Nous examinions, ce soir, un texte important, qui promettait d'inscrire dans la loi de 1881 le principe de la protection des sources des journalistes. Si l'ambition était grande et légitime, le résultat nous semble malheureusement insuffisant.
Au regard du grand principe de la protection des sources des journalistes, ce texte est trop imprécis, trop flou. Il comporte un trop grand nombre d'exceptions à ce grand principe, dont la simplicité et la clarté auraient dû faire la force. Ces exceptions portent d'abord sur les journalistes protégés. Nous avons souligné à quel point les journalistes précaires et les journalistes free lance n'étaient pas protégés par ce texte.
On retrouve le même flou à l'article 1er avec la notion d'impératif prépondérant d'intérêt public, qui n'est pas définie dans notre droit interne et qui sera donc laissée à l'appréciation du magistrat, peut-être du procureur, dont on connaît le manque d'indépendance organique, ou à l'appréciation de l'officier de police judiciaire.
Il y a donc là une grande insécurité juridique, d'autant, monsieur le rapporteur, qu'en matière de protection des sources, une fois que celles-ci sont éventées, que l'officier de police judiciaire en a eu connaissance, c'est trop tard. Et cela ne nécessite que peu de temps.
Il y a également une insuffisance grave en matière de garde à vue, ainsi que sur l'absence de protection des sources des journalistes lors de cette procédure exorbitante. La garde à vue est trop souvent utilisée, aujourd'hui, pour faire pression sur les journalistes afin qu'ils révèlent leurs sources.
Enfin, en matière de perquisition, je le répète, il est insupportable que l'on puisse aujourd'hui effectuer des perquisitions au domicile d'un journaliste sans qu'il bénéficie d'un niveau de protection, au moins comparable à celui des avocats.
Pour être à la hauteur de ce formidable enjeu, il aurait fallu un niveau de protection suffisant des sources et une délimitation extrêmement précise des exceptions à leur protection. La loi belge se fonde sur ces principes. C'est la loi la plus avancée en la matière. Le Conseil constitutionnel rappelle le principe de l'égalité de manière constante et indique qu'une délimitation précise des infractions doit être respectée pour éviter l'arbitraire.
Malheureusement, nous constatons une absence de précision dans les exceptions que l'on consent à ce principe. Nous n'avons qu'une protection partielle et, permettez-moi de le dire, partiale.
Nous aurions aimé pouvoir partager, ce soir, une avancée en matière de protection de la liberté de la presse, de la liberté d'expression. Nous aurions aimé pouvoir souscrire à ce texte sur la protection des sources des journalistes, pierre angulaire de la liberté de la presse et de toute société démocratique, mais, compte tenu de toutes les insuffisances que je viens de citer, nous ne le voterons pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)