La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
Madame la présidente, monsieur le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, mesdames, messieurs, le projet de loi relatif à la protection du secret des sources des journalistes correspond à un engagement du Président de la République pris pendant la campagne électorale de 2007.
La protection des sources de l'information est une garantie du libre exercice de la profession de journaliste et de l'indépendance des médias. Elle constitue l'un des fondements de notre démocratie.
Elle permet d'abord aux journalistes d'accéder à l'information, en garantissant à leurs interlocuteurs qu'ils ne pourront pas faire l'objet de représailles pour avoir révélé certains faits.
Elle permet ensuite aux journalistes de se protéger face à certaines pressions de nature à limiter leur travail d'investigation.
La Cour européenne des droits de l'homme a consacré le principe du secret des sources des journalistes comme une composante essentielle de la liberté d'expression dans un premier arrêt en 1996.
Elle a reconnu à cette occasion que la protection des sources journalistiques était l'une des pierres angulaires de la liberté de la presse, en interdisant les sommations de divulgation par l'autorité judiciaire.
En 2003, elle a poursuivi ce mouvement jurisprudentiel en considérant comme disproportionnées les mesures de perquisition effectuées dans le but d'identifier les sources des journalistes.
Ce principe est donc aujourd'hui reconnu par le juge européen. Pour autant, notre droit interne ne le reconnaît que partiellement.
Ainsi, la loi du 4 janvier 1993 reconnaît aux journalistes le droit de ne pas divulguer leurs sources lorsqu'ils sont entendus comme témoins dans le cadre d'une information judiciaire.
Mais cette disposition n'est pas suffisante. D'une part, elle ne protège pas le journaliste dans le cadre de perquisitions ou d'écoutes téléphoniques. D'autre part, elle est limitée à l'instruction et ne vise ni les autres régimes d'enquête, ni l'audition des journalistes à l'audience.
Pour combler ces lacunes, ce projet de loi prévoit de procéder à l'extension de la protection des sources journalistiques. Le texte a été opportunément débattu et complété au Sénat par des dispositions pertinentes.
Le projet de loi consacre le droit du journaliste entendu comme témoin de ne pas révéler ses sources tout au long de la procédure pénale.
En l'état actuel du droit, l'article 109 du code de procédure pénale permet au journaliste de taire l'origine des informations recueillies dans l'exercice de son activité lorsqu'il est cité comme témoin dans le cadre d'une information judiciaire. Ce droit est étendu à l'audition du journaliste comme témoin devant la cour d'assises ou devant le tribunal correctionnel, consacrant ainsi un droit absolu au silence.
Prenant acte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, le projet de loi prévoit également un régime dérogatoire en matière de perquisitions, sur le modèle de celles effectuées dans les cabinets et au domicile des avocats.
Le texte va donc plus loin que le seul droit pour le journaliste de ne pas révéler ses sources.
Le régime protecteur des avocats par rapport à leur client est également repris en matière d'écoutes téléphoniques. Le texte prévoit ainsi qu'à peine de nullité, ne pourront être transcrites les correspondances avec un journaliste permettant d'identifier une source en violation du principe de protection des sources.
Enfin, le texte complète les dispositions du code de procédure pénale relatives aux réquisitions judiciaires, afin de préciser que ces réquisitions ne peuvent méconnaître le principe de la protection des sources des journalistes défini à l'article 2 de la loi de 1881.
Ce texte a été amélioré lors de son examen par les deux assemblées et le Gouvernement considère qu'il a aujourd'hui atteint son équilibre. Monsieur le rapporteur, vous avez exprimé en commission des lois un très large accord sur les lignes directrices du projet, ce dont nous vous remercions. Les deux chambres ont consacré une conception équilibrée du principe de la protection des sources, en affirmant l'effectivité de ce principe sans accorder aux journalistes une immunité pénale absolue dans leur travail. Cet équilibre se manifeste à travers la volonté de préserver un régime de responsabilité adapté.
Rien, ni dans leur mission, ni dans leur déontologie, ne saurait justifier diffamations ou atteintes à la vie privée. L'immense majorité des journalistes partagent cette conviction. C'est d'ailleurs l'une des forces du journalisme de notre pays.
Par ailleurs, monsieur le rapporteur, vous avez souligné à juste titre dans votre rapport les améliorations du texte apportées par le Sénat. Pour ma part, j'en citerai deux.
En premier lieu, la définition de ce que l'on appelle les « atteintes indirectes au secret des sources », qui garantit la protection de l'ensemble de la chaîne de l'information. Est ainsi considéré comme une atteinte au secret des sources le fait de chercher à découvrir les sources d'un journaliste au moyen d'investigations portant sur toute personne qui, en raison de ses relations habituelles avec un journaliste, peut être amenée à prendre connaissance d'informations permettant d'identifier ces sources. Cette précision permet de protéger de façon large les journalistes dans leur métier.
En second lieu, la suppression de la limitation de la protection des sources d'information à ce que l'on appelle les « questions d'intérêt général », compte tenu du risque de jugement de valeur contenu dans cette notion. La protection des sources est ainsi garantie aux journalistes dans l'exercice de leur mission d'information au public, ce qui empêche toute possibilité de discrimination selon le type de média en cause.
Mesdames et messieurs les députés, le projet de loi qui arrive à l'Assemblée en deuxième lecture renforce la protection de l'indépendance de l'information, le pluralisme des médias et la liberté des journalistes. Il donne ainsi tout son sens à la fonction de garantie démocratique assurée par les médias et par là même, plus largement, à la liberté d'expression. C'est un authentique progrès pour la démocratie ; c'est une avancée pour l'État de droit. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Étienne Blanc, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre assemblée est aujourd'hui – enfin ! allais-je dire – saisie en deuxième lecture du projet de loi relatif à la protection du secret des sources des journalistes.
Ce texte, adopté par le conseil des ministres le 12 mars 2008, a été adopté en première lecture par notre assemblée le 15 mai 2008, par le Sénat le 5 novembre 2008. Il a été examiné par notre commission des lois le 2 décembre 2008. Un changement brutal du calendrier a voulu que le texte ne soit pas examiné au mois de décembre 2008 et que nous l'examinions aujourd'hui. Il n'est jamais trop tard pour bien faire.
Vous l'avez dit, monsieur le ministre : ce projet de loi vise à renforcer la liberté d'informer dans notre pays et à protéger un métier, un profession à laquelle chacune et chacun d'entre nous, dans cet hémicycle, est particulièrement attaché.
Avec l'adoption de ce texte, nous allons affirmer, de manière solennelle et absolue, le principe de la protection du secret des sources des journalistes, et en tirer les conséquences en matière de procédure pénale.
Rappelons qu'il s'agit d'un engagement pris par M. le Président de la République pendant sa campagne électorale, et réitéré par la suite. Soulignons également que cette mesure s'inscrit dans le cadre de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, qui, à plusieurs reprises, a fait observer que la France ne respectait pas pleinement les dispositions de l'article 10 de la convention européenne du même nom.
Lors de l'examen du projet de loi en première lecture le 15 mai 2008, notre assemblée avait considérablement modifié et amélioré le texte, adoptant vingt-deux amendements, dont dix-sept directement proposés par la commission des lois. Ces amendements répondaient aux interrogations et inquiétudes qu'avait suscitées auprès des professionnels que nous avions auditionnés la version initiale du projet de loi. Les professionnels souhaitaient notamment que nous réduisions au strict minimum les incertitudes juridiques. Ils considéraient que le champ des restrictions au secret des sources et à leur protection était trop étroit et que la jurisprudence aurait pu « dériver ».
En première lecture, le Sénat avait adopté seize amendements proposés par notre collègue François-Noël Buffet.
À l'issue de ces deux lectures, un seul article – l'article 4 – avait été adopté dans les mêmes termes. Toutefois, un très large accord sur le fond s'était dégagé entre les deux assemblées. Toutes deux ont ainsi affirmé leur souhait de voir consacré dans la loi le principe de la protection du secret des sources des journalistes, souhaitant en cela adresser un signal fort à la profession en faveur de la liberté de la presse, d'une presse d'investigation, pluraliste et indépendante.
Pour autant, les deux assemblées se sont accordées sur le fait que la protection du secret des sources ne saurait être absolue et que l'on ne pourrait faire du journaliste un citoyen hors du commun, ne respectant pas un certain nombre de dispositions fondamentales de notre droit. Il faut donc établir une liste de critères qui permettent de limiter cette protection et de porter une atteinte légitime et proportionnée au secret des sources des journalistes.
Les deux assemblées ont également réaffirmé que protection du secret des sources ne signifie pas déresponsabilisation des journalistes, invitant la profession à se doter d'un code de déontologie – cette question fut régulièrement posée, notamment par les syndicats, au cours de nos auditions.
Autre point d'accord, la nécessité de protéger toute la chaîne de l'information. On ne va pas chercher une source simplement en recherchant la source elle-même, on peut rechercher la source d'information d'un journaliste en allant chercher tout ce qui en périphérie de l'activité du journaliste, en entendant sa secrétaire, en saisissant des matériels qui sont utiles au processus de développement de l'information. Aussi avons-nous inclus dans le texte les « atteintes indirectes » qui pourraient être portées à la protection des sources des journalistes.
Par ailleurs, les deux assemblées se sont accordées sur la consécration par le projet de loi d'un droit absolu des journalistes au silence lorsqu'ils sont entendus comme témoins tout au long de la procédure pénale. Jusqu'alors, le droit au silence était concentré sur l'instruction, il ne figurait pas dans notre droit lorsque le journaliste était entendu pendant l'audience, que ce soit une audience du tribunal correctionnel ou une audience de la cour d'assise.
En revanche, le Sénat s'est, tout comme l'Assemblée, refusé à accéder à la demande, parfois exprimée par la profession de journalistes, d'encadrer de manière très étroite le régime des gardes à vue pour les journalistes. Dans l'état actuel du droit, toute personne placée en garde à vue est libre de se taire ; a fortiori le journaliste est libre de ne pas révéler ses sources. Modifier la loi sur ce point particulier nous aurait conduit à devoir prendre acte d'éventuelles pratiques contraires à la loi consistant à exiger d'un journaliste placé en garde à vue qu'il livre ses sources, ce que la loi ne saurait admettre. Qui plus est, cela aurait abouti à faire du journaliste une sorte de citoyen d'exception soumis un régime de garde à vue particulier. Une telle disposition, selon nous, aurait pu être censurée par le Conseil constitutionnel, le journaliste relevant, comme tous les citoyens, du droit commun.
Le Sénat a amélioré le texte en apportant de très nombreuses clarifications rédactionnelles, en modifiant l'ordre de certains alinéas, en levant quelques ambiguïtés et en apportant d'utiles précisions : il a notamment ajouté un point particulier en ce qui concerne la possibilité désormais offerte au journaliste de plaider l'exceptio veritatis dans des affaires touchant au recel du secret de l'instruction ou au secret professionnel. Nous ne l'avions pas indiqué dans le texte d'origine ; le Sénat a ainsi réparé un oubli, à tout le moins une imperfection.
Sur le fond, le Sénat a apporté deux modifications essentielles.
Tout d'abord, il a reformulé les critères justifiant qu'il soit porté atteinte au secret des sources. C'est le sujet principal du débat que nous aurons dans un instant.
À l'issue des travaux de l'Assemblée nationale, deux niveaux de critères avaient été retenus. En premier lieu, des critères généraux applicables en toutes matières, pénale, administrative, civile ou commerciale, qui permettaient une atteinte au principe du secret des sources « à titre exceptionnel » et « si un impératif prépondérant d'intérêt public le justifie » – autrement dit lorsque celui-ci primait sur le principe du secret des sources. En second lieu, des critères spécifiques à la procédure pénale, permettant une atteinte au secret des sources si « la nature et la particulière gravité » de l'infraction sur laquelle porte la procédure rendent cette atteinte « strictement nécessaire. »
Le Sénat a redéfini ces deux niveaux de critères.
