop lourdes et qu'il fallait revenir à des peines plus raisonnables. Elles ont été modifiées au Sénat, puis, en sens inverse, par la commission. Et vous nous expliquez aujourd'hui qu'il faut revenir à une peine d'un an, alors que, lorsque nous disions que trois ans, c'était trop, vous souteniez le contraire !

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice

Vous devriez être contents !

Debut de section - PermalienPhoto de François Pupponi

Il serait bon que nous essayions de nous entendre, sans que vous vous sentiez obligés de repousser nos propositions sous prétexte qu'elles viennent de l'opposition. Nous aboutirions ainsi à un texte qui, bien que toujours inutile, serait aussi applicable que possible.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

La commission avait souhaité revenir à la proposition initiale : trois ans de prison et 45 000 euros d'amende. Ce n'est toutefois pas la disposition essentielle de ce texte ni de cet article : ce qui compte, c'est la création du délit, là est l'objectif que nous poursuivons de façon pragmatique.

L'amendement du Gouvernement rend possible l'adoption conforme du texte du Sénat. Dans le souci, très pragmatique, de voir le texte adopté le plus vite possible et donc appliqué sur le terrain, où l'on en a besoin, je me range aux arguments de M. le secrétaire d'État et je soutiens l'amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

En commission, il a organisé quarante auditions, au cours desquelles nous avons notamment entendu les organisations syndicales de policiers et de magistrats – les deux professions qui auront demain à appliquer la loi. Elles n'ont pas du tout réussi à le convaincre, et il nous a expliqué qu'il fallait une peine de trois ans. Le Sénat a considéré, quant à lui, qu'on ne pouvait pas punir plus sévèrement l'intention que le délit lui-même, et a abaissé le quantum de la peine.

Lors de la deuxième lecture en commission, le rapporteur nous a fait – voyez le rapport, page 32 – une brillante démonstration selon laquelle le Sénat était dans l'erreur, une démonstration si pertinente, si charpentée, si convaincante qu'elle a emporté l'adhésion de la commission, laquelle a rétabli le quantum initial. Nous avons donc déposé un amendement tendant à le réduire, et voilà que nous entendons, dans l'hémicycle, un rapporteur désormais totalement converti – mais dont la démonstration était si elliptique que je souhaite qu'il la refasse, afin que nous soyons mieux éclairés...

(Les amendements identiques nos 57 et 49 sont adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi d'un amendement n° 53 .

La parole est à Mme Delphine Batho.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Malgré l'adoption de l'amendement précédent qui rétablit le texte du Sénat, nous considérons que la rédaction de l'article 1er pose toujours un problème de constitutionalité au regard du principe de la proportionnalité des peines, car l'intention reste punie de la même peine quelle que soit la nature de l'infraction projetée.

Notre amendement reprend une proposition de bon sens que nous avions faite en première lecture. Il s'agit de rédiger un guide de l'action publique relatif à la lutte contre les bandes organisées et les attroupements violents, qui serait mis à la disposition de tous les officiers de police judiciaire et rappellerait de façon simple l'ensemble des procédures applicables en la matière. L'arsenal juridique existe en effet, mais peut paraître compliqué. Ce guide serait une aide précieuse pour beaucoup de professionnels sur le terrain.

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice

Défavorable également. Mais cet amendement me permet, et j'en remercie ses auteurs, d'exprimer la position du Gouvernement sur le fond de la question, qui est la formation des officiers de police judiciaire, essentielle pour une application efficace des procédures.

Vous connaissez bien ces questions et savez sûrement, madame Batho, qu'un groupe de travail Justice-Intérieur-Défense a réalisé un guide méthodologique, notamment sur le compte rendu téléphonique, qui a été diffusé cet été.

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice

Je vois que vous savez tout… (Sourires.) Il s'agit d'améliorer la qualité de l'information échangée entre enquêteurs et magistrats et de faciliter la gestion de masse des appels téléphoniques. Ceux, nombreux ici, qui ont visité des établissements, savent combien la question est cruciale.

Ce groupe de travail est parvenu à harmoniser les référentiels de compétences que les OPJ de la police comme de la gendarmerie doivent acquérir pour mener à bien l'intégralité d'une enquête. Il a également élaboré un programme de formation pour l'examen technique des candidats OPJ, policiers et gendarmes, et modifié les épreuves pour leur donner un caractère plus opérationnel. Ce travail, très concret, répond un peu à l'objet de votre amendement, que vous pourriez donc, je le pense, retirer.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pupponi

Je ne comprends pas la position du rapporteur. Dans les quartiers où se développent les bandes, les fonctionnaires de police sont souvent des jeunes qui viennent d'être nommés. Or, dans la formation d'un policier, il n'y a quasiment rien sur les bandes, sur les émeutes urbaines, sur tout ce que ces jeunes policiers vont découvrir dans leur premier poste. S'il y a un effort de formation à faire – je ne sais pas si ce groupe de travail en a parlé –, c'est bien en direction de ces jeunes fonctionnaires affectés dans des commissariats de banlieue. Remettre ce guide à chaque agent qui y arrive relève du bon sens. Cela relève peut-être du règlement, mais le mettre dans la loi serait un signal fort. C'est toute la formation de ces jeunes policiers qu'il faudrait revoir car, actuellement, elle les prépare mal à ce qu'il vont rencontrer.

