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Intervention de Étienne Blanc

Réunion du 21 décembre 2009 à 21h30
Protection du secret des sources des journalistes — Discussion en deuxième lecture d'un projet de loi

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉtienne Blanc, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

Lors de l'examen du projet de loi en première lecture le 15 mai 2008, notre assemblée avait considérablement modifié et amélioré le texte, adoptant vingt-deux amendements, dont dix-sept directement proposés par la commission des lois. Ces amendements répondaient aux interrogations et inquiétudes qu'avait suscitées auprès des professionnels que nous avions auditionnés la version initiale du projet de loi. Les professionnels souhaitaient notamment que nous réduisions au strict minimum les incertitudes juridiques. Ils considéraient que le champ des restrictions au secret des sources et à leur protection était trop étroit et que la jurisprudence aurait pu « dériver ».

En première lecture, le Sénat avait adopté seize amendements proposés par notre collègue François-Noël Buffet.

À l'issue de ces deux lectures, un seul article – l'article 4 – avait été adopté dans les mêmes termes. Toutefois, un très large accord sur le fond s'était dégagé entre les deux assemblées. Toutes deux ont ainsi affirmé leur souhait de voir consacré dans la loi le principe de la protection du secret des sources des journalistes, souhaitant en cela adresser un signal fort à la profession en faveur de la liberté de la presse, d'une presse d'investigation, pluraliste et indépendante.

Pour autant, les deux assemblées se sont accordées sur le fait que la protection du secret des sources ne saurait être absolue et que l'on ne pourrait faire du journaliste un citoyen hors du commun, ne respectant pas un certain nombre de dispositions fondamentales de notre droit. Il faut donc établir une liste de critères qui permettent de limiter cette protection et de porter une atteinte légitime et proportionnée au secret des sources des journalistes.

Les deux assemblées ont également réaffirmé que protection du secret des sources ne signifie pas déresponsabilisation des journalistes, invitant la profession à se doter d'un code de déontologie – cette question fut régulièrement posée, notamment par les syndicats, au cours de nos auditions.

Autre point d'accord, la nécessité de protéger toute la chaîne de l'information. On ne va pas chercher une source simplement en recherchant la source elle-même, on peut rechercher la source d'information d'un journaliste en allant chercher tout ce qui en périphérie de l'activité du journaliste, en entendant sa secrétaire, en saisissant des matériels qui sont utiles au processus de développement de l'information. Aussi avons-nous inclus dans le texte les « atteintes indirectes » qui pourraient être portées à la protection des sources des journalistes.

Par ailleurs, les deux assemblées se sont accordées sur la consécration par le projet de loi d'un droit absolu des journalistes au silence lorsqu'ils sont entendus comme témoins tout au long de la procédure pénale. Jusqu'alors, le droit au silence était concentré sur l'instruction, il ne figurait pas dans notre droit lorsque le journaliste était entendu pendant l'audience, que ce soit une audience du tribunal correctionnel ou une audience de la cour d'assise.

En revanche, le Sénat s'est, tout comme l'Assemblée, refusé à accéder à la demande, parfois exprimée par la profession de journalistes, d'encadrer de manière très étroite le régime des gardes à vue pour les journalistes. Dans l'état actuel du droit, toute personne placée en garde à vue est libre de se taire ; a fortiori le journaliste est libre de ne pas révéler ses sources. Modifier la loi sur ce point particulier nous aurait conduit à devoir prendre acte d'éventuelles pratiques contraires à la loi consistant à exiger d'un journaliste placé en garde à vue qu'il livre ses sources, ce que la loi ne saurait admettre. Qui plus est, cela aurait abouti à faire du journaliste une sorte de citoyen d'exception soumis un régime de garde à vue particulier. Une telle disposition, selon nous, aurait pu être censurée par le Conseil constitutionnel, le journaliste relevant, comme tous les citoyens, du droit commun.

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