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Séance en hémicycle du 10 juillet 2007 à 21h30

Résumé de la séance

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  • logement

La séance

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (nos 4, 62).

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

Madame la présidente, comme c'est votre première présidence, je tenais, au nom du groupe socialiste, à saluer cet évènement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

Je vous remercie, mon cher collègue.

Nous abordons maintenant la discussion générale.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

La parole est àM. Jérôme Chartier, premier orateur inscrit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Madame la présidente, madame la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi, monsieur le secrétaire d'État chargé des entreprises et du commerce extérieur, monsieur le secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme, monsieur le haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, mes chers collègues, ce premier projet de loi de la treizième législature a une valeur emblématique à bien des égards.

Il est celui qui engage le choc de confiance destiné à libérer des gisements d'emplois existants pour nous permettre de parvenir au plein emploi que connaissent de nombreux pays européens.

Il est primordial car il place notre action résolument au coeur de ce que je considère comme l'élément essentiel de notre société : le travail, sans lequel pas de richesses et donc pas de liberté.

Avec ce texte nous changeons de culture. Nous mettons un terme à celle imaginée par d'autres, à une autre époque, quand il fallait réduire le travail et augmenter le temps libre pour épanouir l'individu. Chacun, je crois, a compris maintenant qu'il est préférable de manquer de temps plutôt que de manquer d'argent.

Ce texte n'est pas seulement emblématique parce qu'il est le premier d'une série qui nous conduira à une réforme profonde, notamment du marché du travail et des règles qui s'appliquent aux entreprises ; il est emblématique dans la mesure où il tient plusieurs engagements pris pendant la campagne présidentielle. En commençant cette discussion générale, je vais les citer pour les rappeler : la hausse de la rémunération de l'heure supplémentaire, d'au moins 25 % : c'est dans le projet présidentiel, en page 8 ; la réforme profonde des droits de succession pour supprimer leur effet sur la plupart des familles de France : c'est dans le projet, en page 8…

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Non parce que ce n'est pas la même bible. (Sourires.) Toutefois c'est un document très intéressant dont je vous recommande la lecture, et si vous le voulez bien, mon cher collègue, je vous en ferai porter un exemplaire tout à l'heure. Mais si vous l'avez déjà, je vous félicite pour vos lectures ! (Sourires.) L'augmentation du plafond des donations figure également à la page 8, ainsi que la déduction des intérêts d'emprunt immobilier pour les Français qui acquièrent une résidence principale. Le bouclier fiscal à 50 % est dans le projet, en page 9, et ce dispositif inclut, je le rappelle, toutes les taxes et tous les impôts. L'investissement dans le capital des PME, de fondations ou d'universités par les contribuables à l'ISF est en page 7.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Si vous voulez, on peut en parler. (« Oui ! Oui ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

J'ai justement été chargé par l'UMP d'une mission sur ce sujet intéressant. Je serais très heureux d'entendre votre point de vue. Le groupe de travail se réunit tous les mardis matin, à l'UMP : on sera ravis de vous accueillir et de vous entendre. Mi-septembre, nous aurons l'occasion de réfléchir ensemble à ce très grand sujet qu'est la TVA sociale. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen. – Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Je reprends mon énumération : l'encadrement et le conditionnement de toutes les rémunérations différées, en fonction des performances de l'entreprise et donc du dirigeant, c'est aussi dans le projet. Le Président de la République a rappelé cet engagement à maintes reprises au cours de la campagne et également au cours des premiers discours qu'il a tenus postérieurement. L'encouragement à la reprise d'un emploi afin de sortir de l'exclusion, par le travail : là aussi, c'est dans le projet présidentiel, précisément en page 9. Enfin, l'encouragement à l'autonomie des étudiants par l'exonération d'impôt sur le revenu pour leur salaire perçu jusqu'à vingt-cinq ans est prévu en page 11.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

En effet, tout est prévu, mon cher collègue ! Et tout ce qui a été dit avant va être fait après. Cela aussi, c'est une nouvelle façon de faire de la politique, et vous allez pouvoir l'observer.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Ce ne sont, dans ce seul projet de loi, pas moins de neuf engagements qui sont tenus. Et vous me permettrez de faire remarquer, madame la ministre, que ce sont neuf promesses en seulement onze articles. À l'heure où l'Assemblée nationale est particulièrement vigilante concernant les lois qui bredouillent, les lois qui bavardent et les lois qui compliquent, je crois que vous êtes en train d'établir un nouveau record avec un nouveau ratio : celui du nombre d'articles de loi nécessaires pour tenir une promesse.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Avec neuf promesses tenues en onze articles, vous fixez la barre de la synthèse législative très haut. C'est désormais le record à battre. Il fallait vous en rendre hommage, et je le fais devant vous.

Le débat commence maintenant dans l'hémicycle, mais chacun sait qu'il a déjà eu lieu en commission. Elles sont nombreuses à avoir été saisies, pas moins de quatre, dont deux d'entre elles sur l'intégralité du texte – je salue d'ailleurs Dominique Tian, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, qui nous a rejoints. C'est la manifestation de la richesse des mesures qui nous sont présentées. Les rapports montrent bien, notamment celui de Dominique Tian, que ce texte recèle des dimensions certes financières mais aussi humaines. Le projet méritait cet important travail d'approfondissement et de recherche. Le débat n'en sera que plus riche et plus éclairé.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Monsieur Brottes, si vous m'interrompez, c'est avec plaisir que je vais vous répondre parce que, pendant ce temps-là, j'estime que mon temps de parole est suspendu !

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Mais allons-nous avoir un débat sur le coût du projet ? Toutes les personnes expérimentées, mes collègues de l'Assemblée qui siègent depuis tant d'années, savent que nous n'en finirions jamais. Ou un débat sur les riches contre les pauvres ? Allons ! À l'heure où tous les Français demandent à gagner plus et qu'ils ont tous bien compris que pour cela il était nécessaire de travailler plus,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

… laisser croire que ce projet avantage les plus fortunés est un mensonge. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

En revanche, ce projet « croissance, confiance, emploi » ouvre un débat qui m'apparaît nettement plus fondateur et qui concerne toute la société française. Je le pose en une question simple : allons-nous enfin considérer que celui qui s'enrichit du fruit de ses efforts…

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical et citoyen. Comme Forgeard !

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Notre histoire et notre culture, il faut en convenir, font que la reconnaissance des plus fortunés d'entre nous, de celles et ceux qui ont travaillé tant d'années pour réussir, n'a jamais été facilitée. Ils sont toujours présumés coupables – M. Brard l'a rappelé tout à l'heure –, soit par l'administration fiscale, soit par M. Brard lui-même. Ils sont jalousés par leurs voisins parfois à tel point que tout signe ostentatoire entraîne de facto des suspicions sur l'origine de leur richesse. C'est pourquoi j'aimerais que nous parvenions à conduire ce débat essentiel dans l'hémicycle, que nous parvenions à répondre à cette question : allons-nous réussir en France à remplacer le sentiment de la jalousie par celui de l'envie et du désir ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

À réhabiliter la réussite, à tel point que les Français ne soient plus jaloux de la réussite de leurs voisins, mais désireux d'en faire autant afin de réussir tout autant ? C'est le vrai défi. C'est le vrai enjeu.

Mais la réhabilitation professionnelle, l'encouragement à l'effort et au travail, ne peut être dissociée, sur le fond, des quatre articles de loi qui viennent compléter ce projet : ceux sur le revenu de solidarité active et celui sur ce que l'on appelle les « golden parachutes ». Je m'explique : il aurait été incongru, de mon point de vue, de bâtir un projet de loi encourageant la réussite sans penser à celles et ceux qui sont sortis du travail et qui sont désireux d'y retourner.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

De même, il aurait été tout simplement inacceptable de soustraire à cette logique saine de l'encouragement de la réussite et du succès grâce au travail une règle selon laquelle on peut gagner beaucoup d'argent si on a conclu un bon accord juridique. Désormais, avec cette loi, le bon accord juridique conclu pour un golden parachute sera examiné d'abord à la lumière des performances de l'entreprise et du dirigeant concerné. Un dirigeant qui aura échoué n'aura ainsi pas de cadeau de départ. C'était la moindre des choses.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

J'y crois ! J'aimerais pouvoir vous en parler plus longuement, malheureusement Mme la présidente me rappellerait à mes obligations. Mais le débat va être ouvert, et c'est un vrai plaisir de passer trois jours avec vous (« Plus que ça ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen) afin de pouvoir approfondir ce sujet, notamment celui des golden parachutes. J'espère que nous aurons l'occasion, lors des longues séances de nuit, de tous se voir. En tout cas je serai là.

Madame la ministre, messieurs les secrétaires d'État, mes chers collègues, j'ai le sentiment, que partagent beaucoup dans cet hémicycle – situés d'ailleurs sur des bancs auxquels je ne m'attendais pas –, que les Français, à l'occasion de la campagne pour l'élection présidentielle, ont plébiscité les repères, les principes et les valeurs. Ce projet de loi marque aussi, enfin, une rupture dans la mesure où il va tout faire pour remettre à jour des repères trop anciens et qui pénalisaient l'envie de réussir. Nous avons tous envie de réussir pour notre pays. Je suis donc convaincu que nous apporterons tous notre soutien à ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

Madame la ministre, permettez-moi d'abord de saluer en vous la première femme ministre des finances de notre pays. C'est un hommage que je rends à la fonction que vous occupez. Je regrette d'ailleurs que vos collègues de la majorité n'aient pas eu dans cette assemblée le souci de porter aux responsabilités davantage de femmes, notamment à l'Assemblée nationale (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire),…

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

… mais j'imagine qu'il s'agit d'une omission qu'ils auront le souci de réparer bientôt.

Je veux aussi, dans l'intérêt de la France, vous souhaiter bonne chance dans vos fonctions tout en constatant néanmoins qu'avec le présent texte et la politique que vous défendez, vous ne mettez pas toutes les chances de votre côté.

C'est en effet une lourde responsabilité que la vôtre. Vous devez répondre aux promesses du programme présidentiel et aux attentes qui en sont nées.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

Il a été question de relancer la croissance, de procéder à des réformes structurelles, de relancer le pouvoir d'achat, de réconcilier le pays avec le travail, bref : il a été question de belles et bonnes ambitions. Je suis cependant au regret de vous dire qu'avec les propositions contenues dans le présent texte, vous n'y parviendrez pas. Les mesures ne sont en effet manifestement pas à la hauteur de l'enjeu, non pas du point de vue financier – puisque le coût est considérable, j'y reviendrai – mais des moyens mobilisés pour atteindre les objectifs fixés.

Pour n'évoquer que les dispositions, emblématiques de la campagne présidentielle et de ce projet de loi, relatives aux heures supplémentaires, je crois intéressant d'ouvrir le débat. J'écoutais cet après-midi M. Carrez, notre rapporteur général, nous expliquer que la principale cause du déficit de croissance de notre pays tiendrait à ce que l'on n'y travaille pas assez. Cette raison ne tiendrait donc ni au taux d'emploi ni au taux d'activité, qui sont plus faibles, mais à la seule durée du travail, réduite par un gouvernement socialiste dans des conditions qui nous mettraient en difficulté.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

Le problème est que ce raisonnement repose sur de multiples faiblesses. Il est contesté par de nombreux économistes – nous avons eu l'occasion d'en débattre – et par les comparaisons que nous pouvons établir. Le rapport de M. Carrez indique ainsi qu'aux États-Unis, où l'on travaille en moyenne plus de 1 750 heures par an, ou encore au Japon, le taux de chômage est de l'ordre de 5 % alors qu'en France, où l'on travaille environ 1 600 heures, le taux de chômage est – peut-être grâce à vous ! – plus élevé. Mais il suffit de rappeler qu'en Norvège ou aux Pays-Bas, par exemple, alors que la durée annuelle moyenne est de 1 400 heures, le taux de chômage se situe, en tout cas pour le premier de ces deux pays, entre 3,5 et 3,9 %. Vous sélectionnez donc sciemment vos exemples ! Quant à la Pologne, pays avec lequel nous entretenons une vieille amitié, on y travaille en moyenne plus de 2 000 heures par an, pour un taux de chômage de 14 %.

En d'autres termes votre démonstration selon laquelle la trop faible durée du travail expliquerait nos difficultés structurelles et notre déficit de croissance est largement sujette à caution. La véritable question n'est donc pas de savoir s'il faut travailler plus, mais comment faire en sorte que plus de nos concitoyens puissent travailler. Elle est d'augmenter le nombre global d'heures travaillées, et non le temps de travail passé par chacun des salariés concerné. La question qui nous est posée est de savoir comment travailler mieux : comment introduire dans une heure de travail davantage de formation, de savoir-faire, de qualification, de nouvelles technologies, bref, comment faire progresser notre productivité et notre compétitivité. Avec votre raisonnement, on se croirait revenu à l'économie du XIXe siècle, où le résultat économique – et certainement pas le progrès social – pouvait se mesurer à la durée de la journée de travail.

J'ajoute que les mesures relatives aux heures supplémentaires, outre qu'elles reposent sur des faiblesses de raisonnement, ne présentent pas non plus de garanties pour le pouvoir d'achat des salariés. On nous dit que ces derniers sont potentiellement tous concernés. Certes, mais seulement à la hauteur des heures supplémentaires qu'ils pourront effectuer, s'ils le peuvent ! Et pour une rémunération qui ne leur est certainement pas garantie ! S'il avait été décidé de porter le SMIC par exemple, à 1 500 euros bruts mensuels dans cinq ans et que le coup de pouce donné au SMIC pour le 1er juillet avait été de 3,34 % – au lieu des 2,1 % que vous nous avez annoncés –, le salarié payé au SMIC aurait gagné l'équivalent de ce qu'il va recevoir en effectuant des heures supplémentaires. Autrement dit, il aurait pu obtenir, grâce à des heures supplémentaires s'ajoutant à la revalorisation du SMIC, une rémunération plus importante que celle qu'il obtiendra avec la mise en oeuvre de votre formule « travailler plus pour gagner plus ».

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

Si l'on déduit par ailleurs, comme il serait juste de le faire, l'ensemble des avantages liés à la rémunération des heures supplémentaires pour ne retenir, dans le bénéfice de vos mesures, que celles qui se rapportent à l'exonération fiscale et sociale, il apparaît alors qu'il vaut mieux augmenter le SMIC pour l'ensemble de ceux qui travaillent que de procéder aux ajustements que vous proposez.

Mais puisqu'il est déjà temps de conclure et qu'il faudrait, pour évoquer ce projet de loi, en analyser tous les aspects, je voudrais vous faire part de notre inquiétude quant à son coût. Nous nous demandons en effet si, eu égard en particulier à la situation de nos comptes sociaux, il est opportun de proposer, pour ne parler que des heures supplémentaires, une mesure dont le coût s'élève à plus de 4 milliards d'euros. N'eût-il pas été nécessaire, avant d'accorder de nouvelles exonérations et de creuser un peu plus le déficit, de remettre la situation à plat ? N'eût-il pas été nécessaire que la ministre de l'économie et des finances que vous êtes nous dise comment elle entend rétablir l'équilibre de nos comptes publics et sociaux ? Nous redoutons en effet qu'à l'automne, vous ne repreniez d'une main ce que vous prétendez aujourd'hui accorder de l'autre aux salariés. Nous craignons de futurs ajustements brutaux en ce qui concerne les prélèvements sur les ménages puisque aujourd'hui, vous en êtes à fêter les promesses électorales. J'aimerais à cet égard, madame la ministre, que vous vous engagiez à cette tribune – puisque vous ne l'avez pas fait en commission – à ne pas augmenter ces prélèvements : sachant que vous aurez creusé les déficits avec les dispositions proposées, il serait logique qu'un tel engagement les accompagnent. Nous aimerions être sûrs que l'équilibre des finances publics sera assuré sans que les ménages aient à payer la note.

Telles sont les quelques observations que je voulais faire, en souhaitant bien sûr que notre débat nous permette d'aller au fond des mesures que vous proposez, lesquelles ne sont manifestement pas adaptées pour restaurer la confiance dans notre pays, ni pour améliorer le pouvoir d'achat, ni, surtout, pour soutenir la croissance, qui aurait besoin que l'on consacre les moyens envisagés à des réformes structurelles. Je pense notamment à ceux qui auraient pu être affectés à l'université : pour les mêmes montants, vous auriez ainsi pu proposer une réforme plus riche de promesses et plus sûre que les présentes mesures, lesquelles ne font que satisfaire à des promesses électorales. Mais vous aurez assurément à gérer des lendemains qui déchantent : il nous reviendra alors de proposer une alternative. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

La parole est à M. le président de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Migaud

Juste un mot, madame la présidente, pour vous demander de bien vouloir excuser l'arrivée tardive, dans cette séance, des représentants de la commission des finances, qui étaient en réunion pour examiner, au titre de l'article 88 de notre règlement, des amendements.

Permettez-moi par ailleurs une brève observation : s'il est évidemment d'usage que la commission saisie au fond soit à l'heure, il ne l'est pas moins, quand elle est en réunion, qu'on l'attende un peu. (Applaudissements sur divers bancs.)

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Madame la présidente, madame la ministre, messieurs les ministres, chers collègues, travail, emploi et pouvoir d'achat : voilà donc les trois mots qui scandent nos débats depuis cet après-midi.

Mais plus on discute de ce texte, plus on l'examine, plus on peut se dire qu'il s'agit en fait de publicité mensongère.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

En effet, lorsque les Français entendent parler de hausse de leur pouvoir d'achat, ils peuvent légitimement penser qu'il s'agit de mesures concrètes et applicables à tous. Or, et c'est sans doute le plus choquant dans ce projet de loi, toutes les mesures proposées s'appliquent en fait à chaque fois à une minorité de personnes. Les salariés à qui on ne propose pas d'heures supplémentaires seront par exemple exclus du bénéfice de l'article 1er. Pour bénéficier d'une détaxation des heures supplémentaires, il faudra non seulement être particulièrement bien payé, mais encore pouvoir faire des heures supplémentaires !

Pour la récupération des intérêts d'emprunt, c'est pareil : seules les personnes ayant les moyens d'accéder à la propriété pourront en bénéficier. Les locataires sont donc priés de s'adresser ailleurs pour voir leur pouvoir d'achat augmenter. Sans parler de celles et ceux qui ont acquis leur résidence principale il y a plus de cinq ans, puisqu'ils ne bénéficieront d'aucun avantage.

La même logique « excluante » est encore à l'oeuvre en ce qui concerne l'exonération fiscale pour les étudiants qui travaillent. On pourrait penser que la priorité est que les étudiants se concentrent sur leurs études. Eh bien non, avec votre dispositif, ce sont encore les familles qui ont les plus hauts revenus – donc celles dont les enfants ont en principe le moins besoin de travailler pour payer leurs études – qui bénéficieront d'un avantage fiscal. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Je voudrais à présent dire un mot de cette question récurrente de la « valeur travail ». Pour ma part, je n'ai pas l'impression, bien qu'ayant comme vous fait campagne et rencontré beaucoup de gens lors de ces dernières semaines, de vivre dans un pays de fainéants ou d'oisifs, comme on l'a entendu cet après-midi. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical et citoyen.) Je croyais, naïvement sans doute, que si l'on voulait revaloriser le travail, on parlerait d'augmentation des salaires ou d'amélioration des conditions de travail. Ce sont là en effet des problèmes concrets pour beaucoup de nos concitoyens qui ont un travail pénible. On aurait aussi pu parler de lutter contre les accidents du travail, qui sont en recrudescence, ou de réduire les maladies liées au travail. Eh bien non, tout ce discours sur le travail vous amène en fait à proposer le bouclier fiscal et l'exonération des droits de succession !

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Ces dispositifs vont d'abord profiter à celles et ceux qui ont de gros revenus tirés de leur patrimoine. Autrement dit, des gens qui gagnent leur vie sans être obligés de travailler ! Le comble de cette absurdité est atteint avec votre mesure sur les héritages : s'il y a bien une injustice, c'est celle des gros héritages qui permettent à ceux qui en bénéficient de vivre sans jamais travailler.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Peut-être allez-vous me dire que j'exagère. (« Rien qu'un peu ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) J'aimerais sincèrement que ce soit le cas. Mais j'ai lu comme vous, sans doute, dans Le Monde de ce soir, les études qui paraissent sur le sujet. Que voit-on dans la dernière d'entre elles, celle réalisée par la très sérieuse École d'économie de Paris ? Les 0,01 % des Français les plus riches – soit un Français sur 10 000 – ont vu leurs revenus augmenter de 42,6 % entre 1998 et 2005, quand cette hausse se limitait à seulement 4,6 % – soit dix fois moins – pour 90 % des ménages français.

Alors franchement, quand on nous parle pendant les campagnes électorales de la France qui se lève tôt, je crois finalement comprendre qu'il s'agit de celle qui se lève tôt pour ne pas rater les conseils boursiers de Jean-Pierre Gaillard ou les éditos économiques de Jean-Marc Sylvestre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical et citoyen.)

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

À vous entendre, monsieur Piron, j'ai touché juste ! Les habitants de ma circonscription – et les vôtres aussi, sans doute – que je rencontre à Nantes, à Orvault ou à Sautron auraient, je crois, apprécié des mesures concrètes sur le pouvoir d'achat,…

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

… dont tout le monde puisse bénéficier, à commencer par les salariés modestes. Je pense à ces millions de personnes – et non aux quelques milliers que vos mesures intéressent – dont les salaires se situent entre 1 000 et 2 000 euros, soit le salaire médian français. Ce sera le sens des amendements que je défendrai.

Puisque le Président de la République parle d'une ouverture qu'il a voulu concrétiser avec la composition du Gouvernement, j'espère que vous saurez faire preuve du même esprit d'ouverture vis-à-vis de nos propositions. Dans l'état actuel des choses, les députés Verts ne pourront évidemment que voter contre un texte qui réussit à combiner injustice sociale et inefficacité économique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical et citoyen.)

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Madame la présidente, madame la ministre, messieurs les ministres, chers collègues, à l'heure où le Président de la République vient de prendre l'engagement devant l'Eurogroupe de ramener le déficit public à 2,4 % du produit intérieur brut en 2007 et à 2,3 % au minimum en 2008, il nous paraît indispensable de l'aider dans cette démarche.

Le nouveau centre tiendra donc un langage de vérité budgétaire simple : compte tenu de la situation dégradée de nos finances publiques, il ne peut y avoir de dépenses nouvelles engagées sans mesures d'économies équivalentes. Cette règle d'or doit s'appliquer au présent « paquet fiscal », lequel contient un ensemble de mesures dont le coût est estimé par le Gouvernement à 1,5 milliard d'euros dès 2007, 11,5 milliards en 2008 et environ 13 milliards à partir de 2009.

En réalité, le coût en sera vraisemblablement plus important, puisque l'évaluation à 6 milliards d'euros de la mesure relative à la défiscalisation des heures supplémentaires est sous-estimée. En effet, comme l'a rappelé notre rapporteur général, le calcul englobe uniquement les heures supplémentaires dans le secteur privé, soit environ 800 millions d'heures. Ne sont pas prises en compte les heures supplémentaires effectuées dans le secteur public – on parle d'une centaine de millions d'heures –, les heures complémentaires – sans doute entre 100 et 200 millions d'heures – et les effets induits par la mesure, lesquels, en supposant une élasticité de l'ordre de 0,6 du coût du travail, pourraient représenter au moins 200 millions d'heures supplémentaires.

Le coût réel de cette seule mesure – la plus importante du « paquet fiscal » – pourrait être, à terme, majoré de 50 % par rapport au coût avancé.

Si, comme les élus de la majorité s'y sont engagés dans la plate-forme législative, nous souhaitons supprimer en quatre ans le déficit de fonctionnement, qui s'élève à 22 milliards d'euros en 2007, il faut parvenir à une réduction du déficit de l'État comprise entre 4 et 4,5 milliards d'euros par an. Cela suppose d'une part que l'État ne saurait engager de dépense nouvelle non gagée : d'autre part, que le surplus de recettes fiscales et non fiscales de l'État – un surplus, par rapport aux dépenses spontanées, de l'ordre de 4 à 5 milliards d'euros par an – soit entièrement consacré à la réduction du déficit public. C'est d'ailleurs ce qu'a annoncé hier soir le Président de la République lors de sa conférence de presse.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Il nous faut donc réaliser, s'agissant du « paquet fiscal », une économie de 11 à 13 milliards d'euros, sur un montant total de dépenses brutes de l'État s'élevant à 370 milliards.

A cette fin, le groupe Nouveau Centre propose trois mesures, dont deux ont obtenu l'accord du Président de la République.

La première de ces mesures est la suivante : il existe dans notre pays 240 mesures dites de « niches fiscales » portant sur l'impôt sur le revenu. Elles représentent environ 35 milliards d'euros, pour un impôt qui produit environ 65 milliards. Le Nouveau Centre propose donc de mettre en place l'impôt minimum alternatif – un amendement en ce sens vient d'être adopté en commission des finances, en présence de Pierre Méhaignerie. Il s'agit d'une mesure raisonnable visant à combattre un système conduisant à une fausse progressivité, puisque des gens aisés utilisant habilement les niches fiscales peuvent annuler l'impôt sur le revenu.

La deuxième mesure d'économie concerne les relations entre l'État et les collectivités territoriales. Mes chers collègues, au risque de choquer ceux d'entre vous qui, comme moi, sont des élus locaux, on ne saurait redresser les finances publiques en poursuivant dans la voie d'une augmentation des transferts de l'État vers les collectivités territoriales beaucoup plus rapide que la croissance moyenne des dépenses de l'État. Ayons le courage de le dire, il faut viser au maximum un parallélisme : un accroissement nul en volume des dépenses de l'État doit correspondre à un accroissement également nul des transferts.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

En France, les collectivités locales représentent 70 % de l'investissement public !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Monsieur Ayrault, cette réflexion n'est pas digne d'un homme comme vous ! Comme vous le savez, ma famille politique s'est toujours battue pour l'autonomie non seulement financière, mais fiscale, des collectivités territoriales. Les élus locaux doivent assumer leurs choix devant leurs électeurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

On ne peut constamment demander à l'État de faire des efforts et réclamer une augmentation de 3 à 3,5 % de l'ensemble de ses aides ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Ce n'est pas raisonnable, et d'ailleurs si vous étiez au pouvoir, monsieur Ayrault, je vous critiquerais si vous poursuiviez cette augmentation.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Deflesselles

Les socialistes sont au pouvoir dans les régions !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

D'ailleurs, sur ce deuxième point, le Président de la République est favorable à notre idée.

La troisième mesure, qui fait l'objet d'importants débats, concerne la concentration des allégements de charges sociales patronales sur les petites et moyennes entreprises – en d'autres termes leur suppression s'agissant des plus grandes entreprises. Comme le montrent les travaux réalisés il y a quelques mois par la Cour des comptes, à la demande de la commission des finances, ces aides sont en effet inefficaces dans les grandes entreprises.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Ayons le courage de réaliser les économies nécessaires lorsque l'argent public est mal utilisé.

Grâce à ces trois mesures d'économie, il devient possible de dégager la somme de 11 à 12 milliards d'euros que nécessite la mise en place du paquet fiscal. Mes chers collègues, le groupe Nouveau Centre veillera à la compensation du coût de ces mesures, et je souhaite que le Gouvernement retienne nos propositions dès le projet de loi de finances pour 2008 – ce qui devrait être le cas d'au moins deux d'entre elles.

L'examen en commission de certaines mesures a permis des améliorations intéressantes qui conduisent le groupe Nouveau Centre à les approuver.

Il en est ainsi du crédit d'impôt sur le revenu accordé au titre des intérêts d'emprunt supportés pour l'acquisition ou la construction d'une habitation principale. Cette mesure revient à annuler la hausse des taux d'intérêt constatée ces dix-huit derniers mois. Cette hausse de 4 % à 5 % est compensée par un crédit d'impôt de l'ordre de 20 %. Le plafond étant fixé à un niveau raisonnable, il s'agit d'une bonne mesure.

En outre, nous avons demandé – l'amendement a été adopté en commission des finances – qu'une évaluation soit effectuée dans dix-huit mois afin de vérifier que ce crédit d'impôt profite bien aux acquéreurs, et non aux promoteurs ou aux banquiers, voire à ces deux catégories ! En effet, mes chers collègues, on a bien souvent constaté que certaines dispositions, loin de bénéficier à ceux à qui le Parlement les destinaient, faisaient l'objet de détournements. Notre rapporteur général s'est ainsi interrogé, comme moi, sur la question de savoir par quelle mesure réagir face à une banque qui proposerait un taux moyen pondéré de 5 % pour le fixer à 8 % les cinq premières années et revenir, à partir de la sixième année, à un taux de 1 %.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Mes chers collègues, l'ingénierie financière, cela existe. Nous devons donc vérifier ce point.

Enfin, le Nouveau Centre soutient l'idée, avancée en commission des finances, de rendre le dispositif pérenne en cas de mutation professionnelle lorsque l'emprunt ne concerne plus de facto l'habitation principale.

Le Nouveau Centre soutient également la réforme des droits de succession, que nous proposons d'améliorer par deux amendements : l'un porte de 50 000 à 150 000 euros l'abattement sur les mutations à titre gratuit applicable à la part des héritiers, donataires ou légataires incapables de travailler dans des conditions normales de rémunération en raison d'un handicap. C'est une bonne mesure, à laquelle le Gouvernement s'est déclaré très favorable ; le second amendement, que nous venons de voter, vise à exonérer de droits de succession, sous conditions, les fratries vivant sous un même toit. C'est un geste de solidarité envers les familles qui recueillent un membre de la fratrie en difficulté.

J'en viens à l'aménagement des « parachutes dorés ». Le groupe Nouveau Centre salue les avancées du projet de loi, mais souhaite aller encore plus loin – malheureusement, l'amendement que nous avons proposé tout à l'heure en commission a été repoussé – en s'inspirant du modèle de la loi britannique. Le Company Act de novembre 2006, qui entrera en vigueur en novembre 2008, soumet en effet l'ensemble des éléments de rémunération des mandataires sociaux à l'approbation de l'assemblée générale.

Madame la ministre, même si elle peut être considérée comme une avancée, je ne suis pas convaincu par l'idée du Gouvernement selon laquelle il appartient au conseil d'administration ou de surveillance de fixer les critères permettant de vérifier que le « parachute doré » est lié à des performances réelles et non à des contre-performances, comme certaines affaires l'ont montré récemment.

Pour ma part, je suis favorable à la démocratie politique, mais aussi à la démocratie sociale et économique. Ce qui est choquant dans le système français – et pas seulement français – c'est le fait que des minorités non propriétaires de l'entreprise s'octroient des avantages à l'insu des propriétaires eux-mêmes.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Bien des dirigeants d'entreprise hésiteraient à proposer des parachutes dorés, des retraites chapeaux et des indemnités extravagantes en fin de mandat s'ils étaient tenus de s'en expliquer devant leurs actionnaires – et parfois devant des centaines de personnes. Ce serait le meilleur système de rémunération, qui n'exclut pas le projet gouvernemental, mais va plus loin encore et serait mieux à même de réguler le dispositif.

D'autre part, la commission des finances a apporté des compléments intéressants. Ainsi, les indemnités de départ des dirigeants sont désormais déductibles de l'impôt sur les sociétés acquitté par l'entreprise. Je sais, madame la ministre, que vous n'étiez pas particulièrement favorable à l'amendement proposé par notre collègue Bouvard, visant à instaurer un plafond d'un million d'euros. Nous lui avons néanmoins apporté notre soutien. Il est en effet anormal que ce soit le contribuable qui finance un tiers de ce type de dépenses.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Toutefois, des améliorations substantielles doivent être apportées dans au moins quatre domaines.

Tout d'abord, la défiscalisation des heures supplémentaires pose de délicats problèmes. Certes, cette réforme va dans le bon sens et le groupe Nouveau Centre approuve la philosophie de revalorisation du travail et de soutien au pouvoir d'achat. Elle peut néanmoins être améliorée dans deux sens, et en premier lieu celui de la simplification.

Madame la ministre, vous êtes une femme d'entreprise et vous savez ce qu'est une petite ou une moyenne entreprise. Refuser de retenir le taux de rémunération effectif par crainte de dérives, au profit du taux de la branche ou, à défaut, du taux de plus de 25 % prévu par la loi, est une erreur. Beaucoup de nos collègues, en commission des finances, ont compris l'extrême complexité d'un dispositif consistant à sortir 5 à 10 % du montant des heures supplémentaires pour alimenter l'URSSAF. Le second problème est celui du contrôle par les malheureux inspecteurs des impôts. La distinction entre part imposable et part non imposable sera extrêmement complexe.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Nous vous avons fait des propositions mais malheureusement, elles n'ont pas été retenues. Il est beaucoup plus simple de se fonder sur le taux effectif et de sanctionner les dérives éventuelles.

Ensuite, l'application de la mesure au secteur public entraînera de nombreuses difficultés pratiques, notamment en termes de comptage des heures supplémentaires. La défiscalisation des heures supplémentaires dans le secteur public risque d'accroître fortement la charge financière supportée par les collectivités locales, du fait de l'accroissement du phénomène de conversion des RTT en heures supplémentaires ou complémentaires : dans ce cas, les collectivités locales ne bénéficieront pas des réductions de cotisations patronales accordées aux entreprises du secteur privé. Ce point mérite un examen plus approfondi.

S'agissant de l'élargissement du périmètre de la mesure, nous avons soulevé le problème des parasubordonnés. Il s'agit de sept catégories constituées de salariés au sens du droit social, mais qui sont des indépendants au sens du droit du travail. Plusieurs d'entre elles – travailleurs à domicile, artistes du spectacle, journalistes – doivent être intégrées dans la loi.

Un problème plus délicat encore est celui des heures d'équivalence dans les transports, qui sont très spécifiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Or elles sont traitées comme des heures supplémentaires. Nous avons déposé un amendement en ce sens mais il n'a pas été retenu par la commission. Vous connaissez pourtant, madame la ministre, la situation du transport international français : nous perdons 2 à 3 % de parts de marché par an. Inclure ces heures d'équivalence dans le dispositif de défiscalisation serait une façon d'aider ce secteur.

Les mesures relatives à l'ISF peuvent, elles aussi, être améliorées. Vous savez que le Nouveau Centre est favorable au principe du bouclier fiscal, car l'impôt ne saurait être confiscatoire. Peut-être faudra-t-il, madame la ministre, en venir à l'inscription dans la Constitution du principe selon lequel l'ensemble des prélèvements fiscaux ne peuvent pas dépasser 50 %, en s'inspirant de la décision de la Cour constitutionnelle allemande de Karlsruhe. En attendant, nous sommes dans une situation très délicate du point de vue de la CSG et de la CRDS. Je ne reprendrai pas les trois raisons pour lesquelles il serait sage de différer cette mesure, me limitant à l'aspect constitutionnel. Si nous intégrons la CSG et CRDS dans les revenus du patrimoine, le plafond ne sera plus de 50 % mais de 39 %. Or, ce taux se situe en dessous du taux marginal de l'impôt sur le revenu !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Cela pose un vrai problème, sauf à relever le plafond à 51 ou 52 %. Pour ma part, j'ai toujours mis en garde mes collègues en commission des finances sur les risques d'inconstitutionnalité.

Les objections politiques ne tiennent pas. En effet, si le plafond des 50 % figurait dans la plate-forme, la question de l'intégration de la CSG et de la CRDS dans le bouclier fiscal a fait l'objet de longs débats.

Quant aux raisons techniques, je mets en garde la représentation nationale : nous avons voté l'année dernière un bouclier fiscal à hauteur de 60 % et nous disposons des premiers résultats : 1 750 bénéficiaires fin juin pour environ 100 millions d'euros, alors que les prévisions gouvernementales tablaient sur 93 000 contribuables, dont 17 000 assujettis à l'ISF, pour un coût global de 400 millions. Pourquoi une telle différence ? Certains suggèrent que les assujettis à l'ISF ne demandent pas le remboursement car ils craignent que l'administration fiscale ne les contrôle en retour.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Peut-être, mais pourquoi seulement 10 % de contribuables et pratiquement aucun assujetti à l'ISF, alors qu'on nous avait parlé de 80 000 assujettis à cet impôt ?

Les chiffres fournis par l'administration dans le cadre d'un bouclier fiscal à 50 % sont encore plus élevés, et je crains fort que nous ne connaissions la même déconvenue dans un an.

Il faudrait également sortir les impôts locaux de l'assiette du bouclier fiscal. La commission des finances a adopté un amendement visant à supprimer la fameuse sanction collective de 20 millions, qui n'a aucune portée et qui consiste à faire supporter aux collectivités locales raisonnables le même fardeau qu'à celles qui ne l'ont pas été ! J'espère que le Gouvernement soutiendra notre démarche. Il faut aller jusqu'au bout de cette logique et sortir du bouclier fiscal la taxe d'habitation et le foncier bâti sur la résidence principale. Outre le fait que l'incidence d'une telle mesure est très faible, elle clarifierait les relations entre l'État et les collectivités locales.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Nous avons enfin longuement débattu en commission des finances de l'exonération des résidences principales.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

J'ai presque fini, madame la présidente.

L'augmentation de l'immobilier a généré des dizaines de milliers de nouveaux assujettis à l'ISF, ceux que l'on appelle les « petits riches » et dont le patrimoine oscille aujourd'hui entre 750 000 et 1,2 million d'euros, en raison de la valeur de leur résidence principale. Il faudrait donc instaurer un plancher de 300 000 euros à l'abattement de 20 % sur la résidence principale pour exonérer de l'ISF ces « petits riches ».

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

S'agissant enfin de la possibilité de réduire l'ISF en investissant dans les petites et moyennes entreprises, la commission des finances a adopté des amendements, que nous soutenons.

La présence parmi nous de M. Hirsch me conduit à évoquer les dispositions relatives au revenu de solidarité active. Le principe de l'expérimentation me semble très sage, mais encore faudrait-il assouplir les dérogations permises. Le groupe du Nouveau Centre a déposé des amendements en ce sens. Vice-président d'un conseil général appartenant aux dix premiers expérimentateurs, je sais que nous devons aller plus loin.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles de Courson

Conformément aux engagements pris dans le cadre de la plate-forme législative, le Nouveau Centre soutiendra ce projet de loi sur le travail, l'emploi et le pouvoir d'achat. Nous estimons en effet que ces mesures permettront de réhabiliter le travail, de soutenir le pouvoir d'achat et de relancer la croissance économique. Nous soutenons les objectifs de ce projet, mais nous voulons en améliorer les modalités d'application. Nous avons donc fait des propositions fortes afin de rendre ce texte économiquement plus efficace, socialement plus juste et fiscalement plus équitable. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

Madame la présidente, madame la ministre, messieurs les ministres, monsieur le haut-commissaire, chers collègues, ce premier projet de loi à vocation économique de la législature est la traduction – cela a été dit – des engagements souscrits lors des élections présidentielle et législatives. Mais il marque aussi la rupture avec une politique économique qui n'osait plus prendre d'initiatives suffisantes et qui, surtout, n'osait plus remettre en cause certaines pratiques dont tous les indicateurs démontraient qu'elles avaient atteint leurs limites. Tout d'abord, la baisse du temps de travail, engagée au nom d'un partage du travail qu'aucun autre pays d'Europe n'a osé mettre en oeuvre, pas même l'Italie de Romano Prodi, qui était censée nous suivre dans cette aventure, comme l'affirmait ici même Martine Aubry à l'automne 1997 ; cette baisse du temps de travail, qui coûte 11 milliards d'euros au budget de la France, et ce, pour empêcher les gens de travailler, soit environ le même coût que les mesures proposées dans ce projet de loi pour activer le dynamisme économique.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Que n'avez-vous supprimé les 35 heures, que vous critiquez depuis tant d'années !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

Ensuite, la rigidité de l'ISF dont les effectifs de la tranche supérieure ne cessent de diminuer au rythme des départs hors de France des décideurs et des créateurs avec leurs capitaux et leurs capacités d'initiative, et donc, de création d'emplois, alors que le premier décile s'accroît quotidiennement de nouveaux propriétaires, moins aisés et pourtant frappés par un deuxième impôt foncier au fur et à mesure de la montée des prix de l'immobilier, au nom d'une richesse virtuelle, dès lors qu'ils ne réalisent pas leur bien.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

À cela s'ajoute l'accroissement du nombre des travailleurs pauvres, malgré la mise en place d'une prime pour l'emploi dont l'efficacité a sans doute été fortement affaiblie par son élargissement à des catégories sociales nouvelles auxquelles nous avons donné l'impression que le fruit de leur travail ne leur permettait plus de vivre dignement sans l'aide de l'État.

Le mérite de ce texte est d'innover, d'oser aller au-delà de ce qui a été entrepris depuis vingt-cinq ans et de remettre en cause les vieilles pratiques au nom d'une logique d'efficacité et de résultat : efficacité grâce à la libération des heures supplémentaires, qui donnera des ressources nouvelles aux salariés et aux fonctionnaires, mais aussi plus de flexibilité dans la production et dans le fonctionnement des services ; efficacité grâce à l'orientation d'une partie des ressources de l'ISF vers les petites et moyennes entreprises, mais aussi vers la recherche et les créateurs.

Toutefois, ce texte ne vise pas seulement à conforter l'efficacité économique, mais également la solidarité. C'est ce qui en fait l'originalité et qui témoigne d'une rupture incarnée par votre présence, monsieur le haut-commissaire aux solidarités actives. Je tiens à vous rendre hommage parce que vous avez osé vous confronter, vous aussi, à une expérience nouvelle, après avoir constaté une certaine inertie dans la mise en oeuvre de solutions innovantes en matière de lutte contre la pauvreté depuis vingt-cinq ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

La mise en oeuvre du RSA va au-delà des dispositions de la loi de finances initiale pour 2007 qui a proposé aux départements volontaires de s'engager dans des expérimentations, afin d'encourager les bénéficiaires du RMI à accéder à l'emploi. Le présent texte propose de prendre en compte non seulement les bénéficiaires du RMI, mais aussi ceux de l'allocation de parents isolés, c'est-à-dire ces dizaines de milliers de mères célibataires qui s'efforcent de faire face avec courage à leurs propres besoins et à leurs charges de famille. Les modifications apportées au code du travail et au code de l'action sociale permettront aux conseils généraux de mettre en place des dispositifs innovants dont l'objectif est d'améliorer les incitations financières au retour à l'emploi et de simplifier l'accès au contrat de travail aidé.

Favoriser la reprise d'une activité, montrer que le travail est plus rémunérateur que les revenus de l'assistance, c'est changer l'horizon de dizaines de milliers de nos concitoyens. C'est aussi leur rendre leur dignité, pour eux comme pour leurs enfants et leur entourage. C'est aussi pour cette raison que nous osons ouvrir à nouveau le débat, trop rapidement refermé voilà cinq ans, de l'allocation de solidarité spécifique, qui entre enfin dans le champ des minima sociaux concernés par cette loi.

Élu d'un département où l'action sociale a permis de diminuer de 6,5 % le nombre des bénéficiaires du RMI en 2006, notamment grâce à un accompagnement actif du retour à l'emploi, conduit avec des entreprises qui ont joué le jeu et auxquelles je veux rendre hommage, je souscris pleinement à ces orientations.

Bien sûr, on peut débattre de l'engagement de l'État et de la répartition du coût de cette mesure. Mais qui osera prétendre que les conseils généraux n'ont pas de ressources à consacrer à la solidarité ?

Madame la ministre, monsieur le haut-commissaire, messieurs les secrétaires d'État, soyez-en sûrs, les élus de la majorité auront la volonté de démontrer localement qu'en matière de retour à l'emploi pour les plus défavorisés, tout n'a pas été tenté. Malgré les mouvements de séance auxquels nous avons assisté cet après-midi et qui traduisent sans doute le regret de ne pas avoir été aussi créatifs que la majorité actuelle, je suis certain que de nombreux élus de l'opposition auront à coeur de ne pas condamner, pour des raisons de principe, une expérience dont les victimes seraient alors les plus défavorisés de nos concitoyens.

Ce texte marque une approche dynamique de l'économie et de la solidarité, mais, avant d'engendrer de nouvelles ressources, il va entraîner des dépenses. Aussi, je me réjouis que nous ayons perçu ce matin, en commission des finances, cette capacité d'innovation et de dynamisme lors de la présentation faite par le ministre des comptes publics sur la recherche d'une plus grande efficacité de la dépense publique au travers de la culture de l'évaluation et du résultat. C'est pourquoi je voterai ce texte en confiance. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

Le projet de loi que vous nous présentez, madame la ministre, a pour ambition de réhabiliter le travail, de favoriser le pouvoir d'achat et de lutter contre le chômage. Pourtant, il restera, si ce n'est dans l'histoire, en tout cas dans le souvenir des parlementaires, sous le nom de « paquet fiscal », ce qui en dit long sur ses objectifs !

Pourtant, madame la ministre, nous aurions aimé pouvoir vous suivre, car, depuis des années, le chômage, la précarité et la pauvreté constituent des questions centrales dans notre société. Nous aurions aimé pouvoir vous suivre, vous qui souhaitez réhabiliter la valeur du travail, car aujourd'hui, il est nécessaire que le travail soit mieux considéré, mieux respecté et, surtout, que, ceux qui travaillent le soient davantage dans leur vie quotidienne. Nous aurions aimé vous entendre dire que la plupart de ceux qui, aujourd'hui, sont au chômage ou cherchent un emploi, souhaiteraient travailler et contribuer ainsi au développement de notre pays et qu'ils ne sont pas, comme on l'entend parfois sur les bancs de votre majorité, seulement attirés par l'oisiveté. Nous aurions aimé vous entendre dire que les hommes et les femmes qui travaillent et qui ne gagnent pas suffisamment d'argent pour vivre, n'ont qu'une ambition : celle de pouvoir vivre des revenus de leur travail.

Debut de section - PermalienMartin Hirsch

haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté. Nous l'avons dit !

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

Mais vous avez écarté ces réalités sociales, préférant vous concentrer sur la question des revenus des plus favorisés. Vous avez beau nous expliquer qu'ils ne sont pas les premiers concernés par votre texte, nous avons du mal à y trouver une disposition visant à combattre le travail à temps partiel, subi et non choisi par 80 % des travailleurs concernés – souvent des femmes. Nous aurions également souhaité une revalorisation du SMIC, ainsi que des mesures relatives au travail précaire. Ce ne sont pas vos dispositions sur le revenu de solidarité active, sur lesquelles je reviendrai, qui suffiront à donner une coloration sociale à votre texte.