(L'amendement n° 53 n'est pas adopté.)

(L'article 1er, amendé, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi d'un amendement, n° 4 , tendant à supprimer l'article 2 bis.

La parole est à M. Michel Vaxès.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

Cet article autorise les agents de gardiennage à porter une arme. Pour moi, cela équivaut à créer une police privée, et cette proposition m'inquiète énormément. Outre qu'elle illustre l'abandon de ses missions régaliennes par l'État, elle serait très contre-productive.

Sont visés les immeubles collectifs et locatifs. Cela comprend donc les HLM. On nous dit que la police a du mal à pénétrer dans certaines cités difficiles, mais on va armer des gardiens qui, actuellement, jouent un rôle dans le dialogue à l'intérieur de ces cités, et leur donner ainsi une image répressive. Moi qui habite dans ces quartiers, je sais comment les choses se passent. J'en prends le pari : dès qu'un bailleur prendra la responsabilité d'armer ses gardiens, il y aura une multitude de problèmes. C'est pourquoi notre groupe demande la suppression de cet article.

Je le répète, il sera contre-productif, sauf si ce sont d'autres locaux d'habitation que vous voulez protéger, Dans ce cas, il faut le dire. Ce serait plus clair. Je n'imagine pas qu'un bailleur puisse se doter d'un gardiennage armé, car le risque serait grand d'aggraver les problèmes au lieu de les résoudre.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

Défavorable. En première lecture, M. Goujon avait défendu cette disposition en soulignant qu'il était très pertinent de permettre à des gardiens d'immeuble d'être armés, dans un cadre bien déterminé, avec des conditions de recrutement, en subordonnant l'embauche d'un agent à la transmission par le préfet de ses observations relatives aux interdictions. Nous le répétons, c'est utile.

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice

Même avis pour les mêmes raisons.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Goujon

Je suis l'auteur de l'amendement adopté en première lecture, et qui est devenu l'article 2 bis. Une partie de l'opposition ne l'a d'ailleurs pas rejeté, même si elle a ajouté des conditions complémentaires.

Le code de la construction fait obligation aux bailleurs d'assurer la sécurité dans leurs immeubles collectifs. C'est pourquoi de nombreux bailleurs se sont dotés de services de sécurité, qu'ils gèrent parfaitement bien dans la plupart des cas.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Goujon

Or ces agents de surveillance sont souvent agressés violemment et n'ont aucun moyen de défense. Donner au bailleur la possibilité, qu'il utilisera ou non, de les doter, sur autorisation du préfet et avec toutes les garanties possibles, d'armes de sixième catégorie, c'est simplement de leur permettre de se défendre. Il ne s'agit pas, et les débats parlementaires le précisent, de les doter de couteaux ou de coups de poing américains, mais seulement d'un bâton de défense pour éviter d'être blessés par des bandes, en attendant l'arrivée des services de police.

Il existe à Paris un groupement qui emploie environ 300 agents. En 2009, la moitié d'entre eux ont été agressés, dont 40 ont été blessés plus ou moins grièvement. Il s'agit de les protéger et de rien d'autre.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

Je ne sais pas si vous mesurez bien la portée de ce que vous proposez. Des agents de gardiennage se sentent menacés. Au lieu de recourir à ceux qui ont en charge la protection des biens et des personnes, c'est-à-dire à la police, vous voulez les armer pour qu'ils puissent se défendre en attendant la police. Mesurez bien la responsabilité que vous prenez et que vous allez faire prendre à l'Assemblée si elle adopte cette disposition. Cela signifie que vous créez les conditions de l'affrontement armé avant que les forces de police n'arrivent.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

Si ces gardiens jouent le rôle positif que vous leur reconnaissez, c'est peut-être justement parce qu'ils ne sont pas armés. En les armant, vous en faites les adversaires de délinquants qui seront armés également.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

Vous ouvrez la porte à tous les excès, à tous les dérapages. Il y a des blessés, dites-vous. Je crains qu'avec cette disposition, il n'y ait pire demain.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Le raisonnement et les craintes de notre collègue Goujon peuvent se comprendre quand on voit la façon dont, depuis plusieurs années, l'État se défausse, en matière de sécurité, sur les collectivités territoriales, les bailleurs ou les organismes de transport.

