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Intervention de Henri de Raincourt

Réunion du 21 décembre 2009 à 21h30
Protection du secret des sources des journalistes — Discussion en deuxième lecture d'un projet de loi

Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement :

Ce principe est donc aujourd'hui reconnu par le juge européen. Pour autant, notre droit interne ne le reconnaît que partiellement.

Ainsi, la loi du 4 janvier 1993 reconnaît aux journalistes le droit de ne pas divulguer leurs sources lorsqu'ils sont entendus comme témoins dans le cadre d'une information judiciaire.

Mais cette disposition n'est pas suffisante. D'une part, elle ne protège pas le journaliste dans le cadre de perquisitions ou d'écoutes téléphoniques. D'autre part, elle est limitée à l'instruction et ne vise ni les autres régimes d'enquête, ni l'audition des journalistes à l'audience.

Pour combler ces lacunes, ce projet de loi prévoit de procéder à l'extension de la protection des sources journalistiques. Le texte a été opportunément débattu et complété au Sénat par des dispositions pertinentes.

Le projet de loi consacre le droit du journaliste entendu comme témoin de ne pas révéler ses sources tout au long de la procédure pénale.

En l'état actuel du droit, l'article 109 du code de procédure pénale permet au journaliste de taire l'origine des informations recueillies dans l'exercice de son activité lorsqu'il est cité comme témoin dans le cadre d'une information judiciaire. Ce droit est étendu à l'audition du journaliste comme témoin devant la cour d'assises ou devant le tribunal correctionnel, consacrant ainsi un droit absolu au silence.

Prenant acte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, le projet de loi prévoit également un régime dérogatoire en matière de perquisitions, sur le modèle de celles effectuées dans les cabinets et au domicile des avocats.

Le texte va donc plus loin que le seul droit pour le journaliste de ne pas révéler ses sources.

Le régime protecteur des avocats par rapport à leur client est également repris en matière d'écoutes téléphoniques. Le texte prévoit ainsi qu'à peine de nullité, ne pourront être transcrites les correspondances avec un journaliste permettant d'identifier une source en violation du principe de protection des sources.

Enfin, le texte complète les dispositions du code de procédure pénale relatives aux réquisitions judiciaires, afin de préciser que ces réquisitions ne peuvent méconnaître le principe de la protection des sources des journalistes défini à l'article 2 de la loi de 1881.

Ce texte a été amélioré lors de son examen par les deux assemblées et le Gouvernement considère qu'il a aujourd'hui atteint son équilibre. Monsieur le rapporteur, vous avez exprimé en commission des lois un très large accord sur les lignes directrices du projet, ce dont nous vous remercions. Les deux chambres ont consacré une conception équilibrée du principe de la protection des sources, en affirmant l'effectivité de ce principe sans accorder aux journalistes une immunité pénale absolue dans leur travail. Cet équilibre se manifeste à travers la volonté de préserver un régime de responsabilité adapté.

Rien, ni dans leur mission, ni dans leur déontologie, ne saurait justifier diffamations ou atteintes à la vie privée. L'immense majorité des journalistes partagent cette conviction. C'est d'ailleurs l'une des forces du journalisme de notre pays.

Par ailleurs, monsieur le rapporteur, vous avez souligné à juste titre dans votre rapport les améliorations du texte apportées par le Sénat. Pour ma part, j'en citerai deux.

En premier lieu, la définition de ce que l'on appelle les « atteintes indirectes au secret des sources », qui garantit la protection de l'ensemble de la chaîne de l'information. Est ainsi considéré comme une atteinte au secret des sources le fait de chercher à découvrir les sources d'un journaliste au moyen d'investigations portant sur toute personne qui, en raison de ses relations habituelles avec un journaliste, peut être amenée à prendre connaissance d'informations permettant d'identifier ces sources. Cette précision permet de protéger de façon large les journalistes dans leur métier.

En second lieu, la suppression de la limitation de la protection des sources d'information à ce que l'on appelle les « questions d'intérêt général », compte tenu du risque de jugement de valeur contenu dans cette notion. La protection des sources est ainsi garantie aux journalistes dans l'exercice de leur mission d'information au public, ce qui empêche toute possibilité de discrimination selon le type de média en cause.

Mesdames et messieurs les députés, le projet de loi qui arrive à l'Assemblée en deuxième lecture renforce la protection de l'indépendance de l'information, le pluralisme des médias et la liberté des journalistes. Il donne ainsi tout son sens à la fonction de garantie démocratique assurée par les médias et par là même, plus largement, à la liberté d'expression. C'est un authentique progrès pour la démocratie ; c'est une avancée pour l'État de droit. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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