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Intervention de Michel Vaxès

Réunion du 26 janvier 2010 à 21h45
Lutte contre les violences de groupes — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Vaxès :

Je vous cite, monsieur le secrétaire d'État : « Nos concitoyens ont peur et attendent d'être protégés », ou encore : « Il ne s'agit pas de porter atteinte à des libertés, mais de protéger des gens. N'oubliez pas que la première liberté que demandent les habitants de certains quartiers est de voir leur sécurité garantie. »

Les « habitants de certains quartiers », comme vous dites, monsieur le secrétaire d'État, je les connais aussi bien que vous, peut-être mieux même, car j'habite ces mêmes quartiers. Croyez-moi, ce qu'ils demandent avant tout, c'est le droit et les moyens de vivre et de faire vivre dignement leur famille. Malheureusement, non seulement la politique du Gouvernement ne répond pas à cette exigence-là, mais elle continue d'aggraver des inégalités déjà bien cruelles pour beaucoup de nos concitoyens.

Mais revenons au texte. Les changements apportés par le Sénat à la rédaction de l'article 1er ne le rendent pas plus acceptable.

L'arsenal juridique dont disposent les juges pour sanctionner les faits commis en bande est aujourd'hui largement suffisant pour réprimer les violences commises en bande. Les incriminations de complicité, d'association de malfaiteurs, d'actes commis en bandes, de criminalité en bande organisée sont déjà à la disposition des juges, qui n'en demandent pas davantage. En revanche, ce qui manque aux magistrats et aux policiers, ce sont des moyens, et particulièrement des moyens humains que la politique de votre gouvernement leur refuse.

Finalement, ce nouvel article ne sert qu'à introduire dans notre dispositif juridique la punition d'une simple intention. Voilà qui, à n'en pas douter, ouvrira la porte à l'arbitraire. Cette disposition ne vise pas à réprimer les violences commises en bande, mais, de manière préventive, le simple fait de se trouver dans une bande.

Notre droit pénal exige pourtant qu'une infraction soit constituée d'un élément psychologique et d'un élément matériel. Les modifications apportées par le Sénat n'y changeront rien, ce délit restera un délit virtuel que notre droit récuse. Il est en totale contradiction avec le principe constitutionnel de personnalisation des délits et des peines, lequel interdit la responsabilité pénale collective : on ne peut être poursuivi que pour ses propres actes. Or, aux termes de l'article 1er, le simple fait de participer à une bande violente constituera un délit.

Pour les magistrats, cet article sera inapplicable. Les violences commises en groupe ayant souvent un caractère spontané, il sera extrêmement compliqué de prouver l'intention délictueuse de la personne mise en cause. De plus, il est bien rare que les forces de l'ordre soient présentes dès le début du passage à l'acte. Établir la preuve de la responsabilité individuelle sera donc pratiquement impossible.

Au fond, ce à quoi vous vous attachez, c'est à délivrer le message médiatique visant à faire croire que vous agissez, pour mieux masquer le fait que vous ne donnez pas aux professionnels les moyens d'appliquer les textes existants.

Les sénateurs ont supprimé l'article 1er bis qui visait à aggraver les peines encourues lorsque les violences sont commises au moyen de jets de pierres contre des véhicules de transports publics. Ces violences font en effet déjà l'objet de peines aggravées. Mais votre majorité, emportée par son obsession d'affichage et sa philosophie toujours plus répressive, ne veut pas voir que le droit existant suffit largement à réprimer ce type de violence. Cette majorité serait mieux inspirée de porter ses efforts sur les causes et sur les moyens qu'elle est prête à consentir pour prévenir et combattre les violences, plutôt que d'accoucher, à l'occasion de chaque fait divers, d'un nouveau texte sans avenir parce que sans réelle efficacité.

Il en va de même de l'ancien article 2, qui étendait le délit de participation à un attroupement armé aux personnes y participant aux côtés de personnes portant des armes apparentes. Comme l'a rappelé la commission des lois du Sénat, « l'état du droit relatif aux attroupements répond d'ores et déjà aux objectifs poursuivis par les auteurs de la proposition de loi ».

Au chapitre des incohérences relevées par les sénateurs, j'ajouterai celles de l'article 7. Elles ont conduit nos collègues à modifier le texte initial. Ils ont ainsi prévu que le délit d'intrusion dans un établissement scolaire ne sera constitué que lorsque l'intrusion aura pour but de troubler la tranquillité ou le bon ordre de l'établissement. Ils ont également revu à la baisse certaines des peines retenues afin de les adapter à l'échelle des peines. Ils ont supprimé les dispositions ouvrant la voie à une forme de responsabilité collective comme étant contraire au principe selon lequel « nul n'est responsable que de son propre fait ». Enfin, ils ont supprimé les dispositions relatives au port d'armes dans les établissements scolaires, qui sont déjà satisfaites par notre législation.

Peine perdue. C'était compter sans l'obstination déraisonnable de la majorité de notre commission qui, ne tenant nul compte des simples observations juridiques du rapporteur au Sénat, s'est empressée de revenir à son texte initial. Bien évidemment, nous demanderons, comme en première lecture, la suppression de cet article qui correctionnalise l'intrusion injustifiée dans un établissement scolaire. La contravention reste une peine appropriée en l'absence d'atteintes aux personnes ou aux biens, atteintes du reste spécifiquement prévues et sanctionnées par la législation actuelle.

De même, nous maintiendrons nos amendements de suppression des articles 2 bis, 4 bis, 4 ter et 6. Tous ces articles seront, en effet, soit inefficaces parce qu'inapplicables, soit inutiles parce que redondants, soit dangereux en ce que, d'une part, ils permettent la répression de la contestation sociale et, d'autre part, en ce qu'ils participent à l'intolérable excès de banalisation du passage de l'enfant dans la sphère policière et judiciaire.

Nous nous refusons à voter un texte qui viendra augmenter inutilement l'invraisemblable arsenal de lois sécuritaires sans apporter l'espoir de résultats concrets contre la délinquance.

Notre législation est déjà l'une des plus répressives au monde et, après chaque fait divers, vous en rajoutez. Pourtant, la délinquance et les violences ne cessent d'augmenter. Ne serait-il pas temps de vous demander si les réponses à ces questions ne se trouvent pas ailleurs que dans les évolutions du code pénal ? Ne serait-il pas temps aussi de vous interroger sur la philosophie, la méthode et les moyens de votre politique ?

Nous sommes, pour notre part, depuis longtemps convaincus que plus de justice sociale, plus d'éducation, plus de culture,…

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