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Intervention de Delphine Batho

Réunion du 26 janvier 2010 à 21h45
Lutte contre les violences de groupes — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDelphine Batho :

Nous avions montré en première lecture qu'il n'y avait pas de vide juridique face aux agissements des bandes violentes, que les dispositions proposées ne seraient pas efficaces et que plusieurs d'entre elles étaient contraires à la Constitution.

Nous voulons ce soir rendre hommage au travail rigoureux du Sénat, en particulier au travail du rapporteur de la commission des lois, François Pillet, qui a, de fait, démantelé la proposition Estrosi sur les bandes.

Nous soutenions qu'il n'y avait pas de vide juridique. Or le Sénat, pages 12, 13, 14 et 15 du rapport de sa commission des lois, rappelle toutes les dispositions en vigueur pour combattre les bandes violentes.

Ce texte, affirmions-nous, méconnaît le principe selon lequel nul n'est punissable que de son propre fait, ce qui revient de fait à instaurer une responsabilité pénale collective. Or, précisément, le Sénat s'est refusé « à créer une forme de responsabilité collective, incompatible avec les principes fondamentaux de notre droit pénal », en modifiant l'article 1er et en supprimant l'article 2.

J'ai d'ailleurs cru déceler, monsieur le secrétaire d'État, en lisant le compte rendu des débats du Sénat, un certain soulagement de votre part tant le risque d'une censure par le Conseil constitutionnel était manifeste.

Cette proposition de loi, disions-nous, ne respecte pas la graduation des peines. Le Sénat a souhaité « restaurer une certaine cohérence dans l'échelle des peines, considérant que la préparation des infractions ne devait pas être punie plus sévèrement que la perpétration de ces mêmes infractions ».

Nous estimions que les dispositions de l'article 3 sur les cagoules seraient inopérantes. Le Sénat les a certes maintenues, mais en ajoutant que « l'effet dissuasif de cette circonstance aggravante n'emporte pas la conviction ».

Je m'arrête là pour ne pas me montrer plus cruelle, car c'est un véritable camouflet que la Haute assemblée a infligé au texte issu des débats de l'Assemblée. Du reste, il ne restait tellement rien de la proposition de loi Estrosi ou si peu, que le Sénat – pour sauver les apparences, sans doute – y a introduit des dispositions empruntées à la LOPPSI concernant le Grand Paris de la sécurité ou les violences commises lors des manifestations sportives.

Pour commencer, au nom du groupe SRC, je veux défendre cette motion de rejet préalable dans sa double dimension.

Tout d'abord, malgré la volonté du Sénat d'expurger du texte toute disposition inconstitutionnelle, la proposition de loi comporte de nouveau des dispositions qui sont contraires à notre loi fondamentale. Je pense notamment à un certain nombre d'amendements introduits en commission des lois à l'initiative de notre rapporteur, en particulier à l'article 1er et à l'article 7. Ces dispositions sont contraires au principe de proportionnalité des peines contenu dans l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Elles sont également contraires au principe selon lequel nul n'est responsable que de son propre fait – je pense ici aux dispositions de l'alinéa 7 de l'article 7.

Cette motion de rejet veut aussi faire reconnaître qu'il n'y a pas lieu de délibérer.

Cette proposition de loi repose en fait sur une illusion. Cette illusion, c'est que le simple fait de créer un nouveau délit d'appartenance à une bande permettrait de régler le problème.

Après les modifications apportées par le Sénat, il ne reste plus rien de cette illusion. Les seules dispositions de cette proposition de loi qui méritent une discussion sont celles qui sont issues de la LOPPSI, et qui seront discutées demain en commission des lois. Il n'y a donc aucune raison d'examiner un texte supplémentaire ce soir alors que la LOPPSI est discutée demain en commission des lois. Il n'y a aucune raison d'adopter une seizième loi sur la sécurité depuis 2002.

C'est proposition de loi est superfétatoire, nous l'avons dit et redit. Face aux bandes délinquantes, le problème n'est pas de changer la législation pénale, mais d'appliquer les textes existants.

Les dispositions proposées, notamment dans ce fameux article 1er, n'apportent pas d'outils juridiques supplémentaires pour les policiers et les magistrats. Au contraire, il sera plus compliqué de prouver qu'une personne a participé sciemment à un groupe, ou qu'il y a eu préparation de l'infraction caractérisée par des faits matériels.

Une fois de plus, le Gouvernement et la majorité passent à côté des vrais problèmes et des vrais remèdes à apporter. Tous ceux qui sont confrontés à la multiplication des affrontements violents, à la mainmise de bandes délinquantes sur certains territoires, élus locaux et professionnels de terrain, demandent d'abord, et de toute urgence, un changement radical de la doctrine d'emploi des forces de police.

La politique du chiffre est totalement contre-productive. Et surtout, la délinquance la plus enracinée n'est pas combattue.

Il faut déployer une véritable police de quartier ; ce n'est pas ce que vous faites avec le Grand Paris de la sécurité. Nous en discuterons. Mais permettez-moi une remarque à ce stade : si une meilleure organisation des forces et une bonne coordination à l'échelle de la région sont nécessaires, c'est d'abord pour reconquérir le terrain qui a été abandonné,…

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