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Intervention de Lionnel Luca

Réunion du 10 juillet 2007 à 21h30
Travail emploi et pouvoir d'achat — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLionnel Luca :

Les autres – la Belgique, l'Allemagne ou le Royaume-Uni – les ont réduits au point qu'ils sont devenus insignifiants.

En 1998, dans un rapport d'information parlementaire sur la fiscalité du patrimoine, le député socialiste Didier Migaud, rapporteur général du budget, écrivait que « les droits de succession et de donation constituent un impôt frappant essentiellement les contribuables détenant des patrimoines de moyenne importance et n'ayant pas su ou pu organiser leur transmission. » On ne saurait mieux dire ! En 2001, Nicolas Sarkozy écrivait, dans son livre Libre, que « l'impôt ayant été payé à de nombreuses reprises sur le fruit de leur travail, il serait moral que l'État ne taxe pas cette ultime transaction qui n'en est pas une et qui consiste, à la suite d'un décès, à transmettre à la génération qui suit le capital de la génération qui a précédé. » En 2004, j'avais moi-même déposé, avec 110 de mes collègues, une proposition de loi tendant à supprimer les droits de succession.

Dans son discours du 14 janvier dernier, Nicolas Sarkozy prenait l'engagement suivant : « Je veux que chaque Français puisse transmettre en franchise d'impôt sur les successions le fruit d'une vie de labeur. On n'a pas à s'excuser d'avoir un patrimoine en contrepartie de son travail. » Et il affirmait sa volonté que 95 % des Français soient exonérés de ces droits.

Le texte qui nous est soumis exonère totalement le conjoint survivant. Ce n'est que justice, car comment concevoir que l'on puisse exiger de l'un des deux époux qu'il paye pour avoir le droit de vivre là où il a toujours vécu avec son conjoint ? S'agissant des héritiers directs, l'abattement individuel est relevé de 50 000 à 150 000 euros. Cette mesure me semble toutefois insuffisante pour tenir l'engagement du Président, qui a souhaité que 95 % des Français soient exonérés. En effet, dans de nombreux départements où la pression foncière est forte, voire spéculative, ces allégements, certes appréciables, n'empêcheront pas que des familles soient spoliées du fruit de leur labeur.

À défaut de suppression, on aurait pu espérer une réforme plus hardie qui complète le seul relèvement de l'abattement, par une réduction du nombre de tranches, par une indexation sur le taux de l'inflation, par l'application du même barème à toutes les successions quel que soit le lien de parenté, par l'exonération de la résidence principale ou par une incitation plus forte aux dons en faveur d'organismes d'intérêt général. Faute de telles mesures, il est à craindre que les droits de succession restent une des raisons de l'expatriation (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical et citoyen) et demeure un coût pour la nation. Xavier Badin, maître de conférences à l'université de Tours, a ainsi pu démontrer, à partir d'une estimation basse, que le coût interne de cette imposition, avec les dépenses de personnel et de fonctionnement, peut être évalué à quelque 320 millions d'euros, tandis que son coût externe se traduit par la non-création de 80 000 emplois, par une perte de recettes d'1 million d'euros pour la sécurité sociale et de 850 000 euros pour l'assurance chômage, sans compter les fortunes expatriées et les pertes de recettes de TVA, estimées au minimum à environ 600 000 euros.

Je souhaite donc, madame la ministre, qu'une évaluation précise des effets de ces mesures soit faite rapidement, car les Français les attendent depuis la campagne présidentielle.

Enfin, en ce qui concerne l'ISF – dont je rappelle que la Suède a récemment décidé de le supprimer totalement –, je suis favorable à la proposition d'un bouclier fiscal ramené à 50 %, mais je souhaiterais vous faire part d'une suggestion concernant sa base d'évaluation. Plutôt que de retenir la valeur vénale d'un bien immobilier – le marché étant trop souvent spéculatif –, il serait juste et équitable d'utiliser la méthode dite du réajustement d'une valeur antérieure, qui prenne seulement en compte l'inflation et l'érosion monétaires. On peut d'ailleurs penser que c'est cette méthode qui a été retenue pour estimer une maison située du côté de Mougins et dont on a beaucoup parlé il y a quelque temps.

Nous vivons en Absurdie, puisque notre système fiscal impose le patrimoine à plusieurs reprises : lors de sa constitution avec l'impôt sur le revenu, lors de sa détention avec les taxes foncières et l'ISF et lors de sa transmission avec l'impôt sur les plus-values et les droits de succession. Toutes ces impositions provoquent la fuite des capitaux et des cerveaux, la délocalisation des entreprises et des emplois.

C'est dire l'importance des réformes que vous nous proposez. Elles marquent une étape que je souhaite, pour ma part, voir prolongée, pour que la France rejoigne la modernité et la compétitivité et pour que tous retrouvent la prospérité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

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