À Paris, le service qu'il évoquait a été créé par Christophe Caresche, lorsqu'il était adjoint au maire.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Dans un certain nombre d'immeubles d'habitat social, ce dispositif a rendu possibles de vrais progrès en termes de sécurité.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Aujourd'hui, les agents en question sont accompagnés de chiens, mais ils ne se substituent pas à l'intervention policière : en cas de besoin, il est fait appel à la police.

Il reste que le rapporteur doit répondre à la question de M. Goujon sur la nature des armes de sixième catégorie prévues dans la proposition de loi. Cette catégorie recouvre en effet un large éventail d'armes, et il faut que nos débats précisent strictement leur nature.

Nous avons déposé des amendements afin que l'ensemble du dispositif soit parfaitement encadré par la loi. Nous pouvons nous inspirer des textes qui régissent l'activité des agents de sécurité de la SNCF ou, dans une moindre mesure, de la RATP.

(L'amendement n° 4 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi d'un amendement n° 50 .

La parole est à Mme Sandrine Mazetier.

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Il ne faut pas que les dispositions prévues par ce texte soient un prétexte supplémentaire utilisé par le Gouvernement pour se désengager des missions régaliennes de l'État.

Les collectivités locales et les élus locaux, qui sont nombreux à s'exprimer sur la sécurité des personnes et des biens, sont prêts à tous les partenariats. Ils consentent des efforts importants et tentent d'être inventifs, constructifs, de faire des propositions au quotidien, comme le montre l'initiative parisienne que nous venons de citer. Mais cela ne doit pas servir de prétexte à des suppressions de postes répétées dans la police, ni au recul des moyens qui lui sont attribués pour répondre aux sollicitations des habitants, tant en zone urbaine que rurale.

Je veux au moins que le Gouvernement s'engage sur ce point, car ce n'est pas ce qu'il fait depuis le début du débat.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

Défavorable, non pas sur le fond, mais sur la forme : l'article 7 de la loi du 12 juillet 1983 est déjà applicable aux personnes concernées sans qu'il soit besoin de le préciser.

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice

Je ne saurais mieux dire !

(L'amendement n° 50 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi d'un amendement n° 51 .

La parole est à M. Daniel Goldberg.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

Cet amendement est en partie rédactionnel puisqu'il s'agit, en précisant à ce stade que les armes en question sont de sixième catégorie, de mettre l'alinéa 4 en cohérence avec l'alinéa 3.

Nous souhaitons cependant aller plus loin, en demandant au Gouvernement de s'engager. Il annonce en effet qu'un décret précisera quelles d'armes de sixième catégorie seront concernées, mais il serait bon qu'il nous donne des précisions dès maintenant.

Cela semble d'autant plus utile lorsque l'on voit la liste des armes en question. Je vous en donne lecture : les baïonnettes, les sabres-baïonnettes, les poignards, les couteaux, les matraques, les casse-tête, les cannes à épée, les cannes plombées et ferrées, les arbalètes, les fléaux japonais, les étoiles de jets, les coups de poing américains, les lance-pierres de compétition, les projecteurs hypodermiques... (Exclamations sur divers bancs.)

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice

Je dirai même plus : avis favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Le problème, avec les arbalètes, c'est qu'il faut du temps pour recharger ! (Sourires.)

(L'amendement n° 51 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Je suis saisi d'un amendement n° 52 .

La parole est à Mme Delphine Batho.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Cet amendement vise à supprimer l'alinéa 10 qui prévoit que, « dans des cas exceptionnels définis par décret en Conseil d'État », les agents « peuvent être dispensés du port de la tenue ».

L'alinéa 10 pose un gros problème, et je n'en vois pas le fondement. Quelles raisons pourraient justifier de déroger, même dans des cas exceptionnels, à l'obligation du port de la tenue ? Peut-être ces dispositions sont-elles inspirées de celles qui s'appliquent aux agents de sécurité des supermarchés et des grandes surfaces commerciales ? Dans certaines circonstances, ces derniers sont en effet dispensés du port de la tenue afin de pouvoir se déplacer discrètement dans les rayons des magasins pour, éventuellement, y surprendre des voleurs. Cependant, les très graves incidents qui se sont déroulés à Lyon pendant la période des fêtes nous ont montré que ces solutions n'étaient pas les bonnes, et qu'il faudrait recadrer l'activité des vigiles de supermarché.

En ce qui concerne les agents dont nous discutons, je ne comprends vraiment pas ce qui pourrait les dispenser de porter une tenue.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Ciotti

Défavorable. Il appartiendra au Conseil d'État de fixer la liste des « cas exceptionnels » en question.

Il pourrait s'agir de cas liés à des périodes de tension ou de danger qui légitimeraient, de façon tout à fait exceptionnelle, que les agents soient dispensés du port de la tenue.

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice

Il s'agira de cas vraiment très exceptionnels ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

On atteint des sommets !

Nous n'avons pas eu de précisions concernant la liste des armes de sixième catégorie que vient de nous citer Daniel Goldberg. Imaginez un gardien en civil muni d'un coup de poing américain !

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Si la présence de ces gardiens a un caractère dissuasif, c'est à condition qu'ils soient identifiables par leur tenue. S'ils ne peuvent plus être distingués des personnes qui causent des troubles dans les parties privatives des immeubles, alors nous aurons créé une situation d'affrontement, voire de guérilla, et plus personne ne s'y retrouvera. Lorsque la police interviendra, ils courront même le risque de prendre des coups et d'être arrêtés.

Debut de section - PermalienPhoto de Sandrine Mazetier

Rien ne justifie que l'on autorise, dans des circonstances sur lesquelles personne n'est d'ailleurs capable de nous éclairer, qu'il soit dérogé au port de la tenue et que les agents concernés ne soient pas identifiables – à moins que vous ne souhaitiez leur faire jouer un rôle qui relève des compétences de l'État.

Les agents de la BAC sont parfois en civil, et cela peut être justifié et très utile. La même tenue est parfois nécessaire pour s'infiltrer dans une cité afin de combattre les phénomènes de bande et de délinquance organisée. Mais cela relève des compétences de la police et de l'État, pas de celles des gardiens d'immeubles !

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice

Il ne faut pas procéder par amalgames.

Pour la dérogation au port de la tenue, il y a la garantie qu'apporte le décret en Conseil d'État. Ma réponse était peut-être elliptique quand j'évoquais des cas « très exceptionnels », mais cette rédaction correspond à une demande exprimée dans le cadre interministériel afin de pouvoir prévoir des situations particulièrement graves.

Debut de section - PermalienJean-Marie Bockel, secrétaire d'état à la justice

Il n'y a pas de lien entre ces cas très exceptionnels et la définition, celle-là moins exceptionnelle, des armes de sixième catégorie.

L'autorisation nominative de porter une arme sera obligatoirement délivrée par le préfet, qui prendra toutes les précautions nécessaires et fera toutes les vérifications utiles. Nous pouvons lui faire confiance sur ces questions : l'autorisation par le préfet constitue un filtre sérieux.

En tout état de cause, il ne faut pas mêler la question de l'arme et celle de la tenue, sans quoi on ne s'y retrouvera pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Christophe Lagarde

Si les arguments du secrétaire d'État me semblent totalement convaincants en ce qui concerne les armes de sixième catégorie, je ne comprends pas sa position en ce qui concerne la tenue des gardiens.

Pour ma part, j'ai rencontré de sérieux problèmes avec un gardien menacé physiquement, et dont le logement a été incendié. Il a fallu le faire déménager en urgence avec sa famille, et j'en étais presque venu à lui payer les services d'un garde du corps officiellement habilité. Même dans les cas « très exceptionnels », il me semble qu'il est de notre devoir, en ce qui concerne le port de la tenue, de bien réfléchir avant de nous prononcer – ne serait-ce que pour que le Conseil d'État s'inspire éventuellement de nos travaux.

Finalement, il me semble préférable de supprimer ce cas dérogatoire. En effet, les forces de police et de gendarmerie peuvent se retrouver face à des personnes équipées comme les délinquants qu'elles sont censées poursuivre, avec un risque de confusion et de bavure qui n'est pas négligeable. Lorsque la BAC, qui ne connaît pas nécessairement les lieux, intervient, je préfère ne même pas penser aux risques que nous prenons si des gardiens armés sans tenue sont présents ! Au moins, dans les supermarchés dont parlait Mme Batho, les vigiles en civil peuvent-ils être identifiés par les autres membres du personnel.

(L'amendement n° 52 n'est pas adopté.)

(L'article 2 bis, amendé, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

La parole est à Mme Delphine Batho, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Delphine Batho

Nous interrompons nos travaux avant d'en arriver à l'article 3 bis, relatif au « Grand Paris de la sécurité ».

Le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche considère que la présence du ministre de l'intérieur est impérative pour que, demain, nous puissions débattre de cette question. Il serait inconcevable que nous discutions de ces dispositions en son absence, et je souhaite que M. le secrétaire d'État lui transmette ce message.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laffineur

Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Débat sur la sécurité des réseaux d'approvisionnement en électricité ;

Suite de la proposition de loi tendant à renforcer les moyens du Parlement en matière de contrôle de l'action du Gouvernement et de l'action des politiques publiques ;

Suite de la deuxième lecture de la proposition de loi renforçant la lutte contre les violences de groupe.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mercredi 27 janvier 2010, à une heure.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma