En effet, lorsque les Français entendent parler de hausse de leur pouvoir d'achat, ils peuvent légitimement penser qu'il s'agit de mesures concrètes et applicables à tous. Or, et c'est sans doute le plus choquant dans ce projet de loi, toutes les mesures proposées s'appliquent en fait à chaque fois à une minorité de personnes. Les salariés à qui on ne propose pas d'heures supplémentaires seront par exemple exclus du bénéfice de l'article 1er. Pour bénéficier d'une détaxation des heures supplémentaires, il faudra non seulement être particulièrement bien payé, mais encore pouvoir faire des heures supplémentaires !
Pour la récupération des intérêts d'emprunt, c'est pareil : seules les personnes ayant les moyens d'accéder à la propriété pourront en bénéficier. Les locataires sont donc priés de s'adresser ailleurs pour voir leur pouvoir d'achat augmenter. Sans parler de celles et ceux qui ont acquis leur résidence principale il y a plus de cinq ans, puisqu'ils ne bénéficieront d'aucun avantage.
La même logique « excluante » est encore à l'oeuvre en ce qui concerne l'exonération fiscale pour les étudiants qui travaillent. On pourrait penser que la priorité est que les étudiants se concentrent sur leurs études. Eh bien non, avec votre dispositif, ce sont encore les familles qui ont les plus hauts revenus – donc celles dont les enfants ont en principe le moins besoin de travailler pour payer leurs études – qui bénéficieront d'un avantage fiscal. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je voudrais à présent dire un mot de cette question récurrente de la « valeur travail ». Pour ma part, je n'ai pas l'impression, bien qu'ayant comme vous fait campagne et rencontré beaucoup de gens lors de ces dernières semaines, de vivre dans un pays de fainéants ou d'oisifs, comme on l'a entendu cet après-midi. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical et citoyen.) Je croyais, naïvement sans doute, que si l'on voulait revaloriser le travail, on parlerait d'augmentation des salaires ou d'amélioration des conditions de travail. Ce sont là en effet des problèmes concrets pour beaucoup de nos concitoyens qui ont un travail pénible. On aurait aussi pu parler de lutter contre les accidents du travail, qui sont en recrudescence, ou de réduire les maladies liées au travail. Eh bien non, tout ce discours sur le travail vous amène en fait à proposer le bouclier fiscal et l'exonération des droits de succession !