Tous ces journalistes ont participé, chacun avec leur tempérament, à cette période bouleversée qu'a été la Révolution française, pendant laquelle une partie de la presse fut réellement libre.
C'est à eux et à leur engagement que nous devons également penser quand nous travaillons aux lois qui régissent la presse et le métier de journaliste.
L'objectif du texte soumis à notre examen ce soir est de mettre la France en conformité avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme. Il vise à inscrire dans grande la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881 le corollaire de cette liberté : la protection du secret des sources des journalistes, une liberté fondamentale souvent rappelée par la CEDH.
Le symbole est d'importance. L'adoption de la loi de 29 juillet 1881 avait marqué un aboutissement. Son extrême ouverture et sa grande simplicité venaient célébrer officiellement les noces de la presse libre et de la République.
Faut-il s'étonner que les années qui suivirent aient constitué l'âge d'or de la presse française ? La loi scellait l'alliance entre une conception affirmée de la République et du débat démocratique et une presse désormais émancipée, capable d'exprimer diverses sensibilités et d'oeuvrer à une active « pédagogie civique », selon les termes de Dominique Kalifa.
La CEDH s'est inscrite dans cet héritage en donnant une définition extensive de la liberté d'expression et d'information. Se fondant sur l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, la CEDH a développé une jurisprudence qui place la liberté de la presse à l'avant-garde de la liberté d'expression.
Ainsi, en 1976, dans l'arrêt Handyside, la Cour a précisé : « La liberté d'expression est l'un des fondements essentiels d'une vraie société démocratique, et vaut non seulement pour les informations ou idées accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent. » Et d'ajotuer : « Ainsi le veulent le pluralisme, la tolérance et l'esprit d'ouverture, sans lesquels il n'est pas de société démocratique. »
Que les journalistes nous plaisent ou nous déplaisent, monsieur le ministre, il est de notre devoir de protéger leur liberté d'informer. Il ne s'agit pas de d'instaurer un statut de citoyen d'exception à leur profit : personne sur ces bancs ou au sein de leur profession ne le réclame. Mais, dans l'exercice de leur activité, les journalistes doivent bénéficier de garanties particulières.