Tout d'abord, il a rappelé que les mesures susceptibles de porter atteinte au secret des sources lorsqu'un impératif prépondérant d'intérêt public existe devaient être « strictement nécessaires et proportionnées au but légitime poursuivi. » Ce faisant, le Sénat a fait remonter le critère de proportionnalité de l'atteinte au niveau des critères généraux, afin qu'il soit respecté pour toute levée du secret, y compris hors procédure pénale. Cette demande avait été présentée par les syndicats de journalistes.
Pour ce qui est du cadre spécifique de la procédure pénale, le Sénat a précisé des critères cumulatifs dont il doit être tenu compte.
Premier critère, la gravité de l'infraction. Certains journalistes demandaient de réserver la possibilité de lever la protection du secret des sources à la seule matière criminelle. Nous n'avons pas suivi cette voie, estimant qu'il pouvait exister des délits particulièrement graves dans pour autant être qualifiés de crimes, puisque non suivis de morts : ainsi la séquestration. Dans des cas d'une telle nature, quand bien même ils relèvent de la qualification délictuelle, il fallait maintenir la possibilité de lever la protection du secret des sources eu égard à leur particulière gravité.
Deuxième critère essentiel : l'information recherchée doit être essentielle pour la répression ou la prévention de cette infraction.
Troisième critère, les mesures d'investigation envisagées doivent être indispensables à la manifestation de la vérité. Si les enquêteurs peuvent découvrir l'origine de l'information sans être obligés de remettre en cause secret des sources, ils devront s'en abstenir : cela renforce le caractère subsidiaire de la levée du secret des sources par rapport aux autres voies et moyens concourant à recherche des informations.
Enfin, le Sénat a supprimé la référence à l'intérêt général. En première lecture, après de très longs débats, nous l'avions maintenue, estimant que la protection du secret des sources n'était opposable que lorsque l'intérêt général était en jeu. Après force discussions et nouvelles auditions des syndicats et de plusieurs associations de journalistes, le Sénat a préféré la formulation plus neutre d'intérêt « public ». Je me range finalement à cette rédaction, estimant que la notion d'intérêt public inclut celle d'intérêt général, qui avait fait querelle dans notre assemblée.
En conclusion, mes chers collègues, ce texte très important accroît la liberté d'information, protège mieux les journalistes, et intègre la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme qui rappelle le rôle de l'information et de la presse, « chien de garde » de la démocratie. Il met notre législation à la hauteur des exigences de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, et c'est la raison pour laquelle la commission des lois vous propose de l'accepter en l'état. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.
La parole est à Mme Aurélie Filippetti.
Nous regrettons d'autant plus l'absence de la garde des sceaux ce soir, que nous attendons depuis un an l'examen de ce texte en deuxième lecture.
Nous avons bien compris que la majorité recherchait un vote conforme, et qu'elle souhaitait donc expédier l'examen d'un texte qui porte pourtant sur un principe fondamental de la démocratie : la protection du secret des sources des journalistes.
Souvent, le journalisme épouse l'histoire. Chacun se souvient de Marat, Riqueti, Camille Desmoulins, Jacques-René Hébert…
Tous ces journalistes ont participé, chacun avec leur tempérament, à cette période bouleversée qu'a été la Révolution française, pendant laquelle une partie de la presse fut réellement libre.
C'est à eux et à leur engagement que nous devons également penser quand nous travaillons aux lois qui régissent la presse et le métier de journaliste.
L'objectif du texte soumis à notre examen ce soir est de mettre la France en conformité avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme. Il vise à inscrire dans grande la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881 le corollaire de cette liberté : la protection du secret des sources des journalistes, une liberté fondamentale souvent rappelée par la CEDH.
Le symbole est d'importance. L'adoption de la loi de 29 juillet 1881 avait marqué un aboutissement. Son extrême ouverture et sa grande simplicité venaient célébrer officiellement les noces de la presse libre et de la République.
Faut-il s'étonner que les années qui suivirent aient constitué l'âge d'or de la presse française ? La loi scellait l'alliance entre une conception affirmée de la République et du débat démocratique et une presse désormais émancipée, capable d'exprimer diverses sensibilités et d'oeuvrer à une active « pédagogie civique », selon les termes de Dominique Kalifa.
La CEDH s'est inscrite dans cet héritage en donnant une définition extensive de la liberté d'expression et d'information. Se fondant sur l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, la CEDH a développé une jurisprudence qui place la liberté de la presse à l'avant-garde de la liberté d'expression.
Ainsi, en 1976, dans l'arrêt Handyside, la Cour a précisé : « La liberté d'expression est l'un des fondements essentiels d'une vraie société démocratique, et vaut non seulement pour les informations ou idées accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent. » Et d'ajotuer : « Ainsi le veulent le pluralisme, la tolérance et l'esprit d'ouverture, sans lesquels il n'est pas de société démocratique. »
Que les journalistes nous plaisent ou nous déplaisent, monsieur le ministre, il est de notre devoir de protéger leur liberté d'informer. Il ne s'agit pas de d'instaurer un statut de citoyen d'exception à leur profit : personne sur ces bancs ou au sein de leur profession ne le réclame. Mais, dans l'exercice de leur activité, les journalistes doivent bénéficier de garanties particulières.
Élément de l'éthique du journalisme, le secret des sources est aussi une condition de la liberté de la presse.
Imaginons un instant que les journalistes n'aient accès qu'à des informations autorisées, ou déjà publiques, la presse serait alors esclave de sources licites, et ne serait plus libre.
Implicitement, il existe donc un droit des journalistes à rechercher les informations non publiques sans user de méthodes déloyales ou illégales. Dans ces conditions, l'assurance pour une source que son identité ne sera pas révélée devient une nécessité consubstantielle à l'exercice du travail journalistique.
Chaque journaliste est responsable de ce principe. Lorsqu'un journaliste révèle ses sources, il porte atteinte à la crédibilité de la profession dans son ensemble, il affaiblit la relation de confiance avec les informateurs, il met finalement en danger la liberté de la presse.
C'est ce qu'affirme la CEDH dans chaque affaire mettant en cause l'article 10 de la convention par un considérant désormais classique : « les garanties accordées à la presse revêtent une importance particulière. La protection des sources journalistiques est l'une des pierres angulaires de la liberté de la presse. » Et la CEDH prévient : « L'absence d'une telle protection pourrait dissuader les sources journalistiques d'aider la presse à informer le public. En conséquence, la presse pourrait être moins à même de jouer son rôle indispensable de “chien de garde” et son aptitude à fournir des informations précises et fiables pourrait s'en trouver amoindrie. »
Cette semaine même, la nécessité de la protection des sources des journalistes a été réaffirmée à Strasbourg. Des journalistes du Financial Times, de l'Independent, du Guardian, de Times Newspapers et de l'agence Reuters avaient été sommés par un tribunal de divulguer leurs sources suite à la plainte d'une entreprise concernant la divulgation d'une OPA. À l'unanimité, les juges de la Cour européenne des droits de l'homme ont condamné le Royaume-Uni pour atteinte à la liberté d'expression.
Le texte que vous nous proposez, monsieur le ministre, s'inscrit dans ce contexte ; il aurait dû affirmer avec simplicité et force le principe de la protection des sources des journalistes. Il ne le fait pas, et consacre au contraire un certain nombre d'exceptions, en dépit des améliorations apportées par le Sénat.
Ce texte est examiné dans le contexte d'une société de défiance que le gouvernement auquel vous appartenez semble décidé à mettre en place à l'instigation du Président de la République.
La profession s'était d'abord réjouie de l'inscription dans la loi de 1881 du principe de la protection des sources. C'était une promesse du candidat Nicolas Sarkozy : il avait déclaré qu'il accéderait à la revendication formulée de longue date par les journalistes qui souhaitaient voir leurs sources d'informations protégées face à la montée de la pression judiciaire et policière sur la presse.
Néanmoins, de nombreuses affaires récentes et médiatisées ont mis en lumière les pressions de plus en plus fortes que subissent les journalistes d'investigation.
Ainsi, des journalistes de France 3 qui avaient récupéré le film de l'accident de Villiers-le-Bel avant les émeutes ont été sommés d'en révéler la source. Dans l'affaire Clearstream, le Canard enchaîné n'a évité la perquisition que grâce au réflexe d'une collaboratrice qui avait opportunément perdu les clefs de son bureau. Le journaliste Guillaume Dasquié a été placé en garde à vue pendant vingt-sept heures, pour recel de violation du secret défense.
Ces trois exemples, et il y en a beaucoup d'autres, illustrent un conflit récurrent entre deux grands principes, celui du secret des sources et celui du secret de l'instruction.
Pour mémoire, l'examen de ce texte en commission des lois en deuxième lecture en décembre 2008 s'était déroulé dans un climat terrible, suite à l'interpellation mouvementée et contestable de l'ancien directeur de la publication du journal Libération, M, Vittorio de Filippis.
Le bilan de l'année 2009 laisse apparaître son cortège de pressions diverses exercées sur des organes de presse. Le 19 novembre dernier, un technicien de France 3 a été mis en examen pour vol dans l'affaire du « off » de Nicolas Sarkozy – cette vidéo montrant le président de la République hors antenne avant une interview le 30 juin 2008, diffusée le mois suivant sur le site Rue89. France 3 avait alors porté plainte pour vol, recel et contrefaçon.
Autre exemple : bien qu'ayant fait à plusieurs reprises mention de sa qualité de journaliste, Adrien Morin, journaliste stagiaire à la rédaction du Monde a été interpellé le 13 juillet, alors qu'il couvrait une manifestation contre les violences policières à Montreuil en Seine-Saint-Denis. Placé en garde à vue, puis transféré au dépôt du tribunal de grande instance de Bobigny, il n'a été remis en liberté qu'une dizaine d'heures plus tard.
Plus récemment, des journalistes de France 3 Sud, Émilien Jubineau et Cédric Métairon, et du Midi Libre, Jean-Pierre Lacan et Franck Valentin, ont été entendus le 23 novembre dans les locaux de l'hôtel de police de Montpellier, à la demande du parquet de Béziers. Les deux équipes avaient couvert une conférence de presse tenue par des membres encagoulés du comité régional des vins…
…et suivi une action contre un établissement d'embouteillage. Les officiers du SRPJ de Montpellier ont interrogé certains d'entre eux pendant près de deux heures.
Reporters sans Frontières a d'ailleurs eu l'occasion de déplorer la descente de la France dans le classement mondial de la liberté de la presse en 2009. La France, désormais à la quarante-troisième place, continue sa dégringolade dans ce classement établi chaque année grâce aux témoignages de centaines de journalistes et d'experts des médias.
Ce classement prend en compte les violations de la liberté de la presse commises entre le 1er septembre 2008 et le 31 août 2009.
Monsieur le ministre, la profession, consultée à l'occasion de l'examen de ce texte, a tout particulièrement insisté sur le dévoiement de la procédure de la garde à vue, devenue un moyen de pression utilisé contre les journalistes.
Couplé à une tendance lourde à la précarisation du métier, l'effet de ce genre de pression est dévastateur sur une fonction déjà soumise à une forte dépendance économique et éditoriale, voire politique, dans une société qui se targue pourtant d'être l'héritière des Lumières.
Mes chers collègues, la fonction de journaliste est donc aujourd'hui fragilisée, et la situation est suffisamment grave pour qu'elle retienne toute notre attention.
Adopté le 12 mars 2008 en conseil des ministres, ce texte a été examiné en première lecture par l'Assemblée le 15 mai de la même année. Le Sénat l'a examiné le 5 novembre 2008. Notre commission en a ensuite discuté en deuxième lecture le 2 décembre, mais l'examen en séance publique a finalement fait l'objet d'un report.
Ce projet de loi devrait selon toute vraisemblance être voté conforme et adopté ainsi définitivement ce soir. Il est manifeste que votre majorité cherche à écourter au maximum l'examen d'un texte pourtant très attendu par la profession.
Est-ce à dire que les députés de la majorité estiment que le travail effectué par le Sénat touche à la perfection et ne saurait être amélioré ? Je ne le crois pas.