Il ne s'agit pas ici de se livrer à un débat d'économistes. Plusieurs orateurs ont fait observer que de nombreux économistes, toutes tendances confondues, ont fait part de leur scepticisme concernant les mesures que vous présentez – notamment la défiscalisation des heures supplémentaires. Et ce n'est pas seulement l'avis de chercheurs appartenant à l'École d'économie de Paris, que vous jugerez peut-être trop à gauche à votre goût, mais aussi celui de membres du Conseil d'analyse économique, rattaché au Premier ministre.

Je ferai trois observations sur les risques induits par les mesures que vous nous proposez en matière d'emploi. Je suis prête à vous suivre, madame la ministre, lorsque vous dites qu'aujourd'hui, la relance de notre économie ne souffre pas seulement d'un problème de demande, mais aussi d'une inadaptation de notre système productif. Toutefois, évoquer l'organisation des entreprises ne peut se faire sans aborder l'organisation du monde du travail et la place des organisations syndicales dans nos entreprises. Or, pour que la croissance revienne, il nous faut renforcer la confiance des salariés dans leur entreprise. Plus que leurs voisins, les Français sont insatisfaits de leur travail.

Les relations entre les employeurs et les salariés sont, en France plus qu'ailleurs en Europe, sources de méfiances et de tensions. Or la promotion sociale liée au travail salarié comme la revalorisation des salaires sont totalement absentes des perspectives que vous nous proposez.

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

Aujourd'hui plus qu'il y a vingt ans, un salarié qui commence sa carrière au SMIC peut la poursuivre et, souvent, la terminer au même niveau de salaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

Or la seule chose que vous proposez à ce salarié, c'est de faire des heures supplémentaires mal payées afin d'améliorer ses fins de mois ! À l'évidence, la réponse adaptée consisterait à revaloriser les salaires plutôt qu'à imposer aux salariés d'augmenter leurs horaires pour les aider à faire face à leurs besoins fondamentaux.

Deuxième reproche : ce projet contribue à distendre la relation essentielle entre le travail et les droits sociaux.

Au moment où le budget de la sécurité sociale connaît de sérieuses difficultés, vous n'êtes pas en mesure de garantir que les cotisations sociales correspondant aux heures supplémentaires défiscalisées seront compensées par l'État dans leur intégralité auprès de la sécurité sociale. Mais au-delà de cet aspect financier – qui n'est pas négligeable –, il ne faut pas oublier que l'équilibre de la protection sociale repose en France sur le lien, très fort et très visible, entre le travail accompli et les droits acquis par le salarié. Or ce que vous proposez revient à mettre le doigt dans l'engrenage et à détruire ce lien. Demain, les heures supplémentaires ne garantiront pas directement des droits à pension ou à l'assurance maladie.

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

C'est l'amorce d'une nouvelle conception de la sécurité sociale : au fond, peu importe le travail effectué pour savoir si l'on peut prétendre à la sécurité sociale et aux droits qui s'y attachent !

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

Demain, des hommes et des femmes s'apercevront, au moment de prendre leur retraite, qu'ils ne peuvent pas bénéficier de prestations proportionnées à leurs contributions.

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

La troisième limite du texte est l'analyse qu'il dresse du faible nombre d'heures travaillées dont souffre notre pays – analyse avec laquelle je suis en désaccord. Certes, nous ne travaillons pas suffisamment en France. Mais la cause n'est pas que les Français, pris individuellement, ne font pas suffisamment d'heures ; elle vient de ce que les jeunes n'accèdent pas suffisamment vite à un emploi stable et que les entreprises se débarrassent trop facilement de leurs salariés de plus de cinquante ans. Le taux d'emploi de ceux que l'on appelle les seniors est en effet, en France, l'un des plus faibles au sein de l'OCDE.

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

Si vous voulez vous attaquer à la question de l'emploi dans notre pays, vous devez prendre en compte celle du taux d'emploi des jeunes et des seniors. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical et citoyen.) Faites travailler les moins de trente ans et les plus de cinquante-cinq ans : alors, la croissance repartira !

Vous souhaitez que ceux qui ont déjà un emploi travaillent davantage, mais sans vous préoccuper de leur niveau de revenu. Dès lors, les dispositions relatives au revenu de solidarité active apparaissent pour le moins incongrues, monsieur le haut-commissaire, surtout dans ce texte qui prévoit un ensemble sans précédent de cadeaux fiscaux.

En ce domaine, des lois ont déjà été votées, mais elles n'ont pas suffi. Je le dis d'emblée : la mise en place d'un revenu de solidarité active n'appelle de ma part aucune opposition de principe. Mais comme chacun le sait, le diable se niche dans les détails. Or, à ce stade, des détails, nous n'en avons fort peu ! L'idée de lutter plus activement contre la pauvreté n'est pas nouvelle, et pas davantage celle d'inciter les bénéficiaires de minima sociaux à reprendre un emploi en leur garantissant un revenu plus élevé. Les dispositifs mis en place jusqu'à présent n'ont toutefois guère été probants.

Je ne doute pas de vos convictions, monsieur le haut-commissaire, ni de votre volonté d'améliorer le sort de ceux qui travaillent mais n'en tirent pas des revenus suffisants pour vivre décemment. Tel n'est pas cependant l'objectif du texte présenté, dont on ne saisit d'ailleurs pas bien la portée. Il ne s'agit ni de favoriser les travailleurs pauvres, ni de remodeler l'ensemble de nos minima sociaux, ni de permettre à ceux qui sont les plus éloignés du monde du travail de retrouver un revenu stable.

Face à une situation réelle, celle de millions de Français condamnés à une grande précarité, vous ne proposez qu'un simple dispositif technique destiné à accompagner, dans leur retour à l'emploi, des gens qui en sont déjà les plus proches.

Les questions sont nombreuses. Pourquoi un tel dispositif n'est-il pas pris en charge par la solidarité nationale, alors que les allégements fiscaux décidés en faveur des plus favorisés le seront ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

Pourquoi faut-il qu'il soit financé par les conseils généraux plutôt que par l'État ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

Ne vaudrait-il pas mieux fondre l'ensemble des minima sociaux dans un seul dispositif, mieux adapté à la réalité de notre pays ? Pourquoi ne pas mettre d'emblée l'accent sur la question des travailleurs pauvres, au lieu d'appliquer le système à seulement quelques dizaines de milliers de RMIstes qui, pourtant, sont les plus à même de retrouver un emploi ?

Nous avons incontestablement besoin d'une grande réforme de nos politiques de lutte contre la pauvreté. Mais vous ne nous proposez qu'un simple mécanisme d'incitation à la reprise d'une activité, en faveur de personnes qui n'hésitent pas vraiment à se lancer dans cette voie. C'est un premier pas, mais nous sommes loin de la rénovation sociale que vous sembliez prôner dans votre rapport, il y a deux ans. Votre insistance à évoquer des objectifs qui ne figurent pas dans la loi – telle la prise en charge des travailleurs pauvres – laisse d'ailleurs penser que vous avez conscience de l'insuffisance d'une mesure technique. Votre ambition est certainement grande, et je n'ai aucune raison de la mettre en doute, mais le texte que vous nous présentez n'est pas à la hauteur de l'enjeu et ne comporte pas assez de réponses concrètes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Quelques députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Madame « le » ministre !

Debut de section - PermalienPhoto de Huguette Bello

Dans cet hémicycle, on féminise trop peu les titres. Et les femmes sont tellement minoritaires !

Madame, messieurs les ministres, monsieur le haut- commissaire, favoriser l'emploi et garantir le pouvoir d'achat sont, on le sait, les préoccupations centrales des Français. Il est donc naturel que ces deux objectifs fassent l'objet des premiers textes examinés par le Parlement durant cette nouvelle législature. Par contre, la solution choisie, qui repose essentiellement sur l'exonération fiscale et sociale des heures supplémentaires, paraît contestable à plusieurs titres.

Les nombreuses expériences d'exonération des cotisations patronales ne plaident pas pour cette approche. Elles montrent qu'il ne s'agit là ni d'une solution pour l'emploi, ni d'un remède pour le pouvoir d'achat.

Il s'agit d'abord d'une solution partielle qui ne saurait concerner que les salariés susceptibles de faire des heures supplémentaires. Sont donc exclus les retraités, les chômeurs, les titulaires des minima sociaux, les artisans, les patrons des petites entreprises ; en un mot, tous ceux qui ne sont pas salariés deviennent les laissés-pour-compte de l'augmentation du pouvoir d'achat.

Notons aussi qu'une telle solution revient à faire porter aux seuls salariés la responsabilité de la stagnation – ou de la diminution – de leur pouvoir d'achat, sans que soient analysées les conditions dans lesquelles ces heures supplémentaires sont proposées et acceptées.

De plus, se trouve occultée, dans le projet présenté, la dimension essentielle que constitue la répartition de la richesse produite entre les salariés et les actionnaires.

Il est étrange qu'un texte traitant du pouvoir d'achat fasse totalement l'impasse sur la composition de l'indice des prix, dont on sait quelle controverse l'entoure, ou encore sur le logement social, grand absent de ce projet de loi. Il aurait été préférable d'aborder ces points plutôt que d'insister sur le dispositif onéreux qui modifie le régime des successions : ce dernier ne consiste, en réalité, qu'à offrir à nos concitoyens ce dont la plupart disposent déjà. De même, il est difficile de comprendre en quoi le renforcement du bouclier fiscal, qui n'est avantageux que pour les gros patrimoines, contribuerait à favoriser le pouvoir d'achat du plus grand nombre.

Quant à l'impact de l'augmentation des heures supplémentaires pour lutter contre le chômage, il est plus que discutable. Les analyses dominantes, mettant en avant des comparaisons internationales, prétendent que le plein-emploi, la croissance et l'augmentation du nombre d'heures travaillées vont de pair. L'exposé des motifs de ce projet de loi n'échappe pas à cette affirmation. Pourtant d'autres comparaisons internationales contredisent cette thèse et soulignent l'importance décisive de la productivité horaire.

Plus simplement, l'histoire française récente nous apprend que c'est dans les périodes où la durée du travail était de quarante ou de trente-neuf heures que les taux de chômage ont été – et de loin – les plus importants. Il est donc à craindre qu'un slogan aussi contestable que « travailler plus pour gagner plus » ne produise une nouvelle catégorie de chômeurs.

Notons aussi que la solution de la détaxation ne présente même pas l'avantage d'être financièrement neutre. Elle se révèle, au contraire, très onéreuse pour les finances publiques et menaçante pour le système de protection sociale.

À La Réunion, où les chômeurs représentent près de 30 % de la population active, ce traitement du chômage par la détaxation des heures supplémentaires constitue un pari extrêmement dangereux. Dans la situation qui est la nôtre, l'urgence n'est nullement d'augmenter le temps de travail ; elle est de permettre au plus grand nombre possible de Réunionnais de travailler. C'est d'ailleurs dans cette optique qu'a été créé, il y a plus de sept ans, un dispositif spécifique, l'allocation de retour à l'activité, destinée à encourager, par le biais d'une incitation financière, le retour à l'activité des bénéficiaires des minima sociaux, en particulier du revenu minimum d'insertion, de l'allocation parent isolé et de l'allocation de solidarité spécifique. Il s'agit, en quelque sorte, du précurseur du revenu de solidarité active prévu par le projet de loi. Une évaluation de ce dispositif, qui concerne actuellement plus de trois mille personnes, pourrait être utile, monsieur le haut-commissaire.

On ferait un très mauvais procès à nos concitoyens en imaginant qu'ils ne veulent pas travailler.

Debut de section - PermalienPhoto de Huguette Bello

Ils ont appris à donner au travail sa place, toute sa place, mais rien que sa place : ils savent en effet – nous le savons tous, mes chers collègues – que le travail n'est pas le sens ultime de la vie. Les penseurs, les sages nous le rappellent, mais aussi le bon sens populaire. (Murmures sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Et les drames récents chez Renault, PSA et à EDF sont là pour nous rappeler le danger qu'il y a à faire de la valeur travail un absolu. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical et citoyen.)

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Censi

Madame la ministre, messieurs les ministres, monsieur le haut-commissaire, vous nous soumettez aujourd'hui un projet de loi ambitieux et précurseur.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Censi

D'abord ambitieux, parce qu'il propose, en effet, de changer l'ordre de certains flux financiers de la nation pour permettre aux Français de devenir eux-mêmes les acteurs de la dynamisation de notre économie en leur permettant d'augmenter sensiblement et rapidement leur revenu disponible. Les mesures envisagées respectent le fruit de leur travail, ainsi que le patrimoine qu'ils ont choisi de constituer bien souvent non pas pour eux-mêmes, mais pour leurs enfants. Elles respectent aussi l'investissement familial pour accéder à la propriété qui est, doit-on le rappeler, un droit fondamental inscrit dans notre Constitution. Quand des citoyens font le choix très simple de travailler, de soutenir leur famille et de devenir propriétaire, il est important que cela n'aboutisse pas à un sacrifice total. Je reste convaincu qu'il faut laisser au plus grand nombre un revenu disponible pour que chacun puisse réaliser ses projets personnels.

Votre projet de loi est aussi précurseur, car il porte en lui le signal de la modernisation de notre société en mettant l'activité au centre de la vie de notre communauté nationale. Cette activité, madame la ministre et monsieur le haut-commissaire, a vocation à produire à la fois richesse et solidarité.

Ambitieux et précurseur : c'est à ce double titre un véritable challenge que nous devons partager avec chaque Français.

Madame la ministre, je crois fermement que, par-delà les mesures contenues dans votre texte, la valeur symbolique des enjeux portés mérite que nous nous y attardions quelques instants, car nous avons certes une obligation de moyens, mais la France a une obligation de résultat. C'est aussi l'enjeu fixé par le Président de la République et la mission, faut-il le rappeler, que les Français nous ont clairement assignée. C'est pourquoi j'insiste pour que soient mobilisés les acteurs économiques et sociaux avec les services de l'État, dès cet été. La réussite dépend pour beaucoup d'une mise en oeuvre rapide, même très rapide. Toutes les structures professionnelles – chambres consulaires, fédérations et syndicats professionnels – doivent décliner les mesures pour chaque secteur d'activité avec leurs propres spécificités, se les approprier et en faire la promotion dès la promulgation de la loi. Les professionnels – experts-comptables, notaires, avocats, banquiers, assureurs – doivent être mobilisés et motivés.

Le « choc de confiance » que vous avez évoqué doit être réciproque. Nous avons aussi besoin d'eux, sachons les intéresser, arrêtons de les soupçonner et de les diaboliser ! Sachons aussi leur faire confiance ! Car de la réussite de votre projet de loi dépendra la durée du cycle financier ainsi généré. Plus nous parviendrons, avec l'ensemble des Français, à raccourcir cette durée, plus nos chances de succès seront grandes ! Nous avons besoin de tous, ne les décourageons pas ! Pour ma part, je souhaite que le débat et les amendements permettent d'aller dans le sens de cette mobilisation. Ne décourageons pas les exploitants agricoles en leur appliquant une exonération moins intéressante que celle qui existe pour les travailleurs saisonniers. J'ai déposé un amendement dans ce sens, j'espère que vous saurez écouter ces professionnels qui ne demandent, bien sûr, qu'à participer à la dynamique du texte.

Nous risquerions aussi de décourager les professionnels de la finance (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine) si nous leur interdisions de proposer des outils modernes d'investissement en capital pour les PME. Pourquoi, par exemple, pour assurer la performance de la mesure de mobilisation de l'ISF en faveur des PME, ne pas permettre de grouper les investissements des redevables de l'ISF à des fonds totalement dédiés à ce dispositif ? J'ai déposé un amendement qui respecte la lettre et l'esprit de la loi, qui impliquera ainsi tous les réseaux de placements sur l'ensemble du territoire, qui, de surcroît, ne coûtera rien de plus à l'État et qui, enfin, répondra à un objectif que vous avez par ailleurs fixé, madame la ministre : faire de Paris une place financière forte ! Ce n'est pas contradictoire avec l'objectif du texte. Ces deux exemples prouvent que nous devons mettre tous les atouts de notre côté en faisant confiance sans restriction à tous les acteurs de l'économie et de la vie sociale et qui, j'en suis sûr, seront à vos côtés pour faire de votre projet ambitieux une réalité exemplaire dès l'année prochaine pour la France et les Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Liebgott

Madame la présidente, madame, messieurs les ministres, nous sommes en réalité aujourd'hui réunis pour débattre d'un sujet à l'ordre du jour depuis plusieurs années, depuis les gouvernements Raffarin et de Villepin. Chaque année, vous nous avez fait voter une loi sur l'emploi. Il n'y a pas de rupture, contrairement à ce que vous avez dit, mais simplement une continuité. En effet, la loi Fillon a déjà largement dérogé au plafond des heures supplémentaires. Vous ne nous proposez donc absolument rien de neuf.

Nous aurions effectivement souhaité un autre programme. Nous avions exposé le nôtre. Avec le recul, les Français mesureront qu'il leur aurait apporté pouvoir d'achat et sécurité. Notre programme prévoyait une revalorisation des petites retraites et des salaires modestes, une sécurité sociale professionnelle réelle, comme cela se fait dans les pays nordiques, une conférence sur les salaires permettant un échange réel entre le monde de l'entreprise et les partenaires sociaux et également – Marisol Touraine vient de le souligner – une révision de l'indice des prix.

Rupture, dites-vous. Vous êtes aujourd'hui décomplexés, semble-t-il, peut-être quelque peu excités par les résultats de l'élection présidentielle. Permettez-moi toutefois simplement de vous rappeler un chiffre qui doit rester dans les esprits de chacun. De 1993 à 2006, la France n'a créé que trois millions d'emplois, mais deux millions l'ont été de 1997 à 2002. C'est dire si votre stratégie de la relance par l'offre s'est soldée par un échec constant, au contraire de la relance par la demande que nous avions mise en oeuvre. Je ne peux imaginer un seul instant que vous ne puissiez pas comprendre ce rapport : deux tiers-un tiers.

Nous examinons, une fois de plus, un projet de loi sur l'emploi. Si M. Fillon n'est plus ministre de l'emploi, il est aujourd'hui Premier ministre. On reprend les mêmes et on recommence ! Vous voulez nous faire croire que certains gagneront plus. Certes, mais ce sont ceux qui gagnent déjà beaucoup et qui travaillent dans des secteurs en expansion ! Les salariés à temps partiel, ceux qui touchent des petits salaires et qui travaillent dans des secteurs peu porteurs, ne gagneront pas plus et resteront effectivement dans leur misère.

Monsieur le haut-commissaire, vous aurez beaucoup de travail. Que va-t-il se passer très concrètement dans les années qui viennent ? Les plus défavorisés seront davantage imposés du fait de la création de la TVA sociale. Cette taxe touchera, en effet, tout le monde parce que son niveau sera le même pour le plus petit et le plus riche : donc pour celui qui bénéficiera du RSA et celui qui sera imposé sur la fortune. Il en ira de même des impôts locaux, puisque leur transfert est déjà décidé. Les impôts locaux sont payés par tous les Français.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Liebgott

L'impôt sur le revenu n'est payé que par une partie d'entre eux. Donc, ce sont les Français modestes, qui habitent dans nos villes et villages, qui supporteront ce transfert de charges donc, forcément, à un moment ou à un autre, ce transfert d'imposition.

S'agissant de ce fameux bouclier fiscal, on oublie qu'il pèse aussi sur les collectivités locales. Je suis élu d'une région dont une communauté d'agglomération a certes mutualisé la taxe professionnelle. En réalité, le foncier bâti s'est, lui, effondré du fait de votre bouclier fiscal. Les communes qui bénéficiaient du produit de cette taxe sont aujourd'hui touchées parce que les entreprises ne versent plus les sommes conséquentes auxquelles elles étaient tenues hier. Je prendrai l'exemple de la sidérurgie : Mittal-Arcelor a vu ses dividendes augmenter de 60 % depuis le début de l'année ! La sidérurgie réalise des économies sur le dos des collectivités qui l'accueillent parce qu'elle ne paie plus le foncier bâti au même tarif qu'auparavant ! Ce sera encore pire demain, puisque vous allez encore plus loin. On en viendra hélas progressivement à une société telle que cela justifiera la création du RSA et que ses bénéficiaires seront de plus en plus nombreux. Cela m'attriste énormément. Il y a, en effet, manifestement une incohérence totale entre le discours très économiste des chefs d'entreprise – ce n'est d'ailleurs pas un hasard si les trois derniers ministres de l'économie et des finances sont des professionnels et non des politiques – et le vôtre, monsieur le haut-commissaire, qui est celui d'un homme de terrain. Les Français seront hélas bernés et se réveilleront avec la gueule de bois. Sans doute, je l'espère, comprendront-ils au fil du temps que leur pouvoir d'achat n'a pas véritablement progressé.

Le Président de la République, constatant les dégâts à venir, s'est rendu hier à Bruxelles pour négocier. Il a demandé qu'on lui donne cinq ans de plus. Cinq ans étant déjà passés, il aura donc fallu dix ans à M. Sarkozy pour remettre, selon ses dires, la France debout. Mais vous verrez qu'en 2011 ou 2012, il demandera encore cinq ans, non pour répondre forcément aux critères européens, mais pour continuer à gouverner ce pays, pour enrichir les plus riches et appauvrir les plus pauvres. Certains d'entre vous qui suivez ces débats depuis longtemps y sont malheureusement habitués !

Je me contenterai simplement d'un petit rappel en guise de conclusion. La mise en place la prime de retour à l'emploi, qui aurait pu être une mesure sociale, signifiait simplement que, pour vivre en France aujourd'hui, il fallait cumuler minimum social et prime à l'emploi. Vous avez ainsi consacré 250 millions d'euros aux sept millions de personnes considérées comme pauvres en France, mais vous avez parallèlement redistribué, de par le bouclier fiscal, 350 millions d'euros à 16 000 contribuables. La France doit, de plus, savoir aujourd'hui que vous allez redistribuer 1,5 milliard d'euros sans retenue à environ 15 000 personnes qui récupéreront chacune, en moyenne, 22 000 euros ! Manifestement, nous ne fréquentons pas la même France ! Nous ne fréquentons pas les mêmes Français et nous n'avons pas, comme une publicité célèbre le dit, les mêmes valeurs, loin s'en faut ! Je plains ceux qui en feront les frais en espérant que les débats à venir nous permettront d'amender petit à petit vos mesures funestes pour la grande majorité de la population française ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Madame la présidente, madame et messieurs les ministres, mes chers collègues, dans la droite ligne des textes présentés sous la précédente législature par les gouvernements Raffarin et de Villepin, celui que nous examinons aujourd'hui affiche un intitulé ronflant : « Favoriser le travail, l'emploi et le pouvoir d'achat. » Pour autant, et nous le démontrerons tout au long de nos débats, derrière cet écran de fumée, derrière cet arbuste social, se cache une tout autre réalité : celle d'une jungle de dispositions fiscales, d'exonérations d'impôts, de cotisations sociales taillées sur mesure, une fois encore, pour une petite frange de nantis, de très grands patrons et de très gros actionnaires. Ce sont autant de nouveaux cadeaux qui creuseront davantage le fossé séparant les riches Français, les superprivilégiés, les 35 000 foyers qui ont déjà vu leurs revenus, en grande partie financiers, exploser de 42,6 % ces dernières années, du reste de la population, des actifs sous-employés, précarisés, des sept millions de travailleurs pauvres percevant moins de 722 euros par mois. Ce sont autant de mesures qui serviront la captation des richesses produites par la sphère financière, par les actionnaires, au détriment des investissements et des salariés.

Telle est la réalité de la ligne politique du nouveau Président de la République. Lors d'un déplacement à la Réunion, devant un micro malencontreusement resté ouvert, il avait ainsi prévenu : « Je serai servile avec les puissants et ignoble avec les faibles. » Probablement, plaisantait-il !

Le « paquet fiscal » est copieux. Au menu, et en sus des niches fiscales, figurent l'abaissement du bouclier fiscal, pouvant conduire à une réduction de L'ISF de 39 % et la suppression des droits de succession profitant aux 5 % des contribuables les plus riches. Ces mesures sont contestées par les économistes, y compris ceux qui ne s'offusquent pas qu'il y ait plus de riches ou plus d'inégalités en France. Thomas Philippon juge ces mesures inefficaces et vous reproche « d'inventer une usine à gaz qui va créer des effets d'aubaine et ne profitera qu'aux conseillers fiscaux ».

Ce paquet fiscal sera source d'injustices fiscales et sociales supplémentaires. En raison de son coût, il servira d'alibi supplémentaire à une instrumentalisation de la dette, puisque vous avez déjà prévenu, madame la ministre : « Ces engagements doivent aussi se mesurer à l'aune de ceux que la France a souscrit auprès de ses partenaires européens. Il lui faudra en contrepartie faire preuve d'une rigueur budgétaire sans faille et voir comment des économies pourront être réalisées dans le cadre de projets ultérieurs. »

La question du sens et de la valeur du travail dans notre société est centrale et ne saurait être réduite à de simples slogans simplistes, voire populistes. Les Français – enfin, certains – ont été séduits par celui qui prétendait être « le Président du pouvoir d'achat » ; celui qui, contraint par la colère des salariés privés d'une prime de participation digne de ce nom, tempêtait contre « les pratiques détestables » du patron d'Airbus-EADS, PDG qui a empoché 8,5 millions d'euros d'indemnités de départ et annoncé, dans la foulée, la suppression de 10 000 emplois.

Comment ne pas être tenté par le « gagner plus », lorsqu'il est de plus en plus difficile tout en travaillant dur, de plus en plus précairement, tout en cumulant deux, trois petits boulots, de se loger, de se nourrir, tout simplement de vivre dignement ?

Le MEDEF peut laisser exploser sa joie. Les salariés, eux, dans leur grande majorité, se rendront malheureusement à l'évidence. S'ils sont imposables, l'impact annuel du nouveau dispositif relatif aux heures supplémentaires sur leurs revenus sera, en effet, très en deçà d'un treizième, voire d'un quatorzième mois, qu'a très imprudemment promis M. Xavier Bertrand. En premier lieu, c'est l'employeur seul qui décide et propose les heures supplémentaires que, sous la pression et faute d'être protégé en cas de refus, le salarié « accepte ». En second lieu, tous ne pourront pas travailler plus, sauf à sacrifier leur santé et leur vie de famille. Avez-vous réfléchi aux pluriactifs, soit un million de salariés, dont 80 % sont des femmes, qui jonglent péniblement dans le secteur des services et qui déjà, non visés par les 35 heures, cumulent les heures pour gagner à peine l'équivalent d'un SMIC ? Avez-vous pensé aux employées du commerce sous-employées ?

Pensez-vous vraiment que les ouvriers annualisés subissant de plein fouet l'intensification du travail, la pénibilité, l'exposition à des produits chimiques, cancérigènes, mutagènes ou reprotoxiques ont envie de travailler plus et en sont capables physiquement ? Pour beaucoup, se faire rémunérer des heures supplémentaires, cela signifie travailler plus de 48 heures hebdomadaires.

Enfin, l'impact sur le salaire sera faible parce que certaines heures supplémentaires resteront majorées à un taux inférieur à 25 % pour les huit premières heures, et là, mesdames, messieurs de la majorité, votre responsabilité est entière. Depuis la loi Fillon de 2003, pour les employeurs, ces heures sont moins chères. N'est-ce pas vous qui, d'année en année, avez prorogé un taux de rémunération dérogatoire des heures supplémentaires pour les entreprises de moins de vingt salariés ? N'est-ce pas cette même majorité qui, sous la précédente législature, a validé par la loi un accord annulé par le Conseil d'État qui limitait à 10 % la majoration des heures supplémentaires dans le secteur des hôtels, cafés et restaurants ?

Non, la défiscalisation des heures supplémentaires n'est pas le moyen pour augmenter le pouvoir d'achat de tous les salariés. Le Conseil d'analyse économique a d'ailleurs épinglé l'option retenue par ce projet de loi. Selon lui, en effet, si un allégement des prélèvements obligatoires sur les heures supplémentaires accroît le pouvoir d'achat de ceux qui travaillent au-delà de la durée légale, en contrepartie, le financement de cet allégement réduit le revenu des salariés qui ne font pas d'heures supplémentaires. In fine donc, les salariés exclus du dispositif paieront à la place des employeurs.

Rien de surprenant à ce que le MEDEF juge cette réforme décisive alors que les syndicats de salariés dans leur ensemble n'acceptent pas ce marché de dupes.

Écueil supplémentaire, le nouveau régime fiscal et social des heures supplémentaires aura un effet négatif sur l'emploi, puisque, toujours selon le CAE, il incitera les entreprises à substituer des heures de travail aux hommes. Le surchômage des jeunes et l'éviction des « quinquas » du marché du travail ne seront pas enrayés. Et le CAE craint, comme si cela ne suffisait pas, que les employeurs ne profitent de l'occasion pour supprimer des éléments de rémunération pour gonfler le nombre d'heures supplémentaires, bref que votre texte ne favorise la fraude.

Vos postulats libéraux sont dangereux, vos affirmations souvent fausses. Les Français ne sont pas feignants, ils sont parmi les plus productifs au monde et leur durée du travail se situe dans la moyenne européenne. D'autres choix sont possibles pour redonner au travail toute sa valeur, nous en ferons la preuve à travers nos propositions d'amendements. Cela passe notamment par la lutte contre les causes du développement des formes d'emploi précaire, par une autre répartition des richesses, un transfert des revenus financiers vers les salaires, par la revalorisation du SMIC.

Madame la ministre, monsieur le haut-commissaire, vous l'avez compris, nous n'approuverons pas votre projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical et citoyen.)

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Giscard d'Estaing

Madame la présidente, madame la ministre, messieurs les ministres, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, ouvrir cette nouvelle législature par ce texte de loi consacré au travail, à l'emploi et au pouvoir d'achat a un triple mérite.

Tout d'abord, cela permet de respecter les engagements pris devant les Français à l'occasion tant de l'élection présidentielle que des élections législatives et, en démocratie, c'est non seulement une évidence mais aussi, monsieur Brard, monsieur Idiart, une obligation, dès lors que nos concitoyens ont été éclairés pendant la campagne électorale, même si les contributions des différents candidats n'avaient pas toutes la même qualité. Ils ont clairement exprimé leur choix sur des programmes précis ou, plus exactement, par rapport à un projet présidentiel précis, celui porté par Nicolas Sarkozy, et à un programme législatif détaillé, celui arrêté par l'UMP lors de notre conseil national du 16 novembre 2006.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Giscard d'Estaing

Ce sont ensuite des réponses concrètes qu'apporte un tel projet de loi à nos concitoyens confrontés à différentes préoccupations.

Premier problème, le pouvoir d'achat, la principale conséquence des lois Aubry I et II étant la modération salariale.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Giscard d'Estaing

Ces dispositifs ont eu par ailleurs des conséquences budgétaires considérables, avec une exonération de cotisations patronales, patronales seulement, dont le rapporteur général du budget d'alors connaît l'ampleur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Vous avez raison, il ne fallait pas d'exonération !

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Giscard d'Estaing

La compensation a été de plus masquée dans les premières années à travers le FOREC, ce qui n'était pas un modèle de sincérité budgétaire,…

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Giscard d'Estaing

… c'est le moins qu'on puisse dire, monsieur Muzeau.

Deuxième mesure, celle qui intéresse les étudiants et leurs familles, et notamment les plus modestes, confrontées au problème du financement des études supérieures ou, plus exactement, des frais de vie pendant les études, qui constituent probablement le plus puissant frein à l'ascenseur social. Je n'ai pas entendu dans les interventions de vos représentants, mesdames, messieurs de l'opposition que vous approuviez cette mesure. Soit vous êtes contre, et il faut le dire, soit vous l'approuvez, et il ne faut pas hésiter à le dire, vous n'en serez que plus crédibles.

Troisième mesure, celle concernant les intérêts des emprunts immobiliers pour l'acquisition d'une résidence principale. C'est une aide au financement de la propriété, et tout ce qui va dans le sens de l'accession à la propriété est un facteur positif pour nos concitoyens, pour notre pays, qui est en retard sur ce plan par rapport à de nombreux autres en Europe.

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé des entreprises et du commerce extérieur

C'est vrai !

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Giscard d'Estaing

Comme l'a relevé à juste titre Yves Censi, cela correspond non seulement à l'esprit même de notre République mais aussi à celui de sa Constitution.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

S'il s'intéresse à l'esprit de la Constitution, on est mal parti !

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Giscard d'Estaing

Une quatrième mesure permet la transmission du fruit d'une vie de travail en franchise de droits de succession. Quoi de plus naturel et de plus moral que de permettre de transmettre à la génération suivante le patrimoine constitué par le travail, qui a donc déjà été assujetti à l'impôt ? L'article 5 instaure un degré maximum d'imposition. Il est effectivement utile de fixer le seuil au-delà duquel l'impôt tue l'impôt ou, plus exactement, chasse l'imposable.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Giscard d'Estaing

Enfin, ce texte permet d'utiliser l'impôt sur le patrimoine pour aider des PME ou des entreprises innovantes, celle qui souffrent le plus souvent d'une insuffisance de fonds propres ou d'un financement par des structures de capital-risque ou de capital-développement, dans un pays où, rappelons-le, il n'existe pas de fonds de pension, même à la française.

Pour conclure, ce texte répond tout spécialement à l'attente que j'avais exprimée dès l'automne 2004 devant cette assemblée en ce qui concerne une piste qui n'avait pas été encore explorée, l'exonération des cotisations salariales, qui amputent de plus de 20 % le salaire brut. C'était le sens de l'amendement que j'avais déposé avec le président Pierre Méhaignerie en 2004 pour que les dispositifs d'allégement des cotisations patronales résultant des lois Aubry, qui représentaient plus de 17 milliards d'euros déjà à cette époque, soient en partie transférés à une exonération des cotisations salariales sur les heures supplémentaires. Cela aurait permis de donner du pouvoir d'achat, d'atténuer les conséquences des 35 heures et d'harmoniser les barèmes de 10 et 25 % sur ces heures majorées.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Giscard d'Estaing

Cette proposition a ensuite été formalisée dans une excellente proposition de loi déposée le 13 juin 2006 par notre collègue Hervé Novelli,…

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Giscard d'Estaing

… dont j'étais naturellement cosignataire, et qui visait à favoriser le travail et à revaloriser le pouvoir d'achat. Puis elle a pris place dans le projet présidentiel de Nicolas Sarkozy.

Vous imaginez, madame la ministre, combien, en tant que parlementaire, ancien membre de la mission parlementaire sur les conséquences des 35 heures dans la société française, en tant que citoyen attentif à ce que les engagements pris soient effectivement tenus, je me réjouis que le Président de la République ait décidé que ce texte soit le premier que notre assemblée examine dès le début de cette session, pour que les Français puissent ainsi bénéficier des mesures particulièrement intéressantes qu'il comporte en faveur de la croissance et de l'emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Le Bouillonnec

Madame la présidente, madame, messieurs les ministres, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, je souhaite évoquer les dispositions du projet de loi relatives à la déductibilité des intérêts des emprunts immobiliers.

Ainsi, le Gouvernement veut favoriser le pouvoir d'achat et invoque une volonté de privilégier l'accession à la propriété. C'est une musique que l'on a déjà entendue.

Il va y consacrer, pour la seule déductibilité des intérêts d'emprunt, une charge budgétaire de 3,7 milliards d'euros en année pleine.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Le Bouillonnec

Mais va-t-il favoriser l'accession à la propriété en général et spécifiquement les capacités d'accès social à la propriété des ménages les moins favorisés ? Va-t-il aider les ménages modestes à sacrifier une moindre part de leurs revenus pour payer leurs loyers ? Va-t-il aider à construire plus de logements vraiment sociaux, vraiment accessibles à ceux qui sont sur les listes d'attente ? (« Non ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical et citoyen.)

Non, le Gouvernement organise en fait une nouvelle niche fiscale, dont les conséquences sur le coût du foncier, le prix de l'immobilier et les taux d'intérêt seront en définitive supportés d'abord par les ménages à revenus faibles ou modestes…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Le Bouillonnec

… et, dans les zones de forte tension d'habitat, par les ménages à revenus moyens.

Dans le domaine du logement, cet avantage fiscal, sans contrepartie sociale, est d'un montant lui-même sans précédent pour le budget de la nation.

Cet avantage accentuera l'incapacité de l'État à assurer ses obligations dans la résorption de la grave crise du logement que notre pays traverse. Depuis 2002, le nombre de demandeurs de logement a poursuivi sa progression. Il avoisine les 1 400 000.

Madame la ministre, ne pensez-vous que cette situation doit pas être prise en compte immédiatement par ce gouvernement ? Quel message votre projet de loi adresse-t-il à ceux de nos concitoyens que cette crise place dans une situation insupportable ?

L'actualisation des aides au logement reste très largement inférieure à l'insupportable augmentation des loyers et des charges.

L'État n'a de cesse de réaliser des économies sur cette ligne de budget. En 2007, elle a été réduite de près de 4 % alors que 300 000 nouveaux ménages arrivent chaque année sur le marché locatif, et l'effort supplémentaire consenti par l'État pour aider les ménages n'est que de 80 millions d'euros. On est loin des 3,7 milliards d'euros de votre nouvel avantage fiscal.

Vous voulez augmenter le pouvoir d'achat. Pourquoi ne pas indexer dès cette année les aides personnelles sur les loyers, comme M. Nicolas Sarkozy, alors candidat, l'avait d'ailleurs évoqué dans son projet pour 2007 ? Ce sont 6 055 000 ménages qui auraient immédiatement bénéficié de ce coup de pouce. Depuis quatre ans, la part des ressources qu'ils consacrent au paiement de leurs loyers ne cesse d'augmenter. Selon les chiffres fournis par le bleu budgétaire, entre 2003 et 2006, le taux d'effort des bénéficiaires de minima sociaux est passé de 15 % à 19,5 % et celui des salariés de 25 % à 27,4 %. D'autant se trouve réduit leur pouvoir d'achat.

En les aidant à assurer le paiement de leur loyer, vous leur permettrez de consommer. Vous n'ignorez pas que les trois quarts des bénéficiaires des aides personnelles ont des revenus inférieurs au SMIC.

Pour l'aide à la pierre, 458 millions sont inscrits en 2007 pour la construction de logements locatifs sociaux neufs, six fois moins que pour l'avantage fiscal que vous instituez aujourd'hui.

Je rappelle que le dispositif Robien, cet avantage fiscal accordé sans plafonnement des loyers et donc sans contrepartie sociale, a été à l'origine d'une spéculation et d'une augmentation des loyers sans précédent. Son coût est estimé à 400 millions d'euros en 2007, ce qui équivaut aux subventions de l'État pour le logement social neuf.

Quant au nouveau prêt à taux zéro, son bénéfice a été étendu à des ménages qui gagnent jusqu'à 7 000 euros par mois. Son coût est passé de 515 millions en 2006 à 770 millions en 2007.

L'effet de ces véritables bombes à retardement budgétaires sera lourd sur l'équilibre des finances publiques, alors qu'aucun indicateur ne permet d'en mesurer l'impact sur l'offre de logements.

Pourquoi ne pas avoir remis en cause le dispositif Robien en plafonnant les loyers, pour permettre à des ménages à revenus modestes de se loger à un meilleur prix ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Pourquoi n'avoir pas augmenté le nouveau prêt à taux zéro pour les tranches de revenus les plus basses afin de favoriser vraiment l'accession sociale ?

Vous n'avez pas oublié, je l'espère, les données statistiques contenues dans le dernier rapport de la fondation Abbé-Pierre sur l'accession sociale. De 2001 à 2006, le nombre des accédants dans le neuf a progressé de 66,33 % pour ceux dont les revenus sont supérieurs à cinq fois le SMIC, de 35,2 % pour ceux dont les revenus sont de trois à cinq fois le SMIC et seulement de 9,8 % pour ceux ayant des revenus inférieurs à trois fois le SMIC. Où est la politique d'accession sociale à la propriété ?

Vous aviez plusieurs possibilités pour favoriser le pouvoir d'achat de ces ménages qui consacrent une part trop grande à payer leur loyer, pour qui l'accession à la propriété restera un rêve, faute d'être vraiment aidés.

Il est vrai que ces objectifs n'étaient pas les vôtres, et Didier Migaud a eu raison de souligner que ce texte illustrait plus une continuité qu'une rupture.

S'agissant des enjeux de l'habitat et du logement, ce gouvernement poursuit l'oeuvre, à nos yeux catastrophique, de son prédécesseur, qui consiste à négliger les effets positifs pour le pouvoir d'achat, l'économie, la relance et la croissance, d'une démarche ambitieuse d'aide à la solvabilisation des ménages, de subventionnement de la construction de logements locatifs vraiment sociaux, d'aide à la réhabilitation de logements anciens, ces deux dernières actions devant s'inscrire dans une démarche de protection de l'environnement elle-même source d'économies et de réduction des charges, ou encore d'un engagement véritable dans l'aide à l'accession sociale.

Nous ne cesserons de le dénoncer, en montrant, comme je viens de le faire, que d'autres politiques sont possibles. Nos amendements vous offriront, madame et messieurs les ministres, l'occasion de manifester une meilleure prise en compte des attentes de nos concitoyens. Mais après vous avoir entendu, qui peut ici y croire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et sur ceux du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Glavany

Voilà un député qui connaît la question du logement !

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Hénart

Madame la présidente, madame et messieurs les ministre, monsieur le haut commissaire, il serait difficile d'embrasser l'ensemble du texte en quelques minutes.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Hénart

Je me concentrerai donc sur le point qui me paraît peut-être le plus ambitieux, même si on lui reproche son caractère expérimental : je veux parler du fameux RSA.

C'est le projet le plus ambitieux car, pour la première fois, un texte qui a pour but de développer le travail, de faire en sorte qu'on puisse travailler plus, puisque même les étudiants seront incités à acquérir une expérience professionnelle pendant leur formation, ne fait pas l'impasse sur les 1,2 million de bénéficiaires du RMI, alors qu'ils s'agit évidemment de chômeurs de longue durée, dont seulement une minorité est inscrite à l'ANPE et reconnue en recherche active d'emploi, bref de ceux sur lesquels la société semble avoir fermé la porte, dont elle semble du moins avoir détourné le regard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Voilà qui est bien observé, monsieur Hénart ! Et qui en est responsable ?

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Hénart

Ce projet de loi s'appuie sur un bilan relativement lucide de près de vingt ans d'application de la loi instituant le RMI. Celui-ci a au moins le mérite d'assurer le bénéfice d'un revenu minimal à des personnes qui sans cela n'auraient rien, et de détecter, de recenser et de faire suivre par les services sociaux des gens qu'il est évidemment hors de question de laisser livrés à eux-mêmes et à leur détresse.

Le problème se situe au niveau de l'accompagnement dans le retour à l'emploi et la reprise d'activité, dans la formation, dans cette difficulté qu'a la France à réaliser avec ses chômeurs en général, et avec les plus fragiles en particulier, ce travail humain qui consiste à accompagner, à apprécier les profils individuels pour assurer des formations adaptées et les qualifications nécessaires à l'enracinement dans un emploi stable, et surtout à veiller scrupuleusement à ce qu'aucune réglementation ne vienne entraver le retour à un emploi et à la dignité qui l'accompagne.

Vous avez su faire le choix difficile de ne retenir que quelques départements pour votre expérimentation, acceptant que les règles au départ puissent varier selon les territoires, qui pourront emprunter des voies différentes. Ce faisant, vous courez le risque d'être en butte aux critiques promises en France aux réformateurs qui ne proposent pas tout de suite le fameux « jardin à la française », c'est-à-dire la réforme globale, aux allées bien droites, aux angles bien nets, aux perspectives dégagées, la glorieuse réforme à laquelle aucun Français n'échapperait.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Hénart

Vous avez préféré une voie plus escarpée, celle du terrain, celle du rassemblement des praticiens. Mais vingt ans d'application de cette législation nous enseignent que c'est la seule voie susceptible de faire progresser notre législation au profit de ces personnes. Je rappelle que nous ne légiférons pas là dans le vide : c'est une législation éminemment humaine que celle des minima sociaux, parce qu'elle concerne des personnes fragiles et vulnérables, et elle exige de ce fait la plus grande humanité. De ce point de vue, l'expérimentation comme préalable à une réforme générale répond, me semble-t-il, à cette exigence.

Je souhaiterais revenir sur trois éléments. Le premier est la question du périmètre, soulevée par notre collègue Charles de Courson qui vous a demandé pourquoi le RMA et le contrat d'avenir n'étaient pas compris dans la « corbeille » de ce que des départements volontaires pour cette expérimentation auraient loisir d'organiser autrement qu'en suivant la loi générale.

La question mérite d'être posée pour le contrat d'insertion du RMA. La loi de 2003 visait à assurer un retour rapide à l'emploi marchand. Comme beaucoup ici le savent, cela fonctionne pour certains postes de travail peu qualifiés dans des métiers « en tension » ; le RMA, évidemment orienté vers l'entreprise et dans quelques cas particuliers vers les associations, pourrait être compris dans la « corbeille ».

En ce qui concerne le contrat d'avenir, en revanche, il faut veiller à ne pas confondre expérimentation destinée à lever des freins au retour à l'emploi stable et contrat unique d'insertion. Le défi qui est devant nous, c'est de parvenir à converger vers le contrat unique, comme l'expérimenteront sans doute certains départements dans le cadre de la loi de mars 2007, sans remettre en cause les acquis du plan de cohésion sociale – pour la première fois des contrats aidés obligent l'employeur à assurer une formation au salarié, ce qui est bien le moins ; en outre, les salariés concernés bénéficient de l'intégralité des droits sociaux, ce qui en fait des salariés de droit commun. Le contrat unique d'insertion doit permettre, au cours du parcours d'insertion, de détecter les métiers, voire d'ouvrir, pourquoi pas, la possibilité d'une reconversion quand on s'aperçoit que le métier initialement choisi ne vous convient pas, et de personnaliser le parcours de formation. Mais c'est un autre débat que celui du RSA, un débat certes voisin, lié mais distinct.

Je voudrais aussi insister sur la question des « à-côtés » car elle me paraît essentielle, bien qu'elle ait été assez peu évoqué lors de votre audition par la commission. On sait que, pour le bénéficiaire de minima sociaux, ce n'est pas tant le montant numéraire de son revenu que le pouvoir d'achat qu'il en tire qui peut constituer un frein au retour à l'emploi. Or, pour calculer celui-ci, il convient d'ajouter au minimum social des prestations qu'il ne paie pas et que le salarié de droit commun paie. Leur prise en compte dans la corbeille est essentielle. En plus vous rendrez ainsi service à l'ensemble des bénéficiaires de minima sociaux de tous les départements. En effet les politiques d'accompagnement menées par les conseils généraux en direction de ces publics pêchent souvent par une méconnaissance et un défaut de prise en compte de ces à-côtés, qui entravent le retour à l'emploi du bénéficiaire du minimum social.

Je me permettrai enfin d'insister sur le défaut d'accompagnement de ces publics. La France n'accompagne pas vraiment ceux qui sont dans la détresse, et c'est notamment vrai en matière d'emploi. Lors des débats que nous avons eu ici lors de l'examen du plan de cohésion sociale, beaucoup avaient eu la surprise d'apprendre qu'un conseiller de l'ANPE était en charge de 250 demandeurs d'emploi quand ses homologues allemand, anglais ou scandinave avaient la charge de seulement 50 demandeurs d'emploi. La même remarque vaut assurément pour l'accompagnement des bénéficiaires de minima sociaux. C'est pourquoi le RSA doit intégrer un volet « accompagnement ». Vos propos laissaient à penser, monsieur le haut commissaire, que vous destiniez trois à cinq millions d'euros à cet accompagnement : je crois que s'il y a un point qui mérite d'y rajouter de l'argent, c'est bien celui-là. C'est ce qui permettra au RSA d'être vraiment expérimenté et évalué ; c'est surtout ce qui le rendra riche d'enseignements pour la réforme globale des minima sociaux attendue par tous et l'évaluation de la politique suivie par les conseils généraux.

En effet il faudra bien qu'on décide quoi faire dans les années qui viennent du fonds exceptionnel d'environ 450 millions d'euros mis en place par la précédente majorité dans le cadre de la décentralisation, afin de compenser partiellement le transfert du RMI : il serait peut-être mieux utilisé à l'avenir à soutenir une généralisation de votre expérimentation.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Hénart

Quoi qu'il en soit, ce texte, au moins dans ses articles 8 à 11, nourrit une ambition forte : outre le fait qu'il propose des mesures destinées à relancer l'activité et à favoriser le travail et la compétitivité, qui amplifieront la baisse du chômage à l'oeuvre depuis deux ans, il permettra à plusieurs centaines de milliers de bénéficiaires de minima sociaux de ne pas attendre l'âge de la retraite, qui les dispensera de rechercher un emploi, et le minimum vieillesse, et de monter, eux aussi, dans le train du retour au plein emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

Madame, messieurs les ministres, monsieur le haut commissaire, chers collègues, ce texte se veut la mise en oeuvre des engagements du candidat à la présidence de la République. On ne peut tenir rigueur aux responsables politiques de tenir ce qu'ils ont promis avant l'élection. Mais l'urgence déclarée sur un texte aussi important est condamnable, car elle ne nous permet pas, à nous, parlementaires, d'en délibérer sereinement.

Dans les quelques minutes qui me sont imparties, je me concentrerai sur deux points de votre texte : les heures supplémentaires et le revenu de solidarité active.

Vous nous avez beaucoup parlé de rupture ces derniers mois. Mais pour avoir participé ici même aux débats parlementaires consacrés depuis cinq ans au travail et à l'emploi, je peux affirmer que ces nouvelles dispositions s'inscrivent dans la continuité de la politique menée par la majorité avant l'élection présidentielle. Fondées sur un slogan démagogique, « Travailler plus pour gagner plus »,…

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé des entreprises et du commerce extérieur

Ce n'est pas de la démagogie, c'est la réalité !

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

… elles sont dans le droit fil de la remise en cause inavouée de la durée légale du travail entreprise depuis 2002.

Mais il faut mesurer pleinement les conséquences de ces nouvelles dispositions.

Vous avez déjà largement augmenté le contingent des heures supplémentaires, jusqu'à 220 heures. Or, sauf quelques exceptions, celui-ci est loin d'être utilisé par les entreprises. Votre volonté est claire : inciter les employeurs, qui sont les seuls à décider en la matière, à accroître le recours aux heures supplémentaires. Mais en ont-ils besoin ? Disposent-ils de marchés suffisants pour faire travailler plus leurs salariés ?

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

Cela nuira de surcroît à la création d'emploi. J'en parle en connaissance de cause puisque, madame la ministre – je me permets cette précision car vous ne me connaissez peut-être pas –, j'ai travaillé pendant trente-cinq ans comme comptable en PME, et même en TPE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Vous ne jouez pas dans la même cour, chère collègue !

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

Or l'exonération de cotisations sociales rend plus avantageux pour l'employeur de faire travailler plus longtemps un même salarié, au détriment de l'embauche. (Approbations sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen.)

Et quand vous prétendez ensuite vouloir inciter les bénéficiaires de minima sociaux à se réinsérer dans le marché du travail, vous êtes dans une contradiction totale. Cela nuit au contraire à la valeur du travail légal. C'est le pouvoir d'achat qui sera sacrifié par cette évolution, car les heures supplémentaires serviront à masquer la stagnation des salaires. Votre idéologie vous pousse, depuis plusieurs années, à individualiser toujours davantage les relations du travail. Nous vous disons qu'au contraire, la question des rémunérations et du pouvoir d'achat devrait être au coeur d'une grande négociation sociale ; tous les salariés, comme ceux qui cherchent un emploi et aspirent à le devenir, devraient pouvoir profiter des fruits de la croissance de manière équitable.

En ce qui concerne le revenu de solidarité active, je me suis moi-même, lors de la précédente législature, – le Journal officiel en fait foi – appuyée sur le rapport publié en 2005 par vous-même, monsieur Hirsch, qui étiez alors président d'Emmaüs, pour démontrer que le Gouvernement aurait pu mieux faire, être dans une démarche plus novatrice et plus dynamique.

Ma conception de la politique me conduit à rester dans la droite ligne des convictions que je défendais alors : la création d'un revenu de solidarité active, permettant aux allocataires du RMI d'améliorer leur situation, est une bonne idée. Néanmoins, il est de notre devoir de pointer les insuffisances du texte que vous présentez, les zones d'ombre qui subsistent, les possibles effets pervers dans sa mise en oeuvre.

Le RSA représente un progrès pour ceux qui sont le plus près de l'emploi. Mais quel avenir offrons-nous à tous les autres ? Pour avoir siégé pendant six ans, un lundi par mois, dans une commission locale d'insertion, je peux vous dire qu'un tiers des allocataires tirera bénéfice de ce coup de pouce et qu'un tiers en tirerait peut-être parti si nous y consacrons beaucoup de moyens. Mais nous savons qu'un tiers au moins n'en tirera aucun profit. Même si ces derniers ont vocation eux aussi à s'inscrire dans une démarche d'insertion, ce n'est pas celle du RSA : pour eux, l'insertion ne commence pas par le travail, mais par le logement, la santé, la formation notamment.

Que deviendront, à terme, ces milliers de femmes et d'hommes, sur la situation desquels votre projet fait l'impasse ?

Nous sommes sincèrement inquiets du devenir de l'ensemble des minima sociaux. Voulez-vous les supprimer à terme ? Si votre objectif est de leur substituer le RSA, comme j'ai cru l'entendre en commission, cela nous paraît dangereux : qu'adviendra-t-il de leurs allocataires ?

Enfin, le financement de votre dispositif ne nous paraît pas clair. Quelle part exacte – c'est quand même un sujet sérieux – reviendra aux départements ? Vous devez savoir que la confiance est rompue, car les fonds dus par l'État aux départements depuis la décentralisation du revenu minimum d'insertion n'ont pas été versés. C'est ainsi, pour la seule année 2006, 1 milliard d'euros que l'État doit aux conseils généraux, et nous savons qu'à cela s'ajoutera le coût d'autres réformes que nous avons déjà votées et qui sont applicables en 2008 ou 2009. Les conseils généraux ont un vrai problème pour assurer toutes ces décentralisations qui leur reviennent sans jamais avoir les financements de l'État. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Idiart

On ne paie même pas les heures supplémentaires aux policiers !

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Et l'APA ?

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

Vous n'allez tout de même pas invoquer sans cesse l'APA, qui remonte à cinq ans ! D'ailleurs, l'APA est sans doute la plus grande réforme jamais faite pour les personnes âgées. Heureusement que nous l'avons ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bouvard

À l'époque, elle était compensée à 25 %, pas à 90 % comme les transferts actuels !

Debut de section - PermalienPhoto de Danièle Hoffman-Rispal

Je pourrais vous citer tous les textes adoptés depuis 2003 ou 2004 !

Pour nous, les questions de pauvreté et d'exclusion sont trop importantes pour ne pas essayer de réformer le système et d'offrir de nouvelles chances à celles et ceux qui sont le plus en difficulté. Les objectifs qui viennent d'être fixés par M. le haut-commissaire sont ambitieux, et je serais tentée de dire que c'est tant mieux. Malheureusement – et je n'ai pas le temps de développer ce point –, les moyens donnés paraissent très limités au regard des 14 milliards de cadeaux fiscaux pour les plus aisés inscrits dans ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Binetruy

Madame la présidente, madame la ministre, messieurs les ministres, monsieur le haut-commissaire, chers collègues, avant d'engager les débats sur les articles du projet de loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, mon propos n'est pas d'apporter un commentaire général sur le texte, ni d'annoncer des amendements que j'aurais à défendre. Je souhaite simplement souligner devant la représentation nationale et devant vous, madame la ministre, combien certaines dispositions que nous allons voter dans ce texte sont aujourd'hui nécessaires et urgentes, compte tenu de ce qui se passe actuellement dans ma circonscription.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Binetruy

Je suis élu de la 5e circonscription du Doubs, qui partage avec quelques autres la particularité d'être frontalière de la Suisse, seul pays à haut niveau de vie limitrophe de l'Union européenne. Ce n'est pas un pays où la main-d'oeuvre peut être qualifiée de low-cost !

Depuis des années, nous assistons impuissants à la fuite de notre main-d'oeuvre qualifiée, formée en France, vers les entreprises suisses, dont un certain nombre sont constituées de capitaux français – la valeur ajoutée restant, quant à elle, en Suisse.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Binetruy

Cette perte de main-d'oeuvre qualifiée est très préjudiciable aux entreprises industrielles, et même aux sociétés de services, qui ont fait le choix de rester en France et qui ne peuvent recruter le personnel dont elles auraient besoin pour faire face à leur plan de charge, à tel point que certaines de ces entreprises sont contraintes de se développer ou de se délocaliser en Suisse.

Quand on parle de délocalisations, on pense plutôt à des implantations dans des pays à faible coût de main-d'oeuvre ou à des marchés émergents. On n'imagine pas a priori de délocalisations vers la Suisse.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Binetruy

Une étude récente, commandée par la chambre de commerce et d'industrie du Doubs aux cabinets Prognos et Viaregio et que je tiens à votre disposition, montre pourtant la réalité et le caractère préoccupant de ce problème qui s'amplifie.

Pour le dire simplement, les motivations de ces délocalisations sont de trois ordres.

Tout d'abord, le poids des charges sur les salaires, qui est de 17 % à 22 % en Suisse contre plus de 60 % dans notre pays. À coût horaire égal pour l'entreprise, compte tenu également des 35 heures, le salarié frontalier perçoit une rémunération nette supérieure de 50 %.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Binetruy

Et pour cause : les charges sont trop élevées chez nous.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Binetruy

En deuxième lieu, la fiscalité, domaine dans lequel la Suisse, qui n'est pas membre de l'Union européenne, pratique une politique de grande modération. Les règles fiscales peuvent en outre être différenciées : on peut accorder jusqu'à dix ans d'exonération à une entreprise française qui s'implante dans certains cantons suisses.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Binetruy

Troisième raison : un code du travail infiniment plus souple et plus simple.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Binetruy

Les travailleurs frontaliers sont satisfaits du système et les entreprises y trouvent leur compte, dans le cadre d'accords bilatéraux entre l'Union européenne et la Suisse très mal négociés en 1999. (Approbations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

On peut, comme M. Montebourg ou Mme Pervenche Berès, présidente de la commission des affaires économiques et monétaires au Parlement européen, fustiger la Confédération helvétique,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Binetruy

… mais on doit surtout se poser des questions sur notre propre système.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Tiens, M. Myard est pour les Suisses, maintenant ? Je le signalerai à Pasqua !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Binetruy

C'est en effet la preuve évidente que notre pays perd de l'attractivité pour les entreprises. Notre collègue Pierre Lellouche, à qui j'ai eu le plaisir de faire visiter une belle entreprise de Pontarlier confrontée à ce problème, disait à l'employeur : « Vous vivez en direct la perte d'attractivité de notre pays. C'est plus insidieux, moins visible ailleurs ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Il est comme Mme Lagarde : il regarde vers les États-Unis !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Binetruy

Alors, madame la présidente, madame et messieurs les ministres, mes chers collègues, les dispositions de l'article 1er, relatives aux heures supplémentaires qui améliorent le pouvoir d'achat des salariés et diminuent les charges des entreprises, et celles de l'article 6, qui incitent les redevables de l'ISF à investir dans les PME, sont les bienvenues, même si ces mesures sont encore bien insuffisantes pour rendre à la France son attractivité dans la compétition mondiale dans laquelle nous sommes engagés aujourd'hui et que ne veulent pas intégrer nos collègues de l'opposition.

C'est un signe que le Président de la République et vous-même, madame la ministre, qui connaissez mieux que quiconque les arcanes de l'économie mondiale (« Non ! » sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine), avez compris le message des entrepreneurs. Nous devons les aider et leur redonner des perspectives en libérant les énergies, en donnant un coup d'arrêt aux contraintes administratives et financières qui deviennent trop lourdes, dans le but d'améliorer l'emploi et le pouvoir d'achat des salariés. D'autres mesures suivront pour améliorer la compétitivité de nos entreprises.

Je vous remercie pour eux de ces premières mesures que vous nous proposez et que, bien sûr, je soutiendrai. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

La Suisse est un paradis fiscal, on y pratique la truanderie, mais cela ne vous gêne pas de la prendre en exemple !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Decool

Madame la présidente, madame la ministre, messieurs les ministres, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, nous tous, députés de la nation réunis aujourd'hui pour la première discussion de cette mandature, avons la responsabilité de représenter au mieux les intérêts de notre pays. Le texte sur lequel nous travaillons illustre bien cette volonté, partagée par bon nombre de Français.

Dans la droite ligne des objectifs du Président de la République et du Premier ministre, je considère l'emploi comme l'un des sujets les plus importants de notre temps. Je suis donc particulièrement satisfait qu'il fasse l'objet des premières mesures concrètes engagées par le Gouvernement. Soucieux de tenir les promesses faites lors de nos campagnes électorales, nous pouvons être fiers de participer à un mouvement de libération du travail, considéré comme une valeur,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Decool

… un outil d'amélioration du pouvoir d'achat et un instrument de lutte contre le chômage.

Les différents axes proposés dans ce texte me semblent cohérents et complémentaires. En effet, les mesures d'exonération de cotisations salariales et de non-taxation des heures supplémentaires sont une véritable révolution.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Comment comptez-vous boucher le trou de la Sécu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Decool

Elles devraient permettre une réelle augmentation des salaires de nos concitoyens, tout en allégeant les charges pesant sur les entreprises.

Les évolutions du texte nous ont rassurés : l'heure supplémentaire coûtera à l'employeur plus cher qu'une heure dite « normale », mais moins cher qu'auparavant. Ce dispositif ne se substituera donc pas à la création de nouveaux emplois.

De même, le texte prévoit une judicieuse limitation des heures complémentaires pour les salariés à temps partiel. Je considère cette mesure comme essentielle pour éviter la transformation d'un temps plein en temps partiel agrémenté d'heures complémentaires. Ma principale crainte est donc écartée : l'effet d'aubaine est évité.

Cette libération du travail est à même d'enclencher une dynamique positive apte à relancer la croissance économique.

Les propositions concernant les étudiants sont également importantes : leurs revenus réguliers pourront être exonérés d'impôt à hauteur de trois SMIC jusqu'à vingt-cinq ans. Cette aide fiscale a pour effet d'améliorer leurs conditions d'existence, puisque leurs revenus n'entreront pas en compte dans le calcul de leur bourse universitaire. Dans un pays où trop d'étudiants vivent sous le seuil de pauvreté, ces mesures doivent être saluées, voire améliorées – d'où l'amendement que j'ai déposé, visant à porter à l'équivalent de quatre SMIC le montant des revenus exonérés.

Je ne peux également que me féliciter des mesures permettant à aux Françaises et aux Français de transmettre le fruit de leur travail. Ils souhaitent légitimement que celui-ci ait pour contrepartie une amélioration de leur pouvoir d'achat, y compris dans le domaine du logement. Là encore, avec plusieurs collègues concernés par ces questions, nous proposons, par voie d'amendement, des améliorations des dispositifs prévus.

Notre réflexion de parlementaires doit être empreinte d'humilité, mais elle doit être aussi une force de proposition. Ainsi, en vue de nourrir le débat démocratique, je souhaite que soient prises en compte les difficultés rencontrées par celles et ceux à qui on ne proposera pas d'heures supplémentaires. Pour améliorer leur pouvoir d'achat, différentes pistes de travail s'offrent à nous : réduction des cotisations salariales, crédit d'impôt supplémentaire… J'ai toutefois bien conscience, madame la ministre, que c'est là l'objet d'un autre débat.

La présente loi doit permettre aux Français d'augmenter leur pouvoir d'achat, ce qui relancera la croissance. Je sais, madame la ministre, que c'est pour vous aussi une réelle priorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Madame la présidente, madame la ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, pour la première fois depuis cinquante ans, l'étude annuelle de l'INSEE sur l'emploi n'a pas été publiée en février 2007. Comme par hasard, à quelques semaines de l'élection présidentielle, des « difficultés techniques » ont empêché la publication du résultat de cette enquête, qui seule permet de connaître la réalité du chômage en France et qui est la seule reconnue pour établir les comparaisons internationales.

Quelques semaines plus tard, Eurostat, l'organisme officiel des statistiques de l'Union européenne, contestait les chiffres du chômage annoncés par le Gouvernement français et validait la méthodologie et les résultats provisoires annoncés par l'INSEE.

Ce véritable scandale dans l'histoire démocratique n'a pas arrêté le Gouvernement, qui continue à publier à sa façon des résultats avantageux.

À cet élément de contexte statistique, je veux ajouter le contexte juridique, et notamment l'arrêt de la Cour d'appel de Paris, qui a déclaré le contrat nouvelles embauches contraire aux engagements internationaux de la France, en particulier à la convention 158 de l'OIT, comme nous n'avons cessé de vous le rappeler pendant des semaines dans cette enceinte.

Le même jour, le Conseil d'État a annulé l'ordonnance excluant, autre exploit législatif qu'il a salué comme il se doit, la prise en compte des salariés de moins de vingt-six ans dans le calcul des effectifs des entreprises pour la mise en place des institutions représentatives du personnel.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Vous aviez imaginé que ce dispositif pourrait être l'une des solutions pour créer de l'emploi. Le lien avec notre débat d'aujourd'hui est réel parce que, à l'époque, on nous avait expliqué dans cette enceinte que justement ces effets de seuil empêchaient la création d'emplois. Vous aviez mis en oeuvre ces dispositions, elles n'ont jamais créé un seul emploi et aujourd'hui, le Conseil d'État a annulé l'ordonnance.

Ainsi deux dispositions majeures prises durant les cinq années précédentes ont été juridiquement sanctionnées.

Le projet de loi de ce jour sur l'emploi, le travail et le pouvoir d'achat, se veut la concrétisation du slogan de campagne électorale : « travailler plus pour gagner plus », mais j'observe que les mesures fiscales proposées répondent, elles, à un autre slogan : « gagner plus sans travailler plus » !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Les heureux bénéficiaires du bouclier fiscal seront les 234 400 contribuables qui se partageront 810 millions d'euros, avec un super banco pour les 13 000 contribuables qui, eux, se partageront 583 millions d'euros, soit une moyenne de 45 000 euros par foyer fiscal !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Pour les autres, c'est-à-dire les dizaines de millions de Français qui seront exclus de ce dispositif, une seule solution : faire des heures supplémentaires.

Debut de section - PermalienHervé Novelli, secrétaire d'état chargé des entreprises et du commerce extérieur

Très bien !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Cette disposition relève, à l'évidence, de la supercherie puisque ce n'est pas le salarié qui décide de faire des heures supplémentaires mais uniquement l'employeur qui peut les proposer. Les statistiques du ministère du travail, que vous connaissez tous, révèlent d'ailleurs que seuls 35 % des salariés sont concernés par la pratique des heures supplémentaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

Avez-vous déjà entendu parler du circuit économique ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Ces mêmes statistiques montrent par ailleurs que, dans les entreprises concernées, le taux moyen annuel n'est que de 55 heures, c'est-à-dire bien loin des 180 puis 220 heures que vous aviez imaginées sous la précédente législature. Enfin, elles indiquent que la pratique des heures supplémentaires se concentre, pour des raisons bien compréhensibles, dans certains secteurs d'activité, principalement le bâtiment, la restauration, les transports.

Vous osez présenter comme une mesure générale un dispositif qui exclut les deux tiers des salariés français. Vous ne pouvez pas ignorer que certains salariés, les plus nombreux, n'auront jamais à se poser la question de travailler plus pour gagner plus… Tout simplement parce que celle-ci ne leur sera jamais posée !

Vous ne pouvez pas ignorer que la question du recours aux heures supplémentaires n'a aucun sens pour la majorité des entreprises, non pas que les entrepreneurs n'en veulent pas mais en raison de la nature même de leur activité ou des modalités d'organisation du temps de travail, je pense particulièrement aux entreprises qui travaillent en trois huit.

J'observe d'ailleurs que l'approche de l'UMP et du Gouvernement est pour le moins changeante, voire chaotique, puisque François Fillon, alors ministre de l'emploi et des affaires sociales, avait fait voter le 17 janvier 2003 un dispositif de réduction à 10 % de la rémunération des huit premières heures supplémentaires, sous réserve d'un accord de branche, adoptant une démarche exactement inverse à celle qui nous est proposée aujourd'hui.

Comme le relève à juste titre M. Cahuc, membre du Conseil d'analyse économique, « M. Sarkozy veut mettre en oeuvre une mesure qui n'existe dans aucun autre pays ». M. Novelli, qui est un expert, a souvent utilisé cet argument pour combattre les 35 heures… Je lui renvoie le compliment : si le fait qu'une chose n'existe nulle part ailleurs suffit à démontrer son caractère mauvais, retirez immédiatement une disposition qui n'a jamais germé que dans vos esprits ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen.)

Cette proposition constitue non seulement une véritable supercherie, mais surtout un renoncement à une véritable politique en matière de création d'emplois. Le Conseil d'analyse économique a parfaitement mesuré les conséquences de l'encouragement aux heures supplémentaires, en affirmant que cette mesure avait un effet négatif sur l'emploi puisqu'elle incite les entreprises à substituer des heures de travail au recrutement des hommes.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Tel est le constat posé par le Conseil d'analyse économique, par vos propres conseillers.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

En résumé, les deux tiers des salariés ne sont pas concernés et ceux qui recherchent un emploi aujourd'hui resteront à la porte des entreprises. Pendant ce temps, le Gouvernement continuera à publier des statistiques du chômage calculées à sa main et refusera d'augmenter le SMIC. N'en doutez pas, après le temps des slogans viendra celui de la réalité et elle sera dure pour la majorité de nos concitoyens.

J'aborde maintenant les dispositions de l'article 7 sur lesquelles la commission des lois a été saisie pour avis.

Là aussi, il y a eu le temps des slogans. Dans son discours d'Agen, le 22 juin 2006, le candidat Nicolas Sarkozy avait assimilé le parachute doré de 8,2 millions d'euros attribué au président d'EADS, à « une forme d'abus de bien social ». Aujourd'hui vient le temps de la réalité, celle contenue dans l'article 7 de ce projet de loi qui relève, du point de vue juridique, du traitement homéopathique d'une situation que nombre de nos concitoyens jugent, à juste titre, scandaleuse.

Le 12 juin dernier, le journal La Tribune publiait, sous le titre « Les patrons français, champions du parachute doré », les résultats d'une enquête du cabinet de conseil en ressources humaines Hay Group. Cette étude révèle qu'avec des parachutes dorés qui représentent en moyenne le double du total de leur salaire de base et de leur bonus annuel, les patrons français sont les mieux lotis en Europe. Dans le détail, cette étude révèle que pour les entreprises qui réalisent entre 1 et 5 milliards de chiffre d'affaires, la situation est singulière puisque les patrons français sont alors les mieux rémunérés du monde, devançant même leurs homologues américains. Comme le souligne Elie Cohen, chercheur au CNRS, les dirigeants sociaux en France ont voulu mettre en place un jeu où ils gagnent à tous les coups.

L'envolée des rémunérations des dirigeants pose une question fondamentale, celle de la cohésion sociale au sein de l'entreprise, de la transparence et de la répartition de la richesse produite. Votre majorité ne s'est guère préoccupée de cette question cependant cinq ans. Au contraire ! Alors que la loi du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques avait limité le cumul des mandats sociaux, votre premier acte législatif, le 29 octobre 2002, fut d'ouvrir des facultés de cumul des mandats sociaux encore plus nombreuses que celles qui existaient avant la loi du 15 mai 2001.

Le dispositif que vous nous proposez aujourd'hui est bien timoré au vu de l'ampleur et de la nature de la question posée. Il ne répond en rien à l'exigence de transparence et d'équité. Nous pouvons avoir un objectif, celui par exemple de moraliser la pratique des stock options, dont on peut se demander d'ailleurs si le principe même ne devrait pas être réservé aux créateurs d'entreprise, qui prennent un vrai risque. Il est aujourd'hui pour le moins nécessaire d'exclure ces revenus des stock options du bénéfice du bouclier fiscal et de les soumettre, comme nous le proposerons par voie d'amendement, à un prélèvement pour alimenter le fonds de réserve pour les retraites.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Sur le fond, dès lors que la richesse produite par l'entreprise est aussi et d'abord le résultat du travail des salariés, nous vous proposons que l'ensemble des salariés d'une entreprise bénéficient au moins de la moitié de la plus-value d'acquisition, sous forme d'un supplément exceptionnel de participation.

Concernant la transparence, nous vous proposons que l'assemblée des actionnaires vote annuellement une délibération pour fixer le rapport entre la plus haute rémunération dans l'entreprise, mandataires sociaux compris, et la rémunération minimale versée à un salarié à temps plein. Nous vous proposons que l'existence d'un accord d'intéressement conditionne la mise en oeuvre de rémunérations variables au profit des dirigeants sociaux. Nous vous proposons que les organisations syndicales représentatives dans l'entreprise et le comité d'entreprise soient destinataires de toutes les informations délivrées aux actionnaires.

Voilà des propositions qui sont uniquement destinées à assurer la transparence et l'équité dans le partage de la richesse.

Concernant plus particulièrement les parachutes dorés, la seule référence aux performances du dirigeant ne saurait justifier l'existence même de ce système qui ne devrait concerner que la contrepartie éventuelle d'une clause de non-concurrence ou d'un engagement de retraite à prestations définies.

Votre projet, manifestement, ne s'inscrit pas dans cette démarche. Ici aussi, après le temps des slogans et des discours est venu le temps de la dure réalité de votre politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen.)

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Aurillac

Madame la présidente, madame la ministre, messieurs les secrétaires d'État, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, depuis l'introduction de la TVA dans les années soixante, seule réforme inspirée par une vision un peu cohérente de la vie économique, presque toutes les réformes fiscales en France ont été marquées par la recherche d'expédients, trop souvent à courte vue. La portée économique n'a été que rarement prise en considération, tout comme la comparaison avec nos voisins et concurrents.

La campagne électorale du Président Nicolas Sarkozy a brisé ce cercle franco-français et posé la base de réformes fiscales dont l'objectif est désormais clairement indiqué : relancer la confiance, la croissance et l'emploi.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Aurillac

Certes, chacun conviendra qu'une véritable harmonisation fiscale européenne nous faciliterait la tâche. Mais elle n'est pas pour demain, il suffit de voir à quelle lenteur progresse la sixième directive sur la TVA pour s'en convaincre !

Il convient donc de ne pas attendre, et c'est ainsi que vous nous proposez aujourd'hui, madame la ministre, un projet phare, à juste titre placé en premier de la législature – tout un symbole – en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat. La réhabilitation du travail est en effet au coeur de nos engagements, non seulement comme valeur mais également comme outil de lutte contre le chômage et d'amélioration du pouvoir d'achat, et je voudrais pour ma part insister sur les articles 4, 5 et 6 du projet.

Dans la droite ligne des objectifs définis par le Président Nicolas Sarkozy…

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Aurillac

…nous souhaitons que les Français puissent, après une vie bien remplie, transmettre le fruit de leur travail. Ainsi les droits de succession seront, par l'article 4, supprimés au profit du conjoint ou du partenaire du PACS survivant. L'abattement personnel passe de 50 000 à 150 000 euros en ligne directe, ascendants et descendants, et est institué à hauteur de 5 000 euros pour les neveux et nièces. Ainsi, près de 95 % des successions seront exemptées.

Les transmissions entre vifs sont facilitées par la création d'une exonération de droits de mutation applicable aux dons en numéraire dans la limite de 20 000 euros au profit d'un enfant, un petit-enfant, un arrière-petit-enfant, ou, à défaut d'une telle descendance, d'un neveu ou d'une nièce. Le donateur pourra en bénéficier à raison d'une fois au titre de chaque donataire. Tout ceci va dans le bon sens et nous ne pouvons que nous en réjouir.

S'agissant de l'ISF, madame la ministre, vous prévoyez à juste titre, dans l'article 6, de permettre aux contribuables d'affecter une partie de leur ISF, à hauteur de 75 % des versements effectués, soit au financement de PME, qui en ont grand besoin, quelle que soit d'ailleurs leur forme sociale, soit au profit de fondations reconnues d'utilité publique, d'établissements publics de recherche, d'établissements publics d'enseignement supérieur et d'entreprises ou d'associations d'insertion, chacun de ces avantages fiscaux pouvant atteindre 50 000 euros.

Mais qu'il me soit à nouveau permis, madame la ministre, de plaider en faveur des particuliers.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Aurillac

Certes, l'article 5 institue un bouclier fiscal à 50 %, CSG et CRDS compris, mais il est difficile à mettre en oeuvre, vous en conviendrez, pour un contribuable sans l'aide d'une batterie de spécialistes.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Aurillac

Chacun sait que l'ISF, sous couvert de solidarité, est un impôt coûteux et pervers.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Oh ! Pervers ! Comme on dit au Vatican, intrinsèquement pervers ?

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Aurillac

Il aggrave les délocalisations alors qu'il faudrait pourtant soutenir les entreprises, notamment les plus innovantes. À cet égard, vous venez d'opérer un progrès notable.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Aurillac

Mais s'agissant des familles, notamment dans les grandes villes, et spécifiquement à Paris…

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Aurillac

… la hausse vertigineuse du coût des appartements et la non-indexation du barème depuis plusieurs années, fabriquent automatiquement de nouvelles « fortunes » imposables, à la charge des familles qui ne peuvent se contenter d'un studio, tout simplement parce qu'elles ont des enfants.

Si l'on comprend évidemment que tout ne peut s'effectuer au même rythme, cette situation pénalise les familles que nous souhaitons pouvoir garder dans nos arrondissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Aurillac

À tout le moins, une réflexion doit s'engager à cet égard, peut-être lors de la prochaine loi de finances, soit sur le relèvement du seuil, non indexé depuis des années, soit sur la prise en compte, au moins partielle, de la résidence principale…

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Aurillac

…ou totale, mais plafonnée.

Compte tenu de ces observations, madame la ministre, je voterai bien sûr volontiers ce projet nécessaire et cohérent, par lequel nous honorons notre engagement à réhabiliter l'effort, le travail et la responsabilité, et qui devrait renforcer la croissance retrouvée, ainsi que l'attractivité de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

Madame la ministre, les dispositions économiques et financières que vous nous soumettez – défiscalisation et détaxation des heures supplémentaires, défiscalisation des intérêts d'emprunts contractés pour la résidence principale, allégement des droits de mutation à titre gratuit, établissement d'un bouclier fiscal, affectation de tout ou partie de l'ISF au financement des PME – vont dans le bon sens. C'est aussi le cas de la moralisation des parachutes dorés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Est-ce que l'on peut en affecter une partie aux deniers du culte ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

Ces mesures – vous en serez d'accord avec moi, monsieur Brard – permettront d'améliorer à la fois le pouvoir d'achat des Français et l'offre de l'industrie française grâce, notamment, à l'affectation de l'ISF au financement des PME. Mais seront-elles suffisantes ? Permettez-moi d'en douter et de poser une question fondamentale : comment se fait-il que la croissance française soit aussi modérée ces dernières années ? Cela tient, à mes yeux, à trois causes principales : l'insuffisance du travail, l'insuffisance des investissements et une politique monétaire qui a renchéri l'euro, notamment à l'égard du dollar et du yen.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

L'insuffisance du travail, sauf pour quelques idéologues fossilisés (Rires sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), c'est aujourd'hui un lieu commun. Nous savons pertinemment que nous ne travaillons pas assez par rapport à tous nos partenaires et concurrents.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

Votre proposition de défiscaliser les heures supplémentaires permettra réellement de relancer le pouvoir d'achat des salariés même si, contrairement à ce que vous dites, elle ne profitera pas à toutes les branches de l'industrie, puisque toutes n'utilisent pas les heures supplémentaires. La notion de circuit économique va bien évidemment jouer à plein et, le travail appelant le travail,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

… de branche en branche, une telle disposition va relancer l'économie. J'avais proposé un amendement visant à favoriser le cumul emploi-retraite. Malheureusement, en raison d'une jurisprudence de M. Méhaignerie appliquée par M. Migaud, cette proposition n'est pas sortie du cadre de la commission des finances. J'ose espérer, madame la ministre, que vous nous proposerez très rapidement une totale liberté dans le cumul emploi-retraite. Il faut en effet permettre aux jeunes retraités de travailler davantage pour le bénéfice total de l'économie et ne pas s'enfermer dans une conception totalement malthusienne et rétrograde de la notion de travail. Plus on travaille, plus on fait travailler les autres !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

J'en viens à l'insuffisance des investissements. La chronique des investissements français témoigne de leur stagnation depuis une dizaine d'années. La formation brute de capital croît de un à deux points par an, ce qui est grandement insuffisant, alors même que nous sommes les premiers investisseurs en Bulgarie, en Pologne, en Roumanie, et parfois ailleurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

Il est pour le moins paradoxal que les Français, qui ont la meilleure épargne au monde – de 15 % à 17 % du revenu national disponible –, fuient la France pour aller investir dans d'autres pays. La raison est très simple : notre fiscalité sur le patrimoine chasse, avec une efficacité redoutable, l'épargne hors de nos frontières. Depuis 1998, plus de 110 milliards d'euros ont ainsi fui la France alors que l'ISF n'a rapporté que 33 milliards.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Certains aiment tellement la France qu'ils la fuient ! Et vous leur donnez raison !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

Quant aux droits de succession, malgré des aménagements complexes, ils mettent toujours en péril les transmissions d'entreprises. Ces impôts sont anti-économiques. Ils doivent être supprimés et je défendrai des amendements en ce sens.

Alors, vous allez me dire : quid du pacte de stabilité ? Il est vrai qu'en supprimant d'un coup 10 milliards de recettes fiscales nous risquons de transgresser le pacte de stabilité, mais, de grâce, cessons d'avoir une vision comptable de l'économie ! Cela suffit ! Aux États-Unis où il y a une monnaie unique, il n'y a pas de pacte de stabilité !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

Il y a même la possibilité de creuser le déficit public pour relancer l'économie. Il faut de la souplesse et en finir avec le dogmatisme ! Comptons sur le circuit économique, grâce notamment à la relance des investissements ! Cela irait dans le bon sens. Vous allez me dire que cela va accroître le déficit public.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

Dois-je vous rappeler que, si l'on fait la somme de l'endettement public et privé des Français et que l'on effectue le même calcul pour nos partenaires, la France est dans le positif alors que les États-Unis, la Grande-Bretagne et l'Allemagne sont dans le négatif.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

Il faut mobiliser l'épargne des Français pour qu'elle s'investisse en France et en finir avec cette vision comptable de l'économie, car il est urgent de relancer les investissements dans notre pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

J'ajoute que ces investissements doivent être orientés par la politique industrielle. En effet, les marchés sont de formidables machines à créer des richesses, mais il n'en demeure pas moins qu'ils donnent une vérité à quatorze heures, une vérité à vingt heures, et il est urgent que l'État, les industriels et les partenaires sociaux aient une même vision de l'économie, que nous favorisions l'investissement dans des secteurs créatifs et que nous fassions comme les Allemands, à savoir que nous gardions, grâce à ces investissements et à une politique industrielle tant nationale qu'européenne, la possibilité de maîtriser notamment la stratégie de nos entreprises afin qu'elles ne tombent pas chez des chasseurs de têtes et ne soient pas à longueur de temps opéables et disloquées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

Il est manifeste que c'est le devoir de l'État de mettre en place cette politique industrielle. Il est grand temps que l'Union européenne se départisse de cette vision théorique d'un modèle macroéconomique qui n'est pas véritablement dans notre intérêt.

Dernier point,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

… a conduit, ces dernières années, une politique monétaire qui a frappé directement l'économie française en raison d'un alignement sur la puissance dominante qui est l'Allemagne, dont la structure de production et d'exportation diffère pourtant de la nôtre. La BCE doit rendre un peu de cohérence à cette politique monétaire et sortir de son splendide isolement – l'indépendance, cela n'est pas l'autisme ! – au risque de mettre en péril la monnaie unique. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Sirugue

Madame la présidente, madame, messieurs les ministres, monsieur le haut-commissaire, chers collègues, je veux évoquer devant vous le revenu de solidarité active. A entendre et lire les différents intervenants de la majorité, j'en arrive à me demander si l'inscription du RSA dans ce projet de loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat n'est pas un alibi (« Si ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine) pour tenter de donner un sentiment d'équilibre dans la prise en compte des attentes de nos concitoyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Sirugue

Équilibre bien difficile malgré tout à traduire dans les faits lorsque l'on voit les sommes consacrées aux plus riches de nos concitoyens et celles destinées à ceux qui en auraient pourtant le plus besoin.

Pourtant, l'idée du RSA semble intéressante, justifiant d'ailleurs que plusieurs départements, de droite et de gauche, aient manifesté leur souhait de participer à l'expérimentation proposée par ce texte de loi. Mais force est de constater que les moyens manquent et que les interrogations que soulève ce projet sont nombreuses.

D'abord, il convient de relever le côté très limitatif du nombre de personnes qui pourront bénéficier de cette expérimentation. Tout à l'heure, un de nos collègues laissait à penser que l'on raisonnait sur l'ensemble des personnes bénéficiaires du RMI ou de l'API. Cela n'est pas vrai. Seulement 50 000 à 55 000 personnes seront intéressées par ce projet de loi alors que nous comptons 1,2 million de bénéficiaires du RMI, auxquels il convient d'ajouter un peu plus de 200 000 prestataires de l'API.

Cette mesure est intéressante mais, à cette étape, elle n'est pas autre chose qu'un nouvel outil. Pour en avoir vu de nombreux se mettre en place dans le cadre des politiques d'insertion, je peux dire que le bilan doit être un objectif tout aussi fort que l'idée d'ores et déjà avancée de la généralisation.

Sur le fond même, et c'est là ma seconde remarque, chacun a bien compris que le public visé était restreint, concentré sur les bénéficiaires de ces deux minima sociaux – le RMI et l'API –, par ailleurs relativement proches de l'emploi. Or, lorsque M. le haut-commissaire évoque la généralisation pour la fin 2008, avant même d'ailleurs que ne soit terminée la première année d'une expérimentation annoncée sur trois ans, généralisation qui pourrait s'accompagner d'une suppression, au bénéfice du RSA, des autres minima sociaux, je me demande ce qu'il adviendra de toutes celles et tous ceux qui, cassés par la vie, ont bien d'autres handicaps à surmonter avant d'imaginer revenir dans le cadre d'un emploi.

Bien sûr que le retour à l'emploi est un enjeu fort, car l'on sait à quel point la place que l'on occupe dans cette société repose sur l'emploi que l'on détient. Le RSA, cet outil, est certes une incitation à reprendre un emploi, mais encore faut-il que des emplois soient proposés à ces bénéficiaires des minima sociaux. C'est là ma troisième interrogation. Je ne vois rien dans ce projet de loi qui soit une quelconque offre faite à des employeurs pour les engager ou les inciter à participer un peu plus qu'ils ne le font aujourd'hui à cette offre d'insertion, qui puisse les conduire à proposer des salaires dignes qui feront la différence avec les minima sociaux et, par là même, permettront de faire disparaître ce que l'on appelle les travailleurs pauvres. Pis, je crains même que les mesures proposées en faveur des heures supplémentaires n'accroissent le risque de voir se raréfier les quelques offres d'emploi qui pourraient être destinées à s'inscrire dans le dispositif du RSA !

Enfin, ce RSA, dont on voit bien qu'il est beaucoup moins ambitieux que ce que nous en avions compris à la lecture du rapport de M. Hirsch, s'inscrit dans un contexte particulier, celui des rapports extrêmement difficiles depuis maintenant trois ans entre l'État et les collectivités territoriales. Le moins que l'on puisse dire c'est qu'il y a un passif et que cela n'est pas la première fois que l'État suggère un dispositif qu'il fait financer ensuite par d'autres.

C'est, tout d'abord, le coût du RMI depuis la loi de décembre 2003 transférant la compétence aux conseils généraux dès janvier 2004. Nous nous souvenons de la facture – 1 milliard d'euros –, qui n'est toujours pas réglée.

Et comme si cela ne suffisait pas, je peux aussi vous parler des contrats d'avenir qui présentaient déjà un surcoût pour les départements… Le ministre Borloo avait annoncé vouloir le compenser à hauteur de 12 %. Anne, ma soeur Anne, ne vois-tu rien venir ? Je ne vois rien venir et je crois que nous n'aurons rien par rapport à un engagement pourtant récent.

Vous comprendrez dès lors que la proposition faite dans ce projet de loi quant à la prise en charge financière ne manque pas de nous inquiéter. S'il y a bien ces malheureux 25 millions, pourquoi le texte du projet de loi n'évoque-t-il qu'une possible participation financière de l'État et ce pour 2007 seulement ?

Et puisque nous sommes sur une politique de retour à l'emploi dont la compétence demeure celle de l'État et du service public de l'emploi, pourquoi faut-il qu'une nouvelle fois les départements soient appelés à participer au financement ?

Par ailleurs, si, pour les vingt ans du RMI, vous nous proposez sa suppression et son remplacement par le RSA pour répondre à la thématique de campagne que vous avez développée sur l'assistanat, nous savons bien que les plus fragiles, de fait exclus de ce processus de retour à un emploi bien difficile à concrétiser dans les cas auxquels je pense, viendront grossir les rangs des demandeurs d'aides dans les CCAS et sur les fonds sociaux des conseils généraux, occasionnant par là même un formidable retour en arrière.

En tout état de cause, la question des dettes de l'État envers les conseils généraux sur ces questions spécifiques doit être réglée avant d'imaginer aller plus loin. Car chacun a bien compris que, pendant que vous annonciez aux Français votre volonté de leur redonner du pouvoir d'achat, vous transfériez aux élus locaux le soin d'expliquer à ces mêmes Français que les budgets de plus en plus serrés des collectivités locales justifient des efforts avec l'impopularité qui sied à ce genre d'exercice, surtout dans le contexte de gel, voire de repli des dotations de l'État en direction de ces mêmes collectivités tel qu'annoncé par M. le Premier ministre devant notre assemblée lors du discours de politique générale.

Pour conclure, le RSA est un outil intéressant, peut-être porteur d'espoir pour quelques uns, et c'est déjà beaucoup, mais il n'est pas la solution qui permettra de réduire la fracture sociale. Par ailleurs, il nous faut prendre le risque de voir se dégrader encore plus les relations entre l'État et les collectivités locales.

Entre ce gain possible et ces deux maux, le choix est difficile, et je crois qu'il vous revient, monsieur le haut-commissaire, de nous faire des propositions susceptibles de répondre à nos interrogations, car, sans l'engagement des collectivités locales, le dispositif ne pourra pas réussir. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen, et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Garrigue

Madame la ministre, messieurs les secrétaires d'État, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, le texte dont nous discutons ce soir est important, voire essentiel.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Garrigue

Il reprend en effet nombre de dispositions qui étaient au coeur des dernières campagnes électorales, tant présidentielle que législative, et que nous avons soutenues à cette occasion : nous aurions tort d'éprouver le moindre complexe à les défendre.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Garrigue

De nombreux collègues ont souligné certains aspects fondamentaux de ces dispositions, comme la volonté de revaloriser et de récompenser le travail, de stimuler le pouvoir d'achat et de renforcer la croissance, qui reste encore insuffisante dans notre pays. Or, nous le savons, ce n'est qu'à travers elle que nous réussirons à assurer l'avenir de notre protection sociale et à améliorer le pouvoir d'achat pour l'ensemble des Français.

Mais je tiens à souligner un autre aspect de ce texte, qui n'a pas suffisamment été mis en valeur. Depuis trop longtemps, à l'Assemblée nationale, quand on parle de finances ou de fiscalité, on s'en tient à un débat franco-français sur la durée du travail ou l'imposition de la fortune. Or un des grands mérites du projet de loi est de nous situer aussi par rapport au monde qui nous entoure. Car nous ne sommes pas seuls. Autour de nous, il y a l'Europe…

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Garrigue

… et le monde. Or c'est aussi en fonction de ce qui se passe autour de nous que nous devons bâtir notre système, que ce soit en matière de travail, de finances publiques ou de fiscalité. C'est là un élément essentiel.

On nous opposera peut-être que nous succombons aux idéologies libérales. Mais, puisque ce texte remet en cause les parachutes dorés ou les dérives du LBO, puisque nos partenaires allemands ont soulevé le problème des fonds souverains, puisque le Président de la République a posé récemment, au cours d'un sommet européen, la question des services d'intérêt économique général et contesté la notion de concurrence libre et non faussée, pourquoi ne pas considérer que nous participons à un débat d'une autre nature, sur la construction d'une Europe certes attachée au marché, mais témoignant aussi de la volonté d'être souveraine et de bâtir une société fondée tout à la fois sur l'efficacité et sur la justice ?

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

En tout cas, ce n'est pas encore une Europe sociale !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Garrigue

Le projet de loi est la traduction de cette volonté et d'un désir de sortir des débats idéologiques hexagonaux dans lesquels nous nous sommes trop longtemps enlisés.

Par ailleurs, il aborde la fiscalité du patrimoine. Or, jusqu'à présent, dans ce domaine, la France – contrairement à d'autres pays – n'a pas su vraiment choisir entre deux façons de procéder : imposer le patrimoine existant, en taxant le capital, ou intervenir à l'occasion des successions.

Cependant, si le texte comporte beaucoup d'avancées, il faut reconnaître qu'il maintient un système double, qui associe deux cotes mal taillées. Il continue de faire reposer la taxation du capital sur cet impôt essentiellement idéologique qu'est l'ISF, avec tous les défauts qu'on lui connaît ; par ailleurs, il maintient l'imposition du patrimoine, en dépit de certaines améliorations.

Je souhaite, madame la ministre, que nous puissions enfin poser clairement le problème. De quelle manière voulons-nous imposer le patrimoine ? Pour ma part, je préférerais, à une taxation des seules successions, une imposition du capital, à condition qu'elle soit effectuée de manière très générale, selon un taux limité, avec un rendement comparable à l'imposition globale du patrimoine dans notre pays. Quoi qu'il en soit, il faut sortir d'un système dans lequel deux modes d'imposition se chevauchent d'une manière qui n'est ni logique ni rationnelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Pourquoi choisir entre fromage et dessert ? Prenons les deux !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Garrigue

À cette réserve près sur un point où je pense que le débat est nécessaire, je soutiendrai et je voterai le projet de loi qui nous est présenté. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Perrut

Madame la présidente, madame la ministre, messieurs les secrétaires d'État, monsieur le haut-commissaire, chers collègues, dans un discours récent, le Président de la République nous invitait à regarder la France d'aujourd'hui. « Les Français ne manquent ni de talent ni d'intelligence ni de courage ni d'esprit d'entreprise », nous disait-il. Nous en sommes tous convaincus. Mais, depuis trop longtemps, en France, la politique baisse les bras devant tous les grands défis de notre temps.

Le travail est la valeur centrale de notre société et nous y sommes tous attachés. C'est pourquoi nous nous adressons à travers ce texte aux Français qui se lèvent tôt…

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Perrut

… et qui travaillent dur, à ceux qui se donnent du mal pour réussir et à tous ceux qui veulent sortir des situations difficiles et de la précarité.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Perrut

Pourquoi nier que notre pays connaît un problème de pouvoir d'achat ? Ce serait mentir aux Français. La réalité est là : les prix sont trop hauts et les salaires trop bas. Trois millions et demi de travailleurs qui gagnent moins que le SMIC ne demandent qu'à travailler davantage. Notre pays compte d'ailleurs plus de travailleurs pauvres que de RMIstes.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Perrut

Nombreux sont nos concitoyens qui veulent mieux gagner leur vie et réussir.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Perrut

Il faut bien reconnaître que tout a été fait pour déprécier l'effort, dénigrer le travail, nier le mérite, opposer ceux qui ont un emploi à ceux qui subissent le chômage et ceux qui sont protégés par un statut à ceux qui vivent dans l'insécurité du travail, parce qu'ils prennent des risques, parce qu'ils osent.

Il est impératif de redonner la priorité au travail. Vous l'avez rappelé vous-même cet après-midi, madame la ministre : le travail crée le travail.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Perrut

Il nous faut tout d'abord fonder une société…

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Perrut

… dans laquelle l'assistance sans contrepartie n'aura plus cours. On ne peut réclamer des droits sans être prêt à assumer des devoirs. C'est là toute la philosophie du revenu de solidarité active : faire en sorte que chaque heure travaillée se traduise par une augmentation des revenus, en créant une réelle différence entre travailler ou non. On doit en effet sortir d'une opposition stérile entre travail et minima sociaux.

La dignité de l'homme et la qualité de l'insertion sont au coeur de ce projet, monsieur le haut-commissaire, et nous vous soutenons dans votre démarche.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Perrut

Pour cela, l'État apportera son concours et le RSA pourra à terme se substituer à l'ensemble des minima sociaux et aux autres dispositifs d'intéressement et de prime pour l'emploi.

Revaloriser le travail, c'est faire en sorte que le revenu dépende davantage de l'activité et soit donc plus en rapport avec l'effort et la volonté. Alors que les socialistes n'ont pu proposer que la généralisation des 35 heures et le statu quo en matière de pouvoir d'achat, nous prônons, nous, l'augmentation du pouvoir d'achat, qui, chacun le sait, soutient la croissance.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

C'est nouveau ! Vous ne l'avez jamais dit auparavant !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Perrut

L'augmentation des salaires nets et la diminution de la charge doivent être la règle. C'est pourquoi le présent projet de loi instaure une logique gagnant-gagnant en augmentant directement la rémunération des salariés et en incitant, dans le même temps, les entreprises à proposer plus d'heures supplémentaires à leurs employés, grâce à une diminution de leur coût.

S'il convient d'augmenter le pouvoir d'achat sans augmenter le coût du travail, il est essentiel de cesser de taxer toujours plus ceux qui travaillent plus. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Conformément aux engagements du Président de la République et du Gouvernement, cette mesure visant à l'amélioration directe du pouvoir d'achat bénéficiera à l'ensemble des salariés qui veulent travailler plus.

Bien entendu, certains diront qu'elle peut être un frein à l'embauche de nouveaux salariés. Mais regardons d'autres pays – le Danemark, la Suède, le Royaume-Uni ou l'Irlande – où la durée hebdomadaire du travail est supérieure à 39 heures. Tous ont désormais atteint le plein emploi, avec un taux de chômage avoisinant les 5 %.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Avec 13 millions de travailleurs pauvres en Angleterre !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Perrut

Il faut rappeler l'exemple de ces pays.

Un autre apport essentiel du projet de loi est de nous placer au coeur de la famille. Chacun doit pouvoir transmettre à ses enfants sans droit de succession un patrimoine constitué tout au long d'une vie. Ce que le Président a promis, nous allons le réaliser. Ainsi, 95 % des successions en ligne directe seront exonérées de droits de mutation. Oui, la propriété de la résidence principale des parents doit être préservée.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Perrut

Il n'est pas admissible que, de nos jours, de plus en plus d'enfants se voient dans l'obligation de la céder, faute de pouvoir acquitter des droits de plus en plus lourds.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Perrut

En effet ! Quant à la fiscalité, elle est déterminante, notamment pour la compétitivité de notre pays. D'où l'idée fondamentale d'un bouclier fiscal limitant à un pourcentage de l'impôt sur le revenu les prélèvements qui peuvent s'accumuler pendant une année. La réduction de l'ISF en faveur de l'investissement dans les PME soutiendra notre économie, nos centres de recherche et nos structures d'insertion. On l'a dit, mais je tiens à le rappeler.

Mais, dans la République que nous voulons bâtir, chacun doit aussi pouvoir devenir propriétaire. Et, pour permettre à la France qui travaille d'accéder à la propriété, toutes les mesures sont bienvenues.

De même, au nom de l'égalité des chances, les étudiants pourront désormais travailler pour payer leurs études.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Perrut

C'est une manière de les soutenir et de nous rappeler que la vraie générosité envers l'avenir consiste peut-être à tout donner au présent.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Et les fils de bourgeois, ils travaillent, eux, pour payer leurs études ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Perrut

Ainsi, au-delà de ce premier texte, il faut que le travail soit le critère de toute notre politique publique et l'objectif de toutes les réformes que nous allons entreprendre. L'emploi – vous l'avez rappelé, madame la ministre – est la clé de la confiance et de la croissance. Le Premier ministre François Fillon nous l'a recommandé à cette même tribune : « Sortons de la vieille croissance ! Imaginons une nouvelle croissance ! »

Mais il faut aussi qu'intervienne une révolution dans les mentalités, les comportements et les méthodes. Le chantier est immense et l'enjeu, essentiel. On le sait : il manque en moyenne à la France un point de croissance par an pour rembourser la dette, payer les retraites et restaurer la cohésion sociale.

Il est vrai que nous n'en sommes aujourd'hui qu'à la première étape. Notre objectif est de réformer le marché du travail. Il nous faut apporter plus de souplesse aux entreprises et plus de sécurité aux personnes, remettre à plat notre fiscalité souvent antiéconomique et fournir un effort d'investissement dans le savoir, la connaissance et l'innovation, qui passe par une véritable politique d'aménagement du territoire et une nouvelle politique industrielle.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Perrut

Nous ne sortirons pas de la situation actuelle tant que les Français ne seront pas réconciliés avec les valeurs de la réussite, du travail, du mérite et j'ajouterai : du risque.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

La valeur travail, cela me rappelle quelqu'un !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Perrut

Il faut oser ! Nous pourrons alors, avec optimisme, faire nôtre cette citation de Jean-Jacques Rousseau : « Je vis que je réussissais, et cela me fit réussir davantage. » (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bapt

Madame la ministre, vous avez justifié votre refus de répondre à l'exception d'irrecevabilité par votre désir de ne répondre qu'à des questions. Je vais donc vous en poser trois, fort simples.

La première fera écho aux propos de M. Perrut, qui s'est intéressé au pouvoir d'achat des salariés pauvres. Pourquoi, si l'on veut véritablement le revaloriser, ne pas avoir donné un coup de pouce au SMIC ? On sait que 17 % des salariés à plein-temps ou à temps partiel qui le perçoivent voudraient gagner plus. Mais, dans la majorité des cas, il ne leur est pas proposé d'heures supplémentaires. La solution la plus naturelle aurait donc été le revaloriser le SMIC.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bapt

Le SMIC est le salaire de référence pour 2,5 millions de salariés, notamment pour 20 % des femmes et des ouvriers, 25 % des employés, 30 % des moins de 25 ans et 40 % des salariés à temps partiel.

Une hausse du SMIC plus substantielle que le minimum légal de 2,1 % auquel vous vous êtes limités était nécessaire et faisable. Ce coup de pouce était nécessaire, car il est un moyen privilégié de revaloriser les bas salaires et de dynamiser les négociations salariales pour ceux qui sont situés juste au-dessus. Le sentiment d'appauvrissement qu'éprouvent les salariés est d'autant plus douloureux que les hauts salaires ont continué à augmenter fortement alors que le pouvoir d'achat des autres ralentissait, voire diminuait. Un document récent de l'INSEE le confirme, qui indique que les ménages à bas revenus ont été plus exposés aux hausses de prix que les autres.

Au reste, Nicolas Sarkozy lui-même le reconnaît lorsqu'il affirme qu'« il faut cesser de dire aux Français que leur pouvoir d'achat augmente, parce qu'il n'y a pas un seul Français qui le constate » – il doit tout de même bien y en avoir quelques-uns. Pourtant, les mesures qu'il vous demande de mettre en oeuvre, madame la ministre, sont loin de remédier à cette situation : d'un côté, des cadeaux fiscaux de plus de 15 milliards d'euros, de l'autre, une hausse de 5 % de la TVA, actuellement à l'étude, qui viendra grever le pouvoir d'achat des catégories populaires.

C'est pourquoi nous regrettons que le Gouvernement ait choisi de ne pas reconnaître que le dynamisme de notre économie et une bonne part de notre croissance reposent d'abord sur la consommation intérieure, laquelle est alimentée par la reconnaissance des besoins sociaux et la revalorisation du SMIC.

Ma deuxième question porte sur l'impact – que vous n'avez sans doute pas manqué de mesurer – du dispositif de prise en charge des intérêts d'emprunt pour l'acquisition de l'habitation principale, dont le coût, notable, s'élève à 3,7 milliards d'euros. Récemment, la presse s'est fait l'écho d'une étude de l'observatoire du financement des marchés résidentiels publiée par la chambre des notaires de Paris et la fédération nationale des agents immobiliers, qui indique que la hausse des prix de l'immobilier n'en finit pas de ralentir. On s'éloigne des rythmes de progression à deux chiffres alors que les taux d'intérêt proposés aux acheteurs ne cessent de remonter, passant la barre des 4 %.

Depuis des années, la hausse des prix de la pierre est compensée, pour les acheteurs, par la baisse des prix du loyer de l'argent et l'allongement des délais de remboursement, parfois inimaginables : jusqu'à cinquante ans. Or la prise en charge des intérêts d'emprunt va donner un nouveau coup de fouet aux prix de l'immobilier. Vous qui voulez favoriser l'accession à la propriété, vous devriez consulter le baromètre semestriel réalisé par les espaces immobiliers BNP-Paribas, qui montre que si 14 % des personnes interrogées souhaitent acquérir un bien immobilier dans les deux ans, une majorité juge que les prix des logements sont élevés, voire inaccessibles. Il y a malheureusement fort à parier que la mesure que vous proposez donnera un nouveau coup de fouet à la hausse des prix de l'immobilier, après son ralentissement dû à l'augmentation des taux d'intérêt.

Enfin, madame la ministre, avez-vous mesuré le caractère choquant, voire démoralisant, pour la grande majorité des actifs de ce pays de votre mécanisme de bouclier fiscal, aggravé par l'abaissement de 60 % à 50 % du plafonnement des impôts et par l'élargissement de son champ d'application à la CSG et à la CRDS ? Dans son rapport, M. Carrez, notre rapporteur général, indique que si 234 000 contribuables pourraient être concernés – pour un coût de 810 millions d'euros –, ce sont surtout les 13 000 contribuables détenteurs des plus hauts patrimoines qui profiteront de cet effort, à hauteur de 583 millions d'euros, soit un bénéfice de 45 000 euros par foyer.

En combinant les niches fiscales et le bouclier nouvelle mouture, certains gros contribuables finiront par échapper complètement à l'impôt. Vous êtes en train d'inventer l'impôt réduit à l'euro symbolique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen.) La presse nous a déjà alertés, il y a quelques semaines, sur le cas de cette riche héritière des galeries Lafayette qui, après avoir vendu les parts qu'elle détenait dans cette chaîne de distribution, s'est retrouvée assujettie à l'impôt de solidarité sur la fortune, son patrimoine s'élevant à 400 millions d'euros. Grâce au bouclier fiscal, le Trésor public lui a rendu 7,7 millions sur les 8 millions qu'elle avait dû acquitter. Avec la nouvelle mouture du bouclier fiscal, elle ne paiera pratiquement plus d'impôts. Vous prétendez limiter l'impact des parachutes dorés mais, avec votre nouveau mécanisme, vous êtes en train d'inventer les boucliers dorés !

En 2005, lors de la mise en place du premier bouclier fiscal, un débat – auquel participaient des personnalités éminentes, telles que l'ancien président de la commission des finances et l'actuel rapporteur général du budget – avait été ouvert sur la création éventuelle d'une imposition minimale, contrepartie du bouclier fiscal et du non-plafonnement des niches fiscales. Allez-vous donner suite à ces propositions, qui font presque l'unanimité au sein de la commission des finances ?

À ces trois questions, j'ajouterai une remarque subsidiaire, madame la ministre. Vous qui avez pratiqué avec tant de talent une discipline nécessitant synchronisation, équilibre et harmonie,…

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bapt

… comment avez-vous pu accepter de présenter un texte à ce point asymétrique et déséquilibré ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen.)

Debut de section - PermalienPhoto de Lionnel Luca

Madame la présidente, madame la ministre, messieurs les secrétaires d'État, monsieur le haut-commissaire, avec ce texte, le Gouvernement commence à appliquer le programme du Président de la République, notamment en ce qui concerne la réhabilitation du travail sous toutes ses formes et les prélèvements sur les fruits du travail de nos compatriotes.

Parmi ces prélèvements, les droits de succession sont devenus, au fil du temps, injustifiables, puisque la France est l'un des derniers pays développés qui continuent de les prélever. L'Irlande, l'Italie, la plupart des cantons suisses, la Suède, d'anciens pays de l'Est comme la République tchèque et la Slovaquie, le Canada les ont supprimés sans jamais songer à les rétablir.

Debut de section - PermalienPhoto de Lionnel Luca

Venant de vous, qui avez fait partie de l'Internationale, cette remarque est amusante.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Vous parlez de Mme Lagarde, qui a longtemps vécu à Chicago !

Debut de section - PermalienPhoto de Lionnel Luca

Les autres – la Belgique, l'Allemagne ou le Royaume-Uni – les ont réduits au point qu'ils sont devenus insignifiants.

En 1998, dans un rapport d'information parlementaire sur la fiscalité du patrimoine, le député socialiste Didier Migaud, rapporteur général du budget, écrivait que « les droits de succession et de donation constituent un impôt frappant essentiellement les contribuables détenant des patrimoines de moyenne importance et n'ayant pas su ou pu organiser leur transmission. » On ne saurait mieux dire ! En 2001, Nicolas Sarkozy écrivait, dans son livre Libre, que « l'impôt ayant été payé à de nombreuses reprises sur le fruit de leur travail, il serait moral que l'État ne taxe pas cette ultime transaction qui n'en est pas une et qui consiste, à la suite d'un décès, à transmettre à la génération qui suit le capital de la génération qui a précédé. » En 2004, j'avais moi-même déposé, avec 110 de mes collègues, une proposition de loi tendant à supprimer les droits de succession.

Dans son discours du 14 janvier dernier, Nicolas Sarkozy prenait l'engagement suivant : « Je veux que chaque Français puisse transmettre en franchise d'impôt sur les successions le fruit d'une vie de labeur. On n'a pas à s'excuser d'avoir un patrimoine en contrepartie de son travail. » Et il affirmait sa volonté que 95 % des Français soient exonérés de ces droits.

Le texte qui nous est soumis exonère totalement le conjoint survivant. Ce n'est que justice, car comment concevoir que l'on puisse exiger de l'un des deux époux qu'il paye pour avoir le droit de vivre là où il a toujours vécu avec son conjoint ? S'agissant des héritiers directs, l'abattement individuel est relevé de 50 000 à 150 000 euros. Cette mesure me semble toutefois insuffisante pour tenir l'engagement du Président, qui a souhaité que 95 % des Français soient exonérés. En effet, dans de nombreux départements où la pression foncière est forte, voire spéculative, ces allégements, certes appréciables, n'empêcheront pas que des familles soient spoliées du fruit de leur labeur.

À défaut de suppression, on aurait pu espérer une réforme plus hardie qui complète le seul relèvement de l'abattement, par une réduction du nombre de tranches, par une indexation sur le taux de l'inflation, par l'application du même barème à toutes les successions quel que soit le lien de parenté, par l'exonération de la résidence principale ou par une incitation plus forte aux dons en faveur d'organismes d'intérêt général. Faute de telles mesures, il est à craindre que les droits de succession restent une des raisons de l'expatriation (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen) et demeure un coût pour la nation. Xavier Badin, maître de conférences à l'université de Tours, a ainsi pu démontrer, à partir d'une estimation basse, que le coût interne de cette imposition, avec les dépenses de personnel et de fonctionnement, peut être évalué à quelque 320 millions d'euros, tandis que son coût externe se traduit par la non-création de 80 000 emplois, par une perte de recettes d'1 million d'euros pour la sécurité sociale et de 850 000 euros pour l'assurance chômage, sans compter les fortunes expatriées et les pertes de recettes de TVA, estimées au minimum à environ 600 000 euros.

Je souhaite donc, madame la ministre, qu'une évaluation précise des effets de ces mesures soit faite rapidement, car les Français les attendent depuis la campagne présidentielle.

Enfin, en ce qui concerne l'ISF – dont je rappelle que la Suède a récemment décidé de le supprimer totalement –, je suis favorable à la proposition d'un bouclier fiscal ramené à 50 %, mais je souhaiterais vous faire part d'une suggestion concernant sa base d'évaluation. Plutôt que de retenir la valeur vénale d'un bien immobilier – le marché étant trop souvent spéculatif –, il serait juste et équitable d'utiliser la méthode dite du réajustement d'une valeur antérieure, qui prenne seulement en compte l'inflation et l'érosion monétaires. On peut d'ailleurs penser que c'est cette méthode qui a été retenue pour estimer une maison située du côté de Mougins et dont on a beaucoup parlé il y a quelque temps.

Nous vivons en Absurdie, puisque notre système fiscal impose le patrimoine à plusieurs reprises : lors de sa constitution avec l'impôt sur le revenu, lors de sa détention avec les taxes foncières et l'ISF et lors de sa transmission avec l'impôt sur les plus-values et les droits de succession. Toutes ces impositions provoquent la fuite des capitaux et des cerveaux, la délocalisation des entreprises et des emplois.

C'est dire l'importance des réformes que vous nous proposez. Elles marquent une étape que je souhaite, pour ma part, voir prolongée, pour que la France rejoigne la modernité et la compétitivité et pour que tous retrouvent la prospérité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Depierre

Madame la ministre, votre projet de loi, ambitieux, courageux et fidèle à la volonté du Gouvernement de réhabiliter le travail comme valeur et comme moyen d'améliorer le pouvoir d'achat est une traduction forte des engagements du Président de la République.

Parmi les différentes propositions contenues dans ce texte, je souhaite insister plus particulièrement sur les mesures fiscales dont les aspects sociaux auront des conséquences particulièrement importantes et positives pour nos concitoyens.

L'allongement de la durée moyenne du travail étant une condition majeure de la baisse durable du chômage et de l'augmentation de la croissance, l'article 1er vise à le favoriser en diminuant le coût du travail pour les entreprises qui allongent le temps de travail – dès lors évidemment que la chose leur est possible.

L'exonération d'impôt sur le revenu et la réduction des charges sociales au titre des heures supplémentaires constitueront autant d'éléments attractifs. Les travailleurs à temps partiel bénéficieront également de l'exonération fiscale. Un salarié payé 1 500 euros brut effectuant quatre heures supplémentaires par semaine gagnera 2 500 euros de plus en une année, ce qui est, socialement, très significatif. Ces mesures s'appliqueront dès le 1er octobre. À cette même date, la majoration s'appliquant aux heures supplémentaires dans les entreprises de moins de 20 salariés passera de 10 % à 25 % et les entreprises bénéficieront de réductions de charges au prorata de leur effectif.

L'article 2 du projet de loi prévoit une disposition novatrice consistant en une exonération d'impôt sur le revenu portant sur les salaires des étudiants qui travaillent tout au long de l'année pour financer leurs études, dans la limite de trois fois le SMIC. Par ailleurs, la limite d'âge est portée de 21 à 25 ans, ce qui est particulièrement intéressant.

Un autre dispositif essentiel de ce projet de loi est celui prévu par l'article 3, qui a pour objet d'aider les personnes qui acquièrent leur résidence principale à financer cet investissement. Ce dispositif, ouvert à tous les accédants, s'applique aux emprunts en cours. L'avantage prend la forme d'un crédit d'impôt sur le revenu égal à 20 % des intérêts d'emprunt payés à compter du premier jour du mois suivant l'entrée en vigueur de la loi au titre des intérêts afférents aux cinq premières années de remboursement. Il est plafonné à 3 750 euros pour un célibataire et à 7 500 euros pour un couple, avec une majoration de 500 euros par personne à charge.

Cette mesure, qui constitue une incitation forte à devenir propriétaire, revêt une importance particulière quand on sait que seuls 55 % de nos concitoyens sont propriétaires de leur logement, contre 72 à 78 % dans de nombreux pays européens.

Le projet de loi comporte d'autres mesures importantes sur le plan social, notamment la création expérimentale du revenu de solidarité active, qui permettra d'augmenter les ressources de toute personne bénéficiaire d'un minimum social qui prend ou reprend un travail.

Cette mesure constitue une grande source d'espérance. Il est encore difficile de prévoir combien de personnes pourront être concernées, mais je suis convaincu qu'une fois le partenariat avec les collectivités départementales mis en oeuvre, nous pourrons très rapidement comptabiliser les avancées de ce projet novateur. Sa mise en application fera sans doute apparaître la nécessité de lui apporter certaines améliorations, sans augmenter le coût du projet qui, je le rappelle, est estimé à 11 milliards d'euros par an.

Tels sont les éléments de ce projet de loi qui me paraissent le plus importants sur le plan social. Comme nombre de mes collègues, je le voterai sans réserves, madame la ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Darciaux

Madame la présidente, madame et messieurs les ministres, mes chers collègues, alors que les besoins en matière de logement constituent une priorité nationale, vous proposez aujourd'hui d'aider les accédants à la propriété, quand bien même cela va encore accentuer, sans justification économique, les avantages des propriétaires par rapport aux locataires.

Vous jouez une nouvelle fois le jeu des ménages les plus riches, car cette mesure va profiter à ceux qui peuvent emprunter le plus. Ainsi, un couple avec deux enfants et un salaire mensuel de 3 000 euros bénéficiera, en empruntant 120 000 euros, d'une réduction d'impôt de 856 euros, alors qu'un couple gagnant 8 000 euros bénéficiera, en empruntant 300 000 euros, d'une réduction de 1 700 euros. Autrement dit, cette mesure s'adresse à ceux qui ont déjà les revenus et les patrimoines les plus importants. Les jeunes, les salariés en CDD, les foyers défavorisés, les malades même ne seront pas concernés. Ceux qui n'ont déjà que trop peu accès au crédit seront une fois de plus les grands perdants.

Par ailleurs, vous annoncez la déduction des intérêts d'emprunts immobiliers, mais encore faudrait-il qu'il y ait suffisamment de logements en France et que chacun puisse accéder à la propriété.

Avec le droit opposable au logement, garantir un logement à tous relève déjà de la gageure. Mais faire de la France un pays de propriétaires est un leurre et une illusion. Vous privilégiez le « tous propriétaires » avec votre mesure phare : la déduction des intérêts d'emprunts du revenu imposable, pourtant supprimée en 1996 par Alain Juppé. À l'époque, les experts jugeaient cet avantage fiscal coûteux, peu pertinent et peu incitatif à la relance de l'accession à la propriété.

M. Périssol, alors ministre du logement, avait créé, à la place, le prêt à taux zéro. Prenons garde à ce que le nouveau dispositif ne devienne pas le prétexte à la remise en cause du prêt à taux zéro. Certes, une majorité de Français souhaitent devenir propriétaires, mais encore faut-il avoir un emploi stable pour passer de la case « location » à la case « propriété ». Votre slogan est peut-être séduisant, mais il restera irréalisable pour une grande partie de la population, compte tenu du niveau élevé des prix de vente et des taux de crédit en hausse constante.

Nombre de nos concitoyens en situation précaire ne pourront pas accéder à la propriété. Dans ma commune, le nombre de dossiers constitués dans le cadre du fonds solidarité logement est passé de 47 à 105 de 2005 à 2006, pour un montant de 8 000 à 28 000 euros. Le crédit d'impôt ne suffira pas à rendre ces ménages solvables aux yeux des banquiers, qui continueront à repousser leurs dossiers.

La défiscalisation opérée sans conditions de revenus et sans contrepartie sociale, sans régulation des loyers, est profondément inacceptable et risque de peser lourdement sur les finances publiques. Par ailleurs, l'accession sociale à la propriété que vous proposez doit se traduire par la vente de 40 000 logements HLM par an à leurs locataires. Or, cette vente risque d'amputer le parc locatif social des immeubles les mieux situés sans possibilité de reconstruire, faute de terrains à bâtir. D'où le spectre d'une baisse de l'offre locative sociale, alors que le pays compte 1,4 million de demandeurs.

Une politique publique du logement ne doit pas se résumer à fixer un pourcentage de propriétaires à atteindre, mais consister à faire en sorte que chacun soit logé décemment.

Je conclurai par quelques questions. Comment accepter de faire des cadeaux aux plus riches face à la précarisation croissante de millions de locataires ? Comment faire pour que ceux qui ont le moins voient leur situation s'améliorer ? Pourquoi ne pas moduler le crédit d'impôt en fonction des revenus ? Comment favoriser la construction de logements privés à loyers abordables ? Pourquoi favoriser ceux qui achètent leur logement par rapport à ceux qui le louent ? Où en est l'augmentation des aides au logement ?

Subventionner le logement pour répondre à une situation de pénurie peut être une bonne chose, mais certainement pas en subventionnant les seuls propriétaires et en écartant les bailleurs sociaux du dispositif. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Debut de section - PermalienPhoto de Étienne Pinte

« C'est la notion de travailleur pauvre qu'il est proposé de combattre dans notre pays sans pour autant affaiblir la situation de ceux qui n'ont pas encore pu retrouver une activité professionnelle », indique le remarquable rapport intitulé Au possible, nous sommes tenus dont vous avez été, monsieur le haut-commissaire, le maître d'oeuvre.

C'est dans cet esprit que vous nous proposez la création d'une nouvelle prestation, le revenu de solidarité active, permettant à ceux qui bénéficient de minima sociaux de les conserver lorsqu'ils retrouvent un travail. En fait, vous commencez par vous engager sur la voie du retour à l'emploi des « sans travail » avant de combattre la notion de « travailleur pauvre ».

Si je suis favorable à ce que l'on donne la priorité aux personnes aspirant à retrouver leur dignité dans le travail, à exister dans une société dans laquelle ils ont l'impression de ne plus avoir de place, il ne faudrait pas pour autant oublier les travailleurs pauvres. La commission « Famille, vulnérabilité, pauvreté » de 2005 visait tous les travailleurs pauvres, bénéficiaires ou non d'un minimum social, et le rapport rendu par cette commission fixait pour objectif d'amener tous les revenus au-dessus du seuil de pauvreté.

Je souhaite donc que l'expérimentation que vous envisagez dans 25 départements pendant trois ans prenne en compte dès maintenant la situation des travailleurs pauvres. C'est ma première proposition.

« Combattre la pauvreté des familles concerne toutes les politiques publiques : la politique fiscale, la politique économique et sociale, la politique familiale, celle de l'emploi, de la santé, de l'éducation, du logement ». Je m'arrête un instant sur le logement, un domaine qui m'est cher, pour examiner votre proposition, madame la ministre, d'exonérer les redevables de l'ISF d'un montant inférieur à 50 000 euros, si celui-ci est investi dans une PME.

Pourquoi ne pas permettre cette exonération dès lors que l'investissement du redevable est destiné aux entreprises solidaires au sens de l'économie sociale, investissant dans la production de logements d'insertion ? C'est ma deuxième proposition.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

C'est très intéressant ! Vous devriez écouter !

Debut de section - PermalienPhoto de Étienne Pinte

Dans le même esprit, puisque le logement social est une priorité pour tous, pourquoi ne pas déduire de l'assiette de l'ISF la valeur des logements loués à des niveaux de loyers conventionnés très sociaux ? C'est ma troisième proposition.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

C'est presque révolutionnaire ! Cela sent le soufre !

Debut de section - PermalienPhoto de Étienne Pinte

Enfin, comme je vous l'ai dit en commission, monsieur le haut commissaire, le projet de loi passe sous silence les aides apportées par les communes. Celles-ci offrent déjà aux personnes ayant des enfants à charge des prestations facultatives sous conditions de ressources. Il faudrait que le texte que nous examinons prévoie d'harmoniser les règles prévues avec celles existant déjà, afin qu'une augmentation des revenus des travailleurs pauvres n'ait pas pour conséquence une baisse des aides accordées par les communes. C'est ma quatrième proposition.

Malheureusement, le règlement de l'Assemblée nationale ne m'a pas permis de déposer à temps des amendements traduisant ces quatre propositions. Entre le dépôt du projet, l'examen en commission et la discussion générale, les délais sont beaucoup trop courts.

Debut de section - PermalienPhoto de Étienne Pinte

De ce fait, les députés ne peuvent pas accomplir convenablement leur travail législatif.

Debut de section - PermalienPhoto de Étienne Pinte

Cela étant, j'espère que mes propositions seront reprises par le Gouvernement et naturellement, je voterai ce texte qui, pour la première fois, s'attache à éradiquer la grande pauvreté. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Letchimy

Madame la ministre, le projet de loi du Gouvernement en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat est le premier texte dont notre assemblée est appelée à débattre. Je peux comprendre l'urgence, voire la précipitation, tant les enjeux sont importants pour la France et plus encore pour les pays d'outre-mer, touchés depuis des décennies par un mal- développement chronique.

Pour l'élu martiniquais que je suis, le travail, plus qu'une valeur, est un facteur de dignité, un élément de reconnaissance et de respect social. Je ne peux donc contester le principe sur lequel repose votre démarche. Je le peux d'autant moins que la philosophie politique qui m'habite repose sur le principe fondateur suivant : « La chance de la Martinique est le travail des Martiniquais. » Ce n'est pas de Confucius, madame, mais du poète de la conscience et de la négritude : Aimé Césaire. Ce principe nous tient lieu de guide. C'est dire l'importance que nous accordons à ce qui pourrait contribuer, par une mutation profonde, à l'instauration outre-mer d'une croissance économique capable de progrès et de justice sociale, capable de lutter sans concession contre ce fléau qu'est le chômage.

Si je partage donc l'ambition – c'est quasiment une obligation – de sortir des multiples impasses économiques et institutionnelles dans lesquelles la France et l'outre-mer se trouvent, afin d'ouvrir d'autres imaginaires et d'autres perspectives, il est par contre, madame la ministre, un élément qui nous sépare, du moins dans l'analyse sur laquelle repose votre projet. Nos conceptions respectives du progrès sont en effet très différentes. Pour ma part, je l'aurais souhaité plus solidaire et plus favorable à une alternative économique et à la responsabilité locale. Or c'est loin d'être le cas, notamment pour les pays d'outre-mer.

Dans l'économie martiniquaise, le travail est une denrée rare et faire le choix de privilégier l'accroissement de la durée du travail me laisse perplexe. Pour travailler, il faut de l'activité. La priorité, c'est donc la relance globale de l'activité économique. Oui, aujourd'hui, l'économie martiniquaise n'a de martiniquaise que le nom ! Elle tire sa richesse d'un système qui se valorise par l'importation et le profit au détriment d'une culture de production rurale et urbaine, créatrice d'activités et d'emploi.

Pour illustrer mon propos et éviter toute polémique sur l'origine des chiffres, je prendrai pour référence les chiffres officiels. Ceux de 2004 montrent que le chômage outre-mer est près de trois fois supérieur à celui de la France – 27,7 % contre 9,6 % – et que l'on recense dans ces régions six fois plus de RMIstes que dans l'Hexagone. Convertie en chiffres, plus parlants peut-être par leur extravagance même, l'irréelle situation qu'est celle de la Martinique se traduisait en mai 2007 par les deux chiffres suivants : 33 982 demandeurs d'emplois, et 31 521 bénéficiaires du RMI.

Vous comprendrez, madame la ministre, la préoccupation, l'obsession, devrais-je dire, de trop nombreuses familles martiniquaises. Pour elles, « chaque journée qui commence est une leçon de courage ». Travailler, d'abord travailler, avoir un emploi : telle est la hantise quotidienne de trop de pères et de mères de famille. C'est dire la portée toute relative que je prête à votre démarche, qui retient comme solution en faveur du travail l'augmentation du pouvoir d'achat par le recours aux heures supplémentaires !

Pour que cette solution, qui s'adresse exclusivement à ceux qui sont déjà salariés, soit pertinente, il est impératif que l'activité économique justifie et rende nécessaire ce volume d'heures supplémentaire. Tout est alors fonction de l'activité économique et des conditions du développement de celle-ci. Cette observation est aussi valable pour ce qui est du RSA : sans activité, ne serait-ce que dans l'économie sociale et solidaire, le sigle sera amputé de son « A ». Que faisons-nous alors outre-mer pour les 50 % de jeunes Martiniquais âgés de moins de vingt-cinq ans, qui privés de tout emploi, sont autant de cibles et de proies faciles pour les dérives de toute sorte ? La générosité de votre démarche ne s'adresse chez nous qu'à ceux qui sont déjà bénéficiaires de ce droit fondamental, constitutionnalisé depuis plus d'un demi-siècle.

Le vrai défi pour l'économie de l'outre-mer, dont le tissu est fait pour l'essentiel de très petites entreprises de moins de cinq salariés, est d'offrir un travail à chacun. L'enjeu réel pour l'économie de l'outre-mer est d'offrir un emploi au plus grand nombre et donc de faire en sorte que nos populations échappent à la fatalité d'une existence prisonnière de l'exclusion et des minima sociaux.

Au moment où la France entend répondre aux contraintes de la rupture, l'exigence fondamentale est de rendre aux populations de l'outre-mer la dignité par le travail pour leur permettre ainsi de rompre avec l'assistance. Dans nos sociétés plus qu'ailleurs, en effet, c'est le travail qui libère et l'assistance qui astreint. Vous voulez faire « travailler plus, pour gagner plus ». Mais pour nos populations outre-mer, et singulièrement les 33 982 chômeurs de la Martinique, travailler tout court serait déjà un incontestable progrès !

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Letchimy

La question du logement appellera aussi de ma part quelques réserves. La France s'est récemment honorée en faisant voter un droit au logement opposable. Votre projet nous propose aujourd'hui de faire de la France une terre de propriétaires. Dans des proportions différentes, la France et l'outre-mer sont des territoires où se développent et s'installent les mêmes misères. Ils ne peuvent donc ignorer les réalités accablantes que sont le nombre d'allocataires de minima sociaux, le nombre de mal-logés – deux à trois millions en France et outremer – les contingents de sans domicile fixe. Nos dépliants touristiques ne peuvent faire oublier qu'outre-mer, notre problème de logement ne se limite pas à la seule possibilité d'accéder aux crédits pour acquérir son logement.

Vous voulez faire de la France, une terre de propriétaires. Dans nos régions, nous faisons face, quant à nous, à d'incontournables et multiples exigences qui marquent de leurs sceaux la question de l'habitat. Nous devons loger des milliers de personnes qui attendent depuis trop d'années un logement décent. En 2006, les fonds de la ligne budgétaire unique ont été payés par les crédits de 2007. Je vous suggère de permettre à la défiscalisation de financer le logement social pour rattraper le retard. Nous devons surtout relever ce défi car l'habitat est le second facteur de dignité, voire de fierté. Sans travail et sans logement, l'homme n'est pas homme. Sans travail pour les parents et sans logement familial décent, l'enfant restera toujours sur le bord de la route, et l'école ne sera jamais pour lui le chemin de la réussite.

C'est pour toutes ces raisons que j'ai déposé, avec deux de mes collègues de l'outre-mer, un amendement visant à adapter à la situation de nos régions les mesures relatives au crédit d'impôt contenues dans l'article 3 du projet de loi. En l'état actuel, votre texte aurait, outre-mer, une application injuste sur le plan social puisqu'il ne bénéficierait qu'à ceux qui sont déjà en mesure de devenir propriétaires. On est là en pleine contradiction en termes de priorité budgétaire compte tenu de l'ampleur et des urgences en matière de financement du logement social tant au plan national qu'outre-mer.

Madame la ministre, l'imagination débordante de votre majorité contraste dangereusement avec l'absence de projets propres à l'outre-mer. Le côté marginal, voire anecdotique, de quelques textes tropicalisés au gré du bon vouloir ou de la compassion est à plus d'un titre inféodant au moment où le Président de la République plaide pour la diversité, pour l'intelligence et pour les initiatives régionales et locales.

Les faits sont têtus et on ne peut rien faire quand on s'affranchit des réalités du terrain. Votre majorité a procédé en mars 2003 à une révision constitutionnelle dont le but est de permettre une meilleure adaptation de la loi aux caractéristiques et contraintes particulières de chaque département et région d'outre-mer. C'est en se conformant à cette logique, qui constitue selon moi une nouvelle exigence, que nous travaillerons mieux et que nous ferons plus pour l'outre-mer, à condition d'être à même de répondre à un nouveau droit, sortant du standard et du dogme national : le droit au développement capable d'inventions et d'impulsions, car porté par des initiatives des territoires et la responsabilité locale.

À ces conditions, nous pourrons alors définir une véritable politique de l'emploi, de l'aménagement et du développement pour répondre sans exclusion, à une dynamique de progrès qui n'ignore ni la dignité humaine ni les réalités territoriales. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Debut de section - PermalienPhoto de Lionel Tardy

Madame la présidente, madame la ministre, messieurs les secrétaires d'État, monsieur le haut-commissaire, messieurs les rapporteurs, chers collègues, c'est avec une certaine émotion que je prends aujourd'hui la parole dans cet hémicycle, pour la première fois. Nouvel élu de Haute-Savoie, je souhaite tout d'abord adresser une pensée à celles et ceux qui m'ont élu et m'ont fait confiance pour les représenter au sein de cette Assemblée.

Debut de section - PermalienPhoto de Lionel Tardy

Si j'ai souhaité intervenir sur ce projet de loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, c'est pour relayer ici les préoccupations et les attentes des Français que j'ai rencontrés pendant la campagne. Tous, qu'ils soient chefs d'entreprises, salariés, actifs des professions libérales, à temps complet ou partiel, m'ont dit leur inquiétude face au chômage, leur souhait de travailler pour une juste rémunération et leur besoin d'un meilleur pouvoir d'achat. En un mot, ils ont exprimé le besoin de notre pays de connaître, enfin, une véritable relance de notre économie.

Le projet de loi que vous présentez, madame la ministre, répond en très grande partie à cette urgente nécessité qui passe, vous l'avez dit, par la réhabilitation du travail. Le chef d'entreprise que je suis ne peut que se réjouir de voir aujourd'hui le travail remis au centre des engagements et de la politique économique et sociale du Président de la République et de son gouvernement.

Le texte que nous examinons propose une série de mesures qui vont dans le bon sens. Elles vont permettre en effet à nos entreprises, en particulier petites et moyennes, de retrouver un peu de souffle. Je retiendrai en priorité la question des heures supplémentaires, la possibilité donnée aux assujettis à l'ISF d'investir jusqu'à 50 000 euros dans une PME et, enfin, l'allégement des droits de succession.

S'agissant des heures supplémentaires, vous proposez, madame la ministre, leur détaxation pour tous les salariés, quels qu'ils soient, tout en veillant à maintenir l'avantage compétitif dont bénéficient les PME. C'est une bonne chose. Il est effectivement très positif de rémunérer à plus 25 % les heures supplémentaires, quelle que soit la taille de l'entreprise. Cela permettra un rééquilibrage des avantages des petites entreprises en termes de compétitivité. Je crois cependant qu'un effort supplémentaire aurait pu être fait en particulier en direction des entreprises de moins de vingt et un salariés. Pour elles, madame la ministre, le dispositif aurait pu être plus simple et surtout plus incitatif. En effet, dans le cas d'une entreprise de cette taille et pour un salarié payé au-dessus de 1,4 SMIC, le barème forfaitaire ne compense pas le coût engendré par le passage de 10 % à 25 %. Le coût des heures supplémentaires augmentant sensiblement, les dispositions que vous présentez deviennent nettement moins incitatives.

Je sais que des ajustements seront fixés par décret. Mais permettez-moi d'insister. Il serait véritablement nécessaire de permettre cette compensation jusqu'à deux SMIC. Cette réduction forfaitaire des cotisations patronales devrait être au moins fixée à 2,50 euros par heure supplémentaire effectuée dans les entreprises de moins de vingt et un salariés pour éviter ce surcoût si peu incitatif.

De la même façon, ce forfait devrait être fixé à 1 euro par heure supplémentaire effectuée dans les entreprises de vingt et un salariés et plus.

Si l'ensemble du dispositif de l'article 1er est globalement satisfaisant, un petit effort serait donc le bienvenu pour qu'il devienne optimal.

Sur l'article 1er toujours, je tenais à faire part de mon soutien à l'amendement de la commission des affaires économiques sur l'acquisition ou la mise à jour des logiciels de gestion de la paye. Les nouvelles dispositions relatives aux heures supplémentaires rendront nécessaires en effet une adaptation de ces logiciels et engendreront donc des frais nouveaux pour les PME. Permettre l'amortissement exceptionnel de ces surcoûts est une très bonne mesure et je tenais à saluer l'excellente initiative du rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, M. Taugourdeau.

Quant à la capacité offerte aux redevables de l'ISF d'investir jusqu'à 50 000 euros dans une PME : cette mesure va permettre aux PME de relancer leur croissance. Les PME sont à la source de l'activité économique en France. Elles sont les garantes de notre développement économique et de la préservation de notre lien social. Mais vous le savez, madame la ministre, la grande difficulté des PME est de trouver des financements leur permettant de grandir. Avec l'article 6 de ce projet de loi, vous leur apportez un peu d'air et vous leur redonnez confiance. Vous incitez également nos concitoyens à investir dans une PME à laquelle ils choisissent de croire. Tout cela est excellent pour le moral de nos petites et moyennes entreprises, qui n'ont souvent pas les capitaux suffisants pour travailler à l'export. Cet avantage fiscal bon pour les petites entreprises est, à terme, bon pour nos emplois et donc pour la nation tout entière.

Enfin, les dispositions que vous souhaitez mettre en oeuvre pour alléger les droits de succession et de donation vont dans le bon sens. Elles auront un effet tout à fait positif dans le cadre des transmissions d'entreprises. Une première étape avait été franchie par le précédent gouvernement, qui avait aligné les plus-values mobilières sur les plus-values immobilières. Aujourd'hui, madame la ministre, vous nous permettez de franchir une seconde étape importante. Oserais-je dire qu'il faut aller plus loin encore que les 150 000 euros prévus dans ce premier dispositif ? En effet, pour 500 000 entreprises en France, la question de la transmission est vitale : il s'agit souvent davantage d'un parcours du combattant, sans garantie de reprise à la clef. Une récente étude montre que 37 % seulement des entreprises dont le dirigeant est parti en retraite ont fait l'objet d'une reprise, sous une forme ou sous une autre – vente, donation, etc. – et que 55 % de cette catégorie de dirigeants n'envisageaient pas de vendre. Les entreprises disparaissent ou partent à l'étranger. Pour éviter cette hémorragie, dévastatrice en termes d'emploi, le dispositif que vous nous présentez aujourd'hui permet de franchir un cap important. C'est, là encore, une bonne chose.

Madame la ministre, avec ce projet de loi, vous faites preuve d'une vraie volonté politique d'aller de l'avant pour insuffler un nouvel élan au monde entrepreneurial ! Nous ne pouvons que nous en réjouir. La revalorisation du travail est enfin à l'ordre du jour, et c'est une condition essentielle de la vitalité de nos entreprises, notamment les plus petites d'entre elles, qui sont en France aujourd'hui les vrais créateurs d'emplois.

Je voterai donc en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

Aujourd'hui, mercredi 11 juillet 2007, à neuf heures trente, première séance publique :

Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, n° 4, en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat :

Rapport, n° 62, de M. Gilles Carrez, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du plan,

Avis, n° 61, de M. Dominique Tian, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales,

Avis, n° 59, de M. Jean-Charles Taugourdeau, au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire,

Avis, n° 58, de M. Sébastien Huygue, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

À quinze heures, deuxième séance publique :

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

À vingt et une heures trente, troisième séance publique :

Suite de l'ordre du jour de la première séance.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mercredi 11 juillet 2007, à une heure quinze.)

Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,

Jean-Pierre Carton