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Intervention de Marcel Rogemont

Réunion du 21 décembre 2009 à 21h30
Protection du secret des sources des journalistes — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarcel Rogemont :

Nous sommes bien entendu tout à fait d'accord avec les lignes directrices du projet car il est évident que la protection du secret des sources des journalistes est une composante nécessaire à la liberté d'expression et à la liberté de la presse, qui sont autant de concrétisation de l'État de droit.

Nous faisons tous le constat que, jusqu'à présent, notre droit n'a pas suffisamment protégé les sources journalistiques. Certes, la loi du 4 janvier 1993 a marqué une étape en reconnaissant le droit de non-divulgation de leurs sources. Mais depuis, rien n'a avancé ; c'est un peu dommage.

La Cour européenne, en consacrant la protection des sources journalistiques comme l'« une des pierres angulaires de la liberté de la presse », a plusieurs fois rappelé à l'ordre la France.

À cet égard, le texte que nous examinons ce soir en deuxième lecture est porteur d'espoir. Cependant, si nous voulons qu'il constitue une avancée certaine, il est du devoir du législateur d'éviter qu'il ne soit une coquille, je ne dis pas vide, mais insuffisamment pleine, ou une simple déclaration d'intention. Aussi est-il nécessaire de prolonger nos réflexions et nos propositions afin d'affirmer plus encore notre volonté de protéger les sources des journalistes en avançant sur quelques points de notre projet de loi.

En premier lieu, il faut se demander si la référence dans le projet de loi à l'« impératif prépondérant d'intérêt public » est adéquate : si ce terme est utilisé par la Cour européenne des droits de l'homme dans sa jurisprudence, il n'en est pas moins absent de notre droit interne. Sa définition est donc le propre d'une cour qui ne fait pas partie de nos juridictions. En ce sens, un alignement sur la législation belge, beaucoup plus protectrice de la liberté de la presse que la législation française, apparaît plus opportun. Ne serait-il pas préférable de défendre la notion d'« impératif prépondérant d'intérêt général » qui présente l'avantage d'encadrer encore plus précisément les exceptions au secret des sources journalistiques car il prévoit que ces exceptions ne peuvent avoir lieu que s'il n'existe aucune autre manière d'obtenir l'information en cause ?

En second lieu, dans sa rédaction actuelle, cet article 1er présente l'inconvénient de n'accorder le droit à la protection du secret de leurs sources qu'aux seuls journalistes qui exercent leur profession à titre régulier et qui sont rétribués à ce titre, ce qui exclut de fait les journalistes non salariés ou les salariés précaires.

Bref, notre attention devrait se porter sur l'ensemble de la chaîne de l'information au lieu d'en rester à une vision restrictive de la fonction de journaliste. Cela va à rencontre de l'esprit du texte qui vise à assurer une protection effective du secret des sources journalistiques. À cet égard, nous pensons qu'il est nécessaire d'élargir la définition donnée à la profession de journaliste pour ne pas exclure les journalistes stagiaires non rémunérés notamment, qui ont pu être victimes de certains incidents. Il nous paraît tout à fait normal qu'ils puissent eux aussi être protégés : il suffirait de supprimer la mention « à titre régulier et rétribué », particulièrement restrictive.

Par ailleurs, la protection du secret des sources journalistiques ne peut être effective que si l'on modifie le texte de manière à empêcher de placer en garde à vue un journaliste pour un acte lié à son activité lorsque cette mesure aboutit à révéler ses sources et, d'autre part, à limiter à vingt-quatre heures non renouvelables la garde à vue dans les autres cas. Les gardes à vue, disais-je à l'instant, ont tendance à devenir un mode de gouvernement. Ce moyen de pression exercé sur les journalistes n'est pas normal. Nous vivons dans un pays qui pratique beaucoup, beaucoup trop la garde à vue.

Il ne s'agit absolument pas de faire des journalistes une catégorie de citoyens à part, mais d'adapter la loi au cas particulier de cette profession. Les journalistes jouent un rôle de vigiles indispensable à toute démocratie : ils doivent faire l'objet d'une protection particulière dans l'exercice de leurs fonctions afin de ne pas amoindrir leur aptitude à fournir des informations précises et fiables, et si possible à l'abri des pressions de toutes sortes.

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