Mes chers collègues, vous ne contesterez pas que les modifications apportées par les sénateurs sont substantielles. Le Sénat a en fait réécrit le texte adopté par l'Assemblée. Seul un article a été adopté dans les mêmes termes.
Certaines modifications relèvent de ce que le rapporteur au Sénat considère comme des « malentendus » et que nous, députés de l'opposition, considérions comme des corrections essentielles aux failles béantes du projet initial.
Monsieur le rapporteur, je ne vous cache pas le plaisir que m'a procuré la lecture de votre rapport : dans un exercice contraint et relativement périlleux, vous vous évertuez à défendre les arbitrages que vous aviez pris en première lecture tout en donnant votre aval aux « corrections » apportées par le Sénat, jusqu'à parfois vous désavouer !
Cela ne ternit pas la qualité du travail que vous avez fourni. Je regrette simplement que vous sacrifiiez l'efficacité du travail parlementaire, fondé sur les navettes successives entre les deux chambres, à l'objectif d'écourter nos débats ce soir.
L'un des principaux apports du débat parlementaire est que le texte protège désormais le secret des sources non seulement contre des atteintes directes mais également contre des atteintes indirectes. L'Assemblée nationale, à l'initiative de sa commission des lois, a précisé à juste titre qu'il ne pouvait être porté atteinte à ce principe « directement ou indirectement ». Il s'agit ici de protéger la source elle-même ou toute information permettant son identification. Le projet de loi initial était moins explicite.
Le secret des sources couvre ainsi les personnes susceptibles de connaître la source d'un journaliste ou de détenir des informations permettant de l'identifier en raison de relations professionnelles ou personnelles avec lui. Seraient ainsi protégés les proches du journaliste, le personnel de secrétariat, le rédacteur en chef, le directeur de la publication, l'employeur, tout comme le cameraman ou le monteur… À défaut, le secret des sources aurait pu être contourné en s'attaquant à l'environnement du journaliste. C'est donc une protection déterminante.
Une autre avancée à mettre au crédit du Sénat, et que j'avais réclamée en première lecture, c'est la suppression de la référence à « l'intérêt général ». Désormais, le secret des sources des journalistes est protégé dans « leur mission d'information du public ». Je rappelle que les députés de la majorité avaient estimé en première lecture que le bénéfice du secret des sources n'était garanti qu'à la condition que le journaliste poursuive une mission d'information du public « sur des questions d'intérêt général ». Cette dernière précision, restrictive et floue, a été utilement supprimée par le Sénat. Un amendement de notre groupe en ce sens avait été refusé.
Il reviendra à la jurisprudence de préciser ce qui relève de cette mission.
Malgré tout, ce texte est encore insuffisant.
Il comporte des lacunes, et le contournement du principe inscrit dans la loi de 1881 reste d'autant plus aisé que les exceptions sont mal définies. La possibilité, notamment, d'invoquer « un impératif prépondérant d'intérêt public »…
…pour écarter la protection des sources, impératif distinct de l'intérêt supérieur de l'État et dont le contenu reste à ce jour imprécis, en est un exemple significatif.
On peut d'ailleurs considérer que le texte est à ce titre inconstitutionnel. La faiblesse de la rédaction tient aux définitions extrêmement imprécises retenues pour définir les exceptions au principe énoncé.
Monsieur le ministre, nous souhaitons donc améliorer substantiellement votre texte, et nous présenterons des amendements en ce sens, afin de réaffirmer l'importance du principe de protection des sources des journalistes dans une société réellement démocratique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Nous en venons aux explications de vote.
La parole est à M. Jacques Alain Bénisti.
Nous sommes vraiment dans le paradoxe et la contradiction… En défendant cette motion de rejet préalable, Mme Filippetti n'a cessé non seulement de répéter que nous avions trop attendu pour débattre de ce texte…
…mais aussi de louer notre rapporteur pour son excellent travail. Elle a du reste parfaitement raison : je ne vois donc nullement pourquoi nous adopterions cette motion. Le groupe UMP votera contre.
La protection des sources des journalistes et son corollaire, la liberté d'expression, ne sont vraiment pas une priorité du Gouvernement, malgré les engagements du Président de la République. Il est vrai que ce dernier était alors seulement candidat ; deux ans et demi plus tard, nous savons ce qu'il est advenu des nombreuses promesses qu'il a faites à nos concitoyens à cette époque.
Sincèrement, chers collègues, que devons-nous penser du fait de nous retrouver en séance de nuit un 21 décembre pour débattre d'un projet de loi dont l'examen en commission, notre rapporteur l'a rappelé avec beaucoup d'honnêteté, remonte à – tenez-vous bien ! – décembre 2008, autrement dit à un an ? Ce texte avait d'ailleurs été programmé à l'ordre du jour de notre assemblée avant d'en être retiré, et pendant un an, il ne s'est rien passé.
Nous constatons par ailleurs, avec tout le respect que nous devons à M. le ministre chargé des relations avec le Parlement,…
…que ne siège au banc du Gouvernement ni Mme la garde des sceaux, que l'on dit retenue au Sénat – excuse tout à fait valable – ni M. le ministre de la culture et de la communication. Nous aurions souhaité le voir représenter sa collègue, s'agissant de la protection des sources des journalistes, donc de la liberté d'expression et de communication. Nous avons suffisamment entendu M. Mitterrand, comme s'il y avait quelque danger sur sa seconde attribution, rappeler…
…qu'il était le ministre non seulement de la culture, mais aussi de la communication.
Il est vrai que l'on parle d'un remaniement, après les élections régionales, qui amènerait à ses côtés M. Lefebvre… Toujours est-il que le ministre de la culture aurait eu l'occasion de nous prouver ce soir qui était aussi celui de la communication en étant présent au banc du Gouvernement.
Si Aurélie Filippetti a défendu, avec le talent que nous lui connaissons, une motion de rejet préalable, c'est que les députés de l'opposition que nous sommes ont un respect trop profond pour la liberté d'expression et la protection des sources des journalistes pour ne pas souhaiter que le débat se déroule de façon digne et réponde aux attentes des journalistes. Il est à craindre cependant que ceux-ci soient à l'arrivée déçus. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Excellent !
(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.)
Essayez de jouer comme au Sénat, de faire trembler la majorité ! Qu'il y ait un peu de sport !
Monsieur le ministre, mes chers collègues, avec la seconde lecture de ce projet de loi relatif à la protection du secret des sources des journalistes, nous nous approchons enfin du terme d'un processus législatif engagé depuis maintenant près de deux ans et touchant en réalité, à travers la problématique du secret des sources, aux conditions d'exercice par la presse de sa mission d'information du public.
La liberté de la presse dans l'accomplissement de cette mission constitue indéniablement un principe cardinal de toute démocratie. Elle contribue à donner corps à la liberté de communication et d'opinion, définie à l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 comme l'un des droits les plus précieux de l'homme. Sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi – je pense notamment à l'interdiction de la diffamation ou au respect de la vie privée –, tout citoyen peut parler et donc écrire et communiquer librement ; c'est là, du reste, une pierre angulaire non seulement de notre pacte républicain, mais aussi et plus largement de tout projet démocratique.
La liberté de la presse est bien une condition de la vitalité du débat démocratique. La presse informe le citoyen, éclaire l'opinion et contribue parfois aussi au juste ordonnancement des pouvoirs en dénonçant les dérives.
Pour autant, la liberté de la presse ne se conçoit pas sans que soient apportées des garanties aux journalistes dans l'exercice de leur profession et sans que soit protégé le secret de leurs sources.
Nul d'entre nous ne l'ignore, le métier de journaliste implique la remontée permanente, parfois à travers des canaux officieux, d'informations qu'une menace de divulgation contribuerait immanquablement à tarir. Plus précis sur ce point que la Déclaration de 1789, l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dispose que le droit de toute personne à la liberté d'expression comprend la liberté de recevoir ou de communiquer des informations sans qu'il puisse y avoir en la matière ingérence des autorités publiques.
Dans la droite ligne de cet article, la Cour de Strasbourg a, dès 1996, posé le principe selon lequel un journaliste ne pouvait être contraint de révéler ses sources. En 2000, c'est le comité des ministres du Conseil de l'Europe qui invite les États membres à prévoir plus explicitement dans leurs législations respectives une protection claire du droit des journalistes à ne pas divulguer leurs sources.
Aux termes mêmes de l'exposé des motifs du présent projet de loi, cette protection reste en l'état actuel de notre ordre juridique le fait de dispositions éparses et indirectes, à tout le moins insuffisantes pour assurer une véritable protection aux journalistes.
Malgré l'avancée qu'a constituée en son temps la loi du 4 janvier 1993 qui permet à un journaliste entendu en qualité de témoin par un juge d'instruction de refuser de livrer une information dès lors qu'elle aurait pour effet de faire connaître sa source, cette nécessaire protection des sources des journalistes reste encore trop partielle. Actuellement, en effet, procureurs, officiers de police judiciaire et tribunaux restent en droit d'exiger d'un journaliste qu'il leur révèle sa source, celui-ci s'exposant, en cas de refus, à une amende de 3 750 euros.
Comment la liberté d'information peut-elle s'exercer lorsque les informateurs risquent d'être inquiétés ?
L'ambition première de ce projet de loi, à laquelle le groupe Nouveau Centre adhère pleinement, consiste donc à combler ces lacunes pour faire de la protection des sources des journalistes un principe général en l'inscrivant dans le cadre hautement symbolique de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.
Par-delà les nombreuses modifications apportées au texte par notre assemblée, puis par le Sénat, les deux assemblées semblent avoir été animées d'une même ambition : mieux protéger les sources des journalistes tout en définissant les exceptions légitimes à ce principe.
Le texte qui nous est aujourd'hui soumis permet ainsi à un journaliste de taire ses sources tout au long de la procédure pénale. Il étend aux locaux des agences de presse, au domicile et au véhicule professionnel des journalistes le régime actuellement applicable aux seuls locaux des entreprises de presse ou de communication audiovisuelle, où les perquisitions ne peuvent avoir lieu que sous la direction d'un magistrat chargé de veiller à ce qu'elles ne portent pas atteinte au libre exercice de la profession de journaliste. Le textes permet enfin aux journalistes de s'opposer à la saisie d'un document lors d'une perquisition ; c'est alors au juge des libertés et de la détention qu'il reviendra finalement d'évaluer l'opportunité de la saisie eu égard à ce principe de protection des sources.
S'il est nécessaire de mieux protéger le secret des sources des journalistes, une carte de presse ne saurait toutefois placer un citoyen au-dessus des lois en le déliant, dans ses rapports avec la justice, de l'obligation générale de contribution à la manifestation de la vérité.
La Cour européenne des droits de l'homme avait du reste envisagé dès son arrêt Goodwin, en 1996, la possibilité de faire exception au principe de non-divulgation des sources dès lors qu'un impératif prépondérant d'intérêt public le justifie. Retenant la formulation issue de la jurisprudence européenne, le texte permet ainsi la levée du principe de protection au nom d'un impératif prépondérant d'intérêt public, à condition que les mesures envisagées soient strictement nécessaires et proportionnées au but poursuivi.
Quant au caractère nécessaire de la divulgation, il ne sera pas apprécié, en matière pénale, au regard de la seule gravité du crime ou du délit en question : devront également être pris en compte l'importance de l'information recherchée pour la répression ou la prévention de l'infraction et son caractère indispensable à la manifestation de la vérité.
Mes chers collègues, le projet de loi qu'il nous est aujourd'hui proposé d'adopter, vivement attendu par l'ensemble de la profession, permettra des avancées en tout point essentielles s'agissant des conditions d'exercice par la presse de son rôle d'information du public, tout en préservant l'équilibre entre la protection des sources et les impératifs de justice et d'ordre public. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Pour ces raisons, le groupe Nouveau Centre confirmera lors de cette seconde lecture le soutien qu'il avait apporté au texte en première lecture. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte qui nous est soumis vient bousculer un vieux fantasme, sans doute hérité de mai 68 (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), selon lequel la droite aimerait limiter la liberté de la presse. En effet, il faut bien reconnaître que c'est notre majorité qui a choisi de satisfaire cette revendication ancienne, et pourtant bien vivante, des journalistes : la protection de leurs sources. (Mêmes mouvements.)
Quoi qu'il en soit, tous s'accordent à le dire, la situation actuelle n'est pas satisfaisante.
Le Sénat a certes adopté quelques amendements. Mais heureusement, loin de remettre en cause la philosophie du texte que nous avions voté (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), ils viennent parachever le travail que nous avions accompli en première lecture en y apportant des précisions de bon sens, comme l'a rappelé le rapporteur, dont il faut saluer le travail et la parfaite maîtrise du sujet – je ne fais que répéter les propos tenus par Mme Filippetti. Le texte ainsi rédigé est équilibré ; je vous proposerai donc tout à l'heure de l'adopter.
Le Président de la République s'y était engagé : nous nous acheminons ce soir vers un véritable renforcement des droits des journalistes, inscrit dans un texte fondateur, la loi de 1881 sur la liberté de la presse. Votée à une époque clé de notre démocratie, durant la se sont forgés une part importante de nos principes et de notre identité républicaine, cette loi, pour excellente qu'elle fût, méritait en effet d'être complétée par cette idée essentielle.
La relation de confiance entre le journaliste et sa source garantit la bonne circulation de l'information et, par là même, la respiration démocratique. En effet, comment une information capitale pourrait-elle être divulguée si le premier maillon de la chaîne, la source, ne peut se fier au journaliste ? Il faut donc offrir à ce dernier une véritable protection juridique qui réaffirme ce lien entre informateur et informé.
Mais il n'est pas de liberté sans responsabilité. Il serait malsain d'accorder aux journalistes ou à leurs sources une immunité totale au seul motif qu'il faudrait entretenir ce lien de confiance entre les deux parties. Si le journaliste peut être un confident, il n'est sûrement pas un confesseur. Et, lorsque l'on élève une nécessité au rang de principe, il faut en mesurer les conséquences. Voilà pourquoi nous avons décidé d'encadrer strictement les exceptions qui pouvaient être faites à ce principe au nom d'un impératif supérieur.
C'est cette volonté de mesure et d'équilibre qui fait de ce texte un bon texte, car il n'est pas de droits sans devoirs. En renforçant la protection des sources des journalistes et la sécurité juridique entourant certains actes qui les concernent, telles les perquisitions ou les écoutes téléphoniques, nous réaffirmons notre souhait d'un journalisme sans entraves. En soulignant que, dans certains cas, ce principe ne peut être invoqué, nous rappelons notre volonté d'un journalisme citoyen et responsable. Liberté et responsabilité, tels sont les deux piliers qui devraient toujours soutenir le monde des médias.
Permettez-moi de profiter de l'occasion pour évoquer plus avant le journalisme. Il me paraît désormais nécessaire que nous ayons, tous ensemble, un véritable débat sur l'éthique et la déontologie de cette profession. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Il s'agira évidemment pas de stigmatiser des personnes,…
…mais de mettre en cause certains dérapages qui la décrédibilisent.
L'essor d'internet et la crise du secteur nous incitent en effet à une réflexion qui prolonge la prise de conscience survenue lors des dernières assises du journalisme et des états généraux de la presse. Toute la profession s'est alors accordée sur la nécessité d'aller plus loin, et plusieurs pistes ont été ouvertes, qui mériteraient d'être approfondies. Ainsi de la création d'une instance nationale compétente en matière d'éthique et de déontologie, comme dans tous les autres pays européens…
…, d'un poste de médiateur ou d'une instance de médiation, d'un droit de réponse immédiat en référé…
…et d'une charte de déontologie incitant au respect du contradictoire, trop souvent oublié. Autant d'idées auxquelles il nous faut naturellement réfléchir en concertation avec les professionnels. En effet, vous le savez, la liberté de la presse a une limite : l'atteinte à la liberté d'expression et surtout à la liberté d'opinion.
J'ai déjà appelé le groupe UMP à étudier ces sujets, et j'invite mes collègues qui siègent sur tous les autres bancs de l'hémicycle à s'en emparer. Un tel débat s'inscrirait dans l'héritage légitime de celui qui nous réunit aujourd'hui.
Quoi qu'il en soit, pour l'heure, le groupe UMP votera ce texte sans réserve, et j'appelle tous mes collègues à faire de même. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la Cour européenne des droits de l'homme a consacré il y a plus de dix ans – il y a treize ans exactement – le principe de protection des sources journalistiques, en en faisant « l'une des pierres angulaires de la liberté de la presse ». Depuis son arrêt de 1996, elle n'a eu de cesse de renforcer sa doctrine. Et, comme si les députes français avaient besoin, avant d'examiner ce texte, d'une ultime piqûre de rappel, un arrêt de chambre a confirmé une nouvelle fois cette jurisprudence le 15 décembre.
Dans cette dernière affaire, des journalistes britanniques étaient sommés par un tribunal de donner leurs sources à la suite d'une plainte d'une firme consécutive à la divulgation d'une OPA. La Cour européenne a jugé cette décision contraire à l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et réaffirmé qu'en l'espèce, les intérêts défendus étaient insuffisants pour « l'emporter sur l'intérêt public à la protection des sources journalistiques ». Les juges de la Cour de Strasbourg viennent donc de condamner de nouveau, à l'unanimité, le Royaume-Uni pour atteinte à la liberté d'expression. Or, malheureusement, notre pays n'est pas indemne de condamnations du même ordre.
Pourtant, la loi du 29 juillet 1881, qui institua la liberté de la presse, fait partie, avec celles sur la liberté syndicale et la liberté d'association, des grandes lois votées par une IIIe République naissante qui ont servi de points d'ancrage à notre identité démocratique et souvent inspiré d'autres modèles d'État de droit à travers le monde.
Mais force est de constater que la France, autrefois inspiratrice, est aujourd'hui en retard en matière de liberté de la presse, précisément parce qu'elle ne protège pas suffisamment les sources journalistiques. Celles-ci sont pourtant essentielles au métier de journaliste : elles forment la matière à partir de laquelle il bâtit son travail.
Comment accepter plus longtemps que la France ait été condamnée à plusieurs reprises pour ces atteintes à la liberté d'expression ? Il est urgent d'agir. Mais, treize ans après la première décision de la Cour européenne en la matière et près de dix ans après la recommandation du Conseil des ministres du Conseil de l'Europe invitant les États, en mars 2000, à « prévoir une protection explicite et claire du droit des journalistes à ne pas divulguer les informations identifiant une source », il devient presque incongru de parler d'urgence. D'autant que, lorsqu'on croit que les choses avancent, elles peuvent soudainement se figer.
Ainsi, en mars 2008, lorsque ce projet de loi a été déposé et renvoyé à la commission des lois de notre assemblée, nous avons cru à une prise de conscience – fût-elle tardive – du Gouvernement. Examen du texte en commission le 2 avril 2008, première lecture à l'Assemblée le 15 mai, première lecture au Sénat le 5 novembre : les choses, formellement tout au moins, suivaient leur cours. Puis la discussion en deuxième lecture, prévue pour la fin de l'année 2008, a été reportée – au point que ce n'est que ce 21 décembre 2009, soit un an plus tard, que nous reprenons le débat !
Ce texte n'est donc manifestement pas une priorité pour le Gouvernement, alors même qu'il traite de la liberté d'expression, droit fondamental dont la défense devrait être considéré comme primordiale dans notre démocratie.
Nous savons pourtant que, sur certains textes, le Gouvernement sait être réactif – on l'a vu avec la loi HADOPI…
Qu'il s'agisse d'une nouvelle lecture après le rejet du texte par les députés le 9 avril ou de l'examen d'un nouveau projet de loi après la censure du Conseil constitutionnel, l'inscription de ce texte à l'ordre du jour de notre assemblée n'a jamais traîné !
Quitte à prendre du temps, il aurait été souhaitable que cela profite au moins au texte. Mais l'année de réflexion supplémentaire qui a été octroyée, sinon imposée par le Gouvernement n'aura eu aucune utilité. Après son passage en commission, le projet de loi comprend, certes, quelques avancées à mettre au crédit de nos collègues sénateurs, mais il demeure en deçà des attentes des journalistes.
Nous considérons bien évidemment comme une avancée le fait que l'article 1er inscrive de manière solennelle le principe de la protection du secret des sources des journalistes dans notre droit. Toutefois, le trop grand nombre d'imprécisions que nous relevons encore risque de faire apparaître cette avancée comme plus symbolique qu'effective.
Ainsi l'expression d'« impératif prépondérant d'intérêt public » qui vise à justifier les exceptions au principe de protection des sources sans que soient précisément définies les situations à prendre en compte.
Il eut été nécessaire, selon nous, de prendre pour modèle la législation considérée comme la plus aboutie sur le sujet, à savoir celle de la Belgique.
Depuis le 7 mai 2005, ce pays s'est doté d'une loi qui consacre le secret des sources journalistiques en tant que principe fondamental. Ainsi, le secret des sources ne peut être forcé que lorsque ces sources sont de nature à prévenir la commission d'infractions constituant une menace grave pour l'intégrité physique d'une ou de plusieurs personnes et lorsque deux conditions cumulatives sont remplies : premièrement, si les informations demandées revêtent une importance cruciale pour la prévention de la commission de ces infractions ; deuxièmement, si les informations demandées ne peuvent être obtenues d'aucune autre manière.
Le cadre législatif est ici très clairement posé et ne risque pas de souffrir d'interprétations divergentes. Comment, dans ces conditions, ne pas regretter que l'élaboration de loi française, à laquelle nous travaillons depuis un an et demi, ne puisse conduire à une rédaction aussi précise ? Comment, monsieur le rapporteur, ne pas avoir le sentiment d'une occasion manquée ?
Faut-il rappeler que nous débattons dans un contexte où les journalistes dénoncent régulièrement les perquisitions abusives, les intimidations et autres atteintes à la liberté de l'information dont ils font l'objet, qui se multiplient dans notre pays ? J'ai cru comprendre, monsieur Bénisti, que vous alliez travailler sur des sujets qui risquent d'écorner, sinon plus, la liberté d'expression.
Lorsqu'on invoque la liberté d'opinion, on sait comment cela se termine : c'est toujours au détriment de la liberté d'expression, et donc du travail des journalistes.
Faut-il rappeler également qu'au moment où nous discutions de ce texte en 2008, de nombreux exemples de pressions exercées sur des organes de presse alimentaient le débat : tentative de perquisition au siège du Canard Enchaîné, affaires Auto Plus et Guillaume Dasquié ou encore mise en examen de Denis Robert dans le cadre de l'instruction relative à Clearstream ?
C'est dire combien était grande l'attente des journalistes à l'égard d'une loi qui protège véritablement leur travail d'investigation. Craignons qu'ils ne restent insatisfaits, d'autant que la France – quelle honte ! – se trouve cette année à la quarante-troisième place du classement mondial du respect de la liberté de la presse établi par Reporters sans Frontières alors qu'elle occupait, tenez-vous bien, la onzième place en 2002 !
Au-delà de la question de la protection des sources au sens strict, on peut s'interroger sur la généralisation des atteintes directes aux journalistes ou aux médias.
Il y a quelques mois, les conditions de l'interpellation de Vittorio de Filippis pour une affaire de diffamation créait un fort émoi. Il y a quelques jours encore, le syndicat national des journalistes a saisi la Commission nationale de déontologie de la sécurité du cas d'un jeune journaliste du Monde mis en garde à vue le 13 juillet dernier dans le cadre d'une manifestation contre les violences policières qu'il couvrait pour son journal, un fait qui traduit bien le climat qui règne actuellement dans notre pays.
Il y aurait malheureusement beaucoup à dire sur les conditions de garde à vue dans notre pays et sur leur multiplication – au-delà de celles concernant spécifiquement les journalistes. Là aussi, la France attend sans doute une condamnation de la Cour européenne des droits de l'homme pour agir. La menace est en tout cas suffisamment sérieuse pour que le Premier ministre ait été amené récemment à évoquer le sujet, mais seulement en quelques phrases : un peu court dans un pays qui se revendique toujours comme étant la patrie des droits de l'homme et du citoyen !
Pour conclure, notre assemblée aurait été mieux inspirée en donnant un signe clair à celles et ceux qui, avec volonté et courage, pratiquent encore quotidiennement le journalisme d'investigation alors que la crise profonde qui traverse aujourd'hui la presse écrite les précarise plus que jamais.
Le sujet qui nous occupe aujourd'hui exigeait du législateur bien plus que des retouches ou des aménagements. Un vrai travail de refonte de notre droit en ce domaine aurait sans doute permis de recueillir une approbation unanime sur tous les bancs de notre assemblée. Car c'est en oeuvrant consciencieusement, obstinément et scrupuleusement à imaginer des solutions nouvelles visant à garantir la protection des sources journalistiques que nous pourrons réellement consolider ce fragile édifice qu'est la liberté de la presse, fondement de notre démocratie.
Hélas, ce sera sans doute pour une autre fois ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'aurais souhaité que Mme la garde des sceaux et M. le ministre de la culture et de la communication soient également présents ce soir, mais ils sont, paraît-il, tous deux occupés à d'autres tâches.
Ce n'est pas très aimable pour moi !
Nous sommes bien entendu tout à fait d'accord avec les lignes directrices du projet car il est évident que la protection du secret des sources des journalistes est une composante nécessaire à la liberté d'expression et à la liberté de la presse, qui sont autant de concrétisation de l'État de droit.
Nous faisons tous le constat que, jusqu'à présent, notre droit n'a pas suffisamment protégé les sources journalistiques. Certes, la loi du 4 janvier 1993 a marqué une étape en reconnaissant le droit de non-divulgation de leurs sources. Mais depuis, rien n'a avancé ; c'est un peu dommage.
La Cour européenne, en consacrant la protection des sources journalistiques comme l'« une des pierres angulaires de la liberté de la presse », a plusieurs fois rappelé à l'ordre la France.
À cet égard, le texte que nous examinons ce soir en deuxième lecture est porteur d'espoir. Cependant, si nous voulons qu'il constitue une avancée certaine, il est du devoir du législateur d'éviter qu'il ne soit une coquille, je ne dis pas vide, mais insuffisamment pleine, ou une simple déclaration d'intention. Aussi est-il nécessaire de prolonger nos réflexions et nos propositions afin d'affirmer plus encore notre volonté de protéger les sources des journalistes en avançant sur quelques points de notre projet de loi.
En premier lieu, il faut se demander si la référence dans le projet de loi à l'« impératif prépondérant d'intérêt public » est adéquate : si ce terme est utilisé par la Cour européenne des droits de l'homme dans sa jurisprudence, il n'en est pas moins absent de notre droit interne. Sa définition est donc le propre d'une cour qui ne fait pas partie de nos juridictions. En ce sens, un alignement sur la législation belge, beaucoup plus protectrice de la liberté de la presse que la législation française, apparaît plus opportun. Ne serait-il pas préférable de défendre la notion d'« impératif prépondérant d'intérêt général » qui présente l'avantage d'encadrer encore plus précisément les exceptions au secret des sources journalistiques car il prévoit que ces exceptions ne peuvent avoir lieu que s'il n'existe aucune autre manière d'obtenir l'information en cause ?
En second lieu, dans sa rédaction actuelle, cet article 1er présente l'inconvénient de n'accorder le droit à la protection du secret de leurs sources qu'aux seuls journalistes qui exercent leur profession à titre régulier et qui sont rétribués à ce titre, ce qui exclut de fait les journalistes non salariés ou les salariés précaires.
Bref, notre attention devrait se porter sur l'ensemble de la chaîne de l'information au lieu d'en rester à une vision restrictive de la fonction de journaliste. Cela va à rencontre de l'esprit du texte qui vise à assurer une protection effective du secret des sources journalistiques. À cet égard, nous pensons qu'il est nécessaire d'élargir la définition donnée à la profession de journaliste pour ne pas exclure les journalistes stagiaires non rémunérés notamment, qui ont pu être victimes de certains incidents. Il nous paraît tout à fait normal qu'ils puissent eux aussi être protégés : il suffirait de supprimer la mention « à titre régulier et rétribué », particulièrement restrictive.
Par ailleurs, la protection du secret des sources journalistiques ne peut être effective que si l'on modifie le texte de manière à empêcher de placer en garde à vue un journaliste pour un acte lié à son activité lorsque cette mesure aboutit à révéler ses sources et, d'autre part, à limiter à vingt-quatre heures non renouvelables la garde à vue dans les autres cas. Les gardes à vue, disais-je à l'instant, ont tendance à devenir un mode de gouvernement. Ce moyen de pression exercé sur les journalistes n'est pas normal. Nous vivons dans un pays qui pratique beaucoup, beaucoup trop la garde à vue.
Il ne s'agit absolument pas de faire des journalistes une catégorie de citoyens à part, mais d'adapter la loi au cas particulier de cette profession. Les journalistes jouent un rôle de vigiles indispensable à toute démocratie : ils doivent faire l'objet d'une protection particulière dans l'exercice de leurs fonctions afin de ne pas amoindrir leur aptitude à fournir des informations précises et fiables, et si possible à l'abri des pressions de toutes sortes.
Puissions-nous compléter ce texte et contribuer à la concrétisation de l'État de droit en protégeant davantage les journalistes, et plus encore la chaîne de l'information, sans pour autant en faire une catégorie de citoyens au-dessus des lois. Il s'agit simplement de faciliter leur travail, si nécessaire à notre démocratie.
Le simple alignement sur le Sénat ne serait pas, de la part de notre assemblée, une preuve de courage. Trouvons une autre manière d'en faire montre, mes chers collègues ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi sur lesquels les deux assemblées du Parlement n'ont pas pu parvenir à un texte identique.
Madame la présidente, nous regrettons l'absence de réponses de la part du ministre tout comme l'absence parmi nous ce soir de Mme la garde des sceaux. Nous débattons en effet d'un texte qui touche à l'une des libertés fondamentales de toute société démocratique : la liberté de la presse.
Comme le rappelle la jurisprudence européenne, la protection des sources des journalistes est l'« une des pierres angulaires de la liberté de la presse », elle-même constitutive des principes fondamentaux de toute démocratie.
Parmi les carences de ce texte figure la référence à un « impératif prépondérant d'intérêt public ». Si cette notion émane de la jurisprudence européenne, elle n'est pas définie dans notre droit interne, ce qui ouvre la voie à toutes les interprétations empiriques possibles de la part des praticiens.
Mon amendement n° 2 vise à étendre la protection des sources aux professionnels non salariés ou aux salariés précaires, compte tenu de la précarité qui caractérise la profession. Le Sénat a amélioré le texte en élargissant la protection aux pigistes, mais pas aux collaborateurs occasionnels. C'est pourquoi nous proposons de supprimer les mots : « , à titre régulier et rétribué, ».
Je le répète, les amendements que nous avons déposés s'inspirent de la loi belge du 7 avril 2005, qui est la loi la plus exemplaire en matière de protection des sources des journalistes, de liberté d'expression et d'information.
La Belgique, comme la France d'ailleurs, avait été condamnée en 2003 par la Cour européenne des droits de l'homme. Suite à cette condamnation, elle s'est dotée d'une législation extrêmement protectrice, sur laquelle nous aurions dû nous fonder pour élaborer ce texte. Malheureusement, ce n'est pas le cas.
La commission a repoussé cet amendement pour deux raisons.
Premièrement, nous devons définir la profession de journaliste et donc limiter le champ de la protection, car on ne peut pas protéger toute personne qui se dirait journaliste.
Nous aurions pu choisir de faire référence aux journalistes titulaires d'une carte de presse, mais les représentants des syndicats de journalistes et des associations que nous avons auditionnés ne l'ont pas souhaité.
Dans ces conditions, nous avons pensé qu'il fallait protéger ceux qui exercent une activité réelle de journaliste, d'où l'expression « à titre régulier et rétribué ». Nous estimons que c'est l'un des critères qui permet de définir une profession. On ne peut pas simplement se dire journaliste : encore faut-il exercer réellement cette profession et être rétribué pour cela. C'est pourquoi nous avons maintenu cette définition, confirmée par le Sénat.
Deuxièmement, vous semblez dire, madame Filippetti, qu'une personne qui collaborerait simplement à une oeuvre d'information ne serait pas du tout protégée. Or je rappelle que le texte vise à protéger non pas le journaliste, mais sa source. Pour ce faire, nous avons fait référence à ceux qui, directement ou indirectement, collaborent à l'information.
Ainsi, peuvent être protégés un preneur de son, une secrétaire ou encore un collaborateur de journaliste qui n'est pas forcément journaliste lui-même, mais dont les informations pourraient permettre d'identifier la source.
Cet amendement a donc fait l'objet d'un avis défavorable de la commission.
Avant toute chose, je répète que Mme Alliot-Marie est actuellement retenue au Sénat par l'examen du projet de loi portant réforme de la représentation devant les cours d'appel, que M. Mitterrand accompagne le Premier ministre en Chine, et que les propos que vous avez tenus à l'endroit du ministre chargé des relations avec le Parlement, qui représente le Gouvernement, ne sont pas très aimables,...
..ce qui m'a conduit à ne pas répondre aux orateurs inscrits dans la discussion générale. De deux choses l'une : soit vous considérez que j'ai le niveau pour répondre, soit vous considérez que je ne l'ai pas. Mais on ne peut pas vouloir une chose et son contraire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Quant au calendrier, certains estiment que nous cherchons à écourter l'examen de ce texte et d'autres que son inscription à l'ordre du jour a traîné. Il est évident qu'il y a là, une fois de plus, une contradiction.
J'en viens maintenant à l'amendement.
Nous sommes entièrement d'accord avec les propos du rapporteur. En effet, nous considérons que la protection des sources vise à permettre aux journalistes de se procurer des informations pour exercer leur profession.
Compte tenu de cet objectif, le Gouvernement a retenu une définition très large de la profession de journaliste, contrairement au code du travail qui reconnaît comme journalistes les seules personnes tirant de l'exercice de cette profession plus de la moitié de leurs revenus.
La définition retenue, inspirée de la recommandation du Conseil de l'Europe du 8 mars 2000 sur le droit des journalistes à ne pas révéler leurs sources, n'exclut en aucune manière les journalistes non salariés ou salariés précaires. Il suffit que ces personnes publient régulièrement et perçoivent une rémunération.
Cependant, la notion de journaliste doit revêtir une certaine sécurité juridique, compte tenu des implications qui en découlent pour la procédure pénale. C'est pourquoi, comme l'a indiqué le rapporteur, un certain nombre de critères doivent être maintenus, parmi lesquels une pratique régulière et rétribuée.
C'est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable.
Monsieur le ministre, contrairement à ce que vous pensez, aucun député de notre groupe n'a mis en cause votre personne ou votre présence dans l'hémicycle. Nous avons simplement regretté l'absence des deux ministres concernés par ce texte.
S'il y avait urgence, il fallait inscrire ce texte plus tôt, ou à un moment où les deux ministres étaient disponibles afin qu'ils puissent répondre à nos interpellations, puisque nous sommes allés au-delà de la protection du secret des sources des journalistes.
Or vous avez choisi cette date exotique du 21 décembre où un ministre est en Chine et l'autre au Sénat.
Avouez qu'il y a de meilleures façons de témoigner sa considération au travail parlementaire !
L'amendement tient compte de ce qu'est aujourd'hui la réalité du métier de journaliste. Vous faites référence à des décisions, des recommandations anciennes, alors que la crise actuelle de la presse écrite et la précarisation des journalistes se traduisent par la multiplication des CDD se multiplient, au point que les CDI sont appelés à devenir, hélas ! une exception. Dès lors, écrire que la pratique doit être « régulière et rétribuée » restreint considérablement le nombre de bénéficiaires de la protection des sources.
(L'amendement n° 2 n'est pas adopté.)
Monsieur le ministre, nous avons beaucoup de respect pour votre fonction…
..d'autant que vous avez été un parlementaire de qualité. Je ne vois pas en quoi vous êtes fondé à interpréter nos propos comme un désaveu à votre endroit. Nous attendions seulement que vous répondiez aux interrogations que nous avons formulées dans le cadre de la discussion générale.
Quant à la date, on aurait pu en choisir une autre que celle du 21 décembre, d'autant que nous attendions l'inscription de ce texte à notre ordre du jour depuis un an.
Tel qu'il est rédigé, l'article 1er présente l'inconvénient de n'accorder le droit à la protection du secret des sources qu'aux seuls journalistes exerçant leur profession à titre régulier et rétribué. Il n'est pas normal d'exclure de cette protection aux journalistes non salariés ou précaires.
Je ne sais pas si M. Bénisti est intervenu en qualité de représentant de la commission des lois ou de son groupe, puisque le cumul des fonctions semble être la règle à l'UMP. Toujours est-il qu'il a indiqué que c'était la chaîne de l'information dans son ensemble qui était visée par ce texte. Or, s'agissant des journalistes stagiaires ou non rémunérés, un lien de subordination existe bel et bien. Ils devraient donc être considérés comme journalistes et bénéficier, en tant que tels, de la protection du secret des sources.
Madame la présidente, je dispose de cinq minutes pour défendre l'amendement !
Veuillez m'excuser, madame la présidente. J'en arrive donc à ma conclusion.
L'amendement n° 3 vise à insérer, après le mot : « rétribué », les mots : « ou en vue d'être rétribué ».
...pour les mêmes raisons que celles exposées pour l'amendement précédent.
Je rappelle que nous protégeons l'ensemble de la chaîne et que, par conséquent, un collaborateur, une personne qui travaille aux côtés d'un journaliste, qui n'est pas rétribué ou ne travaille pas de manière habituelle, bénéficie de la protection de l'ensemble de la chaîne si sa déposition permet d'identifier la source.
La définition du journaliste est à la fois suffisamment large pour protéger efficacement le secret des sources des journalistes…
..et suffisamment précise pour garantir la sécurité juridique nécessaire.
Le Gouvernement est donc défavorable à l'amendement.
Cet amendement vise à protéger les journalistes free lance, c'est-à-dire ceux qui ne sont pas rétribués avant d'avoir écrit leur papier, qui ne font pas partie d'une agence de presse particulière, et qui participent pourtant à l'information du public.
(L'amendement n° 3 n'est pas adopté.)
La parole est à Mme Aurélie Filippetti, pour soutenir l'amendement n° 1 .
C'est un amendement essentiel, qui définit rigoureusement l'exception que l'on peut tolérer à la protection des sources. La jurisprudence européenne, tant celle de la Cour européenne des droits de l'homme que les recommandations du Conseil de l'Europe, considère, s'agissant de l'impératif prépondérant d'intérêt public, que les exceptions doivent être extrêmement précises et définies.
Nous proposons, là encore, de nous aligner sur la loi belge du 7 avril 2005 qui prévoit la possibilité d'une exception à la protection des sources à la double condition que cela permette d'empêcher la commission d'une infraction, caractérisée par la peine encourue et susceptible de porter atteinte à l'intégrité des personnes, et qu'il n'y ait aucun autre moyen d'obtenir cette information. Il ne faut pas que l'exception à la protection des sources transforme les journalistes en auxiliaires de police pour faciliter la résolution d'enquêtes judiciaires. Ce n'est pas leur rôle. Ce serait porter atteinte à la protection des sources, mais aussi à la liberté d'informer, constitutive de la société démocratique.
Vous souhaitez, madame Filippetti, que la loi française se calque sur la loi belge, laquelle définit précisément les conditions dans lesquelles le secret des sources peut être levé. Nous avons préféré poser des principes généraux pour ne pas avoir, au fil d'affaires particulièrement graves, à inventer de nouvelles exceptions, ce que vous ne manqueriez pas de critiquer.
Ces principes généraux, précis, encadrent suffisamment les exceptions qui permettent de lever le secret des sources des journalistes. La levée du secret est ainsi autorisée lorsqu'elle est justifiée par un impératif prépondérant d'intérêt public – l'impératif prime sur le principe de protection, et l'intérêt public fait référence à l'intérêt général auquel nous faisions allusion à l'instant – et lorsque l'atteinte est nécessaire et proportionnelle. Rappelons que le Sénat a décidé d'appliquer le principe de subsidiarité : le secret n'est levé qu'à condition que les services enquêteurs n'aient aucun autre moyen d'obtenir l'information.
Voilà, à nos yeux, un dispositif plus précis, plus efficace…
..et plus cohérent, en effet, que celui prévu par la loi belge, qui, s'il a des avantages, présente tout de même quelques inconvénients. Avis défavorable.
Défavorable également. Comme toute liberté, celle de l'information doit être conciliée avec d'autres impératifs. Le rapporteur vient de le rappeler, la bonne solution est de s'en tenir aux principes généraux. Le texte que nous examinons ce soir est le résultat d'une collaboration fructueuse entre le Sénat et l'Assemblée nationale. Si j'avais répondu tout à l'heure aux orateurs inscrits à la discussion générale, j'aurais insisté tout particulièrement sur le point d'équilibre auquel les délibérations entre les deux chambres ont permis d'aboutir, mais vous m'avez malheureusement empêché de le faire. Cet équilibre, conforme à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, doit être préservé.
Nous ne contestons nullement que la notion d'impératif prépondérant d'intérêt public émane de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, mais là n'est pas le débat.
Cet impératif vise à justifier les exceptions au principe de la protection des sources, dont nous nous réjouissons par ailleurs qu'il soit inscrit pour la première fois dans notre droit. Or, en droit français, l'impératif prépondérant d'intérêt public n'est pas défini. Du coup, par l'imprécision de la rédaction de la loi, nous créons les conditions d'un flou juridique qui donnera lieu à des interprétations nécessairement différentes de la loi.
M. le rapporteur semble être certain de la définition de l'impératif prépondérant ou de l'intérêt public, mais je suis persuadé que l'on risque de se retrouver avec des situations très inégales où, au cas par cas, le magistrat ou l'officier de police judiciaire décidera ou non qu'il y a impératif prépondérant public.
En cela, la loi belge, que vous critiquez par ailleurs, présente l'avantage de définir précisément les exceptions qu'elle pose. La rédaction du présent article est non seulement imprécise, mais également source d'inégalité des citoyens devant la loi, ce qui peut être un élément d'inconstitutionnalité. Des journalistes ou des syndicats de journalistes pourraient s'en saisir le moment venu.
En l'occurrence, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues de la majorité, nous vous rendons service en défendant cet amendement qui peut vous faire échapper au risque d'inconstitutionnalité en apportant cette précision ô combien utile. Quand on écrit la loi, il faut toujours le faire avec précision, sauf à trouver plaisir à créer des contentieux, mais ce n'est pas notre fonction.
À l'article 2, je suis saisie de plusieurs amendements.
La parole est à Mme Aurélie Filippetti, pour soutenir l'amendement n° 10 .
L'article 2 concerne la perquisition. On peut regretter que le droit de perquisition au domicile des journalistes soit à présent inscrit dans la loi de 1881. C'est une véritable régression.
Le texte laisse supposer que la procédure sera calquée sur celle régissant les perquisitions au domicile des avocats. Or il n'en est rien car, s'agissant des avocats, la présence du bâtonnier est obligatoire.
En l'espèce, la perquisition est décidée par le seul magistrat instructeur. Si le journaliste ne peut assister à la perquisition, il peut désigner un représentant. S'il refuse, les officiers de police judiciaire peuvent choisir deux témoins, mais nous ne disposons d'aucune garantie quant au statut des deux témoins, qui seront pourtant les seules personnes à pouvoir s'opposer à la saisie de certaines pièces.
Par notre amendement, nous proposons que ces témoins aient obligatoirement la qualité de journalistes, car il serait inconcevable que la procédure de perquisition au domicile des journalistes soit moins protectrice que celle concernant les avocats.
Par ailleurs, l'alinéa 7 de l'article vise « la » personne présente lors de la perquisition. Le ministre pourrait-il confirmer qu'il s'agit bien du représentant désigné par le journaliste perquisitionné et en aucun cas des témoins choisis par les officiers de police judiciaire ? L'article 57 du code de procédure pénale fait état, quant à lui, des « deux » témoins choisis par l'officier de police judiciaire. Il convient de lever cette ambiguïté.
Avis défavorable. Tout d'abord, ce n'est pas la loi de 1881 que nous modifions par ce texte, mais l'article 56-2 du code de procédure pénale, afin de mieux encadrer les perquisitions réalisées au domicile des journalistes.
Si le journaliste est présent, c'est lui qui peut s'opposer à la saisie d'une pièce. S'il est représenté, c'est son représentant. S'il n'en a pas, les officiers de police judiciaire qui procèdent à la perquisition choisissent, comme cela se passe dans le cas général, une personne qui pourra attester des conditions dans lesquelles l'opération s'est déroulée. À cet égard, le texte est suffisamment protecteur.
Quant à l'alinéa 7, il vise naturellement la personne présente, le cas échéant celle désignée par les enquêteurs. Elle pourra s'opposer à la saisie d'une pièce, qui sera alors placée sous scellés jusqu'à ce que le juge des libertés et de la détention se prononce.
Cet amendement est source de complications inutiles. Rappelons que, dans le cadre d'une enquête préliminaire, l'accord de la personne perquisitionnée est nécessaire. La perquisition doit donc se dérouler en sa présence ou celle du représentant qu'elle aura désigné. C'est clair.
Si la perquisition a lieu en flagrance, le recours aux deux témoins désignés par l'officier de police judiciaire est prévu au cas où ni la personne perquisitionnée, ni le représentant qu'elle a désigné, ne pourrait être présent – concrètement, cela signifierait que la personne est en fuite, ce qui est difficilement imaginable en l'occurrence, car il paraît peu probable que tous les responsables d'une entreprise de presse ou de communication soient en fuite en même temps. La solution que vous proposez n'est pas opportune et pourrait être mise en échec en cas de discussion sur la qualité de journaliste des personnes, ce qui serait source d'insécurité juridique. Avis défavorable.
Vous dites prendre modèle sur le droit commun, mais le droit commun prévoit la présence de deux témoins. Or, l'alinéa 7 ne vise qu'une seule personne.
Comment, par ailleurs, pouvez-vous, en vous basant sur le droit commun, proposer aux journalistes un régime moins protecteur que celui des avocats ? La protection des sources des journalistes présente des spécificités et ne saurait être soumise au droit commun. Prenons l'hypothèse où le représentant du journaliste s'oppose à la saisie d'une pièce. Certes, elle est placée sous scellés, mais le juge a cinq jours pour se prononcer. Pendant ce temps, les sources ont tout le temps d'être éventées !
Le régime de la perquisition au domicile des journalistes doit être au moins équivalent à celui de la perquisition au domicile des avocats, qui prévoit la présence obligatoire du bâtonnier, que l'avocat soit présent ou non, à peine de nullité de la procédure. Les journalistes ont besoin d'une telle protection.
Sinon, le magistrat instructeur peut choisir n'importe qui !
(L'amendement n° 10 n'est pas adopté.)
La parole est à Mme Aurélie Filippetti, pour soutenir l'amendement n° 4 .
Nous proposons que la décision du juge des libertés et de la détention relative au devenir des pièces placées sous scellés soit susceptible de recours, étant donné l'importance que peuvent revêtir ces pièces.
Je vais vous en expliquer les raisons et je ne doute pas de vous convaincre.
Vous souhaitez que la décision du juge puisse faire l'objet d'un recours. C'est déjà le cas. Lors d'une perquisition, le journaliste présent ou son représentant peut s'opposer à ce qu'une pièce soit saisie, et exiger que cette pièce soit placée sous scellés. Le juge de la liberté et de la détention, saisi, décidera si les critères de la levée du secret des sources sont suffisamment établis pour que cette pièce soit examinée par les enquêteurs.
Il s'agit d'une première voie de recours : un magistrat est présent et s'il y a contestation, on saisit le juge des libertés et de la détention.
Ensuite, il faut rappeler que l'ensemble de la procédure est soumis à la chambre de l'instruction qui, dans cette hypothèse, examinera si les critères d'impératif prépondérant d'intérêt public, de proportionnalité et de subsidiarité sont réunis. S'ils ne le sont pas, l'acte est annulé ainsi que, comme le prévoit le texte, l'ensemble de la procédure. La sanction est donc très lourde. La commission a d'ailleurs rappelé que les sanctions sont si lourdes que, désormais, les perquisitions seront très restreintes à cause du risque manifeste d'annulation.
Je ne doute pas que ces explications ont convaincu nos excellents collègues de l'opposition et si l'amendement n'est pas retiré, je propose qu'il soit repoussé.
Le Gouvernement partage l'avis de la commission. Dans les deux situations rappelées par le rapporteur, la pratique en vigueur ne soulève pas de difficulté particulière. Cet amendement gagnerait donc à être retiré, faute de quoi le Gouvernement émettrait un avis défavorable.
(L'amendement n° 4 n'est pas adopté.)
(L'article 2 est adopté.)
À l'article 3, je suis saisie de plusieurs amendements.
La parole est à Mme Aurélie Filippetti, pour soutenir l'amendement n° 5 .
Cet amendement vise à étendre la protection des sources accordée aux journalistes entendus comme témoins, à toutes les phases de la procédure, qu'il s'agisse de l'enquête préliminaire, de l'instruction ou de l'audience.
La protection des journalistes entendus comme témoins est inscrite dans le code de procédure pénale depuis la loi Sapin-Vauzelle de 1993. Il est bon d'en rappeler le principe. Cette protection doit néanmoins s'étendre à toutes les étapes de la procédure pour éviter qu'on soit tenté de mettre un témoin en examen, au rebours des dispositions de la loi de 2000 sur la présomption d'innocence.
C'est pourquoi nous proposons de remplacer les mots : « comme témoins », par les mots : « à quelque titre que ce soit ».
La commission a jugé que cet amendement allait à l'encontre du but recherché par ses rédacteurs. Il faut rappeler que toute personne mise en examen est libre de ne pas s'incriminer, de garder un silence absolu ; ce qui n'est pas le cas du témoin, obligé, pour sa part, de déposer.
C'est pourquoi nous avons souhaité accorder une protection supplémentaire au journaliste lorsqu'il est cité en qualité de témoin, le projet précisant qu'il n'aura pas à déposer alors qu'il serait aujourd'hui tenu de le faire.
Le texte est donc nettement plus protecteur pour le journaliste que l'amendement. La commission, très soucieuse de la protection des journalistes,…
Le Gouvernement a exactement le même avis. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.)
L'obligation de déposer n'existe que lorsque l'on est entendu comme témoin.
Quand on est suspect, mis en examen ou poursuivi devant une juridiction, le droit de se taire participe des droits de la défense – c'est même un droit fondamental – et n'expose à aucune sanction.
Cet amendement n'est donc absolument pas justifié.
(L'amendement n° 5 n'est pas adopté.)
La parole est à M. Patrick Bloche, pour soutenir l'amendement n° 6 rectifié .
Puisqu'il est question de la liberté de la presse, donc de la liberté d'expression, nous touchons ici à l'un des fondements de notre démocratie. Nous l'avons dit, les journalistes sont trop souvent exposés à des perquisitions, à des incriminations, à des gardes à vue – l'affaire De Filippis a créé un émoi considérable, en proportion avec la gravité de cette garde à vue qui a eu lieu il y a un peu plus d'un an alors que nous commencions l'examen de ce texte.
Nous voudrions tout simplement envoyer un signal fort à une profession qui se sent fragilisée dans l'exercice de son travail d'investigation. Nous souhaitons que, dans les cas visés par cet article, le placement en garde à vue soit réputé irrégulier. Une garde à vue n'a-t-elle pas pour principe d'extorquer des révélations, des aveux ?
M. Sarkozy lui-même – au cours de la campagne présidentielle, certes, lorsqu'il n'était pas encore président – avait dit souhaiter que l'on passe de la culture de l'aveu à celle de la preuve. S'il avait été jusqu'au bout de sa logique, la garde à vue serait tombée en désuétude.
Nous constatons au contraire, depuis deux ans et demi, que le nombre de gardes à vue, qu'elles visent des journalistes ou d'autres citoyens, a explosé. Le Premier ministre s'en est inquiété, mais si brièvement que peu l'ont entendu. Il faut aller plus loin qu'une simple observation.
Si l'on veut passer de la culture de l'aveu à celle de la preuve,…
Défavorable. La première partie de l'amendement est satisfaite par le texte. Nous avons même étendu au journaliste qui devient témoin le principe selon lequel nul n'est tenu de déposer.
Vous proposez que le placement en garde à vue d'un journaliste soit réputé irrégulier. La commission est certaine qu'une telle disposition serait censurée par le Conseil constitutionnel : il ne saurait exister deux catégories de citoyens, ceux qui pourraient être placés en garde à vue et ceux qui ne pourraient jamais l'être.
Du reste, la rédaction de l'amendement est très ambiguë : un journaliste qui commettrait un crime passionnel ne pourrait-il donc plus être placé en garde à vue ?
L'amendement concerne les journalistes dans l'exercice de leur métier !
Vous ne l'avez pas écrit dans l'amendement ! En droit pénal, il faut être précis !
J'y insiste, la rédaction actuelle, si elle n'est pas sous-amendée, vous posera une difficulté importante. Et quand bien même elle le serait, l'amendement demeurerait anticonstitutionnel, car vous créeriez malgré tout une catégorie de citoyens qui ne peuvent être placés en garde à vue.
Vous ouvririez une boîte de Pandore. Pourquoi les avocats, les magistrats, les hauts fonctionnaires ne demanderaient-ils pas à bénéficier, eux aussi, du dispositif que vous proposez ?
Comme la commission ne pense pas que l'amendement soit constitutionnel, elle l'a rejeté.
Nous vous proposerons pour la prochaine nomination au Conseil constitutionnel !
L'amendement propose que le placement en garde à vue des journalistes soit réputé irrégulier. Or le texte vise à protéger les sources des journalistes, certainement pas à créer une catégorie de Français qui ne pourraient être placés en garde à vue sous aucun prétexte. L'amendement est à l'évidence anticonstitutionnel, et le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
Sincèrement, monsieur le rapporteur, nous vous avons connu plus inspiré. Il suffit de relire le texte même de l'amendement dans son intégralité : « Toutefois les personnes visées à l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse sont autorisées à taire leurs sources dans les conditions prévues par ledit article ; leur placement en garde à vue est réputée irrégulière. »
On voit bien que cet amendement vise les journalistes dans l'exercice de leur métier, puisqu'il est fait référence à la liberté de la presse et à la possibilité de taire ses sources. La garde à vue étant le moyen par excellence utilisé pour faire pression sur un journaliste, elle n'a rien à faire dans le texte – pour peu qu'il s'agisse bien de protéger les sources et de renforcer la liberté d'expression.
Il n'est nullement question d'exempter a priori un journaliste qui aurait commis un crime passionnel. Cet amendement ne comporte donc aucun élément d'inconstitutionnalité. Il ne s'agit pas de remettre en cause l'égalité des citoyens devant la loi mais, malgré vous, de pousser jusqu'au bout la logique supposée de ce texte.
(L'amendement n° 6 rectifié n'est pas adopté.)
La parole est à Mme Aurélie Filippetti, pour soutenir l'amendement n° 7 rectifié .
Si la commission et le Gouvernement ont rejeté l'amendement n° 6 rectifié , celui-ci devrait les satisfaire.
Il limite la garde à vue pour les journalistes dans la mesure où elle aurait pour objet de récupérer leurs sources.
Il ne s'agit pas de créer une catégorie de Français protégés de la garde à vue, mais bien de protéger l'exercice de la liberté d'informer. Comme le rappelle systématiquement la jurisprudence européenne, la liberté de l'information et de la presse relève de l'intérêt général.
Nous connaissons trop d'exemples de journalistes qui ont été placés en garde à vue, c'est-à-dire mis sous pression dans le seul but, hélas, d'obtenir leurs sources. Ainsi de Guillaume Dasquié qui a passé vingt-sept heures en garde à vue pour violation du secret défense.
Mme la garde des sceaux a récemment annoncé une grande réforme de la garde à vue, après que la France a été condamnée. Il est indispensable de s'interroger sur les conditions dans lesquelles s'effectuent les gardes à vue en général et celles des journalistes en particulier. Si nous discutons ici de celles qui concernent les journalistes, nous pourrons, dans le cadre de la grande réforme envisagée par la garde des sceaux, inscrire cette réflexion dans une refonte plus globale d'un système qui a atteint ses limites et fait honte à la France.
La commission propose le rejet de cet amendement pour les mêmes motifs que précédemment. Le placement des journalistes en garde à vue s'inscrit désormais dans le cadre défini par l'article 1er qui modifie la loi de 1881 et rappelle le principe de la protection des sources.
L'utilisation de pressions comme celles auxquelles vous faites référence pour contraindre un journaliste à révéler ses sources ne sera plus de mise, à moins qu'il ne soit question d'une affaire grave. Votre crainte que l'on n'utilise la garde à vue comme moyen de pression pour des affaires qui ne sont pas significatives devient sans objet.
Ensuite, lorsque nous entamerons la réforme de la garde à vue, je ne pense pas que nous déciderons que telle catégorie de citoyens en soit exempte. Ce serait une rupture de l'égalité devant la loi. Pourquoi les journalistes, pourquoi pas d'autres catégories ? D'autres professions sont utiles à notre société : pourquoi ne pas leur appliquer le dispositif que vous proposez ? Tout cela, d'un point de vue constitutionnel, ne tient pas.
Même avis que sur l'amendement précédent. Lorsque je l'ai lu, j'ai d'abord pensé qu'il s'agissait d'un amendement de repli. Mais, en le relisant plus attentivement, je vois qu'il propose que « dans tous les autres cas, ces mêmes personnes ne pourront être gardées à vue, pour des raisons liées à l'exercice de leur profession, que pour une durée de vingt-quatre heures non renouvelables. » C'est pire que ce que proposait l'amendement n° 6 rectifié . Cela justifie un avis tout à fait défavorable.
A l'instant, le rapporteur parlait d'affaires « significatives ». Le problème, c'est qu'aujourd'hui, dans notre pays, des affaires « significatives », il y en a à la pelle ! Chaque année, 500 000 personnes sont mises en garde à vue, pour des affaires qui sont certainement « significatives ». C'est cela, le problème ! Et c'est pourquoi cet amendement revêt une importance tout à fait particulière. On ne peut pas envisager les choses indépendamment de ce qu'est la pratique actuelle de la garde à vue.
Notre collègue Aurélie Filippetti rappelait que le journaliste Guillaume Dasquié était resté plusieurs heures en garde à vue. Pourquoi, si ce n'est pour faire pression sur lui, afin d'obtenir la mise à disposition de ses sources, bref, pour le faire parler ? Ce n'est pas normal.
Vos arguments, monsieur le rapporteur, seraient tout à fait recevables si la pratique actuelle de la garde à vue n'était pas ce qu'elle est devenue. Elle est maintenant nécessaire à un certain nombre de personnes pour asseoir leur carrière professionnelle. Si elles ne font pas assez de gardes à vue, elles seront réprimandées par le ministre de l'intérieur. Et si celui-ci ne le fait pas, le Président de la République y veillera !
(L'amendement n° 7 rectifié n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 9 rectifié .
La parole est à Mme Aurélie Filippetti.
En matière de recel, la 17e chambre correctionnelle du tribunal de Paris avait déjà déclaré, en 2006, que la notion de recel de violation du secret de l'instruction ne lui semblait pas nécessaire dans une société démocratique.
Il est important de rappeler qu'en aucun cas le fait de détenir des sources d'information protégées ne peut constituer un recel, qu'il s'agisse d'un recel de violation du secret de l'instruction, d'un recel de violation du secret professionnel, ou d'un recel de vol.
En effet, on ne saurait incriminer le journaliste qui fait son travail, à savoir informer, au lieu d'incriminer la personne qui est éventuellement responsable de la violation du secret de l'instruction, de la violation du secret professionnel ou du vol. Le métier du journaliste, c'est d'informer, c'est-à-dire de trouver des sources et de les porter à la connaissance du public. En aucun cas le fait de détenir des sources d'information protégées ne saurait constituer un recel. C'est ce que, encore une fois, affirme avec netteté la loi belge depuis 2005. C'est sur cette vision très libérale que nous nous appuyons. Elle repose sur une confiance entre une société et sa presse, qui contribue à forger l'opinion publique et à informer librement des citoyens libres.
Défavorable. Vous faites référence, madame Filippetti, à la jurisprudence de la 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris. Vous avez raison. C'est la jurisprudence d'un tribunal correctionnel. Ce n'est pas celle de la Cour de cassation. En tout cas, ce n'est qu'une jurisprudence. Et nous pensons que, quand nous inscrivons dans la loi que, désormais, un journaliste pourra, sur le fondement des pièces qui peuvent faire l'objet d'une procédure de recel de violation du secret de l'instruction, plaider l'exceptio veritatis, nous clarifions par là même le droit et nous assurons une sécurité juridique absolue aux journalistes.
Deuxièmement, si nous décidons qu'il ne sera pas possible d'incriminer sous la qualification de recel un journaliste qui détient des pièces, il n'y a plus de secret de l'instruction ni de secret professionnel. Nous avons pensé que c'était aller un peu trop loin.
Nous nous en sommes tenus à un texte qui permet de plaider l'exceptio veritatis en produisant des pièces qui pourraient faire l'objet d'une procédure de recel. En revanche, nous avons souhaité que soit maintenue la qualification pénale de recel, et ce pour la raison que je viens d'indiquer. Ce serait quand même aller très loin que de la supprimer !
On ne peut pas détruire le secret de l'instruction, le faire disparaître de notre droit, au détour d'un texte qui concerne uniquement les journalistes. Cela mérite à mes yeux un débat d'ensemble.
La commission, partageant ce point de vue, propose que cet amendement soit repoussé.
Madame la députée, votre amendement prévoit que le seul fait, pour un journaliste, de détenir des sources d'information protégées ne peut constituer le délit de recel. A l'évidence, et une nouvelle fois, cet amendement remet en cause le principe constitutionnel d'égalité devant la loi. Comme vient de le dire le rapporteur, si un débat doit avoir lieu sur le secret de l'instruction, ce débat doit être général. Il pourra tout à fait avoir sa place dans le cadre de la réforme du code de procédure pénale.
Les réponses du rapporteur et du ministre, au-delà de leur volonté d'obtenir un vote conforme, nous confirment que le verre, in fine, va rester à moitié vide. La production de pièces en faisant référence à l'exceptio veritatis existait auparavant, monsieur le rapporteur. Évoquer le secret de l'instruction ou le secret professionnel n'a pas grand sens.
Ces documents, qui peuvent conduire au lancement d'une procédure, le journaliste en a eu communication pour faire son travail d'investigation. S'il les a en sa possession le temps de faire son travail, lequel travail vise à exercer la liberté d'expression la plus fondamentale au regard de l'esprit même de la loi sur la liberté de la presse de 1881, on ne peut pas, très sincèrement considérer que ce soit du recel.
Je pense que vous auriez, en acceptant cet amendement, adressé un signal clair à celles et ceux qui exercent le métier de journaliste. Et il ne s'agit pas d'une rupture d'égalité. Il s'agit de traduire dans notre droit interne des faits clairs et précis qui concernent certaines situations. Vous ne souhaitez pas supprimer le délit de recel dans un texte dont le but, selon la présentation officielle qui en est faite, est de protéger la source des journalistes et de faire progresser la liberté d'expression : il y a là, avouons-le, quelque chose de contradictoire.
(L'amendement n° 9 rectifié n'est pas adopté.)
(L'article 3 est adopté.)
À l'article 3 ter, je suis saisie d'un amendement n° 8 .
La parole est à M. Marcel Rogemont.
Cet amendement est ainsi rédigé : « Aucune interception ne peut avoir lieu sur un service téléphonique ou sur un service de communications électroniques d'un journaliste, ou de toute personne visée au deuxième alinéa de l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, y compris à son domicile pour un acte ressortant de son activité professionnelle. »
En effet, il est très important que les journalistes puissent bénéficier d'une protection contre ces interceptions. Des professions comme les avocats, les magistrats, mais je pense aussi aux parlementaires, sont protégées. Je crois que les journalistes, compte tenu de leurs fonctions, doivent l'être de la même façon.
Défavorable. En adoptant l'article 1er du projet, qui modifie l'article 2 de la loi de 1881, nous avons posé, je le rappelle, le principe de la protection des sources des journalistes. De fait, s'il doit y avoir une procédure d'interception sur un service téléphonique ou sur un service de communications électroniques d'un journaliste, il faudra que cette procédure réponde aux critères que nous avons retenus : un impératif prépondérant d'intérêt public, dans une affaire suffisamment importante.
Les avocats, les magistrats et les parlementaires bénéficient d'une protection identique. Et en l'espèce, cette protection, elle existera, c'est-à-dire, pour être très clair, que la procédure sera annulée si un tribunal considère que ces critères ne sont pas réunis.
C'est la raison pour laquelle, considérant que vous proposez là un privilège absolument exorbitant du droit commun, la commission a proposé que cet amendement soit repoussé.
Monsieur le député, je voulais également vous dire que l'amendement que vous avez défendu me semble satisfait par l'article 3 ter.
D'autre part, une fois encore, une telle disposition placerait les journalistes dans une catégorie au-dessus des autres citoyens, ce qui est totalement inacceptable, et parfaitement contraire à la Constitution. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement émet lui aussi un avis défavorable.
Cet amendement tente d'introduire de la cohérence. Dès lors que l'article 3 ter dispose que, « à peine de nullité, ne peuvent être transcrites les correspondances avec un journaliste permettant d'identifier une source en violation de l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse », il nous semblait assez logique – d'autant plus logique que l'exposé des motifs du projet de loi y fait explicitement référence – d'aller jusqu'au bout.
Entendre le rapporteur parler de « privilège » nous semble totalement incongru – à moins de considérer que la liberté d'expression est un privilège. Mais il va de soi que je ne saurais traduire ainsi votre pensée, monsieur le rapporteur…
La liberté d'expression n'est pas un privilège. Ne pas être mis sur écoutes n'est pas un privilège non plus. En l'occurrence, puisque nous parlons de la protection des sources des journalistes, et que nous évoquions le Canard enchaîné pour des perquisitions récentes, nous pourrions évoquer ce travail réalisé par ce plombier bien maladroit il y a de cela une bonne trentaine d'années. !
Nous aurions pu profiter de ce projet de loi pour aller jusqu'au bout de cette démarche. Lorsque l'on a à l'esprit l'arrêt Goodwin de la Cour européenne des droits de l'homme de 1996 et la jurisprudence constante qui a renforcé la doctrine de la Cour européenne, on ne peut que trouver ce texte bien éloigné de la précision et de la qualité de la loi belge, et y voir une occasion manquée, pour les journalistes d'abord et pour la liberté d'expression de notre pays de manière plus générale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
(L'amendement n° 8 n'est pas adopté.)
(L'article 3 ter est adopté.)
Dans les explications de vote, la parole est àMme Aurélie Filippetti, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Nous examinions, ce soir, un texte important, qui promettait d'inscrire dans la loi de 1881 le principe de la protection des sources des journalistes. Si l'ambition était grande et légitime, le résultat nous semble malheureusement insuffisant.
Au regard du grand principe de la protection des sources des journalistes, ce texte est trop imprécis, trop flou. Il comporte un trop grand nombre d'exceptions à ce grand principe, dont la simplicité et la clarté auraient dû faire la force. Ces exceptions portent d'abord sur les journalistes protégés. Nous avons souligné à quel point les journalistes précaires et les journalistes free lance n'étaient pas protégés par ce texte.
On retrouve le même flou à l'article 1er avec la notion d'impératif prépondérant d'intérêt public, qui n'est pas définie dans notre droit interne et qui sera donc laissée à l'appréciation du magistrat, peut-être du procureur, dont on connaît le manque d'indépendance organique, ou à l'appréciation de l'officier de police judiciaire.
Il y a donc là une grande insécurité juridique, d'autant, monsieur le rapporteur, qu'en matière de protection des sources, une fois que celles-ci sont éventées, que l'officier de police judiciaire en a eu connaissance, c'est trop tard. Et cela ne nécessite que peu de temps.
Il y a également une insuffisance grave en matière de garde à vue, ainsi que sur l'absence de protection des sources des journalistes lors de cette procédure exorbitante. La garde à vue est trop souvent utilisée, aujourd'hui, pour faire pression sur les journalistes afin qu'ils révèlent leurs sources.
Enfin, en matière de perquisition, je le répète, il est insupportable que l'on puisse aujourd'hui effectuer des perquisitions au domicile d'un journaliste sans qu'il bénéficie d'un niveau de protection, au moins comparable à celui des avocats.
Pour être à la hauteur de ce formidable enjeu, il aurait fallu un niveau de protection suffisant des sources et une délimitation extrêmement précise des exceptions à leur protection. La loi belge se fonde sur ces principes. C'est la loi la plus avancée en la matière. Le Conseil constitutionnel rappelle le principe de l'égalité de manière constante et indique qu'une délimitation précise des infractions doit être respectée pour éviter l'arbitraire.
Malheureusement, nous constatons une absence de précision dans les exceptions que l'on consent à ce principe. Nous n'avons qu'une protection partielle et, permettez-moi de le dire, partiale.
Nous aurions aimé pouvoir partager, ce soir, une avancée en matière de protection de la liberté de la presse, de la liberté d'expression. Nous aurions aimé pouvoir souscrire à ce texte sur la protection des sources des journalistes, pierre angulaire de la liberté de la presse et de toute société démocratique, mais, compte tenu de toutes les insuffisances que je viens de citer, nous ne le voterons pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Jacques Alain Bénisti, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Madame la présidente, monsieur le ministre, je crois que le texte dont nous venons de débattre est bon.
C'est un bon texte, car il recèle une vraie volonté de mesure, d'équilibre, d'égalité devant la loi. Les droits ne vont jamais sans devoirs. Et, en renforçant la protection des sources des journalistes et la sécurité juridique qui entourent certains actes les concernant, en matière de perquisition ou d'écoute téléphonique, nous réaffirmons notre souhait d'un journalisme sans entrave. Comme je l'ai dit tout à l'heure, en soulignant que dans certains cas ce principe ne peut être invoqué, nous avons rappelé dans ce débat notre volonté d'un journalisme citoyen et responsable.
Liberté et responsabilité sont deux socles qui devraient toujours soutenir, en permanence, le monde des médias. Le Président de la République s'y était engagé en 2007.
En 2009, nous votons un véritable renforcement des droits des journalistes, forgés de nos principes et de notre identité républicaine, de par la loi de 1881, qui méritait toutefois d'être complétée par cette idée essentielle.
Mes chers collègues, dans cette logique et cette cohérence, le groupe UMP votera, sans réserve et en toute connaissance de cause, cet excellent texte, qui renforce notre démocratie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
(L'ensemble du projet de loi est adopté.)
Prochaine séance, mardi 22 décembre 2009, à quinze heures :
Questions au Gouvernement ;
Fixation de l'ordre du jour ;
Vote solennel sur le projet de loi relatif à La Poste et aux activités postales ;
Discussion sur le rapport de la commission mixte paritaire du projet de loi relatif à la reconnaissance des victimes des essais nucléaires ;
Discussion sur le rapport de la commission mixte paritaire de projet de loi de finances rectificative pour 2009.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt-trois heures cinquante